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Magazin n°3 - Anatomie de l'IA

Magazine réalisé par les étudiants en deuxième année de Master journalisme, spécialité presse écrite.

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6

MAGAZIN

entretien

Que pensez-vous des différents

mouvements spirituels et religieux

autour de l’IA ?

H. C. Ce n’est pas inquiétant.

Quand on ne comprend pas un

phénomène, on lui attribue des

capacités infinies. Dans ces

conditions, on n’est pas loin de

considérer l’IA comme un dieu.

Cela peut même être rassurant

d’adorer aveuglément la machine.

Mais cela provient avant tout d’une

incompréhension totale.

M. R. L’intelligence artificielle toute

puissante est un mythe. Ces

mouvements ont finalement une

position millénariste assez

classique : « Il va y avoir une fin du

monde, une apocalypse. »

L’IA s’immisce jusque dans notre

sexualité. Enfin, chez ceux qui ont

recours aux robots sexuels…

H. C. Je vais passer mon tour…

M. R. Paradoxalement, ces

machines sont des solutions

coûteuses pour des gens qui sont

dans une misère sexuelle. Une

misère sexuelle pour les riches. On

comprend que ceux dont les besoins

légitimes ne sont pas satisfaits

cherchent des solutions. Mais des

entreprises s’enrichissent en leur

faisant croire que cela équivaut à

une relation humaine consentie.

H. C. Il ne faut pas oublier les

algorithmes qui sont à l’œuvre sur

les sites de rencontre. On choisit

nos partenaires grâce à eux. Or, ce

qui est fondamental dans la relation

amoureuse, c’est l’amour de la

différence, de l’imperfection. Ces

défauts sont ce qui fait la beauté de

l’être humain. Le calcul

informatique s’oppose à l’amour.

Hervé Cuillandre

M. R. L’IA intervient peut-être à

l’encontre de mécanismes

biologiques de protection de

l’espèce : aller non pas vers ce qui

nous ressemble mais vers le plus

favorable à l’ADN de l’homme.

Seule certitude, avec l’IA, on

introduit du consumérisme dans la

relation amoureuse.

Les détracteurs de l’intelligence

artificielle la décrivent comme

liberticide. Quels sont les risques ?

H. C. Des dérives sont en route

dans des pays peu démocratiques.

Par exemple, il existe un système de

citoyenneté à points en Chine,

contrôlé par une IA. Quand on

constate de telles pratiques, le

risque de surveillance massive est

bel et bien réel.

M. R. L’informatique est efficace

pour le contrôle. S’il n’y a pas une

marge de manœuvre pour

l’individu, c’est étouffant.

« La capacité de

surveillance de

l’État est devenue

gigantesque »

H. C. Le citoyen a le droit à la

protection de ses données

personnelles. Cela est régi par le

droit européen. Mais il est parfois

difficile de faire valoir le droit

français quand les serveurs sont

situés à l’étranger. Heureusement,

ce n’est pas l’orientation politique

actuelle de la France que de

procéder comme en Chine.

M. R. La capacité de surveillance de

l’État est devenue gigantesque,

comme l’annonçait Michel

Foucault. Cela peut être très

angoissant. La France vient

d’obtenir l’autorisation d’utiliser

des drones à reconnaissance faciale.

Cela pose des questions en termes

de liberté politique, lors des grèves

ou des manifestations par exemple.

La démocratie est une essence et pas

une évidence

Si l’intelligence artificielle ne sonne

pas le glas de l’humanité, peut-elle

en être le salut ?

H. C. En tout cas, on aurait tort de

s’en passer. On en voit l’intérêt

dans la médecine, dans la recherche,

dans les prédictions météo… Les

laboratoires scientifiques par

exemple ne s’en priveront plus.

Nous sommes incapables d’égaler la

finesse d’analyse, la capacité de

calcul et l’efficacité d’une machine.

M. R. Le salut est une question

théologique. Nous nous éloignons

des applications physico-terrestres

de l’intelligence artificielle. Est-ce

que l’IA peut faire du bien ? Je

pense que oui.

H. C. C’est un outil. Bien ou mal,

tout dépend de ce que l’utilisateur

décide d’en faire.

Quels seront les prochains champs

d’application de l’IA ?

H. C. Elle est déjà indispensable

dans le commerce. Elle le sera aussi

pour le développement des

télécommunications et tout ce qui a

trait aux relations entre les

individus. Les possibilités

d’utilisation sont multiples. Des

articles de presse sont déjà rédigés

par des machines. Cela vous

menace directement, vous les

journalistes ! (Rires) Néanmoins,

dans des domaines comme l’art, la

machine n’a pas sa place. Des essais

ont été faits, mais on ne ressent pas

l’émotion de l’artiste.

M. R. Je ne vais pas jouer à Mme

Irma. Je ne sais pas dans quel

champ d’application il y aura le

plus d’intelligence artificielle à

l’avenir. Il y en aura beaucoup,

partout. J’espère simplement qu’on

pourra toujours garder le contact

avec un humain. Conserver la

relation client physique est déjà,

justement, un vrai combat.

H. C. Si tout devient automatisé, le

gagnant sera celui qui gardera cette

richesse propre à l’humain. Pour

remporter la partie, il faudra

répondre à des sollicitations en

dehors des cases prévues. •

Marie-des-Neiges Ruffo de Calabre

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