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Gynette Mag #2 (Avril 2018)

Édition numérique du fanzine Gynette Mag' #2 dans le cadre de l’ARC Fuck Patriarcat, proposé par Mathilde Feurtet, Florian Humbert, Enthéa Roturier, Venitia Mancani, Quitterie Daflon, Justine Betems, Nicolas Graff, Manon Montravers, Brian Laval et Chloé Poulain, avec le support de Vanessa Desclaux, Marlène Gossmann, Isabelle Lebastard et Sammy Engramer.

Édition numérique du fanzine Gynette Mag' #2 dans le cadre de l’ARC Fuck Patriarcat, proposé par Mathilde Feurtet, Florian Humbert, Enthéa Roturier, Venitia Mancani, Quitterie Daflon, Justine Betems, Nicolas Graff, Manon Montravers, Brian Laval et Chloé Poulain, avec le support de Vanessa Desclaux, Marlène Gossmann, Isabelle Lebastard et Sammy Engramer.

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Les gens de l’extérieur viennent sur le camp, tous les deux ou trois mois, quand ils organisent<br />

une convergence. C’est le nom qu’ils ont donné – nul ne se souvient d’avoir inventé<br />

le terme, mais il est utilisé par tous – à la nuit pendant laquelle Vernon choisit la musique<br />

pour faire danser les participants. Ces convergences rythment leur vie – trouver un endroit<br />

où s’établir, préparer les lieux, l’événement, puis remballer et partir pour un autre endroit.<br />

Ça s’est fait sans que personne ne décide que ce serait comme ça. Ça s’est produit disons.<br />

Les postulants aux convergences sont vite devenus si nombreux qu’il faut toute une organisation<br />

pour sélectionner les participants et ne pas dépasser une centaine. Il se passe quelque<br />

chose. Les gens débarquent, certains sont super chiants, ils viennent « pour voir », méfiants<br />

et agressifs, comme si on cherchait à leur vendre un baratin quelconque alors qu’on ne leur<br />

vend rien, même pas une belle histoire : il s’agit de danser jusqu’à l’aube, c’est tout. La<br />

chose extraordinaire, c’est ce que les danseurs ressentent – sans drogue, sans préparation,<br />

sans trucage.<br />

Virginie Despentes - Vernon Subutex 3 (2017)<br />

On s’approche enfin de Bourges. Il est déjà dix neuf heures passées. La nuit<br />

est tombée, les lampadaires sont allumés en ville. On arrive toujours à Bourges<br />

dans le noir. La friche de l’Antre-Peaux est complètement vide, à l’exception d’un<br />

food truck garé ici spécialement pour l’occasion. Il y est inscrit en haut Assiette<br />

vide, yeux humides. Précisément, oui.<br />

Simultanément Roberta Marrero et Orne Cabrita terminaient la présentation<br />

de leur travail plastique respectif au sein de la salle de spectacle du Nadir. Roberta<br />

développe un ensemble baroque de figures emblématiques de la culture populaire<br />

mondiale, en résonance avec différents slogans ou autres images, afin d’interroger<br />

le poids des conventions et des traditions dans la société espagnole. Une mythologie<br />

personnelle et pudique face au poids écrasant d’une société consumériste<br />

qui ne cesse de vouloir normaliser les identités. Figure de la scène street art, Orne<br />

déploie quant à elle un univers intime, empli d’une sincérité cinglante, inspiré par<br />

les luttes intestines, par ces monstres internes ambigus et fluctuant que chacun<br />

cherche à dissimuler.<br />

Rassasié, on rentre dans le Nadir. Il est un peu plus d’une demi-heure avant<br />

la lecture d’un texte de Pasolini sur l’Italie de l’après-guerre. Le public tarde à<br />

s’imposer. Du retard. Et finalement, une nouvelle foule venue, semble-t-il, plus<br />

pour la notoriété des oratrices que pour le contenu de l’évènement. Les portes<br />

s’ouvrent, la salle sera comble.<br />

La lumière est basse. Elles sont là, debout derrière un pupitre. Le groupe Zëro<br />

s’engage doucement dans une nappe sonore électronique, rauque et aiguisée. Le<br />

spot éclaire progressivement Béatrice Dalle. Elle ouvre ses lèvres épaisses, commencent<br />

la lecture avec intensité. Virginie Despentes poursuit, le timbre grave,<br />

maitrisé. Le contraste s’intensifie, Béatrice s’emporte dans une subjectivité débordante.<br />

Pour quelques uns surjoué, pour d’autres exalté. Virginie temporise. Le<br />

dialogue se développe à la fois raide et tragique, contrôlé et sauvage, voix off et<br />

poésie. Et ces élocutions résonnent. Le rapport des fils à leurs pères, l’hérédité. Le<br />

lègue d’une faute que les pères ont tous commise, et que leurs fils risquent en tant<br />

que pères de commettre à nouveau. Laquelle est sommairement d’avoir laisser le<br />

monde être ce qu’il est, sans agir plus, sans se révolter plus, sans s’acharner plus.<br />

Sans intervenir contre le fascisme, la séparation radicale entre les classes riches<br />

et pauvres, la ségrégation de l’autre, du hors-norme, de l’inadapté en faveur de<br />

l’adapté normé. Comme un rappel à la lutte, à la révolution politique, sociale, identitaire.<br />

C’est que l’Italie d’après-guerre avait bien quelque chose à nous apprendre<br />

de notre pays aujourd’hui et maintenant. La lecture se termine. Chamboulement.<br />

Quelques instants dehors pour respirer un peu de fumée de tabac avant d’assister<br />

au concert d’Heliogabale pour la sortie de leur nouvel album Ecce Homo<br />

(2017). Formation culte de la scène indépendante française, le groupe s’est démarqué<br />

par une approche arty, théâtrale et littéraire du rock noise.<br />

Sommeil.

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