Actuel 19
Anne Kellens Aurore Chapuis Brian D. Cohen Bob De Groof Pablo Flaiszman LUCE Colette Cleeren Claire Hilgers Takako Hirano Amir Shabanipour Céline Excoffon Hello Dada Galerie Épreuve d’Artiste
Anne Kellens
Aurore Chapuis
Brian D. Cohen
Bob De Groof
Pablo Flaiszman
LUCE
Colette Cleeren
Claire Hilgers
Takako Hirano
Amir Shabanipour
Céline Excoffon
Hello Dada
Galerie Épreuve d’Artiste
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Actueln o 19
l’estampe contemporaine
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T
(4) Anne Kellens
(12) Aurore Chapuis
(16) Brian D. Cohen
(20) Bob De Groof
(26) Pablo Flaiszman
(32) LUCE
(38) Colette Cleeren
(44) Claire Hilgers
(48) Takako Hirano
(52) Amir Shabanipour
(56) Céline Excoffon
(60) Hello Dada
(63) Galerie Épreuve d’Artiste
De la couleur avant toute chose…
Il plane comme un parfum d’enfance
sur l’œuvre d’Anne Kellens.
Une œuvre intime un brin nostalgique,
empreinte de détails ludiques où l’imagination
se mêle au réel.
Des scènes d’intérieur, dont l’artiste tente
de saisir l’insaisissable, sensible au temps
qui passe.
Une poésie qui dit tout de la présence
au monde et du pouvoir de la couleur.
Cette couleur qui a l’art de rendre unique
le multiple.
Qui nous entraîne de l’autre côté du miroir.
Qui dynamise.
Qui danse.
Qui fait rêver.
Et qui nous prend par la main.
Allez viens…
Pascale De Nève, à propos de l’œuvre de Anne Kellens
Ont collaboré à l’écriture de ce numéro : Pascale De Nève, Richard Noyce,
Georges Meurant, Brian D. Cohen, Guido Kuyl, Béatrice Vingtrinier,
Luce Cleeren, Colette Cleeren, Alan Speller, Takako Irano, Amir Shabanipour,
K. Dust, Céline Excoffon, Silvia Suciu
À l’heure où je rédige ces lignes, le monde
entier est confiné pour cause d’épidémie de Covid-19.
Personne ne peut dire quand cela s’achèvera réellement
et quel genre de monde nous attend.
Il s’agit d’un événement qui bouleverse tout : les galeries
d’art sont fermées, les grands événements artistiques
et les expositions sont reportés sans date précise et
les artistes sont isolés chez eux. Vu sous cet angle,
nous vivons une époque très étrange.
Toutefois, les graveurs ne sont pas les plus à plaindre
dans leur pratique artistique. Si la plupart d’entre eux sont
coupés de l’atelier d’impression où ils font leurs tirages,
ils peuvent néanmoins travailler à la maison, sans doute
à plus petite échelle, en obtenant des tirages à l’aide d’un
baren ou d’une cuillère en bois. Il leur est à tout le moins
possible de graver de nouvelles matrices pour produire
des estampes dès que les restrictions seront levées.
On peut envisager le problème des artistes sous
un autre angle encore.
Pour l’anglophone que je suis et pour qui le français est
la deuxième langue, il est une expression francophone que
j’ai toujours trouvée optimiste et encourageante : « Reculer
pour mieux sauter ». Elle m’a été d’un grand secours à
certains moments de ma vie où j’étais confronté à toutes
sortes d’obstacles ou de difficultés. Pour les graveurs qui
ressentent l’impératif artistique de produire régulièrement
de nouvelles œuvres, c’est le moment de se livrer à une
réflexion. Peut-être est-il temps de se poser certaines
questions : « Pourquoi ai-je toujours travaillé de cette
façon ? », ou « Serait-il possible de procéder autrement ? »,
ou encore « Dois-je continuer de produire en si grand
nombre si la plupart de ces estampes finissent par se
retrouver dans un tiroir ? » et « Que faire en tant qu’artiste
pour satisfaire mes envies artistiques et produire des
œuvres qui seront jugées bonnes ou intéressantes ? »
Autant de grandes questions que les graveurs devraient
toujours se poser. Aussi triste et douloureuse soit-elle,
peut-être cette pandémie s’avérera-t-elle bénéfique pour
les artistes, en leur donnant la possibilité de réévaluer
ce qu’ils peuvent faire pour rendre le monde meilleur.
Richard Noyce, avril 2020
Actuel est une émanation
du groupe Facebook
« Parlons Gravure »
Comité de sélection :
Sabine Delahaut
Jean-Michel Uyttersprot
Catho Hensmans
Comité de rédaction :
Jean-Michel Uyttersprot
Pascale De Nève
Mise en page :
Jean-Michel Uyttersprot
Pierre Guérin
Relecture :
Annie Latrille
Anne Kellens pour l’estampe en couverture et
pour le tirage de tête de ce numéro : un tirage
de la série Les Chiens réalisé spécialement pour
la revue et limité à 20 exemplaires (cf p. 10).
Sauf indication particulière,
les images appartiennent
aux auteurs
Les légendes des images sont à lire
de haut en bas et de gauche à droite.
Pour toutes informations :
magazine.actuel@gmail.com
www.actueldelestampe.com
Éditeur responsable :
K1L éditions.
Imprimé par la Ciaco,
Louvain-la-Neuve, Belgique.
Couverture : Tintoretto Gesso 250 g
Intérieur : Indigo Tatami Ivoire 135 g
Prix de vente : 20 €
N ° ISSN : 0774-6008
EAN : 9 782 930 980 317
4
Anne Kellens
Anne Kellens crée par plaisir, sans souci
de nécessités économiques ou d’injonctions
culturelles, une œuvre hors du temps sur laquelle
s’attarder et revenir, discrète et néanmoins
publique depuis quatre décennies dans des
galeries, des centres culturels ou des musées.
Elle propose un exercice d’individuation,
de libération ou de sauvegarde – un vécu
authentique donc véritablement offert – par
une imagerie fondée dans l’expérience
existentielle, qui intègre l’imaginaire au réel.
Elle vit ce qu’elle fait comme une présence
aux choses, en vacance ou en récréation.
Ce qu’elle montre est à voir comme un miroir
où projeter au secret son fond propre.
La représentation est par nature nostalgique.
Est-ce ici le regret de l’innocence, celui de
moments magnifiés d’enfance ou d’enfantement ?
Ni naïveté ni retour dans cet attachement aux
sensations visuelles et tactiles énergisées par
la couleur. Anne Kellens crée pour elle-même,
personne n’attend d’elle de révélations. Elle
ne tente pas de décrypter dans ses exploits
les traces de sa propre étrangeté, elle trame
des scènes d’autant plus fermées que leurs
représentations très précises sont évidentes.
D’aucuns de lire telles combinaisons signifiantes
dans l’identification des objets réunis.
Quelle importance dès lors que ces modestes
exploits de formes et de couleurs vous ont
attiré et ont marqué votre mémoire – animés.
Anne Kellens assume la succession des cinq
générations de peintres dont elle est issue.
De huit à quatorze ans, elle a été formée à
la danse classique. Puis elle a été initiée aux
arts plastiques par des cours du soir (dessin,
peinture à Boitsfort) et du jour (dessin, gravure
à Bruxelles), plus tard le soir encore à Ixelles
(lithographie). Elle peint à l’huile sur bois,
au pinceau à quelques poils, en petits formats,
sans précipitation, dans la recherche des
tons et des textures les plus utiles à instaurer
la prégnance ou l’impact de son travail.
Ce n’est pas faute de s’y attarder si elle produit
peu, mais par sa minutie dans le détail.
Sa pratique de l’estampe est similaire, à peine
plus rapide, diverse dans ses techniques bien
qu’elle ne se soit guère attachée à la taille
directe et qu’elle n’ait tenté ni la densité de
la manière noire au berceau ni le matiérisme
du carborundum. Anne a taillé des linos,
lithographié, encré des matrices faites
d’assemblages de caoutchoucs ou de plastiques
souples. Elle a bientôt préféré la couleur au noir
et blanc. Elle a tiré du métal des polychromies
selon la méthode Hayter d’encrages par niveaux
multiples et d’autre part addition de matrices
rouge, jaune, bleu. Puis elle s’est attachée à la
matrice unique dont les formes sont réimprimées
autant que nécessaire sur une multitude de
papiers colorés à découper et à coller pour
constituer une seule image en collages gravés.
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6
Assistante éducatrice du cours de gravure
de l’Académie royale des beaux-arts de
Bruxelles de 1979 à 1983, Anne Kellens crée
en 1984, à l’École des arts d’Ixelles, le cours
pluridisciplinaire pour enfants de six à douze
ans. Dès 1985, elle y anime l’atelier de gravure
qu’elle quittera à regret, contrainte par l’âge,
en 2019. Elle aima la chaude atmosphère
des rencontres vécues dans son local exigu,
une cour des miracles selon des détracteurs
conformistes. À qui lui demandait pourquoi
il participait depuis si longtemps au jury de fin
d’année de cet atelier, feu Eugène Rouïr,
notre grand collectionneur d’estampe
occidentale des incunables aux contemporains –
un M. Pump qui s’y rendait encore à nonante ans
en voiture de course –, répondit qu’il y avait
là toujours quelque chose d’intéressant à voir.
Anne fut assistante du cours de gravure
de La Cambre de 2011 à 2013, jusqu’à
publication, sur le site web de l’atelier,
du manifeste qui lui valut d’en être évincée.
Elle écrivait notamment : réduire l’estampe
à l’image c’est exclure de son champ des
expressions abstraites pas nécessairement
conceptuelles. Réduire l’estampe à la
communication par l’impression, c’est assujettir
son enseignement à celui de la communication
visuelle. L’art, ce n’est pas fabriquer du sens.
Le discours sur l’intention ne suffit pas à
animer un artefact inerte. Un combat inégal
du point de vue d’une création de libération
de l’individu par l’exercice des sens contre la
pensée unique d’un art de communication/
consommation imposé par le marché et promu
par le politique, de l’école au musée. Anne
Kellens exploite les objets qu’elle s’offre en
spectacle au fil des jours dans sa maison.
Son travail de création commence par… faire
les poussières. Suit l’ordonnancement de son
décor de vie, c’est un jeu : choisir et constituer.
De là à l’art, voire à son accomplissement,
ce n’est qu’affaire de recherche d’efficience
esthétique dans la réalisation de l’objet proposé
à la vue, par la maîtrise des techniques
d’exécution par lesquelles s’expriment les
intégrations et les oppositions de formes, de
valeurs, de couleurs dont les combinaisons
mettent en œuvre la composition.
Tout commence par un album d’échantillons de
papiers peints pour maison de poupée collecté
dans une poubelle. Anne choisit le crémier
qui emballe ses fromages dans du papier
imitation gruyère. Ce papier réapparaîtra dans
une forme, parmi une foule de papiers teintés
ou de fragments d’imprimés qui animeront
de leurs singularités toutes les autres formes
de la composition en patchwork inspiré,
patiemment nourri. Travail de fourmi, plaisir
des petites choses. Les tirages sont des séries
de variantes uniques chacune, à l’opposé du
multiple à l’identique. Anne ne produit pas,
elle explore des possibles. L’atelier n’est
pas l’usine. De la mise en scène de l’image
résulte un constat peint ou gravé de l’amitié
des choses touchées et des lieux habités.
Une même matrice de base se prête à plusieurs
spectacles. Les Chiens – initialement une
peinture représentant deux pliages en papier
posés sur un cube – sont déclinés par le
collage gravé en de nombreuses nouvelles
propositions. Parfois, la matrice commune
s’en tient au lieu d’une action, par exemple les
Intérieurs – il s’agit de la restitution d’un coin
de mansarde réelle – montrés vides ou théâtre
d’agitations imaginaires diverses. Ou la scène
ovale exploitée en piste de cirque, en bassin où
plonger et nager : Être du bond, une abondante
série de Félix en couples, Singe et poissons, etc.
Georges Meurant
Un album d’images paru en novembre dernier chez MeMo
(Nantes), essentiellement constitué de collages gravés,
en comporte qui n’avaient été créées ni pour enfants
ni dans l’idée de la succession d’un récit : Anne Kellens –
Sioux, Soussou et Souzy, 36 pages. 30 x 21 cm, 16 euros.
7
Anne Kellens est née
en 1954 à Etterbeek,
en Belgique.
Elle est la fille des peintres
Jean Kellens (1914-1955) et
Marthe Gryson
(1915-2005), la petite-fille de
l’architecte Charles Gryson
(1876-1962) et de
Anna Van Leemputten
(1881-1924) qui créa
des décors Art nouveau
(céramiques, cuirs, bijoux),
l’arrière-petite-fille du
sculpteur Joseph Gryson
et du peintre Frans Van
Leemputten (1850-1914)
– lui-même frère et oncle
de peintres et fils d’un
agriculteur brabançon
devenu restaurateur de
peinture à Bruxelles
Formée à la danse classique
de huit à quatorze ans,
notamment par l’École des
arts de la danse et de la
musique Lilian Lambert, elle
a fréquenté un cours de
peinture de l’Académie des
beaux-arts de Watermael-
Boitsfort dès 1968, pendant
une décennie. En 1977, elle
est diplômée du cours de
gravure de l’Académie royale
des beaux-arts de Bruxelles,
dont elle sera assistanteéducatrice
de 1979 à 1983.
Professeur à l’École des
arts d’Ixelles du cours de
dessin préparatoire de 1984
à 1988 et de gravure de
1985 à 2019, elle a été en
outre assistante du cours
de gravure de La Cambre
(école) de 2011 à 2013.
Elle épouse le peintre
Georges Meurant en 1985 et
ils ont un fils, Arthur, en 1986.
Source : Wikipédia
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En couverture : Singe et poissons, collage gravé, 18,8 × 22,4 cm, 2009
Page 2 : Entre chien et loup, typographie de caoutchoucs découpés, 30 × 41,5 cm, 1990
Page 4 : Être du bond, collage gravé, 18,8 × 22,4 cm, 2009
Page 5 : Félix couple, collage gravé, variante VI, 18,8 × 22,4 cm, 2005
Page 6 : deux doubles pages de Sioux, Soussou et Souzy, 42 × 22,8 cm, 2019
Pages 8 et 9 : La Vieille Dame, aquatinte, 36 × 24 cm, 1983
Page 10 : Les Chiens, collages gravés, 16 variantes, 10,2 × 16,1 cm chaque, 2010-2018
Page 11 : La Loi de la jungle, collage gravé, une des 17 variantes, 10,6 × 11 cm, 2018
Couverture arrière : Les Chiens, collage gravé, 10,2 cm × 16,1 cm, 2020, l’un des 20 tirages de tête de la revue
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Page 12 : Les Froissés III, burin sur cuivre, 10 × 10 cm, 2013
Page 13 : Forêt II, burin sur cuivre, 14,5 × 10 cm, 2016
Pages 14 et 15 : Forêt III, burin sur cuivre, 44 × 25 cm, 2019
Page 15 : Arbre I, pointe sèche sur plastique, 32 × 32 cm, 2016
Arbre, avenue des Gobelins, Paris I, pointe sèche sur plastique, 24 × 24 cm, 2018
Arbre, avenue des Gobelins, Paris II, pointe sèche sur plastique, 24 × 24 cm, 2018
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Aurore Chapuis
Essentielles apparitions,
une divagation sous les arbres
« Des canopées qui filent et tissent une dentelle dans le ciel invitent à l’exploration d’une
nature conquérante, vitaliste. Se dessine alors un territoire hypersensible où chaque geste porté,
gravé dans la matrice est à la recherche de cette force douce, déterminée et bienveillante.
Ce sont ainsi des promenades, des déambulations, des flâneries qui s’offrent aux regards
de chacun, libre d’être capturé, captivé par cette nature naturante, et de s’y perdre… »
Aurore Chapuis réalise ses estampes dans son atelier situé à Cachan, à deux pas de Paris,
avec soin et passion, lentement, patiemment, au rythme de la nature qui s’expose.
Chaque matrice obtenue est gravée avec les outils traditionnels du graveur. Plus particulièrement,
ce sont les burins et pointes sèches qui la guident vers une représentation de la ligne toujours
plus fine, jusqu’à sa presque disparition ou son essentielle apparition.
La nature et plus spécifiquement les arbres, la forêt, sont devenus ses sujets de prédilection.
Ces présences naturelles et nécessaires qui vont au rythme d’un temps ralenti la captivent
et la poussent à marquer la matière de traces pour en projeter des représentations puissantes…
des refuges vitaux.
Aurore Chapuis est née en 1975,
vit à Cachan (94) et travaille à Paris.
Dès 1999, elle est professeure
d’arts appliqués au sein
de l’Éducation nationale.
Depuis 2008, elle enseigne la
démarche de projet en design et
métiers d’art à l’École supérieure
des arts appliqués et métiers d’art,
ESAA Boulle, à Paris.
Aurore Chapuis expose
régulièrement ses travaux, aussi
bien en France qu’à l’étranger.
www.chapuisaurore.wixsite.com/
aurore-chapuis/about
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Brian D. Cohen
J’embrasse les thèmes de la perte, de la futilité, de la destruction et de la beauté inattendue
et rédemptrice ; thèmes liés à la tradition de la gravure, dont l’imagerie a toujours tendu vers
le commentaire critique et la contemplation sérieuse, mais aussi, souvent, vers l’humour et l’ironie.
Je découvre des approches moins techniques et plus improvisées de la gravure. Je commence
largement, sans exercer de contrôle, mais avec un fond géométrique clair. Je ne veux pas vraiment
savoir à quoi ressemblera l’image à l’avance – trop de choses inattendues et potentiellement
satisfaisantes peuvent arriver pour exclure d’emblée les éléments accidentels ou momentanément
inspirés. Je travaille jusqu’à 30 gravures ou plus à la fois. Le processus de gravure est physique
et élémentaire, nécessitant force et pression, invitant à l’agression puis à la délicatesse,
au feu conjoint de l’eau, de la terre et de l’air. Projeter une image sur métal implique la permanence,
la durée et la présence durable, et j’espère que mes images reflètent le médium dans ce sens.
Brian D. Cohen
janvier 2020
Brian D. Cohen est éducateur, artiste et écrivain. En 1989, il a fondé Bridge Press pour favoriser l’association et l’intégration
de l’image visuelle, du texte original et de la structure du livre. Des livres d’artistes et des gravures de Brian D. Cohen ont été
présentés dans plus de 40 expositions individuelles et plus de 200 expositions de groupe. Les livres et gravures de Cohen
sont détenus par de grandes collections privées et publiques et il a reçu les meilleurs prix lors de concours internationaux
d’impression à San Diego, Philadelphie, Mexico et Washington DC. Ses essais et critiques sur les arts et l’éducation
paraissent dans le Huffington Post et dans d’autres publications en ligne et imprimées.
Il vit et travaille à Westmoreland, New Hampshire, aux États-Unis.
www.briandcohen.com
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Page 17 : The Wood, eau-forte rehaussée à la couleur à l’eau, 48 × 34 cm, 1992
Page 18 : Train Entering Tunnel, eau-forte, 60 × 45 cm, 1997
Steel Bridge, eau-forte, 50 × 35 cm, 1995
Page 19 : Zeppelin Interior, eau-forte, 50 × 40 cm, 2000
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Bob De Groof
Le cœur est humain dans la mesure
où il se révolte.
Georges Bataille
Élodie Lélu, historienne d’art et réalisatrice
qui a fait le documentaire sur Bob De Groof
sous le titre Deuxième chance, commence
son texte d’une précédente expo par les mots :
« S’immerger dans ». Difficile de trouver un
meilleur début…
En regardant les linos, on est immédiatement
aspiré dans un univers de chaos et d’angoisses.
Mort, destruction, sexe, danses macabres…
comme si le spectateur suivait une bande de
brutes sanguinaires des grandes compagnies
sortie tout droit de la guerre de Cent Ans avec,
en plus, le ricanement sardonique de l’artiste…
Hélas, il s’agit bien de notre réalité quotidienne…
notre histoire étant une longue succession de
morts et dévastations.
La Guerre civile anglaise du XII e siècle,
les guerres de Quatre-Vingts et Cent Ans,
les Première et Seconde guerres mondiales,
sans oublier tous les conflits intermédiaires,
en ne parlant que de nos régions... Aujourd’hui,
les mêmes images refont surface à Alep,
au Soudan, au Yémen, en Afghanistan, etc.
Les bouchers ne s’appellent plus Guillaume
d’Ypres ou Arnaud de Cervole, l’Archiprêtre,
mais bien Assad, Daesh, Boko Haram… Seules
les armes sont devenues encore plus efficaces,
plus mortelles… En revanche, la cruauté et la
bêtise de l’homme restent inchangées. C’est ce
qu’ont voulu exprimer Saïd Mohamed et Bob
De Groof dans Le Vin des crapauds. Il y en a
qui changent l’eau en vin, mais il y a aussi des
crapauds qui font passer leur bave pour du
vin. Cruauté fallacieuse et impitoyable. C’est
un texte apocalyptique, ce sont des figures
apocalyptiques.
En 1995, Saïd Mohamed et Bob De Groof
se rencontrent par l’intermédiaire du poète
récemment disparu Jacques Izoard. Ils
collaborent au modeste journal underground
Kitoko Jungle Magazine édité à Vilvorde.
De cette rencontre naît également une première
version du Vin des crapauds, illustrée par le
peintre, dessinateur et graveur belgo-libanais
Fatmir Limani. Cette première version est publiée
par Jacques Morin dans la revue Polder.
L’idée d’illustrer Le Vin des crapauds par
les dessins de Bob existait déjà à l’époque.
Ce vin a dû pourrir pendant vingt-deux ans
avant de voir le jour. Le texte devient images.
Et quelles images…
Il s’agit souvent de personnages de bandes
dessinées, destinés à divertir jeunes et vieux.
Le genre qui ne sert pas à faire peur, et
pourtant… Bob De Groof inverse très souvent
les conventions. Un procédé bien connu qu’on
retrouve chez Bosch, Bruegel et Ensor, pour ne
nommer que les plus connus et qui ne sont pas
par hasard une importante source d’inspiration.
Ces personnages ont l’air comiques, mais ne le
sont en aucun cas. Ils sont le pur produit d’une
société qui a érigé le plaisir en idéologie. Un
plaisir doit cacher la dure réalité.
La Société du spectacle, comme l’appellent
les situationnistes.
Bob De Groof est peintre, collagiste, graveur-imprimeur
et photographe. Il a fait des assemblages, installations,
du street art, et a sculpté des totems.
Des expositions de ses œuvres ont eu lieu en Belgique,
en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-
Unis. Au fil des années, il a exposé une quarantaine de
fois individuellement et a participé à une cinquantaine
d’expositions de groupe. Ses travaux se trouvent entre
autres dans des collections de pays aussi divers que
les États-Unis, la Russie et le Maroc.
Pendant leur collaboration respective au Kitoko Jungle
Magazine, il a fait la connaissance de Saïd Mohamed. Plus
récemment, tous deux ont décidé de réaliser un vieux rêve :
la réédition et l’illustration du poème apocalyptique
Le Vin des crapauds, écrit par Saïd Mohamed.
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Ces symboles sont donc tout naturellement
devenus des monstres déchaînés qui sont
là pour nous dominer. Ils sont souvent
accompagnés de seringues vivantes ou de
bouteilles également destinées à soumettre
l’homme.
Au milieu de toutes ces créatures entièrement
préoccupées par la destruction de l’individu
apparaissent quelques figures historiques
idéalisées. Nous pouvons les regarder avec
admiration, mais nous savons qu’ils n’ont jamais
réussi à améliorer définitivement le monde. Ils
symbolisent les idéaux qui sommeillent en
nous, mais dont nous ne connaissons que trop
bien la tragique issue. Ils sont les « losers »
sympathiques avec lesquels nous composons
trop souvent sans grande conviction.
Malgré tout, le désespoir n’est pas dominant.
Une grande quantité de détails amusants nous
montrent comment fonctionne l’imaginaire de
Bob De Groof. Il évite de tomber dans le cynisme
pur. Tant qu’on peut en plaisanter, il y a de
l’espoir.
C’est ce que nous a clairement appris le
prétendument ténébreux Moyen Âge. Non
seulement via l’héritage des grands maîtres,
mais aussi, par exemple, par les annotations et
illustrations faites par les moines copistes dans
les marges des manuscrits qui, de cette façon,
ont essayé de transmettre leurs pensées aux
générations suivantes. Pensons aussi au Roman
de Renart ou Thyl Ulenspiegel. Celui qui se
moque n’est pas vaincu.
Que cette exposition soit aussi une invitation
à regarder la réalité autrement. Ne laissons
pas notre angoisse prendre le dessus, mais
laissons-nous rêver que les choses peuvent être
différentes et faisons en sorte qu’elles le soient.
Voilà la réalité derrière l’illusion.
Alors cette exposition aura atteint son but.
Guido Kuyl, ami et chef-tut du Kitoko Jungle Magazine,
février 2017
Page 20 : Hérétique désireux,
40 × 60 cm, 2016
Hellduck, 54 × 96 cm, 2013
Vagabonds en selle
40 × 60 cm, 2016
Te souviens-tu des lapins ?,
40 × 60 cm, 2016
Page 22 : Tango de la mort, 60 × 80 cm, 2016
Page 23 : Funeral Dirge for Johnny T, 40 × 60 cm, 2017
Pages 24 et 25 : The Triumph of Death Revisited, 120 × 80 cm, 2017
www.facebook.com/bobdegroof
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24
25
Plasticien, dessinateur mais graveur avant tout, Pablo Flaiszman, né en 1970 à Buenos Aires, Argentine, commence
dès son plus jeune âge sa formation en dessin et peinture pour s’initier en 1997 à l’art de la gravure. En 2000,
il s’installe à Paris, où il poursuit ses recherches artistiques. Des résidences européennes et internationales
et de nombreux prix ponctuent son itinéraire de graveur. Depuis 2015, il travaille dans son propre atelier à Paris.
www.pablo-flaiszman.eion.me
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Pablo Flaiszman
Les moments suspendus.
À la lisière du 18 e arrondissement, entre
immeubles modernes et vieilles boutiques, se
trouve l’atelier de Pablo Flaiszman, l’un des
aquatintistes les plus doués de sa génération.
Derrière la devanture rouge, une fois la porte
refermée sur l’agitation vaine du monde, se niche
son domaine, univers de pénombre et de lumière
peuplé de silhouettes en contre-jour et dans
lequel le temps semble ne plus avoir de prise.
Cet univers silencieux est le résultat de
plusieurs opérations de mise à distance du réel.
Dans un premier temps, l’artiste collecte des
photographies personnelles en noir et blanc
(photographies de famille de son enfance ou
photographies contemporaines qu’il prend au
gré de ses envies) et en réalise des montages.
La collusion des images constitue le premier
filtre et lui sert de point de départ pour le travail
de la plaque. Le report n’étant pas mécanique,
les rapports entre les différents éléments
changent encore d’un support à l’autre. Ensuite
intervient le travail patient de la pose des grains
de résine pour des morsures successives,
jusqu’à obtenir les valeurs souhaitées. Les traits
nerveux et souples de l’eau-forte ou du vernis
mou dynamisent le graphisme et les plages
veloutés de l’aquatinte. Le vocabulaire manque
pour décrire la diversité des noirs mats tour à
tour légers, profonds, durs ou tendres, tirant plus
ou moins sur le gris, leurs jeux de contrastes
avec le blanc comme une quête de la lumière
dans l’obscurité, une lutte contre les ténèbres.
Ce temps long de la recherche des délicats
équilibres est celui de la métamorphose, de
la transmutation du réel. Le monde de Pablo
tient de l’inquiétante étrangeté des choses
familières. Ces compositions singulières
hésitent entre scènes quotidiennes et onirisme,
au croisement de Rembrandt et de Goya, de
Vallotton et de Tardi, des maîtres de l’estampe,
du cinéma noir et de la BD. Qui sont ces êtres
attablés ? Pèlerins d’Emmaüs ou antihéros
ordinaires d’un polar de série noire ?
Ils semblent être là de toute éternité tout en
affichant une remarquable modernité, celle d’une
humanité à tout jamais livrée à la solitude
et où les rares contacts entre les êtres sont
irrémédiablement voués à l’échec. Et cette
chaise qui, de simple mobilier abandonné dans
l’atelier par le précédent locataire, devient un
acteur à part entière : elle est celle de l’artiste
(Ma propre chaise, 2016), puis, par une
subtile distorsion de la réalité, alors qu’elle
est inoccupée, elle reflète dans un miroir
un personnage de dos (Au miroir, 2017).
Le monde de l’enfance n’est jamais loin et
pourtant irrémédiablement perdu chez les
adultes que nous sommes devenus : disparition
lumineuse dans Luz de infancia (2013),
apparition démunie dans Blanc cassé (2017),
bouderie obstinée dans Sobre la mesa (2015).
Bien que vecteur d’une certaine mélancolie,
le noir n’est jamais désespéré, car il subsiste
toujours des contrastes de blanc pour le
faire exister et même le contredire. Pour se
délasser après les longues heures nécessaires
à la pratique de l’aquatinte, Pablo Flaiszman
réalise aussi des dessins rapides et quasi
calligraphiques d’après modèle vivant. Le blanc
y règne en maître, à peine zébré de quelques
traits souples. Ces dessins apparaissent comme
les exacts contrepoints du travail de gravure.
Les titres augmentent encore la profondeur
du mystère : ils jouent sur les mots, disent
le contraire de ce que l’on pense voir, nous
piègent et ajoutent strates et chaussetrappes
à des images où le regard se
perd à sonder les profondeurs.
L’artiste raconte volontiers qu’il a renoncé
progressivement à la couleur sous les conseils
répétés de son premier maître à Buenos Aires.
Qu’il en soit remercié. Les moments suspendus
que Pablo Flaiszman nous propose font écho à
nos propres souvenirs. En trouvant les chemins
de son obscurité interne dans la pénombre de
ses gravures, il nous invite à ressentir la nôtre.
Béatrice Vingtrinier, historienne de l’art
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28
Page 26 : Dans l’atelier, eau-forte et aquatinte, 65 × 50 cm, 2018
Page 28 : Au miroir, eau-forte et aquatinte, 30 × 40 cm, 2017
Page 29 : Ma propre chaise, eau-forte et aquatinte, 38 × 56,5 cm, 2016
Sur son séant, eau-forte et aquatinte, 30 × 40 cm, 2019
Pages 30 et 31 : Blanc cassé, eau-forte et aquatinte, 60 × 40 cm, 2017
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LUCE
152 Church Road
top flat
SE19 2NT London. UK
0044 (0) 208 653 44 75 (landline)
0044 (0) 7 564 740 384 (mobile)
www.artmajeur.com/luceart
www.instagram.com/lucecleeren
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LUCE
Je n’ai pas de démarche particulière. Je préfère l’aventure à la sécurité, l’inconnu
au tout prévu. Mon sujet depuis quelques années est la nature, ce qui me donne
une grande liberté, mais c’est avant tout un prétexte pour expérimenter.
Je ne sais où cette nature me promènera. La main fait ce qu’elle veut.
Les gravures de la série Wanderland sont comme des voyages immobiles, souvent dessinés
ou peints avec de l’acide sur la plaque, parfois les yeux fermés. Ce sont des paysages qui
viennent de l’intérieur de soi, rendus à la lumière, à la vie, extériorisés par un geste créatif.
Elles rendent compte de ce qui n’existe pas tout en traduisant un état, une humeur bien réelle.
Le plus souvent, je travaille d’une façon intuitive. Rien n’est planifié.
Ainsi, je reste plus réceptive aux pensées, aux émotions, aux rêves et souvenirs.
Mon travail a un rapport avec la vie inconsciente, avec le monde
symbolique et psychologique, plus qu’avec le monde réel.
Ma pratique artistique est un moyen de devenir plus consciente.
LUCE (Cleeren) est née à Hasselt, en Belgique, en 1953.
Diplômée en arts graphiques à l’Académie Sint Lucas d’Anvers, elle quitte son pays pour Paris en 1975 et y fréquente
l’Atelier 17, l’Atelier 63 et l’atelier Lacourière.
Depuis les années quatre-vingt, LUCE participe aux expositions internationales de gravure et ses œuvres sont conservées
dans de nombreuses collections publiques tant en France qu’à l’étranger.
Depuis 2006, elle vit entre Londres et Paris.
Son travail se trouve en permanence à la Galerie Anaphora, Paris.
LUCE figure dans le tome 8 du Bénézit, dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs.
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Page 32 : Les Voyages immobiles III, monotype
sur papier peint Picta, 25 × 20 cm, 2019
Pages 34 et 35 : Wanderland III, spit bite sur aluminium,
aquatinte, pointe sèche, burin, papier de verre, roulette,
46 × 30,5 cm, 2016
Page 36 : Wanderland IV, spit bite sur aluminium,
aquatinte, pointe sèche, burin, roulette, manière noire,
46 × 30,5 cm, 2016
Wanderland V, spit bite sur aluminium,
aquatinte, pointe sèche, burin, roulette, manière noire,
49,5 × 25 cm, 2017
Page 37 : Rumeurs, crayon litho, pointe sèche,
gampi appliqué, 15 × 15 cm, 2019
Spit bite : application directe de l’acide pur sur le métal ;
spit, en anglais, signifie cracher. En effet, la salive était
traditionnellement utilisée comme agent réducteur
de tension superficielle afin de guider l’action de l’acide.
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Le sens, le texte d’une œuvre dépassent
le champ des intentions éventuelles
de celui ou de celle qui l’a créée.
Le trou, le manque génèrent de la signification.
Pour moi, l’art, c’est œuvrer à la présentation
de l’indicible, de tout ce qui est inefficace, sans
pertinence. C’est un dialogue avec ce qui
n’a ni nom ni identité, avec ce qui échappe
à tout cadre conceptuel, avec ce qui est
au-delà des mots et pourtant si proche.
Ce sont des trous qui me laissent perplexe
et dont j’ignore les voies qu’ils ouvrent ou les
secrets qu’ils cachent. Ce qui y réside suscite
du malaise, ne se prête à aucun encadrement
et échappe à toute tentative de le cerner
par la raison. Que d’efforts pour un si piètre
résultat, qui côtoie l’impossibilité. Mais c’est
ce qui me pousse à poursuivre sur cette voie.
Le style, le médium et le matériau n’ont qu’une
valeur relative, car leur rôle se limite à dégager
des solutions graphiques pour faire apparaître
cet innomé dont l’existence se soustrait aux
concepts existentiels, et qui “déambule” entre
les signes, les formes et les couleurs – à la
façon des blancs séparant les mots d’un texte.
Ce vide nous rend créatifs, parce qu’il nous force
à partir à la recherche de ce qui manque – une
démarche qui connaît beaucoup de noms. Il
n’y a pas de synthèse, car la synthèse, c’est
ce qui est absent, c’est ce qui nous manque.
Le style ne saurait pas davantage y remédier
par la recherche d’une unité de forme, en
faisant miroiter une certitude inexistante.
Toutefois, sa qualité esthétique est capable
de séduire les regards et de leur offrir un
point de repos en attendant de poursuivre
l’exploration. Les images se voient donner
la possibilité de décliner une série infinie de
significations, aujourd’hui, demain, voire après
des années. Une œuvre n’est jamais achevée,
elle est proposée comme un devenir permanent,
comme des trous qui laissent perplexe et qui
ne se laissent jamais fermer définitivement.
Il ne faudrait pas en conclure que chacune
de mes œuvres réclame une lecture dans
ce contexte, car certaines d’entre elles
relèvent plutôt d’études graphiques.
L’utilisation de matériaux et de supports divers,
imposant chacun du respect et de la patience
en vertu de leur spécificité, est susceptible
d’accroître la composante artisanale, source
d’une dose de plaisir manuel certain.
Quoi qu’il en soit, il y a quelque chose d’acharné,
de fou et d’enfantin dans la méthode fastidieuse,
artisanale et sale pour aboutir à une image
condensée et vraie, qui peut être placée à côté
d’une production graphique propre, relevant
de la technologie la plus sophistiquée.
L’art n’a pas de place, l’art trouve de la place.
Au sujet de la gravure
L’alchimie de la gravure est essentiellement
l’impression d’une image enfoncée,
alimentée par l’encre, qui se développe et
s’unit au papier humide. La plaque blessée
est réconfortée et guérie par l’encre.
Colette Cleeren est née en 1953 à Hasselt, en Belgique.
Diplômée en arts graphiques de l’Académie Sint-Lucas
d’Anvers, elle a poursuivi ses études à l’Académie des
beaux-arts de la ville de Hasselt en y intégrant aussi la
peinture. Elle a participé à plusieurs stages et ateliers,
notamment aux séances de travail annuelles au Centre
international de l’estampe Frans Masereel. Elle a été invitée
à résider en Chine à la Guanlan Original Printmaking Base.
Son œuvre est représentée dans divers musées
et collections publiques.
Plusieurs fois lauréate, elle s’est vu décerner des prix
nationaux et internationaux dans différentes disciplines.
Elle a réalisé une contribution graphique au recueil de
poèmes Blindganger, de Gerda De Preter, et a collaboré
avec des gens de lettres dans divers projets. Par ailleurs,
elle a publié dans des revues d’art et de poésie.
Elle vit et travaille à Anvers.
www.colettecleeren.be
www.bamart.be
www.kunstinhuis.be
www.instagram.com/ateliercc
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Colette Cleeren
Page 39 : The Silence of the Lambs VI, papier peint imprimé, gravure polymère, cyanotype,
chine collé, gampi, wenzhou, papier noir, 70 × 50 cm id. papier, 2019
Page 40 : Adagio Sostenuto, gravure, pointe sèche, lino offset, chine collé, gampi, hahnemühle litho gray, 35 × 56 cm, 2017
Page 41 : Resonance Room I & II, papier peint imprimé, gravure polymère, novilon intaglio, aluminium spit bite, techniques
sèches, chine collé, encre shellac sur papier japonais, papier de soie, simili japon, 129 × 48 cm id. papier, 2014
LandeScape II, gravure, pointe sèche, aquatinte, chine collé, gampi, hahnemühle, 30 × 25 cm, 2019
Pages 42 et 43 : Closing Time III, encre shellac, lino offset, novilon intaglio, eau-forte, gravure polymère,
chine collé, collage, papier japonais, zerkall, 55,8 × 39 cm id. papier, 2017
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Claire Hilgers
Il y a la nature.
Venteuse, où des nuées d’oiseaux prennent leur
envol au-dessus de roseaux et d’herbes folles.
Assoupie, emmitouflée sous une épaisse couche
de neige. Dense, où les arbres se cachent au
creux de la forêt. Il y a la contemplation. Celle
du spectacle que la nature nous offre et que l’on
découvre au détour d’un chemin au cours d’une
promenade. Celle qui nous fait oublier le temps.
C’est à ce spectacle que nous convient les
gravures et sérigraphies de Claire Hilgers.
Douceur et énergie se mêlent subtilement au
sein d’images qui éveillent nos sens, nous
invitent à observer, à écouter les rythmes d’une
nature riche, foisonnante, changeante, délicate.
La magie opère. Les sensations se précisent
imperceptiblement. Le souffle léger du
vent qui nous caresse les joues, le parfum
d’humus et de feuilles, le crissement de la
neige sous nos pas, le clapotis de l’eau, les
battements d’ailes. Tout est là, au cœur de
ces images faussement silencieuses.
Claire Hilgers n’hésite pas à varier techniques
et formats, adoptant la combinaison qui servira
au mieux son propos. Avec audace, elle
choisit le tondo pour concentrer notre regard
sur un fragment de montagne ensoleillée.
Elle privilégie la verticalité pour des scènes
d’envols qui rendent un hommage discret
à la tradition orientale de l’estampe. Elle
ose des jeux de couleurs et de contrastes,
parfaitement maîtrisés, pour rendre avec
justesse la profondeur d’une forêt.
Claire Hilgers a l’amour de la nature et
entend bien nous le faire partager.
Alan Speller
Page 44 : Travelling-série 4, sérigraphie, 65 × 10 cm, 2016
Travelling-série 3, sérigraphie, 65 × 10 cm, 2016
Page 45 : Vol-envol, eau-forte, 49 × 20 cm (détail), 2015
Page 46 : Troncs 1, sérigraphie, 28 × 38 cm, 2018
Troncs 2, sérigraphie, 28 × 38 cm, 2018
Page 47 : Tondo-Troncs 2, sérigraphie, 27 × 27 cm, 2018
Tondo-Atlas, sérigraphie, 27 × 27 cm, 2018
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46
Claire Hilgers est née à Bruxelles
en 1955. Diplômée en sciences
économiques de l’UCLouvain,
elle s’oriente ensuite vers les arts
graphiques et fréquente l’École 75
à Bruxelles, puis l’Académie des
beaux-arts de Watermael-Boisfort
en gravure et lithographie.
Elle crée en 1983, avec trois
amies, l’atelier collectif Razkas,
qui s’agrandit au fil du temps.
C’est un lieu de travail et de
mise en commun d’outils qui se
propose aussi de faire connaître
les techniques d’impression.
Claire Hilgers a exercé
la profession de graphiste
pendant plus de vingt ans et a été
enseignante en arts plastiques.
Elle participe à des expositions
personnelles et collectives en
Belgique et à l’étranger depuis
1986 ainsi qu’à des échanges
et résidences artistiques dans
plusieurs ateliers en France
et au Québec.
www.instagram.com/claire.hilgers/
www.razkas.com
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Takako Hirano
Après des études artistiques au Japon et
quelques années de travail comme graphiste
pour l’industrie des images nippone, Takako
décide de venir à Paris et de se perfectionner
dans les techniques de la gravure et de la
lithographie. Son travail intègre ses différents
horizons et acquis. L’inspiration est libre
comme la mer et se nourrit des rencontres
avec les éléments, des algues ramassées sur
le rivage, ou des coques d’oursins… Le travail
sur la pierre a la liberté du crayon sur la feuille,
et peut-être le végétal qui vient imprimer sa
trace directement sur le
tirage… Le cuivre est plus
tourmenté, la morsure de
l’acide, la pointe qui creuse
le métal… Ce sont des
processus d’appropriation :
un instant saisi, une
impression fugace mais
ainsi retenue. Ce souvenir
qui s’illustre sur le papier,
et se donne l’illusion de se
multiplier, en restant unique,
comme il illustre également
bien les processus
mentaux ! Dans l’alchimie
de la trace, de l’impression
sur le papier, des alliances
subtiles du gras et du
maigre, de l’encrage des
rouleaux, la succession des
empreintes se construit sur
le papier en se défaisant
de sa parure minérale. Une
âme d’enfant est témoin de
ce spectacle.
Elle aime ces rituels de
fabrication des images
et elle n’oublie pas qu’elle
est spectatrice d’un monde
d’instants changeants,
c’est une chanson d’amour
à la Création !
www.takakohirano.com
www.instagram.com/taka_pomme
www.facebook.com/takako.hirano.artiste
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Page 48 : Des chardons, lithographie, 23,7 × 31 cm, 2017
Page 49 : Un jardin botanique au fond de la mer Ⅲ, eau-forte et aquatinte, 40 × 50 cm, 2018
Page 50 : Still Life - Solitude (au salon), eau-forte et aquatinte, 30 × 43 cm, 2018
Page 51 : Un jardin botanique au fond de la mer I, eau-forte et aquatinte, 30 × 40 cm, 2018
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Amir
Shabanipour
Deux mille vingt territoires
d’Internet (2020)
Notre ère peut assurément être qualifiée d’ère
technologique. C’est aussi un âge de la vitesse
et du changement dans tous les domaines de la
culture et de l’art, de la politique, de l’économie,
etc. Les hommes s’affairent de par le monde,
quelles que soient leurs opinions religieuses,
leurs ethnies ou les frontières géographiques
qui les séparent. Les comportements
humains évoluent rapidement et de nombreux
événements viennent bousculer les États.
La pensée, les idées, l’imagination et la fantaisie
sont soumises à l’incertitude et à l’instabilité.
Les théories s’entremêlent et les images
produites par les artistes ont une durée d’impact
réduite. L’apparition de ces changements
favorisés par Internet va jusqu’à influencer
le développement de l’homme biologique.
Dans ce nouveau monde où les frontières de
la communication sont aussi insignifiantes que
perméables, l’accès à l’information s’est accru
au point de placer pratiquement sur un pied
d’égalité les pays développés et ceux en voie
de développement. Mais si l’incidence d’Internet
sur les comportements et les relations humaines
est considérable, elle l’est tout autant sur nos
instances dirigeantes. Les prévisions indiquent
l’ampleur que prendra ce phénomène dans un
futur proche, la Toile contenant des données
d’invasion et d’attaque qui apparaissent sous
forme de textes et d’images. Cyberattaques,
virus, piratages informatiques… ces sujets
m’ont préoccupé pendant environ sept ans. Ils
continuent de m’accompagner et expliquent mes
récits visuels et intellectuels, mes réalisations
subjectives que je partage avec les nouvelles
générations, principalement les plus jeunes.
Amir Shabanipour – mai 2017 – Rasht, Iran
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Les œuvres d’Amir Shabanipour sont réalisées
numériquement à partir de collages et imprimées
sur plaques d’aluminium, tissus ou autres.
www.instagram.com/amir.shabanipour
Tous les travaux sont des impressions
par transfert sur feuille d’aluminium.
Page 52 : Code Red Virus, 300 × 142 cm, 2015
Page 53 : CIH Virus, 300 × 142 cm, 2014
Page 54 : I Love You Virus - 2, 100 × 142 cm, 2013
Stuxnet Virus, 100 × 142 cm, 2015
The Blaster Worm, 100 × 142 cm, 2013
Conficker Virus, 100 × 142 cm, 2014
Page 55 : I Love You Virus–3, 300 × 142 cm, 2014
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Céline Excoffon
Je suis tombée dans la gravure un beau jour
de juin 2015, place Saint-Sulpice, à Paris,
alors que s’y tenait la Journée de l’estampe
contemporaine. Était-ce le hasard qui avait
guidé mes pas ? J’ai passé une journée
merveilleuse à déambuler dans les allées,
époustouflée par la variété, la richesse et la
modernité de toutes ces productions. À part
la linogravure que je pratiquais déjà, j’ignorais
tout de ces techniques et de ce dynamisme.
Ce fut une découverte grisante
et totalement addictive.
En 2016, une amie m’accompagnait pour un
stage à l’atelier de Christelle Vallet (La Cage
d’escalier, à Tours). Patiente et didactique,
Christelle m’a expliqué les
procédés essentiels qui
me permettraient d’avancer
seule. Ce week-end a
totalement bouleversé ma
pratique artistique, qui
se cantonnait surtout au
dessin et à la peinture. J’ai
aménagé mon atelier, acquis
une presse, et la gravure
représente aujourd’hui
l’essentiel de mon travail,
avec le sentiment que ma
vie ne sera jamais assez
longue pour explorer tout
le champ des possibles.
Je suis à la base plus dessinatrice que peintre,
et l’estampe représente pour moi le
développement logique de mon travail.
J’apprends peu à peu à explorer l’alchimie
de l’eau-forte, j’apprends surtout à accepter
l’accident, l’aléatoire, l’échec aussi,
ce qui fait la beauté des expériences…
La magie de la matrice et des multiples
me passionne, je suis un peu iconoclaste
avec les techniques traditionnelles.
Je mêle souvent différentes plaques,
je les tronque, je les imprime sur des supports
différents pour réinventer sans cesse
de nouvelles combinaisons. Je surexpose,
je découpe, j’assemble… une plaque
de cuivre ou de rhénalon : plusieurs histoires…
On y retrouve les thèmes
que je visitais déjà
depuis plus de dix ans.
Un cabinet de curiosités
un peu baroque, un peu
victorien, où les statues
grecques côtoient les
planches anatomiques et
le catalogue Manufrance,
une Sainte Vierge, un
fait divers sordide ou
une corneille empaillée…
On y trouve aussi de
l’érotisme, beaucoup,
et des trucs japonais…
Née le 13 août 1971 à Reims,
Céline Excoffon vit et travaille
à Montluçon.
celine-excoffon.blogspot.com
Page 56 : Tout est bon dans la cochonne, pointe sèche sur rhénalon, 20 × 30 cm, 2018
Page 57 : Savoir raison garder, pointe sèche sur rhénalon, 15 × 20 cm, 2019
Page 58 : Gosuto Dansu, pointe sèche sur rhénalon, 20 × 30 cm, 2020
Koï, pointe sèche sur rhénalon, 20 × 30 cm, 2020
Pêche macabre dans la Tamise, pointe sèche sur rhénalon, 15 × 20 cm, 2018
L’Ogresse de la Goutte d’Or, pointe sèche sur rhénalon, 15 × 20 cm, 2018
Page 59 : La Grande Vague d’Ogazumu, pointe sèche sur rhénalon, 15 × 20 cm, 2018
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L’ombre du Japon a toujours
plané sur mon travail.
Enfant, je recopiais pendant les vacances les
reproductions d’estampes découvertes dans la
bibliothèque de mon grand-père. Adolescente,
je retrouvai l’influence de ces mêmes estampes
dans une exposition sur les peintres Nabis qui
décida l’achat de ma première boîte de peinture.
Depuis, le Japon s’invite régulièrement dans ma
pratique, comme un fil jamais rompu, se mêlant
souvent aux autres influences. La littérature et
le cinéma japonais sont venus au fil du temps
enrichir un corpus imaginaire. Des maiko et
geishas peintes sur des morceaux de bois, des
collages de papier origami, la fascination pour
les tissus et les trames de motifs des kimonos…
Mais c’est sans doute la découverte de la
taille-douce qui a accéléré la production
de ce que j’appelle mes japonaiseries.
Comme si cette pratique me permettait de
justifier une filiation dans ces influences
croisées entre le Japon et l’Occident.
Je suis fascinée par ce va-et-vient permanent :
du japonisme sur les impressionnistes, de
l’influence de l’art moderne français sur les
artistes japonais au début du XX e siècle,
Japonaiseries…
puis de nouveau l’influence des mangas
sur l’art contemporain, avec une modernité
qui se renouvelle sans cesse, se nourrissant
de ces échanges incessants.
Les yeux de mes pin-up se brident, mes rondes
rouquines deviennent de longues brunes, elles
s’habillent – ou se déshabillent – de kimonos.
Les frêles demoiselles croisent des yōkai
(fantômes) le temps d’une valse ou d’un baiser,
elles rendent hommage à Utamaro, Hokusai,
Kuniyoshi…
Mais si certains codes graphiques de
l’ukiyo-e sont respectés, j’utilise non pas
la xylographie mais d’autres techniques :
pointe sèche, eau-forte, aquatinte,
chine-collé, tampons, monotype…
Les influences nippones se mêlent au graphisme
BD, à l’histoire de l’art européen, et les titres
jouent de cette mixité. Ces titres amuseraient
sans doute les Japonais par leur maladresse,
puisque je vais les chercher en transcription
phonétique sur Google Traduction. J’assume
ainsi jusqu’au bout la fusion entre ma culture
occidentale et l’imaginaire fécond apporté
par un pays dont je n’ai jamais foulé le sol.
Céline Excoffon
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HELLO DADA
Le colophon est ainsi libellé : « Composé à la
linotype en Antique corps 11 par Étienne Olivier,
ce livre a été imprimé à la Maison de l’Imprimerie
de Thuin par Ghislain Bourdon et Étienne Olivier
en septante-cinq exemplaires sur Ingres blanc.
En plus des xylographies imprimées en noir,
chaque exemplaire contient une gravure horstexte
de Pascal Dubar imprimée en rouge et noir
et signée par l’artiste. »
D’entrée de jeu, ce hors-texte donne le ton ;
il introduit le lecteur (le « regardeur ») en un
univers violent et expressionniste, où images
et textes se conjuguent intensément pour
traduire une réalité quotidienne nécessitant
mise en question et sans doute révolte contre
l’ordre trop souvent absurde du monde,
de l’écriture et de l’art.
Sur la couverture, un visage grimaçant rouge vif,
les lignes du bois striant l’apparition inquiétante
du personnage. Sur la couverture encore,
le titre, « Hello Dada », les noms des deux
auteurs, le peintre et graveur Pascal Dubar et
l’écrivain Pierre-Jean Foulon. À l’intérieur du
livre, douze cahiers de papier Ingres (vergé) se
composant chacun de huit pages, à l’exception
des cahiers réservés à la page de titre et au
colophon, qui en comptent seulement quatre.
Chacun des cahiers intérieurs (excepté le
premier) assène une première page où les
contrastes noirs et blancs de la xylographie
surgissent d’un seul élan convulsif, rudoyant le
lecteur par un mélange instinctif de traits et de
formes esquissant à grands coups de gouges
et canifs des êtres aux regards inquiets, aux
dents grinçantes, aux corps taillés comme des
squelettes. Un univers à la fois de peur et de
détresse, de cris et de hargne, mais aussi de
compassion et d’appels au secours.
Mêlés à ces images crispantes, lourdes
d’équivoques et de vertige, enchâssés comme
des tags fébriles au sein même de la gravure,
des lambeaux de textes arrachés aux poèmes
qui, dans le cahier, suivent l’image initiale. Ainsi :
« j’ai braillé que les hommes sont des loups »,
« perdu au cœur des labyrinthes », « la poésie
dit-on vomit le quotidien », « chat mourant d’un
coryza fétide », « mots effarants »…
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Dans « Hello Dada », titre qui implique une claire
résurgence de l’esprit « voltairien » des artistes
réunis à Zurich le 5 février 1916, textes et images
forment une étroite et puissante communauté
d’expression au sein de laquelle deux créateurs,
issus de la même région et poussés par une
même volonté d’intransigeance face aux
dérèglements des choses, arment leurs gouges
et leur plume dans le grand charivari des formes
rudes et des mots tranchants. Le dernier texte
du livre se termine par ces mots :
« j’en ai plein le dos
de chercher le pourquoi
des roues de bicyclette des
savants étalages
de couleurs de vertus
de matières faut-il que
je sois révolté pour qu’à
cette heure de mon âge
je me décide à prendre
la poudre d’escampette
harcelé par ces monstrueux
entrelacs de sirènes
demoiselles d’Avignon
livres d’artiste de Brême ou
Tout est comme avant de
Présence Panchounette ».
Pascal Dubar
Peintre, graveur et illustrateur. Études de graphisme
à Saint-Luc Bruxelles et à l’Académie des beaux-arts
de Bruxelles. Il a commencé sa carrière artistique comme
illustrateur de livres pour enfants et allie aujourd’hui peinture
et gravure sur bois de récupération.
Pierre-Jean Foulon
Ancien conservateur des livres précieux au Musée royal
de Mariemont. Auteur d’écrits sur l’art, le livre, les musées.
Auteur également d’une trentaine de recueils poétiques
parus aux Éditions du Spantole.
HELLO DADA
Neuf xylographies noir et blanc et un hors-texte en couleurs
de Pascal Dubar. Textes de Pierre-Jean Foulon
88 pages, 16 x 24,5 cm
Éditions du Spantole : 12, rue du Fosteau B 6530 Thuin
www.editionsduspantole.be
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Je n’ai cessé d’explorer les secrets de
l’image et de certains supports révélateurs.
Mystère de l’encre qui se dépose au moment
voulu sur un réceptacle choisi. Énigme du
cuivre que j’aurai auparavant apprivoisé
et préparé tout en douceur. Alchimie du
papier, de son grain aussi subtil que le
grain de la peau, de sa surface révélée
par le jeu de l’ombre et de la lumière.
Mikio Watanabe
En mars 2020, le projet international Wondering
Mind fête ses cinq ans et reçoit trente autres
artistes en plus des soixante qu’il avait à
l’origine. Tout est né d’une collaboration étroite
et d’une belle amitié entre la commissaire
d’expositions slovaque Zora Petrášová et
l’artiste graveur et commissaire d’expositions
belge Chris Verheyen, propriétaire de la galerie
Épreuve d’Artiste à Anvers. En 2019, les deux
commissaires de renommée internationale ont
été invitées en tant que membres du jury à la
prestigieuse biennale Queen of Printmaking :
the International Mezzotint Festival, dirigé
par Nikita Korytin, directeur du musée des
Beaux-Arts d’Ekaterinbourg, en Russie.
En mars 2015, leur 60 e anniversaire a été célébré
de manière unique : une soixantaine d’artistes de
plus de vingt pays ont été invités à réaliser des
gravures sur une plaque de cuivre d’un diamètre
de 12 cm (comme un CD). La forme ronde de
la gravure symbolise l’amitié et le respect entre
les peuples et les artistes, et le thème proposé
était aussi généreux que possible : Wondering
Mind. Des artistes internationaux de Belgique,
Slovaquie, Chine, France, Norvège, Hollande,
République tchèque, Angleterre, Pakistan,
Égypte, Afrique du Sud, Palestine, Canada,
Ukraine, Népal, Nouvelle-Zélande, Japon,
Russie, Roumanie, Hongrie et Bulgarie ont eu
l’occasion de s’exprimer artistiquement à travers
différentes techniques de gravure (aquatinte,
mezzotinte, lithographie et photogravure).
Jusqu’à présent, les œuvres ont été
présentées dans 18 expositions à travers
le monde. « 60 × 60 est un trésor de petits
chefs-d’œuvre », a déclaré Nan Mulder, l’un
des participants à ce projet, membre de
plusieurs associations de gravure en Angleterre,
aux Pays-Bas et en Nouvelle-Zélande.
Du 8 au 22 mars 2020, la galerie Épreuve
d’Artiste d’Anvers a présenté la deuxième série
d’estampes Wondering Mind. Cette fois, toutes
sont en mezzotinte, une technique de gravure
moins utilisée par les artistes en raison de sa
complexité. Cette technique fut employée pour
la première fois en 1642 par Ludwig von Siegen
(1609-1673) et rappelle la matérialité de la
peinture baroque ; elle est également connue
sous le nom de « manière noire » et a longtemps
été utilisée pour la reproduction des peintures.
« La manière noire implique une connaissance
très précise de la technique de rendu de la
perspective, des effets physiques et visuels de
la réflexion et de la réfraction de la lumière, ainsi
que des ombres. Tout comme en peinture, la
mezzotinte définit des objets dans l’espace sans
l’existence d’une ligne de contour, uniquement
par le léger contraste entre l’objet rendu et
l’arrière-plan. » (Florin Stoiciu, Techniques
de gravure, Polirom, Iasi, 2010, p. 104.)
Manières noires, diamètre 12 cm, de gauche à droite :
Deborah Chapman (CAN)
Yuko Chigawa (JP)
Karol Felix (SK)
Hachmi Azza (B)
Hedieh Jafari (IRN)
Masataka Kuroyanagi (JP)
Guy Langevin (CAN)
Silvana Martignoni (IT)
Guntars Sietinš (LT)
Amorn Thongpayong (TH)
Igor Benca (SL)
Linda Whitney (US)
Page 64 : Mikio Watanabe (JP/F)
63
Depuis presque
30 ans, à travers ses
projets internationaux,
la galerie Épreuve
d’Artiste s’occupe de
la promotion des arts
graphiques : « L’histoire
jugera si Chris et Zora,
avec leur enthousiasme
altruiste et contagieux,
ont marqué de manière
significative la popularité
et la démocratisation
croissantes de l’art
graphique », mentionne
Jan Dockx, un ami
proche de la galerie
Épreuve d’Artiste et un
collectionneur régulier de
gravures et d’ex-libris qui
possède plus de 7 000
pièces de gravure. La
galerie a formé un groupe
impressionnant de
collectionneurs des
Pays-Bas et de Belgique,
et elle est souvent visitée
par des collectionneurs
d’Europe, des États-Unis et de Chine. Le projet
More Wondering Minds 2. Chris and Zora’s New
Mezzotint Friends célèbre 25 ans d’amitié entre
Zora Petrášová et Chris Verheyen.
Depuis 1976, Zora Petrášová a préparé et
organisé plus de 300 expositions individuelles
et collectives d’artistes slovaques en Slovaquie
et à l’étranger (Belgique, Chypre, France, Inde,
Indonésie, Malaisie, Chine, Norvège, Finlande,
Grèce, Autriche, Pays-Bas, États-Unis, Taïwan,
Écosse, Lettonie, Estonie, Lituanie, Pologne).
En 2009, le maire de la ville de Piešt’any lui a
décerné le Prix d’excellence culturelle pour le
projet international Bridges. Zora est présidente
de l’Association des arts visuels slovaques
(depuis 2007) et directrice de l’Association des
graveurs slovaques (depuis 1999). Elle a édité
de nombreux catalogues d’art.
La galerie Épreuve d’Artiste a été fondée en
1991 par Chris Verheyen et a accueilli plus de
250 expositions internationales de gravure.
Chris Verheyen a étudié la gravure à l’Académie
royale de Gand (prof. Roger Wittevrongel) ; elle
s’est spécialisée à l’École internationale d’art
de Voss, Norvège, et à l’Académie des beauxarts
et du design de Bratislava, Slovaquie
(prof. Albín Brunovský). Elle a participé à de
nombreuses résidences artistiques et colloques
en Europe, aux États-Unis, au Japon et en
Chine. Son activité artistique et curatrice s’est
enrichie d’une activité pédagogique soutenue
au Lycée des arts d’Anvers. « Pour qu’une
galerie résiste, l’enthousiasme des organisateurs
et une forte passion pour les arts graphiques
sont importants. Les artistes sont présents à
l’ouverture des expositions et nous créons une
ambiance familiale dans la galerie qui donne
une dimension humaine à l’événement. De plus,
nous avons organisé de nombreuses expositions
graphiques dans le monde entier, en utilisant
notre réseau d’artistes et de galeries amies »,
témoigne Chris Verheyen.
64
Le projet Over de grens (À travers la frontière)
a été réalisé en 1997 et consistait en l’édition
d’un portefeuille de 57 œuvres d’artistes
flamands et wallons.
C’était un projet audacieux et difficile à réaliser
dans un pays divisé, avec un système politique
compliqué, comme la Belgique. Au fil des ans,
Chris Verheyen a collaboré avec Zora Petrášová
et elles ont réalisé le projet Mosty (Ponts),
entre la Slovaquie et 10 pays européens.
Épreuve d’Artiste en 2020
Parmi les artistes qui ont exposé au fil du temps
à la galerie Épreuve d’Artiste figurent le célèbre
surréaliste belge Paul Delvaux, Paul Wunderlich,
Albín Brunovský, Vladimir Gazovic, Oldřich
Kulhánek, Jiří Anderle, Vladimir Suchánek,
Rudolf Hausner et bien d’autres.
Après l’exposition More Wondering Minds 2.
Chris and Zora’s New Mezzotint Friends, pour
l’année 2020, la galerie Épreuve d’Artiste a
préparé un programme intéressant d’expositions.
Entre liberté et structure, Hanna de Haan cherche
la logique des constructions métropolitaines :
« Je suis fascinée par la vitesse à laquelle les
villes changent. Une ville n’est jamais terminée et
elle est constamment repensée et transformée.
L’évolution de la construction d’un bâtiment
suggère la forme finale qu’il aura… Je suis
fascinée par la tension entre le chaos d’un
chantier et la structure claire de l’échafaudage. »
L’exposition se tiendra du 2 au 23 août 2020.
En septembre, la galerie Épreuve d’Artiste
présente les œuvres les plus importantes ayant
participé aux quatre éditions de la Biennale
internationale Ex-Libris de Varna.
La biennale est organisée par Largo Art Gallery,
depuis 2014.
Être artiste signifie aimer passionnément ce
qu’on fait. Le japonais Mikio Watanabe est
passionné par la gravure ! Comme la gravure,
pour Mikio Watanabe, le monde est « Un
mystère qui prend corps » ; c’est aussi le titre de
l’exposition qui se tiendra à la galerie Épreuve
d’Artiste, du 8 au 22 novembre 2020. « Je suis
convaincu qu’au centre de tout, il y a quelque
chose de simple et de pur qui dépasse la
complexité des apparences. Et cette pureté est,
par essence, puissance et beauté. » (M. W.)
L’année 2020 se termine avec l’exposition Guy
Langevin et ses amis belges. Guy Langevin
est un artiste canadien, président du jury du
concours d’Ekaterinbourg, en Russie, et l’un des
anciens lauréats de cette prestigieuse biennale.
Son désir était de faire une exposition avec ses
amis belges Ingrid Ledent, Maurice Pasternak et
Michel Barzin.
À cause des restrictions imposées par
d’épidémie de Covid-19, l’exposition Entre les
mondes de Jochen Kublik a été reprogrammée
pour 2021. L’artiste présentera au public ses
imprimés colorés, inspirés de son univers
fantastique. Les œuvres ont été particulièrement
appréciées en Chine, et le titre de l’exposition
suggère la philosophie de vie de l’artiste. Il vit
entre les mondes, entre la culture orientale et
occidentale, entre le monde réel et un autre
monde fantastique et subjectif, qu’il expérimente
avec intensité en tant qu’artiste voyageur.
Pour Épreuve d’Artiste, l’année 2021 signifiera
l’anniversaire de 30 ans d’existence ! Joyeux
anniversaire, Épreuve d’Artiste !
Silvia Suciu
Épreuve d’Artiste | Graphic Art Gallery
Chris Verheyen : chrisverheyen55@gmail.com |
Oudekerkstraat 64 | 2018 Antwerpen | Belgium
Heures d’ouverture : samedi et dimanche
de 14 à 18 heures (durant l’exposition)
Merci de nous contacter pour préparer votre visite :
Chris Verheyen – 0032(0)477 234095
www.epreuvedartiste.be/, www.wonderingmind.eu/
65
LE PRIX
PRIX ARTISTIQUE RÉSERVÉ AUX GRAVEURS DE MOINS DE 35 ANS
Décédé en 2012, le graveur Dacos a joué un rôle majeur dans la défense et la promotion
de l’art de l’estampe à Liège et bien au-delà. Le prix est d’un montant de 2 500 €. L'appel
à candidature se clôture le 1 er novembre 2020.
www.lesmuseesdeliege.be/prix-dacos-2020
Tarifs 2010
Abonnement
un an / 4 numéros,
un Hors-Série Gratuit et un cadeau
frais de port compris
Belgique
Europe Monde
100 € 120 € 150 €
Abonnement
un an /4 numéros
avec gravures signées et numérotées.
un Hors-Série Gratuit et un cadeau
frais de port compris
Belgique
Europe Monde
300 € 320 € 370 €
Pour vous abonner, il vous suffit de virer le montant sur le compte :
BE39 0689 0083 8219 BIC:GKCCBEBB
avec en communication : Abonnement à Actuel de l'Estampe, votre nom, votre adresse et votre numéro de téléphone.
Ou, via Paypal, sur le site http://www.actueldelestampe.com
66
France :
Joop Stoop
12, rue Le brun
75013 Paris
joopstoopparis@gmail.com
+33 1 55 43 89 95
www.joopstoop.fr
Belgique :
K1L
rue Sergent Sortet, 29
1370 Jodoigne
editions.k1l@gmail.com
+32 497 51 63 85
www.k1leditions.com
Papiers
encres
outils
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