Conférence éthique
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<strong>Conférence</strong> sur l’<strong>éthique</strong><br />
Le CROI LR a organisé le jeudi 27 octobre 2016 une nouvelle après-midi d’échanges et de réflexion sur le<br />
thème de l’<strong>éthique</strong> dans les soins. Cette après-midi de travail s’intègre dans un cycle initié par le Conseil<br />
régional ordinal du Languedoc-Roussillon : « les après-midi ordinales » 1 .<br />
La conférence s’intitulait : « L’<strong>éthique</strong> et les soins infirmiers, l’<strong>éthique</strong> garante de l’humanité des<br />
soins ? »<br />
Les conférenciers se sont donc retrouvés au Château de Flaugergues à Montpellier en présence de :<br />
- Didier BORNICHE, président de l’Ordre national des infirmiers ;<br />
- Françoise BONS, praticien hospitalier, chef de service en radiothérapie-oncologie du CHU de<br />
Nîmes, conseillère régionale, représentant Mme Carole DELGA ;<br />
- Le professeur JONQUET, réanimateur du CHU de Montpellier, représentant du doyen de la<br />
faculté de médecine et du comité d’<strong>éthique</strong> régional ;<br />
- Patrick VIGNAL, chef d’entreprise, député de la 9 ème circonscription de l’Hérault ;<br />
- Jean-François BOUSCARAIN, infirmier libéral, président de l’URPS Occitanie.<br />
Lors de son discours d’accueil, Mme BARDOU, présidente régionale de l’Ordre des infirmiers du<br />
Languedoc-Roussillon, a rappelé une des missions du CROI, à savoir « maintenir les principes <strong>éthique</strong>s et<br />
développer les compétences indispensables à l’exercice infirmier en assurant la promotion du métier ».<br />
Elle a également précisé que les échanges de ce jour avaient également pour objectif de préparer la<br />
rencontre du 22 février 2017 où nous parlerons déontologie en accueillant M. DOUTRIAUX, conseiller<br />
d’État, afin de porter sur les fonds baptismaux notre code de déontologie dont la sortie, après moult<br />
aventures, a été annoncée voici quelques jours.<br />
Didier BORNICHE a introduit le débat en rappelant les références réglementaires de la déontologie des<br />
infirmiers. Il a évoqué la genèse de la déontologie : inventée au XVIII ème siècle par le philosophe anglais<br />
Jeremy BENTHAM qui rejetait la notion de morale traditionnelle, et lui a substitué la notion de «<br />
déontologie », connaissance de ce qui est juste et convenable, fondé sur l’utilité, la recherche du «<br />
bonheur public ». Éthymologiquement, le terme vient du grec deon-ontos, ce qu’il faut faire et logos,<br />
discours.<br />
1<br />
Les précédentes après-midi ordinales ont porté sur :<br />
- les conséquences de l’e-santé pour l’infirmière<br />
- la place de l’infirmière de pratique avancée dans notre système de soins<br />
- la loi de modernisation de la santé et la place réservée à l’infirmière<br />
1
La déontologie et l’<strong>éthique</strong> font l’objet d’un intérêt croissant dans les entreprises et la société en<br />
général depuis une vingtaine d’années. Au-delà des codes de déontologie des professions médicales et<br />
paramédicales (médecin, sage-femme, kinésithérapeuthe, pédicure-podologue…), M. BORNICHE<br />
évoque les codes de différentes professions ou groupes sociaux édictés récemment :<br />
- le code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de<br />
sécurité (10 août 2012) ;<br />
- le code de déontologie de l’Assemblée nationale (avril 2011) ;<br />
- la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique ;<br />
- le code de la sécurité intérieure comprend depuis fin 2013 un titre « déontologie et sécurité<br />
intérieure » applicable à la police et à la gendarmerie ;<br />
- la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires<br />
créant une commission de déontologie, des référents et un collège.<br />
Il souligne la nécessaire évolution des règles professionnelles comprenant 49 articles et datant de 1993<br />
vers un code de déontologie plus complet, 95 articles, au regard :<br />
- des responsabilités grandissantes et une évolution du champ de compétences vers de plus en<br />
plus d’autonomie (droit de prescription, protocoles de coopération, LMD, pratiques avancées) ;<br />
- des patients de plus en plus exigeants envers les professionnels (probité, liens d’intérêts,<br />
transparence) ;<br />
- des questionnements sur le sens du soin : prise en charge du très grand âge, fin de vie, mais<br />
aussi rythmes de travail, syndrome d’épuisement, recherche de productivité, virage<br />
ambulatoire et restructurations hospitalières ;<br />
- une volonté d’une partie de la profession de prendre en main sa destinée et ses choix.<br />
Après avoir décrit le « circuit ministériel » du code de déontologie transmis au ministère le 10 mars<br />
2010, M. BORNICHE termine son intervention en rappelant les quatre objectifs principaux du code :<br />
- l’intérêt du patient ;<br />
- la promotion de la profession infirmière ;<br />
- la protection des intérêts de la profession ;<br />
- l’accroissement des prérogatives de l’Ordre national des infirmiers (« Actuellement c’est l’ARS,<br />
demain c’est l’Ordre »).<br />
Il conclut sur l’importance de la diffusion du code et de son appropriation afin d’en faire percevoir le<br />
sens, celui de la reconnaissance de l’autonomie et par là, l’identité du groupe professionnel des<br />
infirmiers.<br />
Le professeur JONQUET porte sa réflexion sur l’intégration de l’<strong>éthique</strong> dans les nouvelles pratiques de<br />
soin. Après une présentation étayée par des données philosophiques, Aristote, Emmanuel KANT,<br />
Michel FOUCAULT, Jean BERNARD, Paul RICŒUR, Jeremy BENTHAM, Albert SCHWEITZER, le professeur<br />
JONQUET nous propose de réfléchir sur la distinction entre la loi et la morale (ou <strong>éthique</strong>) au regard de<br />
notre exercice professionnel aujourd’hui, et plus particulièrement lors de certains soins (aspiration<br />
endo-trachéale), lors des transferts de compétences (changement de canule de trachéotomie) et au<br />
cours de nouvelles prises en charge (ambulatoire, HAD). Il rappelle l’importance d’accompagner toute<br />
évolution dans la pratique quotidienne car les protocoles ne suffisent pas. Il confirme son point de vue<br />
2
sur la complémentarité du Care et du Cure et l’importance du compagnonnage dans nos professions. Le<br />
professeur JONQUET termine son propos en rappelant qu’un bon infirmier est « un bon technicien qui<br />
fait de la relation ».<br />
Jean-François BOUSCARAIN, président de l’URPS Occitanie, présente l’Espace régional de réflexion<br />
<strong>éthique</strong>, son équipe et ses missions 2 .<br />
Doté d’un conseil d’orientation présidé par le professeur BRINGER, doyen de la faculté de médecine de<br />
Montpellier-Nîmes, et d’une équipe permanente de professionnels de santé issus des domaines de la<br />
recherche, du soin et du médico-social mais aussi des juristes, des philosophes, des psychologues ou<br />
des économistes, cet espace a vocation à promouvoir et diffuser les valeurs d’une culture <strong>éthique</strong><br />
auprès du public à travers l’organisation de débats et de conférences ouverts à tous. Il favorise<br />
également le développement de la formation des étudiants et des professionnels de santé ainsi que de<br />
la recherche en <strong>éthique</strong>, encourageant ainsi l’ancrage de cette réflexion dans les pratiques<br />
professionnelles.<br />
M. BOUSCARAIN promeut avec diplomatie et stratégie les atouts de l’infirmier libéral en s’appuyant sur<br />
une boucle « vertueuse » d’activités.<br />
Organiser son exercice pour<br />
garantir la qualité, la<br />
confidentialité, la sécurité et<br />
la bonne exécution<br />
technique des soins<br />
Assurer sa formation<br />
continue, s’informer et<br />
s’impliquer dans la<br />
promotion de sa profession<br />
Accueillir les patients,<br />
planifier et organiser les<br />
soins au domicile et au<br />
cabinet. Expliquer la prise en<br />
charge et les conditions de<br />
remboursement<br />
Facturer, recouvrer<br />
et archiver<br />
Réaliser les soins<br />
infirmiers<br />
Assurer la continuité des soins et<br />
la coordination avec les autres<br />
professionnels de santé et le<br />
secteur médico-social<br />
2<br />
http://espace-ethique-lr.org/<br />
3
M. BOUSCARAIN conclut son propos avec un clin d’œil : « Messieurs les politiques, reprenez la main sur<br />
les technocrates ».<br />
M. ROMERO, directeur coordinateur des soins du CH de Perpignan, nous fait part de sa réflexion<br />
personnelle sur l’<strong>éthique</strong> : « Une <strong>éthique</strong> à toutes les sauces ! A quelle sauce pour les soins infirmiers ? »<br />
M. ROMERO fait le constat que la référence <strong>éthique</strong> a investi tous les domaines : dans la rue, chez le<br />
coiffeur, <strong>éthique</strong> dans le soin, de la formation… De plus en plus, le terme <strong>éthique</strong> a remplacé les valeurs<br />
professionnelles. Il a rappelé l’évolution des mœurs en lien avec l’<strong>éthique</strong> contemporaine : « Ce qui<br />
était <strong>éthique</strong> hier ne l’est plus aujourd’hui ».<br />
Après avoir cité SOCRATE et Edgar MORIN, M. ROMERO évoque la difficulté de l’exercice professionnel<br />
aujourd’hui, à savoir le cadre contraint relatif à la maîtrise des dépenses de la santé et l’étroitesse de la<br />
pensée comptable : « Soin et économie ne vont pas ensemble », dit-il.<br />
Il conclut son intervention en citant Marie-Françoise COLLIERE : « Et si l’<strong>éthique</strong> infirmière se résumait<br />
ainsi : métier de l’attention à l’autre, le patient au sein du Care. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil,<br />
rien à créer, mais trouver les chemins du bon sens ».<br />
Lisette CAZELLET, ex-présidente de l’association Formatic santé : « Les infirmiers et les nouvelles<br />
technologies, quels repères pour une utilisation respectueuse des valeurs <strong>éthique</strong>s ? »<br />
Mme CAZELLET développe son propos au regard de trois objectifs :<br />
- identifier les enjeux et changements induits par le développement des usages du numérique et<br />
les questions <strong>éthique</strong>s liées aux pratiques soignantes ;<br />
- repérer les risques liés aux usages d’applications numériques pour les prévenir ;<br />
- identifier les compétences numériques à développer pour un usage raisonné et raisonnable des<br />
technologies numériques au service de la santé et des personnes soignées dans le respect des<br />
valeurs et principes <strong>éthique</strong>s.<br />
Mettant en avance l’évolution des attentes des usagers, Mme CAZELLET évoque le développement des<br />
applications et solutions numériques dans le domaine de la santé, les bénéfices potentiels de l’e-santé<br />
et les enjeux pour les infirmières.<br />
Elle étaye sa réflexion confortée par le guide de la CNIL relatif aux professionnels de santé (2011), la<br />
thèse de doctorat de Jérôme BERANGER, le Livre blanc de la santé connectée (2015), le guide et les<br />
travaux de l’HAS et la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016. Elle recommande la lecture du guide pratique<br />
des réseaux sociaux édité par la fondation MACSF et l’article de la MNH « Je porte aussi une blouse » et<br />
rappelle la possibilité d’auto-formation gratuite et libre sur le site de Formatic-santé.<br />
M. PICARD, infirmier anesthésiste au CHU de Nîmes et enseignant au CESU 30, nous expose comment<br />
l’<strong>éthique</strong> trouve sa place dans la formation par la simulation. Il associe ses propos aux nouveaux<br />
paradigmes et nouveaux référentiels de formation rappelant l’adage : « Jamais la première fois sur le<br />
patient ». Il cite Alexis de TOCQUEVILLE : « Plus on réduit le risque, plus ce qu’il en reste paraît<br />
insupportable à la population ».<br />
Quel que soit le support utilisé : mannequin, serious games, cas concrets, on ne remplace pas tout par<br />
la simulation. La communication inter humaine est primordiale et le compagnonnage reste essentiel<br />
dans l’apprentissage.<br />
4
Agnès PETIT, cadre de santé, évoque dans son propos les soins dans un contexte de catastrophe :<br />
l’infirmier garant des bonnes pratiques de soins et des valeurs <strong>éthique</strong>s. Elle rappelle la difficulté de<br />
prise de recul dans ces situations complexes où le professionnel doit agir vite et aller directement à<br />
l’essentiel. La notion de triage des victimes est évoquée : les plus gravement atteints ou les plus<br />
facilement curables ? L’infirmier, au regard de la grande dépendance des sinistrés, est confronté au<br />
conflit de valeurs : il s’interroge sur ses pratiques et le sens de ses actions ; il doit repenser le soin pour<br />
le rendre efficace et adapté.<br />
Mme PETIT conclut son intervention en rappelant que la médecine de catastrophe ne signifie pas<br />
médecine du dénuement, mais médecine de la rigueur et que les soins dans ce contexte ne peuvent<br />
être réalisés autrement.<br />
Mme AMBROSINO, infirmière de pratique avancée, intitule son exposé : Éthique et pratique avancée :<br />
comment repenser le soin autour du patient ?<br />
Après avoir présenté le contexte et un état des lieux sur la pratique infirmière avancée en France ainsi<br />
qu’un rappel réglementaire sur la Loi de modernisation de notre système de santé (Janvier 2016),<br />
Florence AMBROSINO évoque la multitude de « dilemmes <strong>éthique</strong>s » auxquels sont confrontés les<br />
infirmiers.<br />
Le dilemme <strong>éthique</strong> étant « une situation où les valeurs et les principes entrent en opposition et<br />
rendent la prise de décision difficile » selon C. DEBOUT (2016).<br />
La déontologie est un élément essentiel à la pratique infirmière : on le retrouve dans le Code de<br />
déontologie du Conseil International des Infirmiers (1953 puis révisé en 2012) ; en France, nous<br />
sommes en attente de la diffusion du Code de déontologie pour la profession infirmière proposé par le<br />
Conseil national de l’Ordre des infirmiers.<br />
La démarche <strong>éthique</strong> : c’est accepter de se questionner, c’est un processus collectif basé sur un<br />
raisonnement clinique ; c’est accepter qu’il n’y ait pas UNE seule solution mais DES propositions : ce<br />
n’est pas une approche binaire. Le soin doit être recentré autour du patient ; l’objectif étant de « bien<br />
faire ».<br />
Mme AMBROSINO présente les différentes étapes de la décision <strong>éthique</strong> selon le guide pour animer<br />
une démarche de réflexion <strong>éthique</strong> de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, 2009 :<br />
- identifier la situation/analyse contextuelle ;<br />
- préciser le dilemme ;<br />
- identifier les points de repère ;<br />
- identifier les orientations possibles/délibérer ;<br />
- examiner ce choix de façon critique quant à sa plausibilité ;<br />
- faire ce qui est (semble) bien.<br />
Les points de repère incontournables pour une décision <strong>éthique</strong> sont au nombre de 4 :<br />
- cliniques : diagnostic, effets secondaires, bénéfices/risques ;<br />
- juridiques : Code de déontologie, réglementation, législation ;<br />
- <strong>éthique</strong>s : autonomie, dignité, valeurs ;<br />
- organisationnels : modes de remboursements, horaires, rapports professionnels.<br />
5
Après quelques exemples de « situations <strong>éthique</strong>s », Mme AMBROSINO conclut en rappelant le<br />
positionnement de l’IPA en « avocat du patient » dans de telles situations : l’IPA recentre la prise en<br />
charge autour des attentes du patient tout en s’appuyant sur des données probantes.<br />
Yseult ARLEN, présidente de l’Association Catalane des Infirmières Cliniciennes et Natacha FIGUERES,<br />
infirmière libérale, nous présentent l’Association Catalane des Infirmières Cliniciennes et de<br />
Consultations (A.C.I.C.C.). Elles nous exposent leur projet sur la PEC du patient douloureux chronique en<br />
secteur libéral et en équipe pluridisciplinaire, projet soutenu par l’URPS LR.<br />
Elles démontrent en quoi leur expérimentation donne du sens à des pratiques <strong>éthique</strong>s. Leur projet<br />
répond :<br />
- au respect de loi de mars 2002 ;<br />
- à la prise en charge personnalisée par une démarche réflexive ;<br />
- à la confidentialité du patient ;<br />
- au consentement éclairé approuvé et signé du patient ;<br />
- au respect de la personne et son droit à l’information ;<br />
- au travail en pluridisciplinarité qui donne du sens aux projets de soins.<br />
Elles concluent sur une citation de Thierry AMOUROUX :<br />
« Soigner, c’est libérer, c’est faire renaître et retrouver l’espérance. C’est aider celui qui souffre à sortir<br />
de son isolement, à bâtir un projet de vie compatible avec son état.<br />
C’est refuser une relation infantilisante et paternaliste, en aidant l’autre à redevenir adulte.<br />
C’est offrir des choix et tenter de les faire accepter ».<br />
Des temps d’échange (questions/réponses) ont été organisés tout au long de l’après-midi où les<br />
intervenants ont pu apporter des précisions, des compléments d’information au public.<br />
Les thèmes ont porté essentiellement sur :<br />
- l’organisation du Conseil de l’Ordre ;<br />
- la réflexion <strong>éthique</strong> et l’injonction contradictoire entre <strong>éthique</strong> et économie ;<br />
- le secret professionnel, l’assurance et la banque ;<br />
- le financement de IPA.<br />
Anne-Marie BARDOU, présidente du Conseil de l’Ordre des infirmiers du Languedoc-Roussillon (CROI<br />
LR), a clôturé la séance en remerciant les intervenants et l’assistance pour la richesse des échanges et<br />
en proposant de nous retrouver aussi nombreux le 22 février pour une nouvelle après-midi ordinale<br />
consacrée au Code de déontologie des infirmiers.<br />
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