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13<br />
JEUNE<br />
FEMME<br />
Mirage<br />
de la vie<br />
Jeune femme, de Léonor Serraille<br />
© DR<br />
© DR<br />
PAS ÉTONNANT que ce soit<br />
Sandrine Kiberlain qui ait<br />
remis la Caméra d’Or à ce<br />
premier film réjouissant d’une<br />
Vénissiane au dernier festival de<br />
Cannes. On y retrouve dans tous<br />
les plans une chieuse irrésistible<br />
comme elle les aime, portée par<br />
une actrice plus vraie que nature<br />
au tempérament de feu : Laetitia<br />
Dosch. C’est la première qualité<br />
de ce film-portrait pas comme les<br />
autres : aborder la précarité, l’exclusion<br />
et l’inadaptation au<br />
Souleymane Seye Ndiaye et Laetitia Dosch<br />
MMMM<br />
Jeune femme<br />
de Léonor Serraille<br />
(Fr, 1h37) avec<br />
Laetitia Dosch,<br />
Souleymane Seye<br />
Ndiaye, Grégoire<br />
Monsaingeon,<br />
Nathalie Richard,<br />
Arnaud de Cazès,<br />
Marie Reymond…<br />
monde non pas avec le misérabilisme<br />
habituel du cinéma social à<br />
la française, mais avec l’énergie<br />
comique d’une asociale qui a<br />
énormément de gens à qui parler.<br />
Elle a du bagout et de l’abattage à<br />
revendre, ne supporte pas vraiment<br />
quelqu’un plus de cinq<br />
minutes mais croque la vie à<br />
pleines dents en provoquant sans<br />
cesse les rencontres les plus<br />
improbables. C’est tout le charme<br />
de ce portrait de femme en forme<br />
de furet qui conjure la dépression<br />
par un cri monstrueux en ouverture<br />
avant de se lancer à l’assaut<br />
du Paris des laissés-pour-compte.<br />
« Si on s’en tenait à ce qu’on<br />
désire, on se ferait chier »<br />
Loin de se reposer uniquement<br />
sur son personnage principal, le<br />
film sait aussi créer des séquences<br />
et des seconds rôles inattendus,<br />
notamment à travers une superbe<br />
séquence de jazz dans le métro<br />
ou un dialogue en apesanteur<br />
avec un infirmier noir comme on<br />
en croise trop rarement dans le<br />
cinéma hexagonal. Jeune femme<br />
est un peu le film de la conjuration<br />
sociale par l’énergie d’une fille qui<br />
ne tient jamais en place. « Si on<br />
s’en tenait à ce qu’on désire, on se<br />
ferait chier. La stabilité c’est l’ennui.<br />
» Détestant Paris, « cette ville<br />
qui n’aime pas les gens et n’a pas<br />
d’imagination parce qu’il y a trop<br />
d’argent ». Léonor Serraille tire le<br />
meilleur parti de l’instabilité de<br />
son personnage, « bipolaire des<br />
yeux » écartelée entre ses petits<br />
jobs de vendeuse ou de nounou<br />
et sa thèse sur « la prise en charge<br />
chirurgicale des oiseaux » (sic).<br />
S’en suit un des portraits les plus<br />
originaux qu’on ait vu d’une jeune<br />
femme d’aujourd’hui.<br />
LUC HERNANDEZ<br />
www.exitmag.fr<br />
54 SEPTEMBRE 20<strong>17</strong>