02.01.2013 Views

JEAN SENDY ou L'APOLOGIE DU MOYEN AGE - Kadath

JEAN SENDY ou L'APOLOGIE DU MOYEN AGE - Kadath

JEAN SENDY ou L'APOLOGIE DU MOYEN AGE - Kadath

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

COMITE DE REDACTION :<br />

ivan verheyden, rédacteur en chef<br />

patrick ferryn, secrétaire de rédaction<br />

jean-claude berck, robert dehon,<br />

jacques gossart, jacques victoor<br />

ASSISTE DANS LA DOCUMENTATION PAR :<br />

jacques dieu, jacques keyaerts,<br />

christine piens, édith pirson,<br />

albert szafarz, albert van hoorenbeeck<br />

ECHANGES AVEC LES REVUES :<br />

bres (j.p. klautz et a. gabrielli, la haye)<br />

n<strong>ou</strong>velle école (alain de benoist, paris)<br />

question de (l<strong>ou</strong>is pauwels, paris)<br />

MAQUETTE DE GERARD DEUQUET<br />

Au sommaire<br />

— jean sendy <strong>ou</strong> l’apologie du moyen âge, Ivan Verheyden . .<br />

— notre cahier archéoastronomie<br />

. . . .<br />

— la microseconde chez les hébreux, Jean Sendy . . . . . . .<br />

— la soi-disant constante de ninive, Patrick Ferryn . . . . . . .<br />

— les fresques insolites du tassili, Jacques Gossart . . . . . . . .<br />

— histoire et actualité des solsctices, Pierre Vial . . . . . . . . .<br />

— comment déchiffrer l’écriture maya (1), Antoon Vollemaere . . . . .<br />

3<br />

9<br />

14<br />

21<br />

29<br />

34<br />

1


2<br />

A la recherche<br />

De kadath<br />

Nos lecteurs ont eu le temps de constater qu’il y a eu un pépin lors du dernier numéro : la c<strong>ou</strong>verture.<br />

Sans préavis, il n<strong>ou</strong>s fut annoncé que le papier gaufré d’usage ne se fabriquait plus dans<br />

notre coloris, n’étant plus suffisamment demandé. Il a fallu se rabattre in extremis sur une c<strong>ou</strong>leur<br />

voisine, et n<strong>ou</strong>s en avons profité p<strong>ou</strong>r choisir un papier de qualité meilleure. Mais n<strong>ou</strong>s n’avions<br />

pu n<strong>ou</strong>s en expliquer, et depuis, il s’avère que les avis sont partagés. Or le drame, c’est que n<strong>ou</strong>s<br />

restons à la merci d’un autre changement. Notre maquettiste a donc préconisé, p<strong>ou</strong>r un avenir non<br />

encore défini, une c<strong>ou</strong>verture blanche, avec impression des titres et du dessin en une c<strong>ou</strong>leur.<br />

Des épreuves ont été faites, et il faut reconnaître que cela a de la classe. Mais c’est v<strong>ou</strong>s qui ferez<br />

pencher la balance. Ecrivez-n<strong>ou</strong>s, donnez votre avis, et n’hésitez pas, éventuellement, à faire d’autres<br />

suggestions. De t<strong>ou</strong>te façon, si changement il y a, ce ne sera pas avant la fin de cette série : jusqu’au<br />

numéro 20 inclus, fin 1976, n<strong>ou</strong>s garderons notre présentation, ceci à l’intention surt<strong>ou</strong>t de ceux qui<br />

tiennent à faire relier leur collection.<br />

Encore une bonne n<strong>ou</strong>velle p<strong>ou</strong>r terminer. Dorénavant, des échanges sont prévus avec des revues<br />

qu’anime le même esprit que n<strong>ou</strong>s : QUESTION DE et NOUVELLE ECOLE à Paris, BRES en Hollande.<br />

P<strong>ou</strong>r situer cette « n<strong>ou</strong>velle école », qui n’a rien de dogmatique mais se retr<strong>ou</strong>ve dans une<br />

certaine manière d’appréhender les choses, je citerai pêle-mêle, au gré des articles, quelques<br />

constatations et caractéristiques communes. Certaines recherches ont été délibérément freinées.<br />

Les connaissances techniques vont plus vite que le savoir sur l’homme lui-même. Certaines réalités<br />

ne peuvent encore, dans l’état actuel de la recherche, être s<strong>ou</strong>mises à la méthode expérimentale.<br />

D’où un esprit de tolérance, mais aussi une lutte implacable contre la confusion; un esprit gnostique,<br />

mais sans esprit messianique ; une analyse mais aussi une synthèse scientifiques, dans une vision<br />

non-réductrice de l’homme. A ce vaste programme, n<strong>ou</strong>s tentons, modestement, d’apporter notre<br />

contribution.<br />

KADATH


<strong>JEAN</strong> <strong>SENDY</strong> <strong>ou</strong><br />

L’APOLOGIE <strong>DU</strong> <strong>MOYEN</strong> <strong>AGE</strong><br />

« Les hermétistes en question ne cherchent pas<br />

dans les vieux grimoires le moyen, très improbable,<br />

de devancer la Science — mais une preuve<br />

du tait que les déc<strong>ou</strong>vertes contemporaines<br />

étaient déjà connues du temps où Hermes vivait<br />

sur Terre ».<br />

Jean Sendy.<br />

Présenter Jean Sendy, c’est aborder de front la<br />

question des extraterrestres en archéologie. Et<br />

pas n’importe quelle immixtion sporadique (ce qui<br />

serait plutôt la possibilité qu’il n<strong>ou</strong>s arrive d’envisager).<br />

Non, ici c’est bien l’origine même de nos<br />

civilisations qui leur est imputée. J’ai préconisé, en<br />

terrain aussi brûlant, de scinder la question, dans<br />

le seul but de situer d’abord l’homme et ses<br />

conceptions, avant d’exposer le scénario qu’il propose.<br />

Si on n’accepte pas celui-ci, on peut le recevoir<br />

comme un roman. Mais au moins aura-t-on<br />

respecté l’homme. Car au travers de ses essais<br />

se reflète une façon très anticonformiste de voir<br />

les choses, et cette apologie de l’esprit du Moyen<br />

Age m’a séduit. Une fois que v<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>s serez fait<br />

une opinion sur cette vision de l’Histoire, v<strong>ou</strong>s<br />

saurez comment v<strong>ou</strong>s comptez accepter <strong>ou</strong> refuser<br />

la suite qui en déc<strong>ou</strong>le logiquement. Car dans<br />

ce domaine, Jean Sendy offre, je crois, une d<strong>ou</strong>ble<br />

originalité.<br />

1. Il place le postulat extraterrestre dans une perspective<br />

de civilisation. L’idée extraterrestre n’est<br />

pas neuve. Selon lui, elle a t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs existé, ce<br />

n’est que depuis quelques siècles que l’humanisme<br />

issu de la Renaissance l’a placée s<strong>ou</strong>s le boisseau.<br />

C’est la raison p<strong>ou</strong>r laquelle se pose la<br />

question : p<strong>ou</strong>rquoi, depuis la nuit des temps, a-ton<br />

t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs cru à la vie extraterrestre ? Et c’est le<br />

ret<strong>ou</strong>r au Mythe, avec un grand M, celui que t<strong>ou</strong>tes<br />

les civilisations ont en commun.<br />

2. T<strong>ou</strong>s les livres qui foisonnent sur les traces<br />

d’extraterrestres dans le passé, ont l’importance de<br />

la m<strong>ou</strong>che dans l’histoire du coche. Ils ne sont pas<br />

près de démontrer quelque chose, en t<strong>ou</strong>t cas pas<br />

d’emporter l’adhésion. Il faudrait commencer par<br />

définir les critères d’« extraterrestrabilité » (<strong>ou</strong>f).<br />

Mais comment ? L’esprit humain est mieux connu<br />

que celui d’un extraterrestre éventuel. II faudra<br />

donc procéder par élimination, et détecter ce qui<br />

ne peut pas avoir germé spontanément dans<br />

l’esprit de nos ancêtres. Cela, par manque d’intermédiaires,<br />

vient forcément de l’extérieur. D’où et<br />

de qui, c’est une autre affaire.<br />

« N<strong>ou</strong>s autres, gens du Moyen Age ».<br />

Etre humaniste, c’est considérer l’homme comme<br />

le sommet de la création, ce qu’il y a de plus beau<br />

dans l’univers. Cette idée n<strong>ou</strong>s vient en droite ligne<br />

de la Renaissance : c’est donc à peine cinq siècles<br />

que n<strong>ou</strong>s la véhiculons, pas plus. Seulement, c’est<br />

d’elle aussi que n<strong>ou</strong>s vient la description du Moyen<br />

Age comme une ère d’obscurantisme. Certes, les<br />

croyances et les superstitions fleurissaient, mais<br />

guère plus, en fin de compte, qu’à l’époque<br />

contemporaine. Par contre, « c’est en plein Moyen<br />

Age que se prépare la science moderne par ses<br />

inventions techniques : m<strong>ou</strong>lins à eau et à vent,<br />

b<strong>ou</strong>ssole, lunettes, g<strong>ou</strong>vernail, écluse, forge à<br />

s<strong>ou</strong>fflet, br<strong>ou</strong>ette, horloge, imprimerie (1). Et « les<br />

innombrables mécanismes conçus par Léonard<br />

de Vinci vinrent c<strong>ou</strong>ronner une époque inventive<br />

intense, qui livra à la fin du Moyen Age la<br />

plupart des mécanismes utilisés de nos<br />

j<strong>ou</strong>rs » (2). Qui a parlé d’obscurantisme ? L’humanisme<br />

de la Renaissance, parce que, au<br />

travers de ce conflit avec le Moyen Age, ce sont<br />

deux conceptions du monde qui s’affrontent.<br />

C’est l’enjeu même des procès du XVIe siècle.<br />

II suffirait p<strong>ou</strong>rtant de situer correctement la chronologie<br />

des événements p<strong>ou</strong>r se rendre compte<br />

de ce qu’une « grande clarté » jaillit du Moyen<br />

Age. Les dates-limites choisies, p<strong>ou</strong>r être arbitraires,<br />

n’en correspondent pas moins à une certaine<br />

réalité, celle de l’Eglise de Rome. En 395, c’est<br />

Théodose qui impose le christianisme comme<br />

religion officielle de l’Empire; en 1453, c’est la<br />

chute de Byzance s<strong>ou</strong>s les assauts de l’Islam.<br />

Puisque la Renaissance débute en 1453, t<strong>ou</strong>s les<br />

« géants de la pensée » sont considérés comme<br />

des renaissants, héritiers de la pensée antique.<br />

En réalité, s’ils étaient dépositaires de l’esprit<br />

grec, ce n’était pas par l’apport arabe qui suivit la<br />

chute de Byzance, mais parce que t<strong>ou</strong>t au long<br />

des mille ans du Moyen Age, ils avaient étudié<br />

l’enseignement du passé, la Tradition, au vu et au<br />

su de chacun d’ailleurs. Il n’y eut jamais de problème<br />

jusqu’au XVIe siècle, jusqu’à la Renaissance.<br />

(C’est les charlatans qu’on brûlait au Moyen Age).<br />

Mais, contrairement aux apparences, Copernic,<br />

Galilée, Newton, ne sont pas des gens de la Renaissance,<br />

ce sont des gens du Moyen Age. Qu’ils<br />

se soient manifestés après la chute de Byzance<br />

n’est qu’un hasard : à ce moment, leurs travaux<br />

étaient près d’ab<strong>ou</strong>tir. Et les « lumières de la Renaissance<br />

», c’est eux qui les ont fait briller, contre<br />

vents et marées. Car la première réaction contre<br />

ces géants de la pensée, fut la répression. Voyons<br />

les faits et les dates.<br />

1453. Chute de Byzance, et fin officielle du Moyen<br />

Age.<br />

― Pic de la Mirandole est né en 1463, il fut persécuté<br />

p<strong>ou</strong>r s’intéresser à la Cabale.<br />

― Paracelse est né en 1493, il est l’inventeur de la<br />

médecine psychosomatique et fut persécuté p<strong>ou</strong>r<br />

avoir, dans ses c<strong>ou</strong>rs, traité d’ânes les<br />

médecins de l’Antiquité.<br />

― Copernic publia son « Traité sur les révolutions<br />

du monde céleste » en 1543, alors qu’il était<br />

achevé depuis trente ans. II fut mis à l’index en<br />

1615.<br />

(1) Gustave Cohen « La grande clarté du Moyen<br />

Age ». Gallimard, coll. Idées.<br />

(2) Maurice Ponte : « L’informatique ». Le Seuil éd.<br />

3


4<br />

― Giordano Bruno périt sur le bûcher en 1600, à<br />

cause de sa doctrine astronomique du nombre<br />

infini des mondes, soleils, planètes et constellations.<br />

― Galilée fut condamné en 1610 p<strong>ou</strong>r oser prétendre<br />

que la Terre t<strong>ou</strong>rne aut<strong>ou</strong>r du Soleil.<br />

― Cyrano de Bergerac se voit obligé, en 1650,<br />

de décrire ses « Etats et Empires de la Lune et<br />

du Soleil » s<strong>ou</strong>s le thème de « Histoire comique<br />

».<br />

Où est l’obscurantisme ?<br />

Et après un siècle <strong>ou</strong> deux de ce terrorisme, il<br />

fallut se rendre à l’évidence. Qu’avaient v<strong>ou</strong>lu<br />

imposer les humanistes de la Renaissance ? Le<br />

système de Ptolémée. Et qui avait raison ? Les<br />

gens du Moyen Age. Sans parti-pris, on aurait dû<br />

remarquer qu’ils faisaient une très nette distinction<br />

entre, d’une part les sciences profanes sujettes à<br />

expérimentation, et d’autre part, les sciences sacrées<br />

qu’il fallait transmettre conformément à la<br />

Tradition : cosmologie, alchimie entre autres.<br />

Ceux qui v<strong>ou</strong>laient expérimenter coûte que coûte<br />

arrivaient aux résultats de Ptolémée. Alors que —<br />

et c’est quand même tr<strong>ou</strong>blant — ceux qui se référaient<br />

à la Tradition étaient dans le vrai<br />

Pythagore, Aristarque, Copernic, Bruno. Mais ils<br />

étaient victimes d’un d<strong>ou</strong>ble handicap, et t<strong>ou</strong>t le<br />

drame vient de là : les moyens techniques manquaient<br />

p<strong>ou</strong>r vérifier leurs connaissances et, de<br />

t<strong>ou</strong>te façon, ils ne comprenaient pas — ne p<strong>ou</strong>vaient<br />

pas comprendre — ce qu’ils transmettaient,<br />

la Tradition remontant, par définition, à la nuit des<br />

temps. D’où l’incompréhension et l’intolérance.<br />

Car ces gens du Moyen Age croyaient à la transmutation<br />

des métaux, à la possibilité de se faire<br />

entendre à distance, de voler dans les airs, de<br />

« devenir des dieux », selon le mot de Maître Eckhart.<br />

Et d’où leur venait cette certitude ? De la<br />

Tradition.<br />

Utopie, diront les humanistes.<br />

Utopie qui se réalise s<strong>ou</strong>s nos yeux, répondent les<br />

médiévistes.<br />

Le Moyen Age et le sexe des anges.<br />

On sait qu’au moment de la chute de Byzance, les<br />

discussions des théologiens portaient sur le sexe<br />

des anges. L’expression est passée dans la légende,<br />

et on a v<strong>ou</strong>lu assimiler t<strong>ou</strong>t le Moyen Age à ce<br />

genre de scholastique. D’où, comme dans t<strong>ou</strong>te<br />

chasse aux sorcières qui se respecte, le rejet de<br />

l’entière responsabilité sur les intellectuels de l’époque.<br />

La réalité est t<strong>ou</strong>t autre. Les penseurs en<br />

étaient là de leurs cogitations, parce que aller audelà<br />

leur était impossible dans l’état des connaissances<br />

de l’époque. Ils savaient très bien, eux, que<br />

la Genèse (l’origine du monde !) relate les activités<br />

« des » dieux, Elohim, et non d’un Dieu unique,<br />

Eloah. Leur problème était de savoir, si Elohim a<br />

façonné l’homme à son image, quelle était alors<br />

cette image ; si les anges, fils d’Elohim, étaient<br />

sexués <strong>ou</strong> non, puisqu’il est dit qu’ils « allaient vers<br />

les filles des hommes », etc. Discussions byzantines<br />

que t<strong>ou</strong>t ça ? Si on tente de maintenir à t<strong>ou</strong>t<br />

prix le Moyen Age dans l’obscurité, <strong>ou</strong>i. Mais si on<br />

veut être honnête, reprendre le texte, le confronter<br />

à ceux qui lui sont contemporains et aussi à notre<br />

époque ... alors t<strong>ou</strong>t prend une autre allure. Car la<br />

Genèse puise dans le même substrat que l’ensemble<br />

des cosmogonies orientales qui forment la Tradition,<br />

avec un grand T.<br />

Les humanistes se sont gaussés de pareilles prétentions.<br />

N’avaient-ils pas conclu que « la matière<br />

n’a plus de secrets p<strong>ou</strong>r la science » (Marcellin<br />

Berthelot), « l’homme ne connaîtra jamais la composition<br />

chimique des étoiles » (Auguste Comte).<br />

A cette superstition — que l’homme a t<strong>ou</strong>t déc<strong>ou</strong>vert<br />

par lui-même —, les Anciens répondaient par<br />

« t<strong>ou</strong>t leur savoir, les hommes le doivent à l’enseignement<br />

d’Hermes ». Qui a raison ? Les événements<br />

se chargent, avec un malin plaisir, de réfuter<br />

chaque affirmation humaniste dès qu’elle est<br />

posée, et ceci au profit de la Tradition. Et heureusement,<br />

celle-ci s’est transmise sans trop de dommage<br />

t<strong>ou</strong>t au long des mille ans du Moyen Age.<br />

Cette question est admirablement définie par Paul<br />

Valéry dans sa préface au « Nombre d’Or» de<br />

Matila Ghyka : « Une sorte de mysticisme, un ésotérisme<br />

(qui fut peut-être nécessaire), se sont jadis<br />

réservés ces vérités très délicates et difficiles à<br />

établir. Ont-ils nui, par cette restriction, à l’avancement<br />

des recherches ; <strong>ou</strong> bien ont-ils heureusement<br />

entretenu jusqu’à n<strong>ou</strong>s des résultats d’expériences<br />

devenus des principes traditionnels, qui<br />

eussent pu périr au c<strong>ou</strong>rs des âges, sans cette<br />

transmission occulte des p<strong>ou</strong>voirs ? » (3)<br />

Les sphères des planètes intérieures, selon<br />

Kepler : un modèle d’Univers basé sur les<br />

solides parfaits, chers à Pythagore.<br />

Le VIe siècle : un n<strong>ou</strong>veau départ ?<br />

Ces bribes de savoir, les Grecs les véhiculèrent<br />

jusqu’au moment où s’imposa le « monstrueux<br />

système » de Ptolémée, selon lequel le soleil<br />

t<strong>ou</strong>rne aut<strong>ou</strong>r de la Terre. Et il régna pendant<br />

quinze cents ans, véritable « affront fait à l’intelligence<br />

humaine » (les citations sont d’Arthur<br />

Koestler) (4). Thalès de Milet, p<strong>ou</strong>rtant, enseignait<br />

que les étoiles sont faites de la même matière que<br />

la Terre. Anaximandre affirmait que les mondes<br />

apparaissent puis se désintègrent. Epicure enseignait<br />

la pluralité des mondes habités, en t<strong>ou</strong>s<br />

points semblables à la Terre. Et lorsqu’apparut<br />

(3) Matila Ghyka : « Le nombre d’or ». Gallimard éd.<br />

(4) Arthur Koestler . « Les somnambules ». Calmann-Lévy<br />

éd.


enfin Copernic, c’est t<strong>ou</strong>t simplement l’enseignement<br />

d’Aristarque de Samos qu’il transmettait. Or<br />

celui-ci, t<strong>ou</strong>t compte fait, ne disposait que d’un<br />

matériel extrêmement restreint. Les esprits forts<br />

diront qu’Aristarque était un isolé, et que c’est pur<br />

hasard si l’idée lui est venue d’un système héliocentrique.<br />

Ce serait <strong>ou</strong>blier deux éléments essentiels.<br />

D’abord, son traité « Des dimensions et des<br />

distances du Soleil et de la Lune » était un classique<br />

dans l’Antiquité, au point que trois cents ans<br />

plus tard, faisant l’inventaire des génies universels,<br />

Vitruve commence en disant : « Ils sont rares<br />

les hommes de ce type, tels qu’autrefois Aristarque<br />

de Samos ». De plus, il était pythagoricien.<br />

Mais, né en 310 avant J.-C., c’est presque trois<br />

siècles qui le séparent de son maître. C’est donc<br />

dès l’éveil de la pensée grecque, dès les t<strong>ou</strong>t débuts<br />

de ce VIe siècle que cette connaissance se<br />

révèle, et l’histoire de la pensée grecque s’achèvera<br />

sur elle. Voici que se pose donc à n<strong>ou</strong>veau<br />

cette option : <strong>ou</strong> bien parler d’intuition géniale p<strong>ou</strong>r<br />

sauvegarder le dogme humaniste, <strong>ou</strong> bien accorder<br />

foi aux Anciens lorsqu’ils prétendent que l’enseignement<br />

leur est venu des cieux. Faut-il le dire,<br />

en digne homme du Moyen Age, Jean Sendy opte<br />

p<strong>ou</strong>r la seconde solution. Et il est en bien bonne<br />

compagnie. Dans ses écrits, Giordano Bruno est<br />

formel : « Je m’en suis tenu à la conception pythagoricienne,<br />

conforme à celle de Salomon ». Pythagore<br />

? Un de ces initiés du VIe siècle, qui vit briller,<br />

avec le même enseignement Zoroastre,<br />

Confucius et le B<strong>ou</strong>ddha. Aj<strong>ou</strong>tons que Pythagore<br />

n’ignorait rien de la science des prêtres égyptiens<br />

et babyloniens, ce qui n<strong>ou</strong>s plonge à n<strong>ou</strong>veau<br />

dans le substrat méditerranéen commun à t<strong>ou</strong>tes<br />

les Premières Civilisations. (5)<br />

Protohistoire néolithique.<br />

Si t<strong>ou</strong>te cette affaire remonte à la nuit des temps,<br />

on retombe alors sur le problème désormais classique,<br />

de nos ancêtres émergeant t<strong>ou</strong>t armés de<br />

la préhistoire, ce qu’on appelle « l’explosion néolithique<br />

». Grosso modo, le néolithique correspond<br />

à l’époque postglaciaire, où les hommes venaient<br />

de déc<strong>ou</strong>vrir l’agriculture et l’élevage. Lorsqu’ils<br />

inventèrent les cités, ils quittèrent la préhistoire<br />

p<strong>ou</strong>r aborder l’époque historique et commencer à<br />

écrire. En première approximation donc, le néolithique<br />

des préhistoriens rec<strong>ou</strong>vre la protohistoire<br />

des historiens et archéologues. Les seuls vestiges<br />

importants que n<strong>ou</strong>s a laissés le néolithique sont<br />

les constructions mégalithiques. La protohistoire,<br />

elle, ne n<strong>ou</strong>s a légué que des vestiges de traditions,<br />

soit transmises à l’état oral, soit retranscrites<br />

dans des textes sacrés à partir du moment où les<br />

hommes inventèrent l’écriture.<br />

Cette ambiguïté des premières civilisations, on la<br />

retr<strong>ou</strong>ve aussi bien chez les préhistoriens que<br />

chez les historiens des sciences. Le fait est<br />

connu. André Leroi-G<strong>ou</strong>rhan, professeur au Collège<br />

de France, l’expose clairement dans « Le geste<br />

et la parole » : « Entre -8000 et -5000, les sociétés<br />

prennent une forme totalement différente de celle<br />

qu’elles connaissaient depuis les origines (...) Le<br />

monde primitif et le monde des agriculteurs et des<br />

éleveurs sont apparemment si différents, qu’à<br />

moins d’imaginer une « invention », on ne voit pas<br />

comment ils s’articuleraient » (6). De son côté,<br />

Giorgio de Santillana, professeur d’histoire et philosophie<br />

des sciences au célèbre Massachusetts<br />

Institute of Technology, dans son <strong>ou</strong>vrage Ha-<br />

mlet’s mill », démontre que les sociétés historiques,<br />

au sortir de la protohistoire, véhiculent des<br />

connaissances, surt<strong>ou</strong>t astronomiques, qui leur<br />

proviennent de cette époque. « Les périodes planétaires<br />

sidérales et synodiques, dit-il, étaient<br />

connues et longuement « figurées » de façons<br />

diverses, au c<strong>ou</strong>rs de rites liturgiques déjà traditionnels<br />

aux époques archaïques ». (7) Déjà traditionnels<br />

aux époques archaïques !<br />

J’<strong>ou</strong>vre ici une parenthèse p<strong>ou</strong>r montrer, à l’aide<br />

d’un exemple cité par Santillana, à quel point les<br />

interprétations humanistes de la Renaissance<br />

n<strong>ou</strong>s ont livré une image parfaitement fausse des<br />

connaissances des Anciens. Dans maints domaines,<br />

ils en savaient plus que n<strong>ou</strong>s, mais surt<strong>ou</strong>t ils<br />

n’étaient pas ces naïfs <strong>ou</strong> ces êtres irrationnels<br />

comme on les présente. Un cas flagrant, celui de<br />

la Terre plate ; je cite Santillana : « La Terre plate<br />

des Anciens n’avait aucun rapport avec les élucubrations<br />

des fanatiques qui ont empoisonné l’existence<br />

de Christophe Colomb. Par « Terre plate »,<br />

les Anciens désignaient la bande zodiacale dans<br />

laquelle se meuvent les « véritables habitants » de<br />

notre monde, c’est-à-dire les planètes (...). Le mot<br />

« terre » désignait, chez les Anciens, le plan idéal<br />

de l’écliptique passant par les quatre points de<br />

l’année, les équinoxes et les solstices (...). La Terre<br />

était définie comme étant à quatre « angles », il<br />

n’était pas question de la croire carrée ». Fermons<br />

la parenthèse.<br />

Cette impression d’une dégradation des connaissances,<br />

c’est ce que ressent t<strong>ou</strong>t un chacun devant<br />

les vestiges les plus anciens du passé. Les<br />

ziggurats, les pyramides d’Egypte, les temples<br />

mégalithiques sont là, dès le début, t<strong>ou</strong>tes les<br />

connaissances déjà incluses. Par la suite, les<br />

constructeurs n’y inclueront jamais plus de<br />

connaissances astronomiques qu’il n’en existait<br />

dès le début. T<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs selon Santillana : « II est<br />

probable que ces documents (rituels égyptiens et<br />

mésopotamiens) représentent la dernière articulation<br />

d’un langage initatique international, destiné à<br />

être compris de travers à la fois par les autorités<br />

s<strong>ou</strong>pçonneuses et par la f<strong>ou</strong>le ignare ». Car il est<br />

t<strong>ou</strong>t aussi évident que ce savoir a été délibérément<br />

occulté, qu’on a br<strong>ou</strong>illé les pistes, t<strong>ou</strong>t en<br />

confiant le mode d’emploi aux bons soins de ceuxlà<br />

qui seront chargés de le transmettre aux générations<br />

futures ... jusqu’à ce que celles-ci comprennent.<br />

Aux hommes de la préhistoire, on ne<br />

demandait pas de comprendre, mais de transmettre<br />

un enseignement. Ceci, ce n’est pas seulement<br />

Santillana <strong>ou</strong> Jean Sendy qui l’affirment,<br />

c’est l’impression très nette qu’on a lorsqu’on pose<br />

aux vestiges des questions pertinentes, celles<br />

qu’ils attendent de n<strong>ou</strong>s.<br />

(5) Je n’aborde pas ici la légende selon laquelle<br />

Pythagore aurait séj<strong>ou</strong>rné à deux reprises en<br />

Gaule. On retr<strong>ou</strong>ve en effet des constantes pythagoriciennes<br />

dans des monuments mégalithiques.<br />

Mais ce serait donner raison à ceux qui<br />

qualifient ceci de « déraillement celtique », que<br />

de t<strong>ou</strong>t y ramener, en <strong>ou</strong>bliant que, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs selon<br />

la légende, Pythagore résida entre vingt et<br />

vingt-cinq ans en Egypte !<br />

(6) André Leroi-G<strong>ou</strong>rhan : « Le geste et la parole ».<br />

Albin Michel éd.<br />

(7) Giorgio de Santillana et Hertha von Dechend :<br />

« Hamlet ‘s mill ». Gambit publ. Boston.<br />

5


6<br />

Que p<strong>ou</strong>vait-il bien se passer à cette époque lointaine<br />

de la « protohistoire néolithique » ? Entre la<br />

recherche des moyens de subsistance et le repos,<br />

il ne restait guère loisir de faire grand’ chose, sinon<br />

de rêver, le nez dans les étoiles. Au vu des<br />

messages astronomiques dans les mégalithes, il<br />

semble que les hommes de l’époque ne s’en<br />

soient pas privés. Mais équipés de silex — même<br />

taillés et polis —, de bâtons, de cordes et de pierres<br />

levées, si on peut arriver à quelque résultat, il<br />

y a une marge que la limitation des moyens empêchera<br />

t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs de franchir. T<strong>ou</strong>te la question est<br />

de situer cette limite, et c’est hors de notre portée.<br />

Le fond du problème, l’humanisme a réussi à l’éliminer<br />

en cont<strong>ou</strong>rnant la difficulté, et en invoquant<br />

une hypothétique et abstraite accélération de<br />

l’Histoire, le mythe que l’évolution s’est brusquement<br />

emballée. On veut bien, mais encore faudrait-il<br />

démontrer comment, si on veut faire de ce<br />

mythe une réalité scientifique. Comment expliquer<br />

en effet, que seule une partie de l’humanité a été<br />

affectée par le phénomène ?<br />

Des tapis volants à l’astronautique.<br />

C’est le point de départ de Jean Sendy, qui s’élève<br />

en faux contre l’Idée Reçue d’une évolution qui<br />

aurait pris le mors aux dents. Je préfère lui laisser<br />

la parole : « II est d’usage d’expliquer l’accélération<br />

des progrès techniques par le fait que chaque<br />

génération bénéficie de l’acquis des générations<br />

précédentes, et « part donc de plus haut ». C’est<br />

là un fait, non contestable. Là où les choses se<br />

gâtent, c’est quand on prétend généraliser et poser<br />

que « les techniques s’amplifient en progression<br />

géométrique ». Quelle progression géométrique<br />

? Les théoriciens de la « progression géométrique<br />

» prennent des « valeurs de progrès » parfaitement<br />

arbitraires, établissent des<br />

« équivalences », et c’est parti ! Si je v<strong>ou</strong>s disais<br />

que la presse de Gutenberg vaut 100, la machine<br />

à vapeur 10.000 et l’énergie nucléaire<br />

100.000.000, je v<strong>ou</strong>s donnerais en effet une très<br />

belle progression géométrique, parfaitement s<strong>ou</strong>tenable<br />

... dont le seul défaut est d’être dép<strong>ou</strong>rvue<br />

de t<strong>ou</strong>te valeur probante (...). L’Idée Reçue d’une<br />

évolution qui aurait traîné pendant plus d’un demimillion<br />

d’années, puis se serait emballée, repose<br />

sur des « justifications » innombrables ... dont le<br />

seul défaut est d’être parfaitement périmées (...).<br />

N<strong>ou</strong>s sommes en plein dans un temps mort. Le<br />

temps mort, c’est la période nécessaire p<strong>ou</strong>r que<br />

chacun prenne conscience que les démonstrations<br />

convaincantes hier ne le sont plus auj<strong>ou</strong>rd-<br />

’hui, en raison du progrès des connaissances (...).<br />

« La faiblesse de la théorie humaniste tient à ce<br />

qu’elle généralise à partir d’un cas particulier ... du<br />

cas particulier d’une accélération hautement improbable<br />

de l’évolution : il est parfaitement légitime<br />

de penser que t<strong>ou</strong>s les Terriens seraient parvenus,<br />

par leurs propres moyens, au stade astronautique,<br />

si on leur en avait laissé le temps... s’ils<br />

avaient disposé de quelques dizaines (<strong>ou</strong> centaines)<br />

de millénaires à partir de la « taille solutréenne<br />

des silex » (...) L’évolution naturelle peut, assurément,<br />

justifier l’explosion novatrice de —8000 au<br />

Moyen-Orient. Mais l’évolution naturelle ne peut<br />

pas (à moins de faire intervenir une cascade de<br />

postulats parfaitement gratuits) justifier qu’une<br />

lignée soit passée de la « taille solutréenne» à<br />

l’astronautique dans la vingtaine de millénaires qui<br />

a juste suffi à d’autres lignées p<strong>ou</strong>r parvenir à<br />

l’agriculture ». Et c’est bien là le problème. Il y a<br />

incontestablement une progression accélérée,<br />

mais l’évolution naturelle n’y est p<strong>ou</strong>r rien. Et surt<strong>ou</strong>t,<br />

elle ne concerne qu’une seule lignée humaine,<br />

la judéo-chrétienne, alors que les autres suivent<br />

leur petit bonhomme de chemin.<br />

C’est le postulat de Jean Sendy : « Deux hommes<br />

sur trois ont faim dans le monde, celui qui mange<br />

bien est judéo-chrétien ». Si v<strong>ou</strong>s voyez là un fait<br />

du hasard, <strong>ou</strong> l’enchaînement inéluctable de l’Histoire,<br />

v<strong>ou</strong>s êtes un bon humaniste. Sendy se veut<br />

médiéviste et même hermétiste ; aussi, p<strong>ou</strong>r lui,<br />

existe-t-il une t<strong>ou</strong>t autre explication : un fil conducteur<br />

rattache les performances de la civilisation<br />

judéo-chrétienne — et elle seule, pas les autres —<br />

aux Premières Civilisations. Et ce fil conducteur<br />

de la Tradition tient en un vocable : la Loi de Moïse.<br />

Evidemment, c’est une question de société,<br />

d’esprit, non de religion : en Occident, n<strong>ou</strong>s sommes<br />

t<strong>ou</strong>s judéo-chrétiens, même si on n’est pas<br />

juif ni chrétien. Historiquement, l’Eglise a repris le<br />

flambeau de la Rome antique ; idéologiquement,<br />

elle s’est plutôt unie aux juifs convertis, p<strong>ou</strong>r devenir<br />

ainsi héritière, avec eux, des promesses faites<br />

à Abraham. Elle a repris l’Ancien Testament, auquel<br />

elle a greffé un N<strong>ou</strong>veau à usage personnel.<br />

Ce texte hébreu, la Tora, était la Loi de Moïse,<br />

préservée intacte au travers des siècles. C’est elle<br />

qui avait fait reculer le Pharaon, et qui conféra au<br />

« peuple élu » cette increvabilité légendaire. Mais<br />

Moïse lui-même avait puisé dans l’héritage d’Abraham<br />

lequel, on le sait, s’était largement approvisionné<br />

à Sumer.<br />

Donc, seule la Bible, dit Jean Sendy, a préservé<br />

intacte la Tradition des premiers âges. Son enseignement<br />

remonte aux Premières Civilisations ; le<br />

peuple hébreu, on le sait, ne fait pas partie de<br />

celles-ci (il est entré dans l’Histoire avec Moïse),<br />

mais il est dépositaire du message et le transmet<br />

scrupuleusement. Les autres civilisations ont t<strong>ou</strong>tes<br />

disparu, les unes après les autres : Sumer,<br />

Babylone, l’Egypte, la Grèce, Rome. Et ce sont les<br />

judéo-chrétiens qui ont fait, et continuent à faire le<br />

monde (bien <strong>ou</strong> mal, c’est une autre affaire). Alors<br />

que, au risque de se répéter, les héritiers des<br />

Grandes Civilisations ne réussissent plus à émerger.<br />

P<strong>ou</strong>r Jean Sendy, c’est leur religion qui les en<br />

empêche (islam, b<strong>ou</strong>ddhisme, hind<strong>ou</strong>isme) ; disons<br />

plutôt que rien, dans leur religion, ne les incite<br />

à émerger. T<strong>ou</strong>t ceci peut mener à de longues<br />

discussions, selon les écoles ; je ne puis que renvoyer<br />

le lecteur aux <strong>ou</strong>vrages repris en bibliographie,<br />

p<strong>ou</strong>r voir sur quelle argumentation, ma foi<br />

bien documentée, se base l’auteur. T<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs est-il<br />

que Jean Sendy propose une explication au p<strong>ou</strong>rquoi<br />

de ce particularisme, et je la s<strong>ou</strong>mets à votre<br />

méditation.<br />

Cette Tradition, bien sûr, ne contient pas la réponse,<br />

mais son respect exige un certain « esprit ».<br />

On ne demande que de respecter la Loi, non de<br />

comprendre car, est-il dit, le Principe de la Loi est<br />

à ce point abstrait qu’il est interdit de le figurer <strong>ou</strong><br />

de l’imaginer : on le dénomme YHWH, le « Nom<br />

Sacré Ineffable ». Est-il surprenant, dès lors, que<br />

les judéo-chrétiens, imprégnés de cette Loi, offrent<br />

la plus forte proportion de sujets se sentant à<br />

l’aise sur les hautes cimes de la recherche et de<br />

l’abstraction ? Non pas, dit Jean Sendy, si l’on<br />

songe qu’un cabaliste, qui passe son temps à<br />

éplucher la Tora, doit frétiller d’aise dans les


méandres de la physique avancée. La pensée<br />

moderne cherche à appliquer aux sciences une<br />

généralisation de plus en plus abstraite, en quête<br />

de cette fameuse « Loi Unique », que les cabalistes<br />

nomment YHWH, et qui fut la quête primordiale<br />

du juif le plus célèbre : Albert Einstein. Mais<br />

cette tendance n’est pas naturelle ! Elle exige de<br />

réprimer les pulsions primitives, au profit de projets<br />

à long terme. II est bien connu qu’il est impossible<br />

de psychanalyser un primitif <strong>ou</strong> quelqu’un qui<br />

ne soit pas fortement occidentalisé, précisément<br />

parce qu’on ne lui a pas insufflé cet « esprit », qui<br />

n’est pas naturel à l’espèce, ce qui met bien la<br />

civilisation judéo-chrétienne à part des autres. Et<br />

j’en reviens au Moyen Age, car cette pensée moderne<br />

en est issue. Conformément à la Loi de<br />

Moïse, les Médiévaux rêvaient de s’égaler aux<br />

Elohim. Je cite Jean Sendy : « C’est à la réalisation<br />

des ambitions médiévales que la civilisation<br />

judéo-chrétienne consacre le meilleur de ses efforts<br />

... à se passionner p<strong>ou</strong>r la réalisation des<br />

prophéties issues de la nuit des temps, que les<br />

humanistes qualifient d’utopiques tant qu’elles<br />

n’ont pas été réalisées (...) La Tradition sur laquelle<br />

se fonde la pensée médiévale est issue du Mythe<br />

commun à t<strong>ou</strong>tes les civilisations surgies à<br />

l’aube des temps historiques. Le judéochristianisme<br />

est passé des légendes de tapis<br />

volants à la cosmonautique, des légendes de paradis<br />

terrestres à l’agriculture efficace, parce que<br />

l’Europe a été dominée par la pensée médiévale,<br />

qui prenait ces légendes au pied de la lettre. »<br />

Des dieux, des machines,<br />

des connaissances.<br />

Je suis conscient de trahir l’auteur en isolant t<strong>ou</strong>t<br />

ceci de sa thèse fondamentale, selon laquelle les<br />

sept j<strong>ou</strong>rs de la Création décrivent une suite d’événements<br />

échelonnés sur sept « j<strong>ou</strong>rnées zodiacales<br />

», soit des périodes de plus de deux mille ans<br />

chacune. Mais ce « scénario » fera l’objet d’un article<br />

ultérieur. S’il est correct, t<strong>ou</strong>t ce que je viens de dire<br />

n’exigeait pas une aussi longue démonstration. Car<br />

à ce moment, l’ensemble des événements répondent<br />

à une « orthodoxie zodiacale» dans le chef<br />

même des conducteurs de peuples, et t<strong>ou</strong>t s’explique<br />

(voir déjà à ce sujet l’article paru dans KADATH<br />

n° 2 : « Le Zodiaque, affaire sérieuse »). Dans le<br />

cadre restreint de cet exposé-ci, il ne reste plus qu’à<br />

tirer quelques conclusions provisoires.<br />

N<strong>ou</strong>s ne disions rien d’autre lorsque, à nos débuts,<br />

n<strong>ou</strong>s postulions « qu’il s’est passé quelque chose à<br />

l’aube de l’Histoire », mais Jean Sendy le démontre.<br />

Cette explosion protohistorico-néolithique, il n’y a<br />

vraiment que trois façons de l’expliquer :<br />

― comme Santillana, postuler l’existence, parmi<br />

les néolithiques, de cerveaux dignes d’Einstein.<br />

― comme les théologiens et les cabalistes, rec<strong>ou</strong>rir<br />

à une révélation surnaturelle.<br />

― comme Jean Sendy, prendre les néolithiques<br />

au pied de la lettre, et postuler qu’ils disent<br />

peut-être t<strong>ou</strong>t simplement la vérité en attribuant<br />

t<strong>ou</strong>t cela à des bipèdes venus du ciel,<br />

des « dieux ».<br />

Ce dernier tire des mythes communs aux Premières<br />

Civilisations, la triple certitude suivante :<br />

1. Le Mythe décrit des « dieux » qui mangent les<br />

fruits de la terre, respirent le même air que<br />

n<strong>ou</strong>s ; si les lois de l’évolution sont aussi universelles<br />

que les lois physiques, la description du<br />

Mythe (« Ils étaient faits comme n<strong>ou</strong>s, en plus<br />

beau ») est plus plausible que les monstres de<br />

la fiction à base de pseudo-science.<br />

2. Le Mythe décrit aussi des machines, volantes<br />

notamment, et des installations « divines » avec<br />

une naïveté que l’on retr<strong>ou</strong>ve dans les descriptions<br />

de nos réalisations par les primitifs d’auj<strong>ou</strong>rd’hui.<br />

3. Le Mythe ne se contente pas de dire des dieux<br />

qu’ils « avaient des connaissances prodigieuses<br />

» ; il rapporte ce que les hommes ont retenu<br />

de l’enseignement de ces « dieux » : il transmet<br />

des connaissances (en astronomie, notamment)<br />

dont les historiens des sciences n’ont<br />

jamais pu expliquer comment des néolithiques<br />

auraient pu faire p<strong>ou</strong>r les acquérir par leurs<br />

propres moyens.<br />

Des dieux, des machines, des connaissances :<br />

Jean Sendy les attribue à des visiteurs célestes.<br />

Mais s<strong>ou</strong>cieux de ne pas trahir sa pensée, je reprends<br />

ici la réserve qu’il émet, tel un leitmotiv,<br />

t<strong>ou</strong>t au long de ses essais (et qui p<strong>ou</strong>rrait être la<br />

nôtre) :<br />

Je ne sais pas si de tels Galaxiens se sont posés,<br />

aux temps protohistoriques, devant nos ancêtres<br />

primitifs éberlués ;<br />

Mais ce que je sais, je le sais de science certaine :<br />

le Mythe commun à t<strong>ou</strong>tes les Premières Civilisations<br />

affirme que de tels Galaxiens ont vécu sur<br />

Terre, aux temps protohistoriques.<br />

Ce n’est pas un raisonnement spécieux, c’est de<br />

l’honnêteté intellectuelle.<br />

Jean Sendy mis à part, un autre homme a v<strong>ou</strong>lu<br />

dès le départ, placer le problème extraterrestre<br />

dans une perspective rationnelle : je pense à Carl<br />

Sagan, professeur d’astronomie et de sciences<br />

spatiales à l’Université de Cornell. (J’ai déjà eu<br />

l’occasion de citer sa contribution à la question<br />

dans l’article sur Oannès, le dieu-poisson des<br />

Sumériens - dans KADATH n° 11). Spécialiste de<br />

l’exobiologie, Carl Sagan s’est immanquablement<br />

posé la question de visiteurs éventuels dans le<br />

passé. P<strong>ou</strong>r sa thèse, Jean Sendy peut reprendre<br />

les trois conditions posées par Sagan p<strong>ou</strong>r qu’un<br />

récit de contact puisse être pris en considération :<br />

1. le contact doit avoir été consigné par écrit, peu<br />

après l’événement allégué ; 2. il doit avoir provoqué<br />

une modification importante dans la société<br />

contactée ; 3. aucun d<strong>ou</strong>te ne peut planer sur la<br />

réalité charnelle, non divine, du visiteur (ceci s<strong>ou</strong>s<br />

t<strong>ou</strong>te réserve, car l’esprit humain est ainsi fait qu’il<br />

divinise t<strong>ou</strong>t ; disons plutôt, avec Jean Sendy, que<br />

l’enseignement transmis doit être rationnel).<br />

P<strong>ou</strong>r des cas plus particuliers, Carl Sagan pose<br />

d’autres exigences bien spécifiques, et dont n<strong>ou</strong>s<br />

p<strong>ou</strong>vions n<strong>ou</strong>s inspirer p<strong>ou</strong>r la confection de ce<br />

cahier. Ainsi, « un type de légende serait convaincant,<br />

dit-il, si l’information véhiculée ne p<strong>ou</strong>vait en<br />

aucune façon avoir été produite par la civilisation<br />

qui a créé la légende — si, par exemple, un nombre<br />

sacré transmis depuis des millénaires s’avérait<br />

être une constante fondamentale de la physique<br />

nucléaire » (8). C’est ce que recherche Jean<br />

Sendy dans l’article qui suit; c’est le thème aussi<br />

de la « Constante de Ninive ». Autre suggestion<br />

de Carl Sagan : « Un certain type d’artefact,<br />

aussi, p<strong>ou</strong>rrait faire pencher la balance.<br />

(8) Carl Sagan : « Cosmic connection ». Le Seuil éd.<br />

7


8<br />

Si un objet technologique transmis par une antique<br />

civilisation excédait complètement la créativité<br />

technologique du milieu porteur, n<strong>ou</strong>s aurions une<br />

trace de visitation extraterrestre. Par exemple, on<br />

p<strong>ou</strong>rrait déc<strong>ou</strong>vrir, dans les enluminures d’un parchemin<br />

retr<strong>ou</strong>vé dans un monastère irlandais, le<br />

diagramme du circuit électronique d’un ordinateur<br />

» (8). C’est la hantise de Jacques Bergier<br />

également. J’ignore si c’est ceci qui lui en f<strong>ou</strong>rnit<br />

l’idée, mais à titre de divertissement, je reproduis<br />

ici l’extrait d’un roman qui brode sur ce thème,<br />

« Un cantique p<strong>ou</strong>r Leibowitz ». En espérant qu’il<br />

v<strong>ou</strong>s fera rêver ...<br />

IVAN VERHEYDEN<br />

Bibliographie de Jean Sendy.<br />

Schématiquement, Jean Sendy développe son<br />

activité littéraire sur deux fronts : des <strong>ou</strong>vrages<br />

d’idées surt<strong>ou</strong>t, et des <strong>ou</strong>vrages où il défend sa<br />

thèse. Les premiers paraissent, en moyenne, au<br />

rythme de un t<strong>ou</strong>s les cinq ans :<br />

Les bleus de saint Leibowitz.<br />

Après la Grande Simplification, de petites communautés<br />

vivent en barbares. Quelques moines,<br />

disciples de saint Leibowitz, conservent et recopient<br />

les Memorabilia. Parmi eux, Frère Francis de<br />

l’Utah, qui se consacre à réaliser une copie enluminée<br />

d’un « bleu » retr<strong>ou</strong>vé dans les ruines d’un<br />

« abri de sec<strong>ou</strong>rs p<strong>ou</strong>r retombées ». Un tampon à<br />

l’encre r<strong>ou</strong>ge atteste de ce que le « bleu » est de<br />

la main de I.E. Leibowitz.<br />

Encore une autre abstraction, ce bleu de Leibowitz,<br />

et qui ne s’adressait guère à l’imagination,<br />

encore moins à la raison. Il l’étudia jusqu’à ce qu’il<br />

pût en voir l’extraordinaire complexité les yeux<br />

fermés, mais il n’en sut pas plus qu’au début. Cela<br />

n’avait pas l’air d’être autre chose qu’un réseau de<br />

lignes qui reliaient un ensemble disparate de trucs,<br />

de tortillons, de taches, de petits ressorts et de<br />

machins. Les lignes étaient p<strong>ou</strong>r la plupart horizontales,<br />

<strong>ou</strong> verticales et se croisaient les unes les<br />

autres avec un petit intervalle <strong>ou</strong> un point. Elles<br />

faisaient des angles droits p<strong>ou</strong>r cont<strong>ou</strong>rner les<br />

trucs, et ne s’arrêtaient jamais en l’air mais se<br />

terminaient t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs à un tortillon, une tache <strong>ou</strong> un<br />

machin. T<strong>ou</strong>t cela n’avait aucun sens. Rester trop<br />

longtemps à le regarder v<strong>ou</strong>s abrutissait. Néanmoins,<br />

Francis se mit à recopier chaque détail, y<br />

compris une tache brunâtre, au centre, qui, pensat-il,<br />

était peut-être le sang du Bienheureux Martyr.<br />

Frère Jeris suggéra que ce n’était qu’une tache<br />

laissée par un trognon de pomme p<strong>ou</strong>rrie.<br />

Ce Frère Jeris, qui avait rejoint la salle des copistes<br />

en même temps que Frère Francis, paraissait<br />

prendre plaisir à le taquiner sur son occupation<br />

favorite.<br />

« Et que veut donc dire, je v<strong>ou</strong>s prie: « Système<br />

de Contrôle Transitoriel p<strong>ou</strong>r Élément Six-B » ?<br />

— C’est évidemment le titre du document, répondit<br />

Francis, un peu fâché.<br />

— Oui, mais qu’est-ce que ça veut dire ?<br />

— C’est le nom du schéma.<br />

— Oui, mais qu’est-ce que ça représente ? » Francis<br />

r<strong>ou</strong>git. « J’imagine, » dit-il après un moment<br />

passé à se calmer, « que le schéma représente un<br />

concept abstrait plutôt qu’une chose concrète. Les<br />

anciens avaient peut-être une méthode systématique<br />

p<strong>ou</strong>r dépeindre la pensée pure. Ce n’est évidemment<br />

pas la reproduction d’un objet.<br />

● « Les dieux n<strong>ou</strong>s sont nés » (s<strong>ou</strong>s-titre :<br />

« L’âge ingrat »), Grasset 1966.<br />

● « L’ère du Verseau » (s<strong>ou</strong>s-titre : « Fin de l’illusion<br />

humaniste »), Laffont 1970.<br />

● « Les temps messianiques» (s<strong>ou</strong>s-titre :<br />

« Ouverture sur le cosmos »), Laffont 1975.<br />

Un pamphlet, d’ordre plus spécifique, a paru en<br />

1969 chez Julliard, intitulé : « N<strong>ou</strong>s autres, gens<br />

du Moyen Age ». S’il faut choisir un seul <strong>ou</strong>vrage,<br />

je suggérerais « L’ère du Verseau ».<br />

Les livres qui défendent la thèse des Célestes,<br />

sont trois également :<br />

● « Les cahiers de c<strong>ou</strong>rs de Moïse», Julliard<br />

1962 et J’ai Lu n° A 245.<br />

● «La lune, clé de la Bible», Julliard 1968 et J’ai<br />

Lu n° A208.<br />

● «Ces dieux qui firent le ciel et la terre», Laffont<br />

1969.<br />

Le « petit premier » est sûrement le préféré de<br />

l’auteur, celui où il a mis le plus de cœur, et de ce<br />

fait, le plus important.<br />

— C’est vrai qu’on ne reconnaît rien du t<strong>ou</strong>t<br />

là-dessus, dit Frère Jeris avec un petit rire.<br />

— Mais d’autre part, cela dépeint peut-être<br />

quand même un objet, d’une façon très stylisée<br />

— il faudrait peut-être un entraînement spécial<br />

<strong>ou</strong>...<br />

— Ou une vue spéciale ?<br />

— A mon avis, c’est une autre abstraction de<br />

valeur transcendentale et qui exprime une pensée<br />

du Bienheureux Leibowitz.<br />

— Bravo ! Et à quoi pensait-il donc ?<br />

— Eh bien ! au « Plan de Circuit », dit Francis,<br />

lisant ces trois mots en bas à droite.<br />

— Et à quelle discipline appartient cet art, frère ?<br />

Quels en sont le genre, l’espèce, les propriétés ?<br />

Jeris devenait prétentieux avec ses sarcasmes.<br />

Francis décida de lui donner une bonne réponse.<br />

« Regardez cette colonne de chiffres, et le titre :<br />

« Numéros des Pièces Electroniques ». Il y a eu<br />

autrefois un art, <strong>ou</strong> une science, appelés Electronique.<br />

— Ah, ah ! Et qu’est-ce que cela étudiait ?<br />

— C’est écrit, dit Francis, qui avait cherché part<strong>ou</strong>t<br />

dans les Memorabilia sans grand succès,<br />

p<strong>ou</strong>r tr<strong>ou</strong>ver un indice quelconque qui pût rendre<br />

son bleu légèrement plus compréhensible.<br />

« L’électronique s’occupait de l’Electron », expliqua-t-il.<br />

— Ah, c’est écrit. Cela m’impressionne. Je ne<br />

connais rien à t<strong>ou</strong>t cela. Qu’est-ce qu’un électron?<br />

— Eh bien ! un manuscrit fragmentaire en parle<br />

comme d’une Torsion du Néant négativement<br />

chargée.<br />

— Ils niaient le Néant ! Cela donnait peut-être<br />

quelque chose de positif ? Continuez donc vos<br />

recherches, mon frère, et grâce à v<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s aurons<br />

peut-être un j<strong>ou</strong>r un électron. Mais qu’en<br />

ferons-n<strong>ou</strong>s? Le mettrons-n<strong>ou</strong>s sur l’autel, dans la<br />

chapelle ?<br />

— Bon, dit Francis avec un s<strong>ou</strong>pir. Je n’en sais<br />

rien. Mais je suis sûr que l’électron a existé à une<br />

certaine époque, si je ne sais pas comment on le<br />

construisait ni à quoi il p<strong>ou</strong>vait bien servir.<br />

— Quelle t<strong>ou</strong>chante confiance ! dit l’iconoclaste<br />

avec un petit rire et il ret<strong>ou</strong>rna à son travail.<br />

(« Un cantique p<strong>ou</strong>r Leibowitz », par W.M. Miller. Présence<br />

du Futur, n- 46/47. Traduction de Claude Saunier)


archeoastronomie<br />

1.<br />

LA MICROSECONDE<br />

CHEZ LES HEBREUX<br />

Jean Sendy<br />

— Pi ! dit le Sauvage.<br />

― Pi ? demandai-je.<br />

— Trois, répondit-il. Virgule Quatorze. Cent cinquante-neuf.<br />

Vingt-six. Cinquante-quatre. C’est le<br />

nombre sacré de ma tribu, qui adore le dieu<br />

Pi-à-Neuf-Décimales.<br />

Théophraste Hélas,<br />

« Voyages chez les Sauvages. Improbables ».<br />

Personne, à ce j<strong>ou</strong>r, n’a rencontré de sauvage<br />

dont la tribu adore un dieu Pi dont le nombre sacré<br />

serait 3,141 592 654. Mais il y a un peuple qui<br />

possède une unité de temps plus étrange encore,<br />

dans sa Tradition : le peuple hébreu, qui divisait<br />

sa j<strong>ou</strong>rnée en 24 heures, chaque heure en 1 080<br />

rega, et chaque rega en 76 heleq. Un heleq vaut<br />

donc 0,043 739 893 3 seconde... <strong>ou</strong>i, moins de<br />

quarante-quatre millisecondes. (Le pluriel de rega<br />

est regoth, celui de heleq est halachim, mais n<strong>ou</strong>s<br />

n’avons personne à épater, n<strong>ou</strong>s garderons donc<br />

rega et heleq invariables). « Sacré » <strong>ou</strong> non, le<br />

heleq est bien étrange, dans une Tradition de<br />

quelques millénaires plus ancienne que les chronomètres...<br />

et c’est le heleq qui va n<strong>ou</strong>s faire déb<strong>ou</strong>cher<br />

sur un nombre véritablement « sacré ».<br />

Mais procédons par ordre.<br />

Il y a deux cents ans encore, on était très loin de<br />

la technologie permettant d’évaluer le temps en<br />

millisecondes : en 1766, Pierre Leroi se rendait<br />

célèbre en fabriquant un chronomètre de marine<br />

permettant de calculer les longitudes à 1/50 e de<br />

degré près : c’était une performance, mais on était<br />

encore loin de la milliseconde... Or c’est depuis<br />

des temps très lointains que la Tradition hébraïque<br />

transmet une unité de temps qui, p<strong>ou</strong>r être évaluée,<br />

exige le maniement non de millisecondes,<br />

mais de fractions de milliseconde (il faut mille microsecondes<br />

p<strong>ou</strong>r faire une milliseconde).<br />

Qu’est-ce qui peut bien se passer en un heleq ?<br />

Ou, prenant le problème à l’envers, « de quel phénomène<br />

le heleq serait-il l’unité de temps» ? Je<br />

n’ai rien tr<strong>ou</strong>vé du côté des structures nucléaires<br />

suggérées par Sagan, mais j’ai rencontré une<br />

concordance qui n’est pas mal non plus : le heleq<br />

est l’unité de temps nécessaire à la lumière p<strong>ou</strong>r<br />

franchir une distance « sacrée », treize millions de<br />

mètres.<br />

Le nombre sacré de la tribu.<br />

Qu’y a-t-il de sacré dans le 13 ? Le fait même que<br />

je v<strong>ou</strong>s surprends moins en v<strong>ou</strong>s demandant cela<br />

qu’en v<strong>ou</strong>s posant la même question p<strong>ou</strong>r le 17 <strong>ou</strong><br />

le 19 montre déjà que le 13 a une place à part,<br />

dans notre inconscient : même si v<strong>ou</strong>s ne partagez<br />

pas cette superstition, v<strong>ou</strong>s en connaissez<br />

l’existence. Des gens réputés sérieux peuvent-ils,<br />

sérieusement, tenir le 13 p<strong>ou</strong>r un nombre à part,<br />

p<strong>ou</strong>r un nombre néfaste ? Il semble bien que <strong>ou</strong>i :<br />

dans aucun des buildings américains les plus modernes,<br />

il n’y a de 13 e étage ; les constructeurs<br />

et /<strong>ou</strong> les PDG des entreprises qui y l<strong>ou</strong>ent des<br />

bureaux y croient-ils ? Croient-ils simplement que<br />

les autres y croient ? Le problème n’est pas là, il<br />

est dans le fait qu’il n’y a pas de 13 e étage dans<br />

les buildings américains. En France, par contre,<br />

dès qu’il y a un vendredi 13 au calendrier, la Loterie<br />

Nationale organise un tirage spécial : le nombre<br />

d’acheteurs en puissance qui voient dans le<br />

13 un nombre bénéfique, est donc suffisant p<strong>ou</strong>r<br />

justifier l’entreprise.<br />

Et puis il y a eu Apollo-13, le seul Apollo à ne pas<br />

avoir réussi à se poser sur la Lune. Parce que le<br />

13 porte vraiment malheur aux US ? Je suis un<br />

esprit pragmatique et si j’avais eu voix au chapitre,<br />

j’aurais suggéré à la NASA de passer directement<br />

du 12 au 14 : dans un pays où les immeubles<br />

prestigieux escamotent le 13, il était à prévoir que<br />

beauc<strong>ou</strong>p des <strong>ou</strong>vriers travaillant à l’assemblage<br />

9


10<br />

du matériel astronautique auraient la main moins<br />

assurée p<strong>ou</strong>r la construction du 13 e Apollo.<br />

Et enfin il y a v<strong>ou</strong>s, rationaliste que t<strong>ou</strong>te superstition<br />

exaspère. Que pensez-v<strong>ou</strong>s de ces superstitions<br />

?<br />

— Elles me font grincer des dents.<br />

— Merci, je ne v<strong>ou</strong>s le fais pas dire. Et c’est bien à<br />

cela que je v<strong>ou</strong>lais en venir : ce 13, qui n<strong>ou</strong>s met<br />

mal à l’aise sans que n<strong>ou</strong>s sachions p<strong>ou</strong>rquoi,<br />

comme un tab<strong>ou</strong> <strong>ou</strong>blié, a bien t<strong>ou</strong>tes les apparences<br />

d’un nombre « sacré ».<br />

II y a plus encore : p<strong>ou</strong>r autant que je sache, le 13<br />

n’évoque rien de remarquable p<strong>ou</strong>r les traditions<br />

autres que la judéo-chrétienne. Le 13 est donc<br />

bien, comme l’exige Sagan, un nombre sacré particulier<br />

à notre lignée judéo-chrétienne. Quel est la<br />

s<strong>ou</strong>rce de son sacre ?<br />

Commençons par les chrétiens.<br />

Le 13 est-il venu se plaquer, par quelque pur hasard,<br />

sur l’ensemble des croyances, <strong>ou</strong> a-t-il été<br />

transmis « ésotériquement » comme il convient à<br />

un nombre destiné à être « sacré » ?<br />

— Par le hasard, voyons ! Le 13 porte malheur,<br />

chacun sait ça, depuis la Cène : ils étaient 12 + 1<br />

à table, les 12 Apôtres, plus Jésus à qui ça n’a<br />

pas réussi.<br />

C’est là une de ces explications idiotes qui enchantent<br />

les positivistes dogmatiques et les illettrés.<br />

V<strong>ou</strong>s, qui n’êtes ni l’un ni l’autre, v<strong>ou</strong>s avez lu<br />

(<strong>ou</strong> v<strong>ou</strong>s allez v<strong>ou</strong>s hâter de lire) l’Evangile de<br />

Jean, au chapitre XIII (ah ! ces coïncidences, dans<br />

un texte qui se veut expressément ésotérique !).<br />

Au chapitre XIII de l’Evangile de Jean, n<strong>ou</strong>s lisons<br />

d’abord que Jésus savait parfaitement ce qui devait<br />

lui arriver à la fin du repas : il le dit au verset<br />

21, « l’un de v<strong>ou</strong>s me livrera ». Au verset 26, il<br />

précise qu’il sait t<strong>ou</strong>t, qu’il sera livré par « celui à<br />

qui je donnerai le morceau trempé » ; à la fin du<br />

même verset 26, il tend le morceau trempé à Judas.<br />

Chapitre XIII, verset 26 (2 X 13) ... dans un<br />

texte destiné à être lu et scruté par des amateurs<br />

d’ésotérisme, dans un texte de l’évangéliste qui<br />

n<strong>ou</strong>s a laissé ce chef-d’œuvre d’ésotérisme qu’est<br />

l’Apocalypse…<br />

Non, ce n’est pas plus l’effet du hasard que le<br />

signe de croix chez le catholique entrant dans une<br />

église, pas plus l’effet du hasard que l’index tendu<br />

par le franc-maçon. C’est un signe de reconnaissance<br />

ésotérique. (Ce n’est pas à v<strong>ou</strong>s, c’est au<br />

ricaneur qui lit par-dessus votre épaule que je le<br />

rappelle : il ne s’agit pas ici de s<strong>ou</strong>tenir que le 13 a<br />

bien raison de se croire sacré ; il s’agit simplement<br />

d’établir si les fondateurs du christianisme entendaient<br />

que leurs <strong>ou</strong>ailles le tiennent p<strong>ou</strong>r tel).<br />

L’objet du christianisme était-il de transmettre l’enseignement<br />

de Moïse s<strong>ou</strong>s une affabulation plus<br />

convaincante p<strong>ou</strong>r les f<strong>ou</strong>les, mieux apte à devenir<br />

« best-seller » que l’affabulation hébraïque qui,<br />

à la naissance de Jésus, n’avait pas convaincu<br />

grand monde, en dehors de la poignée de Judéens<br />

assidus à la synagogue ? Les Pâques chrétiennes<br />

commémorent la Passion (le Christ « sort<br />

de son corps terrestre ») ; est-ce pur hasard si<br />

elles tombent à la même époque que la Pâque<br />

juive, qui commémore la Sortie d’Egypte ? La<br />

Pentecôte chrétienne commémore la descente du<br />

Saint-Esprit sur les Apôtres ; est-ce pur hasard si<br />

elle concorde avec la Pentecôte juive, qui commémore<br />

la promulgation de la Loi sur le Sinaï<br />

(l’« esprit » descend sur Moïse) ? En va-t-il des<br />

« nombres sacrés » comme des fêtes carillonnées<br />

?<br />

Si mes essais précédents sont vos livres de chevet,<br />

je v<strong>ou</strong>s en congratule ; mais n<strong>ou</strong>s sommes en<br />

république, il faut penser aux personnes qui, usant<br />

de leur droit démocratique, ne les ont jamais lus,<br />

<strong>ou</strong> les ayant lus n’en ont gardé qu’un s<strong>ou</strong>venir<br />

embrumé ; à l’usage de ces personnes, je vais<br />

rabâcher un peu. L’hébreu, p<strong>ou</strong>r ceux qui « y<br />

croient », est la langue dans laquelle Moïse a reçu<br />

son enseignement, venu en droite ligne « du<br />

ciel » ; p<strong>ou</strong>r ceux qui « n’y croient pas » comme<br />

p<strong>ou</strong>r ceux qui « y croient », c’est une langue possédant<br />

une structure interne très étrange, et une<br />

caractéristique : chaque lettre de l’alphabet est<br />

également un chiffre (1 à 9 p<strong>ou</strong>r les neuf premières<br />

lettres ; 10 à 90 p<strong>ou</strong>r les neuf suivantes ; 100 à<br />

900 p<strong>ou</strong>r les quatre dernières et p<strong>ou</strong>r les cinq qui<br />

ont une graphie spéciale lorsqu’elles se tr<strong>ou</strong>vent à<br />

la fin d’un mot : « n » au milieu d’un mot vaut 50 ;<br />

à la fin d’un mot, « n » s’écrit autrement et vaut<br />

700). La d<strong>ou</strong>ble lecture n’est pas un cas particulier,<br />

c’est la règle : ehad, qui veut dire « un », s’écrit<br />

aleph, heith, daleth, gr<strong>ou</strong>pe de lettres qui, en<br />

valeur numérale, se lit... hé <strong>ou</strong>i, ça se lit « 13 ».<br />

Aleph, c’est 1 ; heith, c’est 8 ; daleth, c’est 4.<br />

Le Principe, que la Loi de Moïse interdit de prononcer,<br />

s’écrit en quatre lettres, qu’on rend généralement<br />

par YHWH. La principale « prière» des<br />

juifs dit : « Ec<strong>ou</strong>te, Israël : YHWH est éhad. » Que<br />

le Principe Éternel est Un, cela t<strong>ou</strong>t lecteur de<br />

Bible même traduite le sait ; quand on a des notions<br />

d’hébreu, on sait qu’YHWH est également<br />

13. Mais il ne se contente pas d’être à la fois Un et<br />

Treize, YHWH ! La valeur numérale des lettres qui<br />

en hébreu correspondent à YHWH est 26. YHWH<br />

est à la fois Unité, Treize et Vingt-Six, comme<br />

chez cet ésotériste de Jean l’Évangéliste. (Et l’Eternel<br />

est Lumière, je ne v<strong>ou</strong>s apprends rien).<br />

Pratiquez-v<strong>ou</strong>s le binaire ?<br />

Ce sacré 13, que Jean n<strong>ou</strong>s transmet en utilisant<br />

les clés mêmes de l’hébreu, est-il l’apanage<br />

de YHWH, <strong>ou</strong> constitue-t-il un « lien-religio »<br />

avec notre petite planète, cette Terre qui en<br />

hébreu s’appelle Eretz, ce qui s’écrit aleph.<br />

reisch, tsadésophit ? La valeur numérale d’éretz


est 1 101. 1 101. Si v<strong>ou</strong>s pratiquez le binaire,<br />

v<strong>ou</strong>s avez l’esprit fait à une gymnastique assez<br />

semblable à celle de l’hébreu : quand v<strong>ou</strong>s<br />

voyez écrit 1 101, v<strong>ou</strong>s lisez à la fois « onzecent-un<br />

et... hé <strong>ou</strong>i, v<strong>ou</strong>s lisez aussi « 13 ». En<br />

binaire, 13 s’écrit + +0+, <strong>ou</strong> encore 1101, <strong>ou</strong><br />

encore top, top, silence, top, <strong>ou</strong> encore II-l.<br />

Les Hébreux utilisaient-ils la numération binaire ?<br />

Non, bien sûr. Rien n’autorise même à imaginer<br />

qu’ils n’aient jamais eu l’idée d’une telle numération.<br />

Mais la Tradition hébraïque n’a pas d’autre<br />

prétention que de transmettre l’enseignement,<br />

venu du ciel, apporté par ces Elohim qui, s’ils<br />

étaient bien les cosmonautes-civilisateurs de mon<br />

hypothèse, utilisaient sans d<strong>ou</strong>te le binaire comme<br />

n<strong>ou</strong>s l’utilisons auj<strong>ou</strong>rd’hui : inutile quand on ne<br />

possède pas d’ordinateurs, le binaire s’impose dès<br />

qu’on en produit. Ce n’est pas gratuitement, de ma<br />

propre autorité, que je propose le binaire comme<br />

« langue interstellaire » : c’est en binaire que la<br />

fameuse plaque d’identification de Pionnier-10<br />

renseigne la civilisation qui p<strong>ou</strong>rrait la tr<strong>ou</strong>ver, sur<br />

notre système planétaire et sur n<strong>ou</strong>s-mêmes.<br />

Si les Elohim étaient bien ce que je propose, et<br />

s’ils entendaient transmettre le 13 comme nombre<br />

sacré aux hommes d’« auj<strong>ou</strong>rd’hui », il est normal<br />

qu’ils l’aient transmis à la fois en numération<br />

usuelle, de base 10, et en binaire.<br />

Qu’est-ce qu’« auj<strong>ou</strong>rd’hui » a de tellement remarquable,<br />

en dehors du fait que v<strong>ou</strong>s et moi y vivons<br />

? « Auj<strong>ou</strong>rd’hui » ce sont ces « temps messianiques<br />

» où l’homme « p<strong>ou</strong>rra ren<strong>ou</strong>veler les<br />

actes » attribués aux Elohim : voguer dans les airs<br />

et utiliser le binaire, notamment. Ah, <strong>ou</strong>i... j’<strong>ou</strong>bliais<br />

de v<strong>ou</strong>s dire ce que le 13 a de tellement<br />

particulier : Treize caractérise notre planète, dans<br />

le système solaire : le volume de la Terre est égal<br />

à 1/13.10 5 du volume du Soleil (1/113,01.10 5 p<strong>ou</strong>r<br />

être précis). Déterminer et comparer le volume du<br />

Soleil et celui de la Terre, cela exige une technologie<br />

hier encore inimaginable, à laquelle n<strong>ou</strong>s n’accédons<br />

qu’auj<strong>ou</strong>rd’hui, aux temps messianiques.<br />

Des microsecondes, il y a trois mille ans.<br />

P<strong>ou</strong>r déterminer, en secondes, la durée d’un heleq,<br />

les millièmes de seconde ne suffisent pas.<br />

P<strong>ou</strong>r v<strong>ou</strong>s éviter de chercher au début de l’article,<br />

le heleq, 76 e partie d’une rega qui est la 1 080 e<br />

partie d’une heure, vaut 0,043 739 893 3 seconde.<br />

En un heleq, la lumière parc<strong>ou</strong>rt un peu plus de<br />

13 000 000 mètres, n<strong>ou</strong>s verrons les précisions<br />

plus loin. (1)<br />

(1) La division de l’heure en « rega » et « heleq n’a<br />

rien d’ésotérique : c’est une information qu’on tr<strong>ou</strong>ve<br />

page 24 du « Manuel d’Instruction Religieuse<br />

Israélite» du grand-rabbin Deutsch (Editions de la<br />

Fondation Sefer,1961).<br />

Dessin extrait du Studium Biblicum Franciscanum<br />

de Jérusalem, où sont reprises les données<br />

f<strong>ou</strong>rnies par les divers textes de la Tora<br />

sur la cosmogonie des Hébreux. La Terre<br />

repose au milieu des eaux, s<strong>ou</strong>tenue par des<br />

colonnes. Le Soleil et la Lune émergent d’une<br />

tente aménagée dans les montagnes. Audessus,<br />

la Mer Céleste où demeure Yahvé ...<br />

On voit mal p<strong>ou</strong>rquoi ce peuple devait compter<br />

en millisecondes<br />

Ne n<strong>ou</strong>s emballons pas. La Nature ignore la perfection<br />

du cercle, elle ne sait faire que des ronds<br />

approximatifs. Si le rapport entre le volume de la<br />

Terre et celui du Soleil était exactement 13 fois<br />

une puissance de 10, ce serait une coïncidence,<br />

une étrangeté au même titre qu’une orbite exactement<br />

circulaire, <strong>ou</strong> que le synchronisme rig<strong>ou</strong>reux<br />

entre la rotation et la révolution de la Lune (qui, du<br />

fait de ce synchronisme, n<strong>ou</strong>s présente t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs la<br />

même face). Si la distance parc<strong>ou</strong>rue par la lumière<br />

en une fraction exacte d’une j<strong>ou</strong>rnée terrestre<br />

était exactement de 13 000 000 d’unités définies<br />

par rapport à la circonférence de la Terre, ce serait<br />

une étrangeté plus étrange encore, ce serait la<br />

preuve que notre planète constitue uns étrangeté<br />

dans l’univers, alors que n<strong>ou</strong>s sommes une forme<br />

de vie probablement banale, sur une planète certainement<br />

banale, dans un système planétaire qui<br />

comme t<strong>ou</strong>s les autres ignore la perfection du<br />

cercle et se contente d’approximations.<br />

Le problème, ici, est de savoir si la confrontation<br />

que je propose, entre deux approximations, est à<br />

mettre dans le même panier que les<br />

« ressemblances » dont se contentent les procès<br />

de sorcellerie. Il y a ressemblance et ressemblance.<br />

Une fillette a été agressée, des témoins ont vu<br />

11


12<br />

l’agresseur. S’ils décrivent un homme de taille<br />

moyenne, habillé comme v<strong>ou</strong>s et moi, très brun<br />

mais sans signes particuliers, il faut un chasseur<br />

de sorcières p<strong>ou</strong>r taper sur le premier Algérien<br />

venu. Mais si les témoins décrivent un agresseur<br />

improbable, un nain barbu, traînant une jambe de<br />

bois et vêtu de jaune, v<strong>ou</strong>s avez des raisons sérieuses<br />

de penser que v<strong>ou</strong>s tenez l’agresseur de<br />

la fillette si v<strong>ou</strong>s rencontrez un nain unijambiste et<br />

barbu ... même si, quand v<strong>ou</strong>s le rencontrez, il est<br />

vêtu de gris. Une unité de mesure comme le heleq,<br />

plus de vingt siècles avant que n’existent des<br />

horloges capables de mesurer des fractions de<br />

seconde, cela évoque davantage le cas du nain<br />

barbu que celui du brun sans signes particuliers.<br />

Et comme notre heleq improbable apparaît associé<br />

à la relation de volume Terre-Soleil, son cas<br />

mérite examen, non ?<br />

Diviser l’heure en 1 080, cela n’a rien d’anormal<br />

p<strong>ou</strong>r qui pratique les mesures anciennes : 1 080,<br />

c’est 3 x 360, et 360 était un nombre usuel chez<br />

les astronomes babyloniens. Mais chacune de ces<br />

rega de 1/1080 e d’heure, c’est par 76 que n<strong>ou</strong>s les<br />

tr<strong>ou</strong>vons divisées. Et 76, ce n’est pas du t<strong>ou</strong>t un<br />

nombre usuel chez les astronomes de l’Antiquité :<br />

quand on divise par 76, on sort des normes ; introduire<br />

un diviseur comme 76, c’est donner la preuve<br />

qu’on entendait obtenir un heleq ayant une<br />

valeur aussi approchée que possible de la valeur<br />

cherchée. (Si la rega avait été divisée en 72 heleq,<br />

les « normes » auraient été respectées, 72 étant<br />

le d<strong>ou</strong>ble d’un nombre « usuel », 36... mais le heleq<br />

n’aurait pas présenté de corrélation avec la<br />

vitesse de la lumière). L’étrangeté du heleq ne<br />

tient donc pas uniquement à la petitesse de l’unité<br />

de temps qu’il représente : le diviseur utilisé p<strong>ou</strong>r<br />

le déterminer est étrange aussi …<br />

Que p<strong>ou</strong>vaient-ils donc prétendre faire des microsecondes<br />

du heleq, les Hébreux ? Rien. Ils ne<br />

p<strong>ou</strong>vaient même pas les concevoir... et c’est exactement<br />

cela qu’ils en disent : le heleq, unité à mesurer<br />

le temps « de l’épaisseur d’un cheveu »,<br />

était expressément réservé à l’usage des Venusdu-ciel,<br />

des Elohim du texte hébreu. Le<br />

« Bereshith Rabba » est l’un des deux recueils<br />

fondamentaux des talmudistes, commentateurs de<br />

la Loi Ecrite (Bible) à la lumière de la Loi Orale<br />

(Kabale). En « Bereshith Rabba » X, 9 on lit :<br />

« (Les) Elohim seuls entrent dans le temps ;<br />

l’homme ne connaît ni les petites fractions du<br />

temps ni même les heures ; (les) Elohim, eux, y<br />

entrent de l’épaisseur d’un cheveu. »<br />

Si le heleq était exactement le temps que la lumière<br />

met à franchir exactement 13 000 000 (<strong>ou</strong><br />

mieux 13 010 000) mètres, je tiendrais la preuve<br />

incontestable étayant mon hypothèse. Mais je<br />

n’apporte qu’une présomption (je tiens un nain,<br />

barbu et unijambiste, mais il n’est pas vêtu de<br />

jaune). Une présomption de cet ordre, jointe à la<br />

présomption apportée par Blumrich (2), cela devient<br />

une présomption forte.<br />

Appendice p<strong>ou</strong>r amateurs de chiffres.<br />

Le mètre est une unité de mesure convenant à la<br />

morphologie de l’homme : il p<strong>ou</strong>rrait valoir 90 <strong>ou</strong><br />

110 centimètres, ce ne serait pas gênant. Une<br />

unité sérieusement plus c<strong>ou</strong>rte, telle l’ancien archine<br />

russe de 71 cm, apparaît trop c<strong>ou</strong>rte p<strong>ou</strong>r l’usage<br />

quotidien ; la toise française de 195 centimètres<br />

était par contre trop longue p<strong>ou</strong>r les drapiers,<br />

qui lui préféraient l’aune de 1,188 cm. Le yard<br />

anglais vaut 0,914 m. Lorsqu’en 1790 l’Assemblée<br />

Constituante confia à l’Académie des Sciences le<br />

soin d’établir une unité de longueur qui serait à la<br />

fois à la mesure de l’homme et reliée à la planète<br />

où n<strong>ou</strong>s vivons, l’Académie des Sciences chargea<br />

Méchain et Delambre de réaliser cela. Méchain et<br />

Delambre mesurèrent l’arc de méridien entre Dunkerque<br />

et Barcelone, firent une extrapolation et<br />

conclurent que le quart de méridien devait mesurer<br />

5 130 740 toises ; ce quart de méridien terrestre,<br />

ils le divisèrent en 10 000 000 de parties. Cette<br />

dix-millionième partie du quart de méridien,<br />

autrement dit ce quarante-millionième d’un méridien<br />

terrestre (approximatif), c’est le mètre. L’étalon<br />

du mètre ainsi défini se tr<strong>ou</strong>ve au Pavillon de<br />

Breteuil, à Sèvres. Le mètre est l’unité de longueur<br />

naturelle de notre planète. La précision ainsi obtenue<br />

suffit largement aux drapiers.<br />

L’heure, c’est par définition 3 600 secondes. Des<br />

heures, il y en a 24 par j<strong>ou</strong>r ... mais là, ça commence<br />

à accrocher. Il y a des j<strong>ou</strong>rs plus longs et<br />

des j<strong>ou</strong>rs plus c<strong>ou</strong>rts, selon l’endroit de son orbite<br />

elliptique où se tr<strong>ou</strong>ve la Terre... c’est la Loi de<br />

Képler. La différence n’est pas grande, bien sûr, et<br />

lorsqu’un comité scientifique français décida de<br />

définir la seconde non plus par rapport à l’heure,<br />

mais par rapport à un « j<strong>ou</strong>r moyen », à la définir<br />

comme « 1/86 400 d’un j<strong>ou</strong>r moyen », cette définition<br />

fut généralement acceptée. Mais cela se passait<br />

en 1820, époque où une unité de temps plus<br />

petite que la seconde était déjà concevable, mais<br />

moins nécessaire dans la pratique que ne l’est<br />

auj<strong>ou</strong>rd’hui la nano-seconde (le milliardième de<br />

seconde, unité de mesure p<strong>ou</strong>r ordinateurs).<br />

C’est en 1956 qu’une n<strong>ou</strong>velle définition, internationale,<br />

a été adoptée : la seconde n’est plus reliée<br />

à l’heure, ni à la j<strong>ou</strong>rnée ; elle est désormais<br />

définie comme 1/31 556 925,974 7 de l’année<br />

tropique. Pas de n’importe quelle année tropique<br />

(leur durée est insuffisamment stable) : de l’année<br />

(2) Josef F. Blumrich est cet ingénieur de la NASA<br />

qui s’est permis de reconstituer un char d’Ezéchiel<br />

capable de voler. (NDLR)


tropique qui avait commencé le 1er janvier 1900.<br />

Soyons précis jusqu’au b<strong>ou</strong>t : de l’année tropique<br />

qui a commencé le 1er janvier 1900 à midi.<br />

(L’année tropique est le temps que met le Soleil à<br />

aller d’un équinoxe de printemps au suivant.)<br />

P<strong>ou</strong>rquoi l’année 1900 plutôt qu’une autre ? La<br />

seule réponse à cette question est : « P<strong>ou</strong>rquoi<br />

une autre année, plutôt que 1900 ? » On avait<br />

besoin d’un étalon. L’année 1900 n’est ni plus ni<br />

moins arbitraire que l’arc de méridien entre Dunkerque<br />

et Barcelone. On a pris ce qu’on avait de<br />

plus commode s<strong>ou</strong>s la main.<br />

Cette seconde, il lui fallait évidemment un étalon,<br />

comme le mètre a son mètre-étalon en iridium, au<br />

Pavillon de Breteuil. En 1956, on avait justement<br />

ça s<strong>ou</strong>s la main : l’horloge atomique. Le principe<br />

de l’horloge atomique est simple, c’est celui d’une<br />

fable de La Fontaine, « L’aveugle et le paralytique<br />

». Un cristal de quartz f<strong>ou</strong>rnit le c<strong>ou</strong>rant (c’est<br />

l’aveugle assurant le m<strong>ou</strong>vement) ; la molécule de<br />

gaz ammoniac tient le rôle du paralytique qui guide,<br />

grâce à sa structure particulière : son atome<br />

d’azote se met en m<strong>ou</strong>vement quand on l’excite à<br />

la fréquence de 23 870 MHz, et ne b<strong>ou</strong>ge pas aux<br />

autres fréquences, même voisines. II suffit d’associer<br />

un cristal de quartz vibrant à 23 870 MHz à<br />

quelques molécules d’ammoniac... et on obtient<br />

une seconde précise à un cent-millionième. Un<br />

cent-millionième de seconde ? Ce n’était pas mal<br />

(encore qu’insuffisant p<strong>ou</strong>r déterminer un heleq).<br />

Ce n’était pas suffisant, et dès qu’on a eu mieux<br />

s<strong>ou</strong>s la main, on a abandonné l’ammoniac. Actuellement,<br />

les horloges atomiques sont régulées par<br />

des molécules de césium, ce qui assure une précision<br />

au dix-milliardième. Incidemment, avec une<br />

précision de cet ordre, on p<strong>ou</strong>rrait commencer à<br />

utiliser le heleq comme unité de mesure.<br />

Les civilisations confédérées de la Galaxie ont,<br />

bien probablement, une unité de temps et une<br />

unité de longueur définies par rapport à la vitesse<br />

de la lumière (constante de l’Univers), et choisies<br />

telles qu’en une unité de temps la lumière franchisse<br />

un nombre rond d’unités de longueur. A<br />

côté d’un tel système d’unités, les systèmes que<br />

n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons imaginer à partir de la durée du j<strong>ou</strong>r<br />

terrestre et de la circonférence de notre planète<br />

apparaîtront évidemment très folkloriques.<br />

Mais c’est justement de déterminer la s<strong>ou</strong>rce de<br />

notre folklore qu’il s’agit ici :<br />

― un nombre sacré du folklore hébreu concorde<br />

avec le rapport de volume entre la Terre et le<br />

Soleil ;<br />

― ce nombre sacré concorde aussi avec le nombre<br />

d’unités de longueur naturelles que la lumière<br />

franchit, en une unité de temps<br />

(hautement improbable) que n<strong>ou</strong>s transmet le<br />

même folklore hébreu.<br />

Sont-ce des coïncidences fortuites, accumulées ?<br />

Ne serait-ce pas plutôt la manifestation d’un nom-<br />

bre sacré, tel que le définit Sagan ?<br />

Et d’ailleurs la concordance, approximative à première<br />

vue, se précise dès que l’on définit avec<br />

quelque rigueur les unités employées. Maintenant<br />

que la seconde est définie non plus par rapport<br />

au « j<strong>ou</strong>r moyen » mais à l’année tropique 1900,<br />

la notion de « j<strong>ou</strong>r moyen » apparaît pataude. Les<br />

astronomes utilisent donc le « j<strong>ou</strong>r sidéral », invariable,<br />

dont en 1950 la durée était évaluée à<br />

86 164,099 5 secondes, et dont la « Connaissance<br />

des temps » (publiée t<strong>ou</strong>s les ans par le Bureau des<br />

Longitudes) fixe p<strong>ou</strong>r 1974 la durée à 86 164,090 6<br />

secondes seulement. (Non, le j<strong>ou</strong>r sidéral n’a pas<br />

racc<strong>ou</strong>rci de 8,9 millisecondes ; il a simplement<br />

été déterminé avec une précision meilleure<br />

qu’en 1950.)<br />

Voilà p<strong>ou</strong>r le temps, venons-en à l’unité de longueur.<br />

En 1790, compte tenu des moyens disponibles,<br />

c’était une entreprise téméraire de diviser la<br />

circonférence de la Terre en un nombre de parties<br />

tel que l’unité obtenue soit à la fois commode p<strong>ou</strong>r<br />

le drapier et satisfaisante p<strong>ou</strong>r l’esprit de ces hommes<br />

qui, à l’intérieur des loges maçonniques où<br />

s’élaborait la Révolution, s’affirmaient Initiés et<br />

héritiers d’un grand architecte humain dépositaire<br />

de l’enseignement du Grand Architecte de l’Univers.<br />

De l’intention à la réalisation, il peut y avoir<br />

loin : en 1790, p<strong>ou</strong>r mesurer les distances, on<br />

utilisait la r<strong>ou</strong>e de carrosse (la r<strong>ou</strong>e a fait tant de<br />

t<strong>ou</strong>rs, son diamètre étant connu on obtient une<br />

approximation de la distance parc<strong>ou</strong>rue). L’extraordinaire,<br />

c’est que la somme algébrique des<br />

erreurs en plus et en moins, tant p<strong>ou</strong>r les mesures<br />

directes à la r<strong>ou</strong>e de carrosse que p<strong>ou</strong>r les extrapolations,<br />

a été infime.<br />

N<strong>ou</strong>s, qui déterminons à quelques mètres près la<br />

distance Terre-Lune et disposons de satellites<br />

p<strong>ou</strong>r mesurer et photographier la Terre, n<strong>ou</strong>s savons<br />

que les méridiens ne sont pas égaux entre<br />

eux, que l’unité de longueur doit être raccrochée à<br />

la circonférence à l’équateur. Le rayon équatorial<br />

moyen a été déterminé : il vaut 6 378 135 mètres,<br />

avec une incertitude de 5 mètres en plus <strong>ou</strong> en<br />

moins. En prenant ce rayon moyen, on arrive au<br />

chiffre de 40 075 004,12 mètres p<strong>ou</strong>r la circonférence<br />

équatoriale de la Terre. C’est une approximation,<br />

mais on peut s’en contenter.<br />

Le cachet d’aspirine peut devenir utile.<br />

Reprenons les données de ce chapitre, calculatrice<br />

à dix chiffres à la main (encore une approximation),<br />

et le cachet d’aspirine à bonne portée. Le<br />

j<strong>ou</strong>r sidéral est estimé à 86 164,090 6 secondes.<br />

L’heure, que la Tradition hébraïque définit comme<br />

1/24 e du j<strong>ou</strong>r, vaut donc 3 590,170 442 secondes,<br />

la rega 3,324 231 891 secondes, et le heleq<br />

13


14<br />

0,043 739 893 3 seconde. La circonférence équatoriale<br />

étant de 40 075 004,12 mètres, l’unité de<br />

longueur spécifique de notre planète, 1/40 000<br />

000 e de ce chiffre, est donc un peu plus longue<br />

que le mètre, 1,001 685 103 mètre plus précisément.<br />

(P<strong>ou</strong>r éviter t<strong>ou</strong>te confusion, ce mètrerectifié,<br />

appelons-le terrine.) La vitesse de la lumière,<br />

299 792 456 mètres par seconde, est donc<br />

de 299 231 236,1 terrines/seconde.<br />

En un heleq, la lumière franchit 13 088 345,73<br />

terrines.<br />

Etait-il possible de faire transmettre par la Tradition<br />

une approximation meilleure ? J’ai pris le problème<br />

à l’envers, me mettant dans la peau de<br />

civilisateurs s’assignant p<strong>ou</strong>r tâche de laisser,<br />

avant de partir, un « nombre sacré » suffisamment<br />

simple p<strong>ou</strong>r sauter aux yeux d’une civilisation parvenue<br />

à maturité, suffisamment improbable p<strong>ou</strong>r<br />

ne pas être attribué au hasard. On part de données<br />

obligées, d’« impératifs catégoriques » :<br />

1) la vitesse de la lumière, constante universelle ;<br />

2) la nécessité d’une « caractérisation » de la Terre<br />

par rapport au Soleil, constante locale. Le problème<br />

consiste à j<strong>ou</strong>er sur les paramètres destinés<br />

à établir, entre ces deux constantes, une relation<br />

évidente : 1) une unité de longueur à la fois à<br />

2.<br />

LA SOI-DISANT<br />

CONSTANTE DE NINIVE<br />

« Qui possède la moyenne ?<br />

« Qu’il paraisse et qu’il le pr<strong>ou</strong>ve »<br />

Pascal<br />

195.955.200.000.000<br />

Soit cent quatre-vingt-quinze trillions neuf-cent<br />

cinquante-cinq milliards deux-cents millions ... De<br />

quoi ? De mètres, de litres, de grammes de pâte<br />

à jujube, de mille sabords ? Pas du t<strong>ou</strong>t, n<strong>ou</strong>s dit<br />

Maurice Chatelain dans son livre « Nos ancêtres<br />

venus du Cosmos » (1), ce nombre figure sur une<br />

tablette d’argile provenant de la bibliothèque d’Assurbanipal<br />

à Ninive, et ne peut être qu’une très<br />

longue période de temps exprimée en secondes...<br />

L’auteur arrive ensuite à la conclusion que ce<br />

nombre énorme représente la Grande Constante<br />

du système solaire et doit donc être un multiple<br />

exact de n’importe quelle période de révolution<br />

<strong>ou</strong> de conjonction de n’importe quelle planète,<br />

comète <strong>ou</strong> satellite du système solaire. Loin de<br />

s’arrêter en si bon chemin — n<strong>ou</strong>s ne sommes à<br />

cet instant qu’au début du livre — il tente de<br />

l’échelle humaine et reliée à la Terre ; 2) une unité<br />

de temps.<br />

La « caractérisation » de la Terre doit être, avec<br />

une approximation raisonnable, un nombre entier,<br />

si on veut le faire transmettre comme « sacré » ; le<br />

rapport de masse Terre/Soleil (1/332,8.10 8 ) ne<br />

satisfait pas à cette condition ; le rapport de volume<br />

(1/13,01.10 5 ) y satisfait pleinement. L’unité de<br />

longueur, n<strong>ou</strong>s venons de voir que le mètre (et<br />

mieux encore la « terrine »), relié à la fois à la<br />

Terre et au gabarit humain, n<strong>ou</strong>s l’impose. N<strong>ou</strong>s<br />

ne p<strong>ou</strong>vons donc j<strong>ou</strong>er que sur l’unité de temps.<br />

J’ai perdu le compte des combinaisons que j’ai<br />

essayées, p<strong>ou</strong>r subdiviser l’« heure », définie soit<br />

comme 1/20 e soit comme 1/24 e du j<strong>ou</strong>r. Je n’ai<br />

rien tr<strong>ou</strong>vé qui donne, entre la constante universelle<br />

et notre constante locale, une approximation<br />

meilleure que le heleq.<br />

Le heleq, unité de temps insaisissable à qui ne<br />

sait pas manier les microsecondes, un peuple<br />

nomade n<strong>ou</strong>s l’a transmis en précisant que c’était<br />

une unité réservée à l’usage des Elohim... que<br />

c’est un « nombre sacré ».<br />

© Jean Sendy et R. Laffont éd.,<br />

« Les temps messianiques ».<br />

démontrer que ce nombre fut calculé il y a environ<br />

65.000 ans et que, vu que l’homme de cette<br />

époque taillait à peine convenablement le silex,<br />

seuls des initiateurs venus d’Ailleurs ont été capables<br />

d’enseigner un tel nombre à ceux dont les<br />

s<strong>ou</strong>rcils épais et le front fuyant ne cachaient pas<br />

qu’un regard bovin. Je ne peux pas v<strong>ou</strong>s cacher<br />

que ce nombre m’a intrigué. Je n’ai cependant<br />

pas à ma disposition les instruments de calcul de<br />

l’auteur, spécialiste des communications spatiales<br />

à la NASA, ni le matériel astronomique dont il<br />

a pu disposer. Je connais les dangers de la numérologie<br />

qui retr<strong>ou</strong>ve t<strong>ou</strong>t dans n’importe quoi,<br />

et je pense qu’à partir du moment où l’on fait<br />

(1) Maurice Chatelain : « Nos ancêtres venus du<br />

Cosmos », Robert Laffont éd., 1975.


intervenir des données telles que les périodes de<br />

révolution et de conjonction des planètes, les<br />

périodes de cycles lunaires, solaires et autres,<br />

s<strong>ou</strong>s forme d’impressionnantes séries de chiffres,<br />

seul un astronome averti p<strong>ou</strong>rrait émettre un avis<br />

valable. Quoique assez dubitatif à propos de la<br />

thèse de l’auteur, je ne pr<strong>ou</strong>verai rien dans cet<br />

article, qui n’est qu’une sorte d’enquête, une tentative<br />

de remonter une filière qui n<strong>ou</strong>s conduira à<br />

Ninive. Et, selon une démarche chère à Jean<br />

Sendy, j’avertirai le lecteur qu’il n’y tr<strong>ou</strong>vera aucune<br />

révélation, que je me garderai bien de prendre<br />

position, et qu’il sera assez question de chiffres ;<br />

si cela ne le tente pas, il suffira alors de sauter<br />

quelques pages …<br />

L’art de la numérologie.<br />

L’enquête débute à la page 43 de l’<strong>ou</strong>vrage de<br />

Maurice Chatelain. On y apprend que<br />

195.955.200.000.000 (s’il s’agit de secondes)<br />

représentent 3.265.920.000.000 minutes, soit<br />

54.432.000.000 heures, <strong>ou</strong> encore 2.268.000.000<br />

j<strong>ou</strong>rs de 86.400 secondes donc. L’auteur précise<br />

que les Sumériens connaissaient le phénomène<br />

de précession des équinoxes, qui fait t<strong>ou</strong>rner<br />

l’axe de rotation de la Terre aut<strong>ou</strong>r du pôle de<br />

l’écliptique en environ 26.000 ans. En 9.450.000<br />

j<strong>ou</strong>rs exactement, aj<strong>ou</strong>te-t-il. Et une ligne plus bas<br />

de dire : « C’est alors que j’eus le choc de ma vie.<br />

Je déc<strong>ou</strong>vris que 2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs représentaient<br />

très exactement 240 cycles de précession<br />

des équinoxes de 9.450.000 j<strong>ou</strong>rs chacun ... mais<br />

exprimés en secondes de temps... . Il y a en effet<br />

de quoi être étonné. Mais cela ne fonctionne qu’à<br />

une seule condition, qui est ce choix de 9.450.000<br />

j<strong>ou</strong>rs p<strong>ou</strong>r la durée de cette période de rotation.<br />

Ce qui représente 25.873 ans en années tropiques<br />

de 365,242 199 j<strong>ou</strong>rs, chiffre considéré par<br />

les astronomes, comme le dit d’ailleurs l’auteur un<br />

peu plus loin. On admet bien sûr conventionnellement<br />

le nombre de 26.000 ans, car finalement, il<br />

est impossible à préciser définitivement. On admet<br />

aussi 25.920, soit 27 x 360, la précession se<br />

déplaçant d’un degré t<strong>ou</strong>s les 72 ans. En recommençant<br />

le calcul sur cette base de 25.920 ans,<br />

j’arrive à une différence de quatre millions de<br />

j<strong>ou</strong>rs. Bien, mais cela ne me dit t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs pas<br />

p<strong>ou</strong>rquoi la notion de 240 cycles de précession lui<br />

a donné le choc de sa vie ... Faisant intervenir<br />

plus loin la précision des horloges à césium p<strong>ou</strong>r<br />

confirmer sa thèse, je me demande alors si en<br />

parlant de j<strong>ou</strong>rs de 86.400 secondes, il ne faudrait<br />

pas plutôt à l’auteur envisager le j<strong>ou</strong>r sidéral<br />

de 86.164 secondes déterminé par les mêmes<br />

horloges ; évidemment,<br />

195.955.200.000.000 secondes signifieraient<br />

alors 2.274.211.970 j<strong>ou</strong>rs et non plus<br />

2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs, ce qui ne fait plus non plus<br />

240 cycles de précession des équinoxes.<br />

Mais p<strong>ou</strong>rsuivons. Page 45 : « ... si on divise<br />

2.268.000.000 par 365,2422 on obtient le nombre<br />

de 6.209.578 années tropiques, ce qui vérifie la<br />

validité de la constante ... ». J’av<strong>ou</strong>e ne pas bien<br />

comprendre cette dernière phrase. Et de continuer<br />

: « si on divise maintenant 2.268.000.000<br />

par ce nombre de 6.209.578, on obtient<br />

365,242211 j<strong>ou</strong>rs, alors que les astronomes professionnels<br />

emploient généralement le chiffre de<br />

365,242199 p<strong>ou</strong>r la durée de l’année tropique.<br />

Cela ne fait donc qu’une différence de 0,000012<br />

j<strong>ou</strong>rs par an, soit 1,0368 secondes par an. Des<br />

observations récentes ayant démontré que l’année<br />

tropique diminuait en moyenne de 0,000016<br />

secondes par an, les horloges astronomiques au<br />

césium doivent donc être remises à l’heure de<br />

temps en temps ». Maurice Chatelain, puisqu’il<br />

estime que la constante fut calculée il y a des<br />

milliers d’années, avance qu’il est possible d’en<br />

déterminer la date exacte, en divisant la différence<br />

actuelle de 1,0368 secondes, par le taux de<br />

diminution de 0,000016 secondes par an ; c’est<br />

ainsi que la constante fut calculée il y a précisément<br />

64.800 ans .. C.Q.V.D.C. ! (Ce que v<strong>ou</strong>lait<br />

démontrer Chatelain). Cette date l’arrange particulièrement<br />

bien p<strong>ou</strong>r la suite du livre.<br />

Page 48 : « En examinant la table des périodes<br />

de révolution et de conjonctions, (voir fin du livre)<br />

on s’aperçoit que les nombres de conjonctions<br />

entre planètes, qui se produisent en<br />

2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs sont t<strong>ou</strong>s des multiples presque<br />

exacts du nombre 671 »... Ce presque exacts<br />

m’ennuie un peu ; mais d’où sort ce chiffre ? Réponse<br />

: « Je l’ai déc<strong>ou</strong>vert par hasard et t<strong>ou</strong>t ce<br />

que je sais c’est que si on le multiplie par<br />

3.380.000 on obtient la constante de Ninive » ...<br />

Erreur, cela fait 2.267.980.000 et non pas<br />

2.268.000.000 ! Mais n<strong>ou</strong>s ne sommes sans d<strong>ou</strong>te<br />

pas à 20.000 j<strong>ou</strong>rs près... T<strong>ou</strong>tes ces périodes<br />

étant presque exactes, on p<strong>ou</strong>rrait répéter l’expérience<br />

avec d’autres nombres ; ainsi je choisis par<br />

exemple 176 et cela fonctionne aussi. Presque.<br />

Et si v<strong>ou</strong>s me demandez d’où sort ce nombre, je<br />

v<strong>ou</strong>s répondrai que je n’en sais rien, mais que si<br />

on le multiplie par 12.886.363 on obtient la constante,<br />

et à seulement 112 j<strong>ou</strong>rs près, s’il v<strong>ou</strong>s<br />

plait ! Ce qui est déjà mieux qu’à 20.000 j<strong>ou</strong>rs<br />

près. Plus loin, on apprend aussi que la constante<br />

de Ninive représenterait 25.000 révolutions sidérales<br />

de Pluton, que la comète de Halley fait<br />

exactement 81.000 révolutions en 2.268.000.000<br />

j<strong>ou</strong>rs, et que lors de la première phase de construction<br />

de la pyramide tronquée de Saqqarah, les<br />

sept-huitièmes du volume final représentaient<br />

dans notre système métrique, très exactement<br />

2.268.000.000 mètres cubes ! ... Et ce n’est pas<br />

t<strong>ou</strong>t : la longueur du coffre de granit de la chambre<br />

du roi est exactement de 2 268 millimètres...<br />

et encore, aj<strong>ou</strong>te l’auteur, le volume de la pyramide<br />

en c<strong>ou</strong>dées-cubes multiplié par 126, représente<br />

2.268.000.000 de c<strong>ou</strong>dées-cubes... Une fois de<br />

15


16<br />

plus, d’où sort ce nombre 126 ? L’auteur précise<br />

« qu’il a sans d<strong>ou</strong>te un sens sacré » ! Une quantité<br />

d’autres rapports sont encore établis t<strong>ou</strong>t au<br />

c<strong>ou</strong>rs de l’<strong>ou</strong>vrage, dont je laisserai au lecteur le<br />

soin de juger de leurs fondements. Ce qui me<br />

préoccupe ici est l’origine de ce nombre, oseraisje<br />

dire, astronomique.<br />

Sur les traces de la Science Sacrée<br />

des Chaldéens.<br />

Un nombre de quinze chiffres n’est pas une chose<br />

c<strong>ou</strong>rante à l’aube de l’Histoire, aussi aurais-je<br />

s<strong>ou</strong>haité plus de détails à son sujet. Hélas, à ce<br />

niveau les références font cruellement défaut.<br />

Maurice Chatelain n<strong>ou</strong>s dit seulement, à la page<br />

42 : « Parmi les tablettes déchiffrées par Smith, il<br />

y en avait des quantités qui ne portaient que des<br />

chiffres, qui avaient l’air de représenter des calculs<br />

compliqués, mais en 1875, comme maintenant<br />

d’ailleurs, les archéologues n’étaient pas<br />

portés sur les chiffres. Les tablettes furent donc<br />

soigneusement classées et <strong>ou</strong>bliées. Ce n’est<br />

que très récemment, et je n’ai pas encore réussi à<br />

savoir comment ni quand, que ces tablettes furent<br />

étudiées à n<strong>ou</strong>veau, et que leur traduction fut<br />

publiée (voir référence 6). II y avait en particulier<br />

un nombre énorme de quinze chiffres de notre<br />

système décimal actuel, 195.955.200.000.000<br />

soit près de 200 millions de millions, plus que la<br />

distance de la Terre au Soleil si l’on avait l’idée<br />

bizarre de l’exprimer en millimètres. De nombreux<br />

spécialistes de différents pays avaient essayé en<br />

vain de déc<strong>ou</strong>vrir ce qu’un nombre aussi fantastique<br />

p<strong>ou</strong>vait avoir signifié p<strong>ou</strong>r les Assyriens qui<br />

vivaient à Ninive il y a près de 3000 ans… » La<br />

référence 6 n<strong>ou</strong>s renvoie en fin du livre, à l’<strong>ou</strong>vrage<br />

de Constance Irwin « Fair Gods and Stone<br />

Face ». J’ignore ce qui est dit dans ce livre, car il<br />

est malheureusement épuisé et intr<strong>ou</strong>vable malgré<br />

plusieurs tentatives. Mais je suppose qu’il<br />

n’apprend rien de précis, sans quoi Maurice Chatelain<br />

eût été plus explicite. On a un peu l’impression<br />

que le nombre de quinze chiffres fut déchiffré<br />

par Smith ; il n’en est rien, n<strong>ou</strong>s en reparlerons<br />

plus loin. Quant aux nombreux spécialistes de<br />

différents pays, je regrette le fl<strong>ou</strong> nébuleux. En<br />

début de la page 43 : « J’avais déc<strong>ou</strong>vert l’existence<br />

de ce nombre en 1955, peu après mon arrivée<br />

en Californie, dans un livre qui venait d’être<br />

publié (voir référence 7) ... » Cette référence n<strong>ou</strong>s<br />

cite « Des dieux, des tombeaux, des savants » de<br />

C.W. Ceram. Voilà qui va n<strong>ou</strong>s éclairer...<br />

2) « Les Grecs, par exemple, estimaient encore que<br />

le nombre 10.000 était une « vaste agglomération<br />

impossible à compter ». Et ce n’est guère avant le<br />

XIX e siècle que le concept du million s’est répandu<br />

en Occident ! ». C.W. Ceram Des dieux, des tombeaux,<br />

des savants ».<br />

Ceram, <strong>ou</strong>vre-toi ! Mais il ne se passa rien, car<br />

cet auteur se contente de mentionner le nombre<br />

mystérieux sans en donner la moindre référence.<br />

Je commençai à la tr<strong>ou</strong>ver mauvaise car si un tel<br />

nombre existe bel et bien dans des textes cunéiformes,<br />

il ne me paraît pas vain d’en donner la<br />

s<strong>ou</strong>rce. J’ai donc passé des heures à compulser<br />

des <strong>ou</strong>vrages d’assyriologie dont je t<strong>ou</strong>rnais les<br />

pages une à une, ne sachant pas du t<strong>ou</strong>t où p<strong>ou</strong>vait<br />

se terrer ce nombre. Puis, j’en vins à maudire<br />

Chatelain et sa Grande Constante, me disant qu’il<br />

aurait bien pu indiquer le numéro de la tablette<br />

d’argile portant l’objet du litige, surt<strong>ou</strong>t si l’on sait<br />

qu’un total d’environ 80.000 tablettes furent exhumées<br />

à Nippur et à Kuyundjik ! S<strong>ou</strong>dain, mon<br />

regard fut accroché par une longue suite de chiffres<br />

: 195.955.200.000.000. Eureka !<br />

J’étais à cet instant à la page 27, dans le chapitre<br />

des notes et des références, d’un livre d’Otto<br />

Neugebauer (un des papes de l’assyriologie)<br />

« The Exact Sciences in Antiquity ». Il y est<br />

question des difficultés et des dangers de mauvaises<br />

interprétations des textes cunéiformes,<br />

plus particulièrement dans le domaine des mathématiques<br />

et de l’astronomie, où de surplus<br />

v<strong>ou</strong>s guettent les pièges subtils du système de<br />

calcul sexagésimal.<br />

Lisez-v<strong>ou</strong>s le sexagésimal ?<br />

Quelques mots à ce propos sont indispensables<br />

avant de p<strong>ou</strong>rsuivre notre enquête. Du système<br />

sexagésimal, dont l’invention est attribuée aux<br />

Sumériens fondateurs de l’antique civilisation de<br />

Nippur et de Ur (voir KADATH n° 11 page 14), il<br />

ne n<strong>ou</strong>s reste que la division du cercle en 360°,<br />

la mesure des angles en degrés, minutes, secondes<br />

et du temps en heures, minutes, secondes,<br />

que n<strong>ou</strong>s ont transmis les Grecs. A l’origine<br />

la numérotation fut d’abord à la fois décimale<br />

et sexagésimale. A Sumer, on commença à<br />

compter sur les dix doigts : d’abord de 1 à 5, puis<br />

de 5 à 10 en faisant 5 et 1, 5 et 2, 5 et 3, etc...<br />

Au-delà de 10, on indiquait 10 et 1, 10 et 2 ...<br />

jusqu’à 10 deux fois, 10 trois fois, et ainsi de suite<br />

jusqu’à 60 qui était l’Unité Supérieure. A partir de<br />

60 (écrit avec le même symbole que 1) les nombres<br />

étaient à n<strong>ou</strong>veau exprimés 60 et 10, 60 et<br />

20 ... Ce furent les Akkadiens (sémites qui dominèrent<br />

les Sumériens), qui introduisirent dans la<br />

numérotation les nombres 100 et 1000, en faisant<br />

suivre l’unité de me (signifiant cent) p<strong>ou</strong>r écrire<br />

100, et de lim (signifiant mille) p<strong>ou</strong>r écrire 1000. II<br />

s’agit donc d’un système sexagésimal mixte puisqu’il<br />

comporte la dizaine, et qui semble issu du<br />

croisement du nombre 10 et du nombre 6<br />

(divisible par 2 et par 3). Avec seulement deux<br />

éléments, un cl<strong>ou</strong> vertical (p<strong>ou</strong>vant exprimer une<br />

puissance positive <strong>ou</strong> négative de 60) et avec un<br />

chevron (dérivé de l’arc de cercle déformé) exprimant<br />

10 (une collection de 10 fois une unité), on<br />

écrira donc t<strong>ou</strong>s les nombres.


Lion et tablette de fondation, en provenance de<br />

Subartu dans le nord de la Mésopotamie. Elle date<br />

de la période akkadienne de Sargon, roi de Ninive<br />

vers —2400 (figuré en c<strong>ou</strong>verture). Bronze et<br />

pierre, 12 x 8 cm., Musée du L<strong>ou</strong>vre.<br />

L’assyriologue Thureau-Dangin qui mit en évidence<br />

ce caracère hybride du système sexagésimal<br />

écrivait : « L’ordre de grandeur des chiffres<br />

est exprimé par leur position : par exemple 123<br />

dans le système décimal est 123 : une centaine,<br />

deux dizaines et trois unités. La même suite de<br />

chiffres dans le système sexagésimal indique<br />

une fois 60 2 , plus deux fois 60, plus 3 unités,<br />

donc : 3663. Les Babyloniens réservèrent aux<br />

textes mathématiques le système sexagésimal<br />

qu’ils avaient inventé et qui était donc un système<br />

mixte, utilisant des symboles dix et un (le<br />

chevron et le cl<strong>ou</strong> vertical) p<strong>ou</strong>r indiquer chaque<br />

sexagésimale allant de 0 à 59. En procédant ainsi,<br />

les Sumériens ont évité l’introduction de 59<br />

symboles différents de zéro p<strong>ou</strong>r lequel on n’avait<br />

pas de signe spécial ». Ce calcul dit savant,<br />

apparu à une époque difficile à déterminer, était<br />

enseigné dans des écoles spécialisées. La base<br />

de ce système est donc une numération positionnelle,<br />

c’est-à-dire que seule la position relative du<br />

chiffre fixe la grandeur relative des unités d’ordres<br />

différents ; la grandeur absolue n’est pas indiquée<br />

et le zéro n’est employé qu’en position médiale.<br />

Voici deux exemples de ce calcul savant :<br />

1) soit le nombre qui se lirait 3 (dans le<br />

système comptable ordinaire) et qui devient<br />

dans le système sexagésimal : 3661 ; soit<br />

3600 + 60 + 1 ; le chiffre de gauche valant<br />

60 fois le chiffre suivant et celui-ci 60 fois le<br />

chiffre de droite.<br />

2) soit le nombre qui p<strong>ou</strong>rrait avoir<br />

non pas une seule solution, mais trois extrêm<br />

e m e n t d i f f é r e n t e s :<br />

soit (1 x 60 3 ) + (20 x 60 2 ) + 60 + 1 = 288.061<br />

soit (1 x 60 2 ) + (21 x 60) + 1 = 4961<br />

soit (1 x 60) + 22 = 82<br />

Dans le cas du second exemple, de telles ambiguïtés<br />

donnant naissance à plusieurs solutions<br />

possibles, ne p<strong>ou</strong>rraient être résolues que par le<br />

contexte (par exemple, les propres données du<br />

problème) <strong>ou</strong> par le commentaire oral du maître<br />

qui f<strong>ou</strong>rnirait les précisions. Il est dès lors aisé de<br />

comprendre le degré d’erreur possible dans le<br />

cas où les directives de lecture viendraient à<br />

manquer. Une telle abstraction dans ce système<br />

de position sexagésimale fit d’ailleurs songer à<br />

Thureau-Dangin à un hermétisme volontaire garantissant<br />

aux scribes et aux prêtres l’inviolabilité<br />

de certains textes.<br />

Otto Neugebauer, qui est un grand spécialiste<br />

des mathématiques et de l’astronomie babyloniennes,<br />

attire l’attention sur les erreurs très fréquentes<br />

qui se produisent justement lorsqu’il y a<br />

ce manque de contexte, qui est primordial p<strong>ou</strong>r le<br />

juste déchiffrement. Voici quelques exemples :<br />

1) le nombre 1,12 qui apparait dans un ancien<br />

texte babylonien est retranscrit comme suit :<br />

4 mille 3 cent et 20, ce qui est en fait l’équivalent<br />

de 1,12,0. N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons interpréter 1,12<br />

comme 1,12,0 = 4320 <strong>ou</strong> comme 1,12 = 72 <strong>ou</strong><br />

encore comme 1,12 = 1 1/5 etc…<br />

2) des écritures avec des combinaisons mixtes<br />

sont également c<strong>ou</strong>rantes telle celle-ci provenant<br />

d’un texte astronomique : 1 me 1,30 me<br />

signifiant 190 j<strong>ou</strong>rs. Ici, 1 me signifie<br />

« 1 cent » (me étant l’abréviation du mot babylonien<br />

p<strong>ou</strong>r 100), tandis que 1,30 est la transcription<br />

sexagésimale p<strong>ou</strong>r 90, et le dernier me<br />

signifie maintenant « j<strong>ou</strong>r » et non plus 100,<br />

comme juste avant. Cela, c’est uniquement le<br />

contexte qui n<strong>ou</strong>s l’apprend.<br />

3) la notation elle-même des caractères babyloniens<br />

peut s<strong>ou</strong>vent induire en erreur ; par<br />

exemple dans le cas d’un chevron suivi de<br />

deux cl<strong>ou</strong>s verticaux qui se liraient soit 10,2<br />

soit 12, en fonction de l’espace qui sépare le<br />

premier signe des autres. II peut aussi arriver<br />

que la combinaison des dizaines et des unités<br />

soit d<strong>ou</strong>teuse car complètement scindée ; par<br />

exemple p<strong>ou</strong>r le nombre 56, ce qui exprime<br />

50 se tr<strong>ou</strong>ve à la fin d’une ligne et la valeur de<br />

6 se tr<strong>ou</strong>ve en-dess<strong>ou</strong>s, au début de la ligne<br />

suivante.<br />

17


18<br />

Le fragment K 2069.<br />

Etant à présent nantis de quelques notions fondamentales<br />

n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons ret<strong>ou</strong>rner à nos m<strong>ou</strong>tons<br />

et au nombre de quinze chiffres miraculeusement<br />

retr<strong>ou</strong>vé dans le texte d’Otto Neugebauer, où il<br />

dit : « L’absence de notations déterminant la valeur<br />

absolue d’un nombre rend possible la mauvaise<br />

interprétation de simples tables de multiplication.<br />

Lorsqu’en 1906 Hilprecht publia un volume<br />

intitulé « Tablettes mathématiques, métrologiques<br />

et chronologiques de la Bibliothèque du<br />

Temple de Nippur », il était convaincu que ces<br />

écrits étaient en relation avec la doctrine des<br />

nombres mystiques de Platon. Dans le Livre VIII<br />

de « La République », Platon donne quelques règles<br />

cabalistiques que les gardiens de sa communauté<br />

dictatoriale manipulaient p<strong>ou</strong>r décider des<br />

mariages et des unions opportuns. Au moyen de<br />

certains artifices, les principes de Platon furent associés<br />

avec les nombres déc<strong>ou</strong>verts sur les tablettes.<br />

Ainsi 1,10 (c’est-à-dire 70, <strong>ou</strong> 1 1/6 etc...) fut<br />

interprété comme ayant la valeur de<br />

195.955.200.000.000 et t<strong>ou</strong>te une série de tablettes<br />

furent transcrites et expliquées de la sorte ». …<br />

Voilà un détail que j’eus aimé tr<strong>ou</strong>ver dans le<br />

livre de Maurice Chatelain. Ce n’est donc pas<br />

Smith qui fut à l’origine de ce nombre, mais<br />

bien H.V. Hilprecht, l’assyriologue allemand, un<br />

bien curieux personnage sur lequel je me suis<br />

penché. Il est vrai que le pauvre Smith n’aurait<br />

jamais eu assez de sa vie t<strong>ou</strong>t entière p<strong>ou</strong>r déchiffrer<br />

t<strong>ou</strong>tes les tablettes exhumées. On estime<br />

auj<strong>ou</strong>rd’hui, qu’environ un quart des documents<br />

ont été traduits. II ne reste donc plus que<br />

quelque 50.000 tablettes !<br />

Les premières déc<strong>ou</strong>vertes de Paul-Emile Botta<br />

inaugurent les f<strong>ou</strong>illes en Mésopotamie, en 1852.<br />

On creuse à Kuyundjik et à Khorsabad. Puis,<br />

Austen Henry Layard, à Kalakh, Nimrud et Kujundjik,<br />

déc<strong>ou</strong>vre p<strong>ou</strong>r la première fois l’existence<br />

de tablettes d’argiles inscrites. Les n<strong>ou</strong>velles salles<br />

d’assyriologie se remplissent de trésors, au<br />

L<strong>ou</strong>vre et au British Museum. Plus tard, Henry C.<br />

Rawlinson et John Smith décryptent ; Hormuzd<br />

Rassam f<strong>ou</strong>ille ; Willem Loftus et Fraser explorent.<br />

La mémorable Expédition Scientifique Française<br />

de Mésopotamie, s<strong>ou</strong>s la direction de Fulgence<br />

Fresnel, met fin en 1857 à la première<br />

grande période. La seconde débutera vingt ans<br />

plus tard et s’<strong>ou</strong>vre par les travaux d’Ernest de<br />

Sarzec à Tello. Plus de 30.000 tablettes sont<br />

d’ailleurs volées par des pillards qui les éc<strong>ou</strong>lent<br />

sur le marché de Bagdad. En 1889 enfin, la Babylonian<br />

Exploration Fund et l’Université de Pennsylvanie<br />

délèguent la première mission américaine<br />

qui f<strong>ou</strong>illa Nippur. Quatre campagnes furent<br />

menées jusqu’en 1900, s<strong>ou</strong>s la direction de John<br />

Peters puis s<strong>ou</strong>s celle de H.V. Hilprecht. C’est à<br />

Hilprecht que l’on doit, entre autres, les travaux et<br />

la publication de ceux-ci sur la ziggurat et le temple<br />

de E-Kur d’Enlil. Une grande rivalité opposant<br />

Peters et Hilprecht, et de mauvaises conditions<br />

de travail laissent un s<strong>ou</strong>venir amer de ces campagnes.<br />

Le pauvre Hilprecht dut un j<strong>ou</strong>r assister,<br />

impuissant, à l’incendie de son camp à Nippur par<br />

des pillards béd<strong>ou</strong>ins. Joseph Blumroch, pardon,<br />

Jacques Bergier, raconte qu’Hilprecht voyait en<br />

rêve les endroits où f<strong>ou</strong>iller, et le lendemain, il<br />

déc<strong>ou</strong>vrait. B<strong>ou</strong>tade, vérité ? Ce n’était cependant<br />

pas n’importe qui, mais il semble être complètement<br />

délaissé par les assyriologues modernes.<br />

II n’est que très rarement cité et l’une des<br />

seules références se rapportant à lui, provient<br />

d’Otto Neugebauer ; je v<strong>ou</strong>s l’ai traduite plus<br />

haut. Est-ce à dire qu’Hilprecht est auj<strong>ou</strong>rd’hui<br />

considéré comme un joyeux plaisantin qui est


tombé pieds joints dans les pièges tendus par les<br />

complexités du système sexagésimal ? Quoi qu’il<br />

en soit, il est bien le déc<strong>ou</strong>vreur du nombre<br />

195.955.200.000.000, dont il parle en détail à la<br />

page 26 de son livre qui traite des tablettes de la<br />

Bibliothèque du Temple de Nippur. II n<strong>ou</strong>s donne<br />

même le numéro de la tablette qui le porte : elle<br />

se tr<strong>ou</strong>ve recensée s<strong>ou</strong>s la dénomination K 2069<br />

dans le catalogue général de la collection des<br />

tablettes de Kuyundjik au British Museum, dressé<br />

par C. Bezold en 1889. Un nombre de quinze<br />

chiffres se tr<strong>ou</strong>ve-t-il réellement inscrit sur le fragment<br />

K 2069 <strong>ou</strong> sort-il t<strong>ou</strong>t droit de l’imagination<br />

d’Hilprecht ? Signifie-t-il simplement 1,10 <strong>ou</strong> 70<br />

comme le prétend Neugebauer ? Ec<strong>ou</strong>tons<br />

Hilprecht.<br />

Il est d’abord question de quatre tablettes mathématiques<br />

dénommées n° 20 verso, n° 21 verso,<br />

n° 22 recto et n° 24 verso, provenant de Nippur.<br />

Elles sont fragmentaires, mais une étude comparative<br />

des quatre permet de restaurer entièrement<br />

leur texte qui est d’ailleurs quasiment identique.<br />

Ce texte serait une table de division, contenant<br />

les diviseurs de 12.960.000 jusqu’à 72, dans une<br />

série croissante (les nombres de gauche) avec<br />

leur quotient correspondant dans une série décroissante<br />

(les nombres de droite) :<br />

1 ………….. 8.640.000 A-AN<br />

(l’idéogramme A-AN caractérise le quotient)<br />

2 ………….. 6.480.000<br />

3 ………….. 4.320.000<br />

etc...<br />

6 ………….. 2.160.000<br />

etc...<br />

10 ………… 1.296.000<br />

etc...<br />

18 ………… 720.000<br />

etc...<br />

36 ………… 360.000<br />

etc...<br />

60 ………… 216.000<br />

etc...<br />

72 ………… 180.000<br />

En fait, la première ligne doit se lire : les 2/3 de<br />

12.960.000 = 8.640.000 ; la seconde : 1/2 de<br />

12.960.000 = 6.480.000 etc... Hilprecht aj<strong>ou</strong>te<br />

qu’il est certain de sa traduction car il a déc<strong>ou</strong>vert<br />

des preuves de bonne interprétation sur les autres<br />

tablettes où figurent notamment les idéogrammes<br />

équivalents à notre signe « : » (soit à<br />

diviser par) et, correctement placés, ils ne permettent<br />

pas le d<strong>ou</strong>te. Par exemple, sur la tablette<br />

n° 22 recto :<br />

ligne 3 : IGI 3 GAL BI = 4.320.000<br />

le nombre placé entre IGI et GAL exprime le<br />

dénominateur, et l’idéogramme BI signifie en<br />

réalité un article du genre « le » <strong>ou</strong> un adverbe<br />

comme «çà» et qui exprime donc le nombre à<br />

diviser, soit ici 12.960.000. On doit donc traduire<br />

la ligne ainsi : « çà » (12.960.000) à diviser<br />

par 3 = 4.320.000.<br />

Outre ces tables de division de la Bibliothèque du<br />

Temple de Nippur qui sont donc t<strong>ou</strong>tes basées<br />

sur 12.960.000, il en est une autre, semblable,<br />

mais qui appartient, elle, à la bibliothèque d’Assurbanipal<br />

à Ninive, et dont il ne subsiste que le<br />

fragment K 2069. A son sujet, Bezold n<strong>ou</strong>s apprend<br />

à la page 400 de son catalogue que la tablette<br />

entière devait mesurer environ 5 cm sur<br />

3 cm ; il manque le début du recto et la fin du<br />

verso. De chaque côté se tr<strong>ou</strong>ve une d<strong>ou</strong>ble<br />

colonne avec 13 et 15 lignes très lisibles et bien<br />

conservées. Ce que Bezold en montre sont les<br />

lignes de 2 à 5 du recto. Il aj<strong>ou</strong>te qu’elles contiennent<br />

probablement des opérations mathématiques.<br />

Ici, cela devient assez compliqué, et je ne<br />

peux, au risque de v<strong>ou</strong>s déc<strong>ou</strong>rager complètement,<br />

entrer dans les détails ; Hilprecht entame<br />

donc la traduction du fragment K 2069 et dit, fort<br />

de ses résultats obtenus sur les quatre tablettes<br />

précédentes, que selon les propres données de<br />

Bezold le dividende semble être 15.120.000 (soit<br />

12.960.000 exprimé par un cl<strong>ou</strong> vertical<br />

+ 2.160.000 exprimé par un chevron). Finalement,<br />

on en arrive alors à la troisième ligne du<br />

fragment K 2069 qui doit donc se lire comme suit<br />

(respirez profondément) :<br />

IGI 3 x 216.000 ( = 648.000) 23 x 12.960.000<br />

(= 298.080.000) + 2 x 2.160.000 (= 4.320.000)<br />

x<br />

En d’autres termes : = 302.400.000<br />

648.000<br />

soit x = 302.400.000 x 648.000 = 195.955.200.000.000<br />

c-à-d 12.960.000 2 (= 167.961.600.000 que représente<br />

un cl<strong>ou</strong> vertical) + (2.160.000 2 = x 6).<br />

Ouf ! Donc, conclut Hilprecht, K 2069 est une<br />

table de division contenant un nombre de diviseurs<br />

de 195.955.200.000.000 dans une série<br />

croissante (colonne de gauche) avec leur quotient<br />

correspondant dans une série décroissante<br />

(colonne de droite). En t<strong>ou</strong>te probabilité, la première<br />

ligne de la tablette restaurée devrait être :<br />

« la 216.000ème partie de 195.955.200.000.000 =<br />

907.200.000 ».<br />

Voilà p<strong>ou</strong>rquoi votre fille est muette, et voici d’où<br />

sort la Constante de Ninive. Hilprecht restaure<br />

ensuite les lignes manquantes de la suite mathématique<br />

(dont je v<strong>ou</strong>s ferai grâce !) et se pose,<br />

quatre pages plus loin, la question de savoir d’où<br />

provient le nombre de 12.960.000 soit 60 4 <strong>ou</strong><br />

3600 2 , qui est commun aux textes étudiés par lui,<br />

présent dans les tablettes de Nippur et dans le<br />

fragment K 2069. La réponse, dit Hilprecht, se<br />

tr<strong>ou</strong>ve peut-être dans le livre VIII de « La République<br />

» de Platon ...<br />

19


20<br />

Le Nombre Parfait<br />

de la Génération Divine.<br />

Platon explique à Glaucon que t<strong>ou</strong>t changement<br />

de constitution vient de la partie qui g<strong>ou</strong>verne,<br />

lorsque la division s’installe entre ses propres<br />

membres. Par contre, tant qu’elle est d’accord<br />

avec elle-même, si petite soit-elle, elle demeurera<br />

inébranlable. Cependant, p<strong>ou</strong>rsuit Platon, il est<br />

une chose qui p<strong>ou</strong>rra ébranler l’Etat et par où se<br />

glissera la discorde entre les gardiens et les magistrats<br />

: comme t<strong>ou</strong>t ce qui naît est sujet à corruption,<br />

la constitution elle non plus ne durera pas<br />

t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs. II y a non seulement p<strong>ou</strong>r les plantes<br />

enracinées dans la terre, mais encore p<strong>ou</strong>r l’âme<br />

et le corps des animaux qui vivent sur sa surface,<br />

des alternatives de fécondité et de stérilité. Ces<br />

alternatives se produisent quand la révolution<br />

périodique ferme le cercle où chaque espèce se<br />

meut, cercle c<strong>ou</strong>rt p<strong>ou</strong>r les espèces qui ont la vie<br />

c<strong>ou</strong>rte, long p<strong>ou</strong>r celles qui ont la vie longue. Or,<br />

dit-il à Glaucon, p<strong>ou</strong>r ce qui est de votre race,<br />

ceux que v<strong>ou</strong>s avez élevés p<strong>ou</strong>r guider l’Etat auront<br />

beau être habiles et renforcer l’expérience<br />

par le raisonnement, ils n’en discerneront pas<br />

mieux les moments de fécondité et de stérilité ;<br />

ces moments leurs échapperont, et ils engendreront<br />

des enfants quand il ne faudrait pas le faire.<br />

P<strong>ou</strong>r la génération divine, il y a une période<br />

qu’embrasse un nombre parfait ; p<strong>ou</strong>r celle des<br />

hommes, au contraire, c’est le plus petit nombre<br />

dans lequel certaines multiplications dominatrices<br />

et dominées arrivent finalement à établir entre<br />

t<strong>ou</strong>tes les parties de l’ensemble une correspondance<br />

rationnellement exprimable. Si ce nombre<br />

géométrique qui préside aux bonnes et aux mauvaises<br />

naissances est ignoré, la génération n<strong>ou</strong>velle<br />

sera moins cultivée et elle f<strong>ou</strong>rnira des magistrats<br />

peu propres au rôle de gardiens. La<br />

démonstration est basée sur un triangle rectangle<br />

pythagoricien qui a p<strong>ou</strong>r côtés 3 et 4 et p<strong>ou</strong>r<br />

hypoténuse 5. L’épitrite (3 et 4), multiplié par 5,<br />

forme le produit-base (3 x 4 x 5), qui multiplié<br />

3 fois par lui-même, donne (3 x 4 x 5) 4 =<br />

12.960.000. Mis s<strong>ou</strong>s la forme x 2 x 100 2 , <strong>ou</strong> (3 x 4 x 3)<br />

(3 x 4 x 3) (5 x 4 x 5) (5 x 4 x 5 ) = (36 x 36) (100 x100)<br />

= 12.960.000, c’est la première harmonie. La<br />

deuxième est faite de deux rectangles qui ont<br />

un côté égal : a) 3 2 x 100 ; b) soit (7 2 —1) 100,<br />

soit (√50 2 — 2) 100 ; ce qui donne (3 x 3 x 3) (5 x 4 x 5)<br />

(4 x 3 x 4) (5 x 4 x 5) = (27 x 100) (48 x100) =<br />

12.960.000 (Cité d’après A. Diès, « Le nombre<br />

de Platon »).<br />

H.V. Hilprecht, lorsqu’il entreprit ses traductions<br />

de tablettes, s’était ent<strong>ou</strong>ré d’éminents spécialistes<br />

de l’époque, tant parmi ses collègues de l’Université<br />

de Pennsylvanie que ceux du British Museum<br />

où il fit d’ailleurs plusieurs séj<strong>ou</strong>rs d’étude.<br />

Sa connaissance des mathématiques babyloniennes<br />

était très grande, mais nul n’est à l’abri des<br />

infortunes de l’érudition. Ses calculs sont certainement<br />

exacts, mais peut-être sont-ce ses interprétations<br />

de base qui sont fausses, si le contexte<br />

des tablettes manque ? Mais je ne suis pas Neugebauer<br />

et n’oserais jamais trancher un tel dilemme.<br />

Il faudrait, p<strong>ou</strong>r bien faire, réétudier le fragment<br />

K 2069. Quant à Hilprecht, si sa bonne foi<br />

n’est pas à mettre en d<strong>ou</strong>te, il est bien sûr curieux<br />

qu’il soit tombé sur le nombre de Platon. Celui-ci<br />

n’est peut-être qu’une fable, mais il ne faut pas<br />

perdre de vue que les Chaldéens dépositaires de<br />

la Science Sacrée furent les premiers initiateurs<br />

et les maîtres des Grecs. Notamment dans les<br />

Ecoles des colonies grecques d’Asie Mineure, à<br />

Milet, patrie de Thalès <strong>ou</strong> à Nicée, patrie d’Hipparque.<br />

On s<strong>ou</strong>pçonne d’ailleurs actuellement les<br />

Babyloniens d’avoir connu le phénomène de précession<br />

des équinoxes bien avant Hipparque ; on<br />

estime que Pythagore a vécu en Asie Mineure<br />

jusqu’au moment des guerres médiques, alors<br />

que le théorème dit de Pythagore se retr<strong>ou</strong>ve<br />

déjà dans un problème remontant à la première<br />

dynastie de Babylone au début du IIème millénaire<br />

avant notre ère. Vitruve raconte que selon Tatien,<br />

le prêtre chaldéen Bérose enseigna dans<br />

l’île de Cos en pleine mer Egée, patrie d’Hippocrate.<br />

Le Père de l’Histoire, Hérodote était lui<br />

aussi originaire d’Asie Mineure. Et c’est Strabon,<br />

enfin, qui rapporte également que les Grecs ont<br />

largement puisé leurs connaissances chez les<br />

prêtres égyptiens et dans les écrits des Chaldéens.<br />

La Constante de Ninive : ne rien nier a<br />

priori, mais juger en connaissance de cause.<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

PATRICK FERRYN<br />

● C. Bezold. « Catalogue of the Cuneiform Tablets<br />

in the K<strong>ou</strong>y<strong>ou</strong>ndjik Collection of the British Museum<br />

», vol. 1, British Museum 1889.<br />

● H.V. Hilprecht. « The Babylonian Expedition of the<br />

University of Pennsylvania - Mathematical, Metrological<br />

and Chronological Tablets from the Temple<br />

Library of Nippur », Série A : Cuneiform Texts, vol.<br />

XX part 1 - Department of Archeology, 1906.<br />

● Fr. Thureau-Dangin. « Esquisse d’une histoire du<br />

système sexagésimal », Paris 1932.<br />

● A. Diès. « Le Nombre de Platon, essai d’exégèse<br />

et d’histoire », mémoires présentés par divers<br />

savants à l’Académie des Inscriptions et Belles-<br />

Lettres, t. XIV, 1936.<br />

● Otto Neugebauer. « The Exact Sciences in Antiquity<br />

», Brown University Press, Providence, Rhode<br />

Island, 1957.<br />

● Marguerite Hutten. « La science des Chaldéens »,<br />

collection Que sais-je ?, P.U.F. 1970 n° 893.<br />

● Platon. « La République », Bibliothèque Méditations,<br />

éditions Gonthier, Denoël, 1971.


ARCHEOLOGIE PARALLELE<br />

LES FRESQUES INSOLITES<br />

<strong>DU</strong> TASSILI<br />

Il a été beauc<strong>ou</strong>p question, au c<strong>ou</strong>rs de ces dernières années, de cette région du Sahara qui se nomme<br />

Tassili, et des fresques qui y ont été déc<strong>ou</strong>vertes en 1933 par le lieutenant Brenans, officier français.<br />

Les remarquables travaux de Henri Lhote et de son équipe ont d’autre part contribué à populariser cet<br />

aspect de l’art préhistorique. Les avis les plus opposés ont été formulés à propos de ces peintures<br />

étranges et originales ; nombre d’écrivains plus <strong>ou</strong> moins honnêtes ont cru bon de mettre le Tassili en<br />

bonne place dans leur liste des manifestations extraterrestres. N<strong>ou</strong>s croyons le moment venu de faire<br />

le point : tant de choses ont été dites et écrites que cet article n<strong>ou</strong>s paraît nécessaire (1). N<strong>ou</strong>s aborderons<br />

le sujet par son côté le plus aride — au propre comme au figuré — par quelques mots sur la<br />

géographie et l’histoire de ce désert célèbre entre t<strong>ou</strong>s : le Sahara.<br />

(1) Ceux de nos lecteurs qui auront suivi les travaux<br />

et publications sur le sujet seront peut-être déçus de<br />

ne pas voir représentée ici telle fresque particulièrement<br />

remarquable par sa qualité artistique. C’est<br />

que, fidèle à l’esprit de KADATH, j’ai surt<strong>ou</strong>t v<strong>ou</strong>lu<br />

me préoccuper de ce que l’art tassilien avait de mystérieux<br />

et de controversé. Dès lors, j’ai dû éliminer ce<br />

qui n’avait pas un rapport direct avec le but fixé.<br />

P<strong>ou</strong>r ceux qui v<strong>ou</strong>draient en savoir plus sur l’art tassilien<br />

en général, je ne peux que conseiller — plus<br />

p<strong>ou</strong>r ses photos que p<strong>ou</strong>r son texte — le livre de<br />

Henri Lhote : « A la déc<strong>ou</strong>verte des fresques du<br />

Tassili », éditions Arthaud - 1958, réédité en 1973.)<br />

Le Sahara au passé et au présent.<br />

Le Sahara est une région désertique, limitée au<br />

nord par l’Atlas, au sud par les steppes du S<strong>ou</strong>dan<br />

; ses frontières <strong>ou</strong>est et est sont respectivement<br />

l’Atlantique et la mer R<strong>ou</strong>ge. Contrairement<br />

à ce que l’on croit généralement, il s’agit avant<br />

t<strong>ou</strong>t d’un désert de pierre (hamada), le sable n’excédant<br />

pas un tiers de la surface totale. Le climat,<br />

subtropical, est chaud et sec. Les pluies sont rares<br />

et très irrégulières : certaines régions ne reçoivent<br />

aucune précipitation pendant plusieurs années<br />

21


22<br />

consécutives, alors qu’une averse s<strong>ou</strong>daine et<br />

violente peut gonfler les <strong>ou</strong>eds en quelques instants.<br />

La sécheresse de l’air entraîne de grandes<br />

variations de température : 50°C dans la j<strong>ou</strong>rnée,<br />

moins de 0°C la nuit. Des vents violents entraînent<br />

la formation de tempêtes de sable. Comme p<strong>ou</strong>r<br />

t<strong>ou</strong>s les déserts de ce type, le paysage du Sahara<br />

est dénudé. La végétation y est presque exclusivement<br />

composée de t<strong>ou</strong>ffes de graminées et de<br />

plantes dép<strong>ou</strong>rvues de feuilles. Enfin, la faune,<br />

très pauvre, est représentée par des rongeurs<br />

comme le lièvre blanc, des reptiles et de nombreux<br />

insectes. Le Sahara n’est cependant pas<br />

vide de t<strong>ou</strong>te présence humaine : deux millions<br />

d’habitants se répartissent inégalement sur les<br />

huit millions de kilomètres carrés du désert. Alors<br />

que certaines régions sont absolument vides de<br />

t<strong>ou</strong>te présence humaine, certaines oasis ont une<br />

densité de population de plus de mille habitants au<br />

kilomètre carré. Signalons enfin que le Sahara est<br />

un grand centre de passage entre les mondes noir<br />

et blanc, et les caravanes y sont nombreuses. La<br />

population actuelle est d’ailleurs le résultat d’un<br />

mélange de peuples blancs et noirs.<br />

Il est cependant établi désormais que cette partie<br />

de l’Afrique a connu des j<strong>ou</strong>rs meilleurs. Il y<br />

aurait eu, au c<strong>ou</strong>rs des âges, une succession de<br />

périodes sèches et humides, ces dernières étant<br />

situées au paléolithique inférieur et au néolithique,<br />

principalement. L’existence de ces périodes<br />

humides est en t<strong>ou</strong>t cas attestée par la déc<strong>ou</strong>verte,<br />

en de nombreux endroits, d’une faune importante<br />

et diversifiée, et d’une flore de type méditerranéen.<br />

Enfin, rappelons que, s’ils considéraient<br />

déjà le Sahara comme une région désertique, les<br />

auteurs anciens mentionnaient l’existence de<br />

l’éléphant, du lion et du cheval, animaux disparus<br />

auj<strong>ou</strong>rd’hui. Le Tassili-n-Ajjer de son vrai nom est<br />

un plateau de grès friable, situé au beau milieu<br />

du Sahara. Long de 800 kilomètres, large d’une<br />

soixantaine de kilomètres, il se tr<strong>ou</strong>ve au nord de<br />

la pénéplaine du Hoggar, qu’il domine de 500<br />

mètres. Il a été profondément marqué par le lent<br />

travail des eaux, qui ont d’abord creusé de nombreux<br />

canyons et vallées, puis ont déc<strong>ou</strong>pé des<br />

blocs entiers dans la masse rocheuse, les déchiquetant<br />

en d’étranges figures, creusant à la base<br />

de nombreuses cavités qui furent autant d’abris<br />

p<strong>ou</strong>r les populations qui y vécurent. La région est<br />

actuellement extrêmement désertique, et seuls<br />

quelques rares points d’eau semi-permanents<br />

permettent de survivre.<br />

L’art du Tassili.<br />

Les fresques tassiliennes dér<strong>ou</strong>tent au premier<br />

abord. Rien n’est simple, rien n’est familier, t<strong>ou</strong>t<br />

surprend l’Européen habitué à l’art francocantabrique<br />

: le nombre incroyable de peintures,<br />

les sujets représentés, le style absolument original.<br />

Un grand nombre de fresques représentent —<br />

et ceci est d’une importance capitale — des scènes<br />

de la vie quotidienne de ces populations qui<br />

vécurent, selon les datations, au néolithique p<strong>ou</strong>r<br />

la plupart. Une minorité cependant de ces peintures<br />

relève exclusivement d’un symbolisme que<br />

l’on retr<strong>ou</strong>ve par ailleurs presque t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs, lorsqu’il<br />

s’agit d’art préhistorique.<br />

Les peintures sont s<strong>ou</strong>vent situées au fond des<br />

abris, à plusieurs mètres du sol, <strong>ou</strong> dans des<br />

alvéoles tellement étroites qu’il faut y ramper. On<br />

s’étonnera de cette recherche de la difficulté qui<br />

ne peut avoir que des motivations puissantes, par<br />

exemple le s<strong>ou</strong>ci de préserver les œuvres en les<br />

rendant pénibles d’accès. Henri Lhote a tenté, en<br />

bon préhistorien, de mettre en évidence l’existence<br />

de sanctuaires analogues à ceux que l’on a cru<br />

voir en Europe. Cet essai s’est avéré infructueux<br />

et, sauf dans de très rares cas, les peintures n’ont<br />

aucun caractère magique.<br />

Les travaux d’Henri Lhote permettent à l’heure<br />

actuelle de se faire une idée assez valable de<br />

l’évolution de l’art tassilien et, corolairement, des<br />

populations qui habitèrent le Sahara. Je me propose<br />

d’adopter la classification de Lhote, qui reste<br />

bien sûr une théorie parfois incomplète. Cette<br />

classification est basée d’une part sur un examen<br />

logique de l’évolution des styles, ce qui est t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs<br />

discutable, et, d’autre part, sur des constatations<br />

scientifiques plus sûres (datations au C-14,<br />

palimpsestes,...). Cette classification, que n<strong>ou</strong>s<br />

allons développer et commenter dans les colonnes<br />

qui suivent, se présente comme suit : 1. période<br />

du bubale et des têtes rondes ; 2. période bovidienne<br />

; 3. période du cheval ; 4. période du chameau.<br />

Des peuples et des fresques.<br />

PERIODE <strong>DU</strong> BUBALE<br />

ET DES TETES RONDES (6000 à 4000 avant J.-C.).<br />

Il s’agit de la période la plus ancienne suivant<br />

notre classification. Elle daterait des débuts du<br />

néolithique. Remarquons que, déjà, on peut faire<br />

une distinction entre cet art tassilien, essentiellement<br />

néolithique, et l’art franco-cantabrique paléolithique.<br />

L’évolution au sein de cette période est<br />

particulièrement difficile à suivre. La tendance<br />

actuelle est d’englober dans une seule période la<br />

période primitive du bubale (un genre d’antilope<br />

africaine) et la période très caractéristique des<br />

hommes à tête ronde, car les fresques se rapportant<br />

à cette dernière peuvent parfois, elles aussi,<br />

représenter des bubales.<br />

Cette période des hommes à tête ronde est parmi<br />

celles qui posent le plus de problèmes aux cher-


cheurs... et qui ont fait c<strong>ou</strong>ler beauc<strong>ou</strong>p d’encre,<br />

puisque c’est de cette époque que datent les<br />

représentations des célèbres Martiens. Le stade<br />

supposé le plus ancien montre de petits personnages<br />

cornus le plus s<strong>ou</strong>vent. La tête, ronde et grosse<br />

par rapport au corps, annoncerait déjà le style<br />

« martien ». Il s’agit sans d<strong>ou</strong>te de scènes de<br />

chasse <strong>ou</strong> de guerre (bien que n<strong>ou</strong>s manquions<br />

d’éléments p<strong>ou</strong>r une interprétation correcte), car<br />

les personnages sont armés d’arcs <strong>ou</strong> de pieux.<br />

Sauf dans quelques cas, les peintures sont monochromes<br />

(ocre r<strong>ou</strong>ge <strong>ou</strong> violette).<br />

Un archer de Ti-n-Tazarift, et en-dess<strong>ou</strong>s le<br />

« grand dieu aux orantes» de Setar.<br />

Plus évolués, plus mystérieux aussi, les stades<br />

suivants constituent la période des hommes à tête<br />

ronde proprement dite. La peinture est cette fois<br />

polychrome (ocres r<strong>ou</strong>ge, jaune, verdâtre). S’il<br />

existe certainement une évolution au fil des siècles,<br />

les grandes caractéristiques restent les mêmes<br />

: la tête est ronde, très s<strong>ou</strong>vent sans indication<br />

des traits du visage, elle est ornée de motifs<br />

géométriques divers. Les personnages sont<br />

grands, et atteignent parfois des proportions gigantesques.<br />

Les animaux sont assez largement<br />

représentés ; il s’agit t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs d’une faune de climat<br />

humide : antilope, éléphant, rhinocéros. L’interprétation<br />

des fresques est pratiquement impossible<br />

à l’heure actuelle. Ainsi, la scène représentée<br />

ici, qui appartiendrait à la phase décadente<br />

des Têtes Rondes, peut n<strong>ou</strong>s laisser perplexes.<br />

N<strong>ou</strong>s y voyons un grand personnage central de<br />

3,25 mètres de haut. Les bras sont levés, les jambes<br />

écartées. Entre les cuisses pend, derrière le<br />

sexe parfaitement reconnaissable, une sorte de<br />

grand sac. La tête affecte une forme t<strong>ou</strong>t à fait<br />

inhabituelle, incompréhensible. Ce doit être en<br />

t<strong>ou</strong>t cas un personnage important, les autres acteurs<br />

de la scène levant vers lui leurs bras, en un<br />

geste de prière. Lhote y voit une scène à caractère<br />

magique (une des seules qu’il ait réussi à intégrer<br />

dans un système symbolique), sans d<strong>ou</strong>te en<br />

rapport avec la maternité. Les femmes, à gauche<br />

(reconnaissables à leurs petits seins, placés l’un<br />

au-dessus de l’autre), adorent le dieu de la fécondité<br />

alors que, à droite, une femme est sur le<br />

point d’acc<strong>ou</strong>cher. Je reste assez sceptique quant<br />

au bien-fondé de cette interprétation. Je remarquerai<br />

seulement que le personnage c<strong>ou</strong>ché semble<br />

porter certains attributs masculins et n’est pas<br />

caractérisé par les seins placés l’un au-dessus de<br />

l’autre. Je ne peux proposer une meilleure solution,<br />

si ce n’est... mais n<strong>ou</strong>s allons en reparler.<br />

23


24<br />

Le grand dieu « martien » de Jabbaren


Je ne peux passer s<strong>ou</strong>s silence ce que Lhote a<br />

appelé bien imprudemment le « Grand Dieu martien<br />

». Cette fresque gigantesque devait mesurer à<br />

l’origine plus <strong>ou</strong> moins six mètres de haut, compte<br />

tenu du fait que la partie inférieure a été détruite.<br />

L’ensemble est certes impressionnant et énigmatique.<br />

La théorie officiellement admise s<strong>ou</strong>ligne que<br />

le style des Têtes Rondes n’est pas apparu subitement<br />

avec l’arrivée d’éventuels êtres de l’espace :<br />

il serait le résultat d’une évolution commencée<br />

avec les petits personnages cornus dont n<strong>ou</strong>s<br />

avons parlé plus haut. Cette évolution n’est pas<br />

p<strong>ou</strong>r n<strong>ou</strong>s une évidence, loin s’en faut ! L’examen<br />

minutieux des différents documents mis à notre<br />

disposition n<strong>ou</strong>s laisse penser bien au contraire<br />

que ces « scaphandriers » forment un style à part,<br />

au sein duquel on peut, c’est certain, remarquer<br />

différentes phases évolutives. Et malgré notre<br />

prudence désormais légendaire, n<strong>ou</strong>s devons bien<br />

admettre que ces Têtes Rondes ont un petit air<br />

extraterrestre plus vrai que vrai. Ainsi, les lignes<br />

horizontales à hauteur du c<strong>ou</strong> font penser aux plis<br />

d’un élément de raccord s<strong>ou</strong>ple entre le casque et<br />

le scaphandre proprement dit. Conscient de l’énormité<br />

de ce qui précède. je ne désire pas en rester<br />

là, contrairement à la plupart des archéomanes<br />

qui infestent notre petit monde. En effet, je s<strong>ou</strong>ligne<br />

encore une fois qu’il existe une évolution certaine<br />

dans les représentations des Têtes Rondes,<br />

ce qui selon n<strong>ou</strong>s serait l’indice d’un art symboliste<br />

plutôt que naturaliste. L’interprétation de ces symboles<br />

serait dès lors t<strong>ou</strong>t simplement hors de notre<br />

portée. J’y reviendrai dans mes conclusions.<br />

La période des Têtes Rondes n’est cependant pas<br />

caractérisée uniquement par les styles des petits<br />

personnages cornus et des Martiens, selon la<br />

classification de Lhote. Un autre type de peinture,<br />

que l’on n’a pu classer avec certitude avant <strong>ou</strong><br />

après la phase décadente des Têtes Rondes, est<br />

d’un style plus réaliste, plus élaboré également.<br />

Une fresque retiendra particulièrement notre attention<br />

par les renseignements qu’elle n<strong>ou</strong>s apporte<br />

sur le peuplement du Tassili à cette époque. N<strong>ou</strong>s<br />

y voyons un personnage qui p<strong>ou</strong>rrait être un sorcier.<br />

Il porte un pagne et, surt<strong>ou</strong>t, un masque qui<br />

fait penser à ceux utilisés par certaines tribus actuelles<br />

de Côte-d’Ivoire. Une autre œuvre remarquable<br />

de cette période est la « Dame Blanche<br />

d’A<strong>ou</strong>anrhet ». L’étude de ses caractéristiques<br />

physiques n<strong>ou</strong>s confirme l’appartenance des Têtes<br />

Rondes aux populations négroïdes : le ventre<br />

bombé, les peintures corporelles — <strong>ou</strong> scarifications<br />

? — sont révélatrices. En fait, cette Dame<br />

Blanche (qu’il ne faut pas confondre avec celle du<br />

Brandberg, voir KADATH n° 10), marque, suivant<br />

Lhote, la fin de la période des Têtes Rondes.<br />

N<strong>ou</strong>s devons encore signaler, p<strong>ou</strong>r être complet,<br />

l’existence d’un assez grand nombre de mains,<br />

soit négatives, soit dessinées par cont<strong>ou</strong>r. Cette<br />

pratique fut, on le sait, largement répandue au<br />

paléolithique supérieur. N<strong>ou</strong>s ne reviendrons pas<br />

sur les essais d’interprétation, basés sur l’éternel<br />

fatras magico-symbolique fort utilisé dans ces caslà,<br />

et que j’ai abordés dans de précédents articles,<br />

mais s<strong>ou</strong>lignerons une constance dans l’usage de<br />

certaines pratiques, et donc une similitude de pensée<br />

entre des peuples vivant non seulement à des<br />

milliers de kilomètres les uns des autres, mais<br />

encore à des époques nettement différentes. Rien<br />

p<strong>ou</strong>rtant ne semble démontrer l’existence de rapports<br />

entre les Européens du paléolithique supérieur<br />

et les Tassiliens du néolithique : je le rappelle<br />

derechef, l’art du Tassili est d’une facture absolument<br />

originale et, de plus, les Têtes Rondes sont<br />

sans d<strong>ou</strong>te d’origine négroïde. D’après ce qui a pu<br />

être mis à j<strong>ou</strong>r lors des f<strong>ou</strong>illes effectuées, il semble<br />

que les Têtes Rondes ne connaissaient ni la<br />

poterie, ni l’agriculture. Leurs armes de pierre<br />

(principalement des haches) servaient à la chasse<br />

d’un gibier abondant.<br />

La Dame Blanche d’A<strong>ou</strong>anrhet.<br />

PERIODE BOVIDIENNE (4000 à 2000 avant J.-C.).<br />

Cette période est, d’un point de vue artistique,<br />

beauc<strong>ou</strong>p plus accessible que la précédente.<br />

L’art, dép<strong>ou</strong>rvu de t<strong>ou</strong>t symbolisme, est franchement<br />

naturaliste. Le thème favori en est le bœuf<br />

(bœuf africain et bœuf à cornes épaisses), que<br />

l’on retr<strong>ou</strong>ve pratiquement dans t<strong>ou</strong>tes les fresques.<br />

Les artistes se sont représentés dans de<br />

vastes tableaux où l’on voit d’importants tr<strong>ou</strong>peaux<br />

de bœufs, élément essentiel de leur économie. Ils<br />

connaissaient cependant la chèvre et le m<strong>ou</strong>ton,<br />

et avaient domestiqué le chien. L’existence même<br />

d’importants tr<strong>ou</strong>peaux de bovidés n<strong>ou</strong>s amène à<br />

conclure que la période bovidienne a connu, elle<br />

25


26<br />

aussi, un climat humide. Nos derniers d<strong>ou</strong>tes se<br />

dissiperont lorsque n<strong>ou</strong>s aurons signalé la présence,<br />

sur de nombreuses fresques, de pachydermes<br />

et de girafes. Les grands broyeurs de pierre qui<br />

ont été associés aux Bovidiens permettent de penser<br />

que ceux-ci connaissaient l’agriculture. Seule<br />

une production de céréales assez importante<br />

explique la construction de tels broyeurs, et la<br />

récolte de graminacées sauvages n’aurait pas<br />

justifié pareil équipement. La poterie était connue ;<br />

l’habitat était constitué de huttes de forme conique,<br />

faites de matières végétales ; des murettes<br />

de pierre formant enclos protégeaient les tr<strong>ou</strong>peaux<br />

des attaques des carnassiers. D’un point de<br />

vue purement technique, je signalerai que les artistes<br />

bovidiens gravaient préalablement leurs<br />

sujets (comme par exemple, à Altamira). Les peintures<br />

utilisées étaient des ocres vert, r<strong>ou</strong>ge, bleu,<br />

jaune. Je l’ai dit, l’art bovidien est essentiellement<br />

naturaliste. Le s<strong>ou</strong>ci du détail se retr<strong>ou</strong>ve dans<br />

t<strong>ou</strong>s les sujets abordés.<br />

Qui étaient ces Bovidiens ? Il est possible de se<br />

faire une idée plus <strong>ou</strong> moins précise à propos de<br />

leur race par le simple examen des peintures. A<br />

côté de représentants de type négroïde, on remarque<br />

un certain nombre de personnages nettement<br />

europoïdes. Ainsi, la fresque représentée ici, qui<br />

daterait de cette période bovidienne, représente<br />

une jeune femme — baptisée « Antinéa » par Lhote<br />

— au profil européen. Il s’agit de quelque reine<br />

<strong>ou</strong>, p<strong>ou</strong>r le moins, d’un personnage de haut rang,<br />

ainsi que le pr<strong>ou</strong>vent la coiffure compliquée, qui<br />

s’apparente au pschent des Egyptiens, et l’attitude<br />

majestueuse, presque hiératique. Les deux types<br />

sont suffisamment répandus p<strong>ou</strong>r conclure que les<br />

Bovidiens constituaient un mélange de races. D’où<br />

venaient-ils ? Lhote pense p<strong>ou</strong>r sa part à une origine<br />

est-africaine, peut-être nilotique. On a ainsi<br />

pu dénombrer six représentations de barques typiquement<br />

égyptiennes, ce qui est peu, vu le grand<br />

nombre de peintures datées de cette époque.<br />

N<strong>ou</strong>s penserions plus volontiers à un contact local<br />

et temporaire entre les Tassiliens et les habitants<br />

du Haut-Nil... question d’opinion. II y a certainement<br />

là matière à réflexion, la présence d’Europoïdes<br />

au sein des communautés de pasteurs pose<br />

un problème qui n’a pas encore tr<strong>ou</strong>vé de solution<br />

satisfaisante (le terme « solution » en langage<br />

archéologique étant la traduction d’« hypothèse »<br />

dans le langage c<strong>ou</strong>rant). N<strong>ou</strong>s ne n<strong>ou</strong>s étonnons<br />

cependant plus <strong>ou</strong>tre mesure : le voyage d’Europe<br />

jusqu’au Sahara fait figure de promenade estivale,<br />

si on le compare aux milliers de kilomètres parc<strong>ou</strong>rus<br />

dans certains cas. C’est ainsi que, par<br />

exemple, n<strong>ou</strong>s avons cru p<strong>ou</strong>voir mettre en évidence<br />

une ressemblance tr<strong>ou</strong>blante entre les<br />

peintures du Brandberg et la culture capsienne<br />

(voir KADATH n° 10). P<strong>ou</strong>r ce qui est du Tassili<br />

cependant, n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>rrons établir de parallèle<br />

avec aucune culture européenne.<br />

Ci-contre : « Antinéa ». Ci-dess<strong>ou</strong>s : scène d’offrande<br />

à Jabbaren, d’influence égyptienne.


N<strong>ou</strong>s ne quitterons pas le domaine du mystère<br />

sans parler d’un sujet qui, à notre corps défendant,<br />

semble devoir revenir périodiquement dans<br />

nos études sur l’art préhistorique. N<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>lons<br />

parler du mythe (bien qu’on ne puisse plus, vraiment,<br />

parler d’un mythe) des Amazones. C’est<br />

que, en effet, on retr<strong>ou</strong>ve à Sefar, site tassilien,<br />

une scène guerrière représentant des femmes<br />

armées d’arcs et visiblement amputées d’un sein.<br />

On p<strong>ou</strong>rrait dès lors imaginer — avec t<strong>ou</strong>tes les<br />

réserves d’usage — que, à un moment donné de<br />

son histoire, le Tassili aurait connu une civilisation<br />

où la femme (européenne, si on considère l’Antinéa<br />

dont n<strong>ou</strong>s avons parlé plus haut comme un<br />

personnage de haut rang) aurait assumé les fonctions<br />

nobles du commandement et, corollairement,<br />

de la guerre. Personne n’avait encore osé formuler<br />

cette idée ; voilà qui est fait à titre d’hypothèse<br />

que je ne qualifierai pas encore de travail, les éléments<br />

de base d’une théorie plus vaste n’étant<br />

pas réunis à l’heure actuelle.<br />

PERIODES <strong>DU</strong> CHEVAL ET <strong>DU</strong> CHAMEAU.<br />

Fidèle à mon avertissement initial, je ne parlerai<br />

que peu de la période du cheval et encore moins<br />

de celle du chameau. Cette dernière en effet se<br />

situe aux débuts de l’époque historique, et n’est<br />

guère intéressante par rapport à ce qui précède.<br />

En ce qui concerne la période du cheval, on notera<br />

l’existence de nombreuses représentations de<br />

chars de guerre tirés par des chevaux. On peut<br />

croire à ce propos que le peuple qui envahit le<br />

Tassili au c<strong>ou</strong>rs du deuxième millénaire avant<br />

J.-C. est celui qui, venu du nord de l’Europe, avait<br />

été baptisé par les Egyptiens « le peuple de la<br />

mer ». N<strong>ou</strong>s remarquerons p<strong>ou</strong>r en terminer qu’un<br />

style de peinture bien particulier de la fin de cette<br />

période est celui des « hommes bitriangulaires » :<br />

les corps sont faits de deux triangles joints par<br />

leur sommet, les membres sont c<strong>ou</strong>rts et fins, la<br />

tête est représentée par un trait vertical ; les personnages<br />

ont à la main ce qui ressemble à une<br />

lance ; au bras est suspendue une sorte de panier<br />

rectangulaire.<br />

Conclusions et réflexions.<br />

Je terminerai ce c<strong>ou</strong>rt exposé de mise au point par<br />

un résumé des principales caractéristiques de l’art<br />

tassilien, ainsi que par des réflexions d’ordre général,<br />

relatives aux différentes façons d’interpréter<br />

l’art préhistorique. En ce qui concerne le Tassili<br />

proprement dit, rappelons qu’il s’agit d’un art rupestre<br />

essentiellement néolithique, bien que, dans<br />

sa phase la plus ancienne, c’est-à-dire la période<br />

primitive du bubale, on puisse peut-être parler<br />

d’épipaléolithique. Le style est original par rapport<br />

à l’art franco-cantabrique. Notons cependant que<br />

l’on tr<strong>ou</strong>ve un art similaire — et non identique —<br />

dans d’autres régions d’Afrique du Nord ; citons,<br />

par exemple, le Hoggar et le Fezzan. II serait<br />

d’ailleurs surprenant que ce style particulier ne se<br />

retr<strong>ou</strong>ve qu’au seul massif du Tassili, bien que<br />

n<strong>ou</strong>s tr<strong>ou</strong>vions ailleurs des exemples de localisations<br />

culturelles bien marquées. On peut, grosso<br />

modo, mettre en évidence quatre grandes périodes,<br />

caractérisées par des styles bien particuliers.<br />

Notons cependant que la classification qui<br />

en résulte est parfois sujette à caution. Chronologiquement,<br />

cette classification se présente comme<br />

suit : période du bubale (dans laquelle on<br />

inclut le style des Têtes Rondes) — période bovidienne<br />

— période du cheval — période du chameau.<br />

Notons qu’il existe des styles intermédiaires<br />

que n<strong>ou</strong>s avons évité de mentionner dans le<br />

corps de l’article, p<strong>ou</strong>r des raisons de clarté.<br />

C’est ainsi que l’on p<strong>ou</strong>rra parler, à propos de<br />

l’« Antinéa » décrite plus haut, de style prébovidien<br />

plutôt que bovidien, en ce sens que cette<br />

peinture se situe probablement au début de la<br />

période des pasteurs. II s’agit plus, à notre avis,<br />

d’un problème de terminologie que d’une question<br />

fondamentale. Les deux périodes qui doivent<br />

retenir particulièrement notre attention sont celles<br />

des Têtes Rondes d’une part, des Bovidiens<br />

d’autre part. P<strong>ou</strong>r des raisons d’agencement du<br />

texte, c’est par ces derniers que je commencerai.<br />

N<strong>ou</strong>s savons qu’il s’agissait de pasteurs. Ils possédaient<br />

de grands tr<strong>ou</strong>peaux de bœufs, et pratiquaient<br />

sans d<strong>ou</strong>te l’agriculture, bien que les analyses<br />

palynologiques ne semblent pas confirmer<br />

cette hypothèse. Le point d’interrogation se situe<br />

ici au niveau de la race. En effet, à côté d’un type<br />

négroïde somme t<strong>ou</strong>te bien normal, on tr<strong>ou</strong>ve un<br />

certain nombre de peintures représentant des<br />

personnages de type europoïde. Ce fait vient<br />

confirmer ce que de précédentes études n<strong>ou</strong>s<br />

laissaient entrevoir, c’est-à-dire l’existence de rapports<br />

étroits et suivis entre des populations fort<br />

éloignées les unes des autres. La déc<strong>ou</strong>verte des<br />

Amazones armées d’arcs sont à rapprocher des<br />

fresques du Brandberg, et sont à intégrer dans<br />

notre hypothèse — encore à l’état d’ébauche —<br />

relative à l’existence de sociétés de type matriarcal.<br />

Probablement d’origine négroïde (bien que n<strong>ou</strong>s<br />

ne puissions l’affirmer à partir du moment où n<strong>ou</strong>s<br />

établissons une distinction franche entre le style<br />

« martien » et ce qui le précède et le suit), les<br />

Têtes Rondes sont remarquables par leurs représentations<br />

de personnages qui semblent vêtus de<br />

scaphandres. Je n’ai pas rejeté, a priori, l’idée<br />

qu’il puisse s’agir d’extraterrestres, partant du<br />

principe qu’une hypothèse ne peut être écartée<br />

p<strong>ou</strong>r la seule raison qu’elle paraît l<strong>ou</strong>foque, <strong>ou</strong><br />

t<strong>ou</strong>t simplement très osée. J’ai cependant insisté<br />

sur le fait qu’il y avait certainement évolution au<br />

sein même du style martien ; je penserais p<strong>ou</strong>r<br />

ma part à un art symboliste, dont la clé n<strong>ou</strong>s<br />

échappe complètement. N<strong>ou</strong>s déb<strong>ou</strong>chons ici sur<br />

27


28<br />

un problème plus général, qui est celui du raisonnement<br />

du préhistorien face au matériel mis à sa<br />

disposition, et plus particulièrement des interprétations<br />

des peintures préhistoriques.<br />

Parlons t<strong>ou</strong>t d’abord de l’archéologue<br />

« classique », et <strong>ou</strong>vrons une parenthèse p<strong>ou</strong>r<br />

s<strong>ou</strong>ligner encore une fois notre aversion p<strong>ou</strong>r ce<br />

qualificatif de « classique » qui ne signifie, en fin<br />

de compte, absolument rien. II serait plus juste de<br />

parler d’archéologues professionnels, en ce sens<br />

que ces chercheurs vivent de leur travail. II est<br />

vital p<strong>ou</strong>r eux de se conformer aux théories précédemment<br />

formulées par quelques maîtres, desquels<br />

dépendent s<strong>ou</strong>vent leurs promotions, et<br />

même leur pain quotidien. II est bien connu que<br />

certains archéologues de grande envergure ont tu<br />

des déc<strong>ou</strong>vertes trop compromettantes. Dès lors,<br />

prisonnier d’un système rigide à l’extrême, l’archéologue<br />

professionnel est contraint de baser<br />

t<strong>ou</strong>tes ses théories, t<strong>ou</strong>tes ses interprétations sur<br />

de véritables postulats qu’il serait désastreux de<br />

contester. J’aj<strong>ou</strong>terai qu’il existe heureusement<br />

des exceptions, mais elles ne sont que trop rares.<br />

Le préhistorien professionnel chargé d’examiner<br />

une fresque partira de l’hypothèse de l’homme<br />

préhistorique primitif, et ses interprétations ne<br />

p<strong>ou</strong>rront sortir du cadre des préoccupations magiques<br />

et sexuelles. C’est ramener les civilisations<br />

préhistoriques à l’élémentaire. Assez paradoxalement,<br />

le processus de réflexion des<br />

« archéomanes » est le même que celui des archéologues<br />

professionnels. Simplement, la théorie<br />

de départ diffère, qui postule la visite, aux temps<br />

préhistoriques, d’êtres venus du cosmos. Par<br />

conséquent, t<strong>ou</strong>te fresque qui échappe à notre<br />

entendement direct est à mettre en relation avec<br />

les extraterrestres. Symboles de magie élémentaire<br />

<strong>ou</strong> représentations de Vénusiens : on v<strong>ou</strong>s laisse<br />

un choix bien limité ! Je serais, quant à moi,<br />

assez partisan de la théorie d’un symbolisme très<br />

élaboré, dans lequel cependant les concepts de<br />

départ, ainsi que les processus de pensée des<br />

hommes de la préhistoire seraient radicalement<br />

différents des nôtres. L’hermétisme de nombreuses<br />

fresques, notre incapacité de compréhension<br />

s’expliqueraient alors parfaitement. Autant dire<br />

que l’étude de la partie symbolique de l’art préhistorique<br />

devient, si l’on accepte cette proposition,<br />

stérile et inutile, puisque les concepts fondamentaux<br />

n<strong>ou</strong>s sont définitivement inaccessibles. Vision<br />

pessimiste des choses, soit. Il ne s’agit cependant<br />

que d’une théorie, et non — c’est ce qui<br />

fait t<strong>ou</strong>te la différence — d’un postulat ! N<strong>ou</strong>s<br />

continuerons donc, comme auparavant, à examiner<br />

d’un œil aussi neuf que possible les nombreuses<br />

œuvres préhistoriques qui ont été déc<strong>ou</strong>vertes<br />

aux quatre coins de notre planète.<br />

JACQUES GOSSART<br />

Mais que faire de ces irréductibles-ci ? Sur une<br />

fresque d’A<strong>ou</strong>anrhet : la nageuse aux seins sur le<br />

dos (sic), et l’homme sortant d’un escargot (resic)<br />

OFFRE<br />

KADATH<br />

L’article de Pierre Vial sur les solstices, est<br />

extrait d’un <strong>ou</strong>vrage écrit en collaboration avec<br />

Jean Mabire, et paru aux Editions du GRECE.<br />

« Les solstices. Histoire et actualité ».<br />

Légendes, tradition, folklore, origines.<br />

204 pages, avec de nombreuses illustrations.<br />

Le livre peut être obtenu auprès de Prim’édit,<br />

p<strong>ou</strong>r la somme de 245 FB, t<strong>ou</strong>s frais d’envoi<br />

compris.


Mysterieuse celtie<br />

HISTOIRE ET ACTUALITE<br />

DES SOLSTICES<br />

Pierre Vial<br />

Dans le cadre de cette rubrique, n<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s efforcions de présenter quelques sites mégalithiques remarquables<br />

de par leurs caractéristiques à chaque fois différentes. Mais n<strong>ou</strong>s sommes bien conscients de ce<br />

que les pierres ne peuvent guère f<strong>ou</strong>rnir que ce qu’elles représentent dans l’espace : une structure, une<br />

orientation, quelques gravures. Aussi le complément indispensable se tr<strong>ou</strong>ve-t-il dans les légendes et traditions.<br />

Malheureusement, l’homme des mégalithes ne n<strong>ou</strong>s a rien transmis de tel directement, simplement<br />

en a-t-il imprégné les peuples qui lui ont succédé, les Celtes en l’occurrence. Mais ceux-ci étant arrivés<br />

chez n<strong>ou</strong>s munis de leur propre folklore, les étudier n<strong>ou</strong>s apprendra beauc<strong>ou</strong>p sur les Celtes, mais sur<br />

ceux qui les précédaient ? II faut donc s’armer de patience, scruter les traditions à la recherche d’éléments<br />

minimes qui sont, sans d<strong>ou</strong>te, les véritables vestiges de civilisations antérieures disparues. C’est ce que<br />

n<strong>ou</strong>s avons fait avec la légende de saint Cornély à Carnac, c’est ce que n<strong>ou</strong>s avons tenté avec les chevaux<br />

blancs. En se gardant bien de ne pas tomber dans le travers néo-celtisant qui leur attribue t<strong>ou</strong>t ce<br />

qu’on ne comprend pas. Simplement à la recherche d’un portrait-robot des Pré-Celtes, de ceux qui étaient<br />

là bien avant. C’est dans cette optique que n<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s intéressons ici au culte solaire.<br />

« L’histoire du monde<br />

n’est que l’histoire du soleil ».<br />

Ernest Renan.<br />

Partis d’Europe du Nord, les peuples indoeuropéens<br />

qui sont à l’origine de notre civilisation<br />

portaient en eux une conception du monde spécifique<br />

qui se retr<strong>ou</strong>ve dans chacune des composantes<br />

de la civilisation européenne antique : de<br />

l’Empire celte à la Grèce, du Latium à la Perse,<br />

de la Germanie à la terre des Aryens. Cette<br />

conception du monde s’exprime à travers des<br />

symboles. Beauc<strong>ou</strong>p ont une signification solaire.<br />

P<strong>ou</strong>r les Indo-Européens, le soleil est la s<strong>ou</strong>rce<br />

de la lumière, de la chaleur et de la vie. Les textes<br />

aryens font du soleil l’origine de t<strong>ou</strong>t ce qui<br />

existe, le principe et la fin de t<strong>ou</strong>te manifestation :<br />

il est appelé « le n<strong>ou</strong>rrisseur » (Savitri). L’alternance<br />

vie-mort-renaissance est symbolisée par le<br />

cycle solaire : j<strong>ou</strong>rnalier (très fréquemment évoqué<br />

dans les textes védiques) et annuel. Le soleil<br />

est un aspect de l’Arbre du monde — de l’Arbre<br />

de vie — qui s’identifie lui-même au rayon solaire<br />

(les rayons solaires faisant la liaison entre ces<br />

deux aspects d’une même réalité que sont le ciel<br />

et la terre). Le soleil est lumière de connaissance<br />

et foyer d’énergie. Le nom d’Héliopolis (<strong>ou</strong> cité du<br />

soleil) est donné dans des récits mythiques, aux<br />

centres de tradition spirituelle. C’est le siège du<br />

législateur des Aryens, Manu.<br />

Issu du monde hyperboréen, Apollon est p<strong>ou</strong>r les<br />

Grecs le dieu solaire par excellence, le dieu initiateur<br />

dont la flèche ressemble à un rayon de soleil,<br />

en harmonie avec la blondeur de sa chevelure, la<br />

lyre dorée au son de laquelle il charme l’Olympe et<br />

l’or de son char qui parc<strong>ou</strong>rt le ciel tiré par trois chevaux<br />

blancs. Principe actif, alors que la lune, qui<br />

reflète sa lumière est principe passif, le soleil<br />

devient chez les Celtes le dieu Lug (le lumineux).<br />

Il faut d’ailleurs remarquer que la racine désignant<br />

le mot « dieu » est pratiquement la même<br />

chez t<strong>ou</strong>s les Indo-Européens : les Italo-Celtiques<br />

(deus), les Hellènes (theos), les Aryens (deiwos),<br />

le terme ayant t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs un d<strong>ou</strong>ble sens originel<br />

d’être solaire et lumineux. La même racine se<br />

retr<strong>ou</strong>ve particulièrement dans les noms de dieux<br />

personnifiant le ciel-père : latin Jupiter (deuspater),<br />

grec Zeus-pater, védique dyauh-Pitâ.<br />

Dans les textes irlandais et gallois, où il est utilisé<br />

p<strong>ou</strong>r des comparaisons et des métaphores, le<br />

soleil sert à caractériser, non seulement le brillant<br />

<strong>ou</strong> le lumineux, mais t<strong>ou</strong>t ce qui est beau,<br />

29


30<br />

aimable, splendide. Les textes gallois désignent<br />

s<strong>ou</strong>vent le soleil par la métaphore « œil du j<strong>ou</strong>r »<br />

et le nom de œil en irlandais (sul) qui est l’équivalent<br />

du nom brittonique du soleil, s<strong>ou</strong>ligne le symbolisme<br />

solaire de œil . Les Védas parlent aussi<br />

du soleil comme « œil du monde » <strong>ou</strong> « le cœur<br />

du monde ». Comme tel, il est parfois figuré au<br />

centre de la r<strong>ou</strong>e du Zodiaque.<br />

Symboles solaires<br />

et conception du monde.<br />

La r<strong>ou</strong>e est symbole du soleil rayonnant. Se rapportant<br />

au monde du devenir, de la création continue,<br />

elle symbolise les cycles, les recommencements,<br />

les ren<strong>ou</strong>vellements. Dans les traditions<br />

européennes, la r<strong>ou</strong>e est fréquemment utilisée<br />

p<strong>ou</strong>r célébrer les grandes fêtes solaires : r<strong>ou</strong>es<br />

embrasées dévalant les hauteurs au solstice d’été,<br />

processions lumineuses se dér<strong>ou</strong>lant sur les montagnes<br />

au solstice d’hiver, r<strong>ou</strong>es portées sur les<br />

chars des cortèges de fête, r<strong>ou</strong>es sculptées sur<br />

les portes des maisons familiales ... Dans les textes<br />

védiques la r<strong>ou</strong>e a une signification cosmique :<br />

sa rotation permanente symbolise le ren<strong>ou</strong>vellement<br />

; d’elle naissent l’espace et t<strong>ou</strong>tes les divisions<br />

du temps. Comme le montre l’iconographie,<br />

la r<strong>ou</strong>e a s<strong>ou</strong>vent d<strong>ou</strong>ze rayons, nombre du cycle<br />

solaire ; lorsqu’elle a quatre rayons, elle représente<br />

l’expansion selon les quatre directions de l’espace,<br />

mais aussi le rythme quaternaire des saisons.<br />

« Un c<strong>ou</strong>rsier unique au septuple nom meut<br />

la r<strong>ou</strong>e au triple moyeu, la r<strong>ou</strong>e immortelle que<br />

rien n’arrête, sur laquelle reposent t<strong>ou</strong>s les<br />

êtres », disent les Védas.<br />

A l’autre extrémité du monde indo-européen, chez<br />

les Celtes, la r<strong>ou</strong>e est part<strong>ou</strong>t présente. Elle est<br />

plus s<strong>ou</strong>vent figurée, dans les sculptures galloromaines,<br />

en compagnie du Jupiter celtique, communément<br />

appelé dieu à la r<strong>ou</strong>e <strong>ou</strong> Taranis, <strong>ou</strong><br />

encore du cavalier au géant anguipède. Les<br />

témoignages en sont innombrables et attestent<br />

une extension au niveau populaire : terres cuites,<br />

bronzes. La r<strong>ou</strong>e est aussi et surt<strong>ou</strong>t une représentation<br />

du monde : « Si l’on se reporte à la comparaison<br />

irlandaise de la r<strong>ou</strong>e cosmique du druide<br />

mythique Mag Ruith (« serviteur de la r<strong>ou</strong>e », dont<br />

la r<strong>ou</strong>e est en bois d’if), le dieu à la r<strong>ou</strong>e celtique<br />

est le moteur immobile, au centre du m<strong>ou</strong>vement,<br />

dont il est l’axe. Une plaque du chaudron de Gundestrup<br />

représente un homme t<strong>ou</strong>rnant la r<strong>ou</strong>e<br />

cosmique, tandis que le dieu est représenté en<br />

buste, les bras levés. La r<strong>ou</strong>e est symbole du<br />

changement et du ret<strong>ou</strong>r des formes de l’existence.<br />

Une épée de Hallstatt représente deux jeunes<br />

gens (analogues des Dioscures ?) faisant t<strong>ou</strong>rner<br />

la r<strong>ou</strong>e et qui doivent symboliser la succession du<br />

j<strong>ou</strong>r et de la nuit. Une déesse galloise citée dans<br />

le Mabinogui de Math, fils de Mathonwy, a p<strong>ou</strong>r<br />

nom Arianrhod, « r<strong>ou</strong>e d’argent ».<br />

L’un de ses fils, Llew, porte un nom qui correspond<br />

à celui de l’Irlandais Lug. Parmi les jeunes<br />

guerriers de Cuchulainn figure celui de la r<strong>ou</strong>e : le<br />

jeune héros se contorsionne de manière à former<br />

de son corps une r<strong>ou</strong>e animée d’une grande vitesse.<br />

On peut noter que le thème roto, « r<strong>ou</strong>e », est<br />

largement représenté en toponymie gauloise,<br />

l’exemple le plus connu étant Rotomagus (R<strong>ou</strong>en).<br />

R<strong>ou</strong>es solaires, svastikas, spirales, triskèles représentent<br />

depuis la plus haute Antiquité la force<br />

créatrice, l’énergie vitale du soleil. Le christianisme<br />

a repris à son compte, en le dét<strong>ou</strong>rnant à son<br />

profit ce symbolisme : le chrisme monogramme du<br />

Christ, de même que les rosaces des cathédrales<br />

gothiques, le nimbe ent<strong>ou</strong>rant la tête des saints <strong>ou</strong><br />

la croix elle-même, surt<strong>ou</strong>t s<strong>ou</strong>s sa forme grecque<br />

sont autant d’images solaires.<br />

Le soleil et le feu chez nos ancêtres.<br />

On comprend p<strong>ou</strong>rquoi les Indo-Européens, attentifs<br />

à la c<strong>ou</strong>rse du soleil dans le ciel, célébraient<br />

avec ferveur le solstice d’hiver et avec magnificence<br />

le solstice d’été. Les solstices demeurent, en<br />

effet, deux moments privilégiés dans le dér<strong>ou</strong>lement<br />

du cycle annuel. Au fil des mois, la lente et<br />

profonde respiration de la nature unit la terre et le<br />

ciel dans un même devenir. T<strong>ou</strong>t au long de l’été<br />

et de l’automne, les j<strong>ou</strong>rs racc<strong>ou</strong>rcissent progressivement,<br />

le soleil reste présent de moins en<br />

moins longtemps p<strong>ou</strong>r éclairer les activités des<br />

hommes. II semble qu’il marche vers sa mort. Or,<br />

chacun le sait, la disparition du soleil serait la fin<br />

de t<strong>ou</strong>te vie.<br />

Au solstice d’hiver, dans la nuit la plus longue de<br />

l’année, les hommes entament une longue veille<br />

où, on entretenant la flamme dans le foyer familial,<br />

ils marquent leur confiance en le ret<strong>ou</strong>r du soleil,<br />

leur confiance en la pérennité de la vie. Avec<br />

recueillement. Et le soleil ne trompe pas leur<br />

espoir : il reprend son élan dans le ciel d’hiver<br />

avant de monter j<strong>ou</strong>r après j<strong>ou</strong>r, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs plus<br />

haut, dans le ciel du printemps. Lorsqu’arrive l’été,<br />

le solstice est le triomphe de la lumière et de la<br />

chaleur. Les hommes célèbrent la puissance du<br />

soleil dans la joie. Les peuples indo-européens<br />

illustraient leur foi dans le soleil et leur vénération<br />

du feu — image du soleil que le génie de l’homme<br />

était capable de créer — par des mythes exemplaires.<br />

Tels celui de Balder chez les Nordiques et<br />

celui de Prométhée chez les Grecs.<br />

Dans l’Antiquité, les peuples indo-européens célébraient<br />

les solstices par de grandes fêtes dont<br />

l’élément central, symbolique, était t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs le feu.<br />

Feu dans l’âtre au solstice d’hiver, avec les bûches<br />

de Jul regr<strong>ou</strong>pant aut<strong>ou</strong>r d’elles le clan familial.<br />

Grand bûcher dressé dans la c<strong>ou</strong>r de la ferme,<br />

sur la place du village, dans les clairières <strong>ou</strong> au<br />

sommet des collines p<strong>ou</strong>r le solstice d’été. R<strong>ou</strong>es


enflammées dévalant les pentes, torches portées<br />

à b<strong>ou</strong>t de bras, b<strong>ou</strong>gies fixées sur les chandeliers<br />

de Jul : la flamme était t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs l’expression la<br />

plus visible de la célébration solsticiale. Les feux<br />

étaient destinés à protéger la vie des hommes, du<br />

bétail et des cultures contre les puissances néfastes,<br />

à honorer les ancêtres, à fêter les enfants et à<br />

favoriser par la naissance de n<strong>ou</strong>veaux descendants<br />

la vie de la lignée. Assurer la permanence,<br />

la continuité du feu, au sein de la famille, du clan,<br />

de la cité : c’est un s<strong>ou</strong>ci commun à t<strong>ou</strong>s les peuples<br />

indo-européens.<br />

P<strong>ou</strong>r les Aryens, le principe même de la vie est<br />

Agni, le feu divinisé. Ce feu divin est à l’origine de<br />

t<strong>ou</strong>tes choses : le sang, dans son acception la<br />

plus large, provient de lui. Ce principe initial, origine<br />

de t<strong>ou</strong>te vie, est aussi l’âme des ancêtres<br />

transmise de descendant en descendant, jusqu’à<br />

n<strong>ou</strong>s. Par le feu est célébré le dieu-sang qui est la<br />

chaîne unissant ancêtres, membres de la famille<br />

présente et descendants à venir. Dans l’aire de<br />

l’expansion celtique, de nombreux monuments<br />

mégalithiques sont liés au culte solsticial, les Celtes<br />

ayant repris à leur compte et adapté à leurs<br />

croyances des sites utilisés antérieurement à leur<br />

arrivée. En Angleterre, chez les Celtes insulaires<br />

et chez les peuples autochtones qui les ont précédés,<br />

les sanctuaires solaires de Stonehenge,<br />

d’Avebury, de West Kennet Long Barrow, Silbury<br />

Char solaire de Trundholm au Danemark.<br />

Hill, Windmill Hill, attestent l’importance du solstice.<br />

P<strong>ou</strong>r les Germains, le feu brûlant éternellement<br />

au foyer symbolise la continuité dans le sang<br />

de la famille <strong>ou</strong> de la tribu du sang hérité d’un lointain<br />

ancêtre divin. La famille existe par cette continuité<br />

du sang, du soleil et du feu. Maison, feu du<br />

foyer, sang, famille ne font qu’un.<br />

La christianisation des solstices.<br />

Dans son dictionnaire d’archéologie chrétienne,<br />

Dom Leclercq écrit : « Le Christ étant considéré<br />

comme le vrai dieu de la lumière et le créateur du<br />

soleil, dans lequel il a établi sa demeure, on voit<br />

dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, le<br />

dieu Sol devenir le Christ. » Ainsi le j<strong>ou</strong>r de la<br />

naissance de Mithra fut-il célébré comme celui de<br />

la naissance de Jésus. Justin rapporte que « les<br />

chrétiens s’assemblent le j<strong>ou</strong>r du Soleil » p<strong>ou</strong>r dire<br />

des prières et distribuer du pain et de l’eau aux<br />

assistants. Et Victor Duruy signale que<br />

« Constantin composa, p<strong>ou</strong>r être récitée le dimanche<br />

par les légions, une prière qui p<strong>ou</strong>vait satisfaire<br />

à la fois les adorateurs de Mithra, de Sérapis,<br />

du Soleil et du Christ. » Cette assimilation est très<br />

caractéristique de la technique employée par le<br />

christianisme p<strong>ou</strong>r implanter son influence, puis<br />

imposer son monopole dans l’esprit des peuples<br />

européens.<br />

31


32<br />

Au sein du monde romain, l’installation massive<br />

d’Orientaux, esclaves et marchands, dans la partie<br />

occidentale de l’Empire alla de pair avec la diffusion<br />

des religions orientales. Parmi elles, celle qui<br />

montra le plus d’efficacité dans sa propagande et<br />

son organisation fut la religion chrétienne. S’appuyant<br />

sur des éléments marginaux de la société<br />

séduite par son caractère à la fois utopique et<br />

subversif, mais développant parallèlement une<br />

politique d’implantation systématique dans les<br />

milieux influents, en particulier à la c<strong>ou</strong>r impériale,<br />

le christianisme se révéla, dans la confusion des<br />

guerres civiles opposant entre eux plusieurs candidats<br />

au p<strong>ou</strong>voir, un facteur politique de poids. Au<br />

début du IVème siècle, Constantin j<strong>ou</strong>a la carte<br />

chrétienne p<strong>ou</strong>r s’imposer à ses rivaux. A partir de<br />

son règne, et sauf à de rares intervalles (règne de<br />

Julien), le christianisme reçut l’appui du p<strong>ou</strong>voir<br />

romain. En échange du s<strong>ou</strong>tien politique de l’Eglise,<br />

l’empereur aida celle-ci à supplanter puis à<br />

éliminer les religions orientales rivales, mais aussi<br />

et surt<strong>ou</strong>t le paganisme.<br />

La persistance des traditions païennes s’avéra<br />

cependant très tenace, en particulier dans les<br />

campagnes (le mot paganisme vient d’ailleurs du<br />

latin « paganus » paysan, celui qui habite le<br />

« pagus », le pays). L’Eglise déclencha contre le<br />

paganisme une d<strong>ou</strong>ble attaque. Une attaque<br />

directe : au IVème siècle, les édits impériaux se<br />

succèdent p<strong>ou</strong>r interdire les traditions païennes, le<br />

c<strong>ou</strong>ronnement en étant l’édit de Théodose de 392<br />

qui met le paganisme totalement hors-la-loi. Une<br />

attaque indirecte : il s’agit de récupérer les traditions<br />

païennes qui s’avèrent indéracinables, en les<br />

intégrant au christianisme, en leur donnant une<br />

signification n<strong>ou</strong>velle, à l’opposé de leur signification<br />

originelle. Dans le cadre de cette récupération,<br />

les fêtes de solstices d’hiver et d’été furent<br />

intégrées au calendrier chrétien, dans le cycle<br />

annuel qui devait désormais rythmer la vie des<br />

hommes d’Europe s<strong>ou</strong>s la férule de l’Eglise. Le<br />

solstice d’hiver devint Noël et le solstice d’été, la<br />

Saint-Jean.<br />

La décision de fixer la naissance du Christ au<br />

25 décembre fut l’objet de vives controverses au<br />

sein de l’Eglise. L’abbé Duchesne reconnaît,<br />

dans « Les origines du culte chrétien », qu’il n’y a<br />

aucune tradition sur le j<strong>ou</strong>r de la naissance du<br />

Christ. L’année même est incertaine (...). Quant<br />

au mois et au j<strong>ou</strong>r, ils étaient absolument inconnus<br />

(...). Le livre intitulé « De Pascha computus<br />

», publié en 243, soit en Afrique, soit en Italie,<br />

dit que Notre-Seigneur était né le 28 mars. « Ces<br />

faits supposent que, vers le milieu du IIème siècle,<br />

la fête de Noël était encore inconnue en Occident.<br />

Sa plus ancienne attestation est le calendrier<br />

philocalien, dressé à Rome en 336. Ce fut<br />

d’abord une fête propre à l’Eglise latine. Saint<br />

Jean Chrysostome atteste, dans une homélie<br />

prononcée en 386, qu’elle n’avait été introduite à<br />

Antioche que depuis dix ans environ, soit vers<br />

375. Au temps où il parlait, la fête n’était pas encore<br />

observée ni à Jérusalem, ni à Alexandrie.<br />

Dans cette dernière métropole, elle fut adoptée<br />

vers 430. Les Arméniens, après l’avoir admise, la<br />

répudièrent quand ils se séparèrent de la communion<br />

catholique. Ces Eglises avaient cependant<br />

une fête de même sens <strong>ou</strong> de sens analogue<br />

à celui de la fête latine du 25 décembre ;<br />

c’est ce qu’elles appelaient la fête «des apparitions»,<br />

l’Epiphanie, qu’elles célébraient le 6 janvier.<br />

Le plus lointain indice qui se rapporte à cette<br />

fête n<strong>ou</strong>s est f<strong>ou</strong>rni par Clément d’Alexandrie. II<br />

raconte que les Basilidiens célébraient le j<strong>ou</strong>r du<br />

baptême du Christ par une fête précédée d’une<br />

vigile <strong>ou</strong> veillée, passée à entendre des lectures.<br />

Ils variaient cependant sur la date ; les uns célébraient<br />

la fête le 10 janvier, les autres le 6. On ne<br />

sait pas au juste à quel moment cet usage fut<br />

accepté par les Eglises orthodoxes d’Orient, mais<br />

il est sûr que, dans le c<strong>ou</strong>rant du IVème siècle la<br />

fête du 6 janvier y était universellement observée<br />

; on y célébrait une triple commémoration,<br />

celle de la naissance du Christ, celle de son adoration<br />

par les Mages, enfin celle de son baptême<br />

(...). A Rome et en Afrique, on ne connaissait pas<br />

plus la fête du 6 janvier que les Orientaux celle<br />

du 25 décembre (...). Vers la fin du IIIème siècle,<br />

l’usage s’étendit dans t<strong>ou</strong>te l’Eglise de célébrer<br />

l’anniversaire de la naissance du Christ ; mais on<br />

n’adopta pas part<strong>ou</strong>t le même j<strong>ou</strong>r. En Occident<br />

on choisit le 25 décembre, en Orient le 6 janvier.<br />

Les deux usages, d’abord distincts, finirent par se<br />

combiner, de sorte que les deux fêtes furent observées<br />

par t<strong>ou</strong>t le monde <strong>ou</strong> à peu près ».<br />

P<strong>ou</strong>rquoi l’Eglise de Rome choisit-elle la date du<br />

25 décembre ? L’abbé Duchesne, suivi par le<br />

« Dictionnaire de théologie catholique » explique<br />

que le 25 décembre a été choisi parce qu’il correspondait<br />

à la fête du Natalis Invicti : « L’Invictus<br />

(l’invaincu), » écrit-il, « est le soleil, dont la naissance<br />

coïncide avec le solstice d’hiver c’est-à-dire<br />

le 25 décembre, suivant le calendrier romain. »<br />

Faisant coïncider ses grandes fêtes avec celles du<br />

paganisme, le christianisme reprit aussi à celui-ci<br />

son symbolisme. Le symbolisme du feu, si important<br />

dans la tradition païenne, fut intégré dans la<br />

liturgie chrétienne.<br />

L’Eglise a étendu aux rites liturgiques du cycle de<br />

Pâques le symbolisme du feu : extinction des<br />

quinze cierges au c<strong>ou</strong>rs de l’office des Ténèbres,<br />

suppression de t<strong>ou</strong>te lumière pendant la semaine<br />

sainte, enfin l’allumage en-dehors du sanctuaire<br />

d’un n<strong>ou</strong>veau feu tiré d’une pierre et bénédiction<br />

de ce feu qui sert à allumer les cierges, en particulier<br />

le cierge pascal.


En reprenant à son compte les symboles du paganisme,<br />

l’Eglise j<strong>ou</strong>ait un « jeu » dangereux ; elle<br />

risquait en effet de les voir se perpétuer et conserver<br />

leur signification première. Il fallait donc, soit<br />

annihiler cette signification première en lui superposant<br />

une explication chrétienne, soit, si elle était<br />

trop tenace, en donner une explication « noircie ».<br />

Supprimer l’interprétation païenne des traditions<br />

de solstices impliquait une lutte globale contre les<br />

survivances du paganisme. Avec l’appui du p<strong>ou</strong>voir<br />

séculier, l’Eglise s’est attachée, pendant plusieurs<br />

siècles, à détruire ces survivances. Avec<br />

une insistance qui montre l’inefficacité de la répression,<br />

les conciles ordonnent de traquer le paganisme<br />

: les canons des conciles de Vannes en<br />

491, d’Orléans en 541, de T<strong>ou</strong>rs en 567, d’Auxerre<br />

en 605, de Clichy en 627, de Tolède en 693, de<br />

Leptines (Hainaut) en 743, de Mayence en 813,<br />

reprennent les mêmes interdictions en des termes<br />

le plus s<strong>ou</strong>vent identiques.<br />

Les feux de la Saint-Jean.<br />

Les solstices sont particulièrement visés, car ils<br />

semblent être restés très populaires. L’évêque<br />

d’Arles, Césaire, dans un sermon prononcé au<br />

début du VIème siècle, interdit aux Provençaux de<br />

« se baigner dans les fontaines, les marais et les<br />

rivières, la nuit de la Saint-Jean et à l’aube du j<strong>ou</strong>r<br />

suivant ». Car, affirme le prélat, « cette c<strong>ou</strong>tume<br />

néfaste relève du paganisme ». De même, au<br />

VIIème siècle, saint Eloi ordonne : « Que nul, à la<br />

fête de la Saint-Jean <strong>ou</strong> à certaines solennités des<br />

saints ne s’exerce à observer les solstices, les<br />

danses, les caroles et les chants diaboliques ».<br />

Les clercs ne purent par leurs malédictions déraciner<br />

les c<strong>ou</strong>tumes du solstice. Publié à Lyon en<br />

1544, le « Tractatus de superstitionibus » de Martin<br />

d’Arles, archidiacre de Pampelonne, décrit<br />

avec réprobation les feux du solstice d’été qui sont<br />

de c<strong>ou</strong>tume en Gascogne à cette époque. Le<br />

concile de Trente, face à la vague de la Réforme,<br />

recommande aux évêques de tenir compte des<br />

habitudes collectives locales, p<strong>ou</strong>r s’attacher sentimentalement<br />

les populations au catholicisme. Il<br />

faut, cependant, que le clergé local encadre avec<br />

soin une fête comme la Saint-Jean p<strong>ou</strong>r en éliminer<br />

t<strong>ou</strong>t esprit païen. Très instructives, à cet<br />

égard, sont les Constitutions rédigées par saint<br />

François de Sales, évêque de Genève au début<br />

du XVIIème siècle, et destinées à guider les curés<br />

savoyards dans leur action pastorale. Les exhortant<br />

à organiser et à mettre en valeur le feu de la<br />

Saint-Jean, en conduisant vers le bûcher la procession<br />

des autorités locales et de la population et<br />

en dirigeant personnellement le dér<strong>ou</strong>lement de la<br />

fête, l’auteur explique que c’est une action « que<br />

n<strong>ou</strong>s avons jugé d’autant plus nécessaire que<br />

n<strong>ou</strong>s n’avons pas tr<strong>ou</strong>vé un moyen plus propre ni<br />

plus d<strong>ou</strong>x p<strong>ou</strong>r en retrancher les danses et les<br />

immodesties qui ont fait dégénérer une réj<strong>ou</strong>issance<br />

si ancienne, si juste et si sainte, en une occasion<br />

de débauche et de péché ».<br />

Bossuet, évêque de Meaux, s’efforça, lui aussi, de<br />

canaliser les tendances populaires profondes par<br />

le moyen d’un Catéchisme. Celui-ci, rédigé s<strong>ou</strong>s<br />

forme « demande-réponse » est :<br />

D. — P<strong>ou</strong>rquoi l’Eglise témoigne-t-elle tant de joie<br />

à la naissance de saint Jean-Baptiste ?<br />

R. — Elle ne fait cela que p<strong>ou</strong>r perpétuer la joie<br />

que l’ange avait prédite.<br />

D. — Comment ?<br />

R. — L’ange Gabriel avait prédit à son père Zacharie<br />

qu’on se réj<strong>ou</strong>irait à sa naissance.<br />

D. — Est-ce p<strong>ou</strong>r cela qu’on allume des feux de<br />

joie ?<br />

R. — Oui, c’est p<strong>ou</strong>r cela.<br />

D. — L’Eglise prend-elle part à ces feux ?<br />

R. — Oui, puisque dans plusieurs diocèses, en<br />

particulier dans celui-ci, plusieurs paroisses font<br />

un feu que l’on appelle ecclésiastique.<br />

D. — Quelle raison a-t-on de faire ce feu de<br />

manière ecclésiastique ?<br />

R. — P<strong>ou</strong>r en bannir les superstitions que l’on<br />

pratique aux feux de Saint-Jean.<br />

D. — Quelles sont ces superstitions ?<br />

R. — Danser à l’ent<strong>ou</strong>r du feu, j<strong>ou</strong>er, faire des<br />

festins, chanter des chansons déshonnêtes, jeter<br />

des herbes par-dessus le feu, en cueillir avant<br />

midi <strong>ou</strong> à jeun, en porter sur soi, les conserver au<br />

long de l’année, garder des tisons <strong>ou</strong> des charbons<br />

du feu.<br />

Cette allusion au diable est très caractéristique.<br />

Depuis le Moyen Age, les traditions et symboles<br />

païens ont été catalogués automatiquement comme<br />

« démoniaques ». La description du monde de<br />

la sorcellerie apparaît s<strong>ou</strong>s la plume des clercs,<br />

chargée de symboles dont le sens a été « noirci ».<br />

Le diable lui-même est le « prince des ténèbres ».<br />

S’il est « porteur de lumière » (Lucifer) c’est d’une<br />

lumière infernale, celle des flammes où brûlent les<br />

damnés. Les feux auxquels il préside sont ceux<br />

du sabbat, s<strong>ou</strong>s la forme d’un grand b<strong>ou</strong>c puant,<br />

image « négative » du b<strong>ou</strong>c de Thor et du dieu<br />

Pan, <strong>ou</strong> d’un grand cerf, s<strong>ou</strong>venir du dieu celte<br />

Cernunnos. Le chaudron sacré des druides est<br />

devenu le chaudron des sorcières. II ne sert plus<br />

à fabriquer la boisson d’immortalité, mais des<br />

philtres de mort. Les sabbats se dér<strong>ou</strong>lent au<br />

cœur des forêts, lieu de prédilection de la<br />

spiritualité païenne, et la sorcière, v<strong>ou</strong>ée au<br />

diable, est ent<strong>ou</strong>rée d’animaux sataniques :<br />

les noirs corbeaux (compagnons d’Odin) et la<br />

ch<strong>ou</strong>ette (l’oiseau d’Athéna, oiseau de<br />

sagesse). Ainsi, la politique de l’Eglise à<br />

l’égard des traditions héritées du paganisme a<br />

t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs été ambivalente : répression et récupération.<br />

Mais ni l’une ni l’autre n’ont pu venir<br />

à b<strong>ou</strong>t des solstices. Il est des racines qu’il est<br />

difficile d’extirper.<br />

(reproduit avec l’autorisation de l’auteur)<br />

33


34<br />

reactivation<br />

archeologique<br />

COMMENT DE CHIFFRER<br />

L’ECRITURE MAYA<br />

Anton Vollemaere<br />

S<strong>ou</strong>rces des textes hiéroglyphiques.<br />

La grande majorité des textes hiéroglyphiques<br />

mayas se tr<strong>ou</strong>ve sur les monuments et bâtiments<br />

en pierre — stèles, autels, façades, etc. — et dans<br />

les manuscrits précolombiens (codices). Rien que<br />

p<strong>ou</strong>r les derniers n<strong>ou</strong>s avons déjà environ 10.000<br />

glyphes. Les 62 marches sculptées de l’escalier<br />

hiéroglyphique de Copan (Honduras) représentent,<br />

avec 1500 à 2000 glyphes individuels, la plus<br />

longue inscription maya. Quelques fresques abîmées<br />

ont été retr<strong>ou</strong>vées sur des parois, à Bonampak,<br />

Uaxactun, Chichén-Itza et Tulum. On tr<strong>ou</strong>ve<br />

aussi des inscriptions sur des objets en jadéite,<br />

métal, os et sur des coquillages travaillés et des<br />

poteries.<br />

Mais en comparant les centaines de textes hiéroglyphiques<br />

des monuments, fresques, poteries <strong>ou</strong><br />

manuscrits de la région maya du Mexique, Guatemala<br />

et Honduras, il saute aux yeux que malgré la<br />

parenté évidente de leurs écritures, la composition<br />

des glyphes est en général très différente<br />

d’un document à l’autre. Cela est probablement<br />

dû en premier lieu au fait que d’autres sujets sont<br />

traités. P<strong>ou</strong>rtant l’analyse comparative de centaines<br />

de documents m’a apporté la conviction qu’ils<br />

sont écrits avec la même écriture dite maya, mais<br />

très probablement en différentes langues mayas.<br />

En effet, la nature principalement phonétique de<br />

l’écriture permettait de noter au moins la vingtaine<br />

de langues mayas. Je présume qu’il est très probable<br />

que beauc<strong>ou</strong>p de documents sont écrits en<br />

différentes langues, mais avec la même écriture<br />

universelle. N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons comparer ce phénomène<br />

à celui de l’écriture latine qui, à l’époque<br />

déjà, était utilisée comme écriture universelle p<strong>ou</strong>r<br />

(1ère partie)<br />

Escalier sculpté de glyphes, déc<strong>ou</strong>vert par Pierre<br />

lvanoff dans la jungle du Petén (Yucatán).<br />

noter plusieurs langues européennes. P<strong>ou</strong>r cette<br />

raison. j’ai refusé de mélanger les documents de<br />

différentes natures — ce que beauc<strong>ou</strong>p de chercheurs<br />

ont fait — car les difficultés de déchiffrement<br />

seraient augmentées énormément et très<br />

s<strong>ou</strong>vent d’une façon insurmontable. La seule bonne<br />

solution p<strong>ou</strong>r le déchiffrement est de traiter<br />

t<strong>ou</strong>s les documents par genre de support (papier,<br />

pierre, poterie,...), par sujet (stèles, fresques, manuscrits,...),<br />

par site (Chichén-Itza, Uxmal, Tikal,<br />

Copan,...) et en petits gr<strong>ou</strong>pes sélectionnés et<br />

manifestement apparentés.


A mes yeux, le gr<strong>ou</strong>pe qui présente le plus d’intérêt<br />

p<strong>ou</strong>r procéder aux premiers essais de déchiffrement<br />

de l’écriture dite maya, est sans d<strong>ou</strong>te<br />

celui des trois manuscrits précolombiens que<br />

n<strong>ou</strong>s connaissons s<strong>ou</strong>s les noms de codex Dresdensis,<br />

Peresianus et Tro-Cortesianus. P<strong>ou</strong>rquoi<br />

? Dans ces codices n<strong>ou</strong>s rencontrons des<br />

tableaux iconographiques accompagnés de textes<br />

hiéroglyphiques et des calendriers sur lesquels<br />

n<strong>ou</strong>s sommes très bien renseignés, ce qui<br />

représente une bonne base de travail. En <strong>ou</strong>tre,<br />

cette écriture appartient au même genre de compositions<br />

graphiques de glyphes que celui présenté<br />

par Diego de Landa dans son fameux manuscrit<br />

« Relación de las cosas de Yucatán ».<br />

P<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>tes ces raisons, il est donc logique de<br />

s’attaquer d’abord aux trois manuscrits précolombiens,<br />

afin d’en retirer un maximum de renseignements<br />

utiles au déchiffrement. Seulement après<br />

ce travail indispensable, et en connaissant alors<br />

les grandes règles et caractéristiques générales<br />

de l’écriture, n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>rrons songer sérieusement<br />

à procéder aux essais de déchiffrement d’autres<br />

documents mayas, comme les stèles par<br />

exemple.<br />

Un exemple : l’archipel des Tonga.<br />

L’alphabet de Diego de Landa.<br />

Les manuscrits précolombiens.<br />

Avant de présenter les trois codex mayas, il est<br />

bon de consulter d’abord Diego de Landa, second<br />

évêque résident du Yucatán. Par son manuscrit<br />

Relación de las cosas de Yucatán », écrit probablement<br />

en 1566, il est la première et principale<br />

s<strong>ou</strong>rce d’informations p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>s ceux qui s’occupent<br />

de la civilisation maya. En même temps, c’est<br />

la s<strong>ou</strong>rce la plus proche de la Conquête. Malgré<br />

certaines faiblesses et lacunes de son œuvre, de<br />

Landa n<strong>ou</strong>s f<strong>ou</strong>rnit des renseignements précieux<br />

sur l’écriture et le calendrier. N<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>rrons<br />

jamais <strong>ou</strong>blier les circonstances très difficiles dans<br />

lesquelles il a dû travailler. Pratiquement chaque<br />

auteur moderne a écrit sur de Landa. Les éditions<br />

en espagnol, français, anglais, russe et allemand<br />

de son manuscrit, pr<strong>ou</strong>vent indiscutablement la<br />

grande importance de son travail.<br />

Les glyphes que de Landa n<strong>ou</strong>s f<strong>ou</strong>rnit des j<strong>ou</strong>rs<br />

et des mois du calendrier maya, son fameux<br />

« alphabet » tant discuté, et ses renseignements<br />

ethnohistoriques, constituent une bonne introduction<br />

à l’étude de la civilisation maya. La valeur de<br />

35


36<br />

ses renseignements est en général très élevée,<br />

car il était bien placé p<strong>ou</strong>r les obtenir et il avait<br />

d’excellents informateurs indiens. Puisque l’écriture<br />

n’était pas enseignée au bas-peuple, il est clair<br />

qu’après la Conquête, faute de prêtres, la connaissance<br />

de l’écriture hiéroglyphique s’est très vite<br />

perdue sans laisser de trace dans la mémoire des<br />

Indiens. Mais ce qui est choquant et pénible à la<br />

fois, c’est le fait que certains frères franciscains<br />

savaient non seulement lire mais aussi écrire les<br />

hiéroglyphes mayas ! II est vraiment dommage et<br />

à pleurer, que leurs notes <strong>ou</strong> manuscrits, qui auraient<br />

pu faire avancer le déchiffrement de l’écriture,<br />

soient irrémédiablement perdus.<br />

Les livres indigènes étaient constitués d’une longue<br />

feuille pliée en accordéon (genre livre Leporello),<br />

le t<strong>ou</strong>t enfermé entre deux c<strong>ou</strong>vertures décorées.<br />

N<strong>ou</strong>s ne connaissons pas la nature de ces<br />

c<strong>ou</strong>vertures puisqu’elles manquent aux trois codex<br />

mayas. Le figuier Ficus coton/fo/la H.B.K. Alamo,<br />

servant à la fabrication des feuilles est l’arbre que<br />

les Mayas appellent « copo » et les Espagnols<br />

« alamo ». La fabrication est à mi-chemin entre<br />

celle du papyrus égyptien et celle du parchemin.<br />

Les feuilles recevaient un traitement préalable —<br />

on appliquait une c<strong>ou</strong>che de chaux permettant une<br />

peinture facile. Le t<strong>ou</strong>t ressemble un peu à la technique<br />

de la peinture des fresques.<br />

Présentons maintenant les trois manuscrits précolombiens<br />

mayas. Le codex Dresdensis est indiscutablement<br />

le plus beau et le plus soigné des<br />

codex connus à ce j<strong>ou</strong>r. Il porte le nom de la ville<br />

de Dresde (RDA) où il est conservé à la Sächsische<br />

Landesbibliothek entre deux plaques de verre.<br />

En 1739, Götze Johan Christian, qui y était alors<br />

bibliothécaire (à l’époque Königliche Oeffentliche<br />

Bibliothek), l’achetait à un particulier à Vienne. Le<br />

codex Peresianus est le plus petit et en même<br />

temps le moins bien conservé des manuscrits<br />

mayas. Léon de Rosny, fondateur de la Société<br />

Américaine de France, le déc<strong>ou</strong>vrit en 1859 à la<br />

Bibliothèque Nationale de Paris dans une corbeille<br />

à papier ! Puisqu’un papier d’accompagnement<br />

(perdu entre-temps) portait le nom de Perez, on le<br />

nomma codex Peresianus. Plus tard on constata<br />

que la tr<strong>ou</strong>vaille de Rosny n’était qu’une redéc<strong>ou</strong>verte,<br />

car le codex avait été acquis en 1832 par la<br />

Bibliothèque Nationale.<br />

Le codex Tro-Cortesianus est composé de deux<br />

fragments de manuscrits : le codex Troano (35<br />

feuilles) et le codex Cortesianus (21 feuilles). Lors<br />

d’une visite à Madrid en 1866, l’abbé Brasseur de<br />

B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg déc<strong>ou</strong>vrait le premier fragment chez un<br />

professeur espagnol de paléographie, Juan a Tro<br />

y Ortelano. P<strong>ou</strong>r cette raison, Brasseur lui a donné<br />

le nom de codex Troano lors de la publication en<br />

c<strong>ou</strong>leur d’une reproduction du manuscrit. Le second<br />

fragment, plus petit que le Troano, était en<br />

possession de l’Espagnol Juan Palacios, qui le<br />

proposa en 1867 p<strong>ou</strong>r 5000 duros à la Bibliothèque<br />

Impériale (actuellement Bibliothèque Nationale)<br />

de Paris, et probablement aussi au British Museum<br />

à Londres. Dans sa correspondance, Palacios<br />

prétendit que Ernan Cortez <strong>ou</strong> Pizarro l’avait<br />

rapporté lors de son ret<strong>ou</strong>r du Mexique. De t<strong>ou</strong>te<br />

façon, la vente ne fut pas conclue, car en 1875 le<br />

manuscrit fut vendu au Museo Arqueológico de<br />

Madrid par un nommé José Ignacio Miró. D’après<br />

ses dires, il en avait fait l’acquisition trois ans auparavant<br />

en Estrémadure. Plus tard, le g<strong>ou</strong>vernement<br />

espagnol acheta aussi le codex Troano. Les<br />

deux fragments se tr<strong>ou</strong>vent ainsi réunis au Museo<br />

de América à Madrid.<br />

Historique du déchiffrement.<br />

Le déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique des<br />

Mayas a été, dès le début, une affaire du monde<br />

scientifique international. Sur la liste d’honneur se<br />

tr<strong>ou</strong>vent de multiples nationalités représentant<br />

t<strong>ou</strong>te une série de pays : l’Espagne, la France,<br />

l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique,<br />

l’URSS, le Mexique, le Guatemala et ... la<br />

Belgique.<br />

Puisque de Landa, le premier investigateur, n<strong>ou</strong>s<br />

offre trois exemples p<strong>ou</strong>r A, et deux p<strong>ou</strong>r B, K, L,<br />

O, CU, X et U, il est clair que n<strong>ou</strong>s n’avons pas<br />

affaire à un alphabet, mais au moins à un syllabaire<br />

<strong>ou</strong> à des mots complets. Ce que n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons<br />

supposer c’est que les glyphes représentent des<br />

mots <strong>ou</strong> syllables commençant par les valeurs<br />

indiquées par de Landa. Zimmermann s’est étonné<br />

de tr<strong>ou</strong>ver le signe T à une place illogique dans<br />

l’alphabet. Mais la solution est simplement que les<br />

deux traits parallèles représentent, selon mon<br />

déchiffrement, la valeur phonétique CH <strong>ou</strong> CHé =<br />

arbre. P<strong>ou</strong>r une grande partie des langues mayas<br />

on emploie indifféremment soit CHé, soit Té, qui<br />

signifie aussi « arbre ». Puisque d’une part, selon<br />

l’usage espagnol, le CH vient après le C, et que<br />

d’autre part Té = CHé, ce signe était bien à sa<br />

place. De t<strong>ou</strong>te façon, malgré beauc<strong>ou</strong>p d’objections,<br />

l’auteur de cet exposé, a pu tirer profit de cet<br />

« alphabet » et des signes de j<strong>ou</strong>r et de mois en<br />

l’approchant s<strong>ou</strong>s un autre angle : l’analyse phonétique<br />

comparative en profondeur.<br />

L’écriture maya est, p<strong>ou</strong>r la première fois, portée à<br />

l’attention du monde, d’une façon scientifique et<br />

systématique, par l’abbé Brasseur de B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg,<br />

dont le zèle à f<strong>ou</strong>iller dans le passé de l’Amérique<br />

Centrale a sauvé maint manuscrit pré- et postcolombien<br />

de l’ignorance <strong>ou</strong> de la destruction. C’est<br />

lui qui présenta notamment le manuscrit de de<br />

Landa, le codex Troano et le dictionnaire de Motul,<br />

p<strong>ou</strong>r ne citer que les livres les plus importants.<br />

Son intérêt p<strong>ou</strong>r les Mayas a été éveillé par son


contact avec les Maya-Quichés, lorsqu’il était prêtre<br />

dans la ville quichée de Rabinal (Guatemala).<br />

Brasseur de B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg (titre qu’il abandonna<br />

après la défaite de Napoléon III) reconnut les signes<br />

des j<strong>ou</strong>rs dans le codex Troano (fragment du<br />

codex Tro-Cortesianus) et apprit la signification<br />

mathématique des points et des barres qui représentent<br />

respectivement les valeurs de 1 et de 5.<br />

Avec ce système, les Mayas formaient les chiffres<br />

de 1 à 19 compris. Brasseur reconnut aussi immédiatement<br />

comme maya les codex Dresdensis et<br />

Peresianus par l’identité de leurs glyphes avec<br />

ceux de de Landa, et il réalisa que les inscriptions<br />

de Palenque et Copan appartenaient à la même<br />

classe d’écriture.<br />

Le codex de Dresde.<br />

A ce moment, le codex Dresdensis était déjà publié<br />

par Lord Kingsbor<strong>ou</strong>gh dans son œuvre de<br />

neuf volumes « Antiquities of Mexico ». Les inscriptions<br />

de Palenque et Copan étaient déjà<br />

connues par les dessins splendides de Frederick<br />

Catherwood dans la publication « Incidents of travel<br />

in Central America, Chiapas and Yucatán » de<br />

John L. Stephens (1841). Léon de Rosny (1876)<br />

identifia correctement au moins un glyphe de<br />

mois, de même que les glyphes qu’on supposait<br />

représenter les points cardinaux. De fait ces glyphes<br />

sont en premier lieu et selon mes déchiffrements,<br />

les noms des divinités placées dans les<br />

37


38<br />

points cosmiques. A. P<strong>ou</strong>sse (1884) déc<strong>ou</strong>vrit<br />

comment on utilisait les chiffres r<strong>ou</strong>ges et noirs<br />

dans les manuscrits précolombiens et le glyphe de<br />

« 20 » employé p<strong>ou</strong>r les calendriers des tableaux<br />

iconographiques. Cyrus Thomas (1882-1904)<br />

identifia ce que l’on considère comme les cérémonies<br />

de fin d’année et de début du n<strong>ou</strong>vel-an dans<br />

le codex Troano. II écrivit beauc<strong>ou</strong>p au sujet de la<br />

numérotation maya et du calendrier, sans apporter<br />

t<strong>ou</strong>tefois une contribution importante. II faut dire<br />

que beauc<strong>ou</strong>p d’auteurs n’ont fait que remanier <strong>ou</strong><br />

copier les travaux des autres.<br />

Par contre, celui qui s’imposa dans le domaine de<br />

l’écriture hiéroglyphique fut Ernst Förstemann<br />

(1880), le bibliothécaire en chef de la Bibliothèque<br />

Royale (actuellement Sächsische Landesbibliothek)<br />

de Dresde. Il a apporté sa contribution fondamentale,<br />

entre autres par l’identification des<br />

signes des mois dans le codex Dresdensis, il a<br />

reconnu que le signe d’un coquillage possédait la<br />

signification de 0 et que le symbole de la lune représentait<br />

la valeur de 20. II a démonté le système<br />

d’un almanach religieux de 260 j<strong>ou</strong>rs, appelé<br />

TZOLKIN <strong>ou</strong> « compte des j<strong>ou</strong>rs ». En plus, il a<br />

constaté que les Mayas employaient un système<br />

vigésimal jusqu’au 5° degré par superposition des<br />

chiffres. Förstemann n<strong>ou</strong>s a expliqué aussi les<br />

tables complexes de Vénus dans le codex Dresdensis<br />

et il comprit la signification des tables des<br />

éclipses lunaires et solaires et les maintes tables<br />

de multiplication. De plus, événement important, il<br />

annonça que le « compte long » (à cinq positions)<br />

des calendriers, était compté à partir de la base<br />

4 AHAU 8 CUMKU et il peut expliquer les numéros<br />

encadrés, etc, etc.<br />

La liste des autres chercheurs dans le domaine de<br />

l’écriture maya est longue. N<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons<br />

omettre de citer parmi tant d’autres : Morley,<br />

Maudslay, Goodman, Long, Teeple, Beyer, Bowditch,<br />

Gates, Spinden, Seler, Berlin ... Quatre astronomes,<br />

Robert W. Willson, Hans Ludendorff,<br />

Arnost Dittrich et Maud W. Makemson, qui appartiennent<br />

à la dernière génération de chercheurs,<br />

ont essayé une interprétation astronomique des<br />

codex, mais avec très peu de succès. N<strong>ou</strong>s devons<br />

certainement mentionner J. Eric S. Thompson<br />

(†), qui s’est occupé sans relâche, depuis<br />

1929, de l’écriture maya. Citons son livre de synthèse<br />

« Maya Hieroglyphic Writing » qui précise sa<br />

contribution au déchiffrement. En ce qui concerne<br />

les travaux relativement récents, signalons encore<br />

que Zimmermann (1956) a dressé un catalogue<br />

très valable des glyphes des manuscrits mayas ;<br />

et les publications de Barthel, Smiley, Kelley,<br />

Rauh, Hochleitner et tant d’autres, cités dans les<br />

bibliographies.<br />

Depuis longtemps, p<strong>ou</strong>r ne pas dire depuis t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs,<br />

il y a eu deux écoles. La première présumait<br />

que l’écriture maya ne serait qu’une écriture pictographique<br />

- idéographique très rudimentaire qui<br />

employait le système du rébus <strong>ou</strong>, comme prétend<br />

le Professeur Thomas Barthel, une écriture<br />

« fragmentaire » (par opposition à nos écritures<br />

« totales ») qui n’est pas capable de rendre t<strong>ou</strong>s<br />

les éléments du langage parlé. La seconde école<br />

défendait l’idée que l’écriture maya était déjà<br />

beauc<strong>ou</strong>p plus évoluée qu’on le pensait et qu’elle<br />

avait passé le stade idéographique. Un de ses<br />

défenseurs, Whorf B.L. (1933) attaqua l’écriture<br />

maya phonétiquement mais fut mal reçu par les<br />

spécialistes. Le russe Knorozov reçut le même<br />

accueil négatif, après avoir annoncé triomphalement<br />

qu’il avait déchiffré l’écriture maya en appliquant<br />

une approche « marxiste-léniniste ». Ils furent<br />

discrédités par d’autres chercheurs qui étaient<br />

d’avis que Whorf et Knorozov menaient leurs études<br />

d’une façon trop superficielle et cela malgré<br />

certains points positifs.<br />

Une réaction fréquente, pas l<strong>ou</strong>able du t<strong>ou</strong>t, de<br />

la part de beauc<strong>ou</strong>p de chercheurs qui étudient<br />

les travaux des autres, est de chercher avant<br />

t<strong>ou</strong>t ce qui est fautif <strong>ou</strong> erroné et de négliger la<br />

partie valable. Très s<strong>ou</strong>vent des contributions<br />

importantes sont rejetées, discréditées <strong>ou</strong> mises<br />

de côté uniquement à cause de quelques fautes<br />

secondaires. II est vrai, que p<strong>ou</strong>r ce qui concerne<br />

le travail de Knorozov et des trois mathématiciens<br />

russes de Novosibirsk, il était beauc<strong>ou</strong>p<br />

trop tôt p<strong>ou</strong>r utiliser un cerveau électronique.<br />

Avant de faire appel à tel appareil, il faut connaître<br />

la structure et les propriétés de l’écriture<br />

maya p<strong>ou</strong>r la programmer correctement. Si un<br />

ordinateur peut travailler beauc<strong>ou</strong>p plus vite que<br />

l’homme, il ne peut cependant pas rendre ce que<br />

l’on n’y introduit pas comme information. T<strong>ou</strong>tefois,<br />

cet appareil peut être utilisé p<strong>ou</strong>r des travaux<br />

préparatoires au déchiffrement, tels des<br />

statistiques par exemple, si t<strong>ou</strong>tefois les informations<br />

sont correctes. De plus, les chercheurs<br />

russes ont utilisé un dictionnaire fort réduit et ils<br />

n’ont pas contrôlé les résultats. Quand on pense<br />

avoir déchiffré un document, il faut appliquer les<br />

mêmes valeurs des signes à un autre document,<br />

comme contrôle. Les mêmes remarques<br />

t<strong>ou</strong>chent aussi en général le travail fait au<br />

moyen d’un ordinateur par le gr<strong>ou</strong>pe<br />

« Seminario de Estudios de la Escritura Maya »<br />

à Mexico City s<strong>ou</strong>s la responsabilité du Professeur<br />

Daniel Cazes. Jusqu’à présent, ils n’ont<br />

pas tenu compte des propriétés des éléments<br />

graphiques et du caractère principalement phonétique<br />

des glyphes et affixes et d’autres caractéristiques<br />

importantes. Cela n’interdit pas<br />

d’espérer que dans un proche avenir n<strong>ou</strong>s serons<br />

aptes à tirer profit d’un cerveau électronique.


Caractéristiques de l’écriture maya.<br />

L’écriture n’est certes pas la plus ancienne invention<br />

de l’homme, loin de là, mais elle a certainement<br />

le plus b<strong>ou</strong>leversé l’aspect du monde. Elle a<br />

été, p<strong>ou</strong>r ainsi dire, la pierre d’angle de t<strong>ou</strong>tes les<br />

civilisations. Sans l’écriture, le monde ne serait<br />

pas ce qu’il est maintenant. Imaginons un seul<br />

instant notre monde d’auj<strong>ou</strong>rd’hui sans écriture !<br />

L’écriture a permis à l’homme de mieux communiquer<br />

avec ses semblables et elle a été l’<strong>ou</strong>til qui lui<br />

a permis de noter t<strong>ou</strong>tes ses connaissances, ses<br />

pensées et les faits historiques. Que seraient devenues<br />

les civilisations égyptienne, grecque, romaine,<br />

aztèque et maya sans l’écriture ?<br />

N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons dire qu’il existe environ quatrecents<br />

écritures différentes, sans compter les variantes,<br />

ce qui signifie que les caractéristiques<br />

sont elles aussi différenciées au point de vue typologie,<br />

sens de lecture, valeur unique <strong>ou</strong> multiple<br />

des signes, etc... Songeons seulement aux écritures<br />

romaine, grecque ; russe, juive, égyptienne,<br />

arabe, chinoise, etc... p<strong>ou</strong>r n<strong>ou</strong>s rendre compte<br />

déjà de la différence visuelle. En général, on distingue<br />

trois phases d’évolution p<strong>ou</strong>r les écritures<br />

anciennes : 1. la phase pictographique ; 2. la phase<br />

idéographique ; 3. la phase phonétique.<br />

N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons dire, par convention, que n<strong>ou</strong>s<br />

avons affaire à une écriture lorsqu’il s’agit d’un<br />

dessin (dans le sens large du mot) conventionnel<br />

qui contient une communication (soit p<strong>ou</strong>r autrui,<br />

soit p<strong>ou</strong>r soi-méme) qui est à lire dans un sens de<br />

lecture imposé. Les peintures préhistoriques, comme<br />

celles des grottes de Lascaux, Altamira et tant<br />

d’autres en Europe et Afrique, peuvent déjà être<br />

considérées comme des formes précoces de l’écriture.<br />

Dans le fond, ce sont réellement les racines<br />

de ce qui deviendra plus tard les écritures.<br />

Déjà par la création de dessins, l’homme s’est<br />

distingué des animaux. II s’est rendu compte à un<br />

certain moment qu’il p<strong>ou</strong>vait utiliser ces dessins<br />

stylisés d’animaux <strong>ou</strong> objets concrets p<strong>ou</strong>r communiquer<br />

avec ses semblables et soi-même et<br />

aussi — c’est du moins ce qu’il croyait — avec les<br />

esprits bienfaisants <strong>ou</strong> malfaisants qui l’ent<strong>ou</strong>raient<br />

et les divinités qu’il s’est créées selon ses<br />

besoins. Ces dessins <strong>ou</strong> images stylisés sont appelés<br />

« pictogrammes » et l’on parle ainsi d’écriture<br />

pictographique. Cette écriture rudimentaire<br />

avait ses limites puisque des objets concrets seulement<br />

étaient représentés. Même avec une grande<br />

quantité de pictogrammes on ne p<strong>ou</strong>vait pas<br />

rendre t<strong>ou</strong>te la pensée et le langage humains.<br />

Après un certain temps, l’homme s’est rendu<br />

compte, petit à petit, qu’il p<strong>ou</strong>vait augmenter<br />

énormément les possibilités d’expression de ces<br />

dessins stylisés en associant des idées suggé-<br />

rées <strong>ou</strong> liées aux objets concrets représentés.<br />

L’exemple classique que l’on donne p<strong>ou</strong>r illustrer<br />

cette évolution est le suivant. P<strong>ou</strong>r la plupart des<br />

peuples anciens, un cercle <strong>ou</strong> un disque représentait<br />

le soleil en tant que pictogramme, mais en<br />

tant qu’idéogramme, le dessin représentait des<br />

idées associées au soleil comme « j<strong>ou</strong>r »,<br />

« lumière » <strong>ou</strong> « chaleur ». II faut s<strong>ou</strong>ligner qu’un<br />

des rares avantages des écritures pictographiques<br />

et idéographiques réside justement dans<br />

son caractère universel puisque chacun peut<br />

« lire » les pictogrammes et idéogrammes directement<br />

dans sa propre langue à lui. Un Français<br />

lira le dessin du cercle comme « soleil », un Flamand<br />

« zon », un Espagnol « sol », un Anglais<br />

« sun », un Allemand « Sonne », etc... D’ailleurs,<br />

on utilise ces écritures auj<strong>ou</strong>rd’hui encore, sur le<br />

plan international, p<strong>ou</strong>r les panneaux de signalisation<br />

le long des autor<strong>ou</strong>tes et dans les villes.<br />

Chaque usager de la r<strong>ou</strong>te les « lira » dans sa<br />

propre langue. P<strong>ou</strong>r ce qui concerne l’écriture<br />

pictographique il faut mettre le lecteur en garde,<br />

du fait que ce genre d’écriture primitive se ressemble<br />

dans le monde entier, ce qui est logique<br />

puisque le soleil, un homme, une montagne, possèdent<br />

part<strong>ou</strong>t la même forme, et que ce n’est<br />

que dans les détails <strong>ou</strong> dans la schématisation<br />

que résident les nuances et variétés d’écritures<br />

pictographiques. P<strong>ou</strong>r cette raison, il faut veiller à<br />

ne pas tirer trop vite de conclusions dans les études<br />

comparatives des écritures pictographiques.<br />

Mais même l’écriture idéographique, malgré l’amélioration<br />

par rapport à l’écriture pictographique et<br />

le nombre élevé d’idéogrammes, ne f<strong>ou</strong>rnissait<br />

pas la solution idéale, puisqu’on ne p<strong>ou</strong>vait pas<br />

encore exprimer chaque notion abstraite. De plus,<br />

le grand handicap était sans aucun d<strong>ou</strong>te le nombre<br />

élevé de signes que chaque écrivain, et par<br />

conséquent chaque lecteur, devait connaître par<br />

cœur. Cette écriture était forcément réservée à<br />

une « élite » fort restreinte. La solution est venue<br />

progressivement quand l’homme a eu l’idée lumineuse<br />

de phonétiser les signes. Ils recevaient une<br />

<strong>ou</strong> plusieurs valeurs phonétiques. Le signe était<br />

dorénavant lié à une <strong>ou</strong> plusieurs langues. A partir<br />

de ce moment, l’homme s’était perfectionné un<br />

instrument de travail puissant qui, à sa guise, p<strong>ou</strong>vait<br />

apporter le mal <strong>ou</strong> le bien. L’écriture phonétique<br />

peut être syllabique <strong>ou</strong> alphabétique. Le t<strong>ou</strong>t<br />

grand avantage de cette forme d’écriture est surt<strong>ou</strong>t<br />

qu’avec un nombre très limité de signes, on<br />

peut exprimer à la perfection t<strong>ou</strong>s les aspects et<br />

expressions de la langue. Il en déc<strong>ou</strong>le que pratiquement<br />

chacun est apte à apprendre ce nombre<br />

restreint de signes par cœur.<br />

II est clair qu’on ne retr<strong>ou</strong>ve pas t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs les écritures<br />

anciennes dans un état pur de pictographie,<br />

idéographie <strong>ou</strong> phonétisme. Les transformations<br />

39


40<br />

d’une forme de l’écriture à l’autre se faisaient en<br />

général très lentement, par petites étapes. L’évolution<br />

nécessitait parfois des siècles. II est aussi<br />

vrai que beauc<strong>ou</strong>p d’écritures n’ont jamais eu<br />

l’occasion d’atteindre cette phase finale de phonétisation,<br />

à cause de la destruction de leur civilisation,<br />

<strong>ou</strong> par le remplacement de leur écriture par<br />

une autre imposée par l’occupant. La question se<br />

pose maintenant : « l’écriture maya était-elle déjà<br />

arrivée à la phase de phonétisation ? ». Non,<br />

selon une école, <strong>ou</strong>i, selon l’autre. P<strong>ou</strong>r ma part, à<br />

partir de 1966, j’ai entrepris l’étude de l’écriture<br />

des codex mayas en partant de s<strong>ou</strong>rces anciennes<br />

des XVIe et XVIIe siècles comme par exemple<br />

le manuscrit de de Landa, les dictionnaires de<br />

Motul et de Vienne, la grammaire de Coronel,<br />

etc... Travaillant comme professeur d’enseignement<br />

technique p<strong>ou</strong>r la coopération au développement<br />

belge au Burundi, en plein cœur d’Afrique<br />

Centrale, j’étais c<strong>ou</strong>pé du reste du monde p<strong>ou</strong>r ce<br />

qui concernait les publications sur l’écriture maya.<br />

Dans le fond, je présume que c’était un grand<br />

avantage plutôt qu’un obstacle, car je ne p<strong>ou</strong>vais<br />

être influencé par les travaux d’autres <strong>ou</strong> par des<br />

idées préconçues. Je fus obligé d’étudier dans des<br />

conditions pénibles et par mes propres moyens, et<br />

je dus me tailler seul une voie d’accès dans la<br />

jungle du déchiffrement de l’écriture maya. Mais<br />

mieux vaut une seule vérité que l’on déc<strong>ou</strong>vre soimême,<br />

que dix vérités que l’on apprend des autres<br />

et que l’on répète ensuite. Cela ne diminue nullement<br />

le mérite des autres chercheurs dans le domaine<br />

de l’écriture maya, et j’ai un profond respect<br />

p<strong>ou</strong>r leurs contributions valables.<br />

Grâce à l’appui logistique du R.P. F. Leroy, bibliothécaire<br />

en chef de l’Université de Bujumbura au<br />

Burundi, j’ai pu procéder à une série d’analyses<br />

comparatives démontrant, d’abord en 1967, le<br />

caractère polyvalent des glyphes et ensuite, en<br />

1968, la nature phonétique de l’écriture maya, fait<br />

que Whorf et Knorozov et tant d’autres n’avaient<br />

pas suffisamment pu démontrer. En 1969, dans<br />

ma 14 e note de travail : « La conjugaison des verbes<br />

et l’écriture dite maya », j’ai décrit les résultats<br />

obtenus par l’application des grilles de conjugaison<br />

des verbes de plusieurs langues et pr<strong>ou</strong>vé<br />

définitivement que l’écriture maya est principalement<br />

phonétique et que loin d’être une écriture<br />

fragmentaire <strong>ou</strong> rudimentaire, elle est capable de<br />

noter chaque particularité de la langue parlée. De<br />

1970 à 1972, grâce au Dr. Joaquin Galarza, spécialiste<br />

en écriture snahuall (aztèque), chercheur<br />

au Musée de l’Homme à Paris, et surt<strong>ou</strong>t de l’éminent<br />

Professeur Jacques S<strong>ou</strong>stelle de la Sorbonne,<br />

spécialiste de la civilisation aztèque, et qui a<br />

bien v<strong>ou</strong>lu être mon directeur d’études, j’ai pu<br />

m’inscrire à l’Ecole pratique des hautes études,<br />

VI e Section, à la Sorbonne - Paris. Je pus défendre<br />

ainsi en public ma thèse de doctorat<br />

« N<strong>ou</strong>velles interprétations de l’écriture des codex<br />

mayas », en janvier 1972. Selon mes analyses<br />

paléographiques, l’écriture des manuscrits précolombiens<br />

des Mayas serait issue d’une écriture<br />

pictographique, mais au moment de la réalisation<br />

des codex, l’écriture était déjà phonétisée en grande<br />

partie et elle était devenue syllabique, presque<br />

alphabétique, conservant t<strong>ou</strong>tefois quelques restes<br />

archaïques de pictogrammes, d’idéogrammes<br />

et même d’iconogrammes. Si la conquête espagnole<br />

n’était pas intervenue, l’écriture dite maya<br />

serait complètement phonétisée, c’est-à-dire serait<br />

devenue purement alphabétique-syllabique. Mais<br />

justement, à cause de l’interruption brutale en<br />

pleine période de transition et de perfectionnement,<br />

l’écriture maya possède une polyvalence qui<br />

est à la fois extraordinaire et dér<strong>ou</strong>tante p<strong>ou</strong>r nos<br />

conceptions habituelles de l’écriture. Cette polyvalence<br />

des éléments graphiques des glyphes, des<br />

affixes et des éléments graphiques sera exposée<br />

dans le prochain numéro de KADATH.<br />

TELEX<br />

Agence Tass, 3 février 1976. — Le savant russe<br />

Yuri Knorozov aurait déchiffré l’écriture hiéroglyphique<br />

des Mayas (Mexique, Guatemala) et son livre<br />

« Inscriptions hiéroglyphiques mayas » aurait paru<br />

la veille à Leningrad. Déjà en 1952 Knorozov prétendait<br />

(dans la revue «Sovietskaya Etnografija)<br />

avoir déchiffré l’écriture maya. Cette revue, ainsi<br />

que d’autres publications, étaient présentées au<br />

premier étage du pavillon russe à l’Exposition Universelle<br />

de Bruxelles en 1958. Trois mathématiciens<br />

russes : Evrenov, Kosarev et Ustinov de<br />

l’Académie célèbre de Novosibirsk avaient utilisé<br />

un ordinateur p<strong>ou</strong>r déchiffrer le codex Dresdensis<br />

et le codex Tro-Cortesianus, suivant les directives<br />

de Knorozov. Ces codex sont deux des trois manuscrits<br />

hiéroglyphiques qui ont échappé aux autodafés<br />

du XVIe siècle. Le résultat de ce travail d’ordinateur<br />

a paru en trois volumes en 1961. Dans<br />

son <strong>ou</strong>vrage volumineux de 1963, intitulé<br />

« Pismennost’ indejcev Maija » Knorozov répète<br />

avoir déchiffré l’écriture maya. N<strong>ou</strong>s insistons qu’il<br />

était trop tôt p<strong>ou</strong>r employer un ordinateur. Les déchiffrements<br />

de Knorozov ont été rejetés unanimement<br />

par les spécialistes. Les adversaires les plus<br />

acharnés étaient les Professeurs Thompson<br />

(décédé en 1975) et Barthel. Ce dernier a démontré<br />

que la majorité des soi-disants déchiffrements<br />

de Knorozov étaient l’œuvre d’autres déchiffreurs.<br />

Depuis lors, Knorozov s’est occupé du déchiffrement<br />

de l’écriture de l’île de Pâques et celle de la<br />

vallée de l’Indus (Harappa et Mohenjo-Daro). Il est<br />

pratiquement certain que le livre récent de Knorozov<br />

est un remaniement de l’<strong>ou</strong>vrage de 1963,<br />

avec éventuellement quelques aj<strong>ou</strong>tes, qui n’apportent<br />

essentiellement rien de neuf. La dépêche de<br />

l’agence Tass est ainsi à réduire aux « n<strong>ou</strong>velles<br />

réchauffées » de 1952 et 1963.<br />

A. V.<br />

S<strong>ou</strong>rce des illustrations : © KADATH - P. Ferryn, p. 2 — Ed. Marietti, Turin-Rome, p. 11 — UDF-Marc<br />

F<strong>ou</strong>cault, p. 17 — Catalogue Bezold, British Museum, p. 18 — D<strong>ou</strong>chan Gersi, p. 21 — © Henri Lhote-<br />

Arthaud, éditeur, p. 23-24-25-26-28 — Musée national danois, p. 31 — Pierre Ivanoff, p. 34 — © Antoon<br />

Vollemaere, p. 35-37.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!