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MEME PAS PEUR 12 leg

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Même pas peur<br />

OCTOBRE 2016/ N°<strong>12</strong> /3 €<br />

N° <strong>12</strong> 2016 - Belgique 3 € - www.memepaspeur-lejournal.net/ Editeur rersp. Etienne Vanden Dooren, 28 rue de l’Ange 6001 Marcinelle (B)<br />

manif en stock, exarcheïa, déconnomie, à poil sans<br />

dogme, Maréchal se dévoile, lendemain de manif,<br />

watrin sonde, bingo du manifesto...


2 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 3<br />

L’Éditorial<br />

Même Pas Peur<br />

- Oui mais bon, c’est quoi ça ?<br />

- Pas de quoi avaler sa cravate, fieu, c’est juste une bite qui prend l’air<br />

du temps, un genre de polémique Burkinienne à la belge...<br />

BONNES<br />

MANIERES :<br />

LA MANIF<br />

EN GANTS BLANCS<br />

Brigitte Thiriart<br />

Je ne sais pas vous, mais moi, dans les<br />

manif, j’ai toujours un peu les jetons (je<br />

sais, je fais encore ma gonzesse). Il serait<br />

temps, dès lors, de réintroduire un peu de<br />

bienséance dans nos pratiques sociales.<br />

Assez de fumigènes ! Optez pour le<br />

bâton d’encens, plus zen, plus parfumé,<br />

plus délicat.<br />

Foin des pétards qui heurtent nos tympans,<br />

le Peuple veut du Vivaldi.<br />

Troquez la canette de Cara Pils contre<br />

une flûte de Moët et Chandon.<br />

Tombez le sac poubelle – un peu trop<br />

populo – au profit du queue-de-pie, plus<br />

seyant et qui peut toujours servir pour un<br />

prochain mariage.<br />

Messieurs de la maréchaussée, renoncez<br />

au lancer de grenades, le jet de petits fours<br />

ou de macarons Ladurée est nettement<br />

plus tendance.<br />

Arrosez les cortèges avec de l’eau de<br />

rose, plus élégante que les traditionnelles<br />

autopompes.<br />

En ce monde de brutes, oubliez aussi<br />

la sempiternelle matraque : un sceptre<br />

en or serait plus adéquat pour les crânes<br />

d’esthètes.<br />

Pour sustenter la foule, préférez les toasts<br />

au caviar au dispensable pain-saucisse.<br />

Galvanisez les masses : récitez vos discours<br />

en alexandrins et glissez « s’il vous<br />

plaît » dans vos slogans. Ça ne mange pas<br />

de pain et ça fait toujours plaisir aux âmes<br />

tendres.<br />

Enfin, un dernier mot aux désormais<br />

classiques « casseurs de fin de cortège<br />

» (dont l’estimation du nombre est,<br />

contrairement au reste des manifestants,<br />

toujours supérieure pour la police) : pour<br />

changer, on vous propose des calins gratuits<br />

1 avec la police.<br />

Merci, messieurs, de contribuer enfin à<br />

une société plus propre sur elle, à l’image<br />

des politiciens qui nous entourent.<br />

1 Free hugs<br />

Des fois, je m’énerve…<br />

m’enerve…<br />

Occupez-vous de vos fesses !<br />

André Clette<br />

On ne va pas revenir sur la stupide<br />

polémique de l’été autour du burkini. Les<br />

obsédés du flicage nous ont assez pompé<br />

l’air avec leurs histoires de bonnes<br />

mœurs et de laïcité à la mord-moi-lenœud.<br />

Qu’ils ruminent leurs rancœurs<br />

rances dans leurs médias poisseux, et<br />

qu’ils nous foutent la paix.<br />

Parmi le déferlement de commentaires,<br />

un truc m’a passablement énervé, c’est de<br />

voir régulièrement la pratique du naturisme<br />

appelée comme exemple ou contreexemple<br />

d’un prétendu « deux poids –<br />

deux mesures ».<br />

Des piscines auraient des créneaux<br />

horaires réservés aux naturistes, alors<br />

que le même « privilège » est refusé aux<br />

femmes qui le demandent ! On prétendrait<br />

interdire aux citoyennes de se baigner<br />

en burkini sur les plages républicaines<br />

et laïques qui côtoient des plages<br />

nudistes !...<br />

Une association bien intentionnée souligne<br />

ironiquement ce qu’elle voit comme<br />

un paradoxe : « là [sur les plages nudistes],<br />

ce ne serait pas du repli identitaire et de<br />

l’entre-soi communautariste ».<br />

Ce communiqué a largement circulé et<br />

personne n’a sursauté. Alors, ami lecteur,<br />

oublions la malodorante polémique et<br />

sursautons ensemble :<br />

Il y a donc des gens qui pensent que la<br />

nudité désigne une « identité ». V’là autre<br />

chose ! On savait déjà qu’il s’en trouve<br />

pour refuser l’idée que les humains<br />

naissent libres et égaux en droit. En voilà<br />

maintenant qui semblent contester que<br />

les humains – tous les humains – naissent<br />

nus.<br />

À poil l’identité<br />

Il est vrai que les humains affichent<br />

un peu de leur identité à travers leur<br />

accoutrement. Le costume trois pièces<br />

signe son homme, le bleu de travail, le<br />

tailleur fuchsia, le jeans à trous aussi. Le<br />

boubou africain, le kaftan mongol ou le<br />

chèche touareg impliquent-ils peut-être<br />

une composante identitaire. Religieuse,<br />

culturelle, traditionnelles, va savoir…<br />

Mais quelle peut bien être la signification<br />

identitaire de l’absence de vêtement ?<br />

Qu’est-ce que ce « repli identitaire » qu’on<br />

reproche aux naturistes, sinon le refus<br />

de se soumettre à l’obligation d’endosser<br />

une identité ?<br />

Expliquons aux mal-comprenants que<br />

si les naturistes semblent pratiquer un<br />

« entre-soi communautariste », c’est peutêtre<br />

parce que la nudité intégrale est<br />

interdite et pourchassée à peu près partout<br />

dans l’espace public. Leur repli sur<br />

des lieux où ils sont tolérés n’est pas<br />

identitaire, il est contraint et forcé, flics<br />

et tribunaux à l’appui. À titre d’exemple,<br />

la seule plage belge dite « naturiste » est<br />

limitée à 400 mètres de bande côtière, soit<br />

0,6% d’un littoral de 66 km. Et la police<br />

patrouille dans les dunes.<br />

D’aucuns s’indignent, Tarik Ramadan<br />

en tête, que les naturistes bénéficient<br />

d’un règlement spécial qui leur réserve<br />

certaines heures dans certaines piscines.<br />

Une seule règle doit prévaloir pour tous,<br />

affirment-ils.<br />

Donnons-leur raison. Pas de règlement<br />

spécial, ça veut dire qu’on doit pouvoir se<br />

baigner dans la tenue de son choix : maillot<br />

deux pièces, une pièce, zéro pièce,<br />

burkini, soutane, redingote ou robe à crinoline<br />

si on préfère.<br />

Oui mais, les bonnes mœurs !<br />

Eh quoi, les bonnes mœurs ? D’où vient<br />

qu’on ne peut pas se balader à poil où<br />

on veut quand on veut ? On peut comprendre<br />

que des gens n’ont pas envie<br />

d’être vus nus. Ça les regarde. On comprend<br />

déjà moins bien qu’ils ne supportent<br />

pas la vue des corps nus de leurs<br />

semblables. Mais que leur phobie fasse la<br />

loi, c’est quand même fort de café !<br />

Est-ce que cet interdit n’a pas un peu<br />

partie liée avec les religions monothéistes<br />

? 1 En tout cas, les missionnaires<br />

dépêchés dans les contrées à coloniser, où<br />

les gens vivaient libres et nus, n’ont rien<br />

eu de plus pressé que de leur enjoindre<br />

d’enfiler un caleçon.<br />

Flics de la laïcité, il est temps d’être<br />

cohérents et de considérer désormais que<br />

tout vêtement, si minime soit-il, quand<br />

il ne sert pas à se protéger du froid, des<br />

intempéries, ou de toutes autres agressions<br />

de l’environnement, ne sert qu’à se<br />

conformer au prescrit religieux. Ne tolérez<br />

pas cela.<br />

Oui, mais l’hygiène ?<br />

Eh bien, signalons que l’absence de tout<br />

vêtement à la piscine réduit d’autant les<br />

risques de mycoses et autres bactéries<br />

qui prospèrent dans le petit bouillon<br />

de culture intime qu’abrite le maillot de<br />

bain. On est partageux, mais on a ses<br />

limites.<br />

L’été est passé. Il nous reste quelques<br />

mois pour expliquer tout ça aux gendarmes,<br />

et à ceux qui les commandent,<br />

avant qu’ils ne recommencent à sévir sur<br />

les plages.<br />

Et les informer aussi que le port de l’uniforme<br />

et des bottines à semelles renforcées<br />

empêchent gravement de jouir de<br />

la brise marine à même la peau, et de la<br />

délicate pression du sable entre les orteils.<br />

Sans parler des aisselles moites et des<br />

pieds qui surchauffent…<br />

1 On ne va pas s’emmerder à citer les textes sacrés<br />

relatifs aux feuilles de vigne d’Adam et Ève, au péché<br />

originel, aux roubignolles de Noé, au caleçon de Moïse.<br />

Ceux qui le souhaitent peuvent de reporter à la Bible<br />

(Genèse 3, 10-11), (Genèse 9, 18-28), (Exode 28, 42-43)<br />

ou au Coran (Sourate 7 :22)


4 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 5<br />

« Un vêtement<br />

comme les autres »<br />

Vraiment ? André Clette<br />

On ne nous fera pas croire que c’est<br />

parce qu’elles aiment ça que des femmes<br />

s’affublent de chaussures aussi inconfortables,<br />

qui font du simple fait de marcher<br />

un exercice complexe et périlleux.<br />

La vérité, c’est qu’elles y sont contraintes<br />

par leurs maris ou leurs compagnons.<br />

Ou, pire encore, parce que le milieu traditionnaliste<br />

où elles évoluent pèse à<br />

tel point qu’elles ont intériorisé l’obligation.<br />

Soumises au regard des hommes,<br />

et à l’impératif de leur plaire, elles ont<br />

acquis la conviction que ces chaussures<br />

malcommodes constituent une part de<br />

leur identité, au point qu’elles acceptent<br />

le sacrifice de leur confort et de leur<br />

mobilité en échange d’un sentiment de<br />

reconnaissance.<br />

Une société soucieuse de préserver<br />

nos valeurs d’égalité se doit de réagir<br />

fermement face à une conception aussi<br />

archaïque du rapport homme-femme, et<br />

de prendre les mesures répressives qui<br />

s’imposent.<br />

Les talons aiguilles doivent être bannis<br />

de l’espace public. Les contrevenantes<br />

seront verbalisées et les policiers veilleront<br />

à scier sur place les talons dépassant<br />

les 28 millimètres réglementaires.<br />

L'oe i l de l’Observatoire<br />

Bruxellois du Clinamen<br />

du savoir-vivre<br />

en manifestation<br />

Dr Lichic<br />

Si les bonnes manières sont déjà amplement documentées<br />

pour la table, la correspondance, la toilette ou encore<br />

le petit personnel, il est une matière où les écrits sont<br />

plus modestes, et je nommerai les Manifestations. Plutôt<br />

qu’une coupable omission nous voyons là une délicatesse<br />

de la gent syndicale, mue par une pudeur louable pour<br />

ne point dicter à chacun son comportement en public, au<br />

risque de muer le socialisme en autoritarisme déplacé,<br />

avec les dérives de l’Histoire que l’on sait. Cette pudeur<br />

si charitable, nous en sommes déliés, car neutre dans nos<br />

affiliations comme dans nos propos. Ainsi, il m’appartient<br />

de proposer quelques menues règles de conduite, de<br />

celles qui font le raffinement de nos sociétés civilisées et<br />

les distinguent somme toute des divagations comportementales<br />

d’outre-je-ne-sais-où.<br />

S’y rendre. On se rend de préférence à la Manifestation<br />

en train. Cette coutume étrange qui délaisse le confort de<br />

l’automobile familiale a pour justification les rencontres<br />

fraternelles et sororales propres à attiser l’esprit de groupe<br />

si nécessaire à l’entreprise désirée. Il est conseillé de rire<br />

des plaisanteries, même salaces, que l’on échange pour se<br />

donner du cœur à affronter les intempéries souvent au<br />

programme (la météorologie étant, comme c’est souvent<br />

le cas, du côté du patronat).<br />

S’habiller. Il est de bon ton d’enfiler sur une tenue sans<br />

excentricités les gilets, chasubles et écharpes colorés en<br />

diable fournis par le syndicat et estampillés aux couleurs<br />

de ses convictions. Le rouge du syndicat socialiste fera<br />

un agréable rappel avec les trognes avinées, et le vert du<br />

syndicat chrétien évoquant la paix et l’espérance dans la<br />

gloire de Dieu. Ne pas se plier à ce folklore expose à de<br />

grands risques ; il est en effet de coutume que les nonalignés,<br />

anarchistes notoires, refusent d’en porter, ce qui<br />

permet de les repérer plus facilement et de les désigner<br />

aux foudres des représentants de l’ordre, qui, alertés<br />

par ce détail subtil, rosseront d’importance d’abord ces<br />

trublions.<br />

Itinéraire. Par définition la Manifestation se rend d’un<br />

point A à un point B pré-négociés avec les représentants<br />

de ceux que l’on conteste et il n’est pas convenable de s’en<br />

écarter. Nul besoin de faire preuve de créativité en ce<br />

domaine, qui sera assimilée à de la rébellion. L’itinéraire<br />

officiel permet en outre de se compter, et d’opposer les<br />

chiffres à ceux publiés par ceux que l’on conteste, dans<br />

un petit jeu certes pusillanime mais si plaisant pour les<br />

convives. En outre, cela permet une surveillance généralisée<br />

et de bon aloi par caméras fixées sur les toits d’un chemin<br />

toujours identique, signe de bonne volonté à l’égard<br />

de ceux qui nous autorisent nos débordements.<br />

Slogans et sifflets. Quelques slogans élémentaires<br />

(Pour exemple :« XXXX, salaud, le peuple aura ta peau »)<br />

font les belles heures d’un classicisme certes d’apparence<br />

simpliste mais qui a le bon goût de se mettre à la portée<br />

de la plèbe qui défile. De la même manière, les cris et sifflets<br />

sont de mise. La passivité, que le public d’aujourd’hui<br />

considère comme de la bienséance, n’est qu’un signe de<br />

l’appauvrissement des esprits et du dessèchement des<br />

cœurs.<br />

Affrontements. Il est hélas de regrettables incidents qui<br />

naissent parfois au cours de la Manifestation de cœurs<br />

échauffés ou d’âmes trop exaltées par la grâce du moment.<br />

L’esprit funeste de Ravachol se réveille soudain et de<br />

braves pères de familles s’emportent inconsidérément en<br />

de vifs émois qu’ils regretteront bientôt à l’ombre bienfaitrice<br />

d’une cellule de dégrisement. Je ne peux que m’attrister<br />

de tels errements et exhorter à ne pas provoquer<br />

les braves pandores qui nous font face. Ce ne sont souvent<br />

eux aussi que des pères aimants qui ne songent qu’à<br />

retourner dans la douceur de leur foyer bien ordonné, qui<br />

sait peut-être par le même transport que vous ? Car dites<br />

vous bien que la Manifestation syndicale n’a, de nos jours,<br />

plus vocation à changer le monde. Il s’agit juste d’un rite<br />

dont l’observance permet de soulager quelques soupapes<br />

d’une vapeur de labeur trop accumulée, et que la télévision<br />

n’a pu résorber. Ce serait idiot de perdre son honneur<br />

de gentilhomme pour de soit- disant idéaux auxquels plus<br />

personne ne prête attention.<br />

Voilà, cher lecteur, quelques préceptes de l’étiquette en<br />

Manifestation, fondées sur le principe de « ce qui se fait »,<br />

et qui guideront, je l’espère, le syndiqué dans les mondanités<br />

du défilé bien ordonné. Que cette leçon d’urbanité<br />

puisse rappeler qu’en tout c’est de la mesure dont on<br />

manque le plus.


6 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 7<br />

Le Scoop de WATRIN<br />

Comment faire du chômage<br />

un secteur économique de pointe<br />

sans devoir toucher les chômeurs, ni même les saluer ?<br />

S’il y a bien un secteur de l’économie<br />

auquel les grands managers de la planète<br />

ne s’intéressent pas assez, c’est le<br />

chômage. Je ne suis pas dans le secret<br />

des dieux, ni encore moins dans celui<br />

plus prestigieux du diable, mais, la dernière<br />

fois qu’on a prononcé le mot « chômeur<br />

» lors d’une réunion du Fonds<br />

monétaire international, c’était sans<br />

doute avant que Dominique Strauss-<br />

Kahn ne connaisse la différence entre<br />

inflation et fellation, c’est dire. Il se peut<br />

même que l’étourdi qui a prononcé le<br />

mot ait reçu un gage du genre donner<br />

dix dollars à une œuvre de bienfaisance,<br />

ça a dû lui faire mal.<br />

En fait, le chômage est un marché économique<br />

trop peu exploité, alors que<br />

toutes les pistes d’arnaque des consommateurs<br />

sont surexploitées et que<br />

toutes les manœuvres d’entourloupe<br />

des banques tournent à plein régime.<br />

Pire, des ministres de tous poils (et de<br />

tous duvets, pour les plus jeunes), peu<br />

conscients du potentiel économique<br />

des chômeurs, s’enorgueillissent dans<br />

les médias d’avoir réduit les chiffres du<br />

chômage. Oui, vous lisez bien (sauf si<br />

vos lunettes ne sont plus bonnes) : ils<br />

sont fiers de dire qu’ils diminuent le<br />

nombre de chômeurs, même quand ils<br />

n’ont aucune raison de le dire parce<br />

qu’il n’en est rien, alors qu’ils devraient<br />

en être gênés.<br />

En plein accord avec moi-même et<br />

mon front commun syndical, je propose<br />

donc de relancer l’économie grâce<br />

à la revalorisation du chômage, via trois<br />

mesures révolutionnaires.<br />

Première mesure : la<br />

promotion de l’inactivité<br />

économique<br />

C’est le b.a.-ba du mécanisme, le chômeur<br />

ne fait rien. Il dort longtemps,<br />

plus qu’un aï (c’est un autre nom du<br />

paresseux, je l’utilise pour ne pas<br />

vexer), il se lève tard, il reste en pyjama<br />

et même à poil s’il est trop pauvre pour<br />

s’en acheter un, il ne se déplace pas, il<br />

ne voit personne… bref, contrairement<br />

au travailleur, il est totalement inoffensif<br />

pour les autres et pour la planète. Il<br />

dort longtemps (pas de consommation<br />

de petit déjeuner), il se lève tard (diminution<br />

de la facture de chauffage et<br />

d’électricité), il ne se déplace pas (pas<br />

de frais de carburant, diminution de la<br />

pollution, chute du nombre d’accidents)<br />

et il ne voit personne (pas de bagarre,<br />

pas de crime, pas d’adultère, la paix !).<br />

Puisque les secteurs économiques sont<br />

en surchauffe, prônons et instaurons<br />

l’inactivité économique. Ne rien faire,<br />

c’est créer de la richesse ! Par le vide,<br />

mais il n’y a pas de petit profit quand<br />

s’enrichir est l’objectif majeur d’une<br />

société.<br />

Deuxième mesure : le profit du<br />

marché de l’appauvrissement<br />

Je le concède, accepter de ne rien faire<br />

et de vivre passivement sans nuire aux<br />

autres n’est pas à la portée de tout le<br />

monde. Moi-même, si je ne me raisonne<br />

pas, il m’arrive certains matins de me<br />

dire « Tiens, je vais me lever ! » et, même<br />

parfois, « Bon, je ne le dis plus, hop, au<br />

boulot ! » Pourtant, les gens qui s’appauvrissent<br />

en ne faisant rien sont très rentables<br />

pour l’économie.<br />

C’est clair comme de l’eau de roche, et<br />

même comme de l’eau-de-vie. Un client<br />

chômeur qui ne parvient pas à rembourser<br />

ses traites doit payer des intérêts<br />

et des amendes qui enrichissent<br />

encore davantage son créancier ; donc,<br />

il est plus rentable qu’un banal travailleur<br />

qui honore ses factures en temps et<br />

en heure. Un patient chômeur qui, par<br />

manque d’argent, ne peut se faire soigner<br />

ou qui ne peut acheter ses médicaments<br />

voit sa maladie s’aggraver. Et une<br />

maladie plus grave, une fois urgente à<br />

traiter, rapporte plus au médecin qui<br />

la traite ou au pharmacien qui délivre<br />

les médicaments pour la combattre.<br />

C’est la vérité du principe économique<br />

qui veut qu’un dentier est davantage<br />

créateur de richesse qu’un plombage.<br />

Et, si les soins surviennent trop tard,<br />

un chômeur décédé fait vivre l’industrie<br />

des pompes funèbres et, dans le<br />

Dominique Watrin<br />

même temps, délivre ses semblables<br />

des dépenses qu’il représente, alléluia !<br />

Enfin, troisième mesure : la<br />

rentabilisation des chômeurs<br />

Inactif par vocation, le chômeur peut<br />

très aisément le rester, tout en apportant<br />

sa contribution à l’enrichissement de<br />

l’économie qui l’exclut. Aux oubliettes le<br />

win-win, place au lose-lose !<br />

Même si certains défenseurs des droits<br />

de l’homme, toujours prêts à démolir<br />

les nouvelles idées des autres, risquent<br />

encore de crier à l’humiliation, les chômeurs<br />

peuvent fournir de multiples<br />

petits services à la société, sans bouger<br />

le petit doigt (ni les autres non plus,<br />

d’ailleurs). Comme poteaux d’éclairage,<br />

par exemple. Disposés le long des chemins,<br />

ils ne rouilleront pas, ne s’éroderont<br />

pas, ne s’abattront pas sur les chaussées<br />

et pourront même faire diminuer la<br />

mortalité sur les routes en sautant sur<br />

le côté dès qu’une voiture lancée à trop<br />

grande vitesse fonce sur eux. Et la liste<br />

des nouvelles tâches sur mesure pour<br />

les chômeurs est inépuisable : trampoline<br />

dans les jardins d’enfants (pour<br />

les gros), punching-ball sur les foires<br />

(pour les minces), tuteur de plante à<br />

domicile (pour les anorexiques), banc<br />

public ambulant (pour les grabataires<br />

en civière), tringle à vêtements dans les<br />

magasins (pour les siamois par le bras),<br />

un monde de rêve où tout le monde a sa<br />

place est possible.<br />

Bon chômage à tous !<br />

N° SPÉCIAL 29/09/2016 - Belgique- GRATUIT - www.memepaspeur-lejournal.net/ Editeur rersp. Etienne Vanden Dooren, 28 rue de l’Ange 6001 Marcinelle (B)<br />

Même pas peur<br />

SPéCIAL MANIF DU 29/09/2016<br />

David Greuse<br />

L’Éditorial<br />

Sacré bordel de vierge enceinte ! Notre<br />

ras-le-bol finira par nous rendre grossiers<br />

envers ceux qui nous gouvernent<br />

et ceux qui nous pompent. Bande de<br />

nodocéphales, de branleurs d’oursins, de<br />

rognures de chancres, de moucheurs de<br />

morpions... Certes, Même Pas Peur adhère<br />

pleinement aux principes élémentaires<br />

de la civilité et de la convivialité et se<br />

refuse à verser dans l’excès qui engendre<br />

la discorde. Mais le rire est le propre de<br />

l’homme. Et le rire est une forme de résistance,<br />

aussi.<br />

Les errements, fourvoiements, dévoiements<br />

que nous constatons partout dans<br />

la société peuvent donner matière à dessiner<br />

et à écrire. Tout comme la mauvaise<br />

foi manifeste, l’obstination myope et<br />

l’arrogance de prétendus responsables et<br />

patrons à favoriser la richesse au détriment<br />

des droits les plus élémentaires.<br />

Tout cela fournit à notre journal une<br />

matière première de la plus haute qualité.<br />

Merci chers Charles, Théo, Kris, Marie-<br />

Christine, Jan, Maggie, Koen, Paul, Johan,<br />

Maxime, Bart ainsi qu’à tous vos collègues<br />

ministres. Merci à vos amis banquiers<br />

et à leurs lobbyistes européens.<br />

Merci aux multinationales, aux histrions<br />

de l’ultra-libéralisme, aux missionnaires<br />

du capitalisme financier. Quel plaisir de<br />

relever vos mensonges, vos approximations,<br />

vos détournements sémantiques et<br />

financiers, vos non-dits et vos contradictions<br />

afin de les porter au grand jour sur<br />

la place publique. Grâce à vous, Même Pas<br />

Peur existe !<br />

Merci pour la chasse aux réfugiés, la<br />

fin du remboursement des opérations<br />

cardiaques, les semaines de 45 heures, la<br />

pension à 67 ans, l’européenne austérité…<br />

Merci à vos émissaires et zélateurs<br />

aussi, aux contrôleurs de la disponibilité<br />

des chômeurs, délateurs en tous genres,<br />

défenseurs du « droit au travail » qui s’attaquent<br />

à vos côtés à ces gangrènes que<br />

sont la pauvreté et le manque d’emplois.<br />

Merci aux pisse-copies et aux magistrats<br />

torves. Les premiers pour traduire<br />

les actes de résistance en histoires de<br />

casseurs et pour leur populisme baveux.<br />

Les seconds pour transformer, au nom du<br />

secret des affaires, la liberté et le droit<br />

d’être informés en faits de délinquance.<br />

Merci à nos patrons, aussi soucieux de<br />

notre bien-être et de notre niveau de vie<br />

que du leur. Merci à Caterpillar, Axa et<br />

tous les autres pour les licenciements collectifs<br />

et fermetures. Merci aussi à Engie-<br />

Electrabel, « entreprise citoyenne et responsable<br />

», pour sa contribution zéro à<br />

nos contributions.<br />

Merci à vous, prédicateurs, prophètes ou officiers<br />

de toutes obédiences : grâce à vous, les<br />

humains vivent une vie d’enfer et la sacrifient<br />

dans l’espoir d’une existence meilleure dans<br />

l’un ou l’autre paradis qui ne soit pas fiscal.<br />

Merci aux flics, avec mention spéciale au<br />

commissaire Pierre Vandersmissen, qui<br />

assurent avec tant de zèle et d’assiduité notre<br />

sécurité dans les rues et ce, en particulier<br />

lorsque le peuple y manifeste contre le gouvernement<br />

(comme il respire).<br />

Merci pour le flicage de nos vies et des<br />

lieux publics, merci aux urbains urbanistes<br />

et publicistes, pour le saccage de nos villes et<br />

nos campagnes.<br />

Merci à Elio pour ses hémorragies cardiaques<br />

successives et aux GPS des chirurgiens<br />

qui prennent les petites routes.<br />

Merci à l’AFSCA et à l’OCAM qui assurent<br />

notre protection contre l’insidieuse prolifération<br />

de nos invisibles ennemis.<br />

Merci, merci, mille fois merci ! Grâce à vous,<br />

Même Pas Peur a de beaux jours devant lui !<br />

Ces 4 pages centrales ont été distribuées lors de la manifestation du 29 septembre 2016


8 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 9<br />

couille molle a des choses à dire<br />

Manifester ? Couille Molle se tâte...<br />

Ce matin, j’ai croisé mon pote Couille<br />

Molle 1 devant la machine à café. Je lui<br />

ai demandé s’il irait à la manif et s’il<br />

ferait grève. Il a eu l’air ennuyé du gars<br />

qui ne veut déplaire à personne.<br />

- Écoute, fieu. Monsieur Proetmacher<br />

pense que ça ne serait pas une bonne<br />

idée. Et Monsieur Proetmacher, c’est<br />

quand même un chef de service, hein.<br />

Un homme qui sait ce qu’il dit.<br />

Remarque, ce n’est pas que je ne suis<br />

pas solidaire, hein. Défendre le pouvoir<br />

d’achat, les services publics, la<br />

sécurité sociale, l’emploi, une fiscalité<br />

plus juste, et patati et patata… tout ça<br />

c’est très bien. Je suis d’accord qu’il ne<br />

faut pas se laisser faire. Mais, comme<br />

dit Monsieur Proetmacher, quand tu<br />

penses à tous ces pauvres gens qui ont<br />

subi un tremblement de terre et qui<br />

sont sous les décombres, tu te dis qu’il<br />

y a des choses plus graves dans la vie<br />

que nos petits problèmes, non ? Sans<br />

parler de nos SDF…<br />

Alors, moi je dis qu’on est de privilégiés<br />

qui s’ignorent, et que défendre ses<br />

privilèges, c’est quand même un peu<br />

insulter ceux qui sont plus malheureux<br />

que nous, non ?<br />

Ce bobo gauchiste de Poil Decul 1 dit<br />

que c’est le patronat qui crée et qui<br />

entretient le chômage pour s’assurer<br />

une main d’œuvre docile et pas chère,<br />

au lieu de diminuer le temps de travail<br />

de tous pour donner du travail à tout<br />

le monde.<br />

Je ne dis pas qu’il a tort, mais Monsieur<br />

Proetmacher dit qu’on ne va pas<br />

contre les lois du marché. Qu’il faut<br />

regarder la réalité en face. On n’est pas<br />

sur terre pour rigoler. La vie n’est pas<br />

une promenade de santé, hein. On est<br />

dans un monde concurrentiel.<br />

Tu comprends, fieu, moi j’ai travaillé<br />

dur pour arriver où j’en suis. J’en ai<br />

chié. Alors, il n’y a pas de raison que les<br />

autres n’en chient pas aussi. Moi, les 38<br />

heures, je les fais en trois jours. Parce<br />

que partir trop tôt du boulot, quand<br />

tu as des responsabilités, ça ne se fait<br />

pas. C’est mal vu. Et, de toute façon, si<br />

c’est pour me retrouver en tête à tête<br />

avec bobonne, hein… autant rester au<br />

bureau.<br />

Moi je dis, quand tu as un boulot,<br />

tu ne vas pas aller manifester et faire<br />

grève et risquer de le perdre. Ça arrangerait<br />

qui ? Monsieur Proetmacher dit<br />

que les grèves et les manifs, il ne faudrait<br />

faire ça que le dimanche. Pour ne<br />

pas prendre tout le monde en otage. Ou<br />

alors, laisser faire ça aux chômeurs. On<br />

les paie quand même à ne rien faire.<br />

D’un autre côté, ce gauchiste de Poil<br />

Decul dit que manifester pour le pouvoir<br />

d’achat et l’emploi, ça ne remet<br />

pas vraiment en cause le système, que<br />

c’est quand même pas ça qui va faire la<br />

révolution et abattre le capitalisme. Il<br />

dit que ça ne sert à rien. Du coup, j’irais<br />

bien manifester, rien que pour le faire<br />

chier.<br />

Seulement, tu comprends les trains<br />

vont être bondés. Et si, justement, il y a<br />

un chirurgien qui doit prendre le train<br />

et qu’il ne trouve pas de place assise<br />

parce que c’est plein de manifestants<br />

avec des pancartes et des drapeaux,<br />

André Clette<br />

et qui parlent fort. Et que, du coup, il est<br />

énervé et fatigué au moment où il doit<br />

opérer. Et qu’à cause de ça, il fait un faux<br />

mouvement avec son bistouri. Et que,<br />

du coup, la femme à qui il refait le nez<br />

pour qu’elle ressemble à Penelope Cruz,<br />

voilà qu’il lui fait la tête d’Arielle Dombasle…<br />

hein. Tu ne te sentirais pas un peu<br />

responsable ?<br />

Ce que je crains surtout, c’est les débordements.<br />

Si je prends un mauvais coup<br />

et que je ne sais plus assurer mon service,<br />

hein. Tu as pensé à ça ? Alors que<br />

Monsieur Proetmacher m’a confié une<br />

mission. Je dois compter les gobelets de<br />

la machine à café. Il paraît que les gens<br />

les volent. 1<br />

1 NDLR : les noms et prénoms ont été changés pour<br />

préserver l’anonymat des personnes.<br />

Le Scoop de WATRIN<br />

Êtes-vous un con incapable de manifester ?<br />

Le test de dépistage 100% remboursé, sauf qu’il est gratuit<br />

Manifester, c’est une tradition bien ancrée en Belgique, mais c’est aussi un don. Et un don, c’est comme le sens<br />

du commerce (équitable) ou le virus de la politique (honnête) : on l’a ou on ne l’a pas. Afin de mieux vous situer<br />

sur l’échelle des manifestants à la sensibilité qui va de Staline (tout à gauche, après avoir tué plein de bons<br />

camarades) à Léon Degrelle (tout à droite, mais il n’était pas tout seul), voici un test en dix questions.<br />

1) Qu’emportez-vous en priorité lorsque vous partez à une manifestation ?<br />

a- Ma femme, elle m’oblige<br />

b- Mon bouclier, ma matraque et mon spray qui pique fort<br />

c- Un sac de pavés, je préfère les miens, ils se lancent mieux<br />

2) Que buvez-vous dans une manifestation ?<br />

a- Des bières, des bières et, parfois, encore des bières<br />

b- Je n’arrive pas à boire à cause de mon casque<br />

c- Les paroles des orateurs à la fin de la manif, mais je ne comprends rien<br />

3) Quel est, pour vous, le nombre idéal de personnes dans une manifestation ?<br />

a- N’importe quel nombre de personnes, mais sans ma femme<br />

b- Zéro personne, je déteste les manifestations<br />

c- Selon la police ou selon les manifestants ?<br />

4) Quel est votre record personnel de lancer de poteau de signalisation ?<br />

a- 200 mètres, mais j’ai peut-être mal calculé, j’avais bu beaucoup de bières<br />

b- Je ne les lance pas, je contre-attaque<br />

c- Dix centimètres, mais j’avais glissé sur un œuf cru que j’avais jeté<br />

5) Quel est votre manifestant préféré ?<br />

a- Daniel Cohn-Bendit<br />

b- Le Roi (et aussi la loi, la liberté)<br />

c- Moi<br />

6) Quelle est la dernière manifestation à laquelle vous avez participé ?<br />

a- Je ne sais pas, demandez à ma femme<br />

b- Le défilé du 21 juillet<br />

c- Une manifestation où on était contre<br />

Dominique Watrin<br />

7) Qu’est-ce qui vous énerve le plus dans une manifestation ?<br />

a- Les copains qui rigolent parce que je suis venu avec ma femme<br />

b- Les manifestants<br />

c- Les pétards qui explosent dans ma main, parce que je ne les lance pas assez vite<br />

8) Que faites-vous si, dans une manifestation, un officier de policier se précipite vers<br />

vous avec un spray au poivre irritant ?<br />

a- Je m’irrite et je le frappe<br />

b- Je lui dis : « Hé, chef, c’est moi ! »<br />

c- Je lui demande s’il n’a pas plutôt un spray au sel (ou au paprika)<br />

9) Qu’écririez-vous sur un calicot que vous brandiriez à une manifestation ?<br />

a- Femme à vendre, premier propriétaire, contrôle technique OK<br />

b- Non aux manifestations<br />

c- Je ne porte jamais de calicot, je ne sais jamais dans quel sens les tenir<br />

10) Pensez-vous qu’il y a trop de manifestations en Belgique ?<br />

a- Non, j’adore les congés<br />

b- Oui, ça me fait des ampoules à la main qui tient la matraque<br />

c- Non, parce que ce sont les seuls jours où je suis sûr que les trains ne sont pas en<br />

grève<br />

Résultats : Si vous avez plus de réponses a ou de réponses c, arrêtez toute manifestation,<br />

vous n’êtes pas fait pour la défense des travailleurs. Si vous avez plus de réponses b,<br />

faites gaffe, on vous a repéré, vous êtes un flic. Si vous avez plus de réponses d, il faut<br />

vous faire interner d’urgence. Et, si vous n’avez rien répondu, bravo, vous avez compris<br />

que c’est… un test de con !<br />

Bonnes manifestations à tous !<br />

La cuisine désobéissante<br />

desobeissante<br />

Jean-Philippe Querton<br />

appel d’urgence<br />

De Robert du wagon de tête à Josiane qui<br />

doit être avec les porteurs de caliquots<br />

des Ultras : peux-tu, ma Josiane, dire à Francine<br />

de dire à Marc de ne pas stresser. J’ai<br />

loupé le 7h24 mais que je suis dans le 7h47<br />

avec la soupe aux oignons des camarades. Ah<br />

oui, j’oubliais : j’ai la louche !<br />

déviation pour<br />

cause de déviance<br />

La manifestation ne passera pas devant<br />

le pénis de la barrière de Saint-Gilles.<br />

Charles Michel « ne veut pas que ses enfants<br />

voient cette « chose » répugnante (et grosse) à<br />

la télévision d’état ».<br />

les contes qu’on nous raconte<br />

à contre-emploi !<br />

Combat pour le renforcement<br />

du droit du travail, fin de la<br />

propriété privée des moyens<br />

de production, le PTB n’a qu’à<br />

bien se tenir : le MR vient<br />

chasser sur ses terres !<br />

Charles Michel - Premier ministre,<br />

MR -, martial, baïonnette au canon, à<br />

bâbord toute !, sus à l’ennemi ! « Nous<br />

allons combattre Caterpillar pour faire<br />

respecter les droits des travailleurs » ! « On<br />

touche aux limites du système » ! Olivier<br />

Chastel - Président du MR -, embraye<br />

« Il faut utiliser tous les moyens à la disposition<br />

des pouvoirs publics pour récupérer<br />

le site, ses bâtiments, l’outil. Il faut<br />

(…) réquisitionner ». Et comprendre si<br />

on licencie plus facilement en Belgique<br />

qu’en France : « si c’est le cas, est-ce qu’il<br />

n’y a pas quelques éléments à changer ? ».<br />

La N-VA a trouvé son maître<br />

en mépris !<br />

La N-VA par la voix de la parlementaire<br />

Zuhal Demir s’étrangle de rage :<br />

le refus de la direction de Caterpillar<br />

de se rendre à l’invitation des parlementaires<br />

« c’est du mépris, un manque<br />

de respect » (vis-à-vis des parlementaires,<br />

bien sûr !).<br />

Le PS retrouve les accents du<br />

capitalisme d’État.<br />

Paul Magnette quitte son rôle de<br />

beau-fils des familles. Ayant découvert<br />

que même le premier magistrat du<br />

pays pouvait traiter l’État de « voyou »,<br />

de nouveaux horizons irrévérencieux<br />

s’offrent à lui. Il traite les patrons de<br />

Caterpillar de « voyous » et, hardi !,<br />

hardi !, en avant, il promet, « formellement<br />

», « Nous reprendrons le contrôle<br />

du site de Caterpillar ». Il sait que promettre<br />

l’intenable n’est pas sanctionné<br />

en politique.<br />

Populiste en diable, le PTB,<br />

cannibalise la lutte à venir.<br />

Raoul Hedebouw (PTB) joue la<br />

mouche du coche. Il est dans tous les<br />

médias, appelant les gouvernements à<br />

« créer le rapport de forces », s’appropriant<br />

le combat passé, payé si cher,<br />

des syndicalistes de Clabecq, allant et<br />

répétant «nous les travailleurs », sans<br />

même laisser aux travailleurs et aux<br />

délégués de Carterpillar le temps de<br />

construire les termes et les conditions<br />

de ce qui sera leur combat, dont ils<br />

paieront le prix, que ce soit celui de la<br />

réussite ou de l’échec.<br />

L’hypocrisie pue de la gueule.<br />

Quand on vient de se prendre un 15<br />

tonnes dans la gueule, l’union sacrée<br />

de l’hypocrisie fait sans doute du bien.<br />

Moi, cela aurait tendance à me foutre<br />

en rogne, mais bon, moi, c’est moi.<br />

Parce que c’est moche, très moche, de<br />

se faire jeter, à soi tout seul, à 80, à 650<br />

ou à 2.000. La colère scandalisée, les<br />

Sokolov<br />

travailleurs y ont droit et plus encore.<br />

Mais, la feinte surprise, l’étonnement<br />

vertueux, les déclarations va-t-enguerre<br />

et matamoresques des politiques<br />

qui semblent découvrir le capitalisme<br />

auquel ils collaborent, ce n’est<br />

pas joli, joli. C’est même puant.<br />

Pendant ce temps-là, business<br />

as usual,<br />

la FEB plaide pour la signature de<br />

deux traités de libre-échange (Canada<br />

et Etats-Unis) qui enlèveront encore un<br />

peu du pouvoir d’action des gouvernements<br />

et des syndicats, d’autres MR<br />

rappellent qu’il ne faut pas critiquer<br />

toutes les multinationales, seulement<br />

celles qui sont grossières, les patrons<br />

ne perdent pas le nord et demandent la<br />

réduction des impôts, le maintien des<br />

intérêts notionnels et la diminution<br />

des cotisations sociales, pour rester en<br />

Belgique, vous comprenez, le gouvernement<br />

fédéral n’a pas annoncé qu’il<br />

retirait de son programme l’allégement<br />

de la procédure Renault, le fédéral<br />

cherche (au moins) 2,4 milliards<br />

pour l’équilibre du budget, le ministre<br />

des finances veut que Belfius reprenne<br />

Ethias, au risque de licenciements collectifs...<br />

Moi, au moment de construire<br />

les alliances nécessaires au combat, je<br />

me méfierais tout de même de l’union<br />

sacrée de l’hypocrisie.<br />

suggestions culinaires<br />

à l’usage du manifestant<br />

Du spray au poivre<br />

sur la bidoche.<br />

Pour s’en aller casser le patronat et<br />

les mesures d’austérité, il faut que le<br />

manifestant se sustente, la journée<br />

sera longue, la marche épuisante et<br />

les cordes vocales seront mises à rude<br />

épreuve.<br />

Pour la voix, une infusion de thym<br />

avec un peu de miel ; pour le reste, des<br />

protéines à foison : du fromage blanc,<br />

une omelette de six œufs bien baveuse<br />

ou un pavé de bœuf de belle taille<br />

(que vous saisirez à peine pour qu’il<br />

saigne encore) vous procureront suffisamment<br />

d’énergie pour interpeller<br />

les gras ministres pleins de cholestérol<br />

qui font rien que de nous embêter !<br />

Manger local !<br />

Sur place, soutenez le commerce<br />

local et surtout, fuyez les enseignes<br />

aux relents de capitalisme outrancier,<br />

symboles d’une malbouffe généralisée,<br />

ces multinationales qui chantent (faux)<br />

des slogans aussi délirants que « Nous,<br />

c’est le goût » et hurlez plutôt « Les<br />

hamburgers dans l’égout ! »<br />

Bruxelles regorge d’enseignes<br />

typiques où le kebab, le dürüm, la pitta,<br />

le gyros font les délices des contrôleurs<br />

de l’AFSCA, c’est soutenir le petit commerce<br />

que de profiter de votre séjour<br />

dans la capitale européenne pour<br />

savourer ces mets que bientôt nous<br />

ne pourrons plus prétendre déguster<br />

dans leurs pays d’origine, puisque<br />

nous n’aurons plus les moyens de nous<br />

y rendre. C’est également faire preuve<br />

de savoir vivre ensemble que d’honorer<br />

de la présence colorée des manifestants<br />

affamés ces lieux baignés par des<br />

accents chantants et des musiques du<br />

monde.<br />

Recycler, c’est tendance.<br />

L’afflux de ces masses en colère provoque<br />

une pression énorme sur les<br />

épaules des préposés de Bruxelles-Propreté.<br />

Jetez donc vos déchets sur les<br />

policiers, ils ont droit aussi à une collation.<br />

C’est aussi réconcilier les masses<br />

laborieuses (ou pas) avec les forces de<br />

l’ordre que de poser ce geste de courtoisie.<br />

Et puis, quoi de plus beau qu’un<br />

pandore maculé de mayonnaise, de<br />

rondelles de cornichon et de carottes<br />

râpées ?<br />

Ne pas oublier de s’hydrater.<br />

Deux suggestions pour une manifestation<br />

en douceur : la trappiste de<br />

Rochefort 10° servie sur un lit de Porto<br />

blanc ou une Chimay bleue sur sa dose<br />

généreuse de Picon. Ne point trop abuser,<br />

après trois verres, prendre un café.<br />

À tous, bon appétit et belle manif’ !<br />

Faut que ça pète, faut que ça gueule,<br />

faut que ça bouge !


10 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 11<br />

édito edito du 30 septembre 2016<br />

lendemain de manif<br />

Pourquoi attendre ? À l’heure où<br />

les dépêches circulent plus vite<br />

que les trouvailles journalistiques,<br />

pourquoi se résigner à patienter<br />

jusqu’à demain pour accéder aux<br />

comptes rendus éclairés de La Libre<br />

Belgique, La Capitale ou la DH ?<br />

Soucieux d’étancher la légitime<br />

soif d’information de ses lecteurs<br />

et de coller toujours au plus près<br />

d’une actualité en pleine ébullition,<br />

Même Pas Peur vous propose<br />

de découvrir dès aujourd’hui les<br />

grands titres qui feront la une de<br />

demain.<br />

Il devait s’agir d’un rassemblement<br />

pacifique appelant à une plus<br />

large concertation sociale ; mais pour<br />

beaucoup, la manifestation interprofessionnelle<br />

d’hier a tourné au<br />

cauchemar...<br />

Tout avait pourtant bien commencé.<br />

Quelque 20 000 manifestants (100 000<br />

d’après les organisateurs) se sont rassemblés<br />

dans le calme vers onze heures<br />

aux abords de la Gare du Nord, et le<br />

cortège s’est ébranlé en direction du<br />

centre-ville dans une grogne de bon<br />

aloi. Mais très vite, on signale les premiers<br />

incidents.<br />

LE PAYS PARALYSÉ<br />

Suite à la forte perturbation du trafic<br />

ferroviaire par les actions syndicales<br />

et aux importants embarras de circulation<br />

générés sur les grands axes<br />

routiers, certains manifestants, passablement<br />

éméchés, auraient invectivé<br />

des automobilistes, et des altercations<br />

musclées auraient éclaté, endommageant<br />

un grand nombre de véhicules<br />

selon certains témoins. Plusieurs blessés<br />

légers seraient à déplorer, mais les<br />

responsables des services hospitaliers<br />

ont immédiatement annoncé ne pas<br />

pouvoir les accueillir, faute d’effectifs<br />

disponibles (outre le personnel gréviste,<br />

de nombreux chirurgiens, coincés<br />

dans les embouteillages, ont également<br />

été privés de leur droit au travail). On<br />

ignore encore le nombre de victimes<br />

(belges, dans leur très grande majorité),<br />

mais la liste risque de s’allonger dans<br />

les heures à venir. Les aéroports n’ont<br />

pas été épargnés par le chaos ambiant :<br />

la plupart des employés de Belgocontrol<br />

ayant rejoint les rangs des manifestants,<br />

le spectre du crash aérien a<br />

plané toute la journée sur les terminaux<br />

dépeuplés ; fort heureusement, la catastrophe<br />

a finalement pu être évitée.<br />

Du reste, l’action en front commun<br />

(qui, d’après nos sources, engendrerait<br />

une perte d’environ 800 millions<br />

d’euros pour les entreprises belges) ne<br />

fait pas le bonheur de tout le monde.<br />

En marge du cortège, les indépendants<br />

du piétonnier, grands laissés pour<br />

compte de ce rassemblement populaire,<br />

ont tenu à réaffirmer leur mécontentement<br />

: « Le parcours des manifestations<br />

contourne toujours cette zone ; pour nous,<br />

le manque à gagner est énorme [...] nous<br />

sommes pris en otage, je ne sais pas comment<br />

je vais m’en sortir », se désole J.-L., 29<br />

ans, le regard désespérément fixé sur le<br />

seuil de sa boutique désertée. Plusieurs<br />

Benoit Doumont<br />

parents nous ont aussi fait part de leur<br />

détresse : « Les enseignants sont démissionnaires<br />

[...] nos enfants sont livrés à euxmêmes<br />

dans les écoles. J’ai très peur pour<br />

l’avenir », nous avouait ainsi B., maman<br />

de trois enfants.<br />

« ON A ÉCHAPPÉ AU PIRE ! »<br />

Vers quinze heures, une rixe a éclaté<br />

entre quelques manifestants, consécutivement,<br />

semble-t-il, au vol d’une<br />

canette de bière par un affilié FGTB. La<br />

situation a rapidement dégénéré et de<br />

violentes échauffourées se sont déclarées<br />

en queue de cortège. Les forces de<br />

police, pourtant déployées en nombre<br />

pour assurer la sécurité de l’événement,<br />

ont été débordées en un instant, et<br />

plusieurs grandes artères se sont bientôt<br />

vues envahies par les fauteurs de<br />

troubles. De nombreux heurts et incidents<br />

ont explosé en divers endroits de<br />

la capitale, et le groupe musical chargé<br />

d’animer la scène du PTB a même été<br />

contraint d’interrompre sa prestation en<br />

pleine interprétation d’un morceau de<br />

Tracy Chapman. Les casseurs, armés,<br />

selon certaines sources, de machettes<br />

et de fusils de chasse, s’en sont pris aux<br />

forces de l’ordre, qui ont riposté en faisant<br />

usage de leur spray au poivre. Les<br />

hooligans ont finalement été arraisonnés<br />

; ils risquent chacun jusqu’à un an<br />

de prison et 1800 euros d’amende. « On<br />

a échappé au pire », nous confiait hier<br />

le commissaire divisionnaire de zone,<br />

encore sous le choc. La situation est peu<br />

à peu revenue à la normale dans le courant<br />

de l’après-midi.<br />

À qui la faute, hein ?<br />

La RTBF, télé dite publique, fait poser<br />

« La question qui dérange » par Benjamin<br />

Maréchal : « Caterpillar fermé : la faute aux<br />

travailleurs grévistes ? »<br />

La réponse du réac de service sans<br />

déontologie étant connue, pas la peine de<br />

regarder cette émission faisandée.<br />

Même pas peur,<br />

pourquoi comment ?<br />

Même Pas Peur, mensuel irrévérencieux,<br />

critique, satirique revendique<br />

une place spécifique dans les médias<br />

belges francophones. Conçu, dessiné,<br />

écrit, réalisé par des personnes qui, de<br />

longue date, ont décidé de se servir de<br />

leur cerveau et de leurs mains, gauche<br />

et droite, pour penser, rire, rêver, cracher<br />

dans la soupe sans avoir besoin<br />

d’accréditation professionnelle ou<br />

« experte », il est radicalement indépendant<br />

et, évidemment, 100% sans<br />

publicité. Le monde comme il tourne,<br />

en particulier le petit monde belge,<br />

étouffe la créativité, l’émancipation,<br />

l’égalité, la liberté. Même Pas Peur,<br />

né dans la foulée de l’attentat contre<br />

Charlie Hebdo, veut perpétuer, voire<br />

renouveler, la tradition de la pensée<br />

impertinente.<br />

Même Pas Peur ne milite pour aucun<br />

parti. Par le rire et la critique, chaque<br />

auteur entend y dénoncer un travers,<br />

quand ce n’est pas une abjection,<br />

démasquer l’hypocrisie bien-pensante<br />

et faire écho à vos initiatives drôles,<br />

futées, alternatives.<br />

L’association « Même pas peur » a été initiée par Cactus Inébranlable Éditions (www.cactusinebranlableeditions.e-monsite.com) et Les Éditions du Basson (www.editionsdubasson.com)<br />

Comité de rédaction Styvie Bourgeois, Thomas Burion, André Clette, Serge Delescaille, Sylvie Kwaschin, Fabienne Lorant, Jean-Philippe Querton, Etienne Vanden Dooren Mise en page Etienne Vanden Dooren, Serge<br />

Delescaille Contributeurs dessins Thomas Burion, Yvan Carreyn, Slobodan Diantalvic, David Greuse, Marco Paulo, Jacques Sondron Contributeurs textes André Clette, Benoit Doumont, Jean-Philippe Querton,<br />

Sokolov, Etienne Vanden Dooren, Dominique Watrin.<br />

Le site : http://www.memepaspeur-lejournal.net N° de compte BE 28 0017 5410 1520<br />

les contes qu’on nous raconte<br />

politique ?<br />

Vous avez dit<br />

« grève politique » ?<br />

Éditorialistes, fédérations patronale,<br />

lecteurs du Vif, de la DH, de Vers<br />

l’Avenir, de… ,N-VA et autres droites<br />

s’insurgent, s’étouffent et s’étranglent :<br />

les grèves sont « politiques » ! Scandaleux<br />

! Illégal ! Ça suffit : contentez-vous<br />

de défendre vos intérêts professionnels<br />

immédiats, corporatistes, qu’on puisse<br />

enfin vous traiter de « corporatistes<br />

irresponsables » et prétendre que la<br />

défense de vos intérêts conduit à la fermeture<br />

des entreprises.<br />

Restez poli, propres sur vous et respectueux<br />

du droit établi. De petits arrêts de<br />

travail pour réclamer du papier chiotte,<br />

OK. Surtout, sans gêner sans rien bloquer.<br />

Évidemment sans violence. Mais,<br />

refuser la politique du gouvernement,<br />

faire de la politique, ça, ça ne se fait pas.<br />

Ils ont été élus et pas vous. Ils savent ce<br />

qui est bon pour le peuple, et pas vous.<br />

Les entreprises, surtout les grandes,<br />

et les fédérations patronales n’ont pas<br />

de pudeurs de vierges effarouchées.<br />

Elles ne se gênent pas pour faire de la<br />

politique. Elles ne se gênent pas pour<br />

dire qu’il faut réduire les salaires, y<br />

compris la part de salaire solidaire versée<br />

en cotisations sociales. Elles ne se<br />

gênent pas réclamer l’allongement du<br />

temps de travail, une flexibilité accrue<br />

sans payer d’heures sup., la réduction<br />

de leurs impôts. Elles ne se gênent pas<br />

pour négocier avec les administrations<br />

fiscales des règles espéciales pour ne<br />

pas être imposées, pour ne pas mettre<br />

d’argent dans le pot commun. Elles<br />

savent que l’économie, c’est politique.<br />

Et elles savent que les gouvernements<br />

et l’Union européenne travaillent pour<br />

elles.<br />

Les grandes entreprises savent que<br />

l’opposition entre le marché et l’État,<br />

Nous ne sommes pas tous égaux face aux<br />

insultes.<br />

Les riches et les puissants s’en cirent leurs<br />

bottines en crocodile que vous les traitiez de<br />

« patrons-voyous », de « gamins de merde »<br />

ou, plus fleuri, de « sales porcs pleins de<br />

pognon ».<br />

Pire, si vous les traitez d’ « enculés » ou<br />

de « fils de pute », vous ne ferez qu’alimenter<br />

les clichés qu’ils ont sur le petit peuple<br />

qu’ils pillent à tout va.<br />

c’est du pipeau, un miroir-aux-alouettes<br />

pour attraper ceux qui croient qu’on peut<br />

penser le monde en noir et blanc : le marché<br />

ou l’Etat, avec ou sans moustache,<br />

bête ou méchant,… Les États ont créé et<br />

encadrés les marchés et leurs acteurs. Ils<br />

ont fini par laisser les mains libres aux<br />

acteurs des marchés pour faire un maximum<br />

de profit, reversé aux détenteurs<br />

des capitaux.<br />

Les grandes entreprises ne sont pas<br />

contre les États. Elles les utilisent. Elles<br />

font pression et lobbying pour que soient<br />

créées les conditions qui leur permettent<br />

d’exploiter au maximum les gens, les<br />

terres, les ressources naturelles, nos<br />

connaissances, notre créativité. Elles<br />

poussent les États à conclure des accords<br />

transnationaux d’investissement et de<br />

commerce et à la création de tribunaux<br />

spéciaux qui leur permettront ensuite<br />

d’attaquer les mêmes États pas suffisamment<br />

complaisants. Et les États sont prêts<br />

à signer.<br />

Ailleurs dans le monde, même simplement<br />

de l’autre côté de la frontière, les<br />

grandes entreprises ne restent pas polies,<br />

soumises, bien élevées, respectueuses<br />

des droits. Elles ne se gênent pas pour<br />

s’appuyer sur la police, voire l’armée pour<br />

casser les manifestations et les protestations.<br />

Elles n’hésitent pas à soutenir un<br />

coup d’Etat pour protéger leurs intérêts.<br />

Elles ne négligent pas non plus la<br />

bataille des mots et des idées. C’est pour<br />

cela qu’elles diffusent et font diffuser le<br />

message selon lequel nos grèves seraient<br />

politiques et que ce serait scandaleux.<br />

Faire grève ? C’est toujours politique.<br />

Et ce n’est jamais scandaleux. Soyons fier<br />

d’être politiques ! Être politiques, c’est<br />

prendre notre destin, nos vies en mains.<br />

Va niquer ton banquier !<br />

Florian Houdart<br />

Il est donc urgent de réapprendre à les<br />

insulter d’une façon qui leur ira droit au<br />

cœur !<br />

Admettons qu’un de ces messieurs d’en<br />

haut vous manque de respect et qu’il ait une<br />

drôle de trogne. Pourquoi ne pas le traiter<br />

de « tête de SICAV », vous savez ce produit<br />

financier foireux qui n’est même pas côté en<br />

bourse... Ça doit avoir une drôle d’allure ce<br />

machin-là. Et puis, s’il se la pète vraiment<br />

mais qu’il fait les choses à moitié, lui lancer<br />

« espèce de tricycle de golf » en pleine<br />

Sylvie Kwaschin<br />

C’est refuser de les laisser broyer par<br />

ceux qui prétendent s’attribuer tout<br />

le pouvoir, celui qui s’exerce dans les<br />

entreprises et dans ce qu’on appelle<br />

« l’économie » et celui qui s’exerce dans<br />

les parlements et les gouvernements<br />

lorsqu’ils sont aux ordres.<br />

Et, sauf pour mesure les risques pris<br />

et à prendre, peu importe que ce soit<br />

légal ou pas, reconnu par « les instances<br />

internationales » ou non. Le droit est<br />

aussi le reflet des rapports de force et,<br />

à un moment donné, c’est en force qu’il<br />

faut le transformer.<br />

Faites de la politique ! Dans les entreprises,<br />

dans la rue, partout. Personne<br />

n’est propriétaire du politique !<br />

Tu paieras ta télévision<br />

Avec tes Gauloises manquées<br />

Tu paieras ton lapin-vison<br />

À la Sociale Sécurité<br />

T’enverras des fleurs à ta mère<br />

Avec le reste de tes soucis<br />

Tu mettras de l’eau dans ton verre<br />

Le vin ça fout la maladie<br />

Mais faut jamais, même en rêve<br />

Faut jamais faire la grève...<br />

(…)<br />

Quand t’auras le temps t’iras voter<br />

En montrant tes papiers de souverain<br />

Pour envoyer ton député<br />

Faire les conneries que tu ferais bien<br />

Si par hasard on te fait savoir<br />

Que le pain le boulot la liberté<br />

Se sont faits faire sur le trottoir<br />

Comme une gonzesse... t’auras<br />

gagné...<br />

Alors des fois, même en rêve<br />

Tu pourras peut-être faire la grève...<br />

Léo Ferré<br />

face aura le mérite de le surprendre. Il<br />

a des allures de vieux-beau, façon Alain<br />

Delon ? L’appeler « schnock de Knokke »<br />

devrait aussi produire son effet.<br />

N’oublions pas que chez les riches,<br />

l’honneur de la famille est aussi une<br />

valeur sûre. Dans un milieu d’avocats<br />

d’affaires ou de médecins spécialistes<br />

hautement réputés, dénigrer quelqu’un<br />

en l’appelant « fils de généraliste » ne<br />

peut pas laisser indifférent. Et s’il y<br />

a des ascendances nobles dans l’air,<br />

balancer un « foutriquet sans particule<br />

» à celui qui fixe tout le monde d’un<br />

regard en coin amènera sans doute un<br />

blanc bienvenu dans la conversation.<br />

Toutefois, il ne faut pas ignorer que<br />

nous sommes désormais au XXIème<br />

siècle, à l’ère des sociétés anonymes<br />

et des multinationales. Dans ce<br />

contexte, l’insulte ultime demeure<br />

sans conteste : « Ton père n’est qu’un<br />

actionnaire minoritaire ». Comment, en<br />

effet, imaginer plus bel affront ?<br />

Mais si vous tenez vraiment à insulter<br />

les mères, au lieu de faire allusion<br />

à leurs mœurs supposées dépravées,<br />

pourquoi ne pas lâcher, avec dédain :<br />

« Ah, c’est ta mère, ça ? Elle se sape tellement<br />

comme une pauvre que j’ai cru que<br />

c’était la femme de chambre... ». Effet<br />

garanti pour pourrir l’ambiance !<br />

Enfin, gardons à l’esprit que si le riche<br />

peut se distinguer, c’est surtout grâce<br />

à sa fortune. Attaquons-le donc directement<br />

sur celle-ci ! Puisque que les<br />

signes d’aisance aiment à se montrer<br />

lors des réceptions mondaines, si vous<br />

venez à être invité par une bande de<br />

prout-prouts, allez-y et éclatez-vous !<br />

Tout d’abord, repousser votre assiette<br />

d’une main et dites : « Mais c’est du<br />

caviar de Calais, ça ! » Quand on vous<br />

quémandera un commentaire sur le<br />

vin , enchaînez franco : « Votre Saint-<br />

Émilion, ce breuvage soi-disant millésimé ?<br />

Il est tellement pas bon que j’appelle ça<br />

du Saint-Émillier ! ». Puis critiquez un<br />

peu les lieux. Gargarisez-vous d’un :<br />

« Comment ? Ton antichambre et ton salon,<br />

c’est la même pièce ? ».<br />

Devant les yeux médusés de vos hôtes,<br />

inventez que même votre résidence<br />

secondaire est mieux que ça. Vous jubilerez,<br />

surtout si comme moi, vous n’en avez<br />

pas. Après, finissez votre raillerie par<br />

« Eh ton yacht, tu l’as acheté à crédit ? De<br />

toutes façons, il est tellement petit que même<br />

Sarkozy n’en voudrait pas.»<br />

Alors là, c’est sûr qu’on ne vous invitera<br />

plus et que vous cesserez d’entendre<br />

Marie-Henriette se plaindre<br />

des mendiants ou de voir Jean-Charles<br />

exhiber sa collection de Rolex.


Nos amis les bêtes et méchants<br />

Petite histoire de la presse satirique Cyril Bosc<br />

<strong>12</strong> / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 13<br />

épisode 2<br />

Jacques Sternberg :<br />

précurseur et éternel soutien de la presse satirique<br />

Il n’est pas question ici de refaire le<br />

parcours littéraire de l’écrivain, ni<br />

de faire un inventaire de ses participations<br />

à de très nombreuses revues<br />

(Bizarre, Fiction, Plexus, Le Magazine<br />

Littéraire,…) mais de montrer que<br />

Jacques Sternberg a été, tout au long<br />

de sa vie, un fidèle soutien à la presse<br />

satirique.<br />

Né à Anvers en 1923, Jacques Sternberg<br />

se retrouve à Paris à la Libération.<br />

Et c’est donc en France, en 1955,<br />

qu’il élabore ce qui peut être le premier<br />

fanzine satirique, Le petit Silence<br />

illustré (la majuscule est à respecter).<br />

Le format même de ce fanzine<br />

est original : un A4 plié<br />

en deux dans le sens de la<br />

hauteur. La couverture est un<br />

photo-montage de Philippe<br />

Curval qui fait partie des<br />

trois seuls participants avec<br />

Sternberg et Valérie Schmidt.<br />

Le fanzine n’est constitué que<br />

de textes tapés à la machine à<br />

écrire ; il n’y a pas de dessin.<br />

Editorial dans le numéro 1<br />

de février 1955 : « D’innombrables<br />

revues littéraires paraissent<br />

tous les mois. Toutes<br />

ont un message ou un testament<br />

lyrique à transmettre au lecteur.<br />

Toutes ont un but mental, une<br />

ligne de conduite, un point de<br />

mire. […] Voici la première revue<br />

qui n’ait strictement RIEN<br />

A DIRE. A part le fait qu’elle<br />

coûte 100 frs, elle est absolument<br />

gratuite. Son seul but est<br />

de ne pas avoir de but. Et pourtant,<br />

de toutes les revues, elle<br />

peut se dire la plus élevée. En effet, en<br />

hauteur, elle atteint 27 cm. Le comité de<br />

rédaction. »<br />

5 ans avant le lancement d’Hara-kiri<br />

par Cavanna et Choron, on trouve<br />

dans ce fanzine un avant-goût d’absurde<br />

qui, en poussant la logique de<br />

plus en plus loin, préfigurera l’humour<br />

« Bête et méchant ».<br />

Sternberg éditera 8 numéros entre février<br />

1955 et noël 1958 auxquels il faut<br />

ajouter la réédition augmentée des 6<br />

premiers en 1957. Un numéro intitulé<br />

« Les Cahiers du Silence » est produit<br />

en septembre 1957 et, pour être complet,<br />

il semble que Philippe Curval ait<br />

édité un numéro 10 en 2013.<br />

Ce n’est pourtant pas la première fois<br />

que Sternberg apparait dans l’ours<br />

d’une revue. Dès le printemps 1953, il<br />

fait partie avec Michel Laclos du premier<br />

Bizarre édité par Eric Losfeld, repris<br />

en 1955 par Jean-Jacques Pauvert.<br />

Cette revue laissera toujours une grande<br />

place au dessin de presse jusqu’à lui<br />

consacrer des numéros entiers comme<br />

en 1964 où Sternberg conclut son avantpropos<br />

par « Vive le dessin d’humour ».<br />

Il est assez naturel de retrouver<br />

notre écrivain parmi les premiers<br />

contributeurs extérieurs,<br />

mais fidèles à Hara-kiri. Cavanna<br />

retient un de ses textes dès le<br />

numéro 16 en avril 1962. Cavanna<br />

raconte : « Il y a des habitués,<br />

des fidèles. Jacques Sternberg, entre<br />

autres. Il demande une rubrique. Je<br />

lui donne une rubrique. Il en fait<br />

une, il en fait deux, et après il me<br />

refile des rossignols qu’il avait publiés,<br />

voilà longtemps, dans Le petit<br />

silence illustré, fanzine écrit, imprimé<br />

et édité par lui et dont, manque<br />

de pot pour lui, j’avais acheté la collection,<br />

un jour de folie, au « Minotaure<br />

». Sternberg est comme ça, à<br />

prendre ou à laisser, on ne peut pas<br />

lui en vouloir. Lui, en tout cas, ne se<br />

trouble pas pour si peu. »<br />

En janvier 1964, Sternberg<br />

créée dans Hara-kiri n°35 une<br />

rubrique intitulée « Je l’ai pas lu,<br />

je l’ai pas vu, mais j’en ai entendu<br />

parler ». Cavanna reprendra ce<br />

titre (à peine modifié) comme titre pour<br />

son éditorial dans l’Hebdo.<br />

On le retrouvera, fidèle, au côté de<br />

toute l’équipe, début 82, dans la<br />

fameuse émission de Michel Polac<br />

« Droit de réponse » consacrée à la<br />

fin de Charlie-hebdo déplorant violemment<br />

que les dessins d’un artiste<br />

comme Gébé ne trouve pas de place<br />

dans la presse traditionnelle.<br />

Durant toutes ces années Sternberg<br />

restera un ardent promoteur du<br />

dessin d’humour soit dans de longs<br />

articles, soit dans des livres comme<br />

« Les chefs d’œuvre du dessin d’humour<br />

» (1967) ou « Un siècle de dessins<br />

contestataires ») (1974). Fin 73, il<br />

créera de nouveau sa propre revue:<br />

Mépris.<br />

Mais de cela, on reparlera.<br />

Correction<br />

Ah ces éditeurs ! Une erreur s’est<br />

glissée dans ma dernière chronique.<br />

Georges Bernier ne s’est pas réellement<br />

« autoproclamé » Professeur<br />

Choron. Le personnage fut plutôt<br />

une création collective. Mais de cela,<br />

on reparlera aussi.<br />

dans la poche gauche<br />

l’esprit fera peur<br />

S’il se définit comme engagé, truculent,<br />

déjanté et poétique, Mickomix (pseudonyme<br />

de Mickaël Serré) est avant tout un<br />

artiste aux multiples facettes particulièrement<br />

doué. Cet artiste athée, mais créant —<br />

l’expression est de lui — pratique le catch de<br />

dessin, dessine pour la presse, y écrit également,<br />

expose ses travaux dans les milieux<br />

culturels underground et édite des fanzines<br />

sans autocensure.<br />

Dans L’esprit fera peur !, il s’exerce à l’art<br />

de l’aphorisme tour à tour militant, cinglant,<br />

érotique, calembouresque agrémentant le<br />

tout d’illustrations totalement explosives.<br />

Morceaux choisis :<br />

À l’heure des téléphones sans fil, les haricots ne le sont toujours pas.<br />

Je voudrais entrer dans le désordre.<br />

Je suis la preuve vivante que le ridicule ne tue pas.<br />

Dieu est écran et son Royaume est plat.<br />

Si les religions hissent l’âme, elles abaissent l’esprit critique.<br />

L’esprit fera peur !, Mickomix, Cactus Inébranlable éditions, Collection Les<br />

P’tits Cactus (#26), 84 pages, ISBN: 978-2-930659-53-4, 9 €<br />

Depuis qu’il a rencontré un politicien honnête, il ne croit plus en rien.<br />

Georges Elliautou<br />

un bon goût de presse<br />

Votre canard irrévérencieux aborde ce mois-ci la question de l’élégance et du bon goût.<br />

Mickomix<br />

Il se trouve que justement, l’occasion m’est<br />

venue récemment d’épingler joyeusement les<br />

manifestations dudit bon goût. Un dimanche,<br />

de zélés jeunes gens dynamiques et bassement<br />

exploités, abordent les passants et me<br />

refourguent le journal gratuit 7Dimanche 1 . Un<br />

journal gratuit est un journal louche (soit il cache<br />

en son sein un financement occulte et/ou n’est<br />

que véhicule politique, idéologique, religieux<br />

ou publicitaire). Dans le cas présent la Une est<br />

constituée d’un chapeau sur l’annonce de la fourberie<br />

de Caterpillar au pays des Carolos affublé<br />

de photos, d’un encart mis en exergue, jouxtant<br />

le titre du journal et appelant à « NE <strong>PAS</strong> LAIS-<br />

SER <strong>PAS</strong>SER EN PAGE INTÉRIEURE » les<br />

offres de Delhaize (tout ça en lettres capitales<br />

grasses), suis un autre encart, au milieu de la<br />

page, à la gloire de SOS dentier (situant précisément<br />

la moyenne d’âge du lectorat), juste sous les<br />

titres des autres sujets (essentiellement sportifs)<br />

abordés. Enfin, la page se termine par une pub<br />

pour Honda. Accessoirement, entre le dentier<br />

cassé et l’exhibition de caisses rutilantes se cache<br />

le titre d’un article sur un concours de couture (!).<br />

Nous savons à présent qui finance le journal en<br />

question, et à qui il s’adresse.<br />

Mais là où on nage en plein bon goût c’est en<br />

page 5.<br />

Jordy, « qui s’est retrouvé sans argent pour se nourrir,<br />

ce qui a causé sa mort » n’a pas suivi les indications<br />

prophétiques de Guy Delhaize ! « BIEN<br />

ACHETER BIEN MANGER » !!! C’était pourtant<br />

simple, la vie, Jojo. 1<br />

7Dimanche se définit lui-même comme : « le<br />

partenaire incontournable de votre communication ».<br />

Avis aux publicitaires.<br />

1 Il s’agit du numéro 529 de 7Dimanche, du dimanche 4<br />

septembre 2016, édition bruxelloise.<br />

L’édition du journal, format numérique est encore<br />

accessible en ligne, ici :<br />

http://journal.7dimanche.be/#Sudpresse/<br />

SU_7DIMANCHE/web,2016-09-<br />

04,CHARLEROI|SU_7DIMANCHE,2016-09-<br />

04,CHARLEROI,1|1


14 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 15<br />

Grève et terrorisme :<br />

Benjamin Maréchal<br />

dévoile le fond de son crétinisme<br />

La première chaîne publique de la RTBF<br />

accueille Benjamin Maréchal. L’occasion<br />

pour ceux qui n’écoutent pas VivaCité et<br />

ne lisent pas la DH de se renseigner un<br />

peu sur celui que la RTBF vend comme<br />

un animateur qui « nous aidera avec<br />

humour et sympathie à nous forger une<br />

opinion. »<br />

Faut dire qu’il s’y connaît : quand on n’a<br />

pas d’idées, on peut toujours avoir une<br />

opinion. Et comme il l’annonçait dans<br />

la DH, un bon sujet, c’est « des réponses<br />

binaires. Il faut que ce soit limpide ».<br />

Pas sûr pourtant qu’il sache compter<br />

jusqu’à deux pour faire du binaire. Pour<br />

lui, menaces d’attentat et menaces de<br />

grève, c’est du pareil au même, c’est tout<br />

un (DH, 24 juin). On voit qu’il n’a pas volé<br />

en éclats dans un métro, je suis sûre qu’il<br />

aurait préféré qu’il soit en grève ce jour-là.<br />

Pire encore que l’attentat, les fausses<br />

alertes faites par des gusses qui n’ont<br />

même pas d’idéologie ! Il doit préférer<br />

quand ça a des couilles, le Benjamin,<br />

quand ça pète vraiment, avec des revendications<br />

bien moulées à la louche et surtout<br />

quand il est ailleurs.<br />

Réponse de Benjamin Maréchal à un<br />

auditeur dans son émission putassière<br />

quotidienne, à propos du silence<br />

observé par Salah Abdeslam :<br />

« (...) vous comprenez bien la difficulté<br />

des juges, parce que la torture, ça n’existe<br />

plus : on peut le déplorer, mais ça n’existe<br />

plus «<br />

SONDAGE EXPRESS<br />

Pensez-vous qu’il faille…<br />

Sylvie Kwaschin<br />

« Pareil pour la grève » : les grévistes<br />

se copieraient les uns les autres, comme<br />

des sales gamins à l’école, sans même<br />

« avoir une parfaite vision de ce qu’ils<br />

contestaient ».<br />

Là mon garçon, tu risques d’être étonné,<br />

voire surpris. A ta place, je n’irais pas<br />

faire un micro-trottoir à la prochaine<br />

manif pour leur demander s’ils savent ce<br />

qu’ils font, comme de bons vrais terroristes,<br />

ou s’ils ont simplement une bombe<br />

en biscuit et quelques pétards mouillés.<br />

Tu risques d’en prendre plein la gueule<br />

pour pas un rond.<br />

Au moins, tu auras ta réponse : un mouvement<br />

social, c’est du collectif. Ça ne<br />

copie pas, ce se renforce mutuellement, ça<br />

enfle et ça gronde. Et si comme tu l’écris,<br />

tu préfères l’original à la copie quitte les<br />

ondes publiques pour devenir chargé de<br />

com’ chez les fachos.<br />

1° Torturer Abdeslam pour<br />

qu’il parle ?<br />

2° Torturer Benjamin Maréchal<br />

pour qu’il se taise ?<br />

3° Les mettre dans la même<br />

cellule ?<br />

Envoyez vos avis à… ben... C’est<br />

vous qui le dites...<br />

Entretien avec DIMITRIOS MASTOROS et NICOLAS WOUTERS. Propos recueillis par Benoit Doumont<br />

Dans Exarcheïa : l’orange amère,<br />

le dessinateur Dimitrios Mastoros<br />

(Schooligans) et le scénariste Nicolas<br />

Wouters (Les pieds dans le béton)<br />

suivent les errances de Nikos, un<br />

étudiant en mal de repères plongé<br />

un peu malgré lui dans la réalité<br />

quotidienne du quartier anarchiste<br />

d’Athènes. Extraits de la rencontre<br />

avec les deux auteurs bruxellois.<br />

L’interview complète se trouve<br />

sur le site de Même pas peur.<br />

Dans l’imaginaire collectif,<br />

Exarcheïa évoque un quartier<br />

autogéré et solidaire peuplé depuis<br />

plus de cent ans par des poètes, des<br />

artistes et des philosophes. C’est une<br />

dimension qu’on retrouve encore<br />

aujourd’hui ?<br />

Dimitrios : Un peu toujours, oui. De<br />

l’extérieur, si quelqu’un vient, c’est ça<br />

qu’il va entendre, ça qu’il va voir, c’est<br />

l’ambiance un peu partout. Exarcheïa<br />

a été et reste toujours un épicentre de<br />

culture : les universités, les imprimeries,<br />

les librairies sont très présentes. Et ça a<br />

toujours été un lieu contestataire. Mais<br />

mis à part ça, ce qu’on voulait montrer,<br />

tout en composant un hymne au quartier,<br />

c’est aussi le risque que quelque<br />

chose se soit perdu. Avec tous les enjeux<br />

d’Exarcheïa, ça peut être aussi une certaine<br />

façade.<br />

(…)<br />

EXARCHEÏA<br />

PLUS QU’UN BASTION ANARCHISTE,<br />

UN LIEU DE CROISEMENT DES TRAJECTOIRES<br />

Vous rendez également hommage<br />

aux pointures actuelles du street art<br />

athénien, comme WD, Lotek, Raiden<br />

ou Carpe Diem...<br />

Nicolas : C’est là, partout ; c’est vraiment<br />

en toile de fond. Sur chaque mur, il y a<br />

ces tags. C’était important d’incarner<br />

aussi le quartier et de faire une référence<br />

directe aux artistes qui sont derrière. Il<br />

n’y a pas un seul mur blanc.<br />

(…)<br />

Et puis il y a ce chien anar’ bouffeur<br />

de flics... Pure invention ?<br />

N. : Non, non, il existait ! C’était vraiment<br />

aussi une des bases du projet. En<br />

réalité, il y a eu plusieurs chiens anarchistes.<br />

Mais celui à roulettes nous<br />

paraissait être un personnage<br />

à part entière<br />

« Il n’y a pas<br />

un seul mur<br />

blanc . »<br />

(…)<br />

Pour autant, l’actualité<br />

que vous décrivez n’est<br />

pas vraiment enjolivée :<br />

hostos surpeuplés,<br />

toxicomanes attirés<br />

par une perspective<br />

d’impunité, immigrés squatteurs,<br />

descentes de flics,... C’est aussi ça, la<br />

réalité d’Exarcheïa ?<br />

N. : Ce qui est super intéressant avec<br />

Exarcheïa et qui est aussi un des<br />

moteurs du projet, c’est que, plus qu’un<br />

bastion anarchiste, c’est vraiment un<br />

lieu de croisement de plein de trajectoires<br />

différentes. C’est un point névralgique<br />

où des destinées très différentes<br />

se croisent. J’étais très impressionné<br />

d’apprendre, au début, que les junkies<br />

étaient un peu poussés vers Exarcheïa<br />

par les autorités pour que celles-ci<br />

puissent, après, stigmatiser le quartier<br />

en prétendant qu’il est livré en pâture à<br />

l’anarchie et, du coup, à la toxicomanie.<br />

C’est à la fois ça et à la fois aussi un lieu<br />

de protection où les immigrés peuvent<br />

aller sans être forcément aussi mal traités<br />

que dans un Athènes très impersonnel<br />

et très hostile. Et ces trajectoires-là<br />

sont très importantes<br />

(...)<br />

D. : On montre des choses assez dures<br />

ou choquantes, mais à Exarcheïa, cette<br />

violence visuelle est un quotidien. Pour<br />

les gens, ce n’est pas ça le plus choquant -<br />

des émeutes, il y en aura d’autres et des<br />

chiens errants qui meurent, il y en aura<br />

d’autres. Le problème, ce sont les enjeux<br />

qui ne sont pas relevés. C’est un combat<br />

continu. La BD se déroule plus ou moins<br />

sur un été ; c’est un été qui aurait pu être<br />

n’importe lequel et qui est perpétuel.<br />

(…)<br />

L’album évoque également certains<br />

épisodes tragiques de l’histoire<br />

grecque, comme les<br />

déportations d’opposants<br />

et dissidents vers le<br />

camp de concentration<br />

de Makronissos entre<br />

1946 et 1960. Le quartier<br />

d’Exarcheïa a été<br />

particulièrement touché<br />

par ces rafles ?<br />

D. : Non. Ce n’était pas ciblé, c’était vraiment<br />

dans toute la Grèce. Tout le monde<br />

a eu un proche déporté<br />

(…)<br />

À une seule exception près, les<br />

formes (non contourées) s’inscrivent<br />

dans un lavis sépia. Pourquoi ce<br />

choix (photo)graphique?<br />

N. : Ça participe d’une impression qu’on<br />

voulait donner. À partir du moment où<br />

on voulait ancrer le récit dans le quartier,<br />

il fallait une forme de réalisme,<br />

au moins au niveau des décors et du<br />

contexte. Le projet que Dimitri avait fait<br />

au début était à l’encre de Chine, en noir<br />

et blanc pur, sans lavis. Mais je pense<br />

que tu voulais relever le défi aussi de<br />

t’atteler à une technique que tu voulais<br />

approfondir ?<br />

D. : Oui, c’était plus intéressant d’aller<br />

justement dans les nuances et de jouer<br />

avec cette dualité<br />

(…)<br />

La BD s’ouvre sur ce proverbe grec :<br />

« Maintenant que la mer s’est changée<br />

en yaourt, on n’a plus de petite<br />

cuillère. » Cette résignation face à<br />

l’absurde, c’est un peu l’état d’esprit<br />

qui prévaut en Grèce actuellement ?<br />

N. : Comme pour tout bon proverbe, le<br />

sens nous échappe un peu...<br />

D. : C’est un truc que disait mon père,<br />

et qui n’est pas forcément super connu.<br />

C’est laissé à ton interprétation. Moi, à la<br />

base, je pense que ça veut dire...<br />

(…)<br />

Je ne vous ai pas parlé d’ « orange<br />

amère ». C’est volontaire. Laissons au<br />

lecteur le plaisir d’y goûter...<br />

ezarcheia l’orange amère de Dimitrios Mastoros<br />

et Nicolas Wouters, Futuropolis, 2016, 200<br />

pages (24€)<br />

Les concombres bientôt activés<br />

Beatrice Nérose (avec Bulga)<br />

L’Afsca promet aux légumes des<br />

contrôles aussi sévères que ceux<br />

visant les chômeurs. Le tour des<br />

fruits viendra ensuite.<br />

Ce matin en séance publique, Myrtille<br />

Gurken a mis le feu à la marmite. En<br />

interpellant le Ministre Willy Boursouflu,<br />

la députée verte a révélé en primeur<br />

les grandes lignes du plan Zootanique<br />

de l’Agence fédérale de sécurité alimentaire,<br />

plan concocté dans le plus grand<br />

secret mais dont la mise en oeuvre est<br />

imminente. Dans les faits, Zootanique<br />

imposera à tous les végétaux destinés à<br />

la consommation humaine des contrôles<br />

similaires à ceux qui s’appliquent, depuis<br />

la circulaire Botalogie de novembre 2019,<br />

aux animaux. Après les vaches, poulets<br />

et autres moutons, les légumes se voient<br />

astreints à un suivi personnalisé assorti<br />

de contraintes et pouvant, à terme, mener<br />

les fautifs à une suppression définitive de<br />

leur droit de cuisson.<br />

Formés par l’ONEm à la<br />

procédure<br />

C’est dans la plus grande discrétion que<br />

les agents fédéraux ont entamé la mise<br />

en place du premier volet de ce plan qui<br />

touchera, dans un premier temps, aux<br />

légumes uniquement. On se souvient des<br />

problèmes rencontrés par l’Afsca aux premiers<br />

temps du plan Botalogie. Les entretiens<br />

oraux s’étaient révélés extrêmement<br />

difficiles notamment avec les poissons,<br />

débouchant par ailleurs sur deux agres-<br />

sions de fonctionnaires par un taureau à<br />

Waremme et un coq à Havelange.<br />

Aussi, pour s’assurer du bon déroulement<br />

du plan Zootanique, les inspecteurs<br />

alimentaires ont été assistés par<br />

une équipe de <strong>12</strong> contrôleurs de l’ONEm,<br />

désormais exclusivement affectés à des<br />

actions de formation à la procédure,<br />

partout dans le pays et dans tous les secteurs.<br />

Au total, Zootanique mobilisera<br />

pas moins de 234 accompagnateurs de<br />

légumes appelés Éplucheurs, l’aide de<br />

l’armée de terre n’étant pas exclue lors<br />

d’opérations de grande envergure dans<br />

les champs.<br />

Risque de péremption<br />

irrévocable<br />

Concrètement, les légumes devront<br />

apporter la preuve qu’ils s’impliquent<br />

activement dans leur recherche d’une<br />

viande. Pour ce faire, ils devront rencontrer<br />

une fois par trimestre leur éplucheur<br />

individuel. Afin d’éviter tout risque de<br />

contamination, ils devront se soumettre<br />

à cet examen dûment lavés et dépourvus<br />

de racines, exception étant faite<br />

pour les carottes et les navets. Lors de<br />

l’épluchage, ils seront également tenus<br />

de présenter les photosynthèses de tous<br />

les documents attestant des démarches<br />

accomplies. Le légume pris en défaut<br />

encourt le risque de péremption irrévocable<br />

après trois évaluations négatives.<br />

Les réactions ne se sont pas fait attendre.<br />

Du côté des panais, c’est la panique, Zootanique<br />

ne leur accordant pas les mêmes<br />

avantages que leurs concurrents historiques,<br />

les navets. Les champignons, fortement<br />

choqués par la récente circulaire<br />

de l’Afsca sur l’interdiction du port du<br />

chapeau dans les espaces publics, ont<br />

promis de mobiliser dans leurs rangs<br />

et peuvent d’ores et déjà compter sur le<br />

soutien de cette alliée discrète qu’est<br />

la mérule. Les pommes de terre brandissent<br />

la menace d’un embargo sur la<br />

frite. Quant aux tomates, elles ont promis<br />

de se précipiter, pourries en tête, dans<br />

les rues aux côtés des humains, lors de la<br />

manifestation nationale du 29 septembre<br />

prochain.<br />

Procédures affinées<br />

Le second volet de Zootanique, concernant<br />

les fruits, n’entrera en vigueur<br />

qu’à une datte que le gouvernement<br />

doit encore avaliser. L’Afsca devra alors<br />

compter avec le noyau dur des cerises.<br />

Mais, à certains fruits très fragiles, les<br />

contrôleurs ont assuré qu’ils ne répéteraient<br />

pas les mêmes erreurs qu’avec les<br />

animaux, l’appui des experts de l’ONEm<br />

ayant permis d’affiner considérablement<br />

les procédures. Le Ministre Boursouflu<br />

l’assurait cet après-midi même : « Les<br />

raisins ne seront pas contraints de se<br />

présenter individuellement et les noix<br />

seront évidemment moins pressées que<br />

les citrons.»<br />

La question du mois<br />

Laurent d’Ursel, artiste président<br />

Belges communautaristes, juifs consentants, handicapés volontaires, SDF vaniteux, politiciens<br />

artistes, réfugiés heureux, terroristes mélomanes, psychanalystes idiots, prostituées végétariennes,<br />

garagistes érudits, diabétiques héréditaires, chômeurs nudistes, nègres militants, punks endimanchés,<br />

prolétaires apolitiques, humoristes musulmans, mères ménopausées, hackers corrompus,<br />

gays féministes, catholiques cool, milliardaires épanouis, écrivains véreux, alpinistes bavards,<br />

aristocrates envieuses, cambrioleurs analphabètes, syndicalistes retraités, dandys fauchés, policiers<br />

modèles, agriculteurs suicidaires, chirurgiens amateurs, bobos beaux, gauchers contrariés,<br />

touristes bipolaires, éboueurs roux : même combat ?<br />

L’association « Même pas peur » a été initiée par Cactus Inébranlable Éditions (www.cactusinebranlableeditions.e-monsite.com) et Les Éditions du Basson (www.editionsdubasson.com)<br />

Comité de rédaction Styvie Bourgeois, Thomas Burion, André Clette, Serge Delescaille, Benoit Doumont, Sylvie Kwaschin, Fabienne Lorant, Jean-Philippe Querton, Etienne Vanden Dooren Mise en page Etienne Vanden<br />

Dooren, Serge Delescaille Contributeurs dessins Cécile Bertrand, Bib’s, Thomas Burion, Yvan Carreyn, Serge Delescaille, Slobodan Diantalvic, Djony, Jacques Flamme, David Greuse, Kanar, Kurt, Pierre Laurentin,<br />

Marco Paulo, Jacques Sondron Contributeurs textes Cyril Bosc, André Clette, Benoit Doumont, Laurent d’Ursel, Louise Evenepoel, Florian Houdart, Sylvie Kwaschin, Dr Lichic, Mickomix, Béatrice Nérose, Jean-Philippe<br />

Querton, Sokolov, Brigitte Thiriart, Etienne Vanden Dooren, Dominique Watrin.<br />

Un grand merci à tous les contributeurs à qui nous n’avons pas pu offrir un espace dans ce numéro <strong>12</strong> de Même pas peur !<br />

Le site : http://www.memepaspeur-lejournal.net N° de compte BE 28 0017 5410 1520


16 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016<br />

Les clés<br />

(de Même Pas Peur)<br />

sont<br />

en dessous du<br />

paillasson…<br />

Envie de dessiner pour Même<br />

Pas Peur, envie d’écrire pour<br />

Même Pas Peur, la porte est<br />

béante et vous savez où se trouve<br />

la clé. Notre équipe est totalement<br />

ouverte à de nouvelles rencontres<br />

avec de nouveaux contributeurs,<br />

n’hésitez pas à vous<br />

manifester en nous envoyant un<br />

courriel à memepaspeur.lejournal@gmail.com<br />

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Abo classique : 35 € pour 11 numéros<br />

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à verser sur le compte IBAN BE28 0017 5410<br />

1520 au nom de Même Pas Peur en précisant<br />

dans la communication l’adresse<br />

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Envoyer un chèque à l’ordre de Jean-Philippe<br />

Querton à Cactus Inébranlable, 38 rue<br />

des Croisons à 7750 Amougies - Belgique, en<br />

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