GMVT-yumpu

DJIBOUTI
institut
Balanitès
LA GRANDE MURAILLE
VERTE ET LES SCIENCES
Un projet de lutte contre la désertification et la pauvreté,
soutenu par la communauté scientifique.
Projet de la Grande Muraille verte
État membre de l’Agence
panafricaine de la Grande
Muraille verte
Désert du Sahara
Zones désertiques
Zones agricoles
Zones herbacées
Forêts denses
MAURITANIE
MALI
NIGER
TCHAD
SOUDAN
Grande Muraille verte
ÉRYTHRÉE
Dakar
SÉNÉGAL
BURKINA
FASO
S ah e l
S ah e l
Djibouti
NIGÉRIA
ÉTHIOPIE
Priscilla Duboz
INFOGRAPHIE LE MONDE : LOUISE ALLAIN
SOURCES : ACLED ; ESA ; LE MONDE
L’OHMI : UN OBSERVATOIRE
SCIENTIFIQUE
La Grande Muraille verte (GMV)
est un projet initié en 2007 par
11 pays du Sahel qui vise à créer
une bande végétale de 15 km
de large sur 7 600 km de long,
du Sénégal à Djibouti.
Pour pallier les échecs précédents
concernant la lutte contre la
désertification (Algérie, Égypte,
Chine…), la recherche scientifique
est un atout majeur, en témoigne
l’expérience sénégalaise
où l’observatoire Hommes-
Milieux international Téssékéré
pluridisciplinaire a été mis en
place en 2009 par l’UCAD et
le CNRS. Depuis la première
parcelle en 2008, ces plantations
remplissent en partie leur objectif
de restauration des écosystèmes,
de développement économique
durable, et d’amélioration de
la santé et du bien-être des
populations locales, pour une
superficie plantée égale à celle
de la Belgique sur l’ensemble du
tracé de la GMV. La contribution
des scientifiques va de l’écologie
végétale et animale, de l’hydrologie,
des sciences de la santé aux
sciences humaines et sociales
(anthropologie, sociologie,
économie…). La centaine de
chercheurs qui accompagnent le
projet au Sénégal a créé des liens
de coopération scientifique avec
le Burkina Faso, le Tchad, le Niger
et l’Éthiopie.
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
COMME MOTEUR
En 2023 l’INEE (institut écologie et
environnement du CNRS) crée
un IRN (International Research
Network) de la GMV, “Les sciences
et la Grande Muraille verte”, dont le
but est de fédérer les recherches
menées dans les 11 pays concernés
et créer une dynamique et une
synergie entre tous les acteurs,
afin de renforcer la GMV
et pérenniser ses actions.
Le CNRS et l’UCAD, grâce à l’Observatoire Hommes-Milieux
International Téssékéré s’engagent avec l’Institut Balanitès
afin de valoriser les savoirs scientifiques concernant
la Grande Muraille verte et leur diffusion auprès de tous
les publics.
Conception : Institut Balanitès
Rédaction : Gilles Boëtsch, Priscilla Duboz, Agathe Euzen,
Aliou Guisse, Papa Ibnou Ndiaye, Roger Zerbo
L’Observatoire Hommes-Milieux
international Téssékéré (OHMi) a
été créé en juin 2009, par le CNRS
et l’Université Cheikh Anta Diop
de Dakar (UCAD) qui en assurent
conjointement la gestion.
Selon les critères du CNRS, un
observatoire hommes-milieux
est défini par un cadre socioécologique
(la désertification) et
un événement fondateur (la mise
en place de la Grande Muraille
verte). Les scientifiques étudient
de quelle manière cet ambitieux
projet de reboisement impacte
les environnements naturels et
humains (le socio-écosystème).
Au sein de l’OHMi, le travail
interdisciplinaire est permanent,
faisant dialoguer anthropologie,
médecine, écologie, biologie,
chimie, sociologie, économie,
physiologie, parasitologie, etc.
Depuis 2010, 112 projets de
chercheurs ont été financés,
30 thèses et 28 mémoires de
masters 2, ainsi que 120 publications
scientifiques et 3 ouvrages depuis
2011. 80 % des scientifiques de
l’observatoire sont des chercheurs
africains. Afin d’étendre les travaux
de l’OHMi dans les autres pays du
Sahel, le CNRS a décidé de créer
un IRN qui associera les chercheurs
de tous les pays concernés et les
agences nationales de la GMV.
Des coopérations scientifiques ont
été créées avec les acteurs de la
Grande Muraille verte au Burkina
Faso, au Tchad, en Mauritanie,
au Mali, au Niger et en Éthiopie.
L’IRN, International Research Network,
a pour objectif la mise en place
de points focaux scientifiques
et techniques dans chaque
pays concerné par la GMV avec
l’implication des scientifiques,
des agences et techniciens en
charge de sa mise en place et des
populations locales.
L’observatoire est organisé
en quatre axes de recherche :
• biodiversité végétale
et animale,
• eau / sol / air,
• santé humaine,
• systèmes sociaux.
NB : toutes les photos ont été prises par des chercheurs de l’OHMi Téssékéré qui travaillent sur la GMV depuis plus de 12 ans.

Anne-Gaëlle Beurier
Anne-Gaëlle Beurier
RENFORCER
LA BIODIVERSITÉ VÉGÉTALE
SUIVRE LA BIODIVERSITÉ
ANIMALE
La diversité végétale se construit
selon deux axes :
Les scientifiques ont choisi les
espèces en concertation avec
les populations locales, selon
leurs usages traditionnels et leurs
besoins. Les espèces retenues
sont adaptées aux conditions
climatiques : susceptibles de
survivre entre 200 et 600 mm
d’eau par an et résist durant
plusieurs mois au stress hydrique.
Les six espèces plantées au
Sénégal sont : Balanites
aegyptiaca, Acacia senegalensis,
Acacia raddiana, Acacia seyal,
Acacia nilotica et Ziziphus
mauritania. Les plantations sont
plurispécifiques afin d’assurer une
diversité écologique et permettre
des usages variés.
DES BIENFAITS EN CASCADE
Une fois adultes, ces arbres vont
modifier l’écosystème. Les ligneux
apportent de l’ombre et de
l’humidité relative, ce qui permet
aux herbacées de se développer
et d’augmenter dans un premier
temps la diversité végétale puis
dans un second temps la diversité
animale, en fournissant une
diversité alimentaire et un habitat
plus riches. Au sein de l’OHMi
Téssékéré, les recherches portent
entre autres sur la séquestration
du carbone, les outils de mesure
de la biodiversité végétale
(herbacées et ligneux), l’interface
animal/végétal, par exemple
le comportement des insectes
pollinisateurs, le retour des oiseaux
migrateurs avec transformation
de l’habitat dûe à la reforestation
et à la mise en défens de grandes
parcelles, ou encore la présence
de nouvelles espèces (insectes,
rongeurs…).
Le balanitès, ou dattier
du désert, a été choisi avec
les habitants car il est adapté
aux conditions climatiques et
il offre de nombreux usages :
huile, infusions,
bois de chauffage...
Anna Niang, doctorante en
“Écologie animale et gestion
des écosystèmes” à l’Université
Cheikh Anta Diop de Dakar
(UCAD), place des pièges
photographiques, afin de
constituer une base de données
inventoriant les espèces animales
présentes sur cette parcelle
de la Grande Muraille verte, en
particulier les mammifères de
taille moyenne (porc-épics,
chats sauvages, zorilles, lièvres,
mangoustes, renards, chacals,
ratels…) et les grands mammifères
(oryx, singes rouges). Les clichés
ainsi obtenus viennent enrichir la
base de données inventoriant les
espèces animales.
Ses études comprennent une
approche qualitative (présence/
absence des espèces) et une
approche quantitative (nombre
d’individus) permettant le calcul
d’indices de biodiversité pour
suivre l’évolution des espèces et
leur comportement. La finalité de
son travail est non seulement de
mettre en exergue la biodiversité
animale dans cette zone mais
aussi de confirmer la potentialité
de réintroduction d’espèces
animales ayant disparu du Ferlo
sous l’effet des aléas climatiques,
comme la sécheresse des années
1970 et la pression anthropique.
DES RECHERCHES VARIÉES
L’observatoire étudie aussi d’autres
taxons zoologiques : les insectes,
les reptiles, les batraciens, les
oiseaux, les chiroptères et les
rongeurs. L’OHMi a mis en place
un cadre de collaboration entre
chercheurs d’horizons divers et
généré une production scientifique
interdisciplinaire sur la biodiversité
et les services écosystémiques.
Les taxons zoologiques
étudiés sont autant
d’indicateurs biologiques
permettant de suivre
l’évolution de la biodiversité
tout au long de la GMV.

USAGES
DES MARIGOTS
Gilles Boëtsch
INDISPENSABLES
FORAGES
Agathe Euzen
Les marigots, ou mares
temporaires, se forment durant
la mousson (août et septembre
seulement).
Ils fournissent des ressources
en eau importantes, tant pour
les animaux (bétail et animaux
sauvages) que pour les humains.
Pour ces derniers, cette eau,
gratuite par rapport à celle du
forage, sert à tous les usages de la
vie domestique : eau de boisson,
lavage des vêtements et du corps,
cuisine…
CES MARIGOTS SONT DE DEUX
NATURES : remplissage de cuvette
de manière naturelle, par les eaux
de pluie, au sein d’une dépression
du sol ou bien trou creusé par les
hommes (quelques mètres de
profondeur).
L’évolution des mares temporaires,
tant d’un point de vue
hydrologique que des usages, vient
révéler de nouvelles dynamiques
hydrologiques, écologiques,
sociales, sanitaires, économiques,
politiques culturelles… spécifiques
à chaque territoire.
Les travaux de recherche de l’OHMi
portent sur la question de l’accès
à l’eau et des valeurs qu’elle
véhicule dans ce territoire,
à travers la question de sa qualité
mesurée et perçue, les usages
qui en sont faits et l’organisation
sociale associée. L’évolution des
pratiques autour de ces mares
est questionnée dans un contexte
nouveau où le développement
de petits forages (nouveaux puits)
dans la zone vient modifier
le système hydrographique.
Mais transforme aussi les
pratiques pastorales, le rapport
aux ressources (fourrages et eau
pour le bétail), l’aménagement
et l’occupation du territoire.
L’OHMi forme de jeunes
chercheurs des pays du Sahel
et d’horizons divers, faisant
de la GMV un véritable
‘’laboratoire à ciel ouvert’’.
Au Sénégal, les forages ont
été construits dès 1954 par
l’administration coloniale
française. Dans la zone du
Ferlo, 51 forages étaient en
fonctionnement début 1957.
Cette politique visait par le
développement d’un accès continu
à l’eau, à stabiliser les populations
d’éleveurs nomades. Par exemple,
le forage de Widou Thiengoly puise
l’eau à 246 mètres pour rencontrer
la nappe phréatique. Initialement,
les villages se répartissaient autour
des forages, distants de 30 km.
Mais depuis quelques années,
les forages se multiplient, et les
réseaux d’adduction permettant
de réduire la distance aux points
d’eau sont mis en œuvre. Il y a
une première zone de campement
située à 8 kilomètres du forage et
une seconde zone à 16 kilomètres,
c’est-à-dire à mi-chemin entre
deux forages.
DÉCRIRE LES USAGES
Aujourd’hui l’accès à l’eau du
forage est payant, par le comité
de gestion Asufor (association
des usagers des forages ruraux).
Lorsque la motopompe du forage
est en panne, les troupeaux et
les gens doivent se déplacer sur
un autre forage. Les travaux des
anthropologues et des sociologues
ont montré que le plus souvent la
recherche de l’eau se fait par les
femmes qui viennent en charrettes
tirées par des ânes et qui stockent
l’eau dans des chambres à air de
200 litres ou dans des cubes en
plastique grillagés de 1 000 litres.
Ce sont ces femmes qui
répartissent l’eau en fonction
des différents usages, incluant
l’alimentation des petits ruminants
(chèvres et moutons). Les bovins
sont gérés par les pasteurs qui
les emmènent boire dans les
abreuvoirs associés aux forages.
Venir chercher l’eau
est une activité le plus souvent
réalisée par les femmes
qui parcourent plusieurs
dizaines de kilomètres chaque
jour afin d’y parvenir.

LA SANTÉ
DANS LA GRANDE
MURAILLE VERTE
Les maladies transmissibles et
les maladies chroniques non
transmissibles, la santé buccodentaire,
l’ethnopharmacologie
sont des thèmes d’étude majeurs
de l’OHMi Téssékéré : depuis 2009,
de nombreuses recherches se
sont intéressées à la santé des
populations de la Grande Muraille
verte au Sénégal et au Burkina
Faso. Les projets scientifiques
menés sur ces thématiques
ont par exemple permis de
démontrer que la prévalence de
l’hypertension artérielle est très
élevée dans la population peule,
et même comparable à celle du
milieu urbain sénégalais. Cette
hypertension élevée est associée
à une teneur élevée en sel de l’eau
de boisson (issue du forage) et à
une consommation importante
de sodium dans l’alimentation
(bouillons cube par exemple).
COMPRENDRE LES MALADIES
Actuellement les projets de
recherche adoptent l’approche
One Health, pour traiter notamment
des causes et conséquences des
maladies chroniques (hypertension
artérielle, diabète…) : ainsi, l’influence
de l’ouverture géographique de la
zone sur les systèmes alimentaires
(apports plus importants en sel, en
sucre, en gras), les transformations
de l’activité physique (qui était
importante dans les populations
peules transhumantes), les
dynamiques sociales et culturelles
et les caractéristiques de
l’environnement sont convoquées
pour comprendre quels sont les
changements de comportements
qui régissent la santé des
populations de la Grande Muraille
verte actuellement.
La présence des spécialistes
de chaque discipline sur un
seul et même lieu fait de
l’observation de la Grande
Muraille verte un terrain fertile
de l’écologie de la santé.
Priscilla Duboz
AU CŒUR
DES PÉPINIÈRES
On nomme pépinière l’espace
réservé aux semis et aux jeunes
pousses qui, une fois devenus
plants, prendront leur place
définitive dans les parcelles de
reboisement de la GMV.
Les graines sont récoltées dans
toutes les régions du Sénégal par
des services des eaux et forêts. Ces
graines sont ensuite acheminées
au PRONASEF (Programme National
des Semences Forestières) qui se
charge de faire le tri et les tests
de germination. Dans les pots, le
substrat est un mélange de terreau
et terre végétale (2/3) et de sable
(1/3). Selon les espèces, environ 4 à
5 mois d’arrosages réguliers sont
nécessaires afin que les plants
atteignent 40 à 50 cm de hauteur.
Ils sont ensuite mis en pleine terre.
Cette phase de plantation débute
généralement à l’apparition des
premières pluies saisonnières.
Pour optimiser la réussite des
plantations, le sol est préparé,
afin de canaliser et économiser
l’eau qui constitue la ressource la
plus importante dans le plan de
reboisement.
On creuse alors des sillons simples
ou en demi-lune, capables
d’emmagasiner temporairement
l’eau dans le sol. Une fois les plants
mis en terre, un suivi régulier doit
être réalisé pour évaluer les taux
de survie, de reprise et de réussite.
Parmi les facteurs qui influent sur
la survie, on relève l’espèce, le site,
la configuration, l’espacement, les
conditions atmosphériques, les
techniques de plantation… Ce taux
est calculé au bout de quelques
années d’existence des parcelles,
et il donne le pourcentage
définitif de la réussite du projet de
reboisement (en moyenne un plant
sur deux sera pérenne).
L’emplacement idéal pour
une pépinière de plantes
est orienté au sud :
la chaleur y est emmagasinée,
l’ensoleillement y est
maximal.
Audrey Bergouignan

Priscilla Duboz
Roger Zerbo
LE RÔLE
DES LOUMA
LES RISQUES : EXEMPLE
DU BURKINA FASO
Au Ferlo sénégalais, rares sont les
villages qui disposent de marchés
quotidiens. Les transactions
marchandes se font dans les
marchés hebdomadaires (louma)
qui se tiennent presque dans tous
les bourgs de la zone.
À travers ces marchés, se crée
une économie de district avec
des circuits horizontaux entre les
villages relativement enclavés.
Les commerçants “professionnels”
du marché hebdomadaire sont
généralement des hommes. Ils se
déplacent de marché en marché
(distants d’environ 30 kilomètres)
avec un système de transport
collectif par les Wopuyah, sorte de
4x4 permettant l’acheminement
des hommes, des marchandises et
du petit bétail.
DES PRATIQUES REMARQUÉES
Des études menées par les socioanthropologues
ont montré que
les femmes étaient de plus en plus
impliquées voire même proactives
dans les marchés pour y exercer
des activités génératrices de
revenus.
Elles s’impliquent dans la
vente en prenant à crédit la
marchandise auprès de grossistes,
eux-mêmes vendeurs. Elles
vendent essentiellement à leurs
connaissances (famille, amis)
puis paient en fin de journée
le grossiste et lui restituent les
produits invendus.
Ces revenus permettent aux
femmes de participer aux besoins
de consommation de leurs
familles ; ils viennent souvent en
renforcement des revenus générés
par la Grande Muraille verte lors
des campagnes de reboisement
et à travers leur activité au sein
des pépinières ou des jardins
maraîchers.
Les pratiques sont
susceptibles de modifier
la place des femmes au sein
de la famille et de la société.
Plusieurs risques peuvent
constituer un frein à la mise en
œuvre de la Grande Muraille
verte :
(inondations, sécheresses,
ressources financières.
Développer les stratégies
de maîtrise de l’eau et la
diversification des productions
à travers la recherche-innovation
adaptative permettrait de faire
face aux aléas climatiques et
assurer la sécurité alimentaire
des populations locales.
DES RÉACTIONS EN CHAINE
À l’instar des autres pays du
Sahel et de l’Afrique de l’Ouest,
le Burkina Faso est actuellement
sous la menace permanente
de mouvements terroristes dont
les activités peuvent fragiliser la
confiance des investisseurs,
le moral des populations,
la motivation des travailleurs
et porter atteinte à la mise en
œuvre des programmes et actions
de développement durable
des agences nationales de la
Grande Muraille verte.
Pour faire face à ce risque
de dégradation de la sécurité
et de migration de populations
(ici, un groupe de personnes
déplacées), il importe de lutter
contre les causes profondes de
l’insécurité parmi lesquelles la
dégradation des sols, la précarité,
le manque d’emplois et la
pauvreté.
Davantage
de communication et de
transparence pourraient
contribuer à améliorer la
gouvernance et la gestion
financière de la Grande
Muraille verte.