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Haiti Liberte 6 Decembre 2023

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Perspectives

Les marchandes de produits alimentaires d’Haïti font

face à des pressions croissantes

Cedeniese Lexima, une marchande de produits agricoles connue sous le nom de Madan Sara, recherche des produits

de qualité au marché de Maniche

Maudeline Rozin embouteille de l’huile végétale pour la revendre au

marché de Maniche. Elle a quitté son métier de Madan Sara, ce qu’elle

avait fait depuis son plus jeune âge, après que son travail ne devienne

plus rentable à cause des barricades routières

Par Rose Hurguelle Point du jour*

Les Madan Sara fournissent un service

vital en transportant les produits

des planteurs pour les revendre dans

les communautés urbaines. Mais les

catastrophes naturelles et l’insécurité

croissante menacent leur mode

de vie.

Maniche, Haïti — Depuis plus de

20 ans, Cedeniese Lexima, une

mère célibataire, pourvoit à ses besoins

et à ceux de ses quatre enfants en

achetant des produits aux agriculteurs

locaux pour les revendre dans la ville

des Cayes, dans le sud-ouest. Elle fait

partie des centaines de femmes haïtiennes

connues sous le nom de Madan

Sara, qui constituent un maillon essentiel

de la chaîne d’approvisionnement

alimentaire du pays.

Les Madan Sara du nom d’un

oiseau migrateur adepte de la recherche

de nourriture, travaillent ensemble

et comptent sur les transports en

commun pour transporter les produits

locaux entre les communautés.

« Je ne suis pas membre d’aucune

organisation de Madan Sara,

» explique Lexima. « On est des oubliées,

mais on fait de notre mieux

pour nous aider les unes les autres.

On ne se déplace jamais seules mais

en groupe. » Lexima dit que la mairie

ne leur accorde pas le même soutien,

comme l’assurance maladie, qu’on accorde

aux autres travailleurs.

Passant chaque semaine plusieurs

jours loin de sa maison à Maniche

pour se rendre dans les marchés,

les hôtels et les restaurants pour vendre

des produits frais, Lexima fournit

un service vital aux planteurs en recueillant

et en vendant leurs produits

et en permettant ainsi aux communautés

urbaines d’accéder aux denrées

cultivées localement. Mais ce mode

de vie est menacé tandis que le pays

fait face aux catastrophes naturelles,

à une pénurie de carburant et aux

barricades routières, empêchant à ces

femmes de gagner leur vie.

De plus, la communauté agricole,

sur laquelle comptent les Madan

Sara peinent toujours à rétablir la production

après un tremblement de terre

de magnitude 7,2 dans la matinée du

14 août 2021.

« Tout le monde autour de

moi courrait et hurlait, ‘Jezi sovem’

[sauve-nous Jesus’], » raconte cette

veuve de 50 ans. « Au loin c’était devenu

blanc à cause de la poussière, et

Maniche était à terre. »

La petite commune montagneuse

de Maniche a été l’une des plus durement

touchées par le tremblement de

terre, qui a détruit presque toutes les

maisons et a eu un impact dévastateur

sur le secteur agricole. Des tempêtes et

des inondations ont suivi le tremblement

de terre de 2021, obligeant de

nombreux agriculteurs à recommencer

à zéro. Avec moins de produits disponibles,

il est encore plus vital que

les Madan Sara puissent vendre les

produits qu’elles peuvent trouver.

Les marchés les plus lucratifs

pour vendre des produits se trouvent

à Port-au-Prince, la capitale du pays,

mais pour y arriver à partir de Maniche,

il faut traverser Martissant, un

quartier désormais bloqué par des barricades

routières et des gangs qui exigent

un paiement pour laisser passer

les gens.

Ceux qui tentent le voyage

découvrent bientôt que cela ne vaut

pas le risque. « La première fois que

j’ai pris le risque de traverser Martissant,

on était plusieurs dans une

camionnette, » dit Didine Durand,

une Madan Sara. « Des bandits armés

jusqu’aux dents ont arrêté la camionnette,

le chauffeur a payé et ils nous

ont laissés passer. J’ai payé pour ne

pas mourir. Après ce voyage je ne

cours plus ce risque, je fais le commerce

uniquement entre Maniche et

les Cayes. C’est moins rentable mais

au moins je suis en sécurité, » se

référant à la ville portuaire du sud, à

une heure de route au sud de Maniche,

où elle doit vendre ses produits à

un prix inférieur.

Plus d’un tiers de la population

étant confrontée à la faim aiguë, donc

l’accès à la nourriture est vital. Les

agriculteurs comptent sur ces femmes

pour transporter leurs marchandises

au marché. L’économie locale de Maniche

dépend principalement de l’agriculture.

Les petits agriculteurs cultivent

des denrées sur leurs parcelles

de jardin pour eux-mêmes et pour

vendre au marché. Le tremblement de

terre a enseveli de nombreuses fermes

et jardins et endommagé les systèmes

d’irrigation à Desrodières et Dory,

deux communes de Maniche comptant

un grand nombre de producteurs

de riz, et de pois noirs. Ils disent qu’ils

n’ont pas reçu l’aide dont ils avaient

besoin pour se remettre sur pied.

Jean Calèbre Rebecca, un planteur

de Maniche et coordinateur de

l’Organisation pour la Promotion des

Agriculteurs Généresse/Maniche, un

groupe de défense qui travaille avec

Des sacs de produits agricoles au marché de Maniche, Haïti. Les Madan

Sara les transporteront pour les vendre dans d’autres communautés,

comme Les Cayes, à une heure de route au sud de Maniche. . ROSE

HURGUELLE POINT DU JOUR, GPJ HAITI

environ 400 agriculteurs, affirme que

les planteurs qui ont perdu leurs terres

et leur bétail dans les hautes terres à

cause des glissements de terrain n’ont

pas reçu suffisamment d’aide.

« Après ces pertes ce n’est pas

facile de se relever, » dit Rebecca. «

Nous n’avons pas trouvé d’aide de

l’État, les prix des semences ont augmentés

à cause de la rareté de carburant

sur le marché et nous n’avons

pas de crédit agricole. Nous sommes

livrés à nous mêmes. »

Mais le Maire de Maniche, Jean

David Brunard, affirme que certains

agriculteurs ont reçu des semences du

gouvernement pour les aider à rétablir

leurs fermes. « Je n’aime pas quand

certains planteurs disent que L’état ne

les aide pas, » dit-il. « Les organisations

internationales ne peuvent pas

venir dans une communauté sans un

partenariat avec la mairie, donc indirectement

on apporte notre aide. »

L’agricultrice Rose Marthe Desrivieres

dit que le gouvernement a

distribué des semences de pois noir,

mais comme cette culture nécessite

beaucoup d’eau pour pousser, seuls

les planteurs à proximité d’une source

d’eau ont pu utiliser les semences.

« Le ministère a procédé à la

distribution en décembre et généralement

on plante les pois en novembre,

» ajoute-t-elle. « Comme les autres

planteurs j’ai dû vendre d’autres biens

pour me procurer les semences en

novembre et en recevant les semences

Joel H. Poliard

M.D., M.P.H.

Family and Community

Medicine

Public health and Pediatrics

5000 N.E. Second Ave,

Miami FL, 33137

tel. (305) 751-1105

[du gouvernement], je les ai vendues.

»

Pierre Thomas Raphael, un agriculteur

qui cultive du riz en plus petites

quantités qu’avant le tremblement

de terre, affirme que les semences

gratuites ne sont pas la solution.

« Ce dont nous avons principalement

besoin c’est la sécurité dans

le pays, des crédits agricoles pour les

planteurs et des micros crédits pour les

Madan Sara pour nous permettre de

nous relever, » dit Raphael

Maudeline Rozin a cessé de travailler

comme Madan Sara, un mode

de vie auquel elle a été initiée à un

jeune âge. Avec le blocage des routes,

le métier n’est plus rentable. Elle vend

maintenant de l’huile de cuisson à

Maniche.

Alors que certaines de ces

femmes recherchent des opportunités

économiques alternatives et que d’autres

se contentent de moins de revenus,

il est possible que continuer le

métier de Madan Sara ne soit plus une

option pour beaucoup.

« Notre sort sera toujours scellé

sans sécurité, » dit Durand. « Il n’y a

plus moyen de circuler et de vendre à

bon prix. »

*Rose Hurguelle Point du

jour est journaliste à Global Press

Journal en Haïti.

Global Press

Journal Avril 2023

Y & D

HANDYMAN

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Yves Dumornay (Owner)

516- 870-6752

yvesdumornay@gmail.com

Vol 17 # 23 • Du 6 au 12 Décembre 2023

Haiti Liberté/Haitian Times

7

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