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LT142_HZ_MARKEN[1]

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Interview<br />

Roger Harlacher, le patron<br />

de Zweifel Pomy-Chips,<br />

se dit ouvert<br />

aux acquisitions ●●● PAGE 3<br />

Spécial<br />

MARQUES<br />

Durabilité<br />

Juste un slogan? Ou une<br />

vraie prise de conscience<br />

que le succès ne se résume<br />

pas au profit?●●● PAGE 4<br />

JEUDI 21 JUIN 2018 n Supplément du journal «Le Temps» réalisé avec la collaboration de la<br />

n Ne peut être vendu séparément<br />

www.letemps.ch<br />

E-commerce<br />

Une présence digitale appuyée<br />

s’impose pour atteindre<br />

les jeunes ●●● PAGE 4<br />

Contrefaçon<br />

La campagne Stop à la piraterie<br />

s’engage à sensibiliser<br />

les consommateurs ●●● PAGE 5<br />

Swiss made<br />

L’exportation de produits<br />

suisses crée un effet publicitaire<br />

bénéfique●●● PAGE 6<br />

IMPRESSUM<br />

Editeur/Rédaction<br />

Le Temps SA<br />

Pont Bessières 3<br />

Case postale 6714<br />

CH – 1002 Lausanne<br />

Tél + 41 58 269 29 00<br />

Fax + 41 58 269 28 01<br />

Ces chips de pomme de terre ont été lancées sous la marque Zweifel en 1958 déjà. (DR/MONTAGE <strong>HZ</strong>)<br />

Les marques servent de boussole<br />

MODE Les marques ne sont pas une fin<br />

en soi. Elles constituent un moyen<br />

d’orientation et de crédibilité dans un<br />

univers de la consommation embrouillé.<br />

Et y ajoutent une dose d’émotion<br />

VERA SOHMER<br />

Le schabziger de Glaris est un fromage<br />

à la recette antique et c’est bien ce qui<br />

lui confère un tel prestige. Dès 1463, les<br />

producteurs ont été contraints par la loi<br />

de fabriquer ce fromage épicé de lotier<br />

selon des prescriptions de qualité précises<br />

et d’y imprimer un sceau d’origine.<br />

Le schabziger est ainsi devenu le plus<br />

ancien article de marque de Suisse.<br />

«Sinon du monde», écrit le producteur<br />

laitier Geska.<br />

De haute tradition, ancrés dans une<br />

région, d’une qualité invariable: voilà<br />

quelques-unes des caractéristiques que<br />

l’on attribue aux produits de marque.<br />

Des valeurs que la clientèle aime invoquer,<br />

surtout dans un monde submergé<br />

d’informations et de fake news, où il<br />

devient toujours plus difficile de faire la<br />

différence entre le vrai et le faux, souligne<br />

Carsten Baumgarth, professeur de<br />

marketing. Au milieu d’un gigantesque<br />

choix de produits, les marques offrent<br />

de quoi s’orienter un brin. Ce qui<br />

marche: le «Swissness» ou l’indication<br />

«Swiss made», même s’il n’est pas toujours<br />

aisé de comprendre quels critères<br />

doivent être remplis pour mériter un tel<br />

label. Pour beaucoup de consommateurs,<br />

la croix suisse ou l’arbalète<br />

blanche sur fond rouge signifient exclusivité,<br />

qualité et fiabilité. Et l’on est prêt<br />

à payer davantage pour cela. Les facteurs<br />

émotionnels et psychologiques jouent<br />

un rôle déterminant dans la décision<br />

d’achat. Les marques reflètent l’esprit<br />

du temps, représentent une image précise.<br />

Elles promettent une expérience<br />

hors du commun, un statut social, l’accès<br />

à un groupe de pairs. Il n’est donc pas<br />

étonnant que les marques fassent partie<br />

des sources immatérielles les plus<br />

importantes qui composent la valeur<br />

globale d’une entreprise.<br />

«Les marques ne sont pas une fin en<br />

soi», signale Anastasia Li-Treyer, de<br />

l’Union suisse de l’article de marque<br />

Promarca. Elles servent à identifier et à<br />

différencier des produits. En outre, leurs<br />

producteurs sont des moteurs d’innovation<br />

qui servent de référence pour la<br />

concurrence. Des efforts qui s’avèrent<br />

importants pour l’économie helvétique.<br />

Des chiffres: en 2017, à eux seuls, les 85<br />

membres de Promarca et leurs 15 000<br />

employés ont lancé quelque 6400 nouveaux<br />

produits, 442 de plus que l’année<br />

précédente. Le chiffre d’affaires annuel<br />

aura été de 12 milliards de francs, exportations<br />

comprises. Plus de 700 millions<br />

de francs ont été investis cette année-là<br />

dans le site de production suisse.<br />

Qu’est-ce qui est le plus précieux, le<br />

plus réputé, le plus digne de confiance?<br />

Les classements de marques tels que<br />

celui de Promarca le révèlent. Cette<br />

année, Zweifel figure en tête: un fabricant<br />

de biens de consommation qui privilégie<br />

ses racines suisses et qui, comme<br />

le montre un sondage auprès des<br />

consommateurs, jouit d’une grande<br />

estime. n


JEUDI 21 JUIN 2018<br />

LE TEMPS<br />

Spécial 3<br />

«Zweifel étudie d’éventuels rachats»<br />

STRATÉGIE Roger Harlacher, le patron de l’entreprise de Spreitenbach (AG), évoque des potentiels de croissance,<br />

le développement d’une marque de haute tradition et la saveur des chips suisses<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT STEFANO<br />

Les chips Zweifel font partie de la<br />

Suisse au même titre que l’Aromat et<br />

l’Ovomaltine. Pourquoi? Merci, c’est un<br />

beau compliment. Le fait est que nous<br />

recevons beaucoup de messages de<br />

Suisses de l’étranger disant que nos produits<br />

leur manquent. Et dans le pays,<br />

nous comptons une très vaste communauté<br />

d’inconditionnels. Depuis plus de<br />

soixante ans, nous faisons de notre mieux<br />

pour la satisfaction du consommateur.<br />

Ça a l’air de marcher.<br />

C’est comment d’être responsable<br />

d’une telle marque? C’est génial mais<br />

aussi exigeant. Après tout, une marque<br />

forte est toujours le résultat de performances<br />

du passé jugées aujourd’hui. C’est<br />

donc exigeant parce que nous devons<br />

sans cesse nous réinventer. Notre objectif<br />

est de toujours surprendre les consommateurs<br />

et le marché à l’aide de nouveautés<br />

tentantes. Nous stimulons ainsi la<br />

consommation, maintenons le dynamisme<br />

de la marque et sommes depuis<br />

longtemps une des marques fortes du<br />

pays, selon diverses études de marché.<br />

Quelles mesures sont particulièrement<br />

importantes pour diriger une<br />

marque traditionnelle comme Zweifel?<br />

Nous avons une devise d’entreprise:<br />

MUT [courage]. Le M est l’initiale de<br />

Mehrwert [plus-value], le but affirmé<br />

étant de toujours offrir de la plus-value.<br />

Le U, celle de Unternehmertum [entrepreneuriat]:<br />

nous encourageons une<br />

réflexion innovante et ouverte, alliée à<br />

une distribution entrepreneuriale. Et<br />

T représente le talent: le facteur<br />

humain. Nous entendons être des<br />

experts et cela dans tous les domaines.<br />

C’est pourquoi il nous faut les meilleurs<br />

collaborateurs.<br />

Qui décide du développement de la<br />

marque Zweifel? Nous connaissons tous<br />

l’ouvrage Markenführung ist Chefsache<br />

[«la direction de la marque est l’affaire<br />

du patron»] de Helmut Maucher. Mon<br />

interprétation serait plutôt: la direction<br />

d’une marque nécessite des idées claires.<br />

Et lorsque ces idées sont comprises, le<br />

patron occupe toutes sortes de fonctions<br />

dans l’entreprise. Alors l’entreprise est<br />

vécue et comprise.<br />

Ces dernières années, la concurrence<br />

s’est intensifiée sur le marché des<br />

snacks. Comment réagissez-vous? Le<br />

marché des snacks bouge depuis bien des<br />

années et il s’est énormément développé.<br />

La diversité des produits et des<br />

fabricants a fortement augmenté.<br />

Une des nos valeurs d’entreprise<br />

cardinales est l’esprit<br />

pionnier. Nous tentons de coller<br />

aux tendances du marché et nous les faisons<br />

figurer précocement dans notre<br />

assortiment.<br />

La diversité des produits s’est notablement<br />

accrue dans les snacks. Au<br />

fond, en quoi le goût du consommateur<br />

suisse se distingue-t-il de celui<br />

de l’étranger? Le ressenti gustatif est<br />

très différent d’un pays à l’autre. En<br />

Suisse, le paprika est clairement l’arôme<br />

numéro un. Dans les pays du sud, c’est<br />

plutôt le salé et, dans les pays nordiques,<br />

des variantes telles que crème aigre,<br />

aneth ou Salt & Vinegar. Cette dernière<br />

semble d’ailleurs bien accueillie chez<br />

nous aussi. C’est en tout cas ce que<br />

montrent les chiffres depuis que nous<br />

avons lancé le produit il y a quatre ans.<br />

Pourquoi le sel et le paprika<br />

demeurent-ils quand même les favoris?<br />

Fondamentalement, les gens apprécient<br />

la diversité, la possibilité de choisir.<br />

Mais finalement, au fil des ans, ce sont<br />

les classiques connus et populaires qui<br />

constituent l’essentiel de la consommation.<br />

Reste qu’aujourd’hui nous constatons<br />

une disposition accrue à tester de<br />

la nouveauté.<br />

INTERVIEW<br />

Roger Harlacher, directeur de Zweifel Pomy-Chips: «Nous examinons la possibilité d’augmenter les ventes à l’étranger par le commerce en ligne.» (DR)<br />

Quelle est l’importance de votre «service<br />

frais»? Il est pour nous d’une importance<br />

stratégique. Nous alimentons directement<br />

plus de 20 000 clients par le biais<br />

de ce «service frais». Nous nous conformons<br />

ainsi à nos prescriptions de qualité<br />

et pouvons distribuer nos produits partout.<br />

C’est ainsi que les consommateurs<br />

ont la possibilité de les savourer dans les<br />

lieux les plus excentrés.<br />

Les chips Zweifel se font aussi<br />

connaître par des campagnes de pub<br />

saisissantes. En quoi contribuent-elles<br />

à votre succès? Nous poursuivons<br />

depuis des années la campagne<br />

Experts en chips. Nous y<br />

mettons en évidence ce que nous<br />

faisons au jour le jour dans l’entreprise:<br />

tout pour les meilleurs chips et<br />

snacks. La communication fait partie<br />

d’une stratégie de marque intégrée et elle<br />

est donc aussi décisive pour l’image de la<br />

marque et de l’entreprise. Et il va de soi<br />

que nous contrôlons régulièrement le<br />

succès des campagnes par des études de<br />

marché. En cas de besoin nous les adaptons<br />

et développons le concept.<br />

Quel est l’impact sur vos affaires de<br />

grands événements comme le Mondial<br />

de foot? Nous nous réjouissons déjà d’un<br />

LE SEIGNEUR DES CHIPS<br />

NOM: ROGER HARLACHER<br />

FONCTIONS: ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ<br />

ET CEO DE ZWEIFEL POMY-CHIPS<br />

ÂGE: 52 ANS<br />

DOMICILE: WINTERTHOUR<br />

FORMATION: ÉCONOMISTE D’ENTREPRISE<br />

Avec ses 370 collaborateurs, le plus grand<br />

fabricant de snacks de Suisse a réalisé en<br />

2017 un chiffre d’affaires de 215 millions<br />

de francs. Ses chips ont été lancées en<br />

1958, il y a soixante ans, par Hansheinrich<br />

Zweifel à Zurich-Höngg. Puis la<br />

production a été déplacée à<br />

Spreitenbach. L’entreprise est en train<br />

d’agrandir le site pour un montant de<br />

40 millions.<br />

«L’expérience nous<br />

indique que durant le<br />

mois du Championnat<br />

du monde nous<br />

vendons entre 5 et 10%<br />

de plus»<br />

Mondial de foot que nous espérons passionnant<br />

et, pour la Suisse, réussi. Le<br />

rassemblement de tant de gens pour de<br />

tels événements est toujours une bonne<br />

occasion pour eux de consommer nos<br />

produits. Pour ne jamais cesser de surprendre<br />

les consommateurs, nous avons<br />

créé trois «special editions» à l’occasion<br />

du Mondial. Par de telles mesures, nous<br />

stimulons la consommation. L’expérience<br />

nous indique que durant le mois<br />

du Championnat du monde nous vendons<br />

entre 5 et 10% de plus.<br />

De manière générale, comment vos<br />

affaires marchent-elles? Nous avons eu<br />

une très belle année 2017. Avec un chiffre<br />

d’affaires de 215 millions de francs, contre<br />

les 210,5 millions de l’année précédente,<br />

nous avons réalisé des ventes record. Et au<br />

cours de cette année, les choses se passent<br />

également bien. Et nous avons encore<br />

quelques nouveautés dans le pipeline.<br />

Comment voyez-vous les opportunités<br />

de croissance de Zweifel sur le<br />

marché des snacks? J’ai un sentiment<br />

très positif. Grâce à des concepts intelligents<br />

et à de nouveaux points de vente,<br />

nous voyons encore beaucoup de potentiel<br />

de croissance pour l’entreprise. En<br />

plus, une extension de la marque dans<br />

d’autres segments n’est pas exclue.<br />

Est-ce que vous prévoyez également<br />

des acquisitions? Les acquisitions<br />

peuvent clairement être une piste pour<br />

une croissance ultérieure. Nous étudions<br />

régulièrement des opportunités, surtout<br />

dans le secteur des snacks salés ou<br />

sucrés.<br />

Comment jaugez-vous les conditions-cadres<br />

économiques en Suisse?<br />

Heureusement, la situation économique<br />

internationale s’est améliorée et, en Suisse,<br />

nous en bénéficions aussi. Chez nous, le<br />

choc du franc a été digéré un peu partout<br />

et les entreprises présentent de bons<br />

chiffres. Pour la suite, nous percevons un<br />

meilleur climat de consommation.<br />

Quels sont les défis que vous devrez<br />

encore maîtriser? Il y en a tant et plus!<br />

Nous transformons des produits naturels,<br />

si bien que nous sommes dépendants,<br />

du côté des fournisseurs, de l’influence<br />

de la météo sur les récoltes. Et<br />

côté ventes, le marché change, des canaux<br />

de vente disparaissent et de nouveaux<br />

apparaissent. Le but est d’être partout<br />

présents afin que les consommateurs<br />

puissent acquérir nos produits. Côté<br />

consommateurs nous devons répondre<br />

à d’importantes tendances de consommation.<br />

Depuis le début de l’année, les CFF<br />

réduisent leur service de minibars.<br />

Dans quelle mesure êtes-vous touchés?<br />

Bien sûr que c’est regrettable pour<br />

nous, mais cela fait partie de notre type<br />

d’activité. En même temps, l’offre «on the<br />

go» dans les gares a fortement augmenté.<br />

Avec la multiplication des points de<br />

vente, il y a également plus d’incitations<br />

pour les consommateurs. Par comparaison<br />

avec les années où des distributeurs<br />

entiers ont disparu du marché, la situation<br />

est peu préoccupante.<br />

Avez-vous ressenti les effets de l’initiative<br />

«Swissness» entrée en vigueur<br />

début 2017? Nous produisons nos chips<br />

de pomme de terre, en moyenne pluriannuelle,<br />

à 95% avec des pommes de terre<br />

suisses. L’huile de colza vient intégralement<br />

de Suisse. Ce n’est pas l’initiative<br />

«Swissness» qui nous a fait passer à<br />

l’huile de colza et au sel suisse des Alpes,<br />

mais bien l’image positive de l’huile de<br />

colza et la possibilité de se fournir intégralement<br />

en Suisse. Indépendamment<br />

de l’initiative «Swissness», nous entendions<br />

de toute façon continuer de renforcer<br />

notre ancrage helvétique.<br />

Vos activités à l’étranger sont moins<br />

connues. Que prévoyez-vous? Notre<br />

objectif est de séduire des consommateurs<br />

à l’étranger aussi à l’aide de produits<br />

convaincants. Nous le faisons déjà depuis<br />

quelques années et nous nous développons<br />

pas à pas. Nous examinons aussi le<br />

moyen d’y accroître nos ventes par le<br />

biais du commerce en ligne. Ce qui<br />

compte, c’est de créer de la pertinence et<br />

d’être attractif en tant que marque. La<br />

référence à la Suisse joue en l’occurrence<br />

un rôle secondaire.<br />

Dans quelle mesure la numérisation<br />

modifie-t-elle les activités de Zweifel?<br />

Elle a changé notre entreprise. Cela ne<br />

concerne pas que le marketing mais l’ensemble<br />

des processus et aussi la production.<br />

C’est pourquoi nous prenons en<br />

compte la numérisation pour l’ensemble<br />

de l’entreprise et pas seulement dans des<br />

silos. Dans le marketing et la communication,<br />

nous avons déjà adapté notre<br />

organisation il y a des années et emprunté<br />

des voies nouvelles. Mais toujours dans<br />

le contexte d’une gestion de marque<br />

claire.<br />

Le groupe Zweifel comprend également<br />

l’activité vitivinicole. Exploitez-vous<br />

des synergies entre ces deux<br />

activités? En matière de consommation,<br />

il existe beaucoup de points de contact<br />

entre l’activité boissons de Zweifel Weine<br />

& Getränke SA et Zweifel Pomy-Chips SA.<br />

Là où cela a du sens et où les synergies<br />

sont possibles, les entreprises travaillent<br />

ensemble. Mais, sur le marché, elles se<br />

présentent de manière complètement<br />

indépendante l’une de l’autre. n


LE TEMPS<br />

JEUDI 21 JUIN 2018<br />

4 Spécial<br />

«Durable» ne suffit pas pour vendre<br />

MARKETING Terme à la mode, «durabilité» est utilisé à toutes les sauces. Il faut un changement de perspective au sein<br />

de l’entreprise, se demander où résident les problèmes et ce qu’on peut faire pour les résoudre<br />

VERA SOHMER<br />

Faire des affaires en harmonie<br />

avec l’homme et la nature. Assumer<br />

la responsabilité à chaque<br />

étape de la production. Imprimer<br />

un élan et fonctionner comme<br />

modèle au sein de la société. Le<br />

producteur de cosmétique naturelle<br />

Weleda est souvent cité en<br />

exemple parmi les marques<br />

durables. Parce que, dans cette<br />

entreprise presque centenaire, il<br />

y a eu dès le début un credo: agir<br />

et produire de manière éthique.<br />

Parce que les collaborateurs<br />

connaissent et incarnent les<br />

valeurs de leur employeur. Parce<br />

que les clients savent ce que représentent<br />

les produits et qu’ils<br />

jouissent d’une grande considération.<br />

Et parce que la durabilité<br />

est l’affaire du chef.<br />

Ce dernier point est absolument<br />

nécessaire pour être crédible.<br />

Dans la stratégie d’entreprise, la<br />

durabilité devrait être gravée dans<br />

le marbre et constituer l’objectif<br />

supérieur, assure Claus-Heinrich<br />

Daub, enseignant de gestion d’entreprise<br />

durable à la Haute Ecole<br />

spécialisée du nord-ouest de la<br />

Suisse au fil de diverses interviews.<br />

Dans l’idéal, il en naît une prise de<br />

conscience que le succès ne se<br />

résume pas au chiffre d’affaires, à<br />

la croissance du bénéfice et aux<br />

parts de marché. Il se mesure aussi<br />

à la possibilité de créer de la<br />

plus-value pour la société et l’environnement.<br />

«Reste que pour bon nombre<br />

d’entreprises, les objectifs économiques<br />

figurent au premier plan»,<br />

fait remarquer Thomas Dyllick,<br />

enseignant de management<br />

durable à l’Uni de Saint-Gall. La<br />

durabilité est certes brandie<br />

comme un étendard, mais elle est<br />

surtout un expédient pour vendre.<br />

Les entreprises comprennent<br />

qu’avec ça elles économisent des<br />

coûts et réduisent les risques. En<br />

plus, cela leur permet d’apparaître<br />

comme un employeur attrayant et<br />

de se distinguer positivement de<br />

la concurrence.<br />

Le fabricant de bonbons aux herbes et de tisanes a vu le jour en 1930 dans la confiserie<br />

Richterich. L’entreprise exporte aujourd’hui dans plus de 50 pays. (DR/MONTAGE <strong>HZ</strong>)<br />

Les entreprises qui se conforment<br />

à une «création de valeur<br />

tridimensionnelle» font un pas de<br />

plus, avec des objectifs à la fois<br />

économiques, écologiques et<br />

sociaux. C’est notamment le cas<br />

quand de grands groupes comme<br />

Henkel se fixent pour but d’accroître<br />

le chiffre d’affaires tout en<br />

ménageant les ressources et en<br />

améliorant les conditions de vie<br />

des personnes impliquées dans la<br />

chaîne des fournisseurs. Il faut<br />

bien sûr rendre publiquement des<br />

comptes sur les objectifs, atteints<br />

ou non. Les entreprises reconnaissent<br />

ainsi qu’elles sont<br />

conscientes des répercussions<br />

négatives de leurs activités et elles<br />

élaborent des stratégies pour<br />

minimiser les dommages.<br />

DURABILITÉ<br />

CE QUE CELA SIGNIFIE<br />

EXACTEMENT<br />

Compensation Le principe de durabilité est issu de l’industrie<br />

forestière: il ne faut pas abattre davantage d’arbres qu’il en<br />

peut repousser. Une gestion d’entreprise durable signifie<br />

l’intégration systématique des facteurs écologiques et sociaux<br />

dans le management. Les entreprises s’efforcent d’égaliser<br />

des objectifs prioritairement axés sur le bénéfice avec les<br />

besoins de la société et un mode de travail socialement supportable<br />

et respectueux des ressources. La notion anglaise<br />

pour décrire cela est «corporate social responsibility». n<br />

Extrait de: «Bausteine einer nachhaltigen Unternehemensführung»,<br />

de Claus-Heinrich Daub.<br />

En 2017, le fabricant de chocolat a réalisé un chiffre d’affaires<br />

mondial dépassant les 4 milliards de francs. (DR/MONTAGE <strong>HZ</strong>)<br />

Combattre la pauvreté, améliorer<br />

les mauvaises conditions de<br />

travail, agir contre la disparition<br />

des espèces et le changement climatique:<br />

il ne suffit pas de limiter<br />

les dégâts pour prendre la mesure<br />

de tels paris, poursuit Thomas<br />

Dyllick. Pour cela, il faut un changement<br />

de perspective au sein de<br />

l’entreprise: se demander où<br />

résident les problèmes et ce qu’on<br />

peut faire pour les résoudre.<br />

Pionniers durables<br />

C’est une façon de penser qui<br />

commence à s’imposer dans certains<br />

secteurs des grandes entreprises.<br />

Parmi les start-up et dans<br />

le domaine des activités sociales,<br />

en revanche, elle est beaucoup plus<br />

développée. Exemple: Mobility.<br />

La nécessité<br />

de résoudre<br />

des problèmes<br />

urgents n’est<br />

pas indifférente:<br />

cette réflexion<br />

est plus actuelle<br />

que jamais<br />

dans le monde<br />

économique<br />

L’entreprise de car-sharing a été<br />

créée pour promouvoir une mobilité<br />

respectueuse de l’environnement.<br />

Désormais, près de 170 000<br />

clients se partagent 3000 véhicules<br />

sur plus de 1500 stationnements.<br />

A en croire les données de l’entreprise,<br />

cela économise annuellement<br />

9,5 millions de litres de carburant<br />

et plus de 22 000 tonnes de<br />

CO2. Selon les sondages, Mobility<br />

est perçue comme une marque<br />

soucieuse de durabilité et sa flotte<br />

de véhicules rouges jouit d’un haut<br />

degré de reconnaissance.<br />

La nécessité de résoudre des problèmes<br />

urgents n’est pas indifférente:<br />

cette réflexion est plus<br />

actuelle que jamais dans le monde<br />

économique. Pourtant elle n’est<br />

pas nouvelle. Thomas Dyllick mentionne<br />

Henri Nestlé et les frères<br />

Lever comme pionniers, fondateurs<br />

de deux grands groupes<br />

cotés en bourse qui, de nos jours,<br />

sont souvent montrés du doigt<br />

comme n’agissant pas dans le respect<br />

de la durabilité. Or Nestlé et<br />

Unilever ont été fondées à la suite<br />

de problèmes sociaux importants<br />

à leur époque: pour lutter contre<br />

la mortalité infantile en Allemagne<br />

et en Suisse, contre les conditions<br />

d’hygiène catastrophiques dans<br />

l’Angleterre victorienne. Bien sûr,<br />

il en est résulté une opportunité<br />

de marché lucrative, mais elle était<br />

liée à un sens et un but profonds<br />

de l’activité économique. n<br />

E-commerce, multiplicateur pour produits de qualité<br />

CONSOMMATION De nombreuses<br />

marques s’appuient de plus en plus sur<br />

les géants en ligne comme Amazon, ce<br />

qui présente un certain nombre de défis<br />

La part du chiffre d’affaires est certes<br />

encore modeste. Moins d’un Ricola sur<br />

cent arrive chez son acheteur par le canal<br />

de vente en ligne. La plus grande partie<br />

du commerce mondial de ce bonbon<br />

contre la toux continue à se faire via l’alimentation<br />

au détail. Des pharmacies, des<br />

drogueries, des kiosques, et des convenience<br />

stores dans d’innombrables pays<br />

vendent des Ricola en masse. Néanmoins,<br />

le sujet du commerce électronique est<br />

considéré comme très important, affirme<br />

Nadja Lutz, porte-parole de l’entreprise.<br />

Le chiffre d’affaires en ligne va assurément<br />

croître. «Il est essentiel d’avoir une<br />

présence digitale pour atteindre les<br />

jeunes consommateurs qui recherchent<br />

des informations sur les produits plutôt<br />

par des canaux digitaux.»<br />

Aux Etats-Unis, Ricola exploite un réseau<br />

de distribution directe avec le géant d’internet<br />

Amazon. Dans divers autres pays,<br />

les produits Ricola sont aussi disponibles<br />

via Amazon. Mais la distribution se fait<br />

par un fournisseur tiers. En Chine, Ricola<br />

a lancé Alibaba, une coopération prometteuse<br />

selon Nadja Lutz. Elle implique sa<br />

propre image de marque au sens d’une<br />

boutique phare sur la plateforme Tmall.<br />

«Dans des pays comme la Chine ou l’Inde,<br />

l’e-commerce est aussi une variante efficace<br />

pour élargir la notoriété de la marque<br />

et sa distribution, le commerce de détail<br />

se limitant le plus souvent, dans ces pays,<br />

aux grandes agglomérations.»<br />

Croissance marquée<br />

du «non-food»<br />

Ce qui se développe encore lentement<br />

dans le domaine alimentaire est un véritable<br />

accélérateur de croissance pour les<br />

articles de marque du segment non alimentaire.<br />

L’Union suisse de l’article de<br />

marque Promarca le confirme. «Il ressort<br />

de nos enquêtes annuelles auprès de nos<br />

membres que 48% des entreprises considèrent<br />

que l’e-commerce présente le plus<br />

gros potentiel de croissance pour les<br />

articles de marque. C’est surtout dans les<br />

articles non-food qu’il se réalise actuellement.<br />

Dans le domaine de l’alimentation,<br />

les ventes en ligne sont encore<br />

faibles», explique la directrice de l’entreprise,<br />

Anastasia Li-Treyer.<br />

Le groupe L’Oréal, dont le chiffre d’affaires<br />

lié à l’e-commerce a crû de 33% en<br />

2017 par rapport à l’année précédente, et<br />

représentant déjà 8% du chiffre d’affaires<br />

total d’environ 23 milliards d’euros, offre<br />

un bon exemple de cette thèse. En Chine<br />

spécialement, L’Oréal a utilisé très tôt les<br />

opportunités de l’e-commerce, et positionné<br />

en 2009 déjà ses nombreux produits<br />

sur des plateformes comme Tmall<br />

ou Jingdong. «En Chine, nous réalisons<br />

déjà 25% de notre chiffre d’affaires en<br />

ligne», affirme Antoine Borde, directeur<br />

de l’accélération e-commerce de L’Oréal<br />

Global. Nous voulons profiter de l’élan et<br />

continuer à investir massivement. Chez<br />

L’Oréal, plus de 38% du budget total pour<br />

les médias et le marketing sont attribués<br />

aux plateformes de vente digitales.<br />

Il est primordial<br />

que le commerce<br />

en ligne n’affadisse<br />

pas la marque<br />

et ne lui fasse pas<br />

perdre sa valeur<br />

Un milliard de visiteurs par an<br />

«Nous comptons aujourd’hui plus d’un<br />

milliard de visiteurs par an sur nos sites<br />

de produits et avons environ 250 millions<br />

de followers sur nos réseaux sociaux»,<br />

explique Antoine Borde. Aujourd’hui<br />

déjà, plus d’un tiers des membres de Promarca<br />

ont un shop en ligne. Néanmoins<br />

le commerce stationnaire reste, pour<br />

l’heure, le principal canal de distribution<br />

pour l’industrie des articles de marque,<br />

constate Anastasia Li-Treyer.<br />

Les effets multiplicateurs parfois<br />

impressionnants de la vente en ligne ne<br />

peuvent être obtenus sans quelques<br />

risques. «Lorsque, par exemple, les produits<br />

sont vendus en ligne par un tiers,<br />

il est important que la présentation des<br />

produits des webshops corresponde<br />

effectivement à la qualité des produits<br />

de marque», souligne la directrice de<br />

Promarca. Finalement, 58% des entreprises<br />

de marque interrogées par l’Union<br />

suivraient une stratégie de qualité haut<br />

de gamme sur le marché suisse.<br />

C’est également valable pour l’entreprise<br />

Wander, qui fait ses premières expériences<br />

dans l’e-commerce global avec son<br />

champion de l’exportation Ovomaltine.<br />

Quelques-uns des produits de l’entreprise<br />

sont déjà présents sur des plateformes<br />

comme Amazon ou le portail en langue<br />

arabe et anglaise Sooq, et Wander veut les<br />

utiliser comme canal de vente supplémentaire.<br />

«Le plus grand défi dans de telles<br />

activités à l’étranger consiste à garder une<br />

vue d’ensemble», souligne Michèle Ernst,<br />

porte-parole de Wander. De plus, le positionnement<br />

de la marque varie beaucoup<br />

en fonction du pays. Il est primordial que<br />

le commerce en ligne n’affadisse pas la<br />

marque et ne lui fasse pas perdre sa valeur.<br />

L’impulsion d’achat manque<br />

dans l’e-commerce<br />

Sur la plupart des marchés, Ricola collabore<br />

avec des partenaires de distribution,<br />

qui soignent la relation commerciale<br />

avec les revendeurs et les<br />

plateformes d’e-commerce. «Les prix<br />

finaux pour le consommateur peuvent<br />

varier en raison de conditions spécifiques<br />

du marché, par exemple des taux<br />

de TVA très variables, mais aussi des<br />

exigences de marges différentes, ce qui<br />

peut devenir un défi pour des entreprises<br />

actives globalement avec une grande<br />

transparence des prix, comme Ricola»,<br />

reconnaît Nadja Lutz. Il est aussi essentiel<br />

que les contenus à annoncer ne soient<br />

pas simplement copiés des pages internet<br />

traditionnelles, mais qu’ils soient faits<br />

sur mesure pour les plateformes d’e-commerce.<br />

Ce sujet préoccupe aussi L’Oréal.<br />

Le groupe français investit beaucoup<br />

pour renforcer les compétences commerciales<br />

de ses partenaires mondiaux en<br />

ligne pour les produits de beauté, et pour<br />

créer les catégories correspondantes pour<br />

les consommateurs. Ricola rencontre une<br />

difficulté particulière avec l’e-commerce.<br />

«La catégorie des sucreries est généralement<br />

considérée comme donnant l’impulsion,<br />

celles-ci étant vendues à la caisse<br />

dans les magasins traditionnels. Un produit<br />

comme Ricola ne figure en principe<br />

pas sur le billet de commission.» Une<br />

impulsion de ce genre manquerait encore<br />

largement dans le domaine de l’e-commerce,<br />

ce qui serait un des grands défis<br />

des années à venir pour de nombreux<br />

autres articles de marque en stock, surtout<br />

dans le domaine food.<br />

Promarca ne donne pas de recommandations<br />

d’e-commerce particulières à ses<br />

membres et aux représentants d’articles<br />

de marque. «Mais nous organisons régulièrement<br />

des événements avec des interventions<br />

d’experts sur la distribution par<br />

e-commerce», conclut Anastasia<br />

Li-Treyer. n<br />

ROBERT WILDI


JEUDI 21 JUIN 2018<br />

LE TEMPS<br />

Spécial 5<br />

Monsieur<br />

Maurer, faites<br />

quelque chose!<br />

PIRATERIE Horlogerie, chocolat,<br />

médicaments: la Suisse risque de<br />

devenir une plaque tournante<br />

pour les contrefaçons. Pourquoi<br />

le ministre des Finances en est en<br />

partie responsable<br />

JOHANNES J. SCHRANER<br />

Un effort qui en a valu la peine.<br />

Après des recherches sur internet,<br />

la police cantonale de Zurich a<br />

récemment arrêté un jeune Suisse<br />

de 22 ans en flagrant délit à Dübendorf.<br />

Il vendait des montres Rolex<br />

dans leur boîte d’origine avec certificat<br />

pour 750 francs. Les enquêteurs<br />

se sont fait passer pour des<br />

acheteurs potentiels et<br />

ont examiné la marchandise.<br />

Il s’est avéré qu’il<br />

s’agissait non de marchandises<br />

volées comme<br />

soupçonné au départ, mais de<br />

contrefaçons de haute qualité<br />

fabriquées en Extrême-Orient.<br />

«En 2017, notre cellule internet a<br />

repéré plus de 1,2 million d’offres<br />

de montres contrefaites sur internet<br />

et bloqué une multitude de sites<br />

de contrefaçons. En coopération<br />

avec nos partenaires dans le<br />

ANALYSE<br />

domaine hors ligne, nous avons<br />

saisi plus d’un million de contrefaçons<br />

de montres suisses», déclare<br />

Yves Bugmann. Le responsable du<br />

service juridique de la Fédération<br />

horlogère suisse (FH) estime le préjudice<br />

à 800 millions de francs par<br />

an, juste pour sa branche. Et de<br />

citer le constat de l’OCDE selon<br />

lequel l’industrie horlogère est<br />

aussi celle qui souffre le plus de<br />

contrefaçons au niveau mondial.<br />

La boisson à base de malt de la société Wander a été développée comme produit<br />

fortifiant il y a plus de 110 ans. (DR/MONTAGE <strong>HZ</strong>)<br />

La contrefaçon<br />

va au consommateur<br />

Internet poserait un problème<br />

particulier en ayant simplifié<br />

considérablement le commerce<br />

de contrefaçons. «Alors<br />

qu’autrefois, le consommateur<br />

devait souvent<br />

aller chercher la contrefaçon,<br />

elle vient<br />

aujourd’hui à lui», constate Yves<br />

Bugmann. «Internet est devenu<br />

une gigantesque plateforme de<br />

vente de tout. Raison pour<br />

laquelle le nombre d’offres pour<br />

des produits contrefaits augmente<br />

également, ainsi que le<br />

volume de leurs ventes», confirme<br />

Florence Clerc, directrice de l’association<br />

d’utilité publique Stop<br />

à la piraterie. «Pouvoir se battre<br />

efficacement implique notamment<br />

une coopération entre les<br />

titulaires de droits et les exploitants<br />

de site», ajoute-t-elle.<br />

Informer et sensibiliser<br />

Toutefois, cette lutte implique<br />

généralement un gros effort. Le<br />

secrétariat de l’association d’utilité<br />

publique est rattaché à l’Institut<br />

fédéral de la propriété intellectuelle<br />

(IPI). L’industrie horlogère,<br />

mais aussi l’Union suisse de l’article<br />

de marque Promarca, Interpharma,<br />

l’Union des fabricants<br />

suisses de chocolat ainsi que Swiss<br />

Cigarette sont représentés au<br />

comité de Stop à la piraterie.<br />

Stop à la piraterie s’engage en<br />

première ligne pour l’information<br />

et la sensibilisation des consommateurs.<br />

«Des prix très bas pour<br />

de prétendus produits de marque,<br />

des fautes de langage sur le site,<br />

des noms de domaine bizarres ou<br />

l’absence de coordonnées sont des<br />

signaux d’alarme, pour tout acheteur<br />

potentiel, que quelque chose<br />

ne joue pas avec les produits<br />

offerts», souligne Florence Clerc.<br />

«Alors qu’autrefois, le consommateur<br />

devait souvent aller chercher la contrefaçon,<br />

elle vient aujourd’hui à lui»<br />

YVES BUGMANN, RESPONSABLE DU SERVICE JURIDIQUE DE LA FÉDÉRATION<br />

HORLOGÈRE SUISSE (FH)<br />

Ce n’est pas un hasard si Stop à la<br />

piraterie prépare en ce moment<br />

même une nouvelle campagne<br />

dans les médias sociaux s’adressant<br />

principalement aux jeunes.<br />

Mais quelles contrefaçons se<br />

vendent le mieux? En plus des<br />

montres, Stop à la piraterie cite les<br />

médicaments, les logiciels de<br />

divertissement, la nourriture, les<br />

articles pour fumeurs, les vêtements<br />

et accessoires, les machines<br />

et fournitures ainsi que les œuvres<br />

d’art. Sur le total des articles saisis<br />

en 2017, il y avait 48% de sacs à<br />

main, sacs de voyage, porte-monnaies<br />

et autres accessoires contrefaits,<br />

et 36% de montres et de<br />

bijoux de contrefaçon, selon l’Administration<br />

fédérale des douanes<br />

(AFD). La valeur des marchandises<br />

confisquées a atteint 15 millions<br />

de francs. Parmi ces contrefaçons,<br />

40% venaient de Chine, 33% de<br />

Hongkong et 18% de l’Union européenne.<br />

Des économies fatales<br />

Ce qui frappe, c’est qu’en 2017, le<br />

nombre et la valeur des saisies<br />

étaient deux fois inférieurs à l’année<br />

précédente. La raison devrait<br />

faire réfléchir le politique, à commencer<br />

par le ministre des<br />

Finances, Ueli Maurer. En raison<br />

des mesures d’économie de la<br />

Confédération, l’administration des<br />

douanes a un plus petit budget et<br />

donc moins de personnel, ce qui<br />

signifie moins de contrôles et moins<br />

de saisies. «Nous déplorons que les<br />

saisies par les autorités soient limitées<br />

par des mesures d’économie<br />

en Suisse», déclare Yves Bugmann.<br />

Dans le domaine des contrefaçons<br />

de montres, le nombre de saisies<br />

aurait chuté d’environ 80%.<br />

Envoyé au mauvais moment, le<br />

signal du conseiller fédéral Ueli<br />

Maurer et de ses économies est<br />

fatal pour deux raisons: d’un côté,<br />

la Suisse menace par ses contrôles<br />

laxistes de devenir la plaque tournante<br />

des contrefaçons en Europe<br />

(voir encadré). Selon la FH, la<br />

Suisse est déjà concernée plus<br />

que la moyenne par le phénomène<br />

des contrefaçons. Le cas précédemment<br />

mentionné de Rolex à<br />

Dübendorf en est un bon exemple.<br />

De l’autre côté, la performance<br />

économique de la Suisse et celle<br />

de l’Union européenne relèvent<br />

en grande partie de branches<br />

dites à forte intensité de protection.<br />

Dans l’Union européenne,<br />

leur part s’élève au niveau élevé<br />

de 39%. De plus, ces secteurs économiques<br />

emploient un quart de<br />

tous les salariés. n<br />

PUBLICITÉ


LE TEMPS<br />

JEUDI 21 JUIN 2018<br />

6 Spécial<br />

Les marques comme ambassadrices<br />

COMMERCE L’exportation d’articles<br />

de marque suisses ne crée<br />

pas seulement de la valeur financière,<br />

mais aussi un effet publicitaire<br />

ROBERT WILDI<br />

Lorsqu’une famille philippine<br />

est invitée chez des amis et souhaite<br />

lui faire un cadeau surprenant,<br />

elle sonne à la porte avec un<br />

Toblerone en emballage XL. La<br />

joie éclate, tant les Philippins,<br />

mais aussi les Australiens, les<br />

Nord-Américains, les Iraniens et<br />

presque tous les Européens, sont<br />

de grands fans de la «chaîne de<br />

montagnes la plus sucrée du<br />

monde», vendue aujourd’hui dans<br />

plus de 100 pays. «Toblerone réalise<br />

plus de 96% de son chiffre<br />

d’affaires avec les exportations»,<br />

explique Livia Kolmitz, porte-parole<br />

de la société productrice<br />

Mondelez. Malgré les défis,<br />

notamment les fluctuations du<br />

taux de change, les exportations<br />

se seraient développées de<br />

manière satisfaisante ces cinq à<br />

dix dernières années.<br />

Grâce aux exportations, les fabricants<br />

suisses d’articles de marque<br />

réussissent en partie à atténuer les<br />

fluctuations économiques. Ainsi,<br />

en 2017, les membres de l’Union<br />

suisse de l’article de marque Promarca<br />

ont augmenté leurs chiffres<br />

d’affaires liés aux exportations de<br />

6,8% par rapport à l’exercice précédent.<br />

«Ce chiffre confirme la<br />

popularité des produits de nos<br />

membres à l’étranger», affirme la<br />

directrice de Promarca, Anastasia<br />

Li-Treyer. Selon une enquête<br />

interne auprès des membres, les<br />

exportations liées à l’e-commerce<br />

et au commerce de détail classique<br />

sont considérées comme des<br />

opportunités de croissance considérable.<br />

«Pour 30% des membres,<br />

les exportations sont même le<br />

principal moteur de croissance.»<br />

L’Europe, l’Asie et l’Amérique du<br />

Nord sont traditionnellement les<br />

principaux marchés. Parmi les<br />

membres exportateurs de Promarca,<br />

100% exportent dans<br />

l’Union européenne et 69% dans<br />

d’autres pays d’Europe, 78%<br />

exportent vers l’Asie, 66% vers<br />

l’Amérique du Nord, 41% vers<br />

l’Amérique latine/Caraïbes, 31%<br />

vers l’Océanie et 28% vers<br />

l’Afrique. Selon l’Office fédéral de<br />

la statistique, les exportations de<br />

produits destinés à la consommation<br />

représentaient 8,355 milliards<br />

de francs en 2016.<br />

Les fabricants<br />

sont conscients<br />

que la stratégie<br />

d’exportation<br />

n’est durable<br />

qu’à condition<br />

d’offrir<br />

des produits<br />

de qualité<br />

Force d’innovation<br />

et esprit pionnier<br />

Deux marques suisses de notoriété<br />

mondiale n’appartiennent<br />

pas à ce segment. Les brosses à<br />

dents Trisa sont utilisées dans<br />

plus de 70 pays et Victorinox livre<br />

même ses différents produits aux<br />

clients de 120 pays, à commencer<br />

par le légendaire couteau de l’armée<br />

suisse. Les deux fabricants<br />

sont conscients que la stratégie<br />

d’exportation n’est durable qu’à<br />

condition d’offrir des produits de<br />

qualité. «Toutes nos brosses à<br />

dents sont développées scientifiquement<br />

et produites en Suisse.<br />

Nous avons l’exigence de fabriquer<br />

les meilleures brosses à dents sur<br />

ce marché», explique le porte-parole<br />

de Trisa, Othmar Wüest, sans<br />

modestie. Les facteurs de succès<br />

principaux de Trisa seraient la<br />

stratégie d’innovation technologique,<br />

une culture d’entreprise<br />

durable, des employés enthousiastes<br />

ainsi que des partenariats<br />

durables avec les clients. «Une<br />

production efficace et une logistique<br />

moderne font aussi partie<br />

des conditions de base de notre<br />

succès sur les marchés internationaux.»<br />

Les conditions-cadres sont similaires<br />

chez Victorinox. «Notre<br />

origine comme marque traditionnelle<br />

suisse doit être garante de<br />

qualité et de fiabilité pour les<br />

consommateurs du monde entier,<br />

mais aussi de force d’innovation<br />

et d’esprit pionnier», affirme le<br />

directeur, Carl Elsener. Evidemment,<br />

c’est surtout le couteau de<br />

l’armée suisse de Victorinox qui<br />

profite d’un tel degré de notoriété<br />

internationale avec Roger Federer.<br />

Que ce soit les couteaux de cuisine,<br />

les montres, les sacs de<br />

voyage ou les parfums, chaque<br />

produit de Victorinox doit refléter<br />

cet esprit du légendaire couteau<br />

suisse, exige Carl Elsener.<br />

Seuls la persévérance avec<br />

laquelle Victorinox poursuit ses<br />

objectifs à long terme et un engagement<br />

sans compromis pour les<br />

valeurs de la marque peuvent<br />

réussir durablement à l’exportation.<br />

«Mais, bien sûr, le produit<br />

doit d’abord être bon, il doit fonctionner<br />

et être fiable.»<br />

Potentiel dans les pays<br />

émergents<br />

Pendant des années, Victorinox<br />

a réussi à faire régulièrement augmenter<br />

son chiffre d’affaires uniquement<br />

par le bouche-à-oreille,<br />

sans investir beaucoup dans la<br />

publicité. Le 500 millionième<br />

couteau de poche a été vendu en<br />

été 2017. «Chaque couteau, qu’il<br />

soit vendu en Allemagne, au<br />

Rivella rouge<br />

a été créé<br />

en 1952.<br />

Aujourd’hui,<br />

cinq variantes<br />

existent. (DR/<br />

MONTAGE <strong>HZ</strong>)<br />

Mexique ou en Chine, est pour<br />

nous un précieux support publicitaire»,<br />

ajoute Carl Elsener.<br />

Une fois un produit établi dans<br />

certains marchés, la soif d’exportation<br />

des fabricants d’articles de<br />

marque à succès est rarement<br />

assouvie rapidement. Par<br />

exemple, Trisa, qui exporte déjà<br />

19 brosses à dents sur les 20<br />

qu’elle produit, voit un énorme<br />

potentiel pour les marques dans<br />

les pays émergents en forte croissance<br />

d’Asie et d’Amérique du<br />

Sud. Idem chez Victorinox.<br />

Carl Elsener estime que la<br />

Chine, l’Inde, le Mexique, la Corée<br />

et le Brésil en particulier compteront<br />

dans un avenir proche de<br />

nombreux nouveaux clients pour<br />

le couteau de l’armée suisse et<br />

d’autres produits de l’entreprise.<br />

«Le Japon, où la vente de nos couteaux<br />

de poche est limitée par des<br />

restrictions juridiques, représente<br />

un défi pour nous.»<br />

Ceci n’est pas valable pour les aéroports,<br />

où le chocolat suisse a clairement<br />

un avantage. En tant que pionnière,<br />

la marque Toblerone s’est<br />

positionnée très tôt dans les aéroports<br />

internationaux et a utilisé<br />

intelligemment le marché international<br />

détaxé comme point de<br />

départ pour son expansion réussie<br />

aux quatre coins de la planète. n<br />

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