2. Les autres coopératives : d’abord lafinance <strong>et</strong> les indépendantsLe mon<strong>de</strong> coopératif – hors les Scop – regroupe <strong>de</strong>sorganisations qui ont en commun <strong>de</strong> respecter lesprincipes coopératifs : une personne, une voix (quec<strong>et</strong>te personne soit physique ou morale) ; non-lucrativité<strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> tête. Mais à la différence <strong>de</strong>sScop, où le pouvoir est dans les mains <strong>de</strong>s salariésassociés,les autres coopératives sont gouvernées parune autre partie prenante. L’obj<strong>et</strong> social <strong>de</strong> ces coopérativesest en eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s services ou<strong>de</strong>s biens au profit d’autres personnes physiques <strong>et</strong>morales que les salariés qu’elles emploient. Le poids<strong>de</strong> ces différentes organisations est très variable, toutcomme la place qu’elles occupent dans notre société,selon l’activité qu’elle développe <strong>et</strong> selon le typed’acteurs qu’elles rassemblent.Tableau 9. Les autres coopératives par secteurType <strong>de</strong>coopératives (selonl’activité)Nombre <strong>de</strong>sociétairesNombre <strong>de</strong>structuresNombre <strong>de</strong> salariésChiffre d’affaires (enmillions d’€)AgricoleArtisans(essentiellementsecond œuvre dubâtiment)75 % <strong>de</strong>sagriculteursCommerçants 29 7483 000 coop. Unions1 500 filiales12 500 CUMA150 000 (filialescomprises)80 00058 000 356 4 700 120075 (Groupementscoopératifs <strong>et</strong>assimilés)452 762CA adhérents :118 530 TTCPoints <strong>de</strong> vente : 38 145Enseignes : 143Consommateurs 332 600 34 11 741 2 600 (TTC)ScolaireHabitation(Coop HLM)Habitation(Copropriétécoopérative)4 560 000 (élèves)50 000coopératives101 associationsdépartementales <strong>et</strong>territoriales119 non significatif54 000 165 934 162 (1)16501600 syndicats <strong>de</strong>copropriétés <strong>et</strong> ASLdont 420 syndicatscoopératifsPêche artisanale 16 800 140 1800Transport terrestre 846 47 1738Les Scop(présentes dans <strong>de</strong>nombreusesactivités)Les SCIC (Sociétécoopératived’intérêt collectif)7 000 130CA : 1 200CA adhérents : 600CA coopératives : 420147(groupements+associés)Véhicules : 3 19222 016 1925 40 424 3 900Associent lessalariés <strong>et</strong> autresparties prenantes15610 salariés enmoyenneSource : www.entreprises.coop, données 2009.1. Le chiffre d'affaires indiqué correspond à l'ensemble <strong>de</strong>s revenus d'activité <strong>de</strong>s coopératives d'Hlm. Il s'agit du CA 2008.2. Chiffres 2006 <strong>pour</strong> les SCICCA moyen 0,3 (2)58
<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2.1. Les banques coopératives ou le pouvoirdu nombre contre le pouvoir du capitalLe secteur le plus puissant, au sein du mon<strong>de</strong>coopératif est celui <strong>de</strong>s banques coopératives. A lafois par la taille <strong>de</strong>s entreprises en question, maisaussi <strong>de</strong> leur poids au sein <strong>de</strong> leur secteur d’activité.Ces banques ont été créées par <strong>de</strong>s personnesphysiques ou morales, ménages, travailleurs indépendants,organisations ou entreprises, qui se sont regroupés<strong>pour</strong> accé<strong>de</strong>r au crédit à la fin du XIX e siècle<strong>et</strong> au début du XX e , crédit que les banques classiquesleur refusaient. C<strong>et</strong>te logique stratégique qui a consistéà mobiliser une profession, une communauté,sur une base professionnelle, ou sur une base <strong>de</strong>proximité, a permis d’opposer le pouvoir du nombreau pouvoir du capital en mutualisant les apports <strong>de</strong>capitaux d’un grand nombre <strong>de</strong> personnes <strong>pour</strong>satisfaire les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> crédit dans un contexted’extension <strong>de</strong> l’économie marchan<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> faibleconcentration <strong>de</strong> l’activité bancaire. C<strong>et</strong>te logique estvoisine <strong>de</strong> celle qui est à l’origine <strong>de</strong>s mutuelles, quece soit en complémentaire-santé ou en assurancedommages (on qualifie d’ailleurs souvent les banquescoopératives <strong>de</strong> banques mutualistes, <strong>et</strong>, <strong>de</strong> facto, lesstatuts sont très proches). Les banques coopérativesrassemblent aujourd’hui 60 % <strong>de</strong>s dépôts bancaires.Le succès <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> dans le secteur bancaireest à la fois spectaculaire <strong>et</strong> dérangeant. Il estspectaculaire au vu <strong>de</strong> la taille atteinte par ces établissements,qui jouent un rôle dominant en banque <strong>de</strong>détail, mais aussi dans le secteur <strong>de</strong> la banque <strong>de</strong> financement<strong>et</strong> d’investissement, notamment via leursfiliales cotées. Sans revenir sur les mécomptes dusecteur lors <strong>de</strong> la récente crise financière –notamment ceux <strong>de</strong> Natixis <strong>et</strong> <strong>de</strong> CASA –, l’absenced’actionnaires à rémunérer <strong>et</strong> la domination <strong>de</strong>s managerssur les élus ont permis <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong>croissance tous azimuts, qui n’a pas toujours servi lessociétaires au premier chef. En outre, la puissanceacquise par ces établissements n’a pas réellement étémise au service d’un financement privilégié du secteursocial <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, à l’exception <strong>de</strong> rares exceptions.Il ne faut d’ailleurs pas fantasmer sur un « âge d’or »<strong>de</strong>s banques coopératives qui auraient trahi leursorigines. Si les banques coopératives ont permis à <strong>de</strong>spans entiers <strong>de</strong> la société d’accé<strong>de</strong>r au crédit, ellesont généralement entr<strong>et</strong>enu <strong>de</strong>s rapports étroits avecles pouvoirs publics, contribuant à la mise en œuvre<strong>de</strong> politiques souvent codécidées avec l’Etat. Dans ledomaine agricole, le Crédit agricole a été l’agent <strong>de</strong> latransformation <strong>de</strong> l’agriculture française en perm<strong>et</strong>tantaux agriculteurs les plus riches <strong>de</strong> financerleur expansion aux dépens <strong>de</strong> plus p<strong>et</strong>ites exploitations.Sa structure <strong>de</strong> tête – l’ex-Caisse Nationale duCrédit Agricole –, qui fédérait les Caisses régionales,est d’ailleurs longtemps <strong>de</strong>meurée un établissementpublic. De la même manière, les Caisses d’épargnesont longtemps restées une banque <strong>de</strong> statut quasipublic,dans une forte proximité <strong>de</strong> la Caisse <strong>de</strong>sdépôts <strong>et</strong> consignations, bras financier <strong>de</strong> l’Etat, quicentralisait notamment l’argent du livr<strong>et</strong> A. Ce n’estque récemment qu’elles ont migré vers le statutcoopératif. Quant aux banques populaires, elles ontbénéficié <strong>de</strong> la bienveillance <strong>de</strong>s pouvoirs publics quiont porté sur les fonts baptismaux leurs organes <strong>de</strong>gouvernance centraux.La libéralisation du secteur bancaire mise en œuvredans les années 1980 <strong>et</strong> 1990 n’a pas entrainé <strong>de</strong>« démutualisation » <strong>de</strong>s banques coopératives, commeon l’a observé au Royaume-Uni <strong>pour</strong> les buildingsoci<strong>et</strong>ies. Elle les a plutôt renforcées puisque le Créditagricole <strong>et</strong> le groupe Caisse d’Epargne ont pu couperle cordon ombilical qui les liaient aux pouvoirs publics– avec la bénédiction <strong>de</strong> ceux-ci – <strong>et</strong> ont joué un rôlemajeur dans la restructuration du paysage bancaire(rachat du Crédit Lyonnais, <strong>de</strong>venu LCL, par le CréditAgricole, rachat du CIC par le Crédit Mutuel, rachat duCrédit foncier par les Banques populaires…). Dans lemême temps, les stratégies développées par cesbanques se sont toujours plus banalisées, alors quel’idée même qu’elles aient à remplir <strong>de</strong>s missionsd’intérêt général spécifiques <strong>de</strong>venait caduque dansla vision du système bancaire portée par les pouvoirspublics. La création <strong>de</strong> véhicules cotés, où sontlocalisés une partie <strong>de</strong>s actifs <strong>de</strong> ces établissements,qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> lever <strong>de</strong>s capitaux (<strong>et</strong> accessoirement<strong>de</strong> verser <strong>de</strong>s stocks-options à leursdirigeants…), est un symptôme parmi d’autres <strong>de</strong> cesévolutions.On mesure ici à quel point, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s initiativesinitiales nées <strong>de</strong> la société civile, qui donnèrentnaissance aux premières caisses <strong>de</strong> crédit agricole ouaux premières banques populaires, le <strong>développement</strong><strong>de</strong> la finance coopérative a entr<strong>et</strong>enu <strong>de</strong>s rapportsétroits avec les pouvoirs publics ; elle a notammentaccompagné les politiques volontaristes menées dansles décennies d’après-guerre (distribution <strong>de</strong> prêtsbonifiés, <strong>et</strong>c.). Les banques coopératives sont désormais<strong>de</strong>s acteurs majeurs du secteur dans unmon<strong>de</strong> où la finance est libéralisée <strong>et</strong> mondialisée.Dominées par leurs managers qui ont contribué à leursuccès mais aussi à leur banalisation, elles se différencientdésormais peu ou pas du tout <strong>de</strong> leurs concurrentescapitalistes. L’appartenance à l’économie59