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AlbaDiUCantu_extrait

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• d a n s l a c o l l e c t i o n •<br />

pueti<br />

è cantadori<br />

Cantu nustrale,<br />

Ghjermana de Zerbi, 2009<br />

Ghjuvan Andria Culioli, U Barbutu di Chera<br />

Mathée Giacomo-Marcellesi, 2012<br />

Chants populaires de Corse<br />

Jean-Baptiste Marcaggi, (1926) 2013<br />

Estru Spriritosu.<br />

Humour et satire dans la poésie corse du xviii e au xx e siècle<br />

Ghjermana de Zerbi, Èlena Bonerandi, 2014


• •<br />

i n t r o d u c t i o n<br />

Comment est née cette chanson ? Quelles sont les circonstances qui ont poussé son<br />

auteur à l’écrire ? D’où vient cette mélodie ? Quelles sont surtout son histoire intime,<br />

ses anecdotes ignorées du grand nombre, son sens caché ? Nous nous sommes tous<br />

posé ces questions en écoutant nos titres préférés. Obtenir ces réponses pour les<br />

grandes chansons françaises et internationales se trouve souvent à portée d’un clic sur<br />

Internet. Mais pas pour la chanson corse. Ainsi a débuté le chemin.<br />

Lorsqu’il s’est agi de réfléchir à une idée de rubrique autour de la musique<br />

insulaire, lors de la création de l’hebdomadaire Settimana de Corse-Matin, j’ai souhaité<br />

explorer ces histoires méconnues au rythme d’une chanson par semaine. Du 24 juillet<br />

2015 au 15 juin 2018, 130 chansons ont ainsi été dévoilées. Pour chacune d’elles,<br />

hormis les titres traditionnels, leurs auteurs m’ont confié leurs secrets. Comme toute<br />

œuvre d’art, la chanson souffre parfois d’être commentée. Elle perd de son mystère<br />

et de sa portée universelle. Il a fallu donc convaincre, expliquer la démarche exclusivement<br />

motivée par la passion de la musique et des grands textes corses qui ne<br />

m’ont jamais quitté. Bénéficier de l’oreille attentive des auteurs, de leur confiance,<br />

de leur temps aussi, a été autant de privilèges qui m’ont permis de mener à bien<br />

l’écriture de ces chroniques. Rien n’aurait été possible sans eux. Qu’ils en soient tous<br />

chaleureusement remerciés.<br />

Le répertoire insulaire est vaste, incroyablement prolifique, notamment entre les<br />

quatre décennies qui s’étendent des années soixante à quatre-vingt-dix. Il a donc fallu<br />

faire un choix extrêmement difficile. Il fut d’abord très personnel. L’ensemble des 130<br />

chansons de ce recueil de chroniques constitue, selon moi, une belle partie des textes<br />

majeurs de la chanson corse. Ils ont accompagné tant de moments, de destins, dit tant<br />

de choses des joies et des peines, de l’amour et des révoltes de ce pays. Le mystère d’une<br />

Citadella da fà, la puissance de Mal’Cunciliu, le long cours du Golu qui charrie l’histoire.<br />

L’alto stile toscan des terzetti, l’étreinte de Ti tengu cara, le cœur brisé d’un Ritrattu ou<br />

d’un Chemin des Dames. Le cri d’È puru simu quì, d’À voce rivolta ou le vrombissement de<br />

Quandi a terra move. Tous me bouleversent. Chance incroyable, chacun de ces textes a une<br />

7


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

petite histoire passionnante qui se confond souvent avec la grande. Ce furent à la fois la<br />

condition sine qua non de cette chronique et sa difficulté : ne pas raconter l’évidence mais<br />

tenter, sans prétention, d’apporter l’éclairage, le détail méconnu tout en rappelant le<br />

contexte qui influence toujours la plume. Parce que leurs auteurs ont disparu et que leur<br />

entourage n’avait pas la mémoire ou les connaissances nécessaires pour raconter, parce<br />

que le temps manque toujours, certaines chansons n’ont pu être étudiées. D’autres, plus<br />

rares, qui ne devaient pas justifier l’écriture d’une chronique, a priori, m’ont finalement<br />

été confiées, comme autant de malles à souvenirs que l’on ouvre fébrilement. D’autres,<br />

enfin, n’avaient pas d’histoire particulière à raconter, malgré leur beauté et leur importance<br />

dans le répertoire.<br />

Le choix a été fait de ne pas classer ces chroniques par date de parution dans<br />

Settimana mais de respecter leur chronologie qui dit tant de choses de l’évolution<br />

du chant corse à travers les décennies. Cette chronologie respecte les époques ou les<br />

dates précises d’écriture de ces textes, non leurs mise en musique et enregistrement<br />

qui sont intervenus parfois bien des années plus tard. Un autre classement, personnel<br />

également, propose six grands thèmes intimement liés aux œuvres : l’histoire, les<br />

hommages et portraits, la revendication, l’amour, le traditionnel et le lien à la nature.<br />

Enfin, il fallait bien trouver un titre à cette chronique hebdomadaire.<br />

Clin d’œil à ma fille, il dit humblement ce que j’ai essayé de transmettre<br />

des trésors qui m’ont été confiés : l’histoire et les secrets qui les ont fait naître, avant<br />

qu’ils ne deviennent de grands classiques. Una spassighjata à l’alba di u cantu.


• •<br />

Terzetti di u piuvanu<br />

Traditionnel – Canta u Populu corsu<br />

Carissimu cucinu fidu è amatu<br />

Questo picculu fogliu leggerai<br />

È senterai il mio miseru statu<br />

Si passa malamente la ghjurnata<br />

Moltu più quandu vene la sera<br />

Ch’è la luce del sole vene oscurata<br />

Si passa la notta oscurata è nera<br />

Senza lume perchè non hè concessu<br />

Come se fosse una selvaggia fera<br />

Sono stato ridotto in così bassa stima<br />

Ch’eo mi vergogno dei miei propri panni<br />

Come quell’animale chiamato scimia<br />

In ogni muraglia si forma una spiscina<br />

Ogni parte produce un largu fiume<br />

Per mio tormento la mio maggior ruvina.<br />

•<br />

Répression<br />

À l’image de tant de récits de guerres<br />

et de rébellions matées, l’histoire est<br />

tragique. À travers le sort réservé à<br />

Marcu Ghjuvanni Turchini, prêtre de<br />

Sermanu jeté dans les geôles de Toulon<br />

après la défaite de Ponte Novu, à travers<br />

surtout son précieux témoignage, si<br />

rare pour l’époque, c’est une lumière<br />

crue qui est braquée sur la répression<br />

militaire française pour pacifier l’île.<br />

Et sur les conditions de détention des<br />

prisonniers en cette fin de xviii e siècle<br />

où le seul droit de ces derniers était de<br />

tenter de survivre.<br />

1769. La Corse paoliste indépendante<br />

tombe à Ponte Novu. Forte d’un<br />

corps expéditionnaire de 30 000 hommes,<br />

la France a vaincu la jeune nation. Durant<br />

une petite dizaine d’années après la défaite,<br />

les foyers de rébellion demeureront<br />

vifs dans le centre de l’île. De la révolte<br />

d’A crucetta à celle, tristement célèbre, du<br />

Niolu, la résistance s’organise du Nebbiu<br />

à la Cinarca. Elle sera pourtant brisée<br />

avec méthode et détermination. Comme<br />

dans toute guerre de conquête, ceux qui<br />

parviennent à échapper aux exactions<br />

sont déportés, essentiellement dans les<br />

prisons de Toulon, réputées pour leurs<br />

conditions de vie inhumaines. En 1774,<br />

Marcu Ghjuvanni Turchini, originaire de<br />

Sermanu et prêtre du Boziu, est envoyé<br />

dans l’une d’elles avec son neveu Paulu<br />

Matteu pour rébellion et « banditisme ».<br />

Nous n’aurions jamais pu savoir dans<br />

quelles conditions étaient incarcérés les<br />

prisonniers corses s’il n’avait pu envoyer<br />

des terzetti à sa famille. Forme considérée<br />

9


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

d’altu stile, héritée des poètes italiens<br />

des xii e et xiii e siècles, les terzetti sont des<br />

strophes de trois alexandrins (tercets) et se<br />

différencient de la paghjella écrite en trois<br />

paires (paghji) d’octosyllabes. Les terzetti<br />

étaient généralement écrits en toscan,<br />

langue de la littérature, se mariant au<br />

corse au fil des ans. Raison pour laquelle,<br />

ceux du piuvanu nous sont parvenus dans<br />

cette langue mêlée, notamment lors des<br />

diverses interprétations de l’œuvre. Dans<br />

ces terzetti, bouleversants de réalisme,<br />

l’enfant de Sermanu décrit son « état de<br />

misère », privé de lumière, comparable<br />

à « cet animal que l’on appelle le singe »,<br />

dans un dénuement total. Surtout, il<br />

donne un détail terrible : sa petite cellule<br />

est inondée. Comme le précise parfaitement<br />

Ghjermana de Zerbi qui a retracé<br />

l’histoire de ce chant dans sa « bible »<br />

du genre, Cantu nustrale, parue en 1981<br />

et rééditée en 2009 chez Albiana, ces<br />

geôles remplies d’eau, dans lesquelles<br />

les corps pourrissaient, sont à l’origine<br />

du mot français « bagne 1 » que nous<br />

connaissons aujourd’hui. Nous ignorons<br />

combien de temps Marcu Ghjuvanni<br />

Turchini est demeuré prisonnier à Toulon<br />

mais, grâce à son âge avancé, il a pu<br />

retrouver les siens, à Sermanu. Son neveu,<br />

comme tant d’autres, n’a pas eu cette<br />

chance. Comme l’écrit encore Ghjermana<br />

de Zerbi, ces terzetti, qui étaient bien<br />

plus longs à l’origine, auraient pu être<br />

définitivement perdus s’ils n’avaient<br />

pas été retrouvés à l’été 1966 par Petru<br />

Guelfucci et Ghjorghju de Zerbi. Ce<br />

dernier, descendant du piuvanu par sa<br />

nièce, Divita Turchini, les a donc recueillis<br />

pour le groupe A Mannella. Douze ans<br />

plus tard, en 1978, les terzetti, baptisés<br />

« di u piuvanu », seront immortalisés sur<br />

l’album de Canta, A Strada di l’avvene, cinq<br />

ans après la création du groupe. Pour ne<br />

pas oublier Marcu Ghjuvanni Turchini<br />

qui a su, divin paradoxe, raconter en vers<br />

l’enfer des condamnés pour insurrection.<br />

1. De l’italien bagno, bain.


• •<br />

Terzetti di Filenu (Nun ti scurdà di mè)<br />

Traditionnel<br />

Leggi il foglio dulente, anima mia<br />

Scritta dal to Filenu, di propia manu<br />

Chì l’hà scritta apposta, è ti l’invia<br />

Nun ti scurdà di mè, benchè luntanu<br />

Abbie cumpassione d’un infelice<br />

Ch’eo vocu piengendu, dal collu al pianu<br />

Chì à parlà ci à bocca più nun lice<br />

Per spiecà ti tutti li mei dulori<br />

Leggi il fogliu dulente, quel’ch’è dice :<br />

Induve sì, duve stai, duve dumori ?<br />

Il dulu del mio core, nice sì bella<br />

À tante pene, perchè nun succorri<br />

Son’persuasu ch’è tù ùn serai più quella<br />

Averai forse cambiatu di novu amore<br />

À la fonte d’amore, Diana Stella<br />

Quì ripongu la penna nel calamaghju.<br />

•<br />

Amour polyphonique<br />

Il s’agit des vers les plus connus du genre.<br />

Et une commune s’en est fait la spécialité.<br />

Rusiu, petit village du Boziu, a<br />

donné à l’art polyphonique quelquesuns<br />

de ses plus beaux textes et surtout de<br />

ses plus beaux versi. Les Terzetti di Filenu<br />

en font incontestablement partie. Ils sont<br />

l’un des plus remarquables exemples<br />

de terzetti. Écrits en toscan ancien car<br />

considérés comme étant d’altu stile,<br />

comme le souligne l’ouvrage 21 pièces<br />

pour découvrir la musique corse traditionnelle<br />

édité en 2011 par l’ex-CRDP, les<br />

terzetti sont directement inspirés des<br />

formes d’écriture soutenues des auteurs<br />

florentins du xiii e siècle, dont Dante était<br />

le plus illustre représentant. Son poème,<br />

L’Enfer, n’était-il pas connu par nombre<br />

de bergers et improvisateurs comme le<br />

rapportent des voyageurs de passage<br />

dans l’île au xix e siècle ? Leur nom,<br />

terzetti, est issu de leur versification<br />

dite en « tierce rime », contrairement<br />

à la paghjella qui utilise la racine paghju<br />

(paire) pour définir un groupement de<br />

vers par deux.<br />

Appelés plus communément<br />

Terzetti di Rusiu, au risque de les confondre<br />

avec les célèbres Terzetti di u piuvanu,<br />

originaires également de ce village, les<br />

Terzetti di Filenu sont toujours l’objet d’un<br />

malentendu.<br />

La plupart des interprètes déb -<br />

utent toujours par le deuxième « couplet »,<br />

de loin le plus connu, « Nun ti scurdà di<br />

mè benche luntanu », passant de fait à la<br />

11


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

trappe le nom (ou surnom) de son auteur,<br />

un certain Filenu, cont enu dans les trois<br />

premiers vers. Un raccourci qui a relégué<br />

au second plan ce Filenu de Rusiu dont<br />

les habitants du Boziu pensent encore<br />

aujourd’hui qu’il était l’un des leurs.<br />

Une chose est certaine, la qualité du texte<br />

témoigne d’une grande culture.<br />

Les auteurs du CRDP voient<br />

même un « clin d’œil » à Dante lorsque<br />

Filenu termine son texte par le prénom<br />

de sa bien-aimée, Diana Stella.<br />

L’auteur florentin « termina<br />

les trois parties de l’œuvre La Divina<br />

Commedia (L’inferno / Il purgatorio / Il<br />

paradiso) par le mot stelle. Remarquons<br />

également que Diana Stella, en Corse,<br />

est le nom donné à l’étoile du berger<br />

[…] d’une grande importance dans les<br />

différentes mythologies […] ». Comme<br />

dans tant d’autres textes remarquables,<br />

l’amour perdu donne à la tradition orale<br />

l’un des plus beaux modèles du genre.<br />

Nun ti scurdà di mè a traversé les<br />

décennies et peut-être les siècles pour<br />

être chanté de nos jours dans une version<br />

paghjella, à trois voix. Rien ne dit qu’il<br />

en fut toujours ainsi. Régulièrement<br />

interprétés, sur un coin de comptoir ou<br />

sur scène, les Terzetti di Filenu n’ont pas<br />

eu les honneurs réservés aux Terzetti<br />

di u piuvanu, enregistrés sur A Strada<br />

di l’avvene de Canta u Populu corsu ou<br />

le premier album de Voce di Corsica.<br />

Filenu, baptisé Ùn ti scurdà di mè pour<br />

l’occasion, a cependant été immortalisé<br />

dans une version rusinca sur l’album<br />

Corse – réunissant des enregistrements<br />

réalisés entre 1916 et 2009 – de la série<br />

« France : une anthologie des musiques<br />

traditionnelles ».


• •<br />

Barbara Furtuna<br />

Traditionnel<br />

O Barbara furtuna, sorte ingrata<br />

À tutti ci ammollisce il cor’in pettu<br />

Pensendu à quella libertà passata.<br />

Hè pur ghjuntu quellu ghjornu, di funestu,<br />

D’abbandunà piacè per li turmenti,<br />

O Diu ! Chì tristu ghjornu hè per mè questu !<br />

Addiu Corsica, madre tantu amanta,<br />

Nel separar di tè senza ritornu,<br />

O chì dulor nell’anima scunsulata.<br />

•<br />

Exil, amour déçu ou hymne à Garibaldi ?<br />

Symbole de la souffrance du déraciné,<br />

Barbara Furtuna est un étendard depuis<br />

la renaissance de la revendication corse.<br />

Son sens premier, qui semble être un pur<br />

lamentu de celui qui quitte l’île contraint<br />

et forcé, ne permet pas de percer tous ses<br />

secrets. D’abord parce que son origine<br />

est très obscure. Ensuite parce que le<br />

véritable sens de ce texte n’est peut-être<br />

pas celui que l’on croit.<br />

C’est Ghjermana de Zerbi, dans<br />

sa bible Cantu nustrale, qui l’explique le<br />

mieux.<br />

Le groupe A Paghjella, dirigé<br />

par Isabelle Casanova, fut le premier à<br />

faire connaître ce chant, en 1936. L’auteur<br />

explique qu’il aurait été transmis à Natale<br />

Giacometti, de Grussetu è Prugna, par<br />

son père, au xix e siècle. Le sens d’alors est<br />

celui que nous connaissons aujourd’hui,<br />

un lamentu de ceux qui quittent l’île.<br />

C’est Matteu Ambrosi, auteur de<br />

l’ouvrage intitulé Le Chant corse, qui en<br />

donne une version tout à fait différente<br />

en 1936. Ce dernier assure que ce chant<br />

a été composé par un prêtre de la pieve de<br />

Casacconi, pour un jeune homme amoureux<br />

qui le chantait sous la fenêtre de sa<br />

bien-aimée qui l’avait trahi, le soir même<br />

de leur mariage. Matteu Ambrosi va<br />

jusqu’à affirmer que la chanson a fini de<br />

convaincre la jeune femme de retourner<br />

avec son premier amour… Ghjermana<br />

de Zerbi a retranscrit un des cinq paragraphes<br />

dévoilés par Ambrosi et qui<br />

aurait été oublié : « O Barbara in amor !<br />

Nice spietata / Perchè nun ti amollisce il cor<br />

in pettu / Pensendu à quella libertà passata ? »<br />

13


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

C’est sans doute la troisième<br />

origine supposée du texte qui est la plus<br />

surprenante. Ghjacumu Luciani, guitariste<br />

et chanteur cortenais qui a débuté<br />

dans A Mannella, a toujours entendu<br />

son père et son oncle assurer que Barbara<br />

Furtuna était un hymne à la gloire de<br />

Garibaldi, père de la patrie italienne et<br />

fer de lance de la réunification du pays !<br />

Connaissant les liens entre la Corse et<br />

le continent – entendons par là l’Italie,<br />

considérée ainsi durant des siècles<br />

par les Corses avant que la France ne<br />

la remplace –, l’hypothèse est parfaitement<br />

envisageable. Elle appuierait<br />

également la thèse d’un chant italien qui<br />

a été adapté à la situation corse (l’exil),<br />

très personnel parfois (lamentu d’amore),<br />

que la tradition locale ou ce fameux<br />

prêtre de Casacconi aurait transformé.<br />

Le chant d’exil demeurant<br />

aujour d’hui l’explication privilégiée, on<br />

ne compte plus les reprises de Barbara<br />

Furtuna par les grands groupes du<br />

Riacquistu. Jusqu’à ce que l’un d’eux<br />

l’adopte comme nom. Maxime Merlandi<br />

et ses amis de Barbara Furtuna forment<br />

aujourd’hui sans doute l’ensemble<br />

polyphonique le plus talentueux de la<br />

scène corse, avec A Filetta et le Chœur<br />

de Sartène.<br />

Pour l’explication de ce chant,<br />

c’est Ghjermana de Zerbi qui a sans doute<br />

la meilleure conclusion : « À i lettori megliu<br />

ducumentati di stabbilisce a verità ! »


• •<br />

Baddata d’una Talavesa<br />

Traditionnel – Dopu Cena<br />

Fù la piaghja la so morti<br />

Duva stani li currachji<br />

O crudelli, iniqua sorti<br />

Par Francescu di li vacchi<br />

La corcia comu faraghju<br />

À stà sola in quisti machji ?<br />

Isfurcà vogliu lu palu<br />

Quiddu di i setti furconi<br />

Ch’ùn ci s’appendi più zanu<br />

Nè cappucciu nè piloni<br />

È taglià vogliu la coda<br />

À Cimoscu ed à Falconi<br />

Quand’eddu u posini in bara<br />

U cuddoni à li Pruneddi<br />

Piensini par dolia amara<br />

Li pecuri cù l’agneddi<br />

È l’eghji di lu Sarconu<br />

Bè bè bè faciani anch’eddi<br />

La corcia da mè pinsaia<br />

Chì ni farani avà d’eddu ?<br />

Dentru l’arca a mi pinsaia<br />

Ci fussi qualchì purteddu<br />

Ma vidi ch’eddi u lamponi<br />

In un tafunacciu nieddu.<br />

•<br />

Voce di morte<br />

Derrière cette voix brisée par le chagrin<br />

se cache souvent un timbre d’exception.<br />

Tandis qu’elle chante sa douleur sur un<br />

air lancinant, la tête couverte par le voile<br />

du deuil, les pleureuses près d’elle font<br />

leur œuvre, se balancent, se griffent,<br />

tirent leurs cheveux. Prennent le relais<br />

aussi d’une interprète submergée par<br />

l’émotion, rongée par la peine. La voix<br />

chante les louanges d’une vie fauchée<br />

par le destin ou la main de l’homme. Elle<br />

pleure sur ce sort qui a frappé. Mais trouve<br />

aussi la force de réclamer vengeance,<br />

suffisamment fort pour que les hommes<br />

de la maison entendent et accomplissent<br />

leur devoir. Dans certaines régions,<br />

comme à Fozzà, la chemise ensanglantée<br />

de celui que l’on venait d’assassiner était<br />

exposée sur la cheminée de la maison afin<br />

que nul n’ignore les raisons du drame.<br />

Et que les hommes de la famille en âge<br />

de tenir les armes sachent ce qu’il leur<br />

restait à faire. Ce tableau, tristement bien<br />

connu, est celui d’un voceru ou baddata,<br />

dans le Sud. Ce chant, qui a disparu<br />

aujourd’hui des veillées funèbres, était<br />

systématiquement interprété jusque dans<br />

les années soixante. Il s’est fait beau coup<br />

plus rare ensuite, avant de s’étein dre<br />

aujourd’hui. Comme à chaque étape de<br />

15


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

la vie des Corses, ce chant disait beaucoup<br />

de leur génie dans le domaine de<br />

l’improvisation, de la poésie. Qu’elle ait<br />

été violente ou naturelle, la mort était<br />

toujours accompagnée par ces rimes et<br />

la Baddata d’una Talavesa pà a morti di u<br />

maritu, dans son titre intégral, en est un<br />

exemple bouleversant.<br />

Très peu de choses demeurent de<br />

son histoire. On sait que l’interprète est<br />

une femme de Palleca, dans le Taravu,<br />

qui vient de perdre son mari, vacher de<br />

son état. Preuve que la baddata n’était pas<br />

interprétée uniquement en cas de mort<br />

violente, aucun appel à la vengeance<br />

n’apparaît dans le texte. Dans 21 pièces<br />

pour découvrir la musique corse traditionnelle,<br />

l’auteur Jean-Michel Weber perçoit<br />

dans la fin du chant les doutes de l’improvisatrice<br />

sur l’au-delà, cette vie après la<br />

mort que les croyants évoquent. Plutôt<br />

que des ouvertures à travers lesquelles<br />

passerait la lumière, le défunt ne trouve<br />

dans la fosse commune (arca) qu’un « vulgaire<br />

trou sombre ». La traduction d’illusions<br />

perdues ? D’une foi qui ne console<br />

plus ? Ce qu’elle interprète également,<br />

c’est son angoisse face à un avenir incertain,<br />

seule désormais avec, peut-être, un<br />

foyer à tenir ou des enfants à élever. Ce<br />

chant fut publié pour la première fois<br />

en 1855 dans le livre de Salvatore Viale,<br />

Canti popolari corsi, réédité en 1984 par<br />

Arnaldo Forni Editore, en Italie. Jamais<br />

enregistré sur l’album d’un groupe insulaire,<br />

il fut pourtant immortalisé sur le<br />

CD pédagogique accompagnant le livre<br />

de Jean-Michel Weber. Même si ce chant<br />

est dépouillé de l’émotion dramatique<br />

qui naît de l’improvisation sur le lit d’un<br />

mort, son interprétation cristalline par<br />

la jeune Léa Antona, alors membre du<br />

groupe Dopu Cena et qui s’est notamment<br />

illustrée sur le dernier album de<br />

Voce Ventu, Ci serà sempre un cantu, est<br />

bouleversante.


• •<br />

Ciucciarella<br />

Traditionnel – Tino Rossi<br />

O ciucciarella<br />

Nun sai quantu t’adoru<br />

Le to bellezze<br />

Le to cullane d’oru<br />

Ciucciarella inzuccarata<br />

Quantu hè longa sta nuttata<br />

Fà la ninna fà la nanna<br />

U to babbu hè à la campagna<br />

Cullà ne vogliu<br />

Quassù per’sse cullette<br />

Ci sò le capre<br />

Le muvre è le cervette<br />

Quassù sò li trè cuniglii<br />

Corri tù, sè tù li piglii<br />

Fà la ninna fà la nanna<br />

U to babbu hè à la campagna<br />

Trovu aghju un nidu<br />

Nentru c’era duie ove<br />

Sò statu à vede<br />

L’acellu chì le cova<br />

Era un nidu di culomba<br />

È trè volte l’aghju trova<br />

O culomba cullerata<br />

Cusì longa sta nuttata<br />

Sò statu à l’ortu<br />

Stamane di bon’ora<br />

Ciucciu nun c’era<br />

Chì era andatu à la scola<br />

Tuttu era per vede à tene<br />

O mazzulu di viole<br />

Fà la ninna fà la nanna<br />

U to babbu hè à la campagna<br />

Zifulà puru<br />

È mughja o tramuntana<br />

Filgu lu linu<br />

È carmingu la lana<br />

Fattu t’aghju lu mantellu<br />

È guarnitu la suttana<br />

Lu to mantellu fatatu<br />

Tutt’intornu riccamatu<br />

•<br />

Genèse<br />

Est-elle l’œuvre d’un homme ? D’une<br />

femme ? Pour quel enfant a-t-elle été<br />

composée ? Comme pour tous les chants<br />

d’essence traditionnelle, les réponses<br />

manquent quant à ses origines et les<br />

circonstances exactes de sa naissance.<br />

La chanson corse la plus connue<br />

est une berceuse du nom de Ciucciarella,<br />

Ciucciaredda pour les sudistes. Pas un<br />

foyer avec un enfant sans qu’elle soit<br />

fredonnée, et ce depuis le xix e siècle. On<br />

retrouve le texte partout, de la Balagne<br />

où elle aurait vu le jour, sans certitude,<br />

à Porto-Vecchio en passant par le Niolu.<br />

Le livre 21 pièces pour découvrir la musique<br />

corse traditionnelle éclaire sur ses origines<br />

sans pour autant révéler les secrets que<br />

gardera sans doute à jamais le texte. Ce<br />

17


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

dernier serait fortement inspiré d’un<br />

écrit de 49 strophes de Paul-Mathieu de<br />

La Foata (1817-1899), évêque de Corse,<br />

natif d’Azilone dans l’Ornanu, intitulé<br />

A Nanna di u bambinu, publié dans<br />

Poesie giocose, dans lequel se retrouvent<br />

de nombreux <strong>extrait</strong>s et thèmes. La<br />

première version écrite de Ciucciarella<br />

est donnée par Saveriu Tomasi en 1932<br />

dans l’ouvrage Les Chansons de Cyrnos.<br />

Elle lui aurait été confiée par un certain<br />

Santini de Corte qui affirme, le premier,<br />

que le texte serait originaire de Balagne.<br />

L’auteur de la chanson connaissait-il<br />

Paul-Mathieu de La Foata ? Nous ne<br />

ferons pas l’offense de poser la question<br />

à propos de l’un des plus grands<br />

auteurs en langue corse. Des variantes<br />

de ce texte ont été retrouvées dès<br />

1924 à Calacuccia, Chiatra di Verde,<br />

Portivechju ou Zicavu, dans les parlers<br />

respectifs. Simplification populaire<br />

du texte complexe de de La Foata,<br />

Ciucciarella n’est pourtant pas basée<br />

sur un texte simpliste. Des questions<br />

demeureront sans doute sans réponse.<br />

Certains codes de lecture ne sont pas<br />

parvenus jusqu’à nous. Quelle est cette<br />

histoire des trois lapins dont parle le<br />

texte ? Si l’œuf de colombe ou le chiffre 3<br />

sont bien liés à un ancien conte, quelle<br />

en est la signification ? Pour restituer<br />

l’intimité touchante et protectrice de<br />

la berceuse, elle est exclusivement<br />

interprétée en monodie, même si, rarement,<br />

elle se révèle brillante d’harmonies<br />

sous sa forme polyphonique. C’est<br />

bien sous sa forme originale, sous son<br />

versu traditionnel débarrassé de ses<br />

fragilités, que Ciucciarella se dévoile au<br />

monde grâce à Tino Rossi, notamment<br />

dans un disque intitulé C’est Paris. Dans<br />

cet « exotisme » qui a tant servi l’Ajaccien<br />

à se faire connaître, à rendre la<br />

signature vocale de ce latin lover inoubliable,<br />

Ciucciarella a joué un rôle essentiel.<br />

Et c’est cette voix parfaite qui a fait<br />

de Ciucciarella la plus célèbre de toutes<br />

les berceuses mais aussi de toutes<br />

les chansons corses. On ne compte<br />

plus les reprises, par Maryse Nicolaï,<br />

Antoine Ciosi. Mais l’on retiendra la<br />

version cristalline de Frédéric Sini,<br />

dont la voix manque tant à la chanson<br />

corse, enregistrée avec Voce Ventu sur<br />

le deux-titres Dormi en 2007, aux côtés<br />

d’une autre berceuse, Tessi Tesi. Pour<br />

continuer bien au-delà de la nuit.


• •<br />

Lamentu di u castagnu à u corsu<br />

Traditionnel – Barbara Furtuna<br />

Or chì l’averaghju fattu<br />

À lu Corsu cusì ingratu,<br />

Chì m’hà fattu la sentenza<br />

È à morte cundannatu<br />

Senza sente testimonii<br />

Nè cunsultà lu giuratu.<br />

M’hà dichjaratu la guerra<br />

Cum’è à un veru malfattore,<br />

M’hà messu li sbirri appressu<br />

Chì m’attaccanu terrore.<br />

O Corsu, rifletti un pocu,<br />

Versu mè sì senza core<br />

Ti vindii li mio frutti<br />

È impattavi li to affari,<br />

Vistii li to figlioli,<br />

Rigulavi li scarpari,<br />

Ingrassavi lu purcellu,<br />

Tutti l’anni avii danari.<br />

Facii porte è purtelli,<br />

Sulaghji, casce è cascioni,<br />

Intempiavi la to casa<br />

Tù cù travi e cantilloni<br />

Grazia, o Corsu, eppur’la sai,<br />

À li mio gran figliuloni.<br />

Quandu la guerra hè finita<br />

Chì sarà di tè, mischinu ?<br />

Zappa puru lu to fornu<br />

È chjodi lu to mulinu.<br />

Parterai per lu mondu<br />

Errante, senza un quattrinu.<br />

•<br />

Les racines du mal<br />

Bien plus que simple chanson, certains<br />

textes portent le poids de l’histoire de<br />

ce pays. La tradition des lamenti, pilier<br />

de la culture musicale, est allée plus<br />

loin cette fois. Lorsque Anton’Battista<br />

Paoli écrit Lamentu di u castagnu à u<br />

corsu au début du xx e siècle, il témoigne<br />

de sa peine, voyant des forêts entières<br />

de châtaigniers abattues pour alimenter<br />

les usines de tanins. Il ne se doute pas<br />

que son texte sera élevé au rang de<br />

monument culturel, disant bien plus<br />

que ce qui est écrit.<br />

Anton’Battista Paoli est né<br />

à Tagliu en 1858. Témoin d’une<br />

castanéiculture florissante et vivrière,<br />

son regard n’en a que plus de prix. Sa<br />

région est recouverte de châtaigniers<br />

à perte de vue, chaque foyer subsiste<br />

grâce au fameux « arbre à pain ».<br />

Jusqu’à ce choix économique, culturellement<br />

si contestable, d’engager des<br />

armées de bûcherons italiens afin de<br />

raser les forêts. Du châtaignier broyé,<br />

on tirait le tanin indispensable pour<br />

le travail des peaux. Dernière roue<br />

19


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

du carrosse économique, la Corse<br />

n’échappait pas à une bien curieuse<br />

conception de la révolution industrielle<br />

non suivie d’effets. Les fantômes<br />

de ces usines aux grandes cheminées<br />

sont toujours visibles, notamment du<br />

côté de Barchetta. Elles ont parfois<br />

été transformées en locaux flambant<br />

neufs comme à Folelli. On ne sait pas<br />

précisément quand Anton’Battista<br />

Paoli a écrit son poème mais il a finalement<br />

été publié dans A Muvra en<br />

1926, comme d’autres textes qui ont eu<br />

l’honneur d’A Tramuntana, L’Altagna<br />

ou La Nouvelle Corse. Le texte colossal,<br />

tant par sa qualité poétique que par<br />

son volume (27 couplets), marque<br />

les esprits dans l’entre-deux-guerres,<br />

au moment où les châtaigniers sont<br />

abandonnés et livrés aux broyeuses. Le<br />

poète choisit alors la personnification,<br />

donne la parole à l’arbre autrefois nourricier<br />

pour interpeller « stu Corsu cusì<br />

ingratu », oublieux de ce que la nature<br />

lui a apporté. Cri d’alarme, plaidoyer, le<br />

lamentu secoue la conscience des Corses<br />

qui laissent détruire bien plus qu’un<br />

patrimoine, le symbole de ce qu’ils sont.<br />

On estime que les trois quarts des pieds<br />

de châtaigniers ont été détruits entre la<br />

fin du xix e et le début du xx e siècle.<br />

Le chant, traditionnellement inter -<br />

prété en monodie, comme la plupart des<br />

lamenti, devient rapidement un étendard.<br />

Hormis le contexte autour du thème<br />

abordé, la poésie aurait été écrite au<br />

cours du Riacquistu que cela n’aurait<br />

choqué personne. Elle fait partie des<br />

textes de référence du chant revendicatif,<br />

lié aux Corses par une poésie qui<br />

touche à l’intime.<br />

Le Lamentu di u castagnu, comme<br />

on le raccourcit souvent, figure sur le<br />

dernier album de Barbara Furtuna,<br />

D’Anima, qui a su si bien s’approprier le<br />

chant pour en faire une polyphonie aux<br />

arrangements pertinents.<br />

L’ouvrage 21 pièces pour découvrir<br />

la musique corse traditionnelle cite Petru<br />

Rocca, créateur d’A Muvra, qui parle<br />

si bien d’Anton’Battista Paoli et de son<br />

œuvre : « Trà i numerosi pueti di Corsica,<br />

Paoli di Tagliu hè unu di i più venerati. Da<br />

quasi un mezu seculu, a so penna d’altagna<br />

tavagninca li canta in manu cù a finezza<br />

d’un flavitu niulincu è a bundenza d’un<br />

antica carramusa. »


• •<br />

Vociaru di Ghjuvan’Cameddu<br />

Traditionnel – Canta u Populu corsu<br />

Dal mio palazzu<br />

Cupertu à verdi fronde<br />

Sù la Tasciana<br />

Niente si nasconde<br />

Vedo Carbini è Livia<br />

Vedo Portivechju è l’onde<br />

Meditandu il caso mio<br />

La memoria si cunfonde<br />

Cusì pensosu<br />

Privu d’ogni cuntentu<br />

Sfugare mi vogliu<br />

Con lacrimosu accentu<br />

Poveru Ghjuvan’Camellu<br />

Dà principiu al tuo lamentu<br />

Prego voi che m’ascoltate<br />

Compatire al mio talentu<br />

Io sò banditu<br />

Nel più bel’fior degli anni<br />

Per mio fratellu<br />

Mortu cun tanti affanni<br />

Dopu di avellu ammazzatu<br />

Fù brusgiatu in i so panni<br />

Ma speru ch’ognunu dica<br />

Ch’o sò natu cù li sanni<br />

Napoleone<br />

Fratellu svinturatu<br />

D’una donzella<br />

Si n’era innamoratu<br />

Poi partì per la Bastia<br />

Con l’oggettu tantu amatu<br />

Non hè questu un gran delittu<br />

Quandu l’omu hè seguitatu<br />

Quì cessu il moi cantu<br />

Addiu miei genitori<br />

Addiu parenti<br />

Sustegnu del mio core<br />

Nella mia trista sventura<br />

Mi ricumandu al Signore<br />

Lu vostru Ghjuvan Camellu<br />

Nùn vi farà disonore.<br />

•<br />

Onore<br />

Les bandits ne furent pas tous d’honneur,<br />

loin de là. Ceux qui pouvaient<br />

revendiquer ce prestigieux adjectif ont<br />

été contraints, par les pratiques d’une<br />

époque, à prendre les armes pour laver<br />

le sang de l’un des leurs. Et cela n’avait<br />

rien de romantique. Ghjuvan’Cameddu<br />

Nicolai n’aurait jamais dû se retrouver<br />

embarqué dans un destin tragique. Beau<br />

garçon, intelligent, issu d’une famille très<br />

modeste de l’Alta Rocca, il fut poussé au<br />

meurtre pour venger son frère dont le<br />

péché mortel fut d’avoir aimé une sgiò.<br />

L’histoire, si sombre soit-elle, n’est pas<br />

celle d’un roman. Elle s’est déroulée à la<br />

fin du xix e siècle et nous en gardons la<br />

21


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

mémoire grâce à Ghjambattista Simoni,<br />

dit Picconu, qui a écrit un lamentu pour<br />

son ami Ghjuvan’Cameddu. Voici son<br />

histoire.<br />

Nous sommes dans les années<br />

1880. Napulionu Nicolai, frère de<br />

Ghjuvan’Cameddu, tombe amoureux<br />

de Catalina Lanfranchi, issue d’une<br />

riche famille de Levie. Le père de celleci,<br />

Lisandronu, s’opposant à cette union,<br />

pousse les jeunes amoureux à fà i scappaticci,<br />

à fuir, pour imposer l’évidence.<br />

Dans la plupart des cas, le mariage était<br />

accepté à leur retour, ne serait-ce que<br />

pour laver l’affront du départ. Pour<br />

Napulionu, le scénario fut tout autre.<br />

Revenus de Bastia où ils avaient fui, les<br />

jeunes amants sont victimes de la colère<br />

de Lisandronu. Il séquestre sa fille et<br />

tue Napulionu. Comme si cela ne suffisait<br />

pas, il brûle son corps dans un bois,<br />

à l’endroit même où il l’a abattu. Il faut<br />

dire que Lisandronu est sûr de ne pas<br />

être inquiété, ses relations lui évitent<br />

d’être condamné lors d’une parodie<br />

de procès. Il est acquitté. Le jeune frère<br />

de Napulionu, Ghjuvan’Cameddu, n’a<br />

que vingt ans à l’époque. Furieux de cet<br />

épilogue judiciaire, il abat Lisandronu<br />

Lanfranchi pour venger son frère.<br />

Et scelle son destin. Devenu banditu,<br />

littéralement mis au ban d’une société<br />

qui le condamne, Ghjuvan’Cameddu<br />

n’en perd pas pour autant la sympathie<br />

des habitants de l’Alta Rocca où il<br />

conserve de nombreux soutiens. Aidé<br />

dans le maquis qui l’abrite désormais<br />

– notamment, pour la petite histoire,<br />

par une Américaine qui est tombée<br />

amoureuse du beau jeune homme –, il<br />

passe de longs mois loin des siens. C’est<br />

finalement au cours d’un mariage, où il<br />

s’était rendu déguisé en femme afin de<br />

passer inaperçu, qu’il sera trahi. Épié<br />

par des Corses achetés par la justice<br />

française, il est abattu par les voltigeurs<br />

au cours de la fête, en 1888. C’est la<br />

même année que son ami Ghjambattista<br />

Simoni de Figari écrit son lamentu où<br />

il raconte son histoire tragique. Dans<br />

un mélange de corse sudiste et de<br />

toscan, langue de l’écrit à l’époque, le<br />

texte suttanacciu est devenu un grand<br />

classique de la musique traditionnelle,<br />

repris et immortalisé par Micheli Paoli<br />

sur le premier album de Canta u Populu<br />

corsu, Eri, oghje, dumane, en 1975. Sur<br />

cet opus, il porte le nom de Vociaru di<br />

Ghjuvan’Cameddu, bien que les vociarii<br />

(ou voceri) ne soient réservés qu’au<br />

chant improvisé sur le lit de mort.<br />

L’histoire tragique, où la réalité dépasse<br />

largement la fiction, a forgé ce succès,<br />

tout comme la figure appréciée de<br />

Ghjuvan’Cameddu Nicolai, victime et<br />

assassin à son tour.


• •<br />

I Mulatteri d’Ulmetu<br />

Traditionnel<br />

Si senti chjuccà la frusta<br />

È batta li sunaglieri<br />

Rientrinu da furesta<br />

Muli rossi bianchi è neri<br />

Sò Sicondi è Ghjuvanbattista<br />

D’Ulmetu li mulatteri<br />

La prima fala Falchetta<br />

Soca la mula di guida<br />

Appressu veni Culombu<br />

Siguitatu da Pulina,<br />

Rusetta, Corsa cun Bimba,<br />

È pò Zeffiru incù Ninna<br />

Falchetta si poni in piazza<br />

Tempu arrivata in furesta<br />

Insumata à l’istanti<br />

Èppo ripidda la testa,<br />

Aspittendu li cumpagni<br />

Sì qualchid’unu s’arresta<br />

È li bravi mulatteri<br />

Ni ripartinu à l’affretta<br />

Sena mancu troppu tempu<br />

D’accenda la sigaretta<br />

Parchì ci hè lu scarrichinu<br />

In marina chì l’aspetta<br />

Ghjuvanbattista per istrada<br />

Surveglia sempri li muli<br />

Sè li so somi sò pari<br />

S’eddi sò strinti li funi<br />

Sicondi da lu so cantu<br />

Ni faci anch’eddu altru è tantu<br />

À vedaci o cari amichi<br />

Cantanu li mulatteri<br />

Chì malgratu la fatica<br />

Partimu mal vulintieri<br />

Parchì seti brava ghjenti<br />

Corsi fidi è po sinceri<br />

Passaremu par Maratu<br />

È la bocca di Cilaccia<br />

Ma rientrendu in Ulmetu<br />

Emu da fistà l’arrivata !<br />

Muli com’è mulatteri<br />

L’emu troppu disbitata !<br />

•<br />

Talavesu pà sempri<br />

Le Riacquistu a réhabilité la polyphonie,<br />

les polyphonies. La monodie pratiquée<br />

dans le Sud n’a pourtant pas été oubliée,<br />

notamment dans les premiers albums de<br />

Canta u Populu corsu. Un chant, plus que<br />

tout autre, symbolise parfaitement cet<br />

art, intimement lié à la région du Taravu :<br />

I Mulatteri d’Ulmetu. Avant qu’il ne soit<br />

brillamment inter prété par Micheli Paoli<br />

sur l’album Canti di a terra è di l’omi en<br />

1977, le texte était connu depuis la fin du<br />

xix e siècle pour raconter le quotidien des<br />

23


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

muletiers. Plus qu’un chant, une œuvre<br />

anthropologique qui dit tant de choses de<br />

la vie des anciens.<br />

Le texte est l’œuvre de Paulu<br />

Battistu Peretti, de Campu. Issu d’une<br />

famille de poètes, il est le frère de Petru<br />

Paulu, auteur de Campo, mon village et le<br />

fils de Maria Peretti Nivaggioni, originaire<br />

de Bastelica, célèbre improvisatrice.<br />

À travers des rimes simples mais<br />

dans la structure traditionnelle des<br />

sistini d’uttunarii 1 , I Mulatteri d’Ulmetu,<br />

appelé parfois I Mulatteri di l’Ulmetu,<br />

raconte les temps révolus des muletiers,<br />

d’une vie passée sur les chemins aux<br />

quatre coins de la Corse, de la Balagne à<br />

l’Orezza, de l’Alta Rocca à la Cinarca, du<br />

Boziu au Nebbiu. Un quotidien simple<br />

et dur, permettant de subsister à l’aide<br />

d’un commerce traditionnel incertain.<br />

Pour les habitants de Campu et du<br />

Taravu, ce chant est devenu le leur. Par<br />

son versu unique, proche des versi tradi-<br />

tionnels de certains sirinati et chjam’è<br />

rispondi, il est devenu très populaire et<br />

a traversé les décennies. Jusqu’à ce que<br />

Canta décide de l’enregistrer. À l’image<br />

du travail de sauvegarde et de mémoire<br />

entrepris pour le fonds Quilici, il<br />

s’agissait, par militantisme culturel, de<br />

garder une trace, la plus fidèle possible,<br />

de ce que « chantait le peuple corse »,<br />

dans toutes ses composantes.<br />

I Mulatteri d’Ulmetu se devait<br />

donc de figurer sur le troisième album<br />

de Canta. Et pour l’interpréter, il fallait<br />

la mémoire musicale vivante du Taravu,<br />

l’héritier du versu originel. Micheli Paoli,<br />

dont nous saluons l’œuvre, fut ce témoin<br />

privilégié. Sa voix si caractéristique<br />

demeurera à jamais celle d’un Taravu<br />

que nous ne connaissons plus mais dont<br />

l’empreinte subsiste encore, à travers<br />

le son des clochettes et sur les pas<br />

d’I Mulatteri d’Ulmetu.<br />

1. Sizains d’octosyllabes.


• •<br />

A Palatina<br />

Traditionnel – Canta u Populu corsu<br />

Cinta è bella la carchera<br />

I battaglioni maiori,<br />

Sò falati à corri corri,<br />

Lu cuntrastu scuppierà,<br />

Da l’imbrogliu furesteru,<br />

Oghje o mai s’escerà,<br />

Da l’imbrogliu furesteru,<br />

Oghje o mai s’escerà.<br />

Or fate sventulà sta chjoma,<br />

Chì tantu sott’à la soma,<br />

Per cent’anni ùn ci hà da stà,<br />

Da lu pughjale à la marina<br />

Cantate la palatina,<br />

È lu piombu salterà.<br />

Da li furdani in Bastia<br />

Li trema la curadella<br />

Si sò chjosi in citadella<br />

Ma l’avemu da caccià<br />

Ste vulpacce coddi mozze<br />

Ùn la si ponu francà,<br />

Ste vulpacce coddi mozze<br />

Ùn la si ponu francà.<br />

Or fate sventulà sta chjoma,<br />

Chì tantu sott’à la soma,<br />

Per cent’anni ùn ci hà da stà,<br />

Da lu pughjale à la marina<br />

Cantate la palatina,<br />

È lu piombu salterà.<br />

Per lu Capu naziunale<br />

Appruntate li truffei<br />

I furdani à sei à sei,<br />

Anderanu à tumbulà<br />

È dumane à lu cunventu<br />

U vulemu incurunà,<br />

È dumane à lu cunventu<br />

U vulemu incurunà.<br />

Or fate sventulà sta chjoma,<br />

Chì tantu sott’à la soma,<br />

Per cent’anni ùn ci hà da stà,<br />

Da lu pughjale à la marina<br />

Cantate la palatina,<br />

È lu piombu salterà.<br />

Avanti la nostra ghjente<br />

Spunta è l’alba s’avvicina,<br />

À la Corsica Regina,<br />

Gloria per l’eternità,<br />

À la Corsica Regina,<br />

Gloria per l’eternità.<br />

Or fate sventulà sta chjoma,<br />

Chì tantu sott’à la soma,<br />

Per cent’anni ùn ci hà da stà,<br />

Da lu pughjale à la marina<br />

Cantate la palatina,<br />

È lu piombu salterà.<br />

Da lu pughjale à la marina<br />

Cantate la palatina,<br />

È lu piombu salterà.<br />

25


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

•<br />

À u Babbu<br />

Son nom n’a eu de cesse de revenir dans<br />

de nombreuses chansons du Riacquistu.<br />

Comment pourrait-il en être autrement<br />

pour celui qui représente la figure<br />

tutélaire de l’île et de tout un mouvement<br />

politique et culturel, le renouveau<br />

de cette « nation conquise qui va<br />

renaître » ? Pasquale Paoli figure dans<br />

de nombreuses chansons mais très peu<br />

lui sont entièrement dédiées. L’air de la<br />

plus célèbre est repris en boucle dans<br />

tous les rassemblements nationalistes<br />

qui se respectent. A Palatina est chantée<br />

pour ce qu’elle est : un hommage au<br />

Babbu di a patria et une exhortation à<br />

la résistance. Le registre parfait pour<br />

Canta u Populu corsu qui a popularisé<br />

le titre en 1976 et dont l’origine demeure,<br />

encore aujourd’hui, inconnue.<br />

Ses accords majeurs lui donnent<br />

un air joyeux sur une rythmique<br />

martiale. Ce sont les bataillons des<br />

Naziunali de Paoli qui entonnent le<br />

chant en allant au combat pour défendre<br />

la jeune nation corse qui lutte, contre le<br />

Génois et le Français, pour subsister.<br />

C’est en tout cas le ton romantique<br />

et exalté que l’auteur anonyme d’A<br />

Palatina a souhaité donner. Une envolée<br />

patriotique que l’on retrouve dans<br />

d’autres hymnes, comme La Marseillaise,<br />

lorsqu’en 1792 l’armée du Rhin allait<br />

affronter les soldats autrichiens pour<br />

défendre l’idéal révol utionnaire français,<br />

contre les monarchies européennes.<br />

« Un imbrogliu furesteru » (menace ou<br />

intrigue étrangère) dont doit s’extirper<br />

la Corse, assure A Palatina.<br />

C’est au Capu naziunale, Pasquale<br />

Paoli, que l’on tresse des louanges et<br />

pour lui que l’on prépare les trophées<br />

de la victoire, en assurant que les<br />

ennemis seront chassés hors des terres,<br />

où qu’ils se cachent. Y compris au cœur<br />

d’une citadelle comme celle de Bastia…<br />

Ce n’est pas pour rien que le titre est<br />

également appelé A Pasqualina. On ne<br />

sait quasiment rien sur son origine.<br />

En son temps, Ghjermana de Zerbi<br />

s’était bien penchée sur la question,<br />

sans plus de succès. La célèbre musicologue<br />

pense néanmoins que, contrairement<br />

à ce que le texte pourrait laisser<br />

imaginer, il n’est pas d’époque et ne<br />

daterait donc pas de l’âge d’or paoliste.<br />

Sa véritable source remonterait au xix e<br />

ou au xx e siècle. Popularisé par Canta<br />

sur son album Libertà, en 1976, puis sur<br />

le live du Théâtre de la Ville en 1981, le<br />

titre avait pourtant été enregistré pour<br />

la première fois par les Macchjaghjoli<br />

en 1961. Immortalisant l’un des chants<br />

patriotiques les plus populaires du<br />

répertoire dont on ignore, pourtant,<br />

presque tout.


• •<br />

Lamentu di Petrucciu<br />

Petru Guelfucci<br />

Ch’ell’ùn fussi mai spuntatu<br />

L’albore d’issa matina<br />

A nutizia chì hà purtatu<br />

O la mio trista ruina<br />

U mio figliolu anu tombu<br />

À Petrucciu u mio culombu<br />

U mio Petrucciu era un fiore<br />

Prufumatu di bellezza<br />

Giuvanottu di valore<br />

Senza alcuna gattivezza<br />

U so core era un mulinu<br />

D’amore per u vicinu<br />

Quant’hè crudu lu dulore<br />

Chì m’affanna è mi stringhje lu core<br />

Quant’hè dura la mio sorte<br />

A mio pena hè troppu forte<br />

Brutta sterpa maladetta<br />

Diu ferà a to vindetta.<br />

•<br />

Déchirure<br />

La mort qui frappe au hasard est tou -<br />

jours moins bien acceptée lorsqu’il s’agit<br />

d’un jeune homme. Elle marque les<br />

générations d’une empreinte maudite.<br />

Surtout lorsque les récits de ces drames<br />

sont transmis à travers le temps. Lamenti<br />

et voceri permettent de conserver cette<br />

mémoire douloureuse et témoignent<br />

depuis toujours de ce rapport si particulier<br />

à la mort. Le Lamentu di Petrucciu<br />

en est un parfait exemple. Rendu célèbre<br />

grâce à Petru Guelfucci sur son premier<br />

album Isula, il garde malheureusement<br />

encore bon nombre de secrets sur son<br />

origine. Il est pourtant l’un des plus<br />

bouleversants.<br />

Fin des années soixante-dix.<br />

En plein Riacquistu, on continue de<br />

collecter des chants traditionnels, des<br />

versi, aux quatre coins de la Corse. Petru<br />

Guelfucci, alors pilier de Canta u Populu<br />

corsu, reçoit un texte de son ami Dumè<br />

Leschi. Ce dernier – grand interprète qui<br />

demeure l’inoubliable terza de Voce di<br />

Corsica, primé, aux côtés de Guelfucci,<br />

par une victoire de la musique en 1995 –<br />

a recueilli un lamentu dans la région de<br />

la Serra. « Ma belle-sœur, originaire de<br />

Zalana mais mariée à Moïta, le chantait<br />

souvent. Je l’ai trouvé très beau », confiet-il.<br />

Le texte, d’une charge émotionnelle<br />

très forte, est l’œuvre d’une mère qui<br />

pleure son fils assassiné.<br />

27


à l’alba di u cantu<br />

•<br />

D’où vient ce chant ? Qui ét ait<br />

ce Petrucciu ? « Impossible de le savoir,<br />

son histoire n’est pas connue », souligne<br />

Dumè Leschi. Chose rare dans un<br />

répertoire qui se distingue par une<br />

mémoire exceptionnelle.<br />

Plusieurs scenarii ont été imaginés<br />

à propos de ce lamentu. Le plus connu<br />

étant celui d’un chant issu directement de<br />

la famille Guelfucci. Il a même été raconté<br />

que le Petrucciu en question était un<br />

adolescent qui avait été accidentellement<br />

abattu par un tir de fusil lors d’une fête<br />

à Sermanu. Et que Petru Guelfucci avait<br />

ainsi souhaité chanter la mémoire d’un<br />

de ses aïeux. « C’est faux, il n’a jamais été<br />

question de quelqu’un de ma famille. Le<br />

texte m’a été amené par Dumè Leschi »,<br />

confirme le chanteur.<br />

Dans une poésie simple mais<br />

poignante, une mère chante la valeur<br />

de son garçon perdu. On apprend<br />

qu’il a été assassiné (« u mo figliolu anu<br />

tombu »), sans jamais en savoir plus<br />

sur les circonstances. On imagine qu’il<br />

n’était pas avancé dans l’âge (« ghjuvanottu<br />

di valore »). Et tout en louant<br />

les qualités d’un fils, la mère, comme<br />

bien souvent en cas de mort violente,<br />

appelle à la justice, divine en l’occurrence<br />

(« Diu ferà la to vindetta »).<br />

Il aura fallu attendre que Petru<br />

Guelfucci quitte Canta en enregistrant<br />

son premier album en 1986, Isula, pour<br />

voir le Lamentu di Petrucciu figurer sur<br />

un opus. La version enregistrée est<br />

celle que Dumè Leschi avait imaginée<br />

lorsqu’il a donné le texte à Petru : un<br />

versu « quasi identique à l’original »,<br />

précise-t-il.<br />

Si l’on ne sait toujours pas<br />

qui était ce fameux Petrucciu pleuré<br />

par sa mère et d’où vient exactement<br />

ce lamentu, l’émotion qu’il dégage<br />

demeure intacte pour celui qui l’écoute,<br />

qu’il ait vécu un drame similaire ou<br />

pas. Une référence.

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