que <strong>de</strong>s régulations collectives n’auront pas imposé<strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> travail ou <strong>de</strong> rémunérations.3.8. Des porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> en nombreinsuffisantLe <strong>de</strong>rnier obstacle endogène – <strong>et</strong> non le moindre –au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>est le nombre insuffisant <strong>de</strong> porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>. Deuxraisons au moins peuvent être invoquées <strong>pour</strong>l’expliquer. Premièrement, si <strong>de</strong> nombreuses personnesont un fort goût d’entreprendre <strong>et</strong> d’autres ungrand sens <strong>de</strong> l’intérêt général, les <strong>de</strong>ux qualités ne serencontrent pas nécessairement chez les mêmes personnes.Une large partie <strong>de</strong>s personnes qui déclareleur intérêt <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>préfère travailler comme salariés dans les structuresexistantes ou travailler dans les structures parapubliquesou professionnelles qui concourent à son<strong>développement</strong>, plutôt que <strong>de</strong> se lancer dansl’aventure d’un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> création. En outre, nombre<strong>de</strong> créations d’activités dans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> relèvent <strong>de</strong> l’ « économie kebab », c’est-àdire<strong>de</strong> créations qui témoignent <strong>de</strong>s conditions trèsdégradées du marché du travail qui conduisent <strong>de</strong>jeunes diplômés à auto-créer leur emploi fauted’accé<strong>de</strong>r à l’emploi salarié. En témoignent tout particulièrementles nombreuses structures <strong>de</strong> conseil, <strong>de</strong>communication, <strong>de</strong> formation ou d’informationautour du concept même d’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> qui survivent en bénéficiant d’emplois aidés<strong>et</strong> du soutien <strong>de</strong>s collectivités territoriales …La secon<strong>de</strong> raison a déjà été évoquée : l’entrepreneursocial <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> évite <strong>de</strong> nombreux secteurs <strong>pour</strong><strong>de</strong>s raisons qui tiennent à sa perception <strong>de</strong> leur faibleutilité <strong>sociale</strong>, ou encore aux conditions <strong>de</strong> travail ou<strong>de</strong> rémunération qui les caractérisent, ou enfin auvolume <strong>de</strong> capitaux qu’il faudrait mobiliser. Historiquement,l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est parvenueà prospérer dans <strong>de</strong>s secteurs où les barrières àl’entrée sont désormais extrêmement hautes <strong>pour</strong><strong>de</strong>s raisons économiques ou réglementaires (banque,assurance, <strong>et</strong>c.). Dans d’autres, à l’inverse, il <strong>de</strong>meureaisé d’être nouvel entrant, mais le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>l’activité suppose <strong>de</strong> parvenir à mobiliser <strong>de</strong>s soutienspublics (secteur social, culturel, sportif, <strong>et</strong>c.) : il nesuffit pas <strong>de</strong> se proclamer « entrepreneur social »<strong>pour</strong> résoudre la question <strong>de</strong> la solvabilisation <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> services sociaux ! Toutes ces difficultésont <strong>pour</strong> résultat qu’une partie <strong>de</strong>s jeunes quisouhaiteraient s’investir dans ce secteur finissent pary renoncer. Comme nous l’avons noté plus haut, latrès forte corrélation entre le niveau <strong>de</strong>s prélèvementsobligatoires <strong>et</strong> le <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’emploidans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> s’observeégalement au niveau <strong>de</strong> la création d’activités : pasfacile <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux services sociaux <strong>et</strong><strong>solidaire</strong>s quand les subventions se font rares !30
<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?4. <strong>Quel</strong>le place <strong>pour</strong> l’ESS dans une économie soutenable<strong>et</strong> démocratique ?En dépit <strong>de</strong> toutes les limites <strong>et</strong> tous les freins au<strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>hors <strong>de</strong> ses secteurs actuels, nombre d’acteurs affirment<strong>de</strong> manière répétée qu’il est temps <strong>pour</strong> l’ESS <strong>de</strong>s’affirmer <strong>et</strong> <strong>de</strong> changer d’échelle : <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> lamarginalité, <strong>de</strong> la phase d’expérimentation ou encored’une dimension purement réparatrice. A titred’exemple, un colloque organisé récemment par leConseil <strong>de</strong>s entreprises, Employeurs <strong>et</strong> Groupements<strong>de</strong> l'Economie Sociale (Ceges) <strong>et</strong> le quotidien LesEchos portait un titre évocateur : « Economie <strong>sociale</strong>,les marchés à conquérir ». C’est dans le même espritqu’ont été préparés les Etats généraux <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, réunis à Paris, les 18 <strong>et</strong> 19 juin2011, à l’initiative du Labo-ESS <strong>et</strong> son fondateurClau<strong>de</strong> Alphandéry.L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est assurément enphase avec les attentes du mon<strong>de</strong> politique, soucieux<strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver <strong>de</strong> la légitimité en affirmant sa capacitéd’agir dans le champ économique <strong>et</strong> social. Le proj<strong>et</strong>d’une économie portée par la société civile, ancréedans les territoires, est <strong>de</strong> nature à séduire lesresponsables politiques, <strong>et</strong> pas seulement à gauche.Néanmoins, les principaux partis <strong>de</strong> gouvernement luiassignent une fonction avant tout <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> défensive,ce qui est somme toute assez logique au vu,d’une part, <strong>de</strong> ce que constituent aujourd’hui les grosbataillons <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ; d’autrepart, <strong>de</strong> la confusion sémantique qui règne entreéconomie <strong>sociale</strong>, économie <strong>solidaire</strong>, entrepreneuriatsocial, social business…L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> peut néanmoins sedévelopper, commencer à sortir <strong>de</strong> sa marginalité,surtout si elle obtient un soutien fort <strong>de</strong>s pouvoirspublics, aussi bien au niveau <strong>de</strong> l’Etat que dans lesterritoires, notamment dans ses domaines d’activitéhistoriques. C’est donc un signe très encourageantque <strong>de</strong>s responsables politiques s’y intéressent, <strong>et</strong>s’efforcent <strong>de</strong> la promouvoir à leur niveau, via lacomman<strong>de</strong> publique <strong>et</strong> la reconnaissance <strong>de</strong> l’utilité<strong>sociale</strong> spécifique <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ses activités.L’essor <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> répond aussià la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>sociale</strong>. Un nombre significatif <strong>de</strong>jeunes, dans les générations présentes, aspirent à voirle résultat <strong>de</strong> ce qu’ils font, à être autonomes, àprendre <strong>de</strong>s initiatives – autant <strong>de</strong> qualités attenduesd’un entrepreneur –, mais veulent aussi un travail quia un sens, qui sert l’intérêt général, <strong>et</strong> qui leurperm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> gagner correctement leur vie sansnécessairement être plus riches que le voisin…Du côté <strong>de</strong>s consommateurs, enfin, un nombrecroissant <strong>de</strong> personnes développe une vision critique<strong>de</strong> la consommation opulente, <strong>et</strong> aspirent à dépenserleur argent en ach<strong>et</strong>ant <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services produitspar <strong>de</strong>s filières écologiquement soutenables <strong>et</strong><strong>sociale</strong>ment intégratrices. Tous ces facteurs jouentfavorablement au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.4.1. Le proj<strong>et</strong> d’une économie soutenable <strong>et</strong>démocratique est en phase avec les valeursportées par une partie <strong>de</strong> l’ESS.La conversion <strong>de</strong> notre économie vers un modèle plusdémocratique <strong>et</strong> soutenable, conversion à la foisnécessaire <strong>et</strong> souhaitable, <strong>de</strong>vrait ainsi se révélerfavorable au <strong>développement</strong> d’organisations qui sereconnaissent dans l’ESS, <strong>et</strong> inversement.Une société soucieuse <strong>de</strong> réduire ses consommationsmatérielles <strong>et</strong> <strong>de</strong> privilégier le bien-être <strong>de</strong> sesmembres donnerait ainsi plus <strong>de</strong> place aux servicesaux personnes, aux dynamiques territoriales <strong>de</strong>proximité, aux circuits courts, aux énergies renouvelables,au recyclage généralisé. Elle privilégierait ladémocratie à tous les niveaux, ce qui serait favorableaux sociétés <strong>de</strong> personnes, associant les différentesparties prenantes intéressées à leur activité. Un telprogramme fait écho aux préoccupations <strong>de</strong> nombreusesstructures qui revendiquent leur appartenanceà l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. De même,une telle société encouragerait un nouvel équilibreentre travail salarié – dans un cadre marchand ou nonmarchand –, activité bénévole <strong>et</strong> travail domestique,ce qui constitue, là encore, une évolution en phaseavec les préoccupations affichées par une partie <strong>de</strong>sorganisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.Reste à mesurer à quelles conditions <strong>et</strong> avec quelleslimites l’ESS peut contribuer à aller dans c<strong>et</strong>te voie.31