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Séisme bordelais de l'Entre-deux-Mers du 10 août 1759 - SisFrance

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Séisme <strong>bor<strong>de</strong>lais</strong><strong>de</strong> l’Entre-<strong>de</strong>ux-<strong>Mers</strong><strong>du</strong> <strong>10</strong> août <strong>1759</strong>Alors que le séisme <strong>de</strong> Lisbonne qui détruisit la capitale portugaise en 1755– et fut à l’origine <strong>de</strong> la célèbre controverse entre Voltaire et Rousseau sur laresponsabilité <strong>de</strong> l’homme face aux risques naturels – est encore bien présentdans les esprits, le début <strong>du</strong> mois d’août <strong>1759</strong> est marqué dans le Bor<strong>de</strong>laispar le plus fort séisme <strong>de</strong> son histoire : « Le plus vif que <strong>de</strong> mémoyre d’homme on estvu dans ce païs ».Bien que datant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles et <strong>de</strong>mi, ceséisme est cependant aujourd’hui relativementbien connu, grâce notamment auxnombreux écrits <strong>de</strong>s administrations civileet religieuse constatant <strong>de</strong>s dommages. Àtravers eux, il nous est ainsi permis <strong>de</strong> nousremémorer cet événement :« La nuit <strong>du</strong> <strong>10</strong> au 11 <strong>de</strong> ce mois, environ sur les dixheures et <strong>de</strong>mi, j’ay ouis un bruit semblable à un coup<strong>de</strong> tonnerre qu’on entend <strong>de</strong> loin ; j’en fus d’autant plussurpris que le temps m’avoit paru serein et le ciel fortclair ; dans le même instant, je sentis une secousse assezviolente pour ébranler tout ma maison ; la charpente etles vitres firent un bruit considérable ; il tomba beaucoup<strong>de</strong> sable <strong>de</strong>s murailles ; il se détacha d’une tour unassez gros morceau <strong>de</strong> ciment ; mes domestiques s’enapercurent et eurent si gran<strong>de</strong> peur qu’ils n’en dormirentpoint <strong>de</strong> toute la nuit ; la secousse <strong>du</strong>ra un peu plusd’une minutte. » Ainsi s’exprime le marquis <strong>de</strong>Boistillet <strong>de</strong>puis sa propriété proche <strong>de</strong> Ruffecen Charente. S’il ne semble pas particulièrementalarmé par le séisme à l’inverse <strong>de</strong> sesdomestiques, c’est que plus d’une centaine <strong>de</strong>kilomètres les séparent en réalité <strong>de</strong> la zoneépicentrale située plus au sud, à proximité <strong>de</strong>Bor<strong>de</strong>aux. En effet, la répartition <strong>de</strong>s dommagessuggère un épicentre dans la région<strong>de</strong> l’Entre-<strong>de</strong>ux-<strong>Mers</strong>, entre la Dordogne etla Garonne.À Vayres en particulier, les dommages furentconséquents, notamment au presbytère et auchâteau dont « la plupart <strong>de</strong>s créneaux [...] tombèrentçà et là par masses ». Dans les environs, les édificesreligieux eurent particulièrement à souffrir <strong>de</strong>scommotions, comme à La Sauve où la maison<strong>de</strong>s Bénédictins fut fortement ébranlée« Plusieurs chambres ayant eu les murs crevés » et où« Il tomba dans l’église ou dans le reste <strong>de</strong> la maisonenviron soixante pierres <strong>de</strong> taille ».Un grand nombre d’églises <strong>de</strong>s villages <strong>de</strong>l’Entre-<strong>de</strong>ux-<strong>Mers</strong> virent également, selonles cas, l’apparition <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s fissures auniveau <strong>de</strong>s voûtes laissant parfois voir le jour,ou encore la perte <strong>de</strong> l’aplomb <strong>de</strong> certainsmurs.Ministère <strong>de</strong> l’Écologie, <strong>du</strong> Développement <strong>du</strong>rable et <strong>de</strong> l’Énergiewww.<strong>de</strong>veloppement-<strong>du</strong>rable.gouv.fr


« Nous eûmes [...] une secousse <strong>de</strong> tremblement <strong>de</strong> terre, très vive ;sa <strong>du</strong>rée fut courte, heureusement ; pour peu qu’elle eut continué,les effets en auroient esté funestes »(Extrait d’une lettre <strong>du</strong> subdélégué <strong>de</strong> Blaye à l’intendant <strong>de</strong> Guyenne)C’est ce qui fut noté à Arveyres, Cadarsac, Carignan,La Grave-d’Ambarès ou encore Fargues-Saint-Hilaire.Ce petit tour <strong>de</strong>s clochers doit être égalementprolongé en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’Entre-<strong>de</strong>ux-<strong>Mers</strong>,au nord <strong>de</strong> la Dordogne à Saint-Aignan et àSaint-André-<strong>de</strong>-Cubzac où les voûtes furentlézardées. Bor<strong>de</strong>aux ne fut pas exemptée eton note également dans toute la région <strong>de</strong>nombreuses chutes <strong>de</strong> cheminées.relevé. Du reste, les épicentres dans l’Entre-Deux-<strong>Mers</strong> paraissent peu fréquents. Presqueun siècle plus tard cependant, le 26 janvier1852, la même région était à nouveau ébranlée,mais sans dommage ou presque.À Bor<strong>de</strong>aux, les dommages sont moindres, àl’exception notable <strong>de</strong> l’effondrement <strong>de</strong> lavoûte <strong>de</strong> l’église <strong>de</strong> Notre-Dame <strong>du</strong> Hâ, quimarqua fortement les esprits <strong>de</strong>s Bor<strong>de</strong>lais.De l’aveu d’Antoine Delphin <strong>de</strong> Lamothe,cette église « menaçait ruine » avant même leséisme... Outre cet effondrement et celui <strong>de</strong>quelques vieilles murailles, Bor<strong>de</strong>aux s’en tirefinalement avec plusieurs chutes <strong>de</strong> cheminées,quelques murs endommagés, et surtoutune belle frayeur <strong>de</strong> la population : « Bien <strong>de</strong>sgens sortirent <strong>de</strong> leurs maisons, craignant une <strong>de</strong>uxièmesecousse » comme le rapporte François <strong>de</strong>Lamontaigne, dans sa Chronique <strong>bor<strong>de</strong>lais</strong>e.Ladite secon<strong>de</strong> secousse survint finalementsix jours plus tard, le 16 août <strong>1759</strong>, et futlargement ressentie à Bor<strong>de</strong>aux.Les effets <strong>du</strong> séisme furent très similaires àLibourne où plusieurs maisons furent fen<strong>du</strong>es<strong>de</strong> haut en bas et où <strong>de</strong>s cheminées tombèrentà terre. Comme à Bor<strong>de</strong>aux, les Libournaisfuyèrent en nombre leurs habitations pourgagner les places ou le bord <strong>de</strong> la Dordogne,en y <strong>de</strong>meurant toute la nuit, persuadés <strong>de</strong>l’imminence <strong>de</strong> répliques.À plus gran<strong>de</strong> distance, <strong>de</strong>s villes témoignentégalement <strong>du</strong> séisme : Périgueux, Angoulêmeet même Limoges située à près <strong>de</strong> 170 kmau nord-est <strong>de</strong> l’épicentre. En direction <strong>de</strong>sPyrénées, le séisme est encore ressenti dansles Lan<strong>de</strong>s à Aire-sur-l’Adour, mais pas à Dax.La secousse est aussi faiblement remarquéedans l’Agenais, à L’Aiguillon et à Auvillar, lelong <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> la Garonne.Dans l’histoire <strong>de</strong> la région, aucun autre séismed’une pareille intensité n’a jusqu’ici pu êtreAnnotation <strong>du</strong> séisme <strong>du</strong> <strong>10</strong> août <strong>1759</strong> par le curé Bartry sur le registreparoissial <strong>de</strong> Montpellier-<strong>de</strong>-Médillan (Collection Archives départementales<strong>de</strong> la Charente-Maritime 5MI 743/1, fol. 40).« L’année mil sept cent cinquante neuf j’ai fait fairele partage <strong>de</strong> la paroisse pour faire venir mes droitschez moi et par ce moien je me suis affranchi<strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> porter les grains chez le fermier<strong>de</strong> M. l’Evesque au lieu <strong>du</strong> Perat où les curés <strong>de</strong>puisplus <strong>de</strong> cent ans alloient chercher leur portion.La mesme année qui fut très bonne pour la récolte<strong>de</strong>s grains, il y eut une secousse <strong>de</strong> tremblement<strong>de</strong> terre qui se fit sentir sur les dix à onze heures<strong>du</strong> soir le dix <strong>du</strong> mois d’aoust.Vraisemblablement on doit attribuer ce tremblement<strong>de</strong> terre à la gran<strong>de</strong> chaleur qui se fit cette annéeoù trois mois au moins s’écoulèrent, sans presqueavoir <strong>de</strong> pluie icy au environs, quoi qu’aillieurs il yeut <strong>de</strong>s pluies <strong>de</strong>s gresles considérables. »


Une tache rouge en Bor<strong>de</strong>laisLe séisme <strong>du</strong> <strong>10</strong> août <strong>1759</strong> fait donc figured’exception en Giron<strong>de</strong>, son épicentre étant,chose rare, localisé en plein pays <strong>de</strong> l’Entre<strong>de</strong>ux-<strong>Mers</strong>.Cependant, en <strong>1759</strong>, c’est l’Auvergneet ses volcans qui sont montrés <strong>du</strong>doigt, preuve à l’appui, comme étant à l’origine<strong>du</strong> séisme : « Il paroissoit que son plus gran<strong>de</strong>ffort avoit suivi la direction <strong>de</strong> la Dordogne, ce quiprouveroit encore que le foyer <strong>de</strong>voit être dans les montagnesd’Auvergne, où la Dordogne prend sa source ».l’orage <strong>de</strong> la terreOutre les volcans, une autre thèse était souventavancée au xviii e siècle (et occasionnellementjusqu’au début <strong>du</strong> xx e siècle) pourexpliquer la survenue d’un séisme : la météorologie.Ainsi, certains hommes <strong>de</strong> sciencepensaient que les fortes chaleurs pouvaientprovoquer quelques secousses. Ainsi, <strong>de</strong>nombreux écrits relatifs au séisme <strong>de</strong> <strong>1759</strong>commencent par une <strong>de</strong>scription détaillée <strong>de</strong>sconditions météorologiques au moment <strong>du</strong>séisme. En voici un petit extrait, issu d’unenotice rédigée par M. Antoine Delphin <strong>de</strong>Lamothe : « Le vendredi <strong>10</strong> août (<strong>1759</strong>), entre <strong>10</strong>heures et <strong>10</strong> heures un quart <strong>du</strong> soir, après 2 ou 3 joursd’une très gran<strong>de</strong> chaleur, par un temps orageux etchargé <strong>de</strong> nuages, on entendit un bruit semblable àcelui d’un carrosse et l’on ressentit pendant 3 ou 4secon<strong>de</strong>s quelques secousses <strong>de</strong> tremblement <strong>de</strong> terre ».ÉCHELLE D’INTENSITÉIV et IV-V : secousse modéréeV et V-VI : secousse forteVI et VI-VII : légers dommagesVII et VII-VIII : dommages modérésVIII et VIII-IX : dommages importantsIX et IX-X : dommages sévèresAnnée i<strong>de</strong>ntifiant un séisme etson épicentre ayant atteint oudépassé le <strong>de</strong>gré VII <strong>de</strong> l’échelled’intensitéCartographie <strong>du</strong> niveau d’intensité maximal observé en France <strong>de</strong>puis<strong>10</strong>00 ans : la tache rouge <strong>bor<strong>de</strong>lais</strong>e est <strong>du</strong>e au seul séisme <strong>du</strong> <strong>10</strong> août<strong>1759</strong> (source : BRGM/MEDD, 2006).Isoséistes <strong>du</strong> séisme <strong>bor<strong>de</strong>lais</strong> <strong>de</strong> l’Entre-Deux-<strong>Mers</strong>, <strong>du</strong> <strong>10</strong> août <strong>1759</strong>, à partir <strong>de</strong>sdonnées <strong>SisFrance</strong> (BRGM).

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