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Magazin n°3 - Anatomie de l'IA

Magazine réalisé par les étudiants en deuxième année de Master journalisme, spécialité presse écrite.

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MAGAZIN

entretien

« L’humain doit prendre

conscience des valeurs

qu’il veut transmettre »

L’irruption de l’intelligence artificielle dans notre vie pose des

questions éthiques, économiques et spirituelles.

La philosophe Marie-des-Neiges Ruffo de Calabre et le chargé

de mission digitale Hervé Cuillandre assurent que

cette technologie est un outil dont on aurait tort de se passer.

RECUEILLI PAR ALEXANDRE CAMINO ET CLAIRE FERRAGU

Les œuvres de fiction ont façonné

le mythe d’une IA toute puissante

qui menace l’humanité. Qu’en

pensez-vous ?

Hervé Cuillandre. L’IA est partout,

jusqu’au creux de notre main avec

nos téléphones. Il s’agit d’un outil

inéluctable, d’un progrès

technologique dont on ne peut se

passer et dont il faut savoir se

servir. Rien ne sert d’être

catastrophiste. Des activités

disparaîtront mais pas autant que

ce qui était annoncé. Je ne suis pas

d’un optimisme béat, mais l’outil

est intéressant. Il va sûrement nous

amener à créer la société de demain.

Marie-des-Neiges Ruffo de Calabre.

Si on pense que l’intelligence

artificielle va remplacer l’humain ou

qu’elle est une solution absolue à

tous les problèmes, alors elle n’est

nulle part. Il n’y a pas une mais des

IA. Celle qui me permet de choisir

mon chemin n’est pas la même que

celle qui me permet de tenir une

conversation. Il y a des techniques

différentes, toujours maîtrisées par

les humains dont elles dépendent.

Notre compréhension de

l’environnement permet de créer de

la donnée qui alimente cette

technologie. Il faut ensuite

questionner l’algorithme utilisé.

Intelligences artificielle et humaine

s’opposent-elles ?

H. C. Dans l’inconscient collectif,

l’IA finira par occuper des emplois

à notre place. On dit souvent que la

machine va nous remplacer, mais ce

n’est pas le cas. L’humain a une

capacité créative étonnante alors

que la machine se distingue par sa

capacité de calcul et sa rapidité. Ce

n’est pas sur le même champ. Il faut

justement réfléchir aux métiers du

futur. Car, dans le fond, notre

avenir ne sera pas fait d’exactitudes.

Nous sommes les seuls maîtres à

bord. Des humains dans un monde

d’humains. Tout l’enjeu est de faire

de l’IA quelque chose d’utile.

M. R. De facto, elle est un

concentré d’intelligence humaine,

nourrie de données étiquetées par

l’humain. Les erreurs de la machine

peuvent être dues à du piratage par

exemple, elles ne sont pas les

mêmes que celles des humains. On

aura toujours besoin d’humains

pour collaborer avec les machines.

Il n’y aurait donc aucune

concurrence entre les deux ?

M. R. Au contraire, surtout d’un

point de vue économique. Mais, les

systèmes d’IA nécessitent de

l’entretien. On se trompe en

imaginant qu’ils coûtent moins

cher. Le mythe est peut-être là…

H. C. Nous sommes essentiels pour

maintenir toute l’infrastructure qui

la fait fonctionner. Mais n’oublions

pas que l’IA de Google, par

exemple, se nourrit aussi de

questions stupides. Celles-ci

alimentent le fonctionnement de

son moteur de recherche.

M. R. Je suis d’accord. Par

exemple, il y a eu par le passé, une

campagne féministe pour lutter

contre les recherches et les

suggestions sexistes de Google.

En 2016, une IA à peine lancée

par Microsoft avait publié des

messages racistes sur les réseaux

sociaux. Comment doter l’IA de

valeurs morales ?

M. R. Avec des solutions

techniques, par la correction des

biais cognitifs et la promotion d’une

diversité dans les profils de

programmeurs. Il y avait à l’origine

des femmes dans la programmation.

C’était le cas d’Ada Lovelace qui fut

même le tout premier

programmeur. Maintenant, elles

sont beaucoup moins nombreuses.

Par définition, un robot ne

s’intéresse pas à l’éthique. Il fera

tout aussi bien griller du pain que

sélectionner des cibles sur un champ

de bataille. C’est à l’humain de

prendre conscience des valeurs qu’il

souhaite transmettre et de les

traduire ensuite informatiquement.

H. C. Le fait que les équipes,

essentiellement blanches et

masculines, programment nos

algorithmes et définissent une vision

globale du monde induit une

représentation biaisée dans l’IA.

Comment remédier à ces biais ?

H. C. L’industriel peut les corriger

par la formation des programmeurs.

Mais, pour cela, il faut qu’il y voie

un intérêt économique.

M. R. Il existe des solutions

techniques pour fixer des limites.

C’est ce que l’on appelle « l’éthique

by design » : anticiper les usages

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