<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est au mieux un argument <strong>de</strong>mark<strong>et</strong>ing, au pire une caractéristique que l’on cache.L’absence d’actionnaires à rémunérer a surtout permis<strong>de</strong> soutenir <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> croissance ambitieuses.Les initiatives en matière <strong>de</strong> finance <strong>solidaire</strong> qui ontémergé au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies sont <strong>pour</strong> laplupart nées hors du secteur financier coopératif, enlien avec la tradition caritative du secteur associatif(que ce soit <strong>pour</strong> financer <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>développement</strong>au Sud, la création d’emplois d’insertion parl’activité économique, l’accès au logement ou à lacréation d’entreprise par <strong>de</strong>s exclus). D’autres initiativesse sont développées sur une base communautaire(finance <strong>solidaire</strong> <strong>de</strong> proximité) afin <strong>de</strong> relancerl’emploi sur <strong>de</strong>s territoires données, ou afin <strong>de</strong> promouvoir<strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> production jugées plus utiles<strong>sociale</strong>ment (agriculture biologique, énergies renouvelables,économie <strong>de</strong> fonctionnalité). Certainesbanques sont venues ensuite accompagner ce mouvement.Il <strong>de</strong>meure cependant marginal au regard duvolume global <strong>de</strong> la collecte <strong>et</strong> du crédit ; l’action <strong>de</strong>la Caisse <strong>de</strong>s dépôts <strong>et</strong> consignations <strong>pour</strong> ai<strong>de</strong>r au<strong>développement</strong> d’une finance <strong>solidaire</strong> a souvent étéplus importante que celle du mouvement coopératif.Ce n’est pas un hasard dans la mesure où la Caisse<strong>de</strong>s dépôts a vu dans ce <strong>développement</strong> une manièreindirecte d’atteindre les objectifs d’intérêt général quilui sont confiés par la puissance publique.Tableau 10. Les banques coopérativesBanqueNombre <strong>de</strong>sociétairesNombre <strong>de</strong>structuresNombre <strong>de</strong>salariésChiffre d’affaires (enmillions d’€)Groupe BPCE (1) 7 700 00020 banques pop ;17 Caissesd’épargne ;2 fédé. nation.8200 agences127 000Produit n<strong>et</strong> bancaire21 200Bilan 1 029 000Clients : 37 millionsdont groupe CréditCoopératif (2)48 000(32 514 personnesmorales + 15 487personnesphysiques)14 établissementsassociés72 agences 1 968Produit n<strong>et</strong> bancaire369Bilan 11 580Clients : 323 700Crédit Agricole (3) 6 500 0002540 Caisseslocales39 Caissesrégionales11500 agences160 000Crédit Mutuel (4) 7 400 000 5 831 guich<strong>et</strong>s 72 465Produit n<strong>et</strong> bancaire13 600Produit n<strong>et</strong> bancairegroupe 31 300Bilan 1 694 000Clients : 59 millionsProduit n<strong>et</strong> bancaire :13 600Bilan : 579 038Clients : 23,3 millionsSource : www.entreprises.coop, données 2009.1. BPCE, organe central commun aux Caisses d'Epargne <strong>et</strong> aux Banques Populaires, a été créé le 31 juill<strong>et</strong> 2009.2. Le Crédit Coopératif est l'une <strong>de</strong>s Banques Populaires du Groupe BPCE.3. Les données du Crédit Agricole concernent les agences, le nombre <strong>de</strong> salariés, le PNB groupe <strong>et</strong> le bilan <strong>et</strong> le nombre <strong>de</strong> clients sontrelatives à la totalité du Groupe (y compris LCL <strong>et</strong> CASA notamment)4. Données <strong>pour</strong> le Groupe Crédit Mutuel.60
<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2.2. Les coopératives agricoles : maîtriserl’amont <strong>et</strong> l’aval <strong>de</strong> la filièreLe mon<strong>de</strong> coopératif occupe une place à part dans lemon<strong>de</strong> agricole <strong>et</strong> agro-alimentaire, puisque les <strong>de</strong>uxtiers <strong>de</strong>s agriculteurs sont membres d’au moins unecoopérative, <strong>et</strong> qu’on estime que les coopérativesagricoles représentent aujourd’hui 40 % <strong>de</strong> l’industrieagroalimentaire en France. Les coopératives agricolesont d’ailleurs développé <strong>de</strong> nombreuses marques :Yoplait dans les produits laitiers frais, Ban<strong>et</strong>te enmeunerie, Delpeyrat (foie gras contribuant à valoriserles productions <strong>de</strong> maïs <strong>de</strong> la coopérative Maïsadour),Nicolas Feuillate (marque <strong>de</strong> champagne indépendante<strong>de</strong>s « maisons » traditionnelles), <strong>et</strong>c.De même que la création <strong>de</strong> caisses locales <strong>de</strong> Créditagricole a permis aux agriculteurs d’échapper au pouvoir<strong>de</strong>s usuriers, les coopératives d’approvisionnementleur ont permis <strong>de</strong> développer un meilleur rapport<strong>de</strong> force vis-à-vis <strong>de</strong> leurs fournisseurs, <strong>et</strong> donc<strong>de</strong> réduire le coût <strong>de</strong>s intrants. Quant aux coopératives<strong>de</strong> commercialisation/transformation, ellesleur ont permis <strong>de</strong> réduire le poids du négoce, par exempleen développant <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> stockageperm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> mieux gérer la mise sur le marché,mais aussi en développant <strong>de</strong>s outils industriels perm<strong>et</strong>tant<strong>de</strong> mieux valoriser les produits. Ces stratégiesont assuré <strong>de</strong>s débouchés aux productionsagricoles, elles ont aussi parfois conduit à renverser lerapport <strong>de</strong> force entre les agriculteurs <strong>et</strong> leur coopérative; c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière, au nom même <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong>sagriculteurs, leur imposant souvent ses choix industriels(choix <strong>de</strong> production, <strong>de</strong> techniques adoptées<strong>et</strong> <strong>de</strong> prix <strong>de</strong> vente). Les servantes sont ainsi souvent<strong>de</strong>venues maîtresses <strong>et</strong> ont largement contribué à diffuserun modèle productiviste aujourd’hui contesté.Cependant, le poids <strong>de</strong>s coopératives dans l’industrieagroalimentaire doit être relativisé : elles <strong>de</strong>meurentsurtout présentes dans la commercialisation <strong>et</strong> la premièr<strong>et</strong>ransformation <strong>de</strong>s produits agricoles. Et quan<strong>de</strong>lles sont parvenues à développer <strong>de</strong>s produitstransformés associés à <strong>de</strong> fortes marques – Yoplaitpar exemple –, leur différenciation à l’égard <strong>de</strong> leursconcurrentes capitalistes n’est guère affirmée, qu’ils’agisse du prix payé au producteur, <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>sproduits proposés, <strong>et</strong>c. Les difficultés rencontrées parla SODIALL, groupe coopératif à l’origine <strong>de</strong> Yoplait,finalement tombé sous la coupe <strong>de</strong> General Mills,illustrent que la coopération peut se révéler moinscompétitive sans <strong>pour</strong> autant toujours mieux rémunérerles producteurs.Le partage d’équipements <strong>de</strong> production, à travers lescoopératives d'utilisation du matériel agricole(CUMA), est plus proche <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> la coopération<strong>de</strong> production. La constitution <strong>de</strong>s groupementsagricoles d'exploitation en commun (GAEC) peutégalement s’en rapprocher, à ceci près que chaqueassocié <strong>de</strong>meure pleinement propriétaire <strong>de</strong> sonexploitation.Dans c<strong>et</strong>te perspective, l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>représente toute la diversité du mon<strong>de</strong> agricole. A unextrême <strong>de</strong> l’éventail, les Associations <strong>pour</strong> le maintiend’une agriculture paysanne (AMAP) promeuvent<strong>de</strong>s circuits courts <strong>et</strong> une alimentation à la foisrespectueuse <strong>de</strong> l’environnement <strong>et</strong> <strong>de</strong> bonne qualiténutritive, selon une logique proche <strong>de</strong> celle défenduepar le mouvement Slow food. A l’autre extrême, legroupe Limagrain, puissante coopérative qui compteparmi les lea<strong>de</strong>rs mondiaux <strong>de</strong>s semences <strong>et</strong><strong>de</strong>meure un acteur majeur <strong>de</strong> la recherche <strong>et</strong> <strong>de</strong> laproduction d’OGM.Les nouvelles tendances du mon<strong>de</strong> agricole fondéessur le <strong>développement</strong> du bio, la recherche <strong>de</strong> filièrescourtes (AMAP, magasins Biocoop, <strong>et</strong>c.), <strong>et</strong> l’ai<strong>de</strong> àl’installation <strong>de</strong> nouveaux exploitants (ex : Terre <strong>de</strong>Liens) s’opèrent néanmoins hors du champ du mon<strong>de</strong><strong>de</strong> la coopération agricole classique, même si les formesprises par la montée en puissance <strong>de</strong> certainsAMAP réinventent le modèle <strong>de</strong> la coopération.2.3. Les coopératives <strong>de</strong> commerçants oul’indépendance <strong>solidaire</strong>Le troisième secteur où la coopération joue un rôleessentiel est celui <strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong> commerçants,regroupant <strong>de</strong>s indépendants associés <strong>pour</strong> mieuxnégocier les conditions d’achat <strong>et</strong>/ou partager unemarque commune qui leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> communiquer<strong>et</strong> <strong>de</strong> s’affirmer face à <strong>de</strong>s entreprises capitalistes <strong>de</strong>plus gran<strong>de</strong> taille. Les grands groupes coopératifs <strong>de</strong>commerçants ont réussi à jouer un rôle majeur dansla mutation du commerce français ; on les r<strong>et</strong>rouvenotamment <strong>de</strong>rrière l’essor <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution.Les Centres E. Leclerc <strong>et</strong> le groupe Système U(Intermarché a quant à lui quitté le mon<strong>de</strong> coopératif)– sont parvenus à s’imposer, à la différence <strong>de</strong>scoopératives <strong>de</strong> consommation qui n’ont pas réussi ànégocier ce virage stratégique <strong>et</strong> ont en gran<strong>de</strong> partiedisparu. Les coopératives <strong>de</strong> commerçants sontsurtout connues <strong>pour</strong> leur position dans le secteur <strong>de</strong>la gran<strong>de</strong> distribution à dominante alimentaire, oùelles rassemblent désormais <strong>de</strong>s entreprises quipeuvent être individuellement <strong>de</strong> taille significative(un grand hypermarché fait plusieurs centaines <strong>de</strong>millions d’euros <strong>de</strong> CA), elles ont cependant permiségalement à <strong>de</strong>s commerces <strong>de</strong> plus p<strong>et</strong>ite taille <strong>de</strong>résister à la concurrence <strong>de</strong>s réseaux détenus enpropre ou franchisés par <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitaux(Krys, Intersport, Best Western, <strong>et</strong>c.).61