6 / Même pas peur N o <strong>11</strong> / SEPTEMBRE 2016
Le Scoop de WATRIN Comment changer les jeux olympiques pour qu’on s’amuse enfin au lieu de transpirer bêtement ? Dominique Watrin SEPTEMBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>11</strong> / 7 On vient de le constater, les J.O., quelle apothéose pour l’homme ! Moi, si j’avais dû faire sportif dans la vie (du calme, ce n’est qu’une hypothèse, hein), je crois que j’aurais choisi athlète olympique. D’abord, j’ai été éduqué dans l’esprit olympique depuis mon enfance. La devise olympique, c’est « plus vite, plus haut, plus fort ». Moi, celle que mon père m’avait accolée, c’était « plus grand, plus bête » : on n’est pas loin. En fait, la seule chose qui m’a détourné de la carrière de sportif de haut niveau, c’est l’esprit de compétition. On a beau me dire que le but, c’est d’arriver le premier, le plus loin, le plus haut, je n’arrive pas à me dire que, si c’est un autre qui arrive avant moi, ça va me poser problème. Je dois le reconnaître, j’ai la rage de vaincre assez courtoise : plutôt que de l’endorphine, mon organisme confronté à l’effort doit secréter du sérum de politesse subite. Mon idéal olympique s’approche nettement plus du « Après vous, je vous en prie ! » ou du « Continuez sans moi, je terminerai demain. » que du « Poussez-vous que je passe. » On le voit tous les quatre ans, ma vision olympique n’est pas vraiment la plus répandue dans la population planétaire. Ce condensé d’épreuves sportives, assez répétitives selon moi, est davantage placé sous le signe de l’affrontement et du dépassement de soi (et surtout de l’autre) que sous celui du rapprochement des hommes et des peuples qu’il est supposé générer. Et ça, non seulement ça pousse à l’énervement, à la rivalité et surtout à la sueur inutile, mais ça rend les jeux olympiques assez lassants, d’autant qu’ils existent depuis 1896. Relancer l’olympisme est donc indispensable aujourd’hui et, moyennant une poignée d’idées simples, il est possible de rendre les J.O. plus actuels et plus délassants. Premier changement : la devise Plus vite, plus haut, plus fort, c’est dépassé ! En 1896, quand on sprintait en sabots et qu’on nageait en redingote, d’accord, ça faisait rêver, mais plus à l’époque actuelle. Plus vite, on prend sa bagnole. Plus haut, on prend l’ascenseur. Plus fort, on prend une arme et on tire sur l’adversaire. Un peu de modernité, bon sang ! Plus riche, plus célèbre, plus envié, ça, ça fait rêver. L’idéal, dans la foulée (d’athlète), c’est de laisser les compétiteurs évoluer à leur rythme (avec possibilité de sous-traiter son épreuve à un travailleur pauvre étranger), de les payer grassement et de les aduler sans restriction, quels que soient leurs résultats. Comme les parents avec leurs enfants à l’école, quoi ! Deuxième changement : les épreuves La monotonie nuit en tout, y compris en sport. Courir, nager, boxer, jouer pour ne pas dire se frotter, s’essouffler, se battre, tricher, ça ne provoque plus beaucoup l’enthousiasme des foules. À l’heure où les médias bombardent le public de jeux attractifs époustouflants où tout le monde peut se moquer, depuis son divan, de la course éperdue de mannequins ménagers vers un rhabillage de la tête (moche) aux pieds (plats) ou de compétiteurs affûtés en organisation de mariages de beaufs champions toutes catégories du goût de chiottes, il est temps de renouveler les disciplines sportives. Pour les prochaines olympiades, je propose d’introduire en vrac le saut en largeur masculin (le grand écart chez les hommes, ça fait toujours marrer), le 400 mètres murs en béton (les haies, c’est trop facile, ça se renverse comme pour rien), le whisky-polo (le water de l’eau, ça plombe l’ambiance), la natation désynchronisée (rien de tel que des concurrents qui ne savent pas nager pour donner du suspense aux compétitions), le tir sur cible vivante (sauf si les J.O. se déroulent en Syrie, ce serait tricher) et le relais 4X50 mètres levrette (en grand ou en petit bassin, au choix, suivant la morphologie des athlètes). Troisième changement : les récompenses Une médaille, qu’elle soit en or, en argent, en bronze ou même en plomb au prix où mon couvreur me l’a fait payer, c’est cheap. Qui se décarcasserait encore aujourd’hui pour si peu ? Pourquoi pas des coffrets d’or, de myrrhe et d’encens remis par trois travelos débarquant en chameau ? En 1896, ok, on jetait un pain moisi dans une arène et il y avait encore quelques prolétaires suffisamment nécessiteux pour tenter de se l’arracher. De nos jours, à l’heure où les chômeurs, même privés d’allocations, possèdent un smartphone plus cher que le mien, les salauds, une pièce de monnaie accrochée à un ruban rococo, c’est obsolète et démotivant. Offrons-leur au minimum des maisons, quitte à ce que, pour déconner, ce soit une en brique, une en bois et une en paille comme celles cochonnées par les trois petits cochons. Ça aidera à la bonne santé de l’industrie du bâtiment, sans oublier le petit coup de pouce aux trafiquants de main-d’œuvre et aux fraudeurs à la législation sociale pour lesquels les temps sont durs, vu la chasse obsessionnelle dont ils sont injustement l’objet. Mais le sommet de l’esprit sportif, ce serait d’offrir aux vainqueurs la panoplie du vainqueur : une somme d’argent inépuisable et un lot de filles faciles (de préférence, inépuisables également). Comme ça, ça les démotivera de se représenter aux olympiades suivantes et ça permettra aux recordmen de l’allergie à l’effort de triompher à leur tour. Comme moi, par exemple ! Bonnes futures olympiades à tous !