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2017 – Ces avocats persécutés dans le monde 14<br />
Aucune autre explication ne peut être avancée que l’existence de pressions<br />
exercées sur les détenus, privés de contacts extérieurs, qui sont invités à<br />
changer de défenseurs, et à choisir un avocat qui convienne aux autorités de<br />
poursuite ou désignée par elle. Au point, que Wang Qiaoling, la femme de Li<br />
Heping, a dû se déclarer elle-même l’avocate de son mari, pour être à l’avenir<br />
sûre qu’aucune pression ne viendrait plus décourager la détermination de ses<br />
défenseurs.<br />
Une telle pratique fait partie intégrante du processus judiciaire dès lors que la<br />
plupart des avocats détenus depuis le 9 juillet 2015, ont fini par obtenir une<br />
mise en liberté sous caution, après avoir laissé écarter leur avocat choisi.<br />
C’est à une de ces avocates, Wang Yu, qu’a été attribué à Athènes, le 4 juin<br />
2016, le 21 ème Prix Ludovic Trarieux. Sans doute, l'a-t-elle refusé, croyant,<br />
dans son désarroi, retrouver la liberté. Elle aura ainsi résumé la fatalité qui<br />
pèse sur les avocats chinois. Parce qu'elle aura dû atteindre le plus haut degré<br />
de la souffrance : le reniement contraint de soi-même. Après treize mois de<br />
rééducation et de manipulation mentale elle n’aura pu échapper à la loi de ses<br />
bourreaux : l'anéantissement obligé de son être, la dilution forcée du sens<br />
cognitif, la négation de ce qu'elle a accompli, de ce en quoi elle a cru, de ce qui<br />
illustrait sa vie, la destruction de ce qu’elle ne sera jamais plus. Wang Yu est<br />
et demeure la lauréate du Prix Ludovic Trarieux 2016, hommage décerné à<br />
tout ce qu’elle fut et dont la permanence vient démentir le refus.<br />
Wang Yu, interdite de récompense pour ses actes passés afin de devoir<br />
endurer davantage ses souffrances futures. Car, libération sous caution ne<br />
signifie aucunement, en Chine, remise en liberté. Les détenus d’hier sont les<br />
surveillés d’aujourd’hui, et les disparus de demain. Jamais plus, ils ne seront<br />
avocat. Tout au plus partageront-ils une existence résiduelle, en famille peutêtre,<br />
mais sous une férule policière qui traquera à jamais à chaque instant, le<br />
moindre geste de leur environnement domestique.<br />
« Fraudeurs et extorqueurs »<br />
Le prisonnier politique n’existe plus. Il n’y a plus de moderne Florestan dans<br />
les bagnes des dictatures. On ne s’en prend plus à la liberté d’opinion et aux<br />
droits de la défense. Il est tellement plus confortable aux yeux de l’opinion<br />
mondiale d’accuser l’avocat d’un délit ou mieux encore, d’un crime. On punit<br />
un délinquant de droit commun et nul, dès lors, ne saurait y trouver à redire.<br />
Les grandes démocraties elles-mêmes ne revendiquent-elles pas la<br />
souveraine maîtrise de la prévention et de la répression de la délinquance ?<br />
Comme la Chine, l’Egypte, la Turquie ou le Tadjikistan voient proliférer les<br />
fraudeurs et les extorqueurs. On y fabrique des charges contre ces prétendus «<br />
délinquants » qui ont osé créer des associations de défense des droits de<br />
l'homme mais ne les ont pas immatriculées – et pour cause – puisque cela<br />
est interdit sans autorisation du gouvernement, ou ses « suspects » qui ont<br />
reçu des subventions internationales sans le déclarer à titre de revenus<br />
personnels. Ou pire encore qui ont demandé de l'argent à un client pour le<br />
défendre ce qui ne saurait relever que de l’extorsion de fonds… aux yeux de<br />
régimes qui ne reconnaissent l’existence de l’avocat que sous la contrainte de<br />
normes internationales.