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10 / Même pas peur N o <strong>15</strong> / JANVIER 2017 JANVIER 2017 / Même pas peur N o <strong>15</strong> / 11<br />
Déconomie<br />
Deconomie<br />
LIBRE<br />
éCHAN<br />
GISmE<br />
avec ou sans<br />
capote ?<br />
Le libre-échangisme est à l’honneur<br />
des gazettes. De là à voir fleurir les<br />
conseils de protection sortez couverts !<br />
il n’y a qu’un pas. Si ce n’est qu’en économie,<br />
ce n’est pas tant de se couvrir<br />
qui compte que de ne<br />
pas laisser entrer.<br />
Ouvert ou<br />
fermé ?<br />
La fière lutte wallonne<br />
contre les conditions<br />
de signature du<br />
traité de libre-échange<br />
avec le Canada<br />
(CETA) a relancé tribunes<br />
et polémiques<br />
pour ou contre le libre-échange, voire<br />
le libre-échangisme. Ça fait tout de<br />
suite plus doctrinal avec un « isme ».<br />
Mais, les auteurs ont souvent fait dans<br />
le simplisme : ouverture contre fermeture,<br />
voire repli sur soi, étant souvent<br />
entendu qu’il vaut mieux être ouvert<br />
que fermé. Enfin, quand il s’agit des<br />
marchandises ou de travailleurs lowcost,<br />
la ferme fermeture prévalant<br />
souvent dans les discours des mêmes<br />
lorsqu’il s’agit des réfugiés ou migrants,<br />
de toute façon des étrangers pas comme<br />
nous.<br />
Ouvert ou fermé, c’est bon pour une<br />
porte. Et une porte fermée, ça vous protège<br />
peut-être des voleurs s’ils n’ont pas<br />
un bon pied-de-biche, mais ça empêche<br />
aussi les copains d’entrer. Un peu<br />
comme la capote : si vous voulez des<br />
gamins, c’est mieux sans. Si vous avez<br />
une vie érotique pleine d’imprévus,<br />
c’est parfois mieux avec.<br />
Le nom<br />
économique et<br />
politique de cette<br />
concentration<br />
de pouvoir, ou de<br />
cette bande de<br />
violeurs, c’est le<br />
capitalisme<br />
Se protéger ? De quoi ?<br />
La question, c’est « que protéger ? » et<br />
« de quoi se protéger ? ». Si vous voulez<br />
mon avis – sinon, tournez la page – se<br />
protéger de l’échange, cela n’a guère de<br />
sens. Pas parce que « de tout temps »<br />
les êtres humains auraient échangé ; ce<br />
n’est pas parce qu’on a toujours fait ci<br />
ou ça qu’il ne faut pas faire autre chose.<br />
Non, l’échange, en soi, c’est intéressant.<br />
Même avec des Canadiens. Serait-ce la<br />
liberté alors dont il faudrait se méfier ?<br />
A priori, je n’aime pas les interdits.<br />
Est-ce à dire qu’il faut accepter les traités<br />
de libre-échange ? Non, mais il faut<br />
les refuser pour de bonnes raisons. Sans<br />
quoi, on risque de se tromper quant au<br />
choix des moyens de protection. Où est<br />
le problème qui ne peut pas se lire dans<br />
l’expression « libre-échange » ? Il est<br />
dans le pouvoir, plus exactement dans<br />
la concentration du pouvoir dans les<br />
mains d’une minorité d’acteurs, concentration<br />
qui permet l’exercice de la domination<br />
et l’exploitation. Pour garder la<br />
comparaison, c’est<br />
comme si vous étiez<br />
confronté à un bande<br />
de violeurs plutôt<br />
qu’au partenaire d’un<br />
soir ou de votre vie.<br />
La capote ne protège<br />
en rien du viol.<br />
Libre-échange<br />
ou capitalisme<br />
mondial ?<br />
Le nom économique<br />
et politique de cette concentration de<br />
pouvoir, ou de cette bande de violeurs,<br />
c’est le capitalisme. Le libre-échange<br />
est aujourd’hui le nom commercial<br />
du capitalisme, masqué derrière une<br />
théorie du marché qui ne fait aucune<br />
place explicative sérieuse au pouvoir<br />
et n’est pas fichue d’expliquer le profit.<br />
Le pouvoir s’exerce dans les rapports<br />
d’échange et, plus fondamentalement,<br />
dans les rapports de production. Si on<br />
réfléchit trente secondes, pour échanger<br />
quelque chose, il faut l’avoir produit<br />
ou se l’être approprié.<br />
Protectionnisme et<br />
souverainisme ?<br />
Se protège-t-on du capitalisme ? Et que<br />
protège-t-on ? Certains, trop nombreux<br />
pour les citer ici, soutiennent qu’il faut<br />
fermer la porte ou à tout le moins poser<br />
chaînes de sécurité et verrous. La porte<br />
ici, ce sont les frontières, celles de l’État.<br />
Sylvie Kwaschin<br />
Charbonnier maître chez soi et État<br />
souverain dans ses frontières. La crise,<br />
dite financière, de<br />
2008 (souvenez-vous<br />
les subprimes, les gens<br />
expulsés des maisons<br />
qu’ils ne peuvent plus<br />
payer, les banques qu’il<br />
faut renflouer à grand<br />
renfort d’argent public<br />
la croissance économique<br />
qui plonge et<br />
les politiques d’austérité<br />
qui serrent la vis), la crise financière<br />
de 2008, donc, a fait prendre conscience<br />
aux distraits du caractère mondialisé<br />
du capitalisme contemporain. Particulièrement,<br />
beaucoup se sont émus<br />
de la mondialisation de la finance et<br />
de sa dérégulation, de son fonctionnement<br />
émancipé de toute règle politique.<br />
De là, pour faire court, la volonté de<br />
retrouver une capacité politique afin de<br />
mettre des limites au capitalisme financier<br />
sans frein. Puisque l’Europe, que ce<br />
soit l’Union européenne ou celle de la<br />
zone euro, ne donne guère satisfaction<br />
(tout occupée qu’elle est à bétonner les<br />
règles qui empêchent l’exercice de toute<br />
souveraineté), retour au seul espace de<br />
souveraineté que l’on connaisse, celui<br />
de l’État-Nation et de ses frontières.<br />
Souverainisme et capitalisme<br />
Mais, le protectionnisme, s’il s’agit de<br />
se protéger des autres États-Nations,<br />
ne protège pas de la bande de violeurs<br />
que sont ceux qui jouent le jeu du capital,<br />
financier ou industriel. Il joue le jeu<br />
du capital comme si celui-ci pouvait<br />
encore être national. Il tente d’attirer les<br />
acteurs capitalistes à coups de réduction<br />
de la rémunération du travail et<br />
de réduction d’impôts pour garder un<br />
rôle dans le grand jeu de la concurrence<br />
entre Nations. Il veut pouvoir pénétrer<br />
les autres marchés nationaux – exporter<br />
– tout en se protégeant des pénétrations<br />
indues – les importations. Il ne sort<br />
pas du jeu de la concurrence, il tente<br />
de s’y ménager une position moins<br />
inconfortable.<br />
À ce jeu-là, tout le monde ne peut pas<br />
être gagnant. Certains espaces nationaux<br />
peuvent provisoirement tirer leur<br />
épingle du jeu, comme l’Allemagne.<br />
Mais, c’est au prix d’une détérioration<br />
de la situation économique et sociale de<br />
leur population ainsi qu’au détriment<br />
de la situation économique et sociale<br />
de leurs voisins proches ou des populations<br />
lointaines, intégrées malgré elles<br />
dans le jeu du capitalisme mondial.<br />
Ce ne sont pas<br />
les travailleurs<br />
chinois qui privent<br />
d’emploi les<br />
wallons. C’est le<br />
capital.<br />
Les joueurs ne sont pas les<br />
Nations<br />
Plus encore, cette<br />
manière de décrire<br />
le jeu (libre-échange<br />
contre protectionnisme<br />
ou souveraineté)<br />
masque qu’il<br />
ne s’agit pas d’une<br />
question d’échange<br />
de marchandises. Il<br />
s’agit d’abord de production<br />
(de rapports de production) et<br />
d’appropriation de la valeur produite.<br />
Le jeu ne se joue pas entre nations dont<br />
chaque peuple se dresserait dans une<br />
belle unité souveraine. Il se joue entre<br />
« acteurs du capital », qui sont bel et<br />
bien mondialement en concurrence<br />
pour l’appropriation de la valeur, et<br />
« travailleurs » (ceux qui ont du boulot,<br />
ceux qui n’en n’ont pas et voudraient<br />
en avoir, ceux qui voudraient de pas<br />
en avoir mais ont besoin de bouffer,<br />
ceux qui croient qu’ils aiment ça,…). Ce<br />
ne sont pas les travailleurs chinois qui<br />
privent d’emploi les Wallons. C’est le<br />
capital, peu importe son origine nationale,<br />
qui produit à bas coûts en Chine.<br />
Ce sont les choix de politique économique<br />
qui ont libéré les forces du capital<br />
de toute contrainte à partir du début<br />
des années septante. Ce sont les choix<br />
politiques actuels qui préfèrent baisser<br />
la rémunération du travail – directe et<br />
indirecte via les cotisations de sécurité<br />
sociale – plutôt que de réduire le temps<br />
de travail pour partager l’emploi. Ce<br />
sont les choix politiques qui refusent<br />
d’annuler, au moins partiellement,<br />
les dettes publiques. Ce sont les choix<br />
politiques qui cautionnent et autorisent<br />
l’exploitation sans frein de la base naturelle<br />
de la production, détruisant les<br />
espaces de vie des populations, les privant<br />
de leurs ressources en terres, en<br />
eau, etc. et détruisant ce qui est nécessaire<br />
à tous : la biodiversité, les régulations<br />
climatiques.<br />
Alors oui : il vaut mieux refuser un<br />
mécanisme d’arbitrage des différends<br />
commerciaux orienté seulement vers<br />
l’intérêt des multinationales. Oui, il<br />
faut reconstruire, voire construire, une<br />
capacité politique et cela pose la question<br />
des espaces possibles de souveraineté.<br />
Mais si cette souveraineté est<br />
déléguée à des représentants convaincus<br />
des vertus de la concurrence, on<br />
remplacera la lutte des classes par la<br />
lutte entre nations. Et cela pourrait ne<br />
pas être joli à voir.<br />
Dette à perpète ? Dette en<br />
levrette !<br />
Objectif R.D.G.P. (Remise de Dette des Grands Précaires)<br />
Laurent d’Ursel et Nicolas Marion<br />
Il est quelques vérités :<br />
L’endettement et le surendettement<br />
constituent un coût social majeur aux<br />
effets délétères.<br />
L’impossibilité d’honorer ses dettes par<br />
insolvabilité maintient de nombreux SDF<br />
en rue et risque d’y précipiter d’autres<br />
surendettés.<br />
Il n’y a pas d’obstacle à la réintégration<br />
des plus précaires, dès lors qu’ils la<br />
désirent, qui ne doive être levé, d’autant<br />
que la lutte contre l’exclusion sociale est<br />
une priorité explicite et subsidiée des six<br />
gouvernements belges.<br />
La viabilité du « système » ne repose<br />
qu’en partie sur le principe, largement<br />
idéologique et partiellement utopique, de<br />
l’obligation juridique de rembourser ses<br />
dettes.<br />
L’annulation de la dette, via la « médiation<br />
par règlement collectif de dettes »,<br />
n’est pas adaptée à la situation de la majorité<br />
des grands précaires.<br />
La culpabilisation du détenteur d’une<br />
dette irremboursable entretient et nourrit<br />
en lui la honte de soi, sentiment jamais<br />
justifié mais souvent déjà à l’œuvre,<br />
parfois violemment, chez les grands<br />
précaires.<br />
La gestion du surendettement génère<br />
un coût non négligeable pour l’État (frais<br />
de poursuite, de recouvrement, de justice,<br />
etc.).<br />
L’histoire abonde d’annulations heureuses<br />
de dettes, privées ou publiques. [1]<br />
La notion de dette est radicalement relative.<br />
[2]<br />
Aucun principe ne justifie, ici, de socialiser<br />
la dette (quitte à disculper les gestionnaires<br />
bancals de leurs échecs bancaires)<br />
et, là, d’en exiger judiciairement<br />
le remboursement (quitte à détruire des<br />
vies).<br />
La conviction, fût-elle erronée, que<br />
l’objectif de remboursement est inaccessible,<br />
enfonce les grands précaires dans<br />
l’auto-exclusion.<br />
Plus l’exigence de remboursement<br />
concerne des grands précaires, plus elle<br />
relève d’une logique punitive et disciplinaire,<br />
et non économique.<br />
L’obligation de remboursement est la «<br />
case vide », ou le non-sens structurel qui<br />
fait fonctionner la structure insoutenable<br />
de l’inégalité : la finalité inavouable et<br />
impensée de l’obligation de remboursement<br />
est la justification des inégalités. [3]<br />
Généraliser aux grands précaires l’argument<br />
« Si on annule toutes les dettes,<br />
tout s’écroule » est, puisqu’il n’est que<br />
rhétorique, d’un cynisme indécent.<br />
L’idée que la certitude d’une annulation<br />
des dettes en cas de grande précarité<br />
incite à l’endettement serait recevable si<br />
l’on pouvait croire que la grande précarité<br />
se choisit.<br />
La faillite, qui a droit de cité [4] dans le<br />
milieu des affaires, constitue une forme<br />
de dette jamais honorée. Or, l’économie<br />
néolibérale fait de chaque citoyen un<br />
« petit entrepreneur », c’est-à-dire une<br />
personne morale. Donc, la faillite des<br />
personnes physiques doit être valorisée<br />
comme celle d’une personne morale. Il<br />
suit qu’il ne peut plus s’agir, d’un côté,<br />
d’une erreur de calcul compréhensible,<br />
voire d’un goût du risque assumé, et de<br />
l’autre, d’une faute morale. Sauf à passer<br />
sans vergogne de l’audit d’une gestion<br />
(fût-elle mauvaise) au contrôle d’une personne<br />
(bien que précaire), jusqu’à sa stigmatisation<br />
existentielle.<br />
Le grand précaire paie souvent déjà (au<br />
sens de « souffrir ») de ne pas pouvoir<br />
payer. [5]<br />
La logique qui préside à l’annulation<br />
pure et simple, inconditionnelle et automatique,<br />
de la dette est à l’œuvre dans la<br />
philosophie du Housing First : atteindre<br />
la fin ne suppose pas d’avoir préalablement<br />
rassemblé tous les moyens nécessaires<br />
pour y arriver.<br />
La dette n’existant qu’entre égaux potentiels<br />
[6], exiger le remboursement, c’est<br />
rétablir l’égalité, incontestablement. Mais<br />
quand cette exigence est démesurée,<br />
l’inégalité est entérinée, irréversiblement.<br />
Si les Croates l’ont fait, les Belges<br />
devraient pouvoir y arriver. [7]<br />
L’annulation de la dette est le contraire<br />
de l’assistanat puisque, remettant les<br />
compteurs à zéro, elle sort l’« assisté pour<br />
dette » de l’assistance.<br />
Quand bien même un objectif (par<br />
exemple, sauvegarder la dignité de l’enfant)<br />
l’emporterait sur un autre (par<br />
exemple, la lutte contre la grande pauvreté),<br />
il est des situations (par exemple<br />
la grande précarité) où cette hiérarchisation<br />
implique la non- réalisation des deux<br />
objectifs. On ne peut plus donc, dans ces<br />
situations, exclure les dettes pénales [8]<br />
du processus de règlement collectif de<br />
dettes.<br />
L’augmentation des dettes par intérêts<br />
usuriers est une voie royale, autoproductrice<br />
et pourtant absurde du<br />
surendettement.<br />
Les taux d’intérêt exponentiels, arbitraires<br />
et hors de toutes proportions,<br />
infligés par les usuriers et leurs exécutants<br />
(qu’ils soient huissiers assermentés<br />
ou non) participent d’une cruauté économique<br />
qui serait « de bonne guerre » si<br />
elle profitait aux créanciers ultimes.<br />
La fin de l’endettement augure d’une<br />
renaissance, là où l’endettement chronique<br />
tient du harcèlement.<br />
Il suit de ce qui précède qu’il est<br />
urgent de mettre en œuvre la procédure<br />
juridique au terme de laquelle un grand<br />
précaire voit toutes ses dettes être<br />
annulées automatiquement : pour être<br />
effective, la mise en œuvre de ce droit ne<br />
peut pas dépendre en effet de son activation<br />
par l’intéressé. Cette remise de dette<br />
pour grands précaires suppose bien sûr<br />
d’amender la législation des obligations.<br />
NB 1 : Signer l’appel là : http://www.<br />
doucheflux.be/participer-soutenir/<br />
soutenez-les/objectif-r-d-g-p/<br />
NB 2 : L’appel ci-dessous est le produit<br />
du Think Tank de l’asbl DoucheFLUX du<br />
12/01/2016, auquel ont contribué Jérémie<br />
Cravatte, Sylvie Kwaschin, Christine<br />
Mahy, Nicolas Marion, Sylvie Moreau,<br />
Patrice Rousseau et Bruna Sassi.<br />
[1] Voir note n°7, pour l’exemple du cas<br />
croate.<br />
[2] Une dette n’est perçue, subie, vécue<br />
comme telle qu’à partir du moment où<br />
elle peut être produite dans un document<br />
comptable, tout rudimentaire soitil.<br />
Or toute comptabilité est un jeu d’écriture,<br />
une mise en scène, un récit, qui<br />
ne font sens que dans la mesure où l’on<br />
s’accorde sur les règles du jeu, le territoire<br />
de la scène, la présentation du récit. Mais<br />
l’on peut toujours revoir les règles, redessiner<br />
le territoire, modifier la présentation.<br />
En l’occurrence, rien n’est plus arbitraire<br />
que la détermination du moment<br />
à partir duquel on considère que je ne<br />
dois pas (au sens d’une dette opposable<br />
en bonne et due forme) à quelqu’un ce<br />
dont je lui suis par ailleurs objectivement<br />
redevable. Très vite, on ne comptabilise<br />
plus – et heureusement : on y passerait sa<br />
vie ! – ce qu’on a permis et qu’on pourrait<br />
en toute rigueur comptable transformer<br />
en autant de créances.<br />
[3] On détermine la case-vide structurelle<br />
comme ce qui fait circuler le sens<br />
entre les points singuliers d’une structure<br />
donnée. Dans le cas présent, on<br />
peut relever quelques singularités de la<br />
structure de l’inégalité : précarité, illégalité,<br />
exclusion, différences économiques<br />
(débiteur-créancier, riche-pauvre, etc.),<br />
parmi d’autres. Envisagée sous l’angle<br />
de l’endettement comme agent actif de<br />
création d’inégalités socio-économiques,<br />
la structure de l’inégalité ne cesse de<br />
faire revenir cette obligation de remboursement<br />
(qui n’a pas de sens, sinon<br />
celui de faire fonctionner cette structure<br />
elle-même) comme ce qui assure à<br />
tous ces points singuliers de fonctionner<br />
ensemble. Structurelement, on considère<br />
souvent que c’est cette case vide ellemême<br />
qui assure à la structure de pouvoir<br />
changer, s’écrouler, se modifier. Suspendre<br />
cette obligation (au niveau moral,<br />
économique, politique et culturel) offre, à<br />
la pensée au moins et au précaire de fait,<br />
la possibilité d’envisager une reconfiguration<br />
de la structure active de l’inégalité<br />
sociale, économique et culturelle.<br />
[4] Aux États-Unis (c’est-à-dire en Belgique<br />
demain), ce droit de cité est un passage<br />
obligé, voire un gage de légitimité,<br />
d’authenticité et de fiabilité.<br />
[5] En effet, plus on le poursuit,<br />
plus il se vit comme objet-devantpayer-absolument<br />
et moins il se sent<br />
sujet-pouvant-vivre-librement.<br />
[6] David Graeber, Dette. 5000 ans d’histoire,<br />
Paris, Les Liens qui libèrent, 2013,<br />
p.147 : « Donc, qu’est-ce qu’une dette ? Une<br />
dette est quelque chose de très particulier, et<br />
elle naît de situations très particulières. Elle<br />
nécessite d’abord une relation entre deux personnes<br />
qui ne se considèrent pas comme des<br />
êtres de type fondamentalement différent,<br />
qui sont des égales au moins potentielles, qui<br />
sont des égales réelles sur les plans vraiment<br />
importants, et qui ne sont pas actuellement<br />
sur un pied d’égalité – mais pour lesquelles il<br />
y a moyen de rééquilibrer les choses. »<br />
[7] Le gouvernement croate annonçait<br />
en février 20<strong>15</strong> un plan d’annulation de<br />
dettes pour pas moins de 60.000 personnes<br />
en état de grande précarité. Cette<br />
mesure concerne donc 60.000 personnes,<br />
vivant avec des revenus inférieurs à<br />
1250 kuna par mois (162€) et une dette<br />
inférieure à 35.000 kuna (4550 €). Cette<br />
mesure ne sera accessible qu’aux personnes<br />
qui ne disposent pas d’économies,<br />
ne sont pas propriétaires, et sera appliquée<br />
en priorité à ceux qui se trouvent<br />
déjà sous un régime d’allocations sociales.<br />
La mesure devrait coûter, selon le gouvernement,<br />
46 millions d’euros, l’équivalent<br />
de 0,1 % du PIB de la Croatie, et<br />
sera donc porté intégralement par les<br />
sociétés créditrices. Voir à ce propos l’article<br />
du Monde (02 février 20<strong>15</strong>), consultable<br />
à l’adresse suivante : http://www.<br />
lemonde.fr/europe/article/20<strong>15</strong>/02/02/<br />
la-croatie-efface- les-dettes-de-60-000-<br />
personnes_4568074_3214.html<br />
Pour une approche critique de<br />
cet exemple, voir l’analyse du<br />
CADTM : http://www.cadtm.org/<br />
Annulation-de-dette-en-Croatie<br />
[8] Selon l’article 1675/13, § 3, il y a<br />
quatre cas dans lesquels le tribunal du<br />
travail ne pourra pas accorder de remise<br />
de dettes en capital :<br />
• Les dettes alimentaires qu’elles soient<br />
échues ou à échoir (voir Loi du 12 mai<br />
2014 modifiant la loi du 21 février 2003<br />
créant un Service des créances alimentaires<br />
au sein du SPF Finances et le Code<br />
judiciaire, en vue d’assurer le paiement<br />
effectif des créances alimentaires- entrée<br />
en vigueur le 1/09/2014) ;<br />
• Les indemnités accordées pour la<br />
réparation d’un préjudice corporel suite<br />
à une infraction sont dues intégralement.<br />
Le débiteur devra donc les rembourser<br />
entièrement même si cela doit prendre<br />
plus de 5 ans ;<br />
• Les dettes restantes en cas de faillite,<br />
sauf lorsque la clôture de la faillite a été<br />
prononcée en application de la loi du 18<br />
avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et<br />
sursis de paiement. Cette remise ne peut<br />
être accordée au failli qui a été condamné<br />
pour banqueroute simple ou frauduleuse.<br />
• Les amendes pénales (Article 464/1,<br />
§8 alinéa 5 du Code d’instruction criminelle<br />
: « La remise ou réduction des peines<br />
dans le cadre d’une procédure collective d’insolvabilité<br />
ou d’une procédure de saisie civile<br />
ne peut être accordée qu’en application des<br />
articles 110 et 111 de la Constitution ». En<br />
vigueur depuis le 18/04/2014.)