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BnF | Chroniques 83

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<strong>Chroniques</strong> de la <strong>BnF</strong> SEPTEMBRE – DÉCEMBRE 2018<br />

<strong>Chroniques</strong> <strong>83</strong><br />

EXPOSITION p. 6<br />

Les Nadar,<br />

une légende<br />

photographique<br />

EN BREF | EXPOS | AUDITORIUMS | COLLECTIONS | NUMÉRIQUE


ÉDITORIAL<br />

EN BREF<br />

3<br />

SOMMAIRE<br />

4<br />

6<br />

15<br />

16<br />

17<br />

18<br />

19<br />

20<br />

21<br />

22<br />

23<br />

24<br />

25<br />

26<br />

27<br />

28<br />

29<br />

30<br />

31<br />

EXPOSITIONS<br />

Jan Dibbets<br />

Les Nadar<br />

Jérôme Lindon<br />

Passion d’imprimeur : Franck Bordas<br />

Jean-Jacques Lequeu<br />

AUDITORIUMS<br />

Cycle Histoire des mers<br />

Debussy<br />

Colloque Droit(s)<br />

et apparence vestimentaire<br />

Journée d’étude ethnologie française<br />

Hackathon<br />

VIE DE LA <strong>BnF</strong><br />

Les affiches du OFF<br />

Emmanuel Carrère<br />

Souscription Richelieu<br />

Maylis de Kerangal<br />

COLLECTIONS<br />

Philippe Fénelon<br />

Amos Gitaï<br />

Izis Bidermanas<br />

Littérature jeunesse<br />

Prix Niépce<br />

INTERNATIONAL<br />

Portail Fondation Polonsky<br />

Portail France-Chine<br />

LIVRE <strong>BnF</strong><br />

Un lieu pour penser¹,<br />

un lieu pour rêver<br />

Laurence Engel<br />

Présidente de la<br />

Bibliothèque nationale<br />

de France<br />

Dans le foisonnement de sa programmation, pluridisciplinaire<br />

et multiforme, la <strong>BnF</strong> dessine des<br />

chemins qui sont faits pour vous accompagner :<br />

non pas des voies à sens unique, mais une carte<br />

pour découvrir tous les plaisirs que vous promettent<br />

nos invités.<br />

Au rendez-vous, certaines séquences révèlent la<br />

<strong>BnF</strong> comme un lieu fait pour penser, qu’il s’agisse<br />

de faire entendre les Échos de la recherche d’aujourd’hui<br />

ou d’ouvrir les portes de notre Université<br />

populaire, celle de « Tous les savoirs ».<br />

Avec cette année un nouveau cycle sur l’histoire<br />

des mers, de l’Antiquité au XXIe siècle ; mais aussi,<br />

fidèles au poste, les invités du grand philosophe<br />

François Jullien et de ses « Cours méthodiques et populaires de philosophie<br />

». D’autres chemins vous invitent à profiter d’une <strong>BnF</strong> également<br />

faite pour rêver, avec nos collections, ou avec les spectacles<br />

et performances réalisés « En scène » – où vous retrouverez notamment<br />

les Inédits, que nous consacrons cet automne à Debussy dont<br />

on célèbre le centenaire de la mort, et le lancement d’un nouveau<br />

cycle de lecture à voix haute, celle de manuscrits de la <strong>BnF</strong> par les<br />

comédiens de la Comédie Française, dans la merveilleuse salle de lecture<br />

des Manuscrits rue de Richelieu.<br />

Littérature encore, mais aussi photographie, sont les deux thématiques<br />

qui rythment dorénavant chaque année la programmation des<br />

expositions. Avec en cette rentrée une grande exposition Nadar, qui<br />

présentera pour la première fois l’histoire d’un atelier unique et légendaire,<br />

celui de Félix, bien sûr et de ses célèbres portraits, mais celui<br />

aussi de son frère Adrien Tournachon et de son fils Paul Nadar : une<br />

saga à travers laquelle s’expose l’histoire d’un siècle photographique,<br />

la passion de trois artistes et de trois inventeurs qui ont su mêler à<br />

leur art les apports des révolutions techno logiques pour les maîtriser<br />

et les diffuser. Et côté littérature, la rencontre inspirante que la <strong>BnF</strong><br />

a organisée entre le plasticien Jan Dibbets et une œuvre majeure de<br />

la poésie médiévale, Louange à la sainte croix, du moine Raban Maur :<br />

l’occasion, à la manière d’un « Make it New », de présenter face à ce<br />

sublime manuscrit quelques œuvres iconiques de l’art minimaliste,<br />

dans une belle « conversation avec l’art médiéval ».<br />

Les Combats de Minuit vous fera par ailleurs entrer dans la bibliothèque<br />

du célèbre éditeur Jérôme Lindon et de sa femme Annette, dont les<br />

enfants ont fait don à la <strong>BnF</strong> ; et Épreuves d’imprimeur vous fera découvrir<br />

l’atelier de Franck Bordas qui a accompagné les créations d’estampes<br />

d’artistes parmi les plus grands du XXe siècle, de Dubuffet à<br />

Keith Haring : autant de portes grandes ouvertes vers les savoirs et<br />

vers les plaisirs que la <strong>BnF</strong> vous propose de pousser d’un simple geste,<br />

avec le Pass <strong>BnF</strong> !<br />

Un nouveau caractère<br />

à chaque numéro<br />

de <strong>Chroniques</strong><br />

La <strong>BnF</strong> soutient et valorise<br />

la création typographique<br />

française en invitant<br />

dans ses colonnes<br />

un caractère de titrage<br />

original, novateur,<br />

émergent, témoin<br />

de la vigueur actuelle<br />

de la discipline.<br />

Dans ce numéro<br />

Le LCT Palissade est une<br />

fonte appartenant<br />

à la famille des didones ;<br />

elle reprend les traits<br />

des caractères italiens<br />

du XVII e siècle. Le LCT<br />

Palissade est une<br />

étude d’un courant de<br />

l’histoire, à la croisée<br />

entre révolution industrielle<br />

et romantisme. Le résultat<br />

est une police forte,<br />

solide, à chasse étroite.<br />

Le dessin est orienté<br />

vers des fûts très noirs<br />

qui rappellent certains<br />

caractères du début<br />

du XIX e siècle et les Italiens<br />

du début XVII e siècle.<br />

Afin de faire écho au<br />

romantisme, les déliés sont<br />

très fins pour permettre<br />

un contraste maximal<br />

et conserver l’élégance<br />

de la forme globale.<br />

Le créateur<br />

Quentin Jumeau Stavinsky<br />

est un designer graphique<br />

web et dessinateur de<br />

caractère qui vit à Nantes.<br />

Il travaille au sein de l’atelier<br />

la Casse depuis 2012.<br />

En couverture<br />

Adrien Tournachon,<br />

Pierrot écoutant,<br />

1854-1855<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes et<br />

photographie<br />

1. Selon la belle expression<br />

reprise du colloque organisé<br />

en juin 2018 par l’université<br />

Sorbonne-Nouvelle<br />

Patrimoines numériques partagés<br />

La France en Amérique<br />

Lors de la visite d’État du président<br />

Emmanuel Macron aux États-Unis<br />

en mai 2018, la <strong>BnF</strong>, la Bibliothèque<br />

du Congrès et les Archives<br />

nationales américaines ont signé<br />

un accord de partenariat pour<br />

la création de la bibliothèque<br />

numérique La France en Amérique.<br />

Au prisme de nombreux documents, livres,<br />

cartes et gravures, ce nouveau site permettra<br />

de mieux faire connaître les relations<br />

culturelles et historiques qui se sont nouées<br />

entre la France et l’Amérique du Nord<br />

(en particulier les États-Unis) du XVI e au<br />

XIX e siècle. Ce projet s’inscrit dans la continuité<br />

du portail bilingue de Gallica La France<br />

en Amérique, conçu en 2005 pour rendre<br />

accessible à des publics toujours plus<br />

nombreux un patrimoine culturel commun.<br />

Coopération<br />

Partager, enrichir,<br />

contribuer :<br />

les 17 e journées des Pôles<br />

associés et de<br />

la coopération (JPAC)<br />

Cette nouvelle bibliothèque vient compléter<br />

la collection numérique de la <strong>BnF</strong> « Patrimoines<br />

partagés », qui comprend déjà les sites<br />

France-Pologne et Bibliothèques d’Orient.<br />

g<br />

Allez plus loin<br />

avec Gallica !<br />

gallica.bnf.fr,<br />

onglet Dossiers,<br />

France Amérique<br />

La <strong>BnF</strong> travaille en étroite collaboration<br />

avec un réseau de plus de deux cents<br />

bibliothèques de tous statuts réparties sur<br />

l’ensemble du territoire. Ces partenaires<br />

sont engagés dans des actions de coopération<br />

numérique avec Gallica et de signalement<br />

du patrimoine dans le Catalogue collectif<br />

de France (CCFr). Organisées par le département<br />

de la Coopération de la <strong>BnF</strong>, les 17 e JPAC<br />

se tiendront du 1 er au 3 octobre 2018 sur le<br />

site François-Mitterrand. Trois cent cinquante<br />

participants venus de toute la France sont<br />

attendus. Aux séances plénières et ateliers<br />

thématiques proposés s’ajoutent pour<br />

la première fois des espaces d’échanges<br />

entre professionnels ainsi que des visites<br />

de la <strong>BnF</strong> et de bibliothèques partenaires<br />

parisiennes. Deux vidéos seront présentées<br />

en avant-première de leur diffusion publique :<br />

l’une sur les manuscrits numérisés de<br />

Flaubert, réalisée en collaboration avec<br />

les bibliothèques de Rouen et de la Ville<br />

de Paris, l’autre sur le catalogue collectif<br />

de France (CCFr). Enfin, ces rencontres<br />

seront l’occasion pour la <strong>BnF</strong> de fêter<br />

les 20 ans de Gallica avec ses partenaires.<br />

Plus d’infos sur bnf.fr,<br />

onglet Pour les professionnels,<br />

Coopération nationale<br />

Découverte<br />

Journées européennes<br />

du patrimoine 2018<br />

À l’occasion de la 35 e édition des Journées<br />

européennes du patrimoine les samedi 15<br />

et dimanche 16 septembre 2018, sur le<br />

thème de l’art du partage, les sites François-<br />

Mitterrand, Richelieu, Arsenal et la Maison<br />

Jean-Vilar à Avignon ouvrent leurs portes<br />

et organisent visites et ateliers. C’est<br />

l’occasion de faire connaître la richesse des<br />

collections de la <strong>BnF</strong> et<br />

de découvrir l’architecture, les activités,<br />

les métiers, mais aussi les coulisses<br />

de la <strong>BnF</strong>.<br />

Plus d’infos sur bnf.fr<br />

Disparition<br />

Michel Levallois, président<br />

de la Société des études<br />

saint-simoniennes<br />

La <strong>BnF</strong> souhaite rendre hommage à Michel<br />

Levallois, président de la Société des<br />

études saint-simoniennes, récemment<br />

disparu. Après une carrière dans la haute<br />

administration, Michel Levallois avait<br />

consacré de nombreux travaux à la figure<br />

d’Ismaÿl Urbain, conseiller de Napoléon III<br />

établi en Algérie, dont la correspondance,<br />

en cours d’édition, est conservée dans<br />

les archives du mouvement saint-simonien<br />

à la Bibliothèque de l’Arsenal. L’actualité<br />

scientifique de ce fonds, riche de<br />

35 000 pièces, doit beaucoup au séminaire<br />

mensuel qu’il organisait depuis des<br />

années à l’Arsenal, renforcé depuis 2015<br />

par l’Agence nationale pour la recherche<br />

« Saint-simonisme 18-21 » dont la <strong>BnF</strong><br />

est membre associé.


4 EXPOSITIONS JAN DIBBETS CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong> EXPOSITIONS JAN DIBBETS 5<br />

Make it new 1 .<br />

Conversations avec l’art médiéval<br />

Carte blanche<br />

Jan Dibbets<br />

Make it New.<br />

Conversations avec<br />

l’art médiéval. Carte<br />

blanche à Jan Dibbets<br />

Du 6 novembre 2018<br />

au 10 février 2019<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Figure majeure de l’art néerlandais<br />

et de la scène artistique<br />

internationale, Jan Dibbets<br />

s’est vu très tôt associé à l’art<br />

conceptuel. Avec Make it New¹.<br />

Conversations avec l’art médiéval<br />

il s’éloigne de son terrain familier,<br />

la photographie, pour faire<br />

dialoguer Raban Maur, moine<br />

bénédictin né à Mayence vers 780,<br />

avec des artistes d’aujourd’hui.<br />

Indépendamment de la place majeure<br />

occupée par Jan Dibbets au sein de<br />

l’histoire de l’art contemporain et de<br />

son affiliation à la tendance « conceptuelle<br />

» qui a bouleversé le paysage artistique<br />

des années 1960 ; indépendamment<br />

de sa figure de pionnier en<br />

matière de photographie plasticienne,<br />

l’artiste néerlandais a aussi joué un rôle<br />

1 2<br />

Commissariat<br />

Jan Dibbets<br />

Charlotte Denoël,<br />

département<br />

des Manuscrits (<strong>BnF</strong>)<br />

Publication<br />

Catalogue de l’exposition<br />

Sous la direction<br />

de Charlotte Denoël<br />

et Erik Verhagen<br />

128 pages, broché, 39<br />

Erik Verhagen, maître<br />

de conférences<br />

en histoire de l’art<br />

contemporain (université<br />

de Valenciennes)<br />

En partenariat avec<br />

Libération et artpress<br />

primordial en sa qualité de passeur, dès<br />

le début de sa trajectoire internationale.<br />

Exceptés les spécialistes de la période,<br />

rares sont ceux à savoir que Dibbets a<br />

servi d’instigateur mais aussi de principal<br />

intermédiaire et de conseiller officieux<br />

(avec l’artiste italien Piero Gilardi)<br />

auprès du légendaire commissaire<br />

d’exposition Harald Szeemann lors<br />

de la préparation de Quand les attitudes<br />

deviennent forme à la Kunsthalle<br />

de Berne en 1969. Cette exposition<br />

d’art contemporain est considérée<br />

aujourd’hui comme l’une des plus<br />

importantes en la matière au cours de<br />

ces cinquante dernières années.<br />

Un passeur<br />

Réunir des artistes des deux côtés de<br />

l’Atlantique, favoriser leurs rencontres<br />

avec des commissaires d’exposition, critiques<br />

et galeristes : c’est une part non<br />

négligeable des activités que Dibbets a<br />

développées tout au long de sa carrière.<br />

Qu’il se retrouve aujourd’hui à son tour<br />

commissaire d’exposition à la <strong>BnF</strong> n’a<br />

à ce titre rien de surprenant. Sa première<br />

expérience de commissariat au<br />

musée d’Art moderne de la Ville de Paris,<br />

La Boîte de Pandore en 2016, s’est d’ailleurs<br />

révélée plus que concluante. Le<br />

but de cette exposition était de proposer<br />

une relecture très personnelle et inévitablement<br />

subjective de l’histoire de<br />

la photographie, avec, en filigrane, l’ambition<br />

de souligner en écho à sa propre<br />

pratique, la dimension autoréflexive du<br />

médium. Pour l’artiste, la photographie<br />

ne saurait en effet se réduire à sa fonction<br />

d’enregistrement et traduit une part<br />

de transformation qui lui confère une<br />

forme d’autonomie.<br />

Make it New<br />

Le propos de Make it New est tout autre.<br />

Dibbets ne s’aventure plus ici sur le terrain<br />

connu de la photographie mais<br />

cherche à instaurer un dialogue avec<br />

un créateur, Raban Maur, dont il ignorait<br />

l’existence avant de le découvrir sur<br />

le tard, au hasard d’une consultation<br />

de manuscrits à la <strong>BnF</strong>, il y a une<br />

dizaine d’années. Une dizaine d’années<br />

de digestion pour l’artiste néerlandais<br />

à qui la <strong>BnF</strong> a souhaité adresser une<br />

invitation : celle de répondre aux œuvres<br />

du moine du IXe siècle. Cette réponse,<br />

Dibbets a désiré la formuler collectivement<br />

en faisant appel à des confrères,<br />

compagnons de route, amis pour certains,<br />

qui ont comme lui cherché à<br />

renouveler et renégocier les paramètres<br />

de l’« objet » d’art, au sens large du<br />

terme, dans les années 1960.<br />

D’un côté donc, des manuscrits carolingiens<br />

témoignant d’une vertigineuse<br />

inventivité formelle, aussi abstraits que<br />

minimalistes, et de l’autre une dizaine<br />

d’artistes comme Carl Andre, François<br />

Morellet, Sol LeWitt, dont la démarche<br />

semble s’inscrire dans la continuité des<br />

compositions épurées du moine visionnaire.<br />

Presque mille deux cents ans<br />

séparent l’un des autres. Pourtant, en<br />

dépit de leurs différences, d’un contexte<br />

et de motivations incomparables, la<br />

conversation semble aussi naturelle<br />

qu’évidente.<br />

Charlotte Denoël, département des Manuscrits<br />

Erik Verhagen, université de Valenciennes<br />

3<br />

Le projet de cette exposition<br />

à la <strong>BnF</strong> est né de la découverte<br />

par Jan Dibbets d’une troublante<br />

correspondance entre le<br />

langage visuel d’un manuscrit<br />

médiéval et celui de l’art<br />

minimal et conceptuel, à<br />

plus de dix siècles de distance.<br />

Entretien avec l’artiste.<br />

<strong>Chroniques</strong> : Comment le projet de cette<br />

exposition est-il né ?<br />

Jan Dibbets : L’un de mes amis connaît<br />

très bien Charlotte Denoël, conservatrice<br />

au département des Manuscrits,<br />

qui avait vu les vitraux que j’ai faits pour<br />

la cathédrale de Blois. Quand je l’ai rencontrée,<br />

elle m’a dit : « La prochaine fois<br />

que vous viendrez à Paris, je vous montrerai<br />

quelque chose qui pourrait beaucoup<br />

vous intéresser. » Ce jour-là, elle<br />

m’a présenté le livre de Raban Maur,<br />

Louange à la sainte croix. Coup de<br />

foudre ! Ce livre était différent de tout<br />

ce que j’avais vu auparavant. Il émanait<br />

de lui une atmosphère tellement volontaire<br />

que j’ai été absolument choqué de<br />

voir qu’une telle chose existe et qu’elle<br />

soit seulement connue des spécialistes.<br />

Ce livre correspond à une pensée informatique,<br />

qui est typiquement XXe et<br />

XXI e siècles. Il y a eu, à l’époque carolingienne,<br />

d’autres exemples qui ressemblent<br />

plus ou moins à cela mais ce<br />

livre est unique. Au même moment, je<br />

dessinais les vitraux d’une grande<br />

1 Jan Dibbets,<br />

Blue vertical,<br />

New Colorstudy,<br />

1976-2012<br />

C-print sur Dibond,<br />

250 x 125 cm<br />

2 Richard Long,<br />

Cornwall Slate Line,<br />

1981, œuvre au sol,<br />

278 pierres<br />

Collection CAPC,<br />

musée d’art<br />

contemporain<br />

de Bordeaux<br />

3 Jan Dibbets<br />

4 Raban Maur,<br />

Louange à la sainte<br />

croix, vers 847<br />

<strong>BnF</strong>, Manuscrits<br />

g<br />

Allez plus loin<br />

avec Gallica !<br />

Le manuscrit de<br />

Louange à la sainte croix<br />

1. D’après l’expression<br />

d’Ezra Pound<br />

(1885-1972) appelant<br />

au renouvellement<br />

des formes poétiques.<br />

cathédrale à Haarlem (Pays-Bas). Et<br />

cela m’a ouvert les yeux, m’a permis de<br />

mieux appréhender le livre. Par respect<br />

pour Raban Maur, nous avons imaginé<br />

comment nous allions pouvoir faire<br />

connaître ce livre à un public plus large.<br />

C. : Depuis quand vous intéressez-vous<br />

à l’art médiéval ?<br />

J. D. : Toute ma vie, je me suis intéressé<br />

à l’art médiéval et aux églises romanes ;<br />

en parcourant toute la France, l’Italie<br />

et l’Allemagne, j’ai vu plus ou moins<br />

tout ce qui existe de notable dans ce<br />

domaine. C’est une fascination intime<br />

que j’ai aussi pour l’époque carolingienne<br />

; on sent pour la première fois<br />

que les civilisations byzantine et romaine<br />

s’éteignent mais que leurs vestiges sont<br />

récupérés par une civilisation jeune et<br />

nouvelle. J’ai toujours été fasciné par<br />

4<br />

l’art médiéval parce qu’il est tellement<br />

original et profondément créatif.<br />

C. : Est-ce que l’art médiéval a été<br />

au centre de discussions entre les artistes<br />

de votre génération ?<br />

J. D. : Non, pas du tout. Il s’agissait<br />

davantage de quelque chose dont je parlais<br />

en privé plutôt qu’avec un autre<br />

artiste. Les artistes ne discutent pas<br />

ensemble de ce genre de choses. Ils s’en<br />

fichent. Ce que je souhaite montrer de<br />

façon simple et modeste, ce n’est pas<br />

que Raban Maur a influencé l’art<br />

moderne – parce que personne ne<br />

connaît son existence – mais que des<br />

parallèles peuvent être faits entre la pensée<br />

et l’attitude de Raban Maur et l’art<br />

minimal et conceptuel d’aujourd’hui.<br />

Propos recueillis par Corine Koch<br />

Délégation à la Communication


EXPOSITIONS LES NADAR 7<br />

Les Nadar,<br />

une légende<br />

photographique<br />

♦<br />

Pour la première fois, une exposition est consacrée<br />

aux trois Nadar : le célèbre Félix Nadar (1820-1910),<br />

son frère Adrien Tournachon (1825-1903)<br />

et son fils Paul Nadar (1856-1939). Leur passion<br />

commune pour la photographie, inséparable<br />

de leur foi dans le progrès et de leur goût de l’innovation<br />

a fait d’eux des précurseurs à plus d’un titre : chacun<br />

à sa manière a contribué à écrire une page essentielle<br />

de l’histoire de la photographie, où l’œuvre d’art<br />

côtoie l’intuition commerciale et l’innovation technique.


8 DOSSIER EXPOSITIONS RICHELIEU LES NADAR CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

DOSSIER EXPOSITIONS RICHELIEU LES NADAR<br />

9<br />

1<br />

Les Nadar<br />

modernes précurseurs<br />

Page 6<br />

Félix Nadar, Façade<br />

de l’atelier du<br />

35, boulevard des<br />

Capucines, vers 1861<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

1 Félix Nadar,<br />

George Sand, 1864<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

2 Adrien Tournachon,<br />

Félix Nadar dans<br />

l’atelier d’Adrien<br />

Tournachon,<br />

1853-1854<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

g<br />

Allez plus loin<br />

avec Gallica !<br />

L’œuvre de Félix Nadar,<br />

celle d’Adrien<br />

Tournachon,<br />

les épreuves<br />

d’archives de l’atelier.<br />

Les Nadar,<br />

une légende<br />

photographique<br />

+ À VOIR<br />

Du 16 octobre 2018<br />

au 3 février 2019<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Photographes mais aussi<br />

peintres, dessinateurs, écrivains,<br />

journalistes, caricaturistes<br />

et inventeurs, Félix Nadar,<br />

son frère Adrien Tournachon<br />

et son fils Paul Nadar ont marqué<br />

de leur empreinte l’histoire<br />

du médium photographique.<br />

Félix Nadar, personnalité flamboyante<br />

aux multiples facettes, est célèbre pour<br />

la géniale galerie de portraits qu’il fait<br />

de ses contemporains dans les années<br />

1850-1860. On sait moins peut-être qu’il<br />

fut un ardent défenseur du progrès des<br />

sciences, de grandes causes généreuses<br />

qui animèrent son siècle, qu’il prit position<br />

pour la théorie du plus lourd que<br />

l’air, les idéaux républicains et la laïcité.<br />

Sait-on qu’il fut aussi un écrivain,<br />

un journaliste et un caricaturiste de<br />

Commissariat<br />

Sylvie Aubenas,<br />

directrice du<br />

département des<br />

Estampes et de la<br />

photographie (<strong>BnF</strong>),<br />

Anne Lacoste,<br />

directrice de l’Institut<br />

pour la photographie<br />

des Hauts-de-France<br />

grand talent ? Qu’il eut un frère, Adrien<br />

Tournachon, peintre et photographe,<br />

artiste bohème ? Que son fils Paul dirigea<br />

à partir de 1886 l’atelier familial<br />

fondé en 1855 qui ne ferma qu’en 1939 ?<br />

Que ce même Paul fut, en France, le<br />

représentant de la firme Kodak et le<br />

président de la chambre syndicale de<br />

la photographie ?<br />

Sous le pseudonyme de Nadar, forgé<br />

par Félix Tournachon dans l’effervescence<br />

des salles de rédaction parisiennes<br />

de la fin des années 1<strong>83</strong>0, se<br />

cachent donc trois hommes remarquables<br />

dont le plus en vue a conduit<br />

à faire oublier les deux autres.<br />

L’exposition organisée par la <strong>BnF</strong> propose<br />

de réparer cette injustice en présentant<br />

trois histoires, trois personnalités<br />

complémentaires, parfois alliées,<br />

parfois opposées : cette confrontation<br />

Exposition réalisée<br />

avec le soutien<br />

de la Fondation Louis<br />

Roederer, Grand<br />

Mécène de la Culture<br />

Publication<br />

Catalogue de l’exposition<br />

Les Nadar, une<br />

légende photographique<br />

Sous la direction<br />

de Sylvie Aubenas<br />

et Anne Lacoste<br />

352 pages, relié,<br />

59,90<br />

Exposition virtuelle<br />

expositions.bnf.fr/<br />

les-nadar/<br />

En partenariat avec<br />

Le Figaro, Le Journal<br />

des arts, L’Œil, Télérama<br />

Le samedi 2 février 2019,<br />

une journée d’études<br />

au Petit Auditorium<br />

rassemblera des<br />

spécialistes autour<br />

des figures des Nadar.<br />

jamais réalisée jusqu’ici permet de<br />

comprendre les enjeux, les ambitions<br />

et les progrès de la photographie<br />

depuis le Second Empire jusqu’au<br />

milieu du XXe siècle et de mieux évaluer<br />

trois œuvres liées mais pourtant<br />

distinctes.<br />

Un ensemble exceptionnel<br />

En 1950, après la mort prématurée de<br />

Marthe Nadar, fille de Paul et ultime<br />

descendante de la famille, la <strong>BnF</strong><br />

acquiert l’ensemble des tirages et des<br />

archives de l’atelier tandis que la direction<br />

générale de l’Architecture prend<br />

en charge les centaines de milliers de<br />

négatifs sur verre.<br />

C’est cet ensemble exceptionnel, complété<br />

de prêts du Metropolitan<br />

Museum of Art à New York, du Getty<br />

Museum à Los Angeles et du musée<br />

d’Orsay parmi d’autres, qui permet à<br />

travers plus de trois cents pièces,<br />

épreuves photographiques originales,<br />

dessins, estampes, peintures, de brosser<br />

une saga familiale et artistique sans<br />

équivalent. Le choix a été fait de privilégier<br />

une présentation des œuvres<br />

des Tournachon et des Nadar selon<br />

trois prismes complémentaires, en évitant<br />

le fil chronologique.<br />

Le parcours débute par les portraits et<br />

autoportraits extrêmement nombreux<br />

et variés de la famille : des merveilleux<br />

autoportraits d’Adrien Tournachon<br />

caché sous son chapeau de paille<br />

jusqu’aux amusants snapshots de Paul<br />

Nadar en passant par les mises en scène<br />

de Félix Nadar, tous les styles et les<br />

époques sont rassemblés en un raccourci<br />

qui donne des clés de compréhension<br />

au visiteur pour la suite de l’accrochage.<br />

Le cœur de l’exposition aborde évidemment<br />

l’art du portrait : de Gérard de<br />

Nerval et Charles Baudelaire à Sarah<br />

Bernhardt et Joséphine Baker en passant<br />

par Gustave Doré, George Sand,<br />

Victor Hugo, Lamartine ou Bakounine,<br />

les célébrités ont été immortalisées par<br />

l’un ou l’autre Nadar. Un tropisme particulier<br />

pour la scène, le théâtre et la<br />

pantomime est commun aux trois<br />

Nadar. Est évoquée aussi la transformation<br />

d’un studio d’artiste en entreprise<br />

commerciale avec la multiplication<br />

et la standardisation du portrait.<br />

Enfin, et c’est sans doute le plus inattendu,<br />

de très nombreuses applications<br />

de la photographie à divers domaines<br />

scientifiques illustrent la passion des<br />

Nadar pour le progrès. Ils sont pionniers<br />

de la photographie aux lumières<br />

artificielles, de la photographie aérienne,<br />

de la photographie instantanée : les<br />

images produites, bien que documentaires<br />

ou expérimentales, n’en sont pas<br />

moins fortes ni belles.<br />

L’exposition ne prétend pas apporter<br />

un éclairage complet et définitif sur<br />

toute la richesse et la densité de l’activité<br />

de cette famille vouée à la photographie<br />

– ce serait chose impossible –<br />

mais propose de renouveler la vision de<br />

l’ensemble des œuvres, de stimuler le<br />

regard et d’accompagner l’intérêt sans<br />

cesse renouvelé de la recherche.<br />

Sylvie Aubenas<br />

Département des Estampes et de la photographie<br />

2


10 DOSSIER EXPOSITIONS RICHELIEU NADAR CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

DOSSIER EXPOSITIONS RICHELIEU LES NADAR<br />

11<br />

1<br />

2<br />

Page de gauche<br />

Paul Nadar,<br />

Sarah Bernhardt dans<br />

Pierrot assassin, 18<strong>83</strong><br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

1 Adrien Tournachon,<br />

Gérard de Nerval,<br />

1855<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

2 Félix Nadar,<br />

Baudelaire debout,<br />

1862<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

3 Félix Nadar,<br />

Alexandre Dumas,<br />

1855<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

4 Paul Nadar,<br />

Joséphine Baker,<br />

vers 1930<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

5 Félix Nadar, Eugène<br />

Delacroix, 1858<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

6 Adrien Tournachon,<br />

Gustave Doré, 1854<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

7 Félix Nadar,<br />

Charles Baudelaire,<br />

vers 1857<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

8 Paul Nadar,<br />

Caran d’Ache, 1886<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

3<br />

4<br />

7<br />

5<br />

6<br />

8


12 EXPOSITIONS DOSSIER RICHELIEU LES NADAR CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

DOSSIER EXPOSITIONS RICHELIEU LES NADAR<br />

13<br />

La mort de Victor Hugo, par Paul Nadar<br />

« Hugo étendu sur son grand lit à colonnes, sa<br />

chemise de nuit, l’oreiller tout froissé, ses cheveux<br />

en brosse, son nez assez fort qui n’avait pas<br />

encore été émacié par la mort. […] Mon père<br />

avait obtenu de pouvoir ouvrir les persiennes<br />

de la fenêtre qui donnait sur le jardin. […]<br />

C’est le soleil qui l’a éclairé pour la dernière<br />

fois… Et ce cliché pris par mon père en larmes,<br />

c’est peut-être son chef-d’œuvre. »<br />

Carlo Rim citant Paul Nadar dans Le Grenier d’Arlequin. Journal 1916-1940,<br />

Paris, Denoël, 1981, p. 112-113.<br />

1<br />

3<br />

2<br />

1 Félix et Paul<br />

Nadar, Victor<br />

Hugo sur<br />

son lit de mort,<br />

mai 1885<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

2 Félix Nadar,<br />

Jean Journet,<br />

vers 1857<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

3 Félix Nadar,<br />

Autoportrait<br />

avec Ernestine<br />

en nacelle,<br />

vers 1863<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

4 Adrien<br />

Tournachon,<br />

Autoportrait,<br />

1853-1855<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

4


14 EXPOSITIONS LES NADAR CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

EXPOSITIONS JÉRÔME LINDON<br />

15<br />

1 Félix Nadar,<br />

Maquette d’hélicoptère<br />

de Ponton d’Amécourt,<br />

1863<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

2 Félix Nadar,<br />

Autoportrait en douze<br />

poses. Étude pour<br />

une photosculpture,<br />

1861-1867<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

3 Félix Nadar,<br />

Paul Nadar enfant<br />

et deux membres de<br />

l’ambassade japonaise,<br />

1862<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

Les combats<br />

de Minuit<br />

Les combats<br />

de Minuit : dans<br />

la bibliothèque<br />

de Jérôme<br />

et Annette Lindon<br />

Du 9 octobre au<br />

9 décembre 2018<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Galerie des donateurs<br />

Entrée libre<br />

penseurs comme Pierre Bourdieu et<br />

Gilles Deleuze, et laissant des revues et<br />

collections telles que Critique et<br />

Arguments creuser les sillons propices<br />

au renouvellement de la pensée.<br />

1<br />

3<br />

2<br />

Ci-dessus<br />

Marguerite Duras,<br />

Moderato Cantabile,<br />

1958<br />

Ci-contre<br />

Jérôme Lindon et<br />

Alain Robbe-Grillet<br />

devant le portrait<br />

de Samuel Beckett,<br />

photographie de<br />

Despatin & Gobeli,<br />

Paris, 1994<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

1. Lettre à Jacques<br />

Sternberg, 29 janvier<br />

1960, <strong>BnF</strong>, Manuscrits.<br />

Grâce au don de leurs enfants<br />

Irène, André et Mathieu, la<br />

bibliothèque d’Annette et Jérôme<br />

Lindon, directeur des Éditions<br />

de Minuit, a rejoint les collections<br />

de la <strong>BnF</strong> en 2015. Une exposition<br />

en Galerie des donateurs leur<br />

rend hommage.<br />

« Oui, je m’efforce de défendre le plus<br />

vigoureusement possible les livres que<br />

j’édite. Ce n’est pas pour les avoir édités,<br />

mais parce que, déjà avant, je les<br />

aime¹ », écrivait en 1960 Jérôme Lindon.<br />

De cet engagement pour les livres,<br />

témoigne la bibliothèque qu’abritait son<br />

appartement parisien. Ces livres portent<br />

pour la plupart une dédicace de l’auteur,<br />

esquissant le portrait en creux d’un<br />

éditeur rapidement devenu une incarnation<br />

du courage et de l’exigence.<br />

L’écho de voix exemplaires<br />

Si certains évoquent ses qualités<br />

humaines, comme Le Corbusier sa<br />

gentillesse, ou Jean-Louis Bergonzo<br />

son « intelligentillesse », beaucoup<br />

insistent sur son courage. Rappelons<br />

qu’en 1948, lorsqu’il reprend à Vercors,<br />

l’auteur du Silence de la mer, les rênes<br />

de la maison d’édition fondée dans la<br />

clandestinité, il n’a que 22 ans. La guerre<br />

pendant laquelle, juif, il a dû se cacher<br />

avant de combattre au maquis, est une<br />

expérience fondatrice, à l’origine de<br />

nombre de ses choix éditoriaux,<br />

notamment pendant la guerre d’Algérie.<br />

Henri Alleg, auteur de La Question<br />

(1958), qui relança le débat public sur<br />

l’emploi de la torture par l’armée<br />

française, salue celui « qui fut et demeure<br />

de tous les combats contre tous les<br />

racismes et toutes les intolérances ».<br />

Combattant la censure politique ou<br />

morale, Jérôme Lindon a fait entendre<br />

des voix ignorées ou opprimées : des<br />

rescapés de la Shoah tels que Charlotte<br />

Delbo ou Elie Wiesel, des prêtres<br />

ouvriers, Barbara – une prostituée en<br />

lutte pour ses droits –, Monique Wittig<br />

et son Corps lesbien, etc. En prise avec<br />

les évolutions de la société, il apporte<br />

un soutien sans faille aux sciences<br />

humaines et sociales, accueillant des<br />

Le choc Molloy<br />

Mais selon Jérôme Lindon, l’événement<br />

de sa vie d’éditeur – « peut-être le seul »,<br />

disait-il – reste sa rencontre avec Samuel<br />

Beckett. C’est en 1951 que se produit<br />

le « choc » Molloy : de cette lecture<br />

découle l’essentiel du catalogue littéraire<br />

des Éditions de Minuit. Outre le<br />

respect de ses pairs, il y trouve confirmation<br />

du modèle éditorial qu’il entend<br />

défendre : l’émergence d’une littérature<br />

nouvelle, choisie à la seule aune de la<br />

qualité du texte, sans concession pour<br />

le goût du public ni les lois du marché.<br />

Dans ce combat, il est rejoint par l’écrivain<br />

Alain Robbe-Grillet, qui attire chez<br />

Minuit un groupe d’auteurs mus par un<br />

même rejet des formes du passé : Michel<br />

Butor avec La Modification, Marguerite<br />

Duras et Moderato cantabile, Claude<br />

Simon, prix Nobel en 1985 – seize ans<br />

après Beckett – mais aussi Robert Pinget,<br />

Claude Ollier, ou encore Nathalie<br />

Sarraute et ses Tropismes. Une génération<br />

plus tard, à la suite de Jean Echenoz,<br />

dans l’ombre de Beckett et du passé<br />

prestigieux de la maison, les jeunes<br />

auteurs du « nouveau Nouveau Roman »,<br />

de Jean Rouaud à Jean-Philippe<br />

Toussaint, d’Éric Chevillard à Marie<br />

N’Diaye, pour n’en citer que quelquesuns,<br />

montrent que le modèle voulu par<br />

l’éditeur, ce « découvreur de lieux littéraires<br />

et limitrophes » auquel Christian<br />

Oster rend hommage au seuil d’un de<br />

ses livres, est toujours vivant.<br />

Séverine Dupuch-Garnier, Anne Renoult,<br />

Bérénice Stoll<br />

Réserve des livres rares


16 EXPOSITIONS FRANCK BORDAS CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

EXPOSITIONS JEAN-JACQUES LEQUEU<br />

17<br />

La passion de l’imprimé<br />

Franck Bordas<br />

Épreuves d’imprimeur.<br />

Estampes de<br />

l’Atelier Franck Bordas<br />

Du 2 octobre<br />

au 25 novembre 2018<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Allée Julien Cain<br />

Accès libre<br />

+ À VOIR<br />

Jean-Jacques Lequeu<br />

bâtisseur de fantasmes<br />

Jean-Jacques Lequeu<br />

(1757-1826).<br />

Bâtisseur<br />

de fantasmes<br />

Du 11 décembre 2018<br />

au 31 mars 2019<br />

Petit Palais, musée des Beaux-Arts<br />

de la ville de Paris, en partenariat avec la <strong>BnF</strong><br />

Hors les murs<br />

Dans les collections<br />

de la <strong>BnF</strong><br />

Afin de mieux faire connaître<br />

ses trésors, la <strong>BnF</strong> ouvre ses<br />

collections à des musées ou des<br />

bibliothèques partout en France.<br />

Créées depuis quarante ans dans<br />

les ateliers et le studio Bordas<br />

par vingt-six artistes d’horizons<br />

et d’âges très différents, les<br />

quatre-vingt-dix lithographies et<br />

estampes numériques exposées<br />

dans l’allée Julien Cain disent<br />

le parcours peu commun,<br />

marqué du signe de la passion<br />

et de l’invention, de l’imprimeur<br />

et éditeur d’art Franck Bordas.<br />

Franck Bordas a 19 ans quand il ouvre<br />

à Paris dans le Marais son premier<br />

atelier lithographique. Son projet est<br />

de relancer l’estampe de création en<br />

invitant les artistes à explorer à ses<br />

côtés les potentialités de ce procédé<br />

d’impression.<br />

L’aventure de l’atelier<br />

Baigné depuis l’enfance dans le monde<br />

de l’édition, il se forme à 17 ans au<br />

métier d’imprimeur-lithographe chez<br />

son grand-père, le maître lithographe<br />

Fernand Mourlot. Dans l’illustre atelier,<br />

il découvre, à côté d’un savoir-faire<br />

exceptionnel, la formidable convivialité<br />

qu’engendre le brassage social entre<br />

artistes et artisans. De cet apprentissage,<br />

Franck Bordas garde une fascination<br />

pour l’imprimé et pour le monde de<br />

l’art. Son enthousiasme et sa fougue<br />

convainquent les artistes de le suivre<br />

dans l’aventure. Son parcours est jalonné<br />

d’intenses collaborations : Daniel<br />

Pommereulle, Jean Dubuffet, Roberto<br />

Matta, Henri Cueco, Gilles Aillaud,<br />

Pierre Buraglio, Pierre Alechinsky, Paul<br />

Cox, Hervé Di Rosa, François Boisrond<br />

ou les Américains Joan Mitchell, James<br />

Brown et Keith Haring. Certains artistes<br />

novices en matière d’impression réalisent<br />

avec lui leurs premières lithographies.<br />

D’autres sont familiers des procédés.<br />

Pour d’autres encore, l’idée même<br />

d’imprimé est au cœur de leur démarche<br />

artistique. À tous, Franck Bordas offre<br />

les conditions d’une création authentique<br />

: geste juste, qualité d’écoute, esprit<br />

d’expérimentation. À son tour, il forme<br />

dans l’atelier des jeunes praticiens à qui<br />

il transmet son savoir-faire et sa passion.<br />

Il développe également une activité<br />

d’éditeur et publie, à côté des éditions<br />

d’estampes, des livres d’artistes parmi<br />

lesquels les dix-neuf titres de la collection<br />

« Paquebot ».<br />

Ci-dessus<br />

Hervé Di Rosa,<br />

Dirosaland, 1985.<br />

Lithographie en<br />

5 couleurs et rehaut<br />

rouge fluo, 160 × 120 cm.<br />

20 épreuves sur Arches.<br />

Impres sion et édition<br />

Atelier Franck Bordas.<br />

Ci-contre<br />

Hervé Di Rosa dans<br />

l’atelier de la rue<br />

Princesse en 1985.<br />

Rencontre des<br />

générations : Fernand<br />

Mourlot, le maître<br />

imprimeur, Hervé Di Rosa<br />

et Franck Bordas sont<br />

réunis autour de la<br />

presse pour le premier<br />

tirage en grand format<br />

sur pierre.<br />

Le studio numérique<br />

Dans les années 1990, pressentant l’opportunité<br />

que peuvent représenter les<br />

outils informatiques pour les métiers<br />

de l’estampe, stimulé par les expériences<br />

menées dans son atelier par<br />

Jean-Charles Blais, Mark Di Suvero ou<br />

Tim Maguire, il suit activement les<br />

développements des nouvelles technologies<br />

dans le secteur de la création<br />

graphique et de l’impression numérique.<br />

Pendant quelques années, les<br />

ordinateurs et les imprimantes côtoient<br />

dans l’atelier les presses lithographiques.<br />

En 2005, il ouvre un studio<br />

dédié au numérique, dans lequel il<br />

continue d’accueillir des artistes. Pour<br />

Franck Bordas, le numérique est un<br />

nouveau langage imprimé : « Parce qu’il<br />

dématérialise le geste créateur, [il] permet<br />

tous les possibles en matière d’estampe<br />

et de multiple : nombre infini<br />

d’images, [...]d’exemplaires, [...]de formats<br />

et de supports. »<br />

Réalisées spécialement pour la <strong>BnF</strong>, les<br />

impressions numériques pigmentaires<br />

de Tim Maguire et Philippe Baudelocque<br />

s’imposent avec la qualité de<br />

présence physique et la fraîcheur qui<br />

caractérisent l’estampe originale. Toutes<br />

ces œuvres témoignent de la richesse<br />

et du dynamisme de ce secteur rare de<br />

la création contemporaine.<br />

Cécile Pocheau-Lesteven<br />

Département des Estampes et de la photographie<br />

Lorsqu’il arrive à Paris en 1779,<br />

frais émoulu de l’école gratuite<br />

de dessin de Rouen, Jean-Jacques<br />

Lequeu (1757-1826), fils de<br />

menuisier, a la ferme ambition<br />

de devenir un architecte reconnu.<br />

Mais il ne parvient pas à dépasser<br />

le stade de dessinateur d’agence<br />

au service d’artistes installés,<br />

tel Jacques-Germain Soufflot<br />

qui réalise alors le Panthéon.<br />

C’est dans les bureaux du cadastre<br />

– nouvellement créé par les révolutionnaires<br />

– que Lequeu gagne sa vie à partir<br />

de 1793 et jusqu’à sa mise à la retraite<br />

en 1815. Seul et réfugié dans son appartement<br />

du passage du Grand-Cerf, rue<br />

Saint-Denis, il dessine : des visages, des<br />

femmes statues de chair dans des poses<br />

suggestives, des sexes à la précision anatomique.<br />

Il écrit : une méthode pour<br />

dessiner la figure humaine, des pièces<br />

de théâtre malheureusement perdues.<br />

Mais surtout, il travaille à L’Architecture<br />

civile, spectaculaire recueil de lavis en<br />

couleurs nourri de la lecture du Songe<br />

de Poliphile¹ et de récits de voyages, cartographie<br />

fantasmée d’un pays que l’artiste<br />

peuple de temples, palais et<br />

fabriques de jardin… tant appréciés des<br />

élites de la fin du XVIIIe siècle. La virtuosité<br />

du dessinateur s’allie ici à la poésie<br />

érudite ou brute des titres et des<br />

textes dont il émaille ses dessins, pour<br />

entraîner le spectateur dans un étrange<br />

périple.<br />

Jean Duchesne, conservateur du Cabinet<br />

des estampes de la Bibliothèque<br />

royale, eut l’intuition géniale d’accepter,<br />

en 1825, le don que Lequeu souhaitait<br />

faire de ses portefeuilles, préservant<br />

ainsi de l’oubli un œuvre de près<br />

de huit cents pièces.<br />

La singularité de cet ensemble a donné<br />

lieu à de nombreuses interprétations et<br />

à une abondante littérature. Mais, souvent<br />

cité et reproduit, Lequeu n’avait<br />

jamais fait l’objet d’une exposition<br />

monographique. C’est aujourd’hui<br />

chose faite avec la présentation, pour<br />

la première fois dans toute son étendue,<br />

de cet ensemble si particulier d’un<br />

artiste solitaire mais où l’on entend<br />

résonner les mouvements d’une société<br />

en pleine mutation.<br />

Corinne Le Bitouzé<br />

Département des Estampes et de la photographie<br />

1. Chef-d’œuvre littéraire<br />

de la Renaissance<br />

(1499).<br />

Ci-dessus<br />

Jean-Jacques Lequeu,<br />

Temple de la<br />

devination qui forme<br />

le fond septentrional<br />

de l’Élisée.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

À droite<br />

Autoportrait de<br />

Rembrandt appuyé<br />

sur un rebord de<br />

fenêtre, 1639.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

Musée Pierre-Noël,<br />

Saint-Dié-des-Vosges<br />

Du 5 octobre 2018<br />

au 6 janvier 2019<br />

Voyages en Scandinavie<br />

dans les collections de la <strong>BnF</strong><br />

Musée des Beaux-Arts de Rouen<br />

Du 9 novembre 2018<br />

au 11 février 2019<br />

Jean-Jacques Lequeu dans<br />

les collections de la <strong>BnF</strong><br />

Exposition d’estampes de l’artiste<br />

natif de Rouen, en prélude<br />

à l’exposition du Petit Palais.<br />

Culture près de chez vous<br />

La <strong>BnF</strong> participe à l’opération<br />

Catalogue des désirs, dans le cadre<br />

du plan «Culture près de chez vous »<br />

du ministère de la Culture qui<br />

organise le prêt d’environ 500 œuvres<br />

de grandes institutions culturelles<br />

en direction de territoires isolés.<br />

Prêts remarquables<br />

de la <strong>BnF</strong><br />

États-Unis<br />

Denver Art Museum, Denver<br />

Rembrandt : Painter as Printmaker<br />

Du 16 septembre 2018<br />

au 15 décembre 2019<br />

Prêt de 75 estampes.<br />

Scriptorial d’Avranches<br />

Trésors de calligraphie et d’enluminures<br />

normandes (XI e -XII e siècles)<br />

Du 26 juin au 30 septembre 2018<br />

Prêt de 11 manuscrits.


18 AUDITORIUMS CYCLE HISTOIRE DES MERS CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

AUDITORIUMS DEBUSSY<br />

19<br />

Debussy dans les collections de la <strong>BnF</strong><br />

Histoire des mers :<br />

échanges et conflits<br />

Tous les savoirs,<br />

l’université populaire<br />

de la <strong>BnF</strong><br />

Cycle « Histoire<br />

des mers »<br />

(détail : voir agenda)<br />

Les 10 octobre,<br />

21 novembre<br />

et 5 décembre 2018<br />

18 h 30 – 20 h<br />

Dans le cadre de son université<br />

populaire, la <strong>BnF</strong> propose<br />

un nouveau cycle historique,<br />

« Histoire des mers ». Il vise à<br />

retracer quelques jalons<br />

importants de l’histoire humaine,<br />

de l’Antiquité au XXIe siècle,<br />

en analysant les différentes<br />

formes de relations politiques,<br />

économiques ou culturelles<br />

entre peuples et États<br />

que les mers ont pu favoriser.<br />

Mers et océans ont longtemps représenté<br />

un milieu hostile à l’homme,<br />

source de terreur et de fascination, pour<br />

reprendre le sous-titre de l’exposition<br />

organisée sur ce thème en 2003 à la <strong>BnF</strong>.<br />

Explorateurs et conquérants se sont<br />

toutefois vite lancés à la découverte de<br />

cet espace sans frontières réellement<br />

définies. La mer est devenue un lieu<br />

privilégié de rencontres, d’échanges et<br />

d’affrontements : dès l’Antiquité, le sort<br />

de grands empires se joue à Salamine,<br />

aux Îles Égates ou à Actium. Au<br />

XVIIIe siècle, la voie maritime permet à<br />

la Grande-Bretagne de devenir le premier<br />

empire colonial et économique au<br />

monde, assurant une suprématie<br />

durable à la langue anglaise. En 2017,<br />

les échanges maritimes ont représenté<br />

80 % du transport mondial.<br />

<strong>BnF</strong> I Richelieu<br />

Salle 70<br />

Entrée libre<br />

1. antiquitebnf.<br />

hypotheses.org<br />

2. histoirebnf.<br />

hypotheses.org<br />

Les trois premières conférences prolongeront<br />

les présentations consacrées en<br />

2016-2017 à Délos et aux îles de la mer<br />

Égée dans le cadre du cycle « Archéologie<br />

de la Grèce ». Elles interrogeront le<br />

positionnement des grands États dans<br />

leur relation à la mer et poseront la<br />

question d’une mondialisation dont les<br />

prémices apparaissent dès l’Antiquité.<br />

Les trois conférences suivantes étudieront<br />

les relations entre de grandes puissances<br />

maritimes ou coloniales à des<br />

époques et dans des théâtres géographiques<br />

bien distincts : la complexité<br />

du jeu vénitien en mer Méditerranée<br />

face à l’expansion ottomane aux XVIe et<br />

XVIIe siècles, l’évolution de l’affrontement<br />

franco-anglais, de la Manche aux<br />

Caraïbes, au XVIIIe siècle, la rivalité qui<br />

oppose Espagnols, Néerlandais et<br />

Anglais entre océan Indien et océan<br />

Pacifique dans la seconde moitié du<br />

XIXe siècle.<br />

Enfin, les dernières conférences de ce<br />

cycle aborderont les relations maritimes<br />

contemporaines dans un contexte géopolitique<br />

profondément renouvelé, à la<br />

fois du fait de bouleversements environnementaux<br />

importants, d’un cadre<br />

juridique instable et de l’émergence de<br />

nouvelles puissances expansionnistes<br />

Ci-dessus<br />

Lafitte de Brassier<br />

et Louis François<br />

Grégoire,<br />

Cartographie des<br />

environs de Macao,<br />

1780<br />

<strong>BnF</strong>, Cartes et plans<br />

Ci-dessous<br />

Diogo Homem<br />

Atlas nautique de<br />

la mer Méditerranée,<br />

de la mer Noire et<br />

de l’océan Atlantique<br />

nord-est, 1559<br />

<strong>BnF</strong>, Cartes et plans<br />

avec les deux exemples de l’océan Arctique<br />

et des mers d’Asie du Sud-Est.<br />

Ce cycle sera l’occasion de mettre en<br />

lumière quelques-unes des riches collections<br />

de la <strong>BnF</strong> en rapport avec la<br />

mer. On trouve bien entendu atlas et<br />

cartes nautiques mais aussi traités de<br />

navigation, collections monétaires,<br />

sources sur la Marine royale de l’Ancien<br />

Régime, récits de voyage, presse<br />

coloniale, archives ethnographiques,<br />

études contemporaines de géostratégie…<br />

En contrepoint des conférences,<br />

différents billets seront publiés en 2019<br />

sur les blogs L’Antiquité à la <strong>BnF</strong> ¹ et<br />

L’Histoire à la <strong>BnF</strong> ², afin d’illustrer<br />

quelques-uns des fonds les plus remarquables<br />

de la Bibliothèque.<br />

Fabien Plazannet<br />

Département Philosophie, histoire,<br />

sciences de l’Homme<br />

Debussy,<br />

l’écho<br />

d’une guerre<br />

Concert<br />

Les inédits de la <strong>BnF</strong><br />

Debussy, l’écho<br />

d’une guerre<br />

Par le Trio Antara<br />

Dans le cadre de l’année Debussy,<br />

le Trio Antara propose une<br />

soirée autour de la Sonate pour<br />

flûte, alto et harpe de Debussy.<br />

Fruit d’un partenariat<br />

entre la fondation Royaumont,<br />

la Médiathèque musicale Mahler<br />

et la <strong>BnF</strong>, ce concert est<br />

l’aboutissement d’un travail<br />

de recherche autour des sources<br />

de la sonate conservées<br />

au département de la Musique.<br />

Outre cette pièce majeure, le programme<br />

donne à entendre une création<br />

en trio autour de Syrinx de Benoît<br />

Sitzia en hommage à Claude Debussy,<br />

la Pièce en concert nº5 de Jean-Philippe<br />

Rameau adaptée par le Trio Antara ou<br />

Homenaje pour Le Tombeau de Debussy<br />

de Manuel de Falla, adapté à la harpe.<br />

Au cours de la soirée, des extraits de la<br />

correspondance de Debussy et du texte<br />

d’Éric Vuillard, La Bataille d’Occident,<br />

seront lus par la comédienne Dominique<br />

Frot. Des photos projetées de<br />

Jean-Marc Volta donneront par ailleurs<br />

à voir, à la surface des eaux, les reflets<br />

de la nature déformés jusqu’à l’abstraction.<br />

La formation flûte, alto et harpe<br />

apparaît pour la première fois en 1915<br />

sous la plume de Claude Debussy. Le<br />

Trio Antara a été créé en 2005. Chacun<br />

de ses concerts est une invitation à suspendre<br />

le temps.<br />

Corine Koch<br />

Délégation à la Communication<br />

Jeudi 18 octobre 2018<br />

18 h 30 – 20 h<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Petit auditorium<br />

Tarif unique : 10 €<br />

g<br />

Allez plus loin<br />

avec Gallica !<br />

Autour de Debussy<br />

Le noyau des collections de<br />

la <strong>BnF</strong> relatives au compositeur<br />

Claude Debussy (1862-1918)<br />

provient de la bibliothèque<br />

du Conservatoire, rattachée<br />

à la Bibliothèque Nationale<br />

en 1935.<br />

En 1924, la Bibliothèque Nationale<br />

reçoit une cinquantaine de manuscrits<br />

autographes du compositeur, donnés<br />

par l’éditeur Jacques Durand. Par<br />

la suite, le département de la Musique<br />

s’est enrichi, sur son site Richelieu-<br />

Louvois comme à la Bibliothèque-musée<br />

de l’Opéra, de très nombreux<br />

manuscrits autographes. Ces esquisses,<br />

particelles, manuscrits de travail,<br />

mises au net et épreuves corrigées<br />

sont entrés par dons (notamment<br />

celui de Madame de Tinan, en 1977)<br />

et par acquisitions (auprès des éditions<br />

Jobert, en 1981, lors de la vente de<br />

la collection Meyer, en 1986…).<br />

François Lesure, qui a dirigé le département<br />

de 1970 à 1988 et consacré<br />

plusieurs ouvrages au compositeur,<br />

a eu un rôle déterminant dans cette<br />

politique d’enrichissements.<br />

Le centenaire Debussy à la <strong>BnF</strong><br />

Claude Debussy est décédé il y a cent<br />

ans. La <strong>BnF</strong> a décidé de s’associer<br />

aux célébrations qui accompagnent<br />

cet anniversaire en coéditant avec<br />

le Centre de documentation Claude<br />

Debussy le fac-similé du manuscrit<br />

autographe du Quatuor 1 du compo siteur.<br />

Elle a également organisé plusieurs<br />

manifestations tout au long de l’année<br />

2018. Lors du second semestre,<br />

outre le concert donné par le Trio Antara,<br />

le documentaire de Marie Guilloux,<br />

Concerto pour Debussy (Schuch<br />

Productions), qui s’appuie sur les<br />

collections de la <strong>BnF</strong>, sera diffusé<br />

le 23 septembre sur Arte. Enfin, la <strong>BnF</strong><br />

prépare un corpus dans Gallica autour<br />

de Claude Debussy. Disponible à la<br />

fin de l’année, il réunira les manuscrits<br />

autographes, la correspondance<br />

et l’iconographie conservés par la<br />

Bibliothèque.<br />

Mathias Auclair<br />

Département de la Musique<br />

En 2014, la <strong>BnF</strong> a encore acquis<br />

une esquisse pour le final de la Sonate<br />

pour violon et piano.<br />

À côté de cette collection unique<br />

au monde de manuscrits autographes<br />

de Debussy, le département de<br />

la Musique détient également<br />

d’importantes collections de correspondances<br />

et de photographies ainsi<br />

que de l’iconographie (maquettes<br />

de décors et de costumes, photographies,<br />

affiches…) relative aux<br />

œuvres scéniques du compositeur :<br />

l’opéra Pelléas et Mélisande (1902),<br />

les ballets Le Martyre de saint<br />

Sébastien (1911), L’Après-midi<br />

d’un faune (1912), Jeux (1912), La Boîte<br />

à joujoux (1913)…<br />

Si le département de la Musique<br />

concentre la plupart des sources<br />

conservées sur Debussy à la<br />

<strong>BnF</strong>, d’autres départements (Arts<br />

du spectacle, Audiovisuel,<br />

Arsenal, Manuscrits, Estampes…)<br />

peuvent se prévaloir également<br />

de collections importantes<br />

sur le compositeur.<br />

1. Claude Debussy,<br />

Quatuor, préface<br />

de Pierre Boulez, Paris,<br />

<strong>BnF</strong> éditions, 2018.<br />

Ci-dessus<br />

Paul Nadar<br />

Portrait de Claude<br />

Debussy, 1905.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie


20 AUDITORIUMS COLLOQUE DROIT(S) ET APPARENCE VESTIMENTAIRE CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

AUDITORIUMS JOURNÉE D’ÉTUDE ETHNOLOGIE FRANÇAISE I HACKATHON<br />

21<br />

« Ordonnance du roy, portant<br />

tres-expresses inhibitions et defences<br />

à toutes sortes de personnes de<br />

quelques qualité ou condition qu’ils<br />

soient, de faire porter ny vestir<br />

doresnavant aucuns de leurs pages,<br />

laquais, estafiers, carossiers ny<br />

autre quelconques gens de suite<br />

de livrées d’incarnat, blanc et bleu,<br />

à peine de punition corporelle,<br />

et de trois cens livres d’amende. »<br />

Ordonnance du roi, 25 septembre 1624.<br />

À Paris par Pierre Mettayer,<br />

imprimeur et libraire ordinaire du roi.<br />

À gauche<br />

Ordonnance<br />

[interdisant le port<br />

de la livrée bleue,<br />

réservée aux<br />

domestiques du Roi]<br />

de Louis XIV, 1703.<br />

<strong>BnF</strong>, Droit,<br />

économie et politique<br />

Ci-dessous<br />

Portrait de dame en<br />

pied tenant une fleur<br />

et costumée à la<br />

mode du XV e siècle.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

Naissance de<br />

l’ethnologie française<br />

Colloque<br />

Valoriser les archives<br />

des ethnologues.<br />

Usages contemporains<br />

des collections<br />

Jeudi 4 octobre 2018<br />

9 h 30 – 18 h<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Petit auditorium<br />

Vendredi 5 octobre<br />

2018<br />

9 h 30 – 18 h<br />

Université Paris-Nanterre,<br />

maison Max-Weber<br />

Hackathon 3 e<br />

Hackathon de la <strong>BnF</strong><br />

Samedi 24<br />

et dimanche 25<br />

novembre 2018<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Samedi 24 novembre<br />

14 h : lancement<br />

du hackathon<br />

15 h – 18 h :<br />

conférences et ateliers<br />

Dimanche<br />

25 novembre<br />

14 h : fin du hackathon<br />

Droit(s) et apparence<br />

vestimentaire<br />

Colloque<br />

« Droit(s) et<br />

apparence<br />

vestimentaire »<br />

Vendredi 9 novembre<br />

2018<br />

9 h 30 – 18 h 30<br />

<strong>BnF</strong> I François-Mitterrand<br />

Petit auditorium<br />

La <strong>BnF</strong>, l’université Paris-13¹<br />

et l’université d’Orléans² avec<br />

le soutien du LabEx ICCA,<br />

s’associent à nouveau pour<br />

organiser un colloque de droit<br />

en lien avec une thématique<br />

originale. Après Droit(s) et street<br />

art en 2016, Droit(s) et gastronomie<br />

en 2017, ce sont des droit(s)<br />

et de l’apparence vestimentaire<br />

dont il est question cette année.<br />

Enjeu de patrimoine, de création, de<br />

société ou de pouvoir, l’apparence vestimentaire,<br />

transgressive ou normative,<br />

est toujours chargée de sens et synonyme<br />

de dit et de non-dit. Elle constitue<br />

pour l’histoire, la sociologie, l’anthropologie<br />

et l’ethnologie un matériau<br />

important. Pour la littérature et l’art en<br />

général, elle représente une source<br />

d’inspiration inestimable. Le droit,<br />

quant à lui, s’est emparé du sujet depuis<br />

des siècles. En effet, l’apparence vestimentaire<br />

peut susciter le trouble dès<br />

lors qu’elle échappe aux codes sociaux<br />

ou à la norme ; à l’inverse, elle permet<br />

d’extérioriser une obligation, une tendance,<br />

une appartenance, un statut, une<br />

catégorie, une profession.<br />

La problématique est ici traitée dans<br />

une approche pluridisciplinaire sous<br />

ses angles esthétiques, sociétaux, politiques<br />

et religieux, ce qui permet de<br />

contextualiser au mieux la réflexion et<br />

fait tout le sel de ce colloque, particulièrement<br />

pour les juristes. Les collections<br />

de la <strong>BnF</strong> sont riches de gravures<br />

et d’estampes qui représentent tour à<br />

tour le vêtement, le costume, la tenue,<br />

l’uniforme. Quant aux collections patrimoniales<br />

de droit (dont 70 000 factums<br />

et 50 000 actes royaux issus de<br />

la collection Morel de Thoisy), elles<br />

contiennent de nombreuses ordonnances<br />

qui révèlent qu’en fonction des<br />

époques, le port de certains vêtements<br />

ou de certaines couleurs est imposé ou<br />

interdit. En témoignent les factums de<br />

procès concernant la façon de se vêtir,<br />

règlementaire ou non, décente ou indécente,<br />

des justiciables.<br />

Catherine Aurérin<br />

Département Droit, économie, politique<br />

1. Dans le cadre des travaux de l’Institut<br />

de recherche pour un droit attractif.<br />

2. Dans le cadre des travaux du<br />

Centre de recherche juridique Pothier.<br />

La <strong>BnF</strong> accueille, le 4 octobre,<br />

la première journée du colloque<br />

« Valoriser les archives des<br />

ethnologues. Usages contemporains<br />

des collections » organisé<br />

en coopération avec le LabEx<br />

Les passés dans le présent<br />

de l’université Paris-Nanterre.<br />

Réfléchir aux nouvelles opportunités<br />

qu’apporte à la recherche la mise en<br />

ligne des sources ethnographiques, tel<br />

est l’objet de ce colloque. Cette<br />

réflexion découle de la création du portail<br />

À la naissance de l’ethnologie française<br />

qui comprend divers documents<br />

numérisés : archives, photographies,<br />

articles de presse, etc., issus des premières<br />

missions ethnographiques françaises<br />

en Afrique subsaharienne dans<br />

les années 1930.<br />

Partenaire du projet, la <strong>BnF</strong> présente<br />

Ethnologie française, le corpus Gallica<br />

réalisé à cette occasion. Ce dernier<br />

regroupe différents types de documents<br />

conservés à la Bibliothèque et disponibles<br />

sur Gallica, des documents liés<br />

aux missions ethnographiques évoquées<br />

plus haut. On abordera également<br />

d’autres exemples de sites web valorisant<br />

des collections ethnologiques de<br />

différentes natures.<br />

La numérisation des sources induit une<br />

réflexion globale sur l’évolution de la<br />

recherche et de la valorisation. Les<br />

actions traditionnelles dans des revues<br />

scientifiques comme Gradhiva, l’usage<br />

des archives ethnographiques dans<br />

l’édition critique de sources ou les expositions<br />

sont toujours d’actualité. On<br />

pense par exemple au succès de l’exposition<br />

Jean Rouch. L’Homme-cinéma.<br />

Cependant, ces actions sont concurrencées<br />

par de nouvelles pratiques épistémologiques.<br />

Ainsi les techniques de<br />

fouilles de données (data mining) que<br />

permet la numérisation, mais aussi la<br />

mise en ligne des sources et l’agrégation<br />

des outils technologiques ont de<br />

nouveaux effets cognitifs sur la<br />

recherche. De même, des artistes s’approprient<br />

les documents mis à leur disposition<br />

et s’en inspirent pour créer et<br />

interroger le passé. Ce colloque permettra<br />

donc de faire le point sur cette<br />

transformation des usages.<br />

Caroline Tourette<br />

Direction des Collections<br />

Pour la 3e année consécutive,<br />

la <strong>BnF</strong> invite ses usagers à<br />

24 heures de hackathon dans<br />

le cadre de la semaine de<br />

l’innovation publique. Le thème<br />

de cette année ? La jeunesse.<br />

Lors du week-end des 24 et 25<br />

novembre, le hall des Globes se transforme<br />

en incubateur pour accueillir cent<br />

hackathoniens. L’idée ? Créer des services<br />

et des usages à partir des différentes<br />

banques de données de la Bibliothèque<br />

mais aussi enrichir les services<br />

existants. Côté pratique, des agents de<br />

la <strong>BnF</strong> seront là pour guider et accompagner<br />

les participants.<br />

Cette 3e édition du hackathon s’inscrit<br />

comme le point d’orgue d’une année<br />

de développement des données ouvertes<br />

à la <strong>BnF</strong> : Gallica marque blanche qui<br />

permet de mutualiser les développements<br />

réalisés pour Gallica – la bibliothèque<br />

numérique de la <strong>BnF</strong> – , l’archive<br />

ouverte pluridisciplinaire HAL,<br />

ou encore Gallica studio, véritable boîte<br />

à outils qui accueille les réalisations des<br />

gallicanautes.<br />

Des activités ludiques et participatives<br />

seront également proposées au public<br />

non-hackathonien : ateliers d’initiation<br />

numérique pour les familles, ateliers à<br />

destination des chercheurs qui souhaiteraient<br />

enrichir leurs compétences sur<br />

le plan numérique, ateliers de démonstration<br />

de l’offre <strong>BnF</strong> en matière de<br />

médiation numérique (livres enrichis,<br />

applications…).<br />

Corine Koch<br />

Délégation à la Communication


22 VIE DE LA BNF LES AFFICHES DU OFF CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

VIE DE LA BNF EMMANUEL CARRÈRE 23<br />

La passion de l’enquête<br />

Emmanuel<br />

Carrère<br />

Best off<br />

La bibliothèque de la Maison<br />

Jean-Vilar, antenne<br />

du département des Arts<br />

du spectacle à Avignon, a organisé<br />

la 6e édition du concours des<br />

plus belles affiches du festival OFF.<br />

Un jury composé de personnalités venant<br />

d’horizons divers a sélectionné<br />

vingt-cinq des plus belles affiches. Le<br />

prix de l’affiche du public, organisé pour<br />

la première fois via le site lafficheduoff.fr<br />

a été attribué à l’affiche Marre Mots (en<br />

bas, à droite). Depuis l’ouverture de la<br />

Maison Jean-Vilar à Avignon en 1979,<br />

c’est ici que la <strong>BnF</strong> collecte et conserve<br />

et conserve la mémoire du festival.<br />

Artistes de gauche à droite<br />

et de bas en haut<br />

Marion Cochat, Line Villeneuve, Juliette Baigné,<br />

Charlotte Christiaën, François Damville, Éva<br />

Grüber-Lloret, Marion Bigorgne, Saluces Design,<br />

Serguei Maïdoukov, Laurane Perche, Pierre Jeanneau,<br />

Céleste Bollack, Narguess Majd, Claude Boujon,<br />

Thierry Girard, Florent Barret- Boisbertand, Rebecca<br />

Dautremer, Laurent Moreau et GS Éveil artistique des<br />

jeunes publics, Louise Duneton, Cédric Cartaut, Julie<br />

Pied-Noir, Patrice Junius, Étieve Marc, Adelina<br />

Kulmakhanova et Jacek Wozniak, Oliver Brandicourt,<br />

Geneviève Gleize et Odile Guichard.<br />

Pour cela, elle invite chaque compagnie<br />

et théâtre du OFF à donner programmes,<br />

affiches, dossiers de presse,<br />

tracts, ainsi que toute autre trace témoignant<br />

de leurs activités – captations<br />

vidéos, photographies… Les spectacles<br />

du OFF, répertoriés dans le catalogue<br />

de la <strong>BnF</strong>, entrent ainsi dans le patrimoine<br />

national.<br />

Lenka Bokova, Bibliothèque de la Maison Jean-Vilar<br />

Ci-dessus<br />

Les 24 affiches lauréates<br />

du concours des plus<br />

belles affiches du OFF<br />

et l’affiche lauréate<br />

du prix du public.<br />

Le prix de la <strong>BnF</strong>¹ 2018 a été<br />

décerné à Emmanuel Carrère.<br />

L’écrivain, également journaliste,<br />

scénariste et cinéaste, a construit<br />

depuis quarante ans une œuvre<br />

singulière, de la fiction à l’écriture<br />

du réel. Dans cette œuvre portée<br />

par la passion de l’enquête,<br />

la trame entrecroise le récit<br />

de soi à celui de la vie des autres.<br />

Entretien.<br />

<strong>Chroniques</strong> : Qu’est-ce qu’un bon sujet ?<br />

Emmanuel Carrère : Tout ce que je<br />

sais, c’est que cela demande une rencontre<br />

entre quelque chose qui vous<br />

est extérieur, et même souvent éloigné,<br />

et un écho intérieur fort. Quand<br />

se combinent les deux, et que se crée<br />

cette conviction magique que l’on est<br />

la personne au monde qui peut le traiter,<br />

voilà, on a le sujet. Même si c’est<br />

un peu absurde et emphatique, il faut<br />

croire à quelque chose comme ça pour<br />

soulever cette montagne qu’est l’écriture<br />

d’un livre. Il y a une notion de<br />

droit que je trouve très juste : c’est<br />

celle de l’intérêt pour agir. Si vous<br />

constatez une injustice, vous pouvez<br />

la dénoncer dans une tribune mais<br />

vous ne pouvez agir en justice que si<br />

vous pouvez démontrer que cette<br />

injustice vous lèse personnellement.<br />

Je pense que pour écrire un livre, il<br />

faut à la fois un sentiment d’être utile<br />

au sens général mais aussi cet intérêt<br />

pour agir qui est personnel.<br />

C. : Vos livres récents mêlent le récit,<br />

l’enquête et une part autobiographique.<br />

Comment est venu l’emploi de la première<br />

personne, qui apparaît dans L’Adversaire,<br />

le livre que vous avez consacré à l’affaire<br />

Jean-Claude Romand ?<br />

E. C. : J’ai fini par me résoudre à utiliser<br />

le « je » à partir du moment où j’ai<br />

commencé à écrire des livres qui comportaient<br />

une dimension documentaire.<br />

Quand vous écrivez des livres de fiction,<br />

vous pouvez facilement écrire à la troisième<br />

personne en disant : « Madame<br />

Bovary pense ceci. » Mais si vous écrivez<br />

sur une personne réelle, vous n’avez<br />

pas accès à sa conscience. Donc vous<br />

ne pouvez parler qu’en votre nom<br />

propre.<br />

C. : Quelles ont été vos lectures fondatrices ?<br />

E. C. : J’ai beaucoup lu les grands<br />

auteurs classiques français et russes, les<br />

anglo-saxons… Du côté d’une littérature<br />

moins « noble », j’ai toujours eu un<br />

goût très vif pour le fantastique. Je suis<br />

une sorte d’encyclopédie vivante de<br />

À lire aux éditions<br />

P.O.L<br />

Le Royaume, 2014<br />

Limonov, 2011<br />

D’autres vies que la<br />

mienne, 2009<br />

Un roman russe, 2007<br />

L’Adversaire, 2000<br />

Version intégrale<br />

de l’entretien dans<br />

<strong>Chroniques</strong> en ligne.<br />

1. Ce prix, dont<br />

c’est la dixième édition,<br />

est doté d’un montant<br />

de 10 000 euros grâce<br />

à l’initiative de<br />

Jean-Claude Meyer,<br />

président du<br />

Cercle de la <strong>BnF</strong>.<br />

cette littérature… Il est difficile de trouver<br />

une nouvelle des années 1950 que<br />

je n’aie pas lue !<br />

C. : Et aujourd’hui, que lisez-vous ?<br />

E. C. : Je lis plus de poésie qu’auparavant<br />

et aussi beaucoup de livres de l’ordre du<br />

reportage. Je travaille actuellement à un<br />

projet de film d’après un très bon livre<br />

de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham.<br />

Il s’agit d’une sorte de reportage<br />

en immersion dans le monde du travail<br />

précaire. À partir de là, je me suis intéressé<br />

à des livres de reportage dans un<br />

univers social qui était étranger a priori<br />

à celui de l’auteur : par exemple Le Peuple<br />

de l’abîme (1902) de Jack London sur la<br />

population très pauvre de Londres et<br />

aussi un livre extraordinaire de George<br />

Orwell intitulé Le Quai de Wigan (1937)<br />

sur la condition ouvrière dans l’Angleterre<br />

des années 1930. J’ai été tellement<br />

impressionné par ce texte que je me suis<br />

mis à lire l’œuvre d’Orwell de façon systématique.<br />

C. : Un souvenir de la <strong>BnF</strong> ?<br />

E. C. : J’ai surtout fréquenté la salle<br />

Labrouste rue de Richelieu, quand<br />

j’avais entre 20 et 30 ans. J’y ai beaucoup<br />

travaillé pour l’un de mes premiers<br />

livres, Le Détroit de Behring, un<br />

essai qui traitait de l’uchronie : qu’est<br />

ce qui serait arrivé si les choses s’étaient<br />

passées autrement, si Napoléon avait<br />

gagné à Waterloo, par exemple. J’ai<br />

passé beaucoup de temps à la BN à lire<br />

des livres qu’on ne trouvait pas ailleurs<br />

et j’ai le souvenir d’heures très heureuses<br />

occupées à lire sous ces lampes<br />

d’opaline verte.<br />

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki<br />

Délégation à la Communication


24 VIE DE LA BNF SOUSCRIPTION RICHELIEU CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

20 ANS DE GALLICA MAYLIS DE KERANGAL<br />

25<br />

Participez à La<br />

renaissance de Richelieu !<br />

La rénovation du site Richelieu,<br />

berceau historique de la <strong>BnF</strong><br />

et l’un des symboles forts du<br />

patrimoine français, se poursuit,<br />

après une première phase qui<br />

s’est achevée en 2017. L’appel aux<br />

dons lancé en septembre 2016<br />

pour soutenir la restauration a été<br />

largement entendu ; mais la <strong>BnF</strong><br />

a encore besoin de votre soutien.<br />

Le public a répondu présent à l’appel<br />

aux dons lancé pour la seconde phase<br />

des travaux qui redonneront une vie<br />

nouvelle aux espaces de Richelieu.<br />

La souscription publique porte sur<br />

deux espaces emblématiques : la salle<br />

ovale et le salon Louis XV. Construite<br />

à partir de 1897, inaugurée en 1936, la<br />

salle ovale demeure l’une des plus belles<br />

salles de lecture du monde. Ses<br />

mosaïques, dorures, peintures décoratives,<br />

murs de livres et son immense<br />

verrière à 18 mètres de hauteur lui<br />

valent le surnom de « paradis ovale ». À<br />

l’issue des travaux en 2021, elle retrouvera<br />

sa vocation première de lieu public<br />

– une bibliothèque ouverte à tous au<br />

cœur du saint des saints de la recherche !<br />

Le salon Louis XV, dit aussi Cabinet<br />

du roi, aménagé au XVIIIe siècle pour<br />

accueillir la collection royale de monnaies<br />

et médailles, nécessite d’importants<br />

travaux pour retrouver l’éclat<br />

d’origine de ses décors peints par trois<br />

grands maîtres, François Boucher,<br />

Charles Natoire et Carle Van Loo.<br />

Autre lieu emblématique, la galerie<br />

Mazarine, décorée par de grands<br />

artistes du xVIIe siècle, est un chefd’œuvre<br />

de l’Italie baroque au cœur<br />

de Paris. Conçue par le cardinal<br />

Mazarin comme un écrin pour ses collections<br />

de peintures et de sculptures,<br />

elle deviendra en 2021 un espace d’exposition<br />

ouvert à tous, une véritable<br />

« galerie des trésors » puisés dans les<br />

collections de la <strong>BnF</strong>, la pièce maîtresse<br />

d’un nouveau musée. C’est pour la restauration<br />

de cet espace exceptionnel<br />

que nous vous invitons à vous mobiliser<br />

aujourd’hui.<br />

Depuis 2016, un million d’euros a déjà<br />

été récolté auprès du grand public pour<br />

la rénovation de Richelieu. Il reste<br />

encore 600 000 euros à réunir pour<br />

atteindre l’objectif de collecte. Chaque<br />

don est précieux : votre générosité est<br />

notre force.<br />

Kara Lennon Casanova, délégation au Mécénat<br />

Participez à la<br />

restauration<br />

de la galerie Mazarine<br />

Faites un don<br />

Sur bnf.fr<br />

ou par chèque<br />

Délégation au Mécénat<br />

Quai François Mauriac<br />

75 013 Paris<br />

01 53 79 48 51<br />

richelieu@bnf.fr<br />

Ci-dessus<br />

La galerie Mazarine<br />

À droite<br />

Détail de la fresque<br />

du plafond,<br />

comportant les<br />

marques des tests<br />

effectués pour<br />

la restauration<br />

La galerie Mazarine,<br />

un enjeu crucial<br />

de restauration<br />

Construite par François Mansart<br />

entre 1644 et 1646, la galerie Mazarine<br />

est l’un des rares exemples de galerie<br />

palatine en France, à l’instar de la<br />

galerie d’Apollon au Louvre ou de<br />

la galerie La Vrillière dans l’enceinte<br />

de la Banque de France. Le cardinal<br />

Mazarin en confia la décoration à<br />

Giovanni Francesco Romanelli, élève<br />

de Pierre Cortone, et à Gian Francesco<br />

Grimaldi. Décoré dans le plus pur<br />

style baroque, le plafond peint de la<br />

galerie est l’un des joyaux du site.<br />

À la demande du cardinal, le peintre<br />

s’est inspiré des Métamorphoses<br />

d’Ovide et de sujets mythologiques<br />

et héroïques et a réalisé un vaste<br />

cycle de fresques. La voûte, d’une<br />

surface de 280 m 2 , est en mauvais<br />

état : de nombreuses fissures<br />

sont apparues, des tâches sombres<br />

dues aux infiltrations d’eau et aux<br />

repeints marquent l’œuvre, devenue<br />

opaque. L’aspect des dorures des<br />

moulures du plafond est empâté et<br />

rugueux. Un premier chantier-test<br />

a permis de déterminer quels procédés<br />

seront utilisés pour restaurer<br />

les décors de la galerie, qui deviendra<br />

l’un des plus beaux espaces<br />

du nouveau musée de la <strong>BnF</strong>.<br />

Sur la piste<br />

de l’imbricata<br />

À l’occasion des 20 ans de Gallica,<br />

l’écrivaine Maylis de Kerangal<br />

nous fait partager son expérience<br />

de la recherche documentaire<br />

dans les collections numérisées<br />

de la <strong>BnF</strong> et éclaire le rôle de<br />

la documentation dans sa création<br />

littéraire.<br />

C’est une tortue, une Eretmochelys imbricata,<br />

qui m’a conduite à ouvrir sur Gallica<br />

Le Premier Voyage autour du monde<br />

par le chevalier Pigafetta. Dans le<br />

roman auquel je travaillais alors, l’héroïne,<br />

Paula Karst, étudiante dans une<br />

école de peinture en décor, apprend les<br />

techniques du trompe-l’œil et choisit<br />

de peindre pour son diplôme un panneau<br />

d’écaille de tortue.<br />

Antonio Pigafetta, je l’avais croisé étudiante<br />

alors que je travaillais en histoire<br />

sur des cosmographies du XVIe siècle.<br />

Mais c’est en pistant l’écaille de l’Eretmochelys<br />

imbricata, et apprenant qu’elle<br />

avait été introduite en Europe par les<br />

navigateurs portugais à leur retour<br />

d’Asie – les Chinois, par exemple, l’utilisent<br />

dès le VIIIe siècle pour confectionner<br />

des objets précieux – que je l’ai<br />

retrouvé, lui et son extraordinaire journal<br />

de bord converti en carnet de terrain<br />

une fois touché terre, document où<br />

il relève, décrit, dénombre, dresse l’inventaire<br />

de ces nouveaux endroits du<br />

monde. Le mouvement de ma recherche<br />

s’enclenche donc ainsi : navigateurs portugais,<br />

Magellan, Pigafetta et j’atteins<br />

directement Gallica, la monographie<br />

imprimée, traduite par Henrik Jansen<br />

dans une édition de 1800-1801.<br />

Une double hélice<br />

Livre après livre, j’explore le lien entre<br />

documentation et imagination, la<br />

manière dont l’enquête documentaire<br />

joue dans l’écriture de fiction. Ou comment<br />

la recherche concourt à créer<br />

l’imaginaire du texte, tandis qu’en<br />

retour l’écriture du roman constitue le<br />

document en source poétique – j’envisage<br />

cette double hélice comme le<br />

moteur interne de mon écriture. Progressivement,<br />

j’ai entrepris de tisser la<br />

démarche documentaire dans le cours<br />

même de la narration, de les synchroniser<br />

l’une l’autre, méthode qui permet<br />

de conserver la teneur organique de<br />

l’écriture, d’éviter que les informations<br />

amassées soient réduites à un stock de<br />

données dont la fiction serait le « traitement<br />

», que le roman soit ainsi piloté<br />

de l’extérieur.<br />

Master classe littéraire<br />

de Maylis de Kerangal<br />

à retrouver en ligne<br />

sur bnf.fr, onglet<br />

Événements et culture,<br />

revoir les conférences<br />

Dernier ouvrage<br />

paru : Un monde à portée<br />

de main, Gallimard,<br />

collection « Verticales »,<br />

2018<br />

Moissonner les images<br />

Donc Pigafetta. Je fais défiler le volume,<br />

je me promène, je cherche les tortues.<br />

Ce faisant, je moissonne les images du<br />

voyage, sa durée interminable, la faim<br />

et la soif, les tensions à bord du navire.<br />

Une digression s’opère, des associations<br />

d’idées se forment, je construis peu à<br />

peu le hors-champ d’une scène de mon<br />

texte. Bientôt, dans l’onglet qui permet<br />

de préciser ma recherche, je saisis<br />

« tortue » et les voici qui surgissent,<br />

à la page 154 de l’imprimé : « Nous en<br />

prîmes deux, dont la chair seule de<br />

l’une pesait vingt-six livres, et celle de<br />

l’autre quarante-quatre livres. » Je les<br />

visualise alors, les yeux fixes, la carapace<br />

ruisselante, et j’agence les images :<br />

« Elle [Paula Karst] appelle lentement<br />

les deux tortues géantes pêchées le long<br />

des côtes de Bornéo vers 1521 et dont<br />

les chairs seules pesaient vingt-six et<br />

quarante-quatre livres – Paula a compulsé<br />

la chronique de Pigafetta, lu le<br />

récit de la traversée du Pacifique, l’angoisse<br />

de l’océan, les jours qui s’accumulent,<br />

l’eau et les vivres qui manquent,<br />

les souris qui se vendent trente ducats,<br />

les rats qui pissent sur le biscuit, le cuir<br />

et les copeaux de bois bouillis en guise<br />

de soupe, le scorbut et le béribéri, les<br />

premiers contacts avec les autochtones,<br />

les ambassades méfiantes et les salamalecs,<br />

les perles des rois indigènes grosses<br />

comme des œufs de poule, les embuscades<br />

sagaies contre arquebuses, Magellan<br />

tué par une flèche empoisonnée<br />

dans la baie de Mactan. »<br />

Pigafetta infuse, son Voyage résonne :<br />

l’enquête documentaire jouant ici pleinement<br />

dans la fabrique du récit, dans<br />

sa machinerie.<br />

Maylis de Kerangal


26 COLLECTIONS PHILIPPE FÉNELON I AMOS GITAÏ<br />

CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

COLLECTIONS IZIS BIDERMANAS<br />

27<br />

PHILIPPE FÉNELON<br />

Paris vue par<br />

Izis<br />

Bidermanas<br />

Philippe Fénelon est le compositeur<br />

vivant le plus joué à l’Opéra<br />

de Paris : cinq de ses œuvres<br />

ont été commandées, créées<br />

ou reprises par ce théâtre.<br />

Il a donné l’ensemble de ses<br />

manuscrits musicaux à la <strong>BnF</strong>.<br />

Né en 1952, Philippe Fénelon obtient<br />

son prix de composition du Conservatoire<br />

de Paris dans la classe d’Olivier<br />

Messiaen en 1977. Il reçoit ensuite plusieurs<br />

commandes d’État, notamment<br />

Dans l’ombre du ciel, op. 29, créé en 1978<br />

pour le 70e anniversaire d’Olivier Messiaen.<br />

En 1980, il reçoit le prix Stock–<br />

hausen pour son œuvre pour piano, Épilogue<br />

op. 32. Pensionnaire à la Casa de<br />

Vélasquez de 1981 à 19<strong>83</strong>, il est ensuite<br />

récompensé à de nombreuses occasions<br />

: prix Georges Wildenstein (19<strong>83</strong>),<br />

prix Villa Médicis hors les murs (1991),<br />

prix Musique de la SACD (2004),<br />

grand prix de la musique symphonique<br />

décernée par la SACEM (2007)…<br />

Compositeur de plus de cent œuvres<br />

dans tous les genres musicaux, Philippe<br />

Fénelon montre un intérêt particulier<br />

pour les relations entre littérature, peinture<br />

et musique mais aussi pour la dramaturgie<br />

; il compose ainsi pour la scène<br />

lyrique Le Chevalier imaginaire, d’après<br />

AMOS GITAÏ À LA BNF<br />

Le cinéaste Amos Gitaï a fait<br />

don à la <strong>BnF</strong> des archives<br />

liées à son travail sur l’assassinat<br />

de Yitzhak Rabin en 1995¹.<br />

Dans le documentaire Give Peace a<br />

Chance (1994), Amos Gitaï suit les négociations<br />

de paix entre Israéliens et<br />

Palestiniens au moment des accords<br />

d’Oslo. Trois semaines après l’assassinat<br />

du Premier ministre israélien le<br />

4 novembre 1995, il revient sur les traces<br />

de l’événement avec The Arena of Murder.<br />

Et, vingt ans plus tard, il tourne une fiction<br />

: Rabin, The Last Day. Il prolonge<br />

cette œuvre cinématographique par une<br />

exposition, Chronicle of an Assassination<br />

Foretold, présentée notamment à la<br />

Collection Lambert à Avignon, lors de<br />

l’édition 2016 du festival. Elle trouve alors<br />

un écho dans la cour d’honneur du Palais<br />

des papes avec la performance Yitzhak<br />

Rabin : chronique d’un meurtre annoncé 2.<br />

Ce fonds exceptionnel rassemble des<br />

documents sous forme papier – scénarios,<br />

notes, photographies, presse<br />

– mais aussi une documentation<br />

numérique inédite. C’est ainsi que se<br />

constitue aujourd’hui la mémoire du<br />

cinéma, à travers les correspondances<br />

électroniques, les images et les textes<br />

numériques et surtout les archives filmiques<br />

numériques qui donnent à voir<br />

comme jamais auparavant la genèse<br />

d’un film. La possibilité d’explorer<br />

une telle archive est d’autant plus<br />

importante dans le cas d’Amos Gitaï<br />

et du projet Rabin que l’événement<br />

historique et ses traces sont au cœur<br />

du processus.<br />

Un partenariat de recherche a d’ailleurs<br />

été conclu entre la <strong>BnF</strong> et l’université<br />

de Stanford sur les archives<br />

du cinéaste.<br />

Joël Huthwohl<br />

Département des Arts du spectacle<br />

Ci-dessous<br />

Philippe Fénelon,<br />

Omaggio (a Tiepolo),<br />

manuscrit autographe,<br />

1990.<br />

<strong>BnF</strong>, Musique<br />

Ci-contre<br />

Le cinéaste israélien<br />

Amos Gitaï<br />

1. Une exposition<br />

sur le sujet est prévue<br />

à la <strong>BnF</strong> en 2020.<br />

2. Reprise à la<br />

Philharmonie<br />

de Paris cet automne.<br />

Cervantès (1992) ; Les Rois, d’après<br />

Cortázar (2004) ; Salammbô, d’après<br />

Flaubert (1998) ; Faust, d’après Lenau<br />

(2007) ; Judith, d’après Hebbel (2008) ;<br />

La Cerisaie, d’après Tchekhov (2010) ;<br />

JJR, citoyen de Genève (2012), Flaubert<br />

et Voltaire (2014). Philippe Fénelon a<br />

par ailleurs écrit plusieurs livres sur son<br />

métier de compositeur. Il est également<br />

réalisateur de films.<br />

Le fonds donné à la <strong>BnF</strong> comprend l’ensemble<br />

des manuscrits autographes des<br />

œuvres du compositeur. Il réunit de<br />

nombreux états préparatoires manuscrits,<br />

des épreuves corrigées ainsi que<br />

des archives et de la documentation.<br />

En faisant ce don, Philippe Fénelon<br />

marque une nouvelle étape dans les<br />

relations de la <strong>BnF</strong> avec la création<br />

musicale de son temps : après Michèle<br />

Reverdy, il est le deuxième compositeur<br />

vivant à confier généreusement<br />

l’ensemble de ses manuscrits musicaux<br />

à la Bibliothèque.<br />

Mathias Auclair<br />

Département de la Musique<br />

La <strong>BnF</strong> a récemment acquis<br />

un ensemble exceptionnel<br />

de photographies originales<br />

d’Izis sur Paris.<br />

Un ensemble historique – et en partie<br />

inédit – de soixante-dix neuf photographies<br />

originales d’Israël Bidermanas, dit<br />

Izis (1911-1980), a rejoint les collections<br />

du département des Estampes et de la<br />

photographie. En 1946, ces épreuves ont<br />

servi à composer la première exposition<br />

parisienne de l’artiste lituanien. Présentée<br />

galerie La Boétie, Paris vue par Izis<br />

Bidermanas est entièrement conçue par<br />

lui, comme un hommage à sa ville rêvée.<br />

Imprégné de références picturales,<br />

notamment impressionnistes, le photographe<br />

y fait la part belle aux paysages<br />

et à la Seine, véritable fil de sa flânerie<br />

poétique. Les tirages de l’exposition<br />

témoignent aussi de ses influences littéraires.<br />

Montés sur carton, ils ont pour<br />

singularité d’être accompagnés de textes<br />

autographes d’une trentaine d’écrivains<br />

de l’époque : à la demande d’Izis, leur<br />

portraitiste et ami, Paul Éluard, Francis<br />

Carco, Elsa Triolet, Francis Ponge,<br />

Lise Deharme ou encore Robert Giraud<br />

ont tracé à l’encre les « interprétations<br />

poétiques » des images de leur choix. En<br />

1950, Izis édite vingt-cinq de ces « photo-poèmes<br />

» dans son ouvrage Paris des<br />

rêves. Après le succès de l’exposition, le<br />

bel album en héliogravure connaît une<br />

immense popularité. S’il fait la notoriété<br />

du photographe (exposé au MoMA<br />

à New York en 1951), il marque aussi<br />

l’histoire du livre de photographie : celleci<br />

n’y est plus la simple illustration ou<br />

le double indifférent du texte mais sa<br />

source même d’inspiration. Un pas vers<br />

une complicité d’auteurs incarnée dès<br />

1951 par le duo Izis / Jacques Prévert et<br />

ses célèbres albums Grand bal du printemps<br />

et Charmes de Londres.<br />

Dominique Versavel<br />

Département des Estampes et de la photographie<br />

Ci-contre<br />

Izis (photographie) et Paul Éluard (texte),<br />

« Paris a froid... », tirage argentique original monté<br />

sur carton avec texte autographe d’époque, vers 1946,<br />

<strong>BnF</strong> l Estampes et photographie


28 COLLECTIONS LITTÉRATURE JEUNESSE<br />

CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

COLLECTIONS PRIX NIÉPCE<br />

29<br />

Dix ans<br />

de littérature<br />

jeunesse à la <strong>BnF</strong><br />

Nous le savons, la littérature<br />

jeunesse est en quête de<br />

reconnaissance. Comment<br />

la <strong>BnF</strong> prend-elle part à ce<br />

combat ? Laurence Engel,<br />

présidente de la <strong>BnF</strong>, répond<br />

aux questions de Jacques<br />

Vidal-Naquet, directeur du<br />

Centre national de littérature<br />

pour la jeunesse (CNLJ)<br />

qui a intégré la Bibliothèque<br />

il y a dix ans.<br />

Ci-dessus<br />

La page d’accueil du<br />

nouveau site du CNLJ<br />

Ci-dessous<br />

La Revue des<br />

livres pour enfants,<br />

juin 2018<br />

NB : Nous reprenons ici<br />

un extrait d’un entretien<br />

publié dans La Revue<br />

des livres pour enfants<br />

(n o 300, avril 2018).<br />

Sa version complète<br />

est consultable sur<br />

<strong>Chroniques</strong> en ligne.<br />

Jacques Vidal-Naquet : Les Assises<br />

de la littérature pour la jeunesse [qui ont<br />

eu lieu le 2 octobre 2017] ont réaffirmé<br />

la nécessité de reconnaître la littérature<br />

de jeunesse comme une littérature à part<br />

entière. Quelle peut être l’action de la<br />

<strong>BnF</strong> pour aider à cette reconnaissance ?<br />

Laurence Engel : La littérature jeunesse<br />

est en effet une littérature à part<br />

entière, dont la force est évidente : la<br />

créativité des formats, des écritures, des<br />

supports éditoriaux, le lien avec l’illustration,<br />

sont là, spectaculaires ! Le fait<br />

que La Joie par les livres ait intégré la<br />

<strong>BnF</strong> il y a dix ans, et la création qui<br />

s’est ensuivie du CNLJ, doivent être à<br />

ce titre considérés comme le signe<br />

d’une reconnaissance de la littérature<br />

jeunesse à l’égal de la littérature en<br />

général. Cette égalité de traitement,<br />

cette égale prise en compte, c’est sans<br />

doute la manière juste de donner toute<br />

sa place à ce domaine. Et la remarque<br />

vaut pour moi à tous les niveaux : en<br />

matière d’offre culturelle, prendre en<br />

compte le public jeune, cela ne veut<br />

pas dire lui proposer une culture moins<br />

aboutie, moins professionnelle, moins<br />

exaltante. D’ailleurs, j’ai toujours privilégié<br />

la notion de « tout public » à celle<br />

de « jeune public ».<br />

J. V.-N. : Quelle visibilité pour la littérature<br />

de jeunesse et ses créateurs à la <strong>BnF</strong> ?<br />

L. E. : Partout où se déploient les missions<br />

de la <strong>BnF</strong>, la littérature jeunesse<br />

est considérée. Je pense aux acquisitions<br />

ou à la valorisation de dons comme celui<br />

de la merveilleuse œuvre de Georges<br />

Lemoine qui a fait l’objet en 2016 d’une<br />

belle exposition en Galerie des donateurs<br />

; je pense à la numérisation ou au<br />

signalement des collections qui distingue,<br />

depuis 2015, un univers « jeunesse<br />

» dans le catalogue général. Mais<br />

il s’agit aussi de donner une visibilité<br />

aux professionnels : les Assises en sont<br />

un bon exemple, mais je pense aussi au<br />

cycle « Les visiteurs du soir » qui accueille<br />

tous les ans auteurs, illustrateurs,<br />

conteurs, éditeurs, sans oublier La Revue<br />

des livres pour enfants qui est aussi un<br />

outil essentiel. Enfin, il y a les propositions<br />

que nous faisons aux enfants : venir<br />

écouter Vingt mille lieues sous les mers pendant<br />

le festival La Bibliothèque parlante<br />

par exemple ou mettre à disposition des<br />

produits spécialement développés pour<br />

eux, l’application Gallicadabra côté lecture,<br />

et Fabricabrac côté ateliers.<br />

J. V.-N. : Dans quelle mesure votre<br />

engagement en faveur de la démocratisation<br />

culturelle prend-il en compte<br />

la question des publics jeunes ?<br />

L. E. : L’engagement pour la démocratisation<br />

culturelle est en effet l’un des<br />

fondements du métier que j’ai choisi.<br />

Il repose sur une conviction : ne jamais<br />

se résoudre à ce que telle création soit<br />

réservée à telle population. Et pour cela,<br />

il faut travailler à améliorer les chemins<br />

qui conduisent aux œuvres. La question<br />

du jeune public est ici déterminante<br />

parce qu’il s’agit d’une population<br />

qui n’a pas encore été totalement<br />

façonnée par son milieu et qui se caractérise<br />

par une grande liberté. On rejoint<br />

ici les enjeux de l’éducation artistique<br />

et culturelle. À l’école et pendant l’enfance,<br />

on peut travailler à une plus large<br />

diffusion des œuvres parce que le déterminisme<br />

social est moins puissant<br />

qu’ailleurs, pour reprendre les catégories<br />

bourdieusiennes ; mais aussi parce<br />

que, dans un pays démocratique, c’est<br />

à l’école que l’on peut toucher les populations<br />

les plus diverses. Le lien entre<br />

l’école, les institutions culturelles, les<br />

associations du champ de l’éducation<br />

populaire, les artistes et les auteurs est,<br />

dans cette perspective, fondamental.<br />

Propos recueillis par Jacques Vidal-Naquet,<br />

directeur du CNLJ<br />

Stéphane Lavoué<br />

les visages<br />

d’un territoire<br />

Depuis 2015, le département des<br />

Estampes et de la photographie<br />

achète chaque année un ensemble<br />

d’œuvres au lauréat du prestigieux<br />

prix Niépce. Remis par Nathalie<br />

Bocher-Lenoir, présidente<br />

de l’association Gens d’images,<br />

à la <strong>BnF</strong> et en présence de<br />

Laurence Engel, le 17 mai dernier,<br />

le prix a cette année salué le travail<br />

du photographe Stéphane Lavoué.<br />

Retour sur l’œuvre de ce jeune<br />

artiste, né en 1976.<br />

Après l’obtention de son diplôme d’ingénieur<br />

à l’École supérieure du bois en<br />

1998, Stéphane Lavoué part travailler<br />

en Amazonie en tant que chargé des<br />

achats pour un grand groupe industriel.<br />

Lors de ce séjour au Brésil, il découvre<br />

un reportage de Sebastião Salgado sur<br />

les ouvriers des mines d’or de la Serra<br />

Pelada et décide de devenir photographe.<br />

Saisir l’humanité<br />

De retour en France, il commence à<br />

travailler pour la presse en tant que portraitiste<br />

pour des journaux nationaux<br />

et internationaux. S’ensuivent diverses<br />

commandes, parmi lesquelles celle<br />

d’Éric Ruf pour le trombinoscope des<br />

sociétaires de la Comédie-Française.<br />

De Pierre Soulages à Salman Rushdie,<br />

de François Hollande à Vladimir Poutine,<br />

artistes, hommes politiques,<br />

acteurs ou intellectuels, nombreux sont<br />

ceux qui ont posé face à l’objectif de<br />

Stéphane Lavoué.<br />

Le photographe privilégie un fond<br />

sombre et neutre d’où émerge le visage<br />

éclairé et intensément expressif de son<br />

modèle. Il déroge même à la prise de<br />

vue classique du portrait en ne photographiant<br />

pas toujours de face ou à une<br />

distance fixe. Ce cadre déstructuré fait<br />

ressortir la part d’intimité établie entre<br />

le modèle et le photographe. Plus que<br />

de simples commandes éditoriales,<br />

Stéphane Lavoué préfère d’ailleurs parler<br />

de moments d’échanges de regards,<br />

de « rencontres photographiques ».<br />

Comme le soulignait à juste titre Marie-<br />

Pierre Subtil, rédactrice en chef du<br />

Ci-contre<br />

Josie dans les<br />

quartiers de viande.<br />

Cette jeune fille<br />

habite dans le<br />

« royaume » du<br />

nord-est du Vermont<br />

et elle est passionnée<br />

de chasse et de<br />

viande. Elle travaille<br />

dans une boucherie<br />

qui fait de la découpe<br />

« à façon » de la<br />

viande de chasse<br />

ou du bétail des<br />

fermiers environnants.<br />

magazine 6Mois, qui présentait la candidature<br />

de Stéphane Lavoué au prix<br />

Niépce : « Peu de photographes réussissent<br />

à ce point à saisir l’humanité de<br />

leurs sujets. »<br />

Projets personnels et collaboratifs<br />

S’éloignant progressivement de l’univers<br />

journalistique, Stéphane Lavoué a<br />

développé divers projets personnels<br />

comme The North-East Kingdom, travail<br />

au long cours réalisé à la frontière du<br />

Canada et des États-Unis. Dans cette<br />

contrée que ses habitants ont arbitrairement<br />

qualifiée de « royaume », il sillonne<br />

les paysages mystérieux du Vermont<br />

en quête du « roi ». Il rencontre<br />

alors des personnalités fortes qui sont<br />

autant d’éléments de ce « conte photographique<br />

», comme une jeune femme<br />

au regard intense par exemple qui pose,<br />

déterminée, au milieu de carcasses de<br />

viandes. Sur le territoire français, l’œuvre<br />

de Stéphane Lavoué se déploie à travers<br />

deux ensembles emblématiques dont le<br />

point de départ est le projet collaboratif<br />

La France vue d’ici lancé par le festival<br />

ImageSingulières et le journal en<br />

ligne Médiapart. Avec la série L’Équipage,<br />

il portraiture les villageois de Penmarch<br />

et questionne leur rapport à l’identité<br />

bigoudène dans ce lieu à la pointe du<br />

Finistère ; puis il poursuit cette recherche<br />

avec les travailleurs du Guilvinec, premier<br />

quartier maritime de France. Plus<br />

récemment, invité par le collectif Tendance<br />

floue, il a participé au projet collectif<br />

Azimut en marchant neuf jours<br />

dans la région Occitanie. Dans tous les<br />

cas, le rapport pictural que le photographe<br />

entretient avec son médium<br />

confère à son travail une dimension<br />

intemporelle qui l’éloigne du reportage<br />

et lui permet de renouveler l’écriture<br />

documentaire humaniste.<br />

Héloïse Conésa<br />

Département des Estampes<br />

et de la photographie


30 INTERNATIONAL PORTAIL FONDATION POLONSKY I PORTAIL FRANCE-CHINE CHRONIQUES DE LA <strong>BnF</strong> Nº<strong>83</strong><br />

INTERNATIONAL I LIVRE BNF 31<br />

Des manuscrits médiévaux<br />

à la pointe de l’innovation<br />

Grâce à un mécénat exceptionnel<br />

de la Fondation Polonsky dont<br />

l’objectif est de favoriser l’accès<br />

au patrimoine culturel, la <strong>BnF</strong><br />

et la British Library ont déployé<br />

un vaste programme de<br />

numérisation et de diffusion,<br />

« France-Angleterre, 700-1200 :<br />

manuscrits médiévaux de la <strong>BnF</strong><br />

et de la British Library ».<br />

Ce programme, qui a débuté courant<br />

2016, est sur le point de s’achever. Il<br />

inclut huit cents manuscrits conservés<br />

à parts égales par la <strong>BnF</strong> et la British<br />

Library. Sélectionnés en fonction de<br />

leur importance pour l’histoire des relations<br />

franco-anglaises au Moyen Âge,<br />

ces manuscrits ont aussi un intérêt artistique,<br />

historique ou littéraire. Produits<br />

entre le VIIIe et la fin du XIIe siècle, ils<br />

couvrent des domaines très variés,<br />

représentatifs de la production intellectuelle<br />

du haut Moyen Âge et de l’époque<br />

romane. Parmi eux, on trouve quelques<br />

précieux témoins somptueusement<br />

enluminés, comme le bénédictionnaire<br />

de Winchester des environs de l’an 1000,<br />

un livre d’évangiles du nord-est de la<br />

France de la seconde moitié du XIe siècle<br />

ou le psautier anglo-catalan de Cantorbéry<br />

vers 1200.<br />

Si le corpus présente un intérêt scientifique<br />

incontestable, le programme se distingue<br />

aussi par ses aspects transverses.<br />

Il présente en effet la particularité d’englober<br />

différentes opérations de valorisation<br />

des manuscrits : numérisation,<br />

restauration ou description scientifique<br />

dans les catalogues en ligne des deux<br />

institutions, <strong>BnF</strong> archives et manuscrits<br />

et Explore Archives and Manuscripts,<br />

ou encore médiation.<br />

Le prêt de plusieurs reliures précieuses<br />

de la <strong>BnF</strong> au musée du Louvre<br />

(1 er novembre 2017 – 2 juillet 2018) a<br />

permis d’admirer deux des reliures restaurées<br />

dans le cadre du programme.<br />

L’exposition qui se tient jusqu’au 19<br />

février 2019 à la British Library, Anglo-<br />

Saxon Kingdoms, comprend par ailleurs<br />

plusieurs chefs-d’œuvre inclus dans le<br />

programme de la Fondation Polonsky,<br />

tandis que l’œuvre exceptionnelle de<br />

Raban Maur sera au cœur d’une exposition<br />

d’art contemporain orchestrée<br />

par le plasticien Jan Dibbets à la <strong>BnF</strong><br />

à partir de novembre prochain (voir p.4).<br />

Un autre volet du programme<br />

concerne la numérisation des huit<br />

cents manuscrits et leur mise en ligne<br />

sur Gallica et Digitised Manuscripts,<br />

« Ce programme permet de rassembler<br />

les richesses de la Bibliothèque<br />

nationale de France et de la British<br />

Library, et de les rendre accessibles<br />

tant aux chercheurs qu’au grand public<br />

d’une manière attractive et innovante.<br />

Notre fondation est très heureuse<br />

de soutenir cette collaboration<br />

qui permet de perpétuer les échanges<br />

culturels et la profonde influence<br />

mutuelle qui caractérisent l’histoire<br />

de ces deux nations depuis des siècles. »<br />

Dr Leonard S. et Marc Polonsky,<br />

Fondation Polonsky<br />

À gauche<br />

Evangelia quattuor,<br />

1051-1100.<br />

<strong>BnF</strong>, Manuscrits<br />

Ci-dessous<br />

Missel de Saint-Denis,<br />

vers 1050<br />

<strong>BnF</strong>, Manuscrits<br />

g<br />

Allez plus loin<br />

avec Gallica !<br />

Lire le billet du blog<br />

Gallica sur les manuscrits<br />

numérisés sur la<br />

légende de Saint Michel<br />

et le dragon.<br />

À noter :<br />

ce programme fait<br />

l’objet d’une publication<br />

commune à paraître<br />

aux Éditions de la <strong>BnF</strong><br />

en novembre 2018.<br />

Pour plus d’informations,<br />

consultez l’ensemble<br />

des manuscrits sur<br />

le site : manuscrits-franceangleterre.org,<br />

à partir<br />

du 21 novembre 2018.<br />

bibliothèques numériques de la <strong>BnF</strong><br />

et de la British Library. En complément,<br />

deux portails seront lancés à la<br />

fin de cette année : l’un, multilingue<br />

et créé par la <strong>BnF</strong> à partir de l’infrastructure<br />

Gallica marque blanche, permettra<br />

de visualiser l’ensemble des<br />

manuscrits du corpus à l’aide du standard<br />

IIIF et du visualiseur Mirador.<br />

Ces derniers favorisent l’interopérabilité<br />

des données, c’est-à-dire permettent<br />

de rendre les images conservées<br />

dans différentes institutions<br />

compatibles, de les comparer au sein<br />

d’une même bibliothèque numérique<br />

ou encore de les annoter. Le second<br />

portail est un interpretative website de<br />

médiation grand public créé par la British<br />

Library pour valoriser une partie<br />

des manuscrits autour d’axes thématiques.<br />

Enfin, une publication bilingue<br />

aux éditions de la British Library et<br />

de la <strong>BnF</strong> sur un ensemble choisi de<br />

manuscrits enluminés ainsi qu’un<br />

colloque international (Paris, <strong>BnF</strong>,<br />

21-23 novembre 2018) clôtureront le<br />

projet à la fin de l’année, tandis qu’un<br />

film sur les manuscrits et leur numérisation<br />

assurera sa promotion.<br />

Charlotte Denoël<br />

Département des Manuscrits<br />

France-Chine, une nouvelle bibliothèque numérique<br />

dans la collection « Patrimoines partagés »<br />

La bibliothèque numérique France-Chine<br />

sera en ligne à l’automne 2018. Ce<br />

nouvel opus de la collection « Patrimoines<br />

partagés » a pour ambition de rendre<br />

compte de la richesse et de la diversité<br />

des relations entre la France et la Chine,<br />

sur les plans diplomatique, économique,<br />

scientifique et culturel. Cette bibliothèque<br />

réunira des documents remarquables<br />

issus des fonds imprimés, manuscrits,<br />

cartes et plans, photographies,<br />

affiches, images de la <strong>BnF</strong>…<br />

soit 3 000 à 4 000 documents du<br />

domaine public. Elle sera complétée<br />

par des ensembles documentaires<br />

et iconographiques rassemblés<br />

dans le cadre de partenariats avec la<br />

bibliothèque nationale de Chine, la<br />

bibliothèque de Shanghai et plusieurs<br />

bibliothèques et archives françaises,<br />

dont les archives diplomatiques.<br />

Murs de papier. L’atelier<br />

du papier peint (1798-1805)<br />

Christine Velut<br />

préface de Vincent Darré<br />

Date de parution : 31 octobre 2018<br />

220 pages, 39<br />

Cet ouvrage vous invite à découvrir une<br />

histoire haute en couleur qui s’écrit sur<br />

les murs des intérieurs bourgeois à la<br />

toute fin du XVIIIe siècle. Tous les échantillons<br />

de papier peint présentés dans<br />

ce magnifique ouvrage proviennent de<br />

la collection de la <strong>BnF</strong>. Aujourd’hui<br />

encore, ces créations constituent une<br />

source inépuisable d’inspiration pour<br />

les créateurs et les décorateurs contemporains.<br />

Ci-dessus<br />

Fabrication<br />

du papier en Chine,<br />

XVIII e siècle.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes<br />

et photographie<br />

heritage.bnf.fr/france-chine<br />

Les Plus Beaux Contes<br />

de notre enfance<br />

choisis et présentés<br />

par Boris Cyrulnik<br />

Date de parution : 11 octobre 2018<br />

332 pages, 25<br />

Une sélection des plus beaux contes<br />

d’Andersen, Grimm ou Perrault, merveilleusement<br />

illustrés par Dulac,<br />

Nielsen, Rackham et Doré, choisis et<br />

présentés par le « médecin de l’âme »<br />

Boris Cyrulnik. Le Petit Chaperon rouge,<br />

La Belle au bois dormant, Tom Pouce… :<br />

ces grands récits d’amour, de transgression,<br />

de ruse et de quête initiatique permettent<br />

aux enfants de triompher imaginairement<br />

de l’adversité et du péril,<br />

de construire leur propre image… Bref !<br />

de devenir adulte.<br />

chroniques.bnf.fr<br />

<strong>Chroniques</strong> de la Bibliothèque nationale<br />

de France est une publication trimestrielle<br />

Présidente de la<br />

Bibliothèque nationale<br />

de France<br />

Laurence Engel<br />

Directrice générale<br />

Sylviane Tarsot-Gillery<br />

Délégué à la<br />

communication<br />

Patrick Belaubre<br />

Responsable éditoriale<br />

Sylvie Lisiecki<br />

Comité éditorial<br />

Jean-Marie Compte,<br />

Joël Huthwohl,<br />

Olivier Jacquot,<br />

Anne Pasquignon,<br />

Céline Leclaire<br />

Anne Manouvrier,<br />

François Nida,<br />

Bruno Sagna<br />

Rédaction, suivi éditorial<br />

Corine Koch<br />

Abonnez-vous !<br />

Rédaction, coordination<br />

agenda<br />

Sandrine Le Dallic<br />

Coordination graphique<br />

Jérôme Le Scanff<br />

Iconographie<br />

Laetitia Jannin<br />

Réalisation<br />

Atelier Marge Design<br />

Mathieu Chévara<br />

(direction artistique),<br />

Jean-Charles Bassenne,<br />

Louise Comiran<br />

(mise en page),<br />

Camille Aguignier<br />

(relecture-correction)<br />

Impression<br />

Stipa ISSN : 12<strong>83</strong>-86<strong>83</strong><br />

Pour recevoir gratuitement <strong>Chroniques</strong> à domicile,<br />

abonnez-vous en écrivant à Marie-Pierre Besnard :<br />

marie-pierre.besnard@bnf.fr<br />

Ont collaboré à ce numéro<br />

Sylvie Aubenas, Mathias Auclair, Catherine Aurérin,<br />

Lenka Bokova, Corine Le Bitouzé, Emmanuel Carrère,<br />

Héloïse Conésa, Charlotte Denoël, Séverine Dupuch Garnier,<br />

Joël Huthwohl, Maylis de Kerangal, Kara Lennon-Casanova,<br />

Fabien Plazannet, Cécile Pocheau-Lesteven, Anne Renoult,<br />

Bérénice Stoll, Caroline Tourette, Jacques Vidal-Naquet,<br />

Erik Verhagen, Dominique Versavel, Jennifer Ward.<br />

Votre avis nous intéresse<br />

N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part<br />

de vos remarques et suggestions : sylvie.lisiecki@bnf.fr<br />

Crédits iconographiques<br />

p.2 : © Léa Crespi<br />

p.3 à gauche : © Library of Congress<br />

p.3 à droite : © David Paul Carr / <strong>BnF</strong><br />

p.4 à gauche : © Adagp, Paris 2018<br />

p.4 à droite : © Photo I.S.O. © Adagp, Paris 2018<br />

p.5 à gauche : © Reinhard Mayr / Bawag Foundation<br />

p.5 à droite : © Adagp, Paris, 2018<br />

Collection de l’artiste, Amsterdam<br />

p.15 : © Despatin et Gobeli<br />

p. 16 à gauche : © Ianna Andreadis<br />

p.16 à droite : © Adagp, Paris 2018<br />

p.21 : © David Paul Carr/ <strong>BnF</strong><br />

p.22 : © Laure Néron<br />

p.23 : © Hélène Bamberger / POL<br />

p.24 : © Jean-Christophe Ballot / <strong>BnF</strong><br />

p.25 en haut : © Léa Crespi<br />

p.25 en bas : © Éditions Gallimard, août 2018<br />

p.26 en bas : © Arnold Jerocki / Divergence<br />

p.27 : © Izis<br />

et p.29 : Stéphane Lavoué.<br />

Quatrième de couverture<br />

Félix Nadar,<br />

Main du banquier D. Cliché<br />

obtenu à la lumière diurne.<br />

Épreuve tirée à la lumière<br />

électrique, 1861.<br />

<strong>BnF</strong>, Estampes et photographie

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