État de l’artLes outils du montage aujourd’huiNouveaux médias, nouveaux outils,nouvelles expressions.Il y une dizaine d’années seulement, des réalisateurscomme Claude Chabrol étaient encore dubitatifssur les possibilités du cinéma numérique etmais pensaient déjà, qu’à terme, « le cinéma réalisétraditionnellement avec une caméra et de lapellicule ressemblera de plus en plus à un produitde luxe » et il exprimait la crainte, justifiée, que lenouveau cinéma DV versât dans le travers d’uncinéma anti-elliptique (Comment faire un filmp. 34).Aujourd’hui, dans l’industrie des médias qui englobeaussi bien le cinéma, que la diffusion TV, lesjeux en ligne ou des contenus numériques pourdes tablettes ou « smartphones », on ne parle plusque de workflow (flux de travaux) pour décrire etsurtout optimiser des processus de production toujoursplus gourmands en données mais nécessitantd’aller toujours plus vite, (le temps c’est del’argent ne l’oublions pas) pour optimiser lesrecettes et amortir les investissements.Il est tout le temps question des « assets », raccourcide DAM, Digital Assets Management ou deMAM Medias Assets management qui se traduit enbon français par Gestion des ressources numériquesque sont les enregistrements vidéo ousonores avec tout ce qui en découle. On ne dit pluscapture, trop basique et se rapportant aux imagesvidéo capturées depuis un caméscope à cassette,mais d’encodage et d’« ingest » pour définir l’ingestionde données numériques provenant d’uneComme son nom ne le laisse pas supposer, le Cloud ou Nuage,n’a rien d’un système léger et vaporeux. Il s’agit plutôt degrandes salles d’archivage avec de grosses armoires bourréesde disques dursComme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nombre decinéastes qui autoproduisent leurs films, ont un workflowtypique!source externe (caméscope, magnétoscope, signalde télévision transmis par satellite ou flux vidéovia Internet en téléchargement). On parle aussi de« content repurposing », la réorientation de contenus.La réorientation des contenus consiste àmodifier un produit informationnel pour qu’il respecteles usages du nouveau support et de sespublics. Nous pouvons décliner une idée, unconcept en plusieurs formats éditoriaux, ou encorerécupérer des métadonnées ou matériaux préparatoirespour développer de nouveaux contenus(diaporamas, making off, etc.).Depuis quelque temps, grâce aux formidables possibilitésdes serveurs, les disques durs de plusieurstéraoctets qu’on trouve à bas prix dans les magasins,sont distancés par des appareils où la capacitéde stockage s’évalue en péta, zetta et yottaoctetssoit 10 puissance 24 octets pour cette dernièremesure faramineuse!Quand il fallait acheter en boîte un logiciel de montage,ce qui coûtait le plus cher et pesait le pluslourd était l’imposant manuel, comme celui duprogramme Liquid de Pinnacle (repris ensuite parAvid), tellement épais et touffu qu’il n’a connuqu’un succès d’estime. Avec les achats directs partéléchargement des programmes et des manuelsen pdf, les ventes des programmes en boîte ontdisparu pour le plus grand bénéfice des fabricantsqui, après avoir abusé des clients avec des misesà jour annuelles de logiciels qu’il fallait payer auprix fort pour quelques bricoles et des nouveauxbogues en plus, ont trouvé le moyen de vendredes abonnements en ligne. Ainsi, la suite créativeL’Écran de la FFCV — 14 — n°110 sept 2015
État de l’artd’Adobe s’est arrêtée à la version CS 6. Pour travailleravec Premiere Pro dans sa dernière versionil faut passer par les fourches caudines du CreativeCloud 2015 d’Adobe à 24 € par mois. Si en plus onveut Photoshop, After effects et Audition il faudrarajouter autant pour chacun de ces programmes.Soit au total 1272 € par an. Voilà comment onrend une clientèle captive. On comprend que bonnombre d’utilisateurs des programmes Adobe vontrester pour longtemps des adeptes de la versionCS 6 complète obtenue légalement ou pas. Biensûr si vous êtes enseignant ou étudiant vous pouvezavoir le pack complet des programmes Adobepour 195 € par an et bénéficier de deux mois gratuitsen formule annuelle prépayée. Tout est bonpour faire rentrer du cash le plus vite possible.Autre astuce pour appâter le client, la version d’essaigratuite valable 30 jours (Adobe, Avid) dont lebut réel n’est pas de faire une fleur au client maisde lui soutirer un tas de renseignements permettantd’avoir, sans frais, une étude de marketingtrès fine.Avid propose l’abonnement à MediaComposer 8.5pour 50 $ par mois. D’autres comme BlackmagicDesign proposent des versions bêta gratuites deleur dernier logiciel, Da Vinci Resolve 12, dontl’emploi est assez complexe. Avid fait de mêmeavec une version bridée de Media Composer, laversion gratuite s’intitulant Media Composer Firstprésentée comme « la version idéale pour débutersur le logiciel standard des industries du cinéma etde la télévision ». Et pour enfoncer le clou auprèsdes débutants fascinés par les mirages deHollywood, la publicité d’Avid ajoute: « Tous lesnominés aux Oscars 2015 des catégories Meilleurfilm et Meilleur montage ont travaillé sur MediaComposer. 99 % des programmes diffusés enprime time* sur les chaînes d'Amérique du Nordsont produits sur Media Composer ». On veut bien,mais si la nullité de Fox News est une référence,pas besoin de vanter les performances de MediaComposer. On veut bien mais si l’élection d’un dictateurà 99 % est un gage de bonheur du peuplecela se saurait. Derrière les apparentes facilitésoffertes par Avid, et les rêves de paillettes que l’onfait miroiter, se cache la panoplie des programmesde formation. En fait, à logiciel peu ergonomiquecorrespond la vente de programmes de formation.Avid sait bien qu’il ne pourra plus se prévaloir d’unquasi-monopole d’excellence et que la concurrenceva être rude dans les prochaines années. Il fautdonc mettre le paquet sur la formation et proposerdes modules très pointus auprès d’organismes deformation agréés par Avid et avec des prises encharge possibles par l’AFDAS (AssuranceFormation des Activités du Spectacle) car ce n’estpas donné bien sûr.Grâce à Internet, les équipes de production et depostproduction peuvent travailler simultanément,le monteur image et le monteur son peuvent êtredistants l’un de l’autre, sans oublier les étalonneursqui peuvent être ailleurs. Bref cette nouvelledivision industrielle du travail entre spécialitésdifférentes qu’on appelle travail « collaboratif, participatif» ne nécessite plus la concentration d’employésdans un même studio. Cela offre des avantagesévidents en termes de coûts, de rapiditépour la maîtrise du workflow, d’excellence du travailde chacun dans sa partie, mais on peut êtreamené à se poser des questions sur l’expressionartistique finale puisque le plus souvent tout seramène aux exigences d’un client commanditaire.Une belle image, des beaux modèles, une musiquebien ciblée, ne font pas à tout coup une bonnepublicité dont le contenu, voulu par le client, estd’une indigence consternante : Armani, PacoRabanne, B for Bank etc.Panorama des logiciels pour legrand publicDans le monde des logiciels dits « amateurs »Magix Vidéo Deluxe 2015 propose pour 100 € seulementun programme complet, en version d’essaide 30 jours, capable de traiter la vidéo 4K, unmontage multicaméras jusqu’à 4 caméras, 99pistes, correction secondaire des couleurs, montagefluide avec des fichiers proxy, correctionoptique des fichiers « fish eye » (comme ceux prisavec une GoPro), stabilisation d’images, itinérairesanimés, contours nets des incrustations en chrominance,montage en 3D etc. La version Premiumplus sophistiquée coûte 30 € de plus. Nombred’ateliers de la FFCV ont opté pour cette marqueallemande qui à l’origine est surtout connue pourla qualité et le sérieux de ses programmes pour letraitement du son.Pour 10 € de moins (argument sensible pour lesradins!) Corel propose VideoStudio X8.5 Ultimate(en attendant les ultimes versions 9, 10, et 11)L’Écran de la FFCV — 15 — n°110 sept 2015