En ramenant l’histoire de la vie à l’échelle d’une année… Éditorial de la revue Dharma N°49
En ramenant l’histoire de la vie à l’échelle d’une année, l’histoire de l’humanité ne représente que 28 secondes. Le temps d’un souffle, la prolifération humaine et les activités industrielles liées à l’hégémonie du modèle économique occidental ont dévasté ce que le monde naturel a mis des millions d’années à façonner.
En ramenant l’histoire de la vie à l’échelle d’une année, l’histoire de l’humanité ne représente que 28 secondes. Le temps d’un souffle, la prolifération humaine et les activités industrielles liées à l’hégémonie du modèle économique occidental ont dévasté ce que le monde naturel a mis des millions d’années à façonner.
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Édito <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>revue</strong><br />
DHARMA n°14<br />
Écologie & Spiritualité<br />
Éditions Prajña, septembre 2004<br />
À l’occasion <strong>de</strong> <strong>la</strong> rencontre "Écologie et spiritualité"<br />
au domaine d'Avalon, les 2, 3 et 4 octobre 2004.<br />
E<br />
n <strong>ramenant</strong> <strong>l’histoire</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>à</strong><br />
<strong>l’échelle</strong> <strong>d’une</strong> année, <strong>l’histoire</strong> <strong>de</strong><br />
l’humanité ne représente que 28 secon<strong>de</strong>s.<br />
Le temps d’un souffle, <strong>la</strong> prolifération<br />
humaine et les activités industrielles liées<br />
<strong>à</strong> l’hégémonie du modèle économique<br />
occi<strong>de</strong>ntal ont dévasté ce que le mon<strong>de</strong><br />
naturel a mis <strong>de</strong>s millions d’années <strong>à</strong><br />
façonner. Avant l’apparition <strong>de</strong> l’homme,<br />
<strong>la</strong> Terre a connu <strong>de</strong> profonds<br />
bouleversements qui ont entraîné parfois<br />
<strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong>s espèces. Ce fut<br />
le cas il y a 65 millions d’années lors <strong>de</strong><br />
l’extinction <strong>de</strong>s dinosaures. À chaque fois,<br />
<strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète bleue est parvenue <strong>à</strong> retrouver<br />
lentement un équilibre.<br />
Aujourd’hui, les méfaits <strong>de</strong> nos<br />
actions intensifient <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction<br />
d’organismes vivants sans phase <strong>de</strong><br />
récupération et <strong>à</strong> un rythme qui s’accélère<br />
au point <strong>de</strong> menacer l’habitabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Terre. Une étu<strong>de</strong> récente menée sur un<br />
millier d’espèces animales et végétales<br />
rapporte que 15 <strong>à</strong> 37% <strong>de</strong>s individus<br />
concernés risquent <strong>de</strong> disparaître d’ici <strong>à</strong><br />
2050. Nous savons également que<br />
l’exploitation intensive <strong>de</strong>s forêts<br />
tropicales accentue l’effet <strong>de</strong> serre,<br />
provoque diverses pathologies fatales aux<br />
écosystèmes locaux, anéantit <strong>la</strong> sur<strong>vie</strong> <strong>de</strong>s<br />
sociétés ancestrales, nous prive <strong>de</strong><br />
ressources phytothérapeutiques et induit <strong>à</strong><br />
terme l’étouffement <strong>de</strong> l’ensemble du<br />
système vivant. Avec <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong><br />
presque 70% <strong>de</strong> <strong>la</strong> couverture naturelle, <strong>la</strong><br />
situation est <strong>de</strong>venue a<strong>la</strong>rmante.<br />
À ce<strong>la</strong> s’ajoute l’empoisonnement<br />
généralisé. Des pollutions chimiques<br />
résistantes <strong>à</strong> <strong>la</strong> dégradation naturelle (les<br />
PCB présents entre autres dans les vernis,<br />
les peintures, les insectici<strong>de</strong>s ; le DDT ou<br />
les dioxines) envahissent <strong>la</strong> chaîne<br />
alimentaire en effectuant <strong>de</strong>s<br />
pérégrinations p<strong>la</strong>nétaires. Une molécule<br />
chimique produite en Europe se<br />
retrouvera, par exemple, dans les graisses<br />
<strong>de</strong>s ours po<strong>la</strong>ires et le <strong>la</strong>it maternel <strong>de</strong>s<br />
femmes Inuits. Ces pollutions affectent<br />
aujourd’hui <strong>la</strong> quasi-totalité <strong>de</strong>s êtres<br />
vivants. Elles sont <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> cancers, <strong>de</strong><br />
malformations, d’un affaiblissement <strong>de</strong>s<br />
défenses immunitaires et <strong>de</strong> l’incapacité<br />
pour les espèces sauvages <strong>à</strong> se reproduire.<br />
À ce tableau, il faut ajouter <strong>la</strong> détresse<br />
existentielle grandissante et coextensive <strong>à</strong><br />
<strong>la</strong> violence qui entraîne l’agonie<br />
p<strong>la</strong>nétaire. Selon l’OMS, nous serions<br />
entrés dans le « siècle <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépression ».
L’éthique individualiste et<br />
anthropocentrique nous a conduits dans<br />
une impasse. La situation <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong><br />
surabondance est <strong>de</strong>venue absur<strong>de</strong>. Nous<br />
annihilons ce avec quoi nous avons bâti le<br />
culte <strong>de</strong> <strong>la</strong> satisfaction immédiate. L’état<br />
actuel est si complexe et si préoccupant<br />
qu’une thérapie d’envergure nécessiterait<br />
l’abandon <strong>de</strong>s modèles financiers qui<br />
soutiennent l’insatiabilité consumériste et<br />
<strong>la</strong> marchandisation du mon<strong>de</strong>.<br />
Comment sortir <strong>de</strong> ce <strong>la</strong>byrinthe<br />
dévastateur ? Seul un profond changement<br />
<strong>de</strong> mentalité peut nous permettre<br />
d’adopter une conduite respectueuse <strong>de</strong><br />
l’harmonie du mon<strong>de</strong> vivant. La<br />
protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> a été oubliée par les<br />
systèmes politiques mais aussi par les<br />
religions qui ont parfois recouvert ce<br />
<strong>de</strong>voir <strong>de</strong> leur dogmatisme. C’est<br />
pourquoi, il importe <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r du côté <strong>de</strong><br />
l’écologie dans sa dimension essentielle et<br />
du côté <strong>de</strong>s spiritualités garantes du sens<br />
<strong>de</strong> l’interdépendance et d’un respect<br />
absolu <strong>de</strong> toute <strong>vie</strong>.<br />
L’écologie nous ai<strong>de</strong> <strong>à</strong> renouer avec<br />
<strong>la</strong> dynamique naturelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> grâce <strong>à</strong><br />
une éducation aux phénomènes<br />
d’interactions. Elle encourage le<br />
développement du sens <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
responsabilité, <strong>la</strong> coopération, le partage<br />
équitable au travers d’actions écocitoyennes.<br />
Quant aux spiritualités, elles<br />
favorisent l’épanouissement complet <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
personne humaine. Lorsque <strong>la</strong> paix et <strong>la</strong><br />
joie rayonnent en nous, elles se propagent<br />
hors <strong>de</strong> nous. La personne humaine étant<br />
un tissu <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions interdépendantes<br />
indissociable <strong>de</strong> l’immense corps du réel,<br />
on peut espérer que l’accomplissement <strong>de</strong><br />
chacun puisse accroître l’intelligence <strong>de</strong>s<br />
sociétés. Souhaitons qu’une aspiration<br />
commune <strong>à</strong> l’harmonie voie naître une<br />
éco-spiritualité apte <strong>à</strong> nous permettre<br />
d’habiter le bonheur du mon<strong>de</strong>.<br />
A<strong>la</strong>in Grosrey (Dr/PhD)<br />
Chercheur-associé | Université d'Angers<br />
Responsable formation | Université Rimay