CARNETS DES CINÉMAS STUDIO AVRIL 2020
Les carnets des cinémas Studio, c'est chaque mois des articles sur les films, les rencontres d'équipe de film, les horaires des séances et une ouverture sur toutes les cinématographies mondiales...
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N°388 — avril 2020
LA FEMME DES STEPPES,
LE FLIC ET L’ŒUF
un film de Wang Quan'an
Mongolie – 2019 – 1h40
cinémas Studio — 2 rue des Ursulines — 37000 Tours — www.studiocine.com
Chers
lecteurs / lectrices,
spectateurs / spectatrices,
Le pays tout entier est depuis quelques semaines plongé dans une crise
d’une nature et d’une ampleur inédites.
Même si elle n’était pas tout à fait inattendue, l’annonce de la fermeture
des salles de cinéma a pris de court l’ensemble de la profession :
certains distributeurs déprogrammaient encore des films la veille de
l’annonce des fermetures…
Les Studio s’efforcent de maintenir autant de liens que possible avec leurs
spectateurs ainsi qu’avec les lecteurs/abonnés des Carnets en passant
principalement par leur site internet. C’est pourquoi nous mettons en ligne une
version « allégée » des Carnets qui devaient paraître en avril. Vous y trouverez
l’ensemble des articles et comptes rendus de rencontres qui devaient être
publiés… ainsi qu’une liste des films qui auraient dû vous être proposés.
Nous n’avons hélas pour le moment aucune idée précise du moment où nous
pourrons rouvrir nos portes et vous accueillir et ne pouvons que vous conseiller
de consulter régulièrement le site internet ou de nous rejoindre sur Facebook.
— L’équipe des Studio
N'oubliez pas non plus que nous sommes associés à une plate-forme
de vidéo en ligne qui propose un choix intéressant de films liés à notre
programmation (ou à notre ancienne programmation... lorsque nous
n'avons plus de programmation...). Vous y trouverez des films très divers
et toute une sélection de films Jeune Public.
Elle s'appelle La Toile et vous y avez accès à partir du site des Studio par
un petit onglet situé en haut à droite de la page d'accueil.
www.studiocine.com
SOMMAIRE
02 ÉDITO
Exceptions françaises
04 CNP
Soirées-débats du CNP
La page du CNP
06 ÉVÉNEMENTS
Soirée Post-Apocalyptique
Cinema Bis
Hommage à Rose-Marie Merceron
BCAT 21
Soirée courts métrages
Hommage à Pedro Almodovar
09 LES FILMS
11 AUTOUR DES FILMS
Qu'un sang impur / Un vrai bonhomme
Le Miracle du saint inconnu
Tu mourras à vingt ans / Un divan à Tunis
Jojo Rabbit / Histoire d'un regard
Sympathie pour le diable
20 RENCONTRE
Mariana Otero
Stéphane Demoustier
Étienne Chaillou
26 JEUNE PUBLIC
28 EN BREF
Nouvelles d’ici et d’ailleurs
29 INFOS PRATIQUES
30 FILM DU MOIS
La Femme des steppes,
le flic et l’œuf
LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS
2 RUE DES URSULINES, 37000 TOURS
MENSUEL / PRIX DU NUMÉRO 2 €
ISSN 0299 - 0342 / CPPAP N° 0224 K 84305
ÉQUIPE DE RÉDACTION : SYLVIE BORDET,
ISABELLE GODEAU, JEAN-FRANÇOIS PELLE,
DOMINIQUE PLUMECOCQ, ÉRIC RAMBEAU,
ROSELYNE SAVARD, MARCELLE SCHOTTE, ANDRÉ WEILL,
AVEC LA PARTICIPATION DE LA COMMISSION JEUNE
PUBLIC. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ÉRIC RAMBEAU
CONCEPTION GRAPHIQUE : EFIL / WWW.EFIL.FR
(TOURS). ÉQUIPE DE RÉALISATION : ÉRIC BESNIER,
ROSELYNE GUÉRINEAU – DIRECTEUR : PHILIPPE LECOCQ.
IMPRIMÉ PAR PRÉSENCE GRAPHIQUE, MONTS (37).
02 Les Carnets du Studio
Exceptions
françaises
Q
uelle surprise d’entendre, sur
Canal +, une journaliste américaine
s’exclamer, enthousiaste,
que la France était magique,
unique, et inciter ses auditeurs
autochtones : « Continuez à protéger
ce système magnifique… ».
La longueur du conflit social autour de la réforme
des retraites que veut imposer l’exécutif aidant,
j’ai cru entendre : « Continuez à protéger un système
social magnifique ! » Un système mis en place
en 1945 par le Conseil National de la Résistance
et auquel la population française semble particulièrement
attachée, vu la façon dont elle a
majoritairement refusé les arguments de la « pédagogie
» gouvernementale. Depuis des années ce
système unique, mis en place par les Communistes
et les Gaullistes, a été systématiquement attaqué.
Denis Kessler (alors second du Medef) le disait
sans prendre de gants rhétoriques : « Les annonces
successives des différentes réformes par le gouvernement
peuvent donner une impression de
patchwork tant elles paraissent variées, d’importance
inégale et de portées diverses : statut de la
fonction publique, régimes spéciaux de retraite,
refonte de la Sécurité Sociale, paritarisme… À y
regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde
unité à ce programme ambitieux. […] Il s’agit
aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement
le programme du Conseil National de
la Résistance. » (1) Destruction méthodique qui
s’est poursuivie de Sarkozy à Hollande jusqu’à
Macron. La dernière étape, derrière son amateurisme
de façade, se singularise par sa brutalité et
son cynisme, le Premier ministre allant jusqu’à
se réclamer de l’esprit de ce qu’il veut détruire :
« En 1945, le système prévoyait la Solidarité. Nous
allons au bout de sa logique initiale. »
ÉDITO
© VALERY HACHE
La journaliste américaine s’appelle Lisa
Nesselson et est l’actuelle présidente de l’Académie
des Lumières (2) . Et ce dont elle se félicitait, lors
du 25 e anniversaire des Prix des Lumières, était
de l’existence non de l’exception sociale mais de
l’exception culturelle française : « Je suis américaine.
Quand on me demande pourquoi j’habite en
France, je réponds sincèrement : pour profiter de
l’éventail extraordinaire de films projetés en salle.
On me regarde bizarrement car nous avons tous
tendance à penser que les habitudes sont partout
les mêmes. Non. En ce qui concerne le choix des
films, la France est magique, la France est unique.
25 % des salles européennes se trouvent ici, en
France. En 2019, 306 films français étaient montrés
en salle et presque 400 films venus d’autres pays.
On peut aller au cinéma chaque jour de l’année…
La France a autant de femmes cinéastes en activité
que n’importe quel pays au monde… Continuez
à défendre un système magnifique pour créer et
montrer des films grâce auxquels des dizaines de
millions de spectateurs sortent pour voir ensemble
des films sur grand écran, en salle. »
Avec son art de la formule choc Emmanuel Todd
déclarait récemment que « Ce que nous promet
Emmanuel Macron et son gouvernement,
c’est l’anxiété économique jusqu’à la mort. » Un
appauvrissement qui touchera les actifs et ceux
qui subiront les points d’une retraite qui universalisera
une mise en commun vers le bas. (3)
Comme le notait ici un édito intitulé La Culture
à prix fisc (4) : « Que se passe-t-il quand le budget
des ménages par la force des choses se resserre ?
Le premier poste sur lequel rogner est celui des
loisirs : vacances mais aussi fréquentation des
lieux culturels : musées, expositions, théâtres,
festivals, librairies, cinémas… » Aller au cinéma
tous les jours : une possibilité statistique qui se
transformera… en inaccessible privilège. — DP
(1) Challenges 4 octobre 2007.
(2) Fondée par le producteur Daniel Toscan du Plantier,
l’Académie regroupe des correspondants de la presse
étrangère basés à Paris.
(3) François Fillon l’avait déclaré devant le Médef en mars
2016 : « La retraite par points permet de baisser chaque année
la valeur des points et de diminuer le montant des pensions. »
(4) Carnets des Studio – décembre 2018.
N°388 — avril 2020 03
SOIRÉES-DÉBATS DU CNP
UNE DÉMARCHE D’ÉDUCATION
POPULAIRE, UN PARTENARIAT
ASSOCIATIF LOCAL
DES DOCUMENTAIRES ENGAGÉS,
DES DÉBATS CITOYENS
Jeudi 2 avril • 20h
IMPUNITÉ DES MULTINATIONALES,
UN ENJEU DÉMOCRATIQUE
Attac, CCFD-Terre solidaire 37, Convergence
SP 37, Peuples Solidaires, Résistance à
l’agression publicitaire et le CNP présentent :
Elles sont plus célèbres pour leurs contributions à la
destruction de la planète, à l'exploitation des humains
que pour la défense des droits sociaux. Les foules réclament
plus de démocratie contre l'emprise de ces géants
mondiaux. Les GAFAM refusent l'impôt, les banques
financent les énergies fossiles et les multinationales
attaquent les états via les tribunaux d'arbitrage. Les
états seraient impuissants ou complices ?
— FILMS : Multinationale contre État : la loi du plus
fort de M. Gangler (France - 2017 - 45'). Les Apports
des Multinationales (film du Groupement des
Entreprises Multinationales - Suisse - 1h37').
Débat avec un.e intervenant.e qualifié.e.
Jeudi 9 avril • 20h
NUCLÉAIRE MILITAIRE :
UNE ARME POUR LA PAIX ?
Le Mouvement Utopia 37, les Amis du Monde
diplomatique, le Collectif Féminisme et
Révolution et le CNP présentent :
« Si vis pacem, para bellum ». « Si tu veux la paix, prépare
la guerre ». Vraiment ? Si nous souhaitons tous
la paix dans le monde, comment sortir du piège du
nucléaire ? Peut-on penser le monde autrement que
par la dissuasion nucléaire, équilibre de la terreur
détenu par certains pays au nom de la paix ?
— FILMS : La Bombe et nous de X.-M. Bonnot
(France - 2017 - 1h15'). Débat avec M. Dolot,
membre du bureau National du Mouvement de la
Paix, pour le désarmement nucléaire et atomique
Jeudi 30 avril • 20h
LES TERRES AGRICOLES :
ESPÈCE D’ESPACE EN DANGER
Le CNP et le CAUE 37 présentent :
Le territoire français continue de se couvrir de lotissements,
de zones commerciales, d’infrastructures
routières. Malgré les appels au nom du développement
durable, les terres agricoles et les fermes
familiales ont du mal à résister à la promotion immobilière
et aux « projets d’utilité publique ». Comment
expliquer cela, malgré les voix qui s’élèvent contre
« l’artificialisation des terres agricoles » ? La parole
des agriculteurs suffit-elle pour s’opposer à ce fléau ?
— FILMS : La Terre en morceaux de A. Doublet
(France - 2015 - 55‘). Débat avec J. Serrano,
professeur à Polytech Tours.
Pré-annonce
Jeudi 7 mai • 20h
A-T-ON ENCORE BESOIN DE
LA FONCTION PUBLIQUE... ?
Convergence SP 37, Touraine Data Network
et le CNP
Dimanche 5 avril • 11h
HOMMAGE À
ROSE-MARIE MERCERON,
DÉCÉDÉE 13 FÉVRIER 2020
Prendre sa part
France - 2011 - 48' – documentaire de Damien Mansion
Par un portrait croisé de 3 personnalités,
Rose-Marie (de Chrétiens-Migrants), Chantal
(de Réseau Éducation sans Frontières), et
Jean-Christophe (du Collectif de Soutien aux
Demandeurs d'Asile et aux Sans Papiers),
le film nous fait pénétrer un réseau de
solidarité et nous invite à nous interroger
sur les ressorts de la fraternité collective
et individuelle, sans laquelle il n'est pas de
défense concrète des droits humains.
La projection sera suivie d’une rencontre
avec le réalisateur et des associations de
solidarité : 9 ans plus tard, qu’est-ce qui a
changé ? Un pot de l’amitié suivra.
04 Les Carnets du Studio
LA PAGE DU CNP
La Chine à la conquête
de l’Ouest
La super puissance communiste et capitaliste
qu’est devenue la Chine mène une stratégie
conquérante qui se manifeste sur tous les fronts :
— ÉCONOMIQUE : lancé en 2013 par le président
Xi Jinping, le programme de nouvelles « routes de
la soie » a pour objectif de créer un réseau mondial
d’infrastructures. Le projet concerne plus de
60 pays pour fluidifier le commerce entre l’Europe
et l’Asie et devrait assurer à la Chine un marché
gigantesque.
— TECHNOLOGIQUE : après la consommation de
masse des produits, l’imitation et les transferts
technologiques, la Chine s’est tournée vers des
technologies de pointe : secteurs biotechnologiques,
énergies « vertes », objets connectés,
machines intelligentes, industrie de la défense,
télécommunications (c. f. Huawei).
— FINANCIER : la Chine investit ou prête des milliards
de dollars dans le monde pour construire
ou racheter des lignes de train (Kazakhstan), des
ports maritimes (Sri Lanka, Grèce…). En 2018 elle
contrôle plus de 10 % de l’activité portuaire en
Europe.
— MILITAIRE : démonstration de force pour les
70 ans du régime communiste, installation de la
première base militaire à l’étranger à Djibouti et
sur la mer de Chine.
— DIPLOMATIQUE : par son soutien à l’Iran, la Syrie,
la Corée du Nord… la Chine affirme sa place sur
l’échiquier des négociations et de la diplomatie.
À la tête de l’État depuis 2012, XiI Jinping, le
nouveau « Grand Timonier », est parvenu en 2018 à
faire supprimer de la Constitution chinoise la limitation
de la présidence à deux mandats. Désormais
rien ne l’empêche de rester président à vie.
Ainsi la Chine construit-elle un nouvel impérialisme
économique et expansionniste, défenseur
de la mondialisation et du libre-échange.
Cependant la croissance économique de la
Chine ne doit pas faire oublier les nombreuses
atteintes aux droits humains :
• Répression systématique de toute opposition,
absence de liberté de la presse, procès inéquitables,
recours à la torture…
• Plus d’un million de musulmans, principalement
d’ethnie Ouïghoure, sont en détention dans la
région du Xinjiang.
• Répression du mouvement de contestation de
juin 2019 à Hong-Kong.
• Surveillance et contrôle social des citoyens,
appelés « crédit social », avec les nouvelles technologies
de reconnaissance faciale.
S’ajoutent en outre de graves atteintes à l’environnement.
Quelle place veut prendre la Chine
dans le monde aujourd’hui ? Comment son expansion
hors de ses frontières peut-elle évoluer ?
Quelles attitudes pouvons-nous adopter face à
cette politique chinoise ?
— Le CNP
Sources : articles du Monde diplomatique
et émissions de France Culture.
Nous en reparlerons prochainement lors d’une séance
de cinéma suivie d’un débat.
Pour nous joindre : contact@lecnpstudio.org
N°388 — avril 2020 05
ÉVÉNEMENTS
Vendredi 3 avril • à partir de 19h
Radio Béton 93.6 présente :
la Soirée Post-Apocalyptique Cinema Bis du
festival Aucard de Tours avec nanarland.com
19h00 • Concert cocktail gratuit
CHERRY'S ON TOP
Hillbilly Cajun Stomp Experience de La Rochelle.
Chaque séance sera précédée et suivie des
cuts Nanarland
20h15 • Les Guerriers du futur
Phillipines - 1985 - 1h26, de Cirio Santiago VF
Scénario simplet, acteurs inexpressifs, costumes
ridicules… Les Guerriers du futurs résume à lui seul
le cinema bis phillipin : faire comme les Américains
même si ça se voit qu'on a pas de budget…
22h30 • Les Rats de manhattan
Italie - 1984 - 1h37, de Bruno Mattei VF
B Mattéi réussit un post apocalyptique d'intérieur,
avec des effets non spéciaux à base d'images de rats
placides censés attaquer les humains. Les dialogues
savoureux et les comédiens en sur-jeu permanent
en font un classique du nanar.
Le PASS pour les 2 séances : 12,40€
8,20€ pour les adhérents du studios,
en vente à partir du 23 mars. Radio Béton 93.6
présente le vendredi 3 avril 2020.
Dimanche 5 avril • 11h
BCAT 21 - Ciné-Brunch
Chers amis cinéphiles, le BCAT est heureux
de vous retrouver avec :
Doubout
19 min - de Pierre Le Gall et Sarah Malléon
Sur l'île de la Martinique, Joseph, huit ans, refuse
que son grand frère parte en métropole. Il est
06 Les Carnets du Studio
persuadé que Lentikri, un monstre ancestral,
rôde autour de la maison pour attaquer sa famille.
Joseph décide de l'affronter.
Désrances
1h36 - de Apolline Traoré
Après que ses parents ont été tués par des soldats
du régime Francis Désrances a quitté Haïti
et vit en Côte d'Ivoire avec son épouse Aissey et
sa fille Haïla. Aissey est prête à accoucher quand
une guerre civile éclate, mais Francis l 'emmène à
l'hôpital. Quelques heures plus tard, son fils nouveau-né
et sa femme ont disparu. Il se mettra alors
à leur recherche, aidé par Haila déterminée à ne
pas abandonner son père seul dans la ville.
Nous nous retrouverons autour du brunch
africain à la fin de la projection.
Avril 2020
Mercredi 29 avril • 19h45
Soirée courts métrages : Le Cinéma en circuit court
Les cinémas Studio et Ciclic ont concocté un programme
de courts métrages fabriqués près de chez
nous, à Tours et en région Centre-Val de Loire.
Cinq talents, 5 regards, 5 écritures. La soirée est
placée sous le prisme de l'éclectisme, tant par les
genres, les tons que par les thèmes, car le format
court permet de passer en quelques minutes d'un
univers à un autre.
La projection sera suivie d'un échange avec
les réalisateurs tourangeaux , Nicolas Aubry,
Charlie Rojo, Cyriac Labergère et les comédiens
Hélène Stadnicki, et Alex Guéry.
Mal Caduc
France - 2019 - 30 min, de Jules Follet
commun et que l'avenir leur réserve de bien belles
perspectives… Il a reçu de nombreuses sélections
officielles en festivals dont deux prix d’interprétation
pour ses acteurs.
Mon juke-box
France - 2019 - 15 min, de Florentine Grellier
J'ai entendu une musique par hasard. Un vieux
titre de rock’n’roll... C'est sûrement un morceau qui
passait sur un des appareils mécaniques de mon
père, l'aventurier, le roi du juke-box... Coproduit
1814. La rencontre de Mathurin Thouars, lieutenant
napoléonien, et un jeune conscrit, soupçonné
de simuler l’épilepsie pour se dérober à son devoir.
L'un, déjà marqué par les batailles, repart pour le
front tandis que l’autre, qui n’a jamais connu la
guerre, pourrait y échapper.
911 Turbulences
France - 2019 - 13 min, de Charlie Rojo
Depuis les nuages, un homme se souvient du
11 septembre 2001, de la guerre du Viet Nam et
des méduses qui dansaient... Ce film du tourangeau
Charlie Rojo a été réalisé à l'occasion des 20
ans du collectif Sans Canal Fixe.
Aux Petits Oignons
France - 2018, 7 min, de Cyriac Labergère,
avec Justine Thibaudat et Alex Guéry
Marius, 29 ans, est secrètement amoureux de sa
voisine de palier. Il s'avère qu'ils ont un passé en
par Girelle production, le film a été sélectionné
dans de nombreux festivals, dont Sundance (USA)
et a gagné le Prix André Martin à Annecy.
Bye Bye Bird
France - 2020 - 30 min, de Nicolas Aubry
Julie, 27 ans, a pour seul refuge les mots-croisés, et
comme complice sa grand-mère, qu'elle visite en
cachette dans la maison familiale. C’est au travers
d’un road-movie qu’elle va devoir se confronter au
monde pour retrouver le chemin de la socialisation.
Avec ou sans Mémé. Ce premier film, co-écrit
avec l'interprète principale et produit par la société
régionale La Ruche, a été tourné à Tours en septembre
2019.
N°388 — avril 2020 07
ÉVÉNEMENTS
Lundi 4 & mardi 5 mai
Partenariat Cinémathèque/Studio
Hommage à Pedro Almodovar
C’est un grand bonheur que de revenir sur la carrière
de Pedro Almodovar avec trois de ses films
les plus emblématiques. L’ex-enfant terrible du
cinéma espagnol de l’après-franquisme, le représentant
le plus haut en couleurs de la Movida
madrilène, est devenu au fil des ans un cinéaste
reconnu mondialement mais toujours anticonformiste
et farouchement indépendant.
De film en film Almodovar, grand conteur d’histoires,
nous dévoile ses obsessions dans des œuvres
très écrites, aux intrigues à rebondissements. De
quoi séduire le public le plus large, d’autant qu’il
manie avec un talent inégalé l’humour et l’émotion.
Ajoutons que nul autre n’aime autant les femmes et
ne les a filmées aussi joliment : les trois films proposés
dans cette mini-rétrospective en témoignent.
Ils nous permettront aussi de redécouvrir les
thèmes récurrents du cinéaste : la filiation, l’identité
sexuelle, le mensonge et la vérité sur fonds de
secrets de famille, le tout dans des mises en scène
aussi sophistiquées qu’inventives. — SB
Lundi 4 mai • 19h30
Volver
2006 - 2h01, avec Penelope Cruz, Carmen Maura, Lola Dueñas
Ça commence par un long travelling dans le cimetière
d’un village de la Mancha (région natale
d’Almodovar) dont on dit qu’il détient un taux
record de folie par habitant. Des femmes y nettoient
avec énergie les tombes de leurs proches.
S’ensuit l’histoire de 5 d’entre elles liées par de terribles
secrets qui se dévoilent petit à petit. Il y sera
08 Les Carnets du Studio
© D.R.
question de disparition-réapparition, meurtres,
trahisons, culpabilité, passion, le tout sur fond de
superstitions et de commérages. Rire et larmes sont
savamment dosés dans ce film magnifiquement
interprété par des femmes à la fois fragiles et fortes.
Soirée présentée par Thomas Sotinel, critique
de cinéma
Mardi 5 mai • 19h30
Tout sur ma mère
1998 - 1h37, avec Cecilia Roth, Penelope Cruz, Marisa Paredes
Après la perte accidentelle de son fils, Manuela,
folle de douleur, part à Barcelone sur les traces
de son passé. Elle y est accueillie par des femmes
admirables qui, comme elles, souffrent de l’ironie
cruelle du destin mais doivent aller de l’avant.
Tout sur ma mère est un superbe hommage aux
femmes, toutes les femmes, qu’elles soient lesbiennes,
transsexuelles ou religieuses. Sans doute
l’œuvre la plus émouvante du réalisateur.
Mardi 5 mai • 21h30
Talons aiguilles
1991 - 1h53, avec Victoria Abril, Marisa Paredes
Après des années d’absence une célèbre chanteuse
rentre à Madrid, sa ville natale, et y retrouve sa fille
mariée à un de ses anciens amants. Les relations
sont passionnées et les retrouvailles difficiles entre
ces deux femmes que tout oppose. Ce film funambule,
à l’esthétique sophistiquée et à la bande son
inoubliable, mené par deux actrices éblouissantes,
joue sur les tensions et ignore la morale et le politiquement
correct. Le résultat est un chef d’œuvre
de mélancolie, de tristesse et d’émotion.
© D.R.
Avril 2020
Les films que
nous aurions aimé
vous montrer
1 er > 7 avril
Police de Anne Fontaine • Le Cœur du conflit de Judith Cahen & Masayasu Eguchi
Poissonnière de Olivier babinet • Dans un jardin qu'on dirait éternel de Tarsushi Omori
Ondine de Christian Petzold
8 > 14 avril
The perfect candidat de Haïfaa Al Mansour • Le sel des larmes de philippe Garrel
De Gaulle de Gabriel le Bomin • Pour l'éternité de Roy Andersosson • Nuestra madres de César Diaz
Autonome de Francois Begaudeau (qui devait venir aux studio)
15 > 21 avril
Sous les étoiles de Paris de Claus Drexel • Pingouins et goéland et leurs 500 petits de Michel Leclerc
(qui devait venir aux studio) • Manip de Obra de David Zonana • Jinpa un conte Tibétain de Peña Tseden
Ema de Pablo Larrain
22 > 28 avril
Effacer l'historique de Gustave kervern et Benoit Delepine (qui devait venir aux studio)
Madre de Rodrigo Sorogoyen • Mine de rien de Mathieu Mlekoz • Voir le jour de Marion Laine
Madame de Stephane Riethauser • Hotel by the river de Hong sang soo
Monsieur Deligny, vagabond efficace de Richard Copans
29 avril > 5 mai
Les apparences de Marc Fitoussi • Milla de Shannon Murphy • La femme des Steppes le flic
et l'œuf de Wang Quan'an • Dawson city le temps suspendu • de Bill Morrison • L'envolée de Eva Riley
N°388 — avril 2020 09
LES FILMS
Dimanche 5 avril • 10h30
L’Auberge rouge
France - 1923 - 1h06, de Jean Epstein
CINÉ-THÉÂTRE
À la manière des bonimenteurs des débuts
du cinéma, le comédien Guy Schwitthal s’est
emparé du film pour nous offrir une nouvelle
et joyeuse expérience cinématographique.
Lundi 13 avril • 19h30
La Forteresse cachée
Japon - 1958 - 2h18, d'Akira Kurosawa
Présentation par Guy Schwitthal
Sans aucun « temps morts » il raconte,
commente, crée des ambiances sonores, donne
de la voix aux dialogues ou susurre les apartés
que s’échangent les acteurs, transformant
en œuvre sonore ce film muet. Un spectacle
étonnant !
Lundi 6 avril • 19h30
Dracula, pages tirées du journal
d’une vierge
Canada - 2002 - 1h15, de Guy Maddin
Un poétique et sensuel Dracula porté par
la musique de Gustave Mahler.
Présentation par Charles Hirschel
Lundi 20 avril • 19h30
Crépuscule à Tokyo
Japon - 1957 - 2h21, de Yasujirö Ozu
Présentation par Guy Schwitthal
Lundi 27 avril • 19h30
Elle et lui
États-Unis - 1938 - 1h30, de Leo McCarey
Entre comédie et romance, un grand classique
du cinéma américain.
10
Les Carnets du Studio
Lundi 4 et mardi 5 mai
Deux soirées en Hommage à
Pedro Almodovar
En partenariat avec les Studio (voir page 08).
AUTOUR DES FILMS — À PROPOS
Qu'un sang impur
Du drame à
la tragédie
© MARS FILMS
Qu'un sang impur \ un film de Abdel Raouf Dafri
En cette année 1960 la guerre
en Algérie s’éternise. Dans
un camp militaire français
perdu dans les Aurès, la tenteinfirmerie
– signalée à l’entrée
par un crâne et des tibias
entrecroisés ! – sert en réalité
de cadre à des interrogatoires et
des exécutions de « rebelles ».
La scène est intense, glaçante,
la pénombre en accentue
l’horreur. Soudain les parois
bâchées sont piquetées d’une
multitude de points lumineux,
au milieu du vacarme
assourdissant des armes à
feu. Le camp est attaqué, tous
les soldats français sont tués,
les « rebelles » sont délivrés par
leurs compagnons.
Le drame va cependant bientôt
entrer dans une nouvelle
dimension, la tragédie.
Le fatum latin (dont découlent
fatal, fatalité, fatidique)
désigne ce qui est dit ou
prédit et dont aucune volonté
humaine ne peut empêcher
l’accomplissement, en un mot
le destin. La mère du colonel
Delignières informe Breitner,
le personnage principal, que
son fils – « une mère sent ces
choses-là » – est mort et exige
de lui qu’il parte en Algérie
en rapporter une preuve.
Le colonel est pourtant bien
vivant, il a pris la tête d’un
groupe d’indépendantistes
et combat désormais l’armée
française. Mais nul n’échappe
au fatum. Ce qui a été dit sera :
Delignières est tué.
La tragédie s’étend en réalité
à tous les personnages.
À l’exception de l’engagé
volontaire français qui
n’est là que pour « tuer
des bicots », chacun a ses
raisons, pas forcément légales
mais légitimes : chasser le
colonisateur, exécuter les
ordres donnés, récupérer un
objet en souvenir d’un fils
disparu, sauver une compagne
ou une mère, éliminer des
tueurs d’enfants… Jusqu’où
peut-on aller dans la barbarie
au nom d’une cause juste ? On
est bel et bien dans une tragédie
telle que l’a caractérisée Albert
Camus (1) : une impasse mortelle
parce que s’y s’opposent des
enjeux, des mobiles et des
dilemmes trop complexes,
insolubles, justifiables des deux
côtés. Où sont le bien et le mal ?
Qui a raison ? Qui a tort ?
Personne. Tout le monde.
La lutte d’un peuple qui
veut se libérer, conquérir
son indépendance, ne peut
qu’être légitime. Mais il n’y a
pas de gentils qui peuvent à
la fin se targuer d’avoir tué les
méchants, c’est une horreur
complexe dont personne ne
sort grandi, pas même indemne.
Le générique de fin dédie le film
aussi bien « au peuple algérien »
qu’aux « appelés et rappelés »
envoyés là-bas. Sont ainsi
réunis ceux qui ont combattu
pour leur liberté et ceux à qui
on n’a pas demandé leur avis,
à l’instar du jeune appelé à
lunettes dans la première scène.
Le « sang impur » du titre est
celui de tous les protagonistes,
symboliquement réunis,
dans le générique final, par
une Marseillaise chantée en
arabe… — AW
(1) Dans une conférence prononcée à
Athènes en 1955.
N°388 — avril 2020 11
AUTOUR DES FILMS — À PROPOS
Un vrai bonhomme
Mort vivant
Un vrai bonhomme \ un film de Benjamin Parent
Des jeunes chargent une voiture à l’aube ou se
faufilent nuitamment pour ne pas réveiller leurs
parents et, quelques kilomètres de route plus tard,
sont plongés dans un dramatique accident de la
route. Que ce soit dans Réparer les vivants ou Un
vrai bonhomme, l’accident n’est pas filmé frontalement,
le spectateur est confronté à la violence
du choc par la brutalité d’un son. Katell Quillévéré
suit ensuite le corps de Simon, et plus précisément
son cœur – le vrai héros de son film – et toute la
chaîne humaine qui va permettre le don, la poursuite
de la vie. Benjamin Parent, lui, suit Tom, le
frère cadet survivant. Après quelques minutes
de confusion, le spectateur comprend que son
grand frère Léo, le héros de la famille, est mort
cette nuit-là et que le seul don qu’a Tom, c’est celui
de continuer à le voir, jour après jour, depuis deux
ans, à ses côtés. Commence alors le récit extrêmement
drôle de leur complicité fantasmée (1) :
Léo est le Jiminy Cricket, désinvolte et insolent,
qui doit apprendre à son petit frère la vraie vie.
Tom est timide, maladroit, angoissé, et il se trouve
confronté à la réalité cruelle de la fin de l’adolescence,
où la vie sociale est dominée par des jeunes
coqs, stupides et vindicatifs, et des belles, inaccessibles
et méprisantes. Le cinéma a investi ces
12
Les Carnets du Studio
© AD VITAM
« Les défunts sont sans défense
et dépendent de notre bon
vouloir. Ils comptent sur notre
initiative, sur la voix en nous
qui résiste à l’emportement
naturel et qui, au moment de
passer à autre chose, proteste
et nous commande de rester
témoins de l’invisible. »
ALAIN FINKIELKRAUT
années de formation des corps et des esprits, dans
des films inoubliables, Les Beaux gosses de Riad
Sattouf ou Camille redouble, où Noémie Lvovsky
se plonge dans son passé pour retrouver la voix
de sa mère qui se meurt en gardant son enveloppe
corporelle d’adulte. Avec Léo comme (mauvaise)
conscience, Tom essaie de survivre et l’on suit ses
tentatives d’approche, de séduction, ses combats
perdus et ses humiliations…
Cependant, peu à peu, la présence de Léo
devient envahissante. Et pour grandir, Tom doit
s’en éloigner. Petit à petit, la présence fantomatique
l’empoisonne, l’asphyxie. Pour devenir
lui-même, Tom doit « tuer » son frère, accepter la
perte, le laisser mourir en lui. Le réalisateur filme
cette difficile et douloureuse libération mentale
comme une terrible scène de combat. Je suis sorti
de ce film, drôle et poignant, bouleversé. Léo s’est
éloigné. Un petit frère est né. Tom va vivre. Avec
son bizarre copain dopé au Vidal et sa magnifique
sœur basketteuse, avec un père qui a enfin compris
qu’il avait un deuxième fils, il va peut-être même
avoir droit au bonheur. — DP
(1) Si la photographie est l’art de fixer les visages des
défunts, le cinéma est décidément, de film en film,
celui de convoquer les fantômes.
AUTOUR DES FILMS — INTERFÉRENCES
Le Miracle du saint inconnu
Tu mourras à vingt ans
Un divan à Tunis
Films à gratter
Ce qui est dit
Trois pays : Maroc, Tunisie
et Soudan. Trois films,
trois façons d’aborder les
mêmes thèmes, de dénoncer
explicitement les mêmes
archaïsmes, les mêmes
blocages, les mêmes injustices :
toute-puissance de la religion,
des rites et des superstitions,
infériorisation et oppression
de la femme, bureaucratie
procédurière, souvent
arbitraire, fonctionnaires
absents ou je-m’en-foutistes,
policiers ignares et corrompus,
abus de pouvoir en tous genres,
rejet de la science, de l’étranger,
de tout ce qui vient d’Occident.
Bref, rien que du très classique.
Ce qui est presque dit
Si on s’en tenait là, ces
trois films ne nous diraient
finalement rien de plus que des
dizaines d’autres. La satire est
frontale mais émoussée, trop
générale pour être dangereuse.
Pourtant, au-delà de ces
critiques attendues, affleurent
parfois des observations
un peu moins évidentes,
comme par exemple, dans
Le Miracle du saint inconnu,
deux variantes de patriarcat,
l’une où le père frappe
régulièrement son fils, qu’il
aime infiniment moins que
son chien, l’autre où Brahim,
le père obtus, absolument
© LE MOINDRE GESTE/ALTAMAR FILMS
étouffant – certains diront
même castrateur – interdit à
son fils Hassan de partir vivre
sa vie, de tenter sa chance
ailleurs, lui refuse toute
initiative, toute possibilité
d’évolution : on voit, au-delà
de cette situation particulière,
la vieille génération enfermant
la jeunesse dans un carcan de
stagnation et de médiocrité,
un des maux dont souffrent
les sociétés traditionalistes,
celles dont l’immuabilité est
le seul horizon. Ce qui ne
peut être dit ouvertement peut
être suggéré…
Dans Un divan à Tunis, au-delà
de la satire facile et souriante,
apparaissent également
quelques critiques un peu plus
tranchantes. Qu’il s’agisse de
délations entre voisins, d’un
imam chassé de sa mosquée
N°388 — avril 2020 13
AUTOUR DES FILMS — INTERFÉRENCES
parce qu’imberbe, ou de la
situation générale d’un pays
au bord de la rupture, le film
parfois soulève quelques
instants le couvercle. Aux
spectateurs de saisir les
allusions, de leur donner la
signification et l’importance
qu’elles méritent. La dernière
séquence est à cet égard la plus
intrigante. On y voit Selma,
l’héroïne, assise sur un muret
en bordure de plage, souriante,
regardant le jeune officier
de police avec qui s’est noué
un lien ambigu, se voyant
déjà à ses côtés, heureuse :
dénouement ouvert sur une
histoire d’amour à venir ?
Peut-être… ou peut-être pas.
N’est-ce pas suggérer par
là même qu’elle rentrerait
dans le rang, se plierait aux
standards conjugaux et
sociaux en vigueur, bref qu’elle
n’aurait d’autre choix que
d’accepter tout ce dont elle
essayait jusque-là de se libérer ?
Tel serait le prix de l’amour…
Cela n’est pas dit expressément,
peut-être n’est-ce pas le sens
14
Les Carnets du Studio
voulu par l’auteur. La porte en
tout cas est ouverte à toutes les
interprétations.
La première image de
Tu mourras à vingt ans montre,
au premier plan, un cadavre
d’animal. Le ton est tout de
suite donné : un nouveau-né,
Muzamil, fait l’objet d’une
prophétie qui le condamne
à une mort certaine le jour
de ses vingt ans, prophétie
qui évidemment pourrit
totalement sa vie et celle de
ses parents. Les garnements
de son âge le surnomment
« Fils de la mort », le moquent
cruellement, l’ostracisent. Son
père, incapable de supporter ce
fardeau, disparaît, abandonnant
femme et enfant. Devenu
adolescent, Muzamil trouve une
sorte de père de substitution
en la personne de Sulaiman,
un vieil homme tout à fait
immoral : il boit de l’alcool, vit
en concubinage et va jusqu’à
pousser le jeune garçon à penser
par lui-même, à s’émanciper, à
partir : « Ton cerveau doit-il juste
te servir à apprendre le Coran
© PYRAMIDE DISTRIBUTION
par cœur ? » Paroles émanant
d’un vieil excentrique marginal,
débauché, alcoolique, donc
forcément sans grande portée
pour les villageois, mais pas
forcément pour les spectateurs.
Le non-dit
Si on gratte encore un petit peu
plus, ces trois films aboutissent
finalement, chacun à sa
manière, au même constat,
à savoir la défaite complète
de toute forme de pensée
rationnelle, de toute vision
à l’occidentale d’un monde
en marche vers le progrès.
Le médecin du Miracle du
saint inconnu se résigne à
n’être rien de plus qu’un
distributeur automatique de
placebo à toutes les commères
qui viennent à son cabinet
pour passer le temps, pour se
distraire, comme elles iraient
au hammam. Les vrais malades,
eux, continuent à chercher
la guérison au mausolée du
saint inconnu.
Amine lui-même, le voleur,
échafaude toute sorte de plans
rationnels pour récupérer
le sac de billets qu’il avait
caché sur la colline dix ans
auparavant, mais en pure perte :
nouveau Sisyphe, il escalade et
réescalade la colline sans répit,
mais toujours en vain, toujours
empêché pas les hasards,
les mauvais pressentiments,
l’absence de rationalité de
toute chose. Ce qui triomphe
ici, comme dans les deux
autres films, c’est la pensée
magique. Hassan, le fils de
Brahim, fait sauter le mausolée
du saint inconnu, symbole
Le Miracle du saint inconnu
Tu mourras à vingt ans
Un divan à Tunis
© KAZAK PRODUCTIONS
de toutes les oppressions.
Et c’est là que cette drolatique
histoire de voleur sans butin,
de chien à dents en or et de
miracle ordinaire prend toute
sa dimension : l’explosion fait
sortir de terre le fameux sac de
billets. Il n’y a là évidemment
aucun mystère mais la pensée
magique triomphe : avec
l’argent récupéré Hassan fait
reconstruire le mausolée,
dorénavant dédié à Saint
Brahim, feu son père borné
et castrateur ! Les villageois
reviennent, plus convaincus
que jamais des pouvoirs
surnaturels du saint, des
touristes même arrivent.
La superstition a éliminé toute
forme de pensée rationnelle…
sauf une : la marchandisation
est en marche.
Tu mourras à vingt ans
est encore plus pessimiste.
Le film n’a strictement rien
de fantastique ou de tragique.
Il décrit au contraire, de
façon très sobre et réaliste,
le processus d’écrasement
conscient, systématique,
d’une famille. Non seulement
chaque instant de la vie de
Muzamil est empoisonné
par la prédiction, mais en
plus, à l’approche de la date
fatidique, le voilà obligé de
participer à la préparation
d’une cérémonie des adieux,
qui aura lieu en sa présence !
La prophétie est une véritable
condamnation qui créé les
conditions mêmes d’une mort
prématurée : Muzamil songe à
se tuer, parfait exemple d’une
prédiction devenant autoréalisatrice.
La croyance est si
forte, si indiscutable, qu’elle
plie la réalité, la contraint, la
façonne. Ce que nous voyons
ici, c’est la preuve qu’une
superstition peut être mortelle,
qu’elle peut détruire familles
et individus.
Le seul des trois films à être
un tout petit peu optimiste est
Un divan à Tunis : Selma arrive,
à force d’énergie, de patience,
d’obstination, à obtenir son
autorisation d’exercer le
métier de psychanalyste, son
oncle Mourad redécouvre sa
femme, sa nièce Olfa passe
enfin son bac, le boulanger
finit par accepter sa féminité
et s’épanouir. Petites victoires
ponctuelles, isolées, finalement
très limitées. Sur le fond
en réalité rien n’a changé.
Obscurantisme, ignorance,
préjugés de toute sorte,
immobilisme d’une société
où l’individu est sujet passif
et non citoyen pensant, où la
soumission aveugle aux diktats
et aux tabous est de règle,
tout cela a encore de beaux
jours devant soi. Quand on
voit à quel point il est difficile
de progresser ne serait-ce
que d’un tout petit iota, on se
dit que le chemin est encore
long, très très long, avant que
la superstition cède la place à
l’esprit critique, la crédulité à
la raison raisonnante, avant
qu’on choisisse de penser
plutôt que de croire. Cela
dit, nous-mêmes, avant de
prétendre jouer les donneurs de
leçons, nous ferions sûrement
bien de balayer devant notre
porte, et pas qu’un peu… — AW
N°388 — avril 2020 15
AUTOUR DES FILMS — COURTS LETTRAGES
Jojo Rabbit
États-Unis • 2020 • 1h48
Un film de Taika Waititi
Avec Roman Griffin Davis,
Thomasin McKenzie,
Scarlett Johansson
Fade
Le film est dénué de toute ambiguïté
mais peut-on traiter du nazisme dans
une comédie ? Oui, et cela a déjà été fait
(Chaplin, Lubitsch, Benigni). Problème :
l’horreur ici certes apparaît, mais reléguée
au second plan derrière le distrayant
spectacle de ces petits garçons rigolos, d’un
Hitler ridicule mais presque sympathique,
d’une jeune juive pleine de sang-froid et
d’esprit, d’une belle résistante très glamour
et de SS bien inoffensifs. Le film est
parfois amusant, souvent bon enfant. Il y a
humour et humour. Celui-ci, trop gentillet,
n’est vraiment pas à la hauteur. — AW
Oui, mais...
Ce Jojo Rabbit n’est pas sans évoquer
Le Dictateur de Chaplin, Le Tambour
de Volker Schlöndorff mais aussi le Wes
Anderson de Moonrise Kingdom et de
The Grand Budapest Hotel : des références
remarquables assurément ! Au bénéfice
du film on pourrait aussi ajouter
l’interprétation bluffante du jeune Roman
16
Les Carnets du Studio
Griffin Davis, le fameux Jojo. Pourtant,
malgré ces qualités manifestes, quelque
chose dans cette fable empêche une
adhésion sans restriction : le choix d’avoir
rendu Hitler presque sympathique ? — IG
Glaçante loufoquerie
Je n’ai pas réussi à rire à ce film qui joue
avec les tabous de la seconde guerre
mondiale. Je n’ai pas aimé voir des nazillons
représentés comme des scouts débiles et la
loufoquerie du propos m’a glacé.
Dois-je avouer qu’après la pendaison
brutale de la mère, la violence de cette
comédie familiale m’a moins déplu ?
Question subsidiaire : peut-on vraiment
s’amuser à représenter Hitler comme un
pantin grotesque et sans pouvoir ? — DP
Dérision et nazisme
La bande annonce m’avait mise mal à
l’aise. Était-il possible de rire de deux
personnages aussi monstrueux et
fanatiques qu’un jeune nazi et Adolf Hitler
lui-même ? Mais derrière la comédie se
cachaient une satire et un drame qui m’ont
émue plus que je ne l’aurais pensé. — MS
Jojo Rabbit
Solution finale
Soyons sérieux : avec un rejeton aussi
bête et méchant que cet (affreux) Jojo,
on ne saurait en vouloir à une mère de se
résoudre à aller noyer sa progéniture. Il
y a plus d'héroïsme pour elle à continuer
à aimer ce fils qu'à entrer en résistance
contre l'oppresseur. — ER
Éloge de la fuite
Entre références à Charlot et à Anne Frank,
T. Waititi imprime un style propre et décalé
à l'aune d'un grand écart osé. Malgré une
dimension absurde dominante, la gravité
n'est pas exempte. Ainsi, la moquerie
humiliante d'un cheffailon des Jeunesses
Hitlériennes à l'égard de Jojo, qui ne se
résout pas à tordre le cou du lapin pour le
tuer, contamine d'emblée les camarades
de la colo. Le contexte est ainsi rappelé :
la soumission à l'autorité peut s'exercer
aux dépens de sa propre part d'humanité.
Se conformer permet alors de trouver un
abri, bien que totalement illusoire. Cette
scène, loin d'être anodine, est révélatrice
de quelques-uns des leviers transformant
l'être par le groupe et le pouvoir. Adviendra
ensuite la part de responsabilité à assumer
par chacun… En attendant, Jojo, lui, a
fui, avec raison. Un autre cheminement
l'attend, une rencontre sensible sous son
propre toit. Très belle. — RS
Équilibrisme burlesque
Si T. Waititi, n’est pas le premier à
faire cohabiter humour et Adolf
Hitler, chaque fois l’exercice relève du
numéro d’équilibriste. Et le réalisateur
y excelle : dans un film vu à hauteur
d’enfant, il dynamite par le burlesque
la gravité du propos pour dénoncer les
pratiques insidieuses exercées sur une
génération crédule et innocente. Le ton
loufoque et décalé jusqu’au délire, la
mise en scène pleine d’imagination, les
dialogues cinglants, font de Jojo Rabbit
un film d’une grande originalité, qui
nous promène de l’humour le plus noir à
l’émotion la plus intense. — SB
Ofni
Film de studio hollywoodien, certes,
mais assez inclassable. Jojo Rabbit est
réalisé par Taika Waititi, Néo-zélandais
né d'un père maori et d'une mère
d'ascendance juive ashkénaze russe.
Et qui joue le rôle de l'ami imaginaire du
héros, à savoir, Adolf Hitler ? Le réalisateur
lui-même. Ofni du mois. — JF
N°388 — avril 2020 17
© 2019 TWENTIETH CENTURY FOX
AUTOUR DES FILMS — À PROPOS
Histoire d'un regard
Le pouvoir du fixe
Histoire d'un regard \ Mariana Otero
Il peut être tentant d'imaginer que l'image
« vraie », prise sur le vif, garante à 100 % de la
réalité, de l'authenticité, transmettrait mieux ou
plus l'émotion du moment de vie qu'elle saisit
et représente. De la même manière, on pourrait
aussi se dire (il s'agit bien sûr du point de vue
d'un cinéphile/cinéphage, mais si vous lisez ces
lignes, il y a des chances que vous soyez vous aussi
peu ou prou membre de la secte…) que l'image en
mouvement, l'image filmée, saura mieux et plus
transmettre la vérité du moment filmé que ne le
ferait une image fixe.
L'idée, en gros, c'est que plus « ça ressemble »,
plus ça « a l'air vrai » et plus ce serait susceptible
de faire passer de l'émotion.
Le très beau (exemplaire, même) film de M.
Otero sur le travail et la vie du photographe Gilles
Caron, Histoire d'un regard, nous offre ce qui m'a
semblé être un puissant exemple… du contraire !
Une scène du film, en effet, m'a posé quelques
questions ET touché comme rarement. Biafra,
1968. Gilles Caron, comme de nombreux autres
photographes de presse, saisit des images de combattants,
d'hommes et de femmes faméliques,
d'enfants mourant de faim… Il photographie aussi
un enfant mort et deux adultes (ses parents ?) qui
s'apprêtent à l'inhumer en l'enveloppant dans une
natte qui servira de linceul.
Laisser du vide
Gilles Caron bien sûr ne filme pas mais
prend plusieurs photos très rapprochées que
Mariana Otero fait apparaître successivement à
l'écran. Il n'y a donc ni son d'origine ni mouvement
et pourtant, à cet instant précis, le fractionnement
même du mouvement, son découpage, me sont
apparus plus émouvants que ne l'auraient été les
quelques minutes ou secondes qu'a dû durer l'action.
Ce découpage m'a je crois plus frappé au cœur
qu'aucun enterrement filmé n'aurait pu le faire.
18
Les Carnets du Studio
© DIAPHANA DISTRIBUTION
Alors quoi ?
Alors, tout se passe comme si c'était dans les
interstices vides laissés entre les images fixes que
s'est projetée mon émotion. Les images ne s'enchaînaient
pas de manière fluide à raison de 24 par
seconde (1) mais fixaient autant d'instants de douleur
là où la même scène filmée n'aurait peut-être
généré qu'UN seul moment poignant.
Il n'y a aucune généralité à tirer de cette observation
mais j'y vois comme un parallèle avec
certains films (Valse avec Bachir en étant sûrement
le meilleur exemple) dans lesquels la légère
déréalisation induite par le caractère dessiné de
l'image me rendait plus sensible l'univers du film
ainsi porté sous mes yeux.
Mais il y a encore autre chose : ce que nous
voyons à ce moment du film de Mariana Otero,
ce ne sont pas QUE des images fixes… ce sont
des images fixes mises en scène par le processus
filmique… Le cinéphile est soulagé de retrouver
intacte sa passion pour les images qui bougent…
Ouf… — ER
(1) Il y aurait beaucoup à redire sur l'aphorisme godardien qui
veut que « la photographie c'est la vérité et le cinéma c'est 24 fois
la vérité par seconde… »
AUTOUR DES FILMS — INTERFÉRENCES
Histoire d’un regard
Sympathie pour le diable
Portraits
d’un disparu
Dans la mythologie
contemporaine le
correspondant de guerre
tient une place à part, entre
le héros qui brave la mort
pour l’édification des foules
et le paria contaminé par les
horreurs qu’il a vues, décrites,
photographiées. Deux films
récents nous proposaient deux
portraits cinématographiques
radicalement différents.
À la 2 e personne
À l’origine du superbe
Histoire d’un regard de
Mariana Otero il y a une
coïncidence biographique.
Feuilletant un livre sur le
photographe Gilles Caron, elle
est tombée sur les dernières
pages qui racontaient sa
disparition au Cambodge en
1970. Sur son dernier rouleau,
au milieu « des images de
reportage, deux petites filles
en bonnet dans un jardin en
hiver, ses deux filles Marjolaine
et Clémentine. J’étais saisie.
Je retrouvais, comme en miroir,
les dessins que ma mère peintre,
Clotilde Vautier, avait faits
de ma sœur et de moi-même
enfants, peu avant sa mort en
1968, alors qu’elle aussi avait
à peine trente ans. » Elle a été
traversée par le même désir que
celui qui avait donné naissance
à Histoire d’un secret en 2003 :
« Faire revivre un artiste à
partir des images qu’il laisse et
exclusivement à partir d’elles. »
Dialoguant avec l’absent,
elle part à la découverte des
100 000 photos qu’a laissées
Caron et les questionne,
les dispose dans l’espace, tente
de retrouver le parcours d’un
homme, sa façon de regarder
le monde. Et c’est passionnant
de bout en bout, parce que dans
ce travail d’une archéologie
sensible, elle parvient à
retrouver « une dimension
narrative, romanesque et
cinématographique » aigüe.
Mimétiquement votre
Le film de Guillaume de
Fontenay, intitulé Sympathie
pour le diable, nous plonge
brutalement dans l’enfer du
siège de Sarajevo en 1992, avec
comme guide, excessif et à
fleur de peau, Paul Marchand,
reporter français, avec lequel
le réalisateur a signé le
scénario en 2009, à partir de
son roman éponyme, avant
qu’il ne se suicide quelques
mois plus tard. C’est l’acteur
Niels Schneider qui est chargé
de faire revivre Marchand,
sa démesure, ses fanfaronnades
provocatrices, ses coursespoursuites
suicidaires sur
Sniper Alley ; et il le fait avec
un éblouissant panache.
Pendant des années personne
n’a voulu financer ce film.
Sarajevo n’intéressait plus, cet
enfer où Serbes et Croates ont
commis des crimes atroces,
tout ça sous l’œil impassible de
la communauté internationale »,
comme l’affirmait à chaque
fin de reportage le mercenaire
de l’information qui avouait
au réalisateur : « J’ai marché
en terre contaminée, je ne
suis plus apte à vivre… Je suis
vieux de milliers de morts. »
Le réalisateur n’a ni voulu
faire le portrait d’un héros,
ni glorifier ses méthodes,
mais « faire un film à hauteur
d’homme » à l’heure où l’histoire
se répète en Syrie, au Soudan,
au Yémen, en Irak, avec
la même apathie collective qui
le révulse. Il voulait retrouver
sur grand écran la force
désespérée des cris d’alarme de
Paul Marchand. — DP
N°388 — avril 2020 19
RENCONTRE
Le 31 janvier, pour la troisième fois, Mariana Otero
a présenté Histoire d’un regard, un documentaire intense
à la recherche de Gilles Caron, grand reporter disparu
brutalement en 1970 au Cambodge.
La genèse du film
fait partie du film
« C’est l’histoire du regard de Gilles Caron et
l’histoire de mon regard sur Gilles Caron ». La réalisatrice
considère son documentaire comme le
second volet d’une œuvre antérieure et intime,
Histoire d’un secret (2003), consacrée à sa mère,
artiste-peintre décédée suite à un avortement.
M. Otero considère Gilles Caron aussi comme un
artiste. En 2013, alors que M. Otero terminait À
ciel ouvert, elle reçoit un ouvrage sur G. Caron.
En voyant les dernières pellicules du reporter sur
des photos du Cambodge et de sa famille, elle fait
le lien avec des dessins de sa mère la représentant
avec sa sœur. « Ça a fonctionné comme un signe ».
100 000 photos !
Mariana Otero accède ensuite à la totalité des
pellicules de G. Caron : « c’est un vrai cadeau »,
toutes ces photos numérisées. Marianne Caron,
« pendant des années, n’avait plus voulu en
entendre parler. C’était il y a dix ans qu’ils ont ressorti
les photos, fait la Fondation, des expositions ».
C’est parce que Marianne Caron avait beaucoup
aimé Histoire d’un secret qu’elle a accepté. Avec
une stagiaire, M. Otero a mis six mois pour ranger
les rouleaux. Elle s’est renseignée pour croiser les
pellicules, repérer qui est qui : première étape d’un
« travail archéologique » !
« Après ça, il a fallu construire le film »
Avec l’avance sur recettes, il a fallu cinq
ans de travail avec, au milieu, le documentaire
L’Assemblée en 2017. « Les évènements qu’a
20 Les Carnets du Studio
racontés G. Caron à travers ses photos ont encore
des résonances ». Concernant la célèbre photo
de Cohn-Bendit pendant les évènements de 68,
la réalisatrice s’aperçoit que des photos ont été
inversées. Elle se rend compte de l’intention de G.
Caron : « il a envie de faire cette photo, envie de faire
le tour, de prendre le policier. […] Je peux redonner
un corps, une présence à Gilles Caron, la possibilité
d’interpréter Gilles Caron à travers ses photos ».
Pour construire le documentaire, M. Otero a
conservé les reportages les plus importants présentés
dans l’ordre chronologique : Jérusalem et
la guerre des Six Jours, Vietnam, guerre civile au
Biafra, manifestations catholiques à Londonderry,
Printemps de Prague, le Tibesti tchadien avec
Raymond Depardon, etc.
© NICOLE JOULIN
Mariana Otero
Dialogue...
« Ce qui m’a guidée aussi, je voulais utiliser un dispositif différent
pour chacun des reportages, l’objectif étant de faire émerger quelque
chose d’important. […] C’est comme une enquête, donc je dis “je” ». G.
Caron, elle le tutoie parce que « pendant six mois, j’ai travaillé sur ses
photos ». C’est « extirper aussi le sujet de celui qui photographie. “Tu”,
c’est une manière de le convoquer, il est là, c’est l’émergence de sa présence,
ce n’est pas un biopic ! C’est un récit très subjectif ». « Il y a plein
d’autres photos magnifiques. Le film n’est pas une exposition des photos
de Gilles Caron. C’est une interprétation, un récit et aussi ses réflexions
sur la photographie ».
BIO
EXPRESS
Après des études de cinéma
à l'IDHEC, Mariana Otero se
tourne vers le documentaire.
Cette télévision est la vôtre (1997)
fera polémique au Portugal.
Membre de l’ACID et enseignante
à la FEMIS, ses documentaires
sont remarquables :
La Loi du collège (1994),
Entre nos mains (2010)...
« C’était de la broderie ! »
Au montage, il s’agissait de conserver le cadre de G. Caron. « J’avais
l’impression qu’il photographiait comme il filmerait, avec des gros plans,
des plans rapprochés, comme des scènes de cinéma…. D’où l’hypothèse
qu’il allait aller vers le cinéma ».
« Pour la bande-son, on a fait venir un musicien qui nous a proposé
plein de sons. Ça a été très vivant avec le montage. Il y a aussi du
silence et du silence avec du souffle. C’était très important ». Il fallait
aussi trouver la durée juste de la photo. D’où un travail très minutieux.
« Il y a une forme de mélancolie, c’est un film sur la disparition,
sur ceux qui ne sont plus là ». Gilles Caron, c’était un jeune homme
qui, pendant la guerre d’Algérie, suite à un refus de combattre, a été
emprisonné deux mois. Il rentre profondément blessé et devient photo
reporter. « G. Caron avait trois appareils photo, dont un avec une pellicule
couleur pour faire les couvertures. Il avait une grande culture
artistique et ses photographies sont habitées d’un grand imaginaire.
Il n’est pas juste habité par le réel. Il photographie toujours des gens,
ce n’est pas seulement un évènement. Quand il photographie cet enfant
[au Biafra], la position de son corps, ce n’est pas un enfant, c’est CET
enfant-là. Ça donne une singularité, une puissance émotive, un aspect
cinématographique ».
Et si « évidemment, il manque les dernières » pellicules de Gilles Caron,
Mariana Otero nous a offert une œuvre remarquable pleine d’humanité
pour une soirée d’une très grande richesse. — RS
N°388 — avril 2020 21
RENCONTRE
Un film judiciaire passionnant, intelligent, et percutant ;
le débat qui suivit la projection en avant-première
le 10 janvier dernier le fut tout autant.
Le doute au cœur
(du film)
Un fait divers glaçant
Le scénario écrit en moins d’un an s’inspire
d’un fait divers qui marqua l’Argentine : alors
qu’une étudiante a été sauvagement assassinée,
tout accuse sa meilleure amie, dont la victime
venait de mettre en ligne sans son consentement
une sextape sur les réseaux sociaux. Si le film
argentin Accusada de Gonzalo Tobal traite de ce
sujet, les deux réalisations sont radicalement différentes.
Stéphane Demoustier se concentre sur la
famille et le procès. Celui-ci devient le prisme grossissant
des rapports entre des parents et leur fille.
Une introduction tout en douceur
La scène de plage tournée à la Bernerie qui
ouvre le film a tout de l’image d’Épinal : une famille
réunie – il y a là les parents, la fille adolescente et
son jeune frère –, la mer et un horizon dégagé. Le
plan est large, harmonieux, aéré, propice à l’apaisement.
Ce sera le seul de tout le film ! Et quand il
22
Les Carnets du Studio
© NICOLE JOULIN
sera évoqué par la suite au cours du procès, il servira
de déclencheur à l’interrogation des parents :
que pensait leur fille quand les policiers ont investi
le lieu pour l’arrêter ?
Un procès d’assises
Hormis quelques séquences tournées dans la
maison moderne de la famille, le jeune réalisateur
nous enferme dans le tribunal à l’architecture très
contemporaine de Nantes, et plus précisément
dans la salle d’audience où se tient le procès :
100 figurants, 40 techniciens et un plan de tournage
contraint par la disponibilité du lieu entre
deux procès.
Il y a l’avocate générale, rôle difficile tenu avec
précision et talent par Anaïs Demoustier, sœur de
Stéphane. Elle doit porter l’accusation et, comme
il n’y a pas de preuves flagrantes, elle tente de
convaincre en dérivant sur le plan moral. Le procédé
est habituel dans ce genre de cas.
Aux côtés de l’accusée son avocate, Anne
Mercier, la plus âgée et la plus sereine de l’assemblée.
Elle se montre ouverte et en paix face à
l’attitude déroutante de la prévenue.
Nous ne verrons pas l’intervention du psychiatre
qui dresse le portrait psychologique de
Lise, ni les jurés qui resteront hors champ. La
configuration de l’espace fait que nous sommes
à leur place. Nous voilà donc convoqués pour
prendre parti. Et ça marche !
Aucune improvisation : réquisitoire et plaidoirie
ont été écrits par le réalisateur, cette dernière
Stéphane Demoustier
revue par Pascal-Pierre Garbarini, avocat pénaliste qui tient le rôle du
président du tribunal.
Le procès structure le film : sa dramaturgie sert de fil rouge.
Stéphane Demoustier, qui a beaucoup fréquenté les tribunaux avant et
pendant l’écriture, a recherché la rigueur : il fallait que ce soit plausible
mais pas documentaire, trouver le difficile équilibre afin de privilégier la
fiction. Le résultat est prodigieux : nous sommes captivés de bout en bout.
Ces adolescents qui nous échappent
Pendant tout le film-procès l’attitude de Lise se prête à toutes les interprétations.
Personnalité complexe, elle parle peu, refuse de se justifier
même si son attitude peut se retourner contre elle. Nous sommes désemparés
face à ses silences qui peuvent être autant synonymes d’innocence
que de culpabilité, comme nous le sommes par la sexualité d’adolescents
dépourvue d’affect. Ses parents, qui découvrent que leur enfant est une
étrangère, après être passés par une suite d’émotions très fortes le sont
tout autant que nous. Mais jusqu’où connaît-on ses enfants ? jusqu’où
les aime-t-on ? accepte-t-on ce qu’ils sont ?
BIO
EXPRESS
Diplômé d’HEC, féru
d’architecture, de cinéma
et de tennis qu’il pratiqua
à un haut niveau, Stéphane
Demoustier, 43 ans, signe
avec La Fille au bracelet son
deuxième long métrage,
après Terre battue (2014 avec
Olivier Gourmet et
Valéria Bruni-Tedeschi).
Un film sur le doute
Au cœur du film, une scène contribue à accentuer notre désarroi et à
nous déstabiliser un peu plus : le couteau manquant – qu’on ne peut s’empêcher
d’associer au crime – est retrouvé dans la maison de la Bernerie
par le jeune frère. On sent alors les parents de Lise vaciller. L’innocence
de leur fille semble irrémédiablement mise à mal. C’est à ce moment
que se révèle le doute qu’ils essayaient de contenir : et si leur attitude
n’était qu’une posture ?
Coupable ou innocente
Nous aurons d’autant moins de certitudes que le réalisateur lui-même
nous avoue qu’il ne sait pas si Lise est coupable ou innocente…
Et il sème le trouble jusqu’au bout : le bracelet qu’elle passe à son pied
à la fin du film marque-t-il l’attachement de la jeune fille à sa victime ou
remplace-t-il le bracelet électronique, symbole de culpabilité, dont elle
vient d’être libérée ?
L’intérêt du film est aussi de questionner sur les différentes formes
que la vérité peut revêtir ; enfermés avec tous les protagonistes dans le
huis clos du tribunal, nous ne pouvons échapper à ce questionnement…
La Fille au bracelet est un grand film dont on ne sort pas indemne ! — SB
N°388 — avril 2020 23
RENCONTRE
Le 7 février dernier le tourangeau Étienne Chaillou était de
retour aux Studio, sa « salle de cœur », pour présenter son
deuxième long métrage, La Cravate, réalisé comme le précédent
(La Sociologue et l’ourson) avec son comparse Mathias Théry.
Le débat passionné qui a suivi la projection devant une salle
archi-comble a confirmé que le film, passionnant à bien
des égards, ne laisse pas indifférent.
La juste distance
Bastien
Quelques mois avant les élections présidentielles
de 2017, France 3 décide de s’intéresser à
des jeunes qui vont voter pour la première fois.
La chaîne commande un reportage à Étienne
Chaillou et Mathias Théry. Tandis que le premier
coordonne le projet, le second part en quête
de « jeunes » dans les Hauts-de-France. Il y rencontre
Bastien Régnier, 20 ans, jeune homme assez
mystérieux, militant du Front National, adepte
de Marine Le Pen, dont il a accroché le poster
au-dessus de son lit. Rien ne semblait pourtant le
prédisposer à suivre cette orientation : issu d’un
milieu aisé, sa famille est éloignée de tout engagement
politique et sa petite amie se dit proche de
Jean-Luc Mélenchon.
Un long apprivoisement
Les cinéastes et le militant vont progressivement
se découvrir, jusqu’à partager une forme de
complicité. Bastien prend plaisir à discuter avec
les deux réalisateurs, qui le rencontrent régulièrement
et ne lui cachent rien de leurs opinions
opposées aux siennes. Il a envie de montrer le côté
acceptable du Front National, aime visiblement
se raconter, semble sincère et fier de se prêter au
jeu de l’interviewé. Pourtant les non-dits et les
omissions volontaires dans son parcours vont
pousser les réalisateurs à mener un véritable travail
d’enquêteurs. Ils réussiront à reconstituer les
pièces manquantes ou obscures de sa vie d’avant
24 Les Carnets du Studio
le FN – ses liens avec les groupes d’extrême droite
violents, la mouvance skinhead, un évènement
dramatique de son adolescence… Toutes ces clés
donnent peut-être les raisons de son engagement
extrême : et s’il avait adhéré au FN parce qu’il avait
peur ? Si c’était la conséquence d’évènements
subis et d’une succession de choix inappropriés ?
Le choix du romanesque
Les documentaires, comme toute œuvre cinématographique,
sont construits, ont un côté
artificiel, induisent une façon de voir. Partant de
© ROSELYNE GUÉRINEAU
Étienne Chaillou
BIO
EXPRESS
Après des études de cinéma
à l'IDHEC, Mariana Otero se
tourne vers le documentaire.
Cette télévision est la vôtre (1997)
fera polémique au Portugal.
Membre de l’ACID et enseignante
à la FEMIS, ses documentaires
sont remarquables :
La Loi du collège (1994),
Entre nos mains (2010)...
ce constat, les deux réalisateurs ont une nouvelle fois fait un choix d’une
grande originalité : après les marionnettes de La Sociologue et l’ourson,
ils nous montrent un documentaire sur un film en train de se faire et
dont le héros est un personnage qui pourrait être celui d’un roman. Ils
ont d’abord tourné des séquences de Bastien en action au sein du Front
National et dans sa vie privée, en même temps qu’ils l’interviewaient hors
caméra. Ces entretiens très libres ont servi ensuite à écrire un texte de
forme « littéraire » qu’ils présentent à Bastien après l’avoir joliment mis
en page. Ils le filment alors réagissant à ces écrits qui seront, avec son
accord, la voix off du film.
Le résultat, formidable, nous donne à voir deux styles de séquences.
Soit on suit Bastien devenu le héros de sa propre vie, distribuant des tracts,
se faisant insulter, gravissant les échelons en accédant à quelques responsabilités.
C’est un gars droit, un brave petit soldat, mais on comprend vite
qu’il n’atteindra pas les sommets d’une formation pleine d’ambitieux qui
le méprisent. Soit il est filmé face caméra en train de lire le texte écrit à
la troisième personne et réagissant à sa vie, son histoire, jusqu’à révéler
des moments cachés que le FN l’obligeait à taire. Cette forme avec une
voix off qui efface quasiment toutes les autres offre en outre des moments
savoureux : on voit ainsi les cadres du parti à la tribune de meetings ou
au milieu des ouvriers de l’usine Whirlpool mais on ne les entend pas. Le
décalage est époustouflant ! La même prise de distance est induite par les
morceaux de musique des années 80 qui ponctuent le film ou par l’emploi
de l’imparfait ou du passé simple dans le texte narratif…
Aller au fond des choses
En usant de ces artifices, Étienne Chaillou et Mathias Théry réussissent
l’exploit d’analyser avec finesse le fonctionnement d’un parti politique en
général et du Front National (devenu RN) en particulier. Ils soulignent le
poids de la communication qui détruit le politique, l’aisance des cadres
du parti et la place dévolue aux simples militants, mettent en garde face
au mépris dont sont victimes les votants du parti d’extrême droite… C’est
très fort. — SB
N°388 — avril 2020 25
© GEBEKA FILMS
© CINÉ TAMARIS
JEUNE PUBLIC
Jacquot de Nantes
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 8 ANS - 1H58
France - 1991, film d’Agnès Varda
En 1939, Jacquot, 8 ans, fils d’un garagiste, vit
à Nantes au-dessus du garage paternel. Mais
alors que son père voudrait faire de lui un mécanicien,
Jacquot ne rêve que de réaliser des films,
et finit par s’acheter une petite caméra…
Cet hommage pudique d’Agnès Varda à son
mari saura émouvoir et enchanter les adultes
comme les enfants.
26 Les Carnets du Studio
atelier
Mercredi 22, après la séance
de 16h, atelier Gloutons,
gloutonnes. Inscriptions
auprès de Jérémie Monmarché
(monmarche@studiocine.com)
Les Ours gloutons
À PARTIR DE 4 ANS - 45 MIN VF
République Tchèque - 2019, film d’animation
d’Alexandra Hetmerová & Katerina Karhankova
Nico et Mika sont deux ours bruns très amis qui
vivent dans une belle maison en plein cœur de
la forêt. Ils partagent une passion commune
pour les bons petits plats. Prêts à tout pour s’en
procurer sans effort, ils bravent les risques pour
leurs papilles !
Un film tout en bonne humeur et en chansons,
une jolie entrée au cinéma pour les petits !
école et cinéma
Mercredi 1 er avril à 14h, séance tout
public ouverte aux enseignants du
cycle 3 inscrits à École et Cinéma.
Les Mondes parallèles
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 12 ANS - 1H33 VO VF
Japon - 2018, film d'animation de Yuhei Sakuragi
Shin et Kotori sont deux adolescents de Tokyo.
Ils rencontrent un jour Jin, un garçon sosie de
Shin. Il prétend venir d'un Japon parallèle où la
vie des siens est mise en danger par une princesse
malfaisante, sosie de Kotori. Pour sauver
son peuple, il doit donc la pourchasser…
Comme les deux adolescents du film, laissez-vous
bouleverser par ces mondes parallèles.
Un beau récit initiatique dans ce premier film
qui plaira aux amateurs de science-fiction.
Le Prince serpent
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 10 ANS - 59 MIN
France - 2013/2019, programme de 3 courts
métrages d’animation de Fabrice Luang-Vija
& Anna Khmelevskaya
Venez découvrir trois fabuleuses histoires qui
vous entraîneront du bord d’une mare jusqu’en
Arctique au pays des Inuits en passant par l’antique
Mésopotamie.
Trois contes pour s’interroger sur l’intelligence,
la tolérance et la simplicité…
Les Nouvelles Aventures
de Rita et Machin
À PARTIR DE 4 ANS - 47 MIN VF
France/Japon - 2019, programme de 10 courts
métrages de Pon Kozutsumi et Jun Takagi
Rita a 5 ans, une robe à fleurs et des idées plein
la tête. Machin, son chien, a une tache sur l’œil
et un petit bout de queue. Ils reviennent pour de
nouvelles aventures où tout se termine toujours
par un câlin.
© EUROZOOM
© CINÉMA PUBLIC FILMS
© EUROZOOM
sortie
nationale
© 2019 DISNEY/PIXAR. ALL RIGHTS RESERVED
© TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
© CARLOTTA FILMS
En avant
À PARTIR DE 6 ANS - 1H40 VF
États-Unis - 2020,
film d'animation de Dan Scanlon
Dans la banlieue d'un monde imaginaire, deux
frères elfes partent à l'aventure pour ramener à
la vie leur papa pendant une journée. Une quête
qui va les amener à quitter le confort matériel
de leur vie moderne et à retrouver la magie qui
règne en eux.
Les créateurs de Toy story, Coco et Les
Indestructibles vous embarquent dans un nouvel
univers. Partez cette fois en quête de la magie
qui règne en chacun de vous…
L’Appel de la forêt
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 9 ANS - 1H40 VF
États-Unis - 2020,
film d’aventure de Chris Sanders
La vie paisible du chien Buck bascule lorsqu’il
est brusquement arraché à sa maison et devient
chien de traîneau dans les étendues sauvages
du Yukon canadien. Buck va devoir lutter pour
survivre, jusqu’à finalement devenir son propre
maître.
Dark crystal
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 8 ANS - 1H33 VF
États-Unis - 1983,
film d’animation de Jim Henson & Frank Oz
Un autre monde, un autre temps… Jen et Kira,
seuls survivants de la race des Gelfings, partent
à la recherche d'un éclat de cristal gigantesque,
qui donne force et puissance au peuple
Mystiques. Ils doivent affronter les terribles
et cruels Skekses qui tiennent ces derniers en
esclavage.
animation
Après la séance
unique de mercredi 8,
animation Quiz.
Avril 2020
Minuscules 2 :
les Mandibules du
Bout du Monde
À PARTIR DE 5 ANS - 1H32
France - 2019, film d’animation de
Thomas Szabo & Hélène Giraud
Lorsque les premières neiges tombent dans la
vallée, nos petits héros doivent préparer des
réserves pour l’hiver. Mais durant l’opération,
la coccinelle se retrouve piégée dans une
boîte… destination les Caraïbes ! L’équipe de
choc reprend donc du service, dans un tout
nouveau décor…
Le Prince oublié
TOUT PUBLIC À PARTIR DE 9 ANS - 1H41
France - 2020, film de Michel Hazanavicius,
avec Omar Sy, Bérénice Bejo,
François Damiens…
Sofia vit seule avec son père qui tous les soirs lui
invente une histoire pour l’endormir. Ses récits
extraordinaires prennent vie dans un monde
imaginaire. Mais trois ans plus tard, son père va
devoir accepter que sa fille grandisse…
Un film qui plaira à toute la famille et qui
séduira par son originalité en mêlant images
réelles et film d’animation.
N°388 — avril 2020 27
© FUTURIKON FILMS
© 2020 - PRELUDE - PATHE - STUDIOCANAL - TF1 FILMS
PRODUCTION - BELGA FILMS PRODUCTIONS - KOROKORO
EN BREF — NOUVELLES D’ICI ET D’AILLEURS
DE WIM WENDERS À EDWARD HOPPER
Dans le cadre d'une exposition consacrée
à Edward Hopper à la fondation Beyeler de
Bâle, le cinéaste allemand a réalisé un film
ovni d'une quinzaine de minutes intitulé
Deux ou trois choses que je sais sur Edward
Hopper. On y découvre quelques-uns des
plus grands tableaux du maître américain,
incarnés par des acteurs en chair et en os
dans des décors réels. Tout y est : la lumière,
l’ambiance… et le mystère si propre aux
œuvres de Hopper.
Wim Wenders a toujours indiqué que
les tableaux de Hopper ont, depuis le
début de sa carrière, nourri les décors,
la lumière et les couleurs, mais aussi la
place des personnages dans le cadre de ses
films. Il déclarait récemment sur France
Inter : « La lumière chez Hopper est très
cinématographique. Il fait des cadrages
que l’on ne connaît pas dans la peinture,
même le format c’est du cinémascope ! »
DE L’ÉCRITURE À L’ÉCRAN
C’est Guillaume Nicloux qui
réalisera l’adaptation du roman à succès
Soumission de
Michel Houellebecq ;
quant à Mélanie
Laurent, elle
s’attaque à celle
du Goncourt des
lycéens, Le Bal
des folles de
Victoria Mas.
28 Les Carnets du Studio
DE BÂLE À LONDRES
C’est à la Tate Gallery que Steve McQueen
(Hunger, 12 Years a Slave) expose ses films d’art,
une série d’œuvres invitant à une exploration
sensorielle, souvent liées à l’identité noire.
« Je me souviens de ma première visite à la Tate
quand j'étais un tout jeune écolier de 8 ans,
c'est vraiment le moment où j'ai commencé à
comprendre que tout
était possible », a
souligné le réalisateur.
La différence entre ses
films d'art et ses longs
métrages : « Les uns
sont de la poésie, les
autres des romans.
La poésie est condensée,
concise, fragmentée.
Le roman est une
longue histoire. »
DE LONDRES À BERLIN
Exit Alfred Bauer : après des
révélations fracassantes sur le
passé nazi du premier directeur
du festival de Berlin (de 1951 à
1976), les organisateurs ont retiré
le prix qui portait son nom et qui
récompensait un film ouvrant de
nouvelles perspectives dans l'art
cinématographique. Selon Die
Zeit, qui s'appuie sur des recherches
minutieuses, Alfred Bauer
(1911-1986) a été un haut responsable
de l'organisme cinématographique de
propagande mis en place par le ministre
d'Adolf Hitler Joseph Goebbels. Membre du
parti nazi NSDAP, il fut aussi « un fervent SA »,
selon des documents rédigés par les nazis euxmêmes.
Ce monsieur a joué un rôle de premier
plan dans la surveillance des acteurs, des
réalisateurs et d'autres membres de l'industrie
du film sous le Troisième Reich. Il en aura
fallu du temps pour révéler un passé aussi
compromettant…
— SB
INFOS PRATIQUES
Bienvenue dans le premier
cinéma Art & Essai d’Europe,
avec 7 salles et chaque
semaine plus de 20 films
de tous les horizons en
V.O. sous-titrée !
Les cinémas Studio
sont membres
de ces associations
professionnelles :
Bibliothèque
Horaires d’ouverture :
Lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi :
15h30 à 19h30. Fermeture pendant
les vacances scolaires et jours fériés.
Cafétéria
EUROPA CINÉMA
Regroupement
des salles pour
la promotion du
cinéma européen.
AFCAE
Association française
des cinémas d’art et
essai.
ACOR
Association des
cinémas de l’Ouest
pour la recherche
(membre co-fondateur).
GNCR
Groupement national
des cinémas de
recherche.
ACC
Association des
cinémas du Centre
(membre co-fondateur).
Cinémas Studio
2 rue des Ursulines
37000 Tours
www.studiocine.com
suivez-nous !
PRIX DE L’APF 1998
Gérée par l’association d’insertion AIR,
la cafétéria des Studio accueille les abonnés
sur présentation de leur carte de 15h30 à
21h30 (vendredi et samedi : 15h30 à 21h45).
Tél. : 02 47 20 85 77.
Abonnements
Valable 1 an, l’abonnement permet de
bénéficier d’un plein tarif à 5,50 ¤ au lieu de
9,50 ¤, tous les jours et à toutes les séances.
Abonnement amorti en moins de 5 séances !
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à partir du jour où vous le prenez.
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sur votre ticket d’entrée.
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• À l’accueil des Studio. Ne pas oublier
d’apporter sa carte (elle est rechargeable).
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CE (avec mon ancienne carte).
• Par internet, (excepté en cas de changement
de statut, ou tarif réduit à 10 euros).
Règlement : carte bancaire, chèques, espèces,
chèques vacances.
N°388 — avril 2020 29
film du mois
© WANG QUAN AN
La Femme des steppes,
le flic et l’œuf
Mongolie • 2019 • 1h40, un film de Wang Quan'an
avec Aorigeletu, Gangtemuer Arild, Dulamjav Enkhtaivan...
Au beau milieu de la steppe mongole, dans un
espace gigantesque et désert, loin de tout, est
retrouvé le corps d'une femme assassinée. Une
équipe de policiers arrive pour enquêter. Comme
il faut que l'un de ses membres reste sur place pour
monter la garde sur les lieux du crime toute la nuit,
c'est, bien sûr, le plus jeune qui est désigné. Le soir
venu, une jeune bergère étrangement surnommée
Dinosaure le rejoint pour lui apporter à manger,
mais aussi pour l'aider à se protéger du froid et
des loups. Elle restera toute la nuit et ne repartira
que le lendemain matin. Mais quelque chose aura
changé pour elle comme pour lui…
Et ce n'est que le début des surprenantes péripéties
vécues par les personnages, car, comme le dit
l'un d'entre eux, « Ce que voit l'œil humain n'est
pas toujours la réalité ». La Femme des steppes, le
flic et l'œuf, est aussi dépaysant que malicieux et
joueur. Non seulement il mêle habilement amour,
crime passionnel, naissance, préhistoire, mais il est
aussi un véritable régal pour les yeux. Les lumières
de l'aurore ou du crépuscule sur ces paysages à
l'horizon infini et où le ciel occupe les deux tiers
de l'écran, sont éblouissantes.
Wang Quan'an n'est pas tout à fait un inconnu :
habitué aux récompenses, on a déjà pu apprécier
son talent grâce à La Tisseuse, Le Mariage de Tuya
(Ours d'or au Festival de Berlin) ou Apart Together
(Ours d'argent, toujours à Berlin), La Femme
des steppes, le flic et l'œuf a, quant à lui, reçu la
Mongolfière d'or au dernier Festival des trois continents
de Nantes. Si, jusque-là, son nom était plutôt
synonyme de drame, ce changement de registre
est une réussite. Aussi léger que profond, porteur
d'une poésie étrange, presque décalée lorsqu'il se
lance sur des pistes cosmiques, il ne fait jamais
preuve d'un sérieux lourdingue sur des questionnements
métaphysiques, au contraire, son regard
simple sur le temps et son écoulement reste toujours
à hauteur humaine. Ce conte, coproduction
entre la Mongolie et la Chine, est un vrai délice qui
a tout pour séduire. — JF
www.studiocine.com
Les Carnets du Studio N° 388 — 2 rue des Ursulines 37000 Tours