Mardi 25 janvier 2011 Saison 2010-2011 - 1-2-3-4-5-6
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SPORT<br />
MARDI<br />
LA LIBERTÉ MARDI <strong>25</strong> JANVIER <strong>2011</strong> 19<br />
Stanislas Wawrinka<br />
20 ESCRIME Un nouvel élan dans le canton<br />
23 HOCKEY SUR GLACE Gottéron se contente de peu<br />
<strong>25</strong> SKI-ALPINISME La Berra: Hug fait monter les tours<br />
28 BASKETBALL Main cassée pour Kazadi<br />
28 BASKETBALL Villars et Studer: c’est fini<br />
28 TENNIS Wawrinka a deux coups droits<br />
Grâce à eux, la violence a reculé<br />
HOCKEY • Pour gérer les problèmes de violence,la police fribourgeoise utilise des<br />
spotters.Zoom sur le travail efficace de ces policiers en civil,bien connus des supporters.<br />
FRANÇOIS ROSSIER<br />
«Au début, c’était vraiment le boxon! Il<br />
y avait beaucoup de problèmes dans<br />
la patinoire.» Quand il se remémore<br />
ses premiers pas de spotter (voir<br />
lexique ci-dessous), Pascal Oberson<br />
ne cache rien de la situation tendue<br />
qui régnait dans et autour de la patinoire<br />
Saint-Léonard. Les mouvements<br />
ultras, les Fribourg Boys, «1938»<br />
et d’autres groupements, causaient<br />
alors mille tourments à la sécurité de<br />
Fribourg-Gottéron.<br />
En 2007, pour faire face à cette violence<br />
qui lui échappe de plus en plus,<br />
la police fribourgeoise, en suivant les<br />
exemples d’autres cantons, décide<br />
alors de former des spotters. «On a<br />
commencé de zéro», reconnaît Oberson,<br />
aujourd’hui chef des spotters fribourgeois.<br />
Pour se mettre à niveau, les<br />
policiers commencent alors à se renseigner<br />
sur le monde des supporters.<br />
Ils suivent notamment des stages et<br />
des cours en Allemagne, où le système<br />
a fait ses preuves, et observent le travail<br />
de leurs collègues genevois et bernois<br />
qui ont ouvert la voie quelques<br />
années auparavant.<br />
Une mission claire<br />
Leur mission est claire: rétablir<br />
l’ordre et éviter les débordements<br />
des supporters fribourgeois lors des<br />
matches de Gottéron! Pour parvenir à<br />
leurs fins, ils commencent à entrer en<br />
contact avec les principaux meneurs<br />
de ces groupes ultras, et également<br />
avec les différents responsables des<br />
supporters. Toujours en civil «pour de<br />
meilleurs contacts», mais armé – «on<br />
reste des policiers», – ils ne se cachent<br />
pas. Au contraire. «Les supporters<br />
nous connaissent. On les appelle par<br />
leurs noms, on se téléphone...», dévoile<br />
Oberson. Une proximité recherchée<br />
qui permet aux spotters de désamorcer<br />
bien des situations. «On est très<br />
respecté par les fans, assure le Fribourgeois.<br />
Quand on donne un ordre,<br />
on nous écoute.»<br />
Un respect qu’il a fallu conquérir.<br />
Ce qui n’était pas couru d’avance. La<br />
banderole ACAB (All cops are bastards<br />
- tous les flics sont des salauds) déployée<br />
par les ultras bernois samedi<br />
résume la pensée de nombreux ultras<br />
ou hooligans. Si, à Fribourg, la présence<br />
des spotters a été bien acceptée,<br />
elle ne l’est pas partout. «A Bâle,<br />
Zurich ou Berne par exemple, c’est<br />
particulièrement compliqué. Là-bas,<br />
les scènes sont plus grandes qu’à Fri-<br />
PASCAL OBERSON, CHEF DES SPOTTERS<br />
«Une bonne solution, mais pas la seule»<br />
Agé de 37 ans, Pascal Oberson est l’unique spotter<br />
engagé à plein-temps dans la police fribourgeoise.<br />
En place depuis 2007, date de la création de la cellule,<br />
le chef des spotters fait le point sur l’évolution<br />
et la gestion de la sécurité lors des matches de Fribourg-Gottéron.<br />
Que signifie le mot spotter?<br />
En allemand, on traduit spotter par Szenekenner,<br />
connaisseur de la scène.<br />
Quels sont les problèmes auxquels vous êtes<br />
le plus souvent confrontés?<br />
Les incivilités. Certains supporters ont des comportements<br />
provocateurs, agressifs. Au début, on a eu<br />
des soucis avec les groupes ultras. Aujourd’hui, on<br />
les a pratiquement réglés. On doit plutôt gérer des<br />
petits groupes d’excités sous l’influence de l’alcool. A<br />
Fribourg, on doit aussi composer avec un gros problème<br />
d’infrastructure. Si l’on arrive à séparer les<br />
supporters, cela résout bien des problèmes.<br />
Le spotter garde toujours un œil vigilant sur les supporters. ALAIN WICHT<br />
bourg. Les groupes possèdent des<br />
noyaux très durs. Ils refusent de parler<br />
avec les spotters, qui sont pris pour<br />
cible et même menacés de mort!»<br />
Le calme est revenu<br />
A Fribourg, on n’en est heureusement<br />
pas là. Les membres de «1938»,<br />
un groupe ultra qui penchait vers le<br />
hooliganisme, sont tous interdits de<br />
patinoire. Et les Fribourg Boys «sont<br />
assez coopératifs». «Ils n’ont d’ailleurs<br />
pas causé le moindre problème cette<br />
saison», reconnaît l’un des spotters.<br />
La police fribourgeoise dépêche systématiquement<br />
entre un et quatre spotters<br />
à chaque match de Gottéron, à<br />
domicile comme à l’extérieur. Avec<br />
déjà une grande mobilisation avant le<br />
match. «On se renseigne durant les<br />
jours qui précèdent. On contacte nos<br />
collègues des autres cantons, les services<br />
de sécurité ainsi que les responsables<br />
des fans, afin de collecter un<br />
maximum d’informations, notamment<br />
sur le nombre et le genre de sup-<br />
porters qui vont faire le déplacement»,<br />
explique l’un des spotters. Durant<br />
le match, il scrute les gradins, les<br />
couloirs et les alentours de la patinoire.<br />
Il offre aussi son soutien à la sécurité<br />
privée mandatée par le club. «La sécurité<br />
n’est pas toujours respectée par<br />
les spectateurs. On est parfois appelé<br />
en renfort, spécialement quand il<br />
s’agit de prendre l’identité d’un fauteur<br />
de troubles, ou s’il y a des suites<br />
pénales», ajoute Oberson.<br />
Le travail des spotters n’a pas tardé<br />
à porter ses fruits. A Fribourg, la situation<br />
s’est ainsi très nettement améliorée.<br />
«C’est beaucoup plus calme qu’à<br />
une époque», révèle l’un des spotters.<br />
La petite centaine d’interdictions de<br />
patinoires et de périmètres prononcées<br />
depuis 2007 n’est pas étrangère à<br />
cet apaisement. «Les premières sanctions<br />
ont calmé tout le monde. On essaie<br />
d’être correct avec les supporters.<br />
Ils sont là pour soutenir leur équipe et<br />
mettre l’ambiance, mais on ne peut<br />
pas non plus tout accepter...» I<br />
Quelles relations entretenez-vous avec ces groupes?<br />
Je dirais qu’elles sont bonnes. On connaît bien<br />
les chefs de ces groupes. Quand on discute avec<br />
eux, on repère très vite s’ils organisent quelque<br />
chose. Avec le temps, ils nous connaissent. Certains<br />
viennent même spontanément vers nous<br />
pour parler.<br />
Ces groupes ne sont pas évidents à gérer. Il semble<br />
qu’ils peuvent vite s’exciter, non?<br />
Ils font des petits jeux à la c... entre eux. En novembre,<br />
on avait eu des soucis, car aucun des<br />
groupes ultras de Fribourg et Berne ne voulaient<br />
sortir de la patinoire en premier. La notion de territoire<br />
est importante chez eux.<br />
Le service de sécurité à l’intérieur de la patinoire<br />
est souvent pointé du doigt. N’y a-t-il pas mieux à faire<br />
à ce niveau-là?<br />
Former ces gens a été l’un de nos premiers soucis. Ils<br />
ne sont pas professionnels, c’est donc encore plus<br />
LEXIQUE<br />
La scène: mot utilisé pour<br />
désigner l’ensemble des<br />
groupements de supporters<br />
d’un club.<br />
Le spotter: policier, connaisseur<br />
de la scène, qui entretient<br />
des relations<br />
privilégiées avec les supporters.<br />
Présent en civil à chaque<br />
match, il s’informe sur les<br />
intentions des groupes, organise<br />
la sécurité des rencontres,<br />
observe, renseigne,<br />
et gère, si besoin, les situations<br />
critiques.<br />
Le hooligan: voyou qui se<br />
livre au vandalisme et use de<br />
violence.Pour lui, le résultat<br />
du match est secondaire,<br />
seule la violence compte<br />
L’ultra: supporter membre<br />
d’un groupe qui soutient de<br />
manière inconditionnelle son<br />
équipe. Il anime les matches<br />
par des chants et des tifos<br />
(spectacle visuel avec des<br />
cartons ou drapeaux).<br />
important qu’ils reçoivent une bonne formation. Le<br />
but à court terme doit être de faire appel uniquement<br />
à des professionnels. Le travail du personnel de la sécurité<br />
nécessite de recourir à beaucoup de psychologie.<br />
Les Fribourgeois ont de la peine à comprendre<br />
pourquoi la sécurité n’expulse que des Fribourgeois,<br />
mais il faut bien se rendre compte qu’il n’est pas possible<br />
d’aller sortir des Bernois. C’est la mission de la<br />
sécurité de Berne, mais c’est compliqué, car les supporters<br />
n’acceptent pas que l’on sorte leur copain.<br />
Fribourg a fait énormément de progrès en matière de<br />
sécurité. Est-ce uniquement dû à la présence des spotters?<br />
Les spotters, c’est une très bonne solution, mais ce<br />
n’est pas la seule. On voit cependant que, s’il y a une<br />
volonté politique, on peut casser le problème de la<br />
violence lors des matches avec des mesures très restrictives,<br />
mais on ne peut pas casser le problème<br />
dans la société. Aujourd’hui, des jeunes sortent le<br />
soir avec l’intention d’aller se battre. Ce n’était pas le<br />
cas, il y a 15 ou 20 ans. FR<br />
FRIBOURG-GOTTÉRON - BERNE<br />
Une journée calme<br />
«La Liberté» a été autorisé à suivre<br />
le travail des spotters samedi lors du<br />
derby des Zaehringen entre Fribourg-<br />
Gottéron et Berne. Récit minuté d’une<br />
journée chargée et bien maîtrisée.<br />
16 h: briefing à Granges-Paccot entre les<br />
spotters fribourgeois et bernois.<br />
16 h 30: départ au centre-ville pour aller<br />
rencontrer les Fribourg Boys réunis en petit<br />
comité dans un café et repérés plus tôt.<br />
But: se montrer et prévenir.<br />
16 h 33: début d’une ronde en ville d’une<br />
vingtaine de minutes en voiture.<br />
17 h: arrivée à la gare. Le chef des spotters<br />
annonce la présence du noyau dur bernois<br />
dans un bar. Départ immédiat pour<br />
rejoindre les spotters bernois déjà sur place.<br />
17 h 30: les spotters tentent de convaincre<br />
les ultras, arrivés à 14 h pour les premiers (!),<br />
de prendre les bus pour aller à la patinoire.<br />
17 h 55: le cortège se met en branle. Les<br />
premiers chants résonnent et des pétards<br />
explosent. Les spotters accompagnent la<br />
cinquantaine d’ultras et informent leurs<br />
supérieurs de l’évolution de la situation.<br />
18 h 36: arrivée en gare du train des supporters<br />
du SCB, qui prennent les bus sans<br />
broncher.<br />
19 h 15: tous les Bernois sont entrés dans<br />
la patinoire. Les spotters se placent en différents<br />
points pour observer les gradins.<br />
19 h 44: c’est l’heure du souper: un hamburger<br />
sur le pouce et ça repart.<br />
20 h 40: fin du 1 er tiers. Les spotters<br />
patrouillent dans les couloirs afin de repérer<br />
les Fribourgeois qui traversent la patinoire<br />
pour aller acheter une bière côté... bernois!<br />
21 h 10: Après cinq heures passées au<br />
froid, les spotters se retrouvent pour boire<br />
un capuccino.<br />
21 h 20: fin du 2 e tiers, le chef des spotters<br />
assiste ses collègues bernois pour procéder<br />
à l’identification de deux spectateurs<br />
visiteurs qui ont lancé des bières et qui<br />
recevront prochainement un avertissement.<br />
Le spotter fribourgeois en profite<br />
pour s’entretenir avec le capo (le chef/réd.)<br />
des ultras bernois. Bonne nouvelle: ils ont<br />
une fête prévue à Berne après le match. Ils<br />
ne devraient donc pas traîner.<br />
21 h 30: au début du 3 e tiers, dans un vestiaire<br />
de la patinoire, un briefing réuni tous<br />
les gens impliqués dans la sécurité de la<br />
soirée (du préfet au procureur en passant<br />
par les services de sécurité fribourgeois et<br />
bernois, les spotters des deux cantons, la<br />
gendarmerie, la police, un membre de Gottéron,<br />
etc.). But de la réunion: faire le point<br />
et préparer la fin du match, notamment le<br />
départ des Bernois.<br />
21 h 50: la situation s’envenime sous la tente<br />
des supporters où de jeunes Fribourgeois et<br />
des interdits de patinoire bernois s’affrontent.<br />
La police antiémeutes intervient.<br />
22 h: Berne a gagné, les supporters du SCB<br />
rappellent leurs joueurs sur la glace. Ils<br />
mettront 15 minutes à quitter la patinoire.<br />
22 h 42: tous les Bernois partent de Fribourg<br />
en train. Dans le hall de la gare, les<br />
sourires sont nombreux. «Cela n’a jamais<br />
été aussi tranquille», s’accordent à dire les<br />
spotters. «Parce que Berne est reparti avec<br />
trois points...»<br />
0 h 15: les spotters terminent leurs rapports.<br />
Bilan de la soirée: 6 Bernois et<br />
2 Fribourgeois ont été identifiés. Ils risquent<br />
un avertissement ou une interdiction<br />
de stades. FR<br />
Le silence des FB02<br />
Lors que nous avons eu l’idée de rédiger<br />
un article sur les spotters, nous avons cherché<br />
à rencontrer un membre des Fribourg<br />
Boys (FB02), groupe ultra de Gottéron. Afin<br />
de savoir notamment comment ces ultras<br />
percevaient la présence des spotters. Par<br />
retour d’e-mails, ils nous ont fait savoir<br />
qu’ils ne souhaitaient pas nous accorder<br />
d’entretien en raison de mauvaises expériences<br />
avec les médias («Propos déformés<br />
et articles mensongers», selon leurs écrits)<br />
et car ils ne veulent pas que leur «groupe<br />
soit médiatisé». FR