4.2. Les organisations <strong>de</strong> l’ESS doiventadopter une gouvernance réellementdémocratique qui donne envieLa gouvernance démocratique dont se prévaut l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est très spécifique. Leprocessus démocratique s’y développe dans <strong>de</strong>sconditions très différentes <strong>de</strong> celles qui dominent àl’échelle <strong>de</strong> la société tout entière, notamment entermes <strong>de</strong> pluralisme <strong>et</strong> d’alternance.La gouvernance démocratique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a d’abord <strong>pour</strong> obj<strong>et</strong>d’assurer la pérennité <strong>de</strong> leur obj<strong>et</strong> social <strong>et</strong>, enpratique, la reproduction du groupe qui l’incarne.Chaque famille <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>,selon son statut, donne le pouvoir à une catégoriespécifique d’acteurs : bénévoles dans les associations,adhérents dans les mutuelles, sociétaires ou associésdans les coopératives… Il serait donc souhaitabled’aller vers <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> gouvernance associant lesdifférentes parties prenantes en due proportion <strong>de</strong>leur intérêt, afin <strong>de</strong> donner plus d’épaisseur à la viedémocratique. Les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> affirment, en règle générale, inscrireleur proj<strong>et</strong> dans une démarche d’intérêt général, au<strong>de</strong>là<strong>de</strong>s intérêts particuliers <strong>de</strong> leurs adhérents,sociétaires ou associés. En pratique, néanmoins, lamajorité <strong>de</strong>s dirigeants du secteur refuse aujourd’huitoute ouverture <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> gouvernance à <strong>de</strong>sadministrateurs extérieurs qui viendraient bri<strong>de</strong>r leurautonomie. Ce refus est légitime : l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> n’a pas à s’aligner sur les normes <strong>de</strong>ssociétés <strong>de</strong> statut capitaliste, qui n’ont pas la mêmeexigence démocratique. Pour autant, il ne serait pasinutile, au nom même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te exigence, d’apporterun peu <strong>de</strong> diversité au sein <strong>de</strong>s organes <strong>de</strong>gouvernance, même si ce principe doit se déclinerdifféremment selon les organisations <strong>et</strong> les statuts.Si l’on m<strong>et</strong> à part les Scop, qui n’occupent qu’une placemarginale au sein <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>avec leurs 40 000 salariés, élargir la gouvernance àtoutes les parties prenantes, c’est d’abord y associerles salariés qui produisent le service <strong>et</strong>/ou ceux qui enbénéficient. L’enjeu est <strong>de</strong> faire bénéficier la structuredu r<strong>et</strong>our d’expérience <strong>de</strong>s salariés au lieu <strong>de</strong> lescantonner à un rôle d’exécutants <strong>de</strong> missions définiesen <strong>de</strong>hors d’eux. Les associations du secteur sanitaire<strong>et</strong> social, notamment, <strong>de</strong>vraient également associersystématiquement à leur gouvernance <strong>de</strong>s représentants<strong>de</strong>s bénéficiaires ou usagers <strong>de</strong> leurs services.Dans c<strong>et</strong>te perspective, l’expérience <strong>de</strong>s sociétéscoopératives d’intérêt collectif (SCIC) est intéressantedans la mesure où ce statut perm<strong>et</strong> d’associer lessalariés, les bénévoles, les usagers <strong>et</strong> les représentants<strong>de</strong>s territoires à la gouvernance <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s quiprésentent une utilité <strong>sociale</strong> spécifique <strong>et</strong> bénéficientsouvent <strong>de</strong> financements hybri<strong>de</strong>s.La démocratie au sein <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est donc très disparate dansses formes. Elle ne concerne, d’une manière générale,qu’une seule partie prenante alors qu’il serait souhaitablequ’elle associe les porteurs du proj<strong>et</strong>, ceux quien bénéficient <strong>et</strong> ceux qui en assurent la mise enœuvre. Quant aux formes <strong>de</strong> management mises enœuvre, elles ne sont pas toujours en rupture aveccelles qui prévalent dans les entreprises capitalistes,notamment en termes <strong>de</strong> liberté d’expression ou <strong>de</strong>participation aux décisions. C’est d’autant plus regr<strong>et</strong>tableque la rationalité qui gui<strong>de</strong> ces organisations<strong>de</strong>vrait rendre possible la construction <strong>de</strong> compromisgagnant-gagnant entre parties prenantes.Repenser la démocratie au sein <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’ESS est une urgence dans un moment où le capitalismeactionnarial est <strong>de</strong> plus en plus contesté <strong>pour</strong>son indifférence au sort <strong>de</strong>s salariés <strong>et</strong> <strong>pour</strong> sa quête<strong>de</strong> rentabilité à court terme. L’ESS doit s’affirmercomme le laboratoire <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> gouvernanceen accord avec la construction d’une économieréellement soutenable, sur le plan écologique commesur le plan démocratique.Un accroissement du poids relatif <strong>de</strong>s organisationséconomiques d’origine citoyenne, dotées d’autres objectifsque <strong>de</strong> maximiser leurs profits <strong>et</strong> gérées démocratiquement,contribuerait sans doute à faciliter latransformation du cadre normatif imposé à l’ensemble<strong>de</strong>s entreprises quelque soit leur statut, en changeantles rapports <strong>de</strong> force dans le champ politique.Mais cela suppose <strong>de</strong> repenser les formes <strong>de</strong> la démocratiedont se prévalent les organisations <strong>de</strong> l’ESS.4.3. Contribuer au <strong>développement</strong> <strong>de</strong>nouvelles filières <strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong>s besoinsL’ESS « réellement existante », parce qu’elle est profondémentencastrée dans notre société, ne constituepas en tant que telle un laboratoire <strong>de</strong>s transformationssouhaitables <strong>de</strong> notre modèle économique. Si lalogique <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> – non lucrativité,gouvernance démocratique – a vocation à s’étendre,<strong>et</strong> notamment à « contaminer » le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement<strong>de</strong> toutes les entreprises, il nous faut penserles transformations <strong>de</strong> notre société en allant au-<strong>de</strong>làdu statut <strong>de</strong>s entreprises, <strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>gouvernance, en plaçant en haut <strong>de</strong> l’agenda lesbesoins à satisfaire <strong>et</strong> la définition <strong>de</strong>s nouveauxmo<strong>de</strong>s d’organisation sociotechniques à développer<strong>pour</strong> rendre c<strong>et</strong>te satisfaction soutenable. En résumé,il s’agit <strong>de</strong> produire, <strong>de</strong> consommer, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r« autrement », comme l’affirment les Etats généraux32
<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. Une belle formule,qui laisse cependant en gran<strong>de</strong> partie ouverte laquestion <strong>de</strong> savoir en quoi consiste concrètement c<strong>et</strong>« autrement » auquel les « cahiers d’espérance »rassemblés à c<strong>et</strong>te occasion n’apportent que <strong>de</strong>sréponses parcellaires, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> justes constats <strong>et</strong> <strong>de</strong>proclamations qu’on ne peut que partager.L’enjeu est donc <strong>de</strong> penser désormais <strong>de</strong>s manières<strong>de</strong> financer, <strong>de</strong> produire, <strong>de</strong> nourrir, <strong>de</strong> loger, <strong>de</strong>former, <strong>de</strong> soigner, <strong>de</strong> distraire, <strong>de</strong> déplacer <strong>de</strong>manière soutenable les dix milliards d’hommes quenotre p<strong>et</strong>ite planète va compter <strong>de</strong>main. Les organisationsactuelles <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> nedétiennent qu’une part réduite <strong>de</strong> l’expertise requise<strong>pour</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>de</strong> nouvelles filières productives<strong>et</strong> ne sont qu’une partie <strong>de</strong> la solution, entermes <strong>de</strong> dynamique <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> politique.Tout l’enjeu, face aux logiques dominantes, est <strong>de</strong> semontrer capable <strong>de</strong> réaliser un travail d’ingénieriesociotechnique simultanée, qui pense conjointementl’analyse <strong>de</strong>s besoins à satisfaire, les biens <strong>et</strong> servicesqui peuvent y répondre, <strong>et</strong> les mo<strong>de</strong>s d’organisation àmême <strong>de</strong> les délivrer, le tout <strong>de</strong> manière soutenable<strong>et</strong> démocratique.Si <strong>de</strong> nombreuses initiatives existent, elles <strong>de</strong>meurentcependant marginales, quand on mesure leur impactsur l’emploi secteur par secteur. Leur influence réelles’exprime plutôt à travers les transformations <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> production <strong>et</strong> <strong>de</strong> consommationqu’elles engendrent, qui ont vocation à transcen<strong>de</strong>rles nomenclatures existantes (Ex : circuits courts,monnaies complémentaires, <strong>et</strong>c.)Tableau 6. Perspectives d'innovations issues ou liées aux organisations <strong>de</strong> l'ESS (1/4)Domaine d'activitéCulture & productionanimale, chasse &services ann.TotalESSHorsESSEnsemble% ESSdanstotal8 891 206 047 214 938 4%Structures <strong>et</strong>innovations existantesCoopération agricole.Entreprises d'insertion(ex: Jardins <strong>de</strong> Cocagne)Innovations à développerAlliances producteurs, distributeurs, consommateurs(ex: Amap) ; ai<strong>de</strong> coopérative à financement <strong>de</strong>l'installation ( ex : Terre <strong>de</strong> liens) ; <strong>développement</strong>filière bio. Maraichage urbain <strong>et</strong> <strong>de</strong> proximité (mise àdisposition du foncier par collectivités). Politiquesd'achat <strong>de</strong>s collectivités (cantines scolaires, <strong>et</strong>c.).Modif. <strong>de</strong>s politiques d'achat <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution.Sylviculture <strong>et</strong>Coopérative <strong>de</strong> Valorisation <strong>de</strong> la forêt (chauffage, construction,511 18 110 18 771 3%exploitation forestièrepropriétairestourisme, <strong>et</strong>c.)(ex : SCIC Bois-Bocage Energie)Pêche <strong>et</strong> aquaculture 230 12 709 12 939 2% Coopératives <strong>de</strong> pêche Alliances producteurs, distributeurs, consommateursExtraction <strong>de</strong> houille <strong>et</strong><strong>de</strong> lignite0 30 30 0% nsExtractiond'hydrocarbures0 823 823 0% nsExtraction <strong>de</strong> mineraismétalliques0 387 387 0% nsAutres industriesextractives0 c 22 844 0% nsSces <strong>de</strong> soutien auxindust. extractives0 328 328 0% nsIndustries alimentaires 17 987 451 298 469 285 4%Coopération agricolepeu innovante face auxsociétés <strong>de</strong> capitauxAlliances producteurs, distributeurs, consommateurs ;<strong>développement</strong> filières bioFabrication <strong>de</strong> boissons 0 29 808 37 695 0% Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Fabrication <strong>de</strong> produitsà base <strong>de</strong> tabac0 2 037 2 037 0% nsFabrication <strong>de</strong> textiles 697 48 044 48 741 1% Marginale Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Industrie <strong>de</strong>l'habillement287 42 955 43 242 1% Marginale Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Industrie du cuir <strong>et</strong> <strong>de</strong>Marginale (Ex : groupe19 23 209 23 228 0%la chaussureArcher)Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Trav. bois; fab. articleCoopératives <strong>de</strong>790 66 181 66 971 1%bois, vannerieproductionDéveloppement production artisanaleInd. du papier/carton 96 64 986 65 082 0% nsImprimerie & reprod.Coopératives <strong>de</strong>1 006 76 224 77 230 1%d'enregistrementsproductionAdaptation au changement technologique33