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LES CRIS-D’ÉCRIT

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Le triomphe de

l’ouverture d’esprit

Textes et dessins de Ber nard leblanc-Halmos

Viens, on va déclencher les événements !


L E T R I O M P H E D E L ’ O U V E R T U R E D ’ E S P R I T

HOMMAGE

« Quand ça va bien,

Faut en profiter.

Quand ça va mal,

Attendre que ça passe.

Photo : Alain Cadet

On ne s’ra jamais

Si jeune qu’on est

On ne s’ra jamais

Si jeune qu’on est… »

— Paroles et musique

— d’Abel Leblanc.

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L E T R I O M P H E D E L ’ O U V E R T U R E D ’ E S P R I T

ATTISER LA FLAMME DE LA PAIX NON PAS DES SOLDATS INCONNUS

MAIS DES CANDIDATS NOUVEAUX VENUS.

LE TRIOMPHE DE L’OUVERTURE D’ESPRIT

« Viens, on va aller se laisser enclencher par les événements !»

• Les acteurs

Attention : si vous n’avez pas le bonheur d’avoir à proximité de vous des parents, des

enfants, des voisins, des collègues, des animaux de compagnie avec qui vous vous

entendez bien, n’allez pas croire que les deux vieux protagonistes de cette histoire vraie ne

sont pas « un peu-beaucoup-passionnément-à la folie… » comme vous et moi.

Vous pouvez très bien vous imaginer entrer dans une situation identique à celle qui va

vous être contée avec un comparse, une âme-amie, une personne qui joue

momentanément le rôle de « sparring partner » dans votre vie.

Bon, je ne voudrais surtout pas déflorer le sujet…

• Les décors

L’action se déroule une fois encore dans l’un des nombreux villages* de la douce France.

Ce lieu favori m’est cher parce que je l’ai connu quand j’étais petit. Il a bien changé

depuis. Tout y est soigneusement aménagé. Les rues sont propres. Les réseaux d’eau,

d’électricité et d’énergie numérique fonctionnent à la perfection… Mais, car il y a un

mais… où est donc passée la vie ici ?

————————————————

* Le mot village, comme les mots ville, voisin, voisinage… provient de la syllabe souche étymologique

indo-européenne « weik » qui signifie : vivre en bons termes en petite communauté.

Tout un programme pour ceux qui se souhaitent un avenir.

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L E T R I O M P H E D E L ’ O U V E R T U R E D ’ E S P R I T

• L’histoire commence

« Comment tu vas ?

— Je vais bien, mais j’irais encore mieux si les autres aussi allaient mieux. »

— Paroles de voisins piquées au vif ce matin.

Dans notre grande maison familiale entourée d’une vigne bien plus que centenaire, l'heure

de la sieste est sacrée. Rituellement, après le repas, au moment de la roupillette, chacun se

retire dans son coin pour y somnoler un brin. J'étais ce jour-là installé sous la « tollenda »,

ainsi nommée pour la simple raison qu'il s'agit d'une véranda en tôle ondulée. Les deux

chiens tiraient une langue haletante sous la table, tandis que les cigales du jardin crissaient

de manière à nous faire endurer la chaleur. Un petit vent taquin me frôlait les narines et

faisait tourner les pages d’un gros bouquin posé sur mes genoux. L'ordi hermétiquement

fermé, mes pensées tournant en libre cours et les anges se mêlant mélodieusement aux

pales du ventilateur, au ralenti : rien à signaler !

• Soudain…

Par le chambranle de la porte qui donne sur la cuisine, que vois-je… ?

Mon vieux papa, 97 ans bien tassés ! Il déboule sans crier gare. Raccourcir sa sieste, à ce

que je sache, ne lui est encore jamais arrivé.

Pour une surprise, c’est une surprise !

« Tu ne nous ferais pas un bon petit café ? me murmure-t-il afin d’honorer le calme des

lieux… J'ai envie de profiter de cet instant pour faire la causette avec toi. »

J'obtempère d'autant plus facilement que sa proposition me plaît. Je verse le café dans

nos deux tasses, et un heureux silence prend ses aises autour de la toile cirée.

La question qui turlupine mon père concerne les activités de son fiston.

« Dans le fond, dis-moi, qu'est-ce que tu fais au juste ?»

Cette demande pressante me déconcerte. Pourquoi aujourd’hui ? Un ricanement, sous la

forme d'un cri d'alerte lancé par une pie, souligne toute l'importance de cette entrevue au

sommet. Je lui sors en vrac tout ce qu'il sait déjà sur moi.

« Dans un monde du travail de plus en plus formaté et en perte d'humanité, j'anime des équi -

pes dans des petites et grandes entreprises pour que les gens qui y travaillent puissent déployer

leurs talents et retrouver un peu de fantaisie, d’invention et de créativité, du sens quoi !

— Oui, je sais, me coupe-t-il, mais… dans le fond… dis-moi, qu'est-ce que tu fais

vraiment ?»

Je me reverse une tasse de café en y ajoutant un nuage de délai de réflexion.

« Ces derniers temps, j'ai découvert que, depuis xxx années que j’interviens ici et là en

France ou à l’étranger, quoi qu’il arrive, il s’agit toujours de réanimer deux forces de

création : la jeunesse d'esprit et la mirobolance. La jeunesse d’esprit jaillit et rejaillit ! La

mirobolance bondit et rebondit. »

« Ah ! je vois, me lance-t-il dans un grognement de contentement. »

Si mon peintre de père dit qu’il voit, c’est qu’il voit.

Toute sa vie durant, en vrai peintre paysagiste, il a planté son chevalet au milieu de la

nature pour tenter de soulever les énigmes de la lumière. Jour après jour, cette

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contemplation a transformé ses yeux. Au crépuscule de sa vie, même avec ses problèmes

de vision, il sait regarder à travers le voile ce qui pourrait passer inaperçu.

Sur ces entrefaites, les deux vieux gamins, l'un déjà bien avancé en âge (moi) et l'autre

quasiment hors d'âge (lui), conversent et conviennent que, pour que jeunesse se passe, il

n’y a pas à mégoter, il faut que ça « mirobole ». Partout ! Dans les quartiers, les villages,

les familles, les couples… Et surtout que ça trésaille dans les tréfonds de nos âmes.

• Tout à coup…

Finie la propagande !

Trêve de parlotte !

Expérience !

Il s’empare promptement de son bâton et de son inénarrable chapeau, se lève d’un bond

et m'offre le bras tout en marmonnant à haute voix :

« Viens ! On va aller se laisser enclencher par les événements !»

Cette phrase est en fait le clap de début d’un film. Une annonce en guise de code d'accès

pour déclarer qu’on ne va pas revenir sur ce que l’on sait déjà comme deux vieux

revenants. Bien au contraire, on va s’embarquer, larguer les amarres, dégager les ancrages

et virer de bord, à dieu vat !

D’ailleurs, si vous examinez de près cette étrange injonction, vous remarquerez

certainement cinq actes successifs et imparables dans la proposition :

• Viens — verbe aller à l'impératif présent.

• On — pronom personnel indéfini qui embarque chacun et tous.

• Va aller — redoublement du verbe aller pour insister sur ce que signifie

jaillir et rebondir.

• Déclencher — laisser manœuvrer de lui-même le verrouillage de la serrure

pour que le destin puisse jouer sans effraction.

• Événements — ce qui arrive et possède quelqu’importance.

• Aussitôt dit, aussitôt fait !

L’aventure est au coin de la rue, et nous voilà partis en quête d'une destination ignorée.

Le bâton ouvre la marche en battant la mesure des pas.

La girouette du coq au sommet du clocher tente de flairer l'orientation du vent…

Où allons-nous ?

Nul ne le sait.

C’est le jeu.

Sans y penser, au sortir du jardin, nous sommes comme aspirés par la rue Haute. Appelée

ainsi parce qu'elle monte. On la laisse faire. Il n'y a pas le choix. Nos pieds, en alternance,

avancent vers ce qui s’avère à peine pressenti. Dès le départ, la table d'orientation, bien

que disposant d’un grand éventail d’horizons possibles, nous impose de toute évidence

cette seule possibilité : l’ascension. Si nous nous étions dirigés dans le sens opposé, vers le

bas, la place du village, l'épicerie, le café, nul doute qu'il se serait passé tout autre chose,

mais, alea jacta est, nous prenons à gauche derrière l'église, et de ce côté-ci c'est désert.

Rien, ni personne.

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Le village est mort.

La voie est abrupte.

• Mais où sont passés les événements d'antan ?

Ce lent voyage aurait pu se perpétrer en chemin de croix, avec de tristes souvenirs

entourés de crêpe de deuil et des litanies de regrets éternels.

« Ah là là, ce n’est plus comme avant !»

« C'est là qu'habitait ton arrière-grand-mère, Maman Bourgois ».

Pour combler les vides, il nous aurait donc été facile de badigeonner chaque devanture

avec les réminiscences du connu qui nous attend toujours au tournant. Que d’histoires qui

trottent par la tête ! Que de plaintes sans cesse réitérées ! Que de bourrages de crânes de

patati et patata.

« Les bordures de trottoirs ? Elles étaient en granit autrefois. Elles ont été remplacées par

du béton, non ?… Que c’est laid !»

Les regrets des jours anciens ne manquant pas, les ressassements de fond de mémoires

nous interdisent l’accès à la nouveauté. Ne découvrant rien de neuf, on se serait sclérosés

en marchant dans ce qu’on pense. Ce qui, somme toute, ne porte pas toujours vraiment

bonheur.

Le long de notre trajet, les époques révolues se seraient donc stratifiées en couches

régulières de souvenirs. Chaque pas aurait pu confirmer les dommages du temps !

Dommages ! Dommages ! Et nous serions devenus des ombres dans un village fantôme.

— Vieux !

— Vieux !

— Vieux !

— Vieux !

Eh oui, on serait devenus vieux, abandonnés depuis longtemps par les vivants. Les chers

disparus, jusqu'à la énième génération, se seraient accrochés à nos basques.

• Laisser survenir

D’une petite pression du doigt sur mon bras, sans un mot, mon père m’a remis sur la ligne

de départ.

Non au vieil ostensoir, à l'enfumage des vieilles histoires ! On n'est pas là pour revenir en

arrière. Vive l'affinage de la finesse d’esprit !

Plus rien n'est comme avant et c’est « temps mieux ».

Se plaindre, nourrir des regrets, on n’a pas que ça à faire. On va donc s’octroyer un

laissez-passer. S’adonner au devenir. S’ouvrir à l’imprévu.

Implicitement, fragiles et agiles à la fois, nos deux corps avancent au rythme du balancier

de la pendule du mouvement présent. On entre lentement dans la danse. Les sons des

couinements du bâton de Moïse fendent au ralenti les flots des instants. D'un commun

accord, nous nous écartons des vestiges du passé. Le sens des aiguilles d’une montre, qui

nous invite à deviser avec un silence amical, nous place en connivence au bord des

survenances. Pas à pas, nous nous infiltrons subrepticement dans une contemplation qui

accueille l’avenir en déplacement. Charme de chacune des secondes qui est une grande

première. Chant et contre-chant de la lumière. Flux et reflux des marées d’humeurs. Les

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temps passés restant en suspens, les temps présents sont stupéfiants et les temps futurs

ne seront plus privés de ressources.

Surviennent alors, si fines et si délicates, des éclaircies dans les forêts inexplorées des

impressions fugaces. Nos deux âmes en tandem se répercutent à la dérobée sur les

moindres frémissements des pierres et des façades. Nous entrons dans la chorégraphie des

maisons dansant sous nos enjambées. La rue Haute se glisse dans le regard du peintre

pour lui lancer le défi d’une ébauche de toile. Vous ne faites plus l'ascension pour

atteindre un but ou pour planter le drapeau de la victoire en haut d’une performance.

Non ! Vous éprouvez un intérêt renouvelé et un plaisir croissant à l'affût de la moindre

éclaboussure du temps. Vous soulevez le voile. Je dis « vous » car nous ne sommes pas

seuls. Qui que vous soyez, vous êtes là, à nos côtés, déjà en train de lire entre les lignes de

ce qui se passe ici. Même si rien n’est encore écrit.

Vous assistez en marche au fracas des crépis des devantures, un peu mauves, un peu ocre,

un peu terre de sienne. Autant de mystères qui réjouissent la palette de toute âme-quivive.

La visite intime du musée des hasards se fait ensemble. Les feuilles vif-argent d'un

noisetier qui se trémoussent aux quatre vents en témoignent. Nous sommes des êtres

accompagnés. Chacun est autorisé à vibrer en faveur d'une beauté peu commune qui

nous est pourtant si familière.

C’est en nous tous que se fait l’ascension.

Au-dedans.

Au plus profond.

Plus profond encore.

• Entrer dans la devinette de la création

Regarder !

Écouter voir !

Goûter l'instant et se laisser toucher par tous les pores de la peau.

Se retrouver dans l’esprit originel, dans le ruissellement de la lumière.

Accepter qu'un chat de gouttière quelque peu éméché se mette à miauler en patois de

chat une romance sans queue ni tête. Pourquoi ? Il n'y a rien à comprendre…

Rien à fixer.

Aucun papillon à épingler.

Juste recueillir un salut effarouché entre saltimbanques de divers univers.

Sommes-nous nombreux à être aux aguets ? Qui ne roupille pas ici ? Il y a quelqu’un ?

D'un point de vue numérique, il ne se passe strictement rien.

Rien de chiffrable ou d’indéchiffrable.

Le quartier reste emprisonné dans son cercueil de verre. Les habitants sont vitrifiés derrière

leurs écrans. Incarcérés vivants sous électronique et algorithmes.

Cependant, nos regards de derniers des Mohicans, ni automatisés ni mécanisés, sont

soutenus en douce par l’assemblée de celles et ceux qui, depuis des temps et des temps,

résistent encore et toujours à la banalité.

Au petit bonheur la chance, nous rejoignons tous les âges en « jumel’âge » dans un

retour initial aux origines :

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• Les enfances de l'âge

L'âge tendre pour lequel Victor Hugo déclare :

« L'enfant, c'est du feu pur dont la chaleur caresse. C'est de la gaîté sainte et du bonheur

sacré. »

• Les adolescences

Dont Guy de Maupassant avoue :

« J'atteignis 16 ans. Une timidité excessive m'était venue de cette aptitude à souffrir à

tort. »

• Les âges adultes

Quant à Anaïs Nin :

« Vient un temps ou rester à l'étroit dans un bourgeon est plus douloureux que d'éclore. »

• Les âges du si bel âge

Que Voltaire honore par ces mots :

« La consolation de la vieillesse est de rendre la jeunesse heureuse. »

• Le jour d’aujourd’hui, c’est là le petit pays natif

Notre lieu de trouvailles et de retrouvailles.

« Veux-tu que l'on s'arrête un peu ? Ne voudrais-tu pas que l’on s'en retourne à la maison ?

— Non, non… on continue. On continue !»

Ce que je n’ai pas compris sur le moment, c’est qu’il n’était pas bon de briser un chant en

réponses alternées.

Nous étions comme les côtés pile et face d'un même brillant lancé en l'air parmi des

milliards et des milliards d’étoiles parsemées.

Nous ne pouvions pas scintiller sans le secours d’une infinie complicité.

La chance de notre avancée était portée vers le haut, au beau milieu de milliards et de

milliards d’autres tentatives qui traversaient les âges.

Les poètes, les explorateurs et les inventeurs de trésors d'hier, d'aujourd'hui et de demain,

qui sais-je encore, étaient en appui.

En apparence deux âmes-amies, clopin-clopant, en réalité deux aimants d’une série

d’innombrables moteurs magnétiques, aucunement localisés ni limités par les

circonstances.

L’incantation est lancée de toute part.

Quelque chose va arriver.

• Bras dessus, bras dessous

Dans les élans des générations senior-junior, masculin-féminin, souvenances-survenances,

gens de la haute et gens d'en bas… tout éclate petit à petit et pas à pas. Ne sommesnous

pas de plus en plus nombreux à éprouver le besoin de créer des événements

ensemble plutôt que de consommer seuls dans notre coin ?

Ne sommes-nous pas en train de nous remettre à la pratique du pas de deux plutôt que

de souffrir de manque de mirobolance ?

Priorité à ce qui survient.

Pleine conscience qui s’associe.

Existences et fertilisations croisées.

Recyclages et réhabilitations planétaires.

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Joie de sortir de soi-même par intérêt partagé.

Inspir-expir, attraction-répulsion, pied relevé-pied abaissé. Tomber et rebondir. Même le

passé peut changer. Sans avoir vraiment l’air d’y toucher, en se lançant et se relançant les

balles, l’art de « miroboler » ensemble nous invite à nous accorder d’autres éventualités.

En poursuivant volontiers l’escalade de la rue Haute, le souffle créateur, bienfaiteur,

mystérieux, aussi aérien qu’un léger courant d’art, nous maintient à flot.

Je demande à papa s’il tient le coup et je lui pose donc la fatidique question que chacun

se pose très souvent :

« Comment ça va ?

— À ravir, répond-il. »

• Qui a commencé ?

Bien sûr, on ne peut revenir sur les lieux de son village d’enfance sans que les cœurs

saignent. Surtout si le voisinage a été détérioré et que l’ambiance n’y est plus. Toutefois,

les pleurs, les larmes qu’elles soient de chagrin ou de joie humidifient les souvenirs. La

moindre gratitude à l'égard du passé permet au passé de changer de tournure. En même

temps le bonheur d’accueillir ce qui s’en vient et qui demeure encore inconnu autorise

l’avenir à montrer patte blanche. On peut trouver de la beauté dans des nouvelles

bordures de trottoir.

• Soudain !

On entend un grand bruit.

Cric ! Crac ! Une porte se déverrouille.

Le cri d'une dame qui fracasse le silence, laquelle, tel un diable hors de sa boîte, surgit de

chez elle.

Est-ce qu'en remontant la pendule, nous avons précipité cette improbable survenue ?

Est-ce que cette dame en éruption, qui chante, proteste, gronde, manifeste, gémit… a

quelque chose à voir avec notre venue ?

Est-ce que toute cette expédition a été montée par une connivence tous azimuts et hors

du temps ?

Hors du concevable ?

Grand ouvert à l’ouvert ?

• Arrêt sur image

Est-ce que c’est ce son cri-i-i-i-créateur qui, dès le début, nous a donné rendez-vous ici ?

En tout cas, cette dame éruptive demeure d’abord comme abasourdie devant nous qui ne

le sommes pas moins.

Elle reste figée un instant et dévisage mon père comme si elle avait aperçu une apparition,

puis elle bégaye enfin :

« Monsieur Leblanc !!! Monsieur Leblanc !!! Monsieur Leblanc !!! Quelle surprise ! Mais

quelle bonne surprise !…

Et d'ajouter :

« Je croyais que vous étiez mort !»

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• En aparté

Papa se retourne discrètement vers moi et, à voix basse, me concède :

« Ça y est ! Les événements s’enclenchent ! ... Je ne me souviens même pas qui est cette

dame. Je suis malgré tout heureux de la voir. Heureux de son bonheur. »

• Alléluia

« Qu'est-ce que cela fait du bien de vous voir et surtout de savoir que vous êtes toujours

vivant. C'est la meilleure nouvelle depuis bien longtemps !»

• Brusquement

« Mais, au fait, vous ne savez peut-être pas que mon mari est mort début juin.

— Ah non, je ne le savais pas. Je n'étais pas au courant, personne ne me l'a dit. »

• En privé

« Je ne me souviens pas qui est cette dame. Je suis malgré tout heureux de la voir.

Heureux de son bonheur. »

L’ardoise magique qui se trouve dans la tête de mon père n’a pas que des désavantages. Il perd

la mémoire. Il ne souvient plus des noms et des détails. Toutefois, il n’en fait pas une maladie.

• À brûle-pourpoint

La dame : « Qu'est-ce que cela fait du bien de vous revoir, Monsieur Leblanc. Figurez-vous

qu'après le départ de mon défunt mari, je suis tombé en dépression. Cela fait bientôt trois

mois que je ne suis pas sortie de chez moi. Et là, je vous ai vu par la fenêtre. J'ai

immédiatement quitté ma télé et je me suis dit : c'est Monsieur Leblanc !… Vous vous

souvenez des fêtes qu'on a vécues autrefois ?… Par où on est passés ? Il n'y avait pas que

des moments tristes dans nos vies. À l’époque, on savait vivre. »

• Illico presto

Et là, tout de go, la dame entame à notre plus grande surprise un époustouflant

sautillement au milieu de la rue Haute.

Qui l’aurait cru capable d'une telle espièglerie ?

Tandis que mon père s'apprête à insister sur le fait qu'on a été déclenchés par… je l'arrête

sur sa lancée et lui demande de se retourner doucement pour regarder derrière lui.

• Tout en haut de la rue Haute

Il y a un coude en épingle à cheveux et, dans ce coude, comme un fait exprès, surgissent

à ce moment précis des jeunes coureurs cyclistes en peloton… Vroummm ! Vroummm !

Vroummm ! Ils font barioler leurs maillots à toute vitesse sur leurs vélos. Splendides.

Élégants. Silencieux…

Papa ahuri : « Alors là, oui ! Les événements nous ont convoqués ici !»

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• Revirement

Sur ce, avec un large sourire, la dame jette une déclaration à qui veut bien l'entendre :

« Ça y est !… Je sais ce que je vais faire !

— Et qu'est-ce que vous allez faire ? demande papa, curieux.

— Je vais diminuer ma dose de médocs, avec l'autorisation de mon médecin bien sûr, et à

la place je vais prendre tous les jours… une bonne cuillère de rue !»

• Acquiescement

« Et c'est quoi une cuillère de rue ?

— C'est ce que je viens de faire. Sortir de chez moi. Aller dans les parages voir le

voisinage. Rencontrer des gens. Les rendre contents. »

• Assurément

« Vous allez laisser se produire les événements ?

Elle répond :

« Oui !!! ».

Un « Oui » grave de basse contralto, semblable à une déclaration de mariage, en

provenance du fin fond de la conscience humaine. Une alliance pour une nouvelle

existence avec tout ce qui se passe ici comme partout ailleurs sous le régime de la

communauté. Un « oui » comme un feulement de chat qui reprendrait sa liberté afin

d’aller à la rencontre des autres passants.

• Répercussions

Cette trouvaille de « la cuillère de rue » ne serait-elle pas comme un saut à travers le mur

de l’espace-temps ?

Peut-être qu’en d’autres contrées… dans une quelconque salle de réunion d'entreprise

vouée à la morosité et à la sinistrose, au même moment, un déclic s’est produit entre les

participants en raison de ce qui est advenu ici même ?

Peut-être qu’également la mirobolance est devenue virale dans la biosphère sur Terre ?

Peut-être même qu’aux Pays-Bas, ce pays très avancé économiquement parlant et qui,

selon les dernières statistiques, ne compterait pas moins d’un million de personnes seules

sur dix-sept millions d’habitants, soit un million de reclus en complète solitude, peut-être

donc que dans ce pays, au Ministère de l’Ennui instauré afin de lutter contre ce terrible

fléau, un chef de cabinet a trouvé un subtil slogan qui, en hollandais, s’énonce comme

suit : « We moeten gebeurtenissen activeren die mensen bij elkaar brengen* ».

• Mirobolance sans frontières

Sous les voûtes crâniennes, les coups de foudre, bien malgré nous, se répercutent, n’est-ce pas?

Bien au-delà des barrières et des frontières, à toutes les croisées des destins humains, à

travers les balancements d'une marche en duo, en peloton, en circonstances groupées…

jusqu’à toucher tous les voisins des contrées planétaires, en passant par les moindres

* Traduction : « Il faudrait déclencher des événements qui rapprochent les gens. »

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frissons des sensations, les signaux les plus faibles, les plus petits frémissements de

reconnaissance, les jubilations jaillissantes des instants naissants… Tant de petits et grands

prodiges qui surgissent aux détours des chemins.

En doutez-vous ?

• Retour au bercail

« Il est inéluctable qu’après une belle escalade nous soyons obligés de redescendre »,

conclut mon père, compagnon d’expédition, fantassin d’une armée des ombres et des

lumières, détenteur de l’insigne honneur du savoir gré et déclencheur des petits triomphes

du haut de la rue. Puis d’ajouter, philosophe :

« Allons-y ! Qu'est-ce qui est vraiment inéluctable ? Va donc savoir !»

• Confirmation de l’expérimentation

Le plus remarquable dans cette épreuve du : « Viens ! On va aller se laisser enclncher par

les événements », vous me croirez ou non, c’est que l’expérience s’est reproduite chaque

jour suivant.

Certes différemment,

mais à tous les coups,

dans d’autres bifurcations,

d’autres embranchements,

d’autres dilemmes et alternatives,

et toujours en balancement cœur vaillant,

un silence en marche avec une intention d’ouverture,

en laissant les événements se créer à leur manière bien singulière.

Comme quoi la mirobolance est une incitation renouvelable chemin faisant.

Lorsque le souvenir cède la place au survenir, c’est simple, les rebondissements heureux,

inopinément, peuvent être remis en jeu et les graines de vie reprennent l’initiative pour

donner des fruits.

Essayez de vous laisser toucher par l’impalpable et de vous déclencher mirobolamment,

et vous m'en direz des nouvelles !

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Mise en textes et en images : Bernard Leblanc-Halmos

Mise en édition : Daniel Gliniewicz

Mise en finition : Mariann Halmos-Leblanc

© Bernard Leblanc-Halmos – 2021

Toute reproduction, même partielle, des textes et des dessins à des fins autres que personnelles

ne peut se faire sans l’autorisation écrite de l’auteur.

Merci à Toth

Bernard Leblanc-Halmos

Maison Neuve - 24290 Valojoulx – Tél : 05 53 50 79 73

bernard.leblanc-halmos@wanadoo.fr

http://ecole-du-genie-mutuel.com

blog : http://lacuredebonnehumeur.wordpress.com

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