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2017 – Ces avocats persécutés dans le monde 16<br />
À l’inverse, on croisera au gré de ces quelques pages, certains de ces chefs de<br />
barreaux qui n’ont pas hésité à se porter en première ligne et à s’exposer, soit<br />
pour condamner les violations des droits de leurs pairs, soit pour résister aux<br />
injonctions de ce qui auraient voulu les contraindre à les enfreindre euxmêmes,<br />
on y verra d’autres encore qui n’ont pas craint de se mettre en grève<br />
pour exiger la libération de l’un des leurs. Parmi eux, le bâtonnier du<br />
Baloutchistan, qui l’a payé de sa vie, le président du barreau du Cachemire,<br />
de Malaisie, du Burundi, etc. On ne s’attristera que davantage de la réaction<br />
convenue ou du silence de certains autres. C’est pourquoi à partir de l’année<br />
prochaine, le Prix Ludovic Trarieux a prévu de désigner par mention spéciale<br />
un Barreau qui s’est plus spécialement illustré dans la défense de ses<br />
membres au service des droits de l’homme.<br />
En finir avec l’oubli<br />
Fort heureusement, on le sait aujourd’hui, un avocat emprisonné, fait l’objet,<br />
dans une majorité de cas, d’un appel urgent au rythme des dépêches des<br />
agences, de la mobilisation des ONG ou des informations circulant sur les<br />
réseaux sociaux. Nul ne saurait s’en contenter, et plus encore ils ne doivent<br />
pas occulter tous les autres. Il demeure, en effet qu’il y a aujourd’hui un<br />
certain nombre de personnes qui sont disparues ou attendent en prison<br />
depuis plusieurs années. Mais il en existe tant d’autres, radiés ou menacées,<br />
pour lesquels les actions de solidarité se sont émoussées. Passé l’instant<br />
d’émotion, trop d’appels convenus, de soutiens affichés, d’élans proclamés, se<br />
transforment en lassitude assumée, trop de disparus et de détenus finissent<br />
dans l’indifférence au fond d’une geôle où parfois pire dans une absence de<br />
sépulture.<br />
Il ne saurait y avoir de défense des avocats en danger que si celle-ci présente<br />
une continuité qui leur assure de ne pas être inéluctablement voués à l’oubli.<br />
Pour cela, il restera toujours indispensable de reprendre inlassablement tous<br />
les cas des oubliés pour ne pas lâcher prise. Chaque année leur nom doit être<br />
répété, leur situation doit être à nouveau évoquée, actualisée, psalmodiée,<br />
parce que, pour eux, rien n’a changé et que leur bourreau sait que l’oubli des<br />
autres est le meilleur garant de son impunité.<br />
Aujourd’hui, beaucoup de ces oubliés croupissent dans les prisons d'Iran et<br />
dans des caches secrètes de Syrie, dont par souci d'éviter toute provocation<br />
envers la respectabilité (presque) retrouvée du geôlier, il ne semble plus de<br />
bon ton de vouloir parler, à quelques exceptions notables près. Là, pour les<br />
victimes, le sort est plus injuste encore que l'oubli !<br />
Ces oubliés, ce serait alors leurs défenseurs d’hier qui les condamneraient<br />
une seconde fois par l'effet d’un silence aussi diplomatique que volontaire au<br />
gré du retour en grâce improbable dont peuvent bénéficier les États qui les<br />
persécutent. En Iran, parmi les fondateurs du Centre des défenseurs des<br />
droits de l'homme de Téhéran, qui sont restés dans leur pays, si deux d’entre<br />
eux ont été finalement été libérés - Mohammad Seifzadeh, le 10 mars 2016<br />
après près de cinq ans de prison, et Mohammad Ali Dadkhah, avant lui -<br />
Abdolfattah Soltani, quant à lui, balloté entre cellule et clinique, croupit<br />
malade, depuis 2011, dans le quartier 350 de la prison d'Evin.