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L’évaporation des problèmes ce n’est pas pour maintenant

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<strong>L’évaporation</strong> <strong>des</strong> <strong>problèmes</strong>, <strong>ce</strong> <strong>n’est</strong> <strong>pas</strong> <strong>pour</strong><br />

<strong>maintenant</strong>.<br />

Emmanuel Macron, bénéficiant à la fois du travail de<br />

sape du PS par Hollande, d’un terreau médiatique ultrafavorable,<br />

d’une droite soigneusement aussi stupide que<br />

possible et d’adversaires tous plus patibulaires les uns<br />

que les autres, parvient donc à se hisser au second<br />

tour <strong>des</strong> présidentielles. Devant Marine Le Pen contre<br />

laquelle tous les castors républicains du pays érigeront<br />

un fier barrage, ses chan<strong>ce</strong>s de victoire au soir du 7<br />

mai sont donc très importantes…<br />

Youpi, la Fran<strong>ce</strong> est sauvée ! Ou à peu près tant que<br />

reste dans l’urne notre candidat de Schrödinger,<br />

superposition quantique d’un politicien de droite et d’un<br />

politicien de gauche sans être ni à droite, ni à gauche.<br />

Une fois le vote <strong>pas</strong>sé, un choix sera fait qui, comme<br />

le veut la physique, sera tout en décohéren<strong>ce</strong><br />

quantique.<br />

Et probablement <strong>pas</strong> dénué de surprises…<br />

Certes, à propos de surprises, la « Le Pen élue » est<br />

fort peu probable (mais <strong>pas</strong>, stricto sensu, impossible),<br />

et on mesurera assez bien l’état de frustration du pays


à l’écart effectif entre les deux candidats. Mais<br />

surtout, d’autres surprises ne <strong>pour</strong>ront être évitées.<br />

L’une d’entre elle, c’est que la trajectoire française<br />

<strong>n’est</strong> <strong>pas</strong> bonne du tout et que Manu n’a <strong>pas</strong>, dans<br />

son programme, le moindre commen<strong>ce</strong>ment de<br />

proposition concrète <strong>pour</strong> l’infléchir.<br />

Je l’ai déjà écrit, mais il est toujours bon de le<br />

répéter <strong>pour</strong> tenter de faire sortir de leur transe<br />

<strong>ce</strong>rtains groupies extatiques à l’idée de voir le brave<br />

Emmanuel décrocher la timbale élyséenne : le futur<br />

président de la République héritera d’un pays dans une<br />

situation économique catastrophique et d’une population<br />

à cran, particulièrement lassée voire frustrée par une<br />

campagne électorale lamentable.<br />

Et <strong>ce</strong>tte situation doit tout aux (non-)choix<br />

politiques internes qui furent fait <strong>ce</strong>s 30 dernières<br />

années.<br />

La comparaison fait mal avec l’Allemagne, qui aura choisi<br />

avec Schröder de moderniser complètement son<br />

économie : pendant <strong>ce</strong>s 30 dernières années, <strong>ce</strong>tte<br />

dernière aura dû absorber d’un coup 16


millions d’habitants de la RDA dotés d’une économie en<br />

ruine en 1990, elle se sera heurté au mur de sa natalité<br />

qui lui donne une population plus vieille et donc plus<br />

coûteuse et moins productive ; ses frontières sont plus<br />

ouvertes à l’immigration que les françaises afin,<br />

justement de compenser sa faible natalité, et le pays<br />

accueille donc un nombre considérable d’étrangers et de<br />

réfugiés.<br />

Malgré <strong>ce</strong>s handicaps et <strong>ce</strong>s choix, l’Allemagne engrange<br />

<strong>des</strong> excédents budgétaires, pendant que la Fran<strong>ce</strong> aligne<br />

42 années de déficits.<br />

Malgré tout <strong>ce</strong>la, l’État allemand ne ponctionne « que »<br />

44% du PIB, là où le français, obèse, en dévore 57% et<br />

ne montre aucun signe de satiété.<br />

Pendant <strong>ce</strong> temps, la Fran<strong>ce</strong> claque dans la plus<br />

parfaite décontraction 7 points de PIB de plus que la<br />

Suède sociale-démocrate en diable, le tout <strong>pour</strong> <strong>des</strong><br />

prestations sociale bien en <strong>des</strong>sous de <strong>ce</strong> que <strong>ce</strong><br />

dernier pays propose, à tel point que nos SDF sont<br />

même nourris par la charité privée (eh oui, les Restos<br />

du Cœur, c’est bien une initiative privée). Pour rappel,<br />

la Fran<strong>ce</strong>, c’est 1% de la population mondiale et 15% <strong>des</strong><br />

dépenses sociales mondiales. Belle contre-performan<strong>ce</strong>.


Pendant que l’Allemagne rembourse sa dette (elle a<br />

baissé de 12% depuis 2009), l’État français emprunte 4<br />

milliards d’euros par semaine <strong>pour</strong> simplement continuer<br />

à payer les dépenses courantes, <strong>ce</strong> qui fait que sa<br />

dette a augmenté de 19% depuis. C’est tout à fait<br />

rassurant, et forcément, sur le long terme, ça va bien<br />

se <strong>pas</strong>ser, <strong>n’est</strong>-<strong>ce</strong> <strong>pas</strong>.<br />

À <strong>ce</strong> sujet, on <strong>pour</strong>ra regretter que, jusqu’à présent,<br />

<strong>ce</strong> problème de la dette n’ait <strong>pas</strong> été au cœur <strong>des</strong><br />

préoccupations électorales (c’est le moins qu’on puisse<br />

dire). Peut-être le sujet sera-t-il présent dans le<br />

débat d’entre deux tours ? On peut raisonnablement en<br />

douter : d’un côté, Macron nous persuadera qu’il est à<br />

même de mener le pays vers les vallées de lait et de<br />

miel que son programme, doux et cotonneux, promet<br />

facilement, mais ne détaille surtout <strong>pas</strong>. De l’autre, Le<br />

Pen évitera soigneusement la question tant le côté<br />

économique <strong>n’est</strong> <strong>pas</strong> sa tasse de thé, <strong>pour</strong> le dire<br />

charitablement.<br />

Il n’en restera <strong>pas</strong> moins que la situation,<br />

factuellement, peut se résumer à <strong>ce</strong>ci : alors que les<br />

Allemands, avec la même monnaie, les mêmes impératifs<br />

aux frontières, une population plus vieille et plus


nombreuse que les Français, affichent le huitième pouvoir<br />

d’achat en Europe avec 21.500 euros en moyenne, les<br />

Français pointent eux à la treizième pla<strong>ce</strong> avec 19.000<br />

euros ; en 2015 et selon l’OCDE, il y avait en Fran<strong>ce</strong><br />

7,1% de travailleurs pauvres contre moins de la moitié en<br />

Allemagne (3,5%), 25% de taux de chômage <strong>des</strong> jeunes<br />

en Fran<strong>ce</strong> contre 7% en Allemagne. Et tout ça, je le<br />

rappelle, avec une Chan<strong>ce</strong>lière Merkel qui n’a <strong>pas</strong><br />

spécialement fait dans la furie ultra-néo libérale, avec<br />

une réunification qui a été tout sauf simple, avec <strong>des</strong><br />

routes, <strong>des</strong> écoles, <strong>des</strong> hôpitaux, une poste, une poli<strong>ce</strong><br />

et plus généralement un servi<strong>ce</strong> public qui fonctionnent<br />

encore <strong>pas</strong> trop mal aux dernières nouvelles, avec <strong>des</strong><br />

impôts plus faibles et, j’insiste <strong>pour</strong> <strong>ce</strong>ux qui n’auraient<br />

<strong>pas</strong> bien compris l’allusion, la même monnaie que nous.<br />

Sauf à considérer que les Allemands sont <strong>des</strong> êtres<br />

supérieurs capables de casser <strong>des</strong> briques, plier<br />

l’espa<strong>ce</strong>-temps et la rhétorique collectiviste (<strong>ce</strong> que je<br />

ne crois <strong>pas</strong>), on doit réellement s’imposer la question<br />

de <strong>ce</strong>s nom-d’une-pipe de choix économico-politiques<br />

qui ont été faits <strong>ce</strong>s 25 dernières années <strong>pour</strong> aboutir<br />

à une situation à <strong>ce</strong> point différente d’un côté à l’autre<br />

du Rhin.


En réalité, for<strong>ce</strong> est de constater que <strong>ce</strong> sont les<br />

Français qui s’expatrient en Allemagne ou en Angleterre<br />

plutôt que le contraire. For<strong>ce</strong> est de constater que les<br />

opportunités sont beaucoup plus forte en Allemagne et<br />

que l’économie y est plus dynamique malgré une situation<br />

au départ plus difficile.<br />

Certes oui, les retraités et les chômeurs français sont<br />

effectivement moins exposés à la pauvreté et mieux<br />

« protégés » par <strong>ce</strong> système qu’on nous envie sans<br />

jamais oser nous le copier… Mais for<strong>ce</strong> est aussi de dire<br />

qu’ils sont <strong>pour</strong> le moment payés avec de la monnaie de<br />

singe qui pla<strong>ce</strong> directement le pays sur une trajectoire<br />

budgétaire insoutenable, où un tiers <strong>des</strong> salariés est<br />

payé par l’État et que nombre de chômeurs est caché<br />

dans <strong>ce</strong>s emplois plus ou moins bidons créés par une<br />

administration obèse.<br />

En somme, à l’instant où <strong>ce</strong>s lignes sont écrites, si la<br />

Fran<strong>ce</strong> tient son rang actuel, <strong>ce</strong>la <strong>n’est</strong> dû qu’à l’usage<br />

compulsif de sa carte de crédit et un immense écran de<br />

fumée qu’aucun <strong>des</strong> deux candidats ne semble vouloir<br />

vraiment dissiper, l’une jugeant l’ensemble <strong>des</strong> <strong>problèmes</strong><br />

liés à la méchante Europe (dans laquelle l’Allemagne s’en<br />

sort <strong>pour</strong>tant très bien), et l’autre estimant qu’on


<strong>pour</strong>ra s’en dépatouiller en « pensant printemps » très<br />

fort.<br />

Macron, élu, devra donc réaliser <strong>ce</strong> qu’aucun de ses<br />

prédé<strong>ce</strong>sseurs n’a même entamé en 30 ans, avec une<br />

majorité parlementaire particulièrement difficile à<br />

construire puis à conserver, un sénat a priori peu enclin<br />

à lui faire les yeux doux, <strong>des</strong> syndicats de salariés tout<br />

sauf modernes, <strong>des</strong> administrations fossilisées, une<br />

presse qui sortira la grosse artillerie antilibérale dès<br />

qu’elle le <strong>pour</strong>ra et de façon générale, une opinion<br />

publique rétive à tout changement d’importan<strong>ce</strong>, le tout<br />

dans un contexte économique difficile et une absen<strong>ce</strong> de<br />

toute latitude budgétaire.<br />

À vue de nez, toutes les cartes sont donc réunies <strong>pour</strong><br />

un succès flamboyant.

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