JEAN SENDY ou L'APOLOGIE DU MOYEN AGE - Kadath
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COMITE DE REDACTION :<br />
ivan verheyden, rédacteur en chef<br />
patrick ferryn, secrétaire de rédaction<br />
jean-claude berck, robert dehon,<br />
jacques gossart, jacques victoor<br />
ASSISTE DANS LA DOCUMENTATION PAR :<br />
jacques dieu, jacques keyaerts,<br />
christine piens, édith pirson,<br />
albert szafarz, albert van hoorenbeeck<br />
ECHANGES AVEC LES REVUES :<br />
bres (j.p. klautz et a. gabrielli, la haye)<br />
n<strong>ou</strong>velle école (alain de benoist, paris)<br />
question de (l<strong>ou</strong>is pauwels, paris)<br />
MAQUETTE DE GERARD DEUQUET<br />
Au sommaire<br />
— jean sendy <strong>ou</strong> l’apologie du moyen âge, Ivan Verheyden . .<br />
— notre cahier archéoastronomie<br />
. . . .<br />
— la microseconde chez les hébreux, Jean Sendy . . . . . . .<br />
— la soi-disant constante de ninive, Patrick Ferryn . . . . . . .<br />
— les fresques insolites du tassili, Jacques Gossart . . . . . . . .<br />
— histoire et actualité des solsctices, Pierre Vial . . . . . . . . .<br />
— comment déchiffrer l’écriture maya (1), Antoon Vollemaere . . . . .<br />
3<br />
9<br />
14<br />
21<br />
29<br />
34<br />
1
2<br />
A la recherche<br />
De kadath<br />
Nos lecteurs ont eu le temps de constater qu’il y a eu un pépin lors du dernier numéro : la c<strong>ou</strong>verture.<br />
Sans préavis, il n<strong>ou</strong>s fut annoncé que le papier gaufré d’usage ne se fabriquait plus dans<br />
notre coloris, n’étant plus suffisamment demandé. Il a fallu se rabattre in extremis sur une c<strong>ou</strong>leur<br />
voisine, et n<strong>ou</strong>s en avons profité p<strong>ou</strong>r choisir un papier de qualité meilleure. Mais n<strong>ou</strong>s n’avions<br />
pu n<strong>ou</strong>s en expliquer, et depuis, il s’avère que les avis sont partagés. Or le drame, c’est que n<strong>ou</strong>s<br />
restons à la merci d’un autre changement. Notre maquettiste a donc préconisé, p<strong>ou</strong>r un avenir non<br />
encore défini, une c<strong>ou</strong>verture blanche, avec impression des titres et du dessin en une c<strong>ou</strong>leur.<br />
Des épreuves ont été faites, et il faut reconnaître que cela a de la classe. Mais c’est v<strong>ou</strong>s qui ferez<br />
pencher la balance. Ecrivez-n<strong>ou</strong>s, donnez votre avis, et n’hésitez pas, éventuellement, à faire d’autres<br />
suggestions. De t<strong>ou</strong>te façon, si changement il y a, ce ne sera pas avant la fin de cette série : jusqu’au<br />
numéro 20 inclus, fin 1976, n<strong>ou</strong>s garderons notre présentation, ceci à l’intention surt<strong>ou</strong>t de ceux qui<br />
tiennent à faire relier leur collection.<br />
Encore une bonne n<strong>ou</strong>velle p<strong>ou</strong>r terminer. Dorénavant, des échanges sont prévus avec des revues<br />
qu’anime le même esprit que n<strong>ou</strong>s : QUESTION DE et NOUVELLE ECOLE à Paris, BRES en Hollande.<br />
P<strong>ou</strong>r situer cette « n<strong>ou</strong>velle école », qui n’a rien de dogmatique mais se retr<strong>ou</strong>ve dans une<br />
certaine manière d’appréhender les choses, je citerai pêle-mêle, au gré des articles, quelques<br />
constatations et caractéristiques communes. Certaines recherches ont été délibérément freinées.<br />
Les connaissances techniques vont plus vite que le savoir sur l’homme lui-même. Certaines réalités<br />
ne peuvent encore, dans l’état actuel de la recherche, être s<strong>ou</strong>mises à la méthode expérimentale.<br />
D’où un esprit de tolérance, mais aussi une lutte implacable contre la confusion; un esprit gnostique,<br />
mais sans esprit messianique ; une analyse mais aussi une synthèse scientifiques, dans une vision<br />
non-réductrice de l’homme. A ce vaste programme, n<strong>ou</strong>s tentons, modestement, d’apporter notre<br />
contribution.<br />
KADATH
<strong>JEAN</strong> <strong>SENDY</strong> <strong>ou</strong><br />
L’APOLOGIE <strong>DU</strong> <strong>MOYEN</strong> <strong>AGE</strong><br />
« Les hermétistes en question ne cherchent pas<br />
dans les vieux grimoires le moyen, très improbable,<br />
de devancer la Science — mais une preuve<br />
du tait que les déc<strong>ou</strong>vertes contemporaines<br />
étaient déjà connues du temps où Hermes vivait<br />
sur Terre ».<br />
Jean Sendy.<br />
Présenter Jean Sendy, c’est aborder de front la<br />
question des extraterrestres en archéologie. Et<br />
pas n’importe quelle immixtion sporadique (ce qui<br />
serait plutôt la possibilité qu’il n<strong>ou</strong>s arrive d’envisager).<br />
Non, ici c’est bien l’origine même de nos<br />
civilisations qui leur est imputée. J’ai préconisé, en<br />
terrain aussi brûlant, de scinder la question, dans<br />
le seul but de situer d’abord l’homme et ses<br />
conceptions, avant d’exposer le scénario qu’il propose.<br />
Si on n’accepte pas celui-ci, on peut le recevoir<br />
comme un roman. Mais au moins aura-t-on<br />
respecté l’homme. Car au travers de ses essais<br />
se reflète une façon très anticonformiste de voir<br />
les choses, et cette apologie de l’esprit du Moyen<br />
Age m’a séduit. Une fois que v<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>s serez fait<br />
une opinion sur cette vision de l’Histoire, v<strong>ou</strong>s<br />
saurez comment v<strong>ou</strong>s comptez accepter <strong>ou</strong> refuser<br />
la suite qui en déc<strong>ou</strong>le logiquement. Car dans<br />
ce domaine, Jean Sendy offre, je crois, une d<strong>ou</strong>ble<br />
originalité.<br />
1. Il place le postulat extraterrestre dans une perspective<br />
de civilisation. L’idée extraterrestre n’est<br />
pas neuve. Selon lui, elle a t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs existé, ce<br />
n’est que depuis quelques siècles que l’humanisme<br />
issu de la Renaissance l’a placée s<strong>ou</strong>s le boisseau.<br />
C’est la raison p<strong>ou</strong>r laquelle se pose la<br />
question : p<strong>ou</strong>rquoi, depuis la nuit des temps, a-ton<br />
t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs cru à la vie extraterrestre ? Et c’est le<br />
ret<strong>ou</strong>r au Mythe, avec un grand M, celui que t<strong>ou</strong>tes<br />
les civilisations ont en commun.<br />
2. T<strong>ou</strong>s les livres qui foisonnent sur les traces<br />
d’extraterrestres dans le passé, ont l’importance de<br />
la m<strong>ou</strong>che dans l’histoire du coche. Ils ne sont pas<br />
près de démontrer quelque chose, en t<strong>ou</strong>t cas pas<br />
d’emporter l’adhésion. Il faudrait commencer par<br />
définir les critères d’« extraterrestrabilité » (<strong>ou</strong>f).<br />
Mais comment ? L’esprit humain est mieux connu<br />
que celui d’un extraterrestre éventuel. II faudra<br />
donc procéder par élimination, et détecter ce qui<br />
ne peut pas avoir germé spontanément dans<br />
l’esprit de nos ancêtres. Cela, par manque d’intermédiaires,<br />
vient forcément de l’extérieur. D’où et<br />
de qui, c’est une autre affaire.<br />
« N<strong>ou</strong>s autres, gens du Moyen Age ».<br />
Etre humaniste, c’est considérer l’homme comme<br />
le sommet de la création, ce qu’il y a de plus beau<br />
dans l’univers. Cette idée n<strong>ou</strong>s vient en droite ligne<br />
de la Renaissance : c’est donc à peine cinq siècles<br />
que n<strong>ou</strong>s la véhiculons, pas plus. Seulement, c’est<br />
d’elle aussi que n<strong>ou</strong>s vient la description du Moyen<br />
Age comme une ère d’obscurantisme. Certes, les<br />
croyances et les superstitions fleurissaient, mais<br />
guère plus, en fin de compte, qu’à l’époque<br />
contemporaine. Par contre, « c’est en plein Moyen<br />
Age que se prépare la science moderne par ses<br />
inventions techniques : m<strong>ou</strong>lins à eau et à vent,<br />
b<strong>ou</strong>ssole, lunettes, g<strong>ou</strong>vernail, écluse, forge à<br />
s<strong>ou</strong>fflet, br<strong>ou</strong>ette, horloge, imprimerie (1). Et « les<br />
innombrables mécanismes conçus par Léonard<br />
de Vinci vinrent c<strong>ou</strong>ronner une époque inventive<br />
intense, qui livra à la fin du Moyen Age la<br />
plupart des mécanismes utilisés de nos<br />
j<strong>ou</strong>rs » (2). Qui a parlé d’obscurantisme ? L’humanisme<br />
de la Renaissance, parce que, au<br />
travers de ce conflit avec le Moyen Age, ce sont<br />
deux conceptions du monde qui s’affrontent.<br />
C’est l’enjeu même des procès du XVIe siècle.<br />
II suffirait p<strong>ou</strong>rtant de situer correctement la chronologie<br />
des événements p<strong>ou</strong>r se rendre compte<br />
de ce qu’une « grande clarté » jaillit du Moyen<br />
Age. Les dates-limites choisies, p<strong>ou</strong>r être arbitraires,<br />
n’en correspondent pas moins à une certaine<br />
réalité, celle de l’Eglise de Rome. En 395, c’est<br />
Théodose qui impose le christianisme comme<br />
religion officielle de l’Empire; en 1453, c’est la<br />
chute de Byzance s<strong>ou</strong>s les assauts de l’Islam.<br />
Puisque la Renaissance débute en 1453, t<strong>ou</strong>s les<br />
« géants de la pensée » sont considérés comme<br />
des renaissants, héritiers de la pensée antique.<br />
En réalité, s’ils étaient dépositaires de l’esprit<br />
grec, ce n’était pas par l’apport arabe qui suivit la<br />
chute de Byzance, mais parce que t<strong>ou</strong>t au long<br />
des mille ans du Moyen Age, ils avaient étudié<br />
l’enseignement du passé, la Tradition, au vu et au<br />
su de chacun d’ailleurs. Il n’y eut jamais de problème<br />
jusqu’au XVIe siècle, jusqu’à la Renaissance.<br />
(C’est les charlatans qu’on brûlait au Moyen Age).<br />
Mais, contrairement aux apparences, Copernic,<br />
Galilée, Newton, ne sont pas des gens de la Renaissance,<br />
ce sont des gens du Moyen Age. Qu’ils<br />
se soient manifestés après la chute de Byzance<br />
n’est qu’un hasard : à ce moment, leurs travaux<br />
étaient près d’ab<strong>ou</strong>tir. Et les « lumières de la Renaissance<br />
», c’est eux qui les ont fait briller, contre<br />
vents et marées. Car la première réaction contre<br />
ces géants de la pensée, fut la répression. Voyons<br />
les faits et les dates.<br />
1453. Chute de Byzance, et fin officielle du Moyen<br />
Age.<br />
― Pic de la Mirandole est né en 1463, il fut persécuté<br />
p<strong>ou</strong>r s’intéresser à la Cabale.<br />
― Paracelse est né en 1493, il est l’inventeur de la<br />
médecine psychosomatique et fut persécuté p<strong>ou</strong>r<br />
avoir, dans ses c<strong>ou</strong>rs, traité d’ânes les<br />
médecins de l’Antiquité.<br />
― Copernic publia son « Traité sur les révolutions<br />
du monde céleste » en 1543, alors qu’il était<br />
achevé depuis trente ans. II fut mis à l’index en<br />
1615.<br />
(1) Gustave Cohen « La grande clarté du Moyen<br />
Age ». Gallimard, coll. Idées.<br />
(2) Maurice Ponte : « L’informatique ». Le Seuil éd.<br />
3
4<br />
― Giordano Bruno périt sur le bûcher en 1600, à<br />
cause de sa doctrine astronomique du nombre<br />
infini des mondes, soleils, planètes et constellations.<br />
― Galilée fut condamné en 1610 p<strong>ou</strong>r oser prétendre<br />
que la Terre t<strong>ou</strong>rne aut<strong>ou</strong>r du Soleil.<br />
― Cyrano de Bergerac se voit obligé, en 1650,<br />
de décrire ses « Etats et Empires de la Lune et<br />
du Soleil » s<strong>ou</strong>s le thème de « Histoire comique<br />
».<br />
Où est l’obscurantisme ?<br />
Et après un siècle <strong>ou</strong> deux de ce terrorisme, il<br />
fallut se rendre à l’évidence. Qu’avaient v<strong>ou</strong>lu<br />
imposer les humanistes de la Renaissance ? Le<br />
système de Ptolémée. Et qui avait raison ? Les<br />
gens du Moyen Age. Sans parti-pris, on aurait dû<br />
remarquer qu’ils faisaient une très nette distinction<br />
entre, d’une part les sciences profanes sujettes à<br />
expérimentation, et d’autre part, les sciences sacrées<br />
qu’il fallait transmettre conformément à la<br />
Tradition : cosmologie, alchimie entre autres.<br />
Ceux qui v<strong>ou</strong>laient expérimenter coûte que coûte<br />
arrivaient aux résultats de Ptolémée. Alors que —<br />
et c’est quand même tr<strong>ou</strong>blant — ceux qui se référaient<br />
à la Tradition étaient dans le vrai<br />
Pythagore, Aristarque, Copernic, Bruno. Mais ils<br />
étaient victimes d’un d<strong>ou</strong>ble handicap, et t<strong>ou</strong>t le<br />
drame vient de là : les moyens techniques manquaient<br />
p<strong>ou</strong>r vérifier leurs connaissances et, de<br />
t<strong>ou</strong>te façon, ils ne comprenaient pas — ne p<strong>ou</strong>vaient<br />
pas comprendre — ce qu’ils transmettaient,<br />
la Tradition remontant, par définition, à la nuit des<br />
temps. D’où l’incompréhension et l’intolérance.<br />
Car ces gens du Moyen Age croyaient à la transmutation<br />
des métaux, à la possibilité de se faire<br />
entendre à distance, de voler dans les airs, de<br />
« devenir des dieux », selon le mot de Maître Eckhart.<br />
Et d’où leur venait cette certitude ? De la<br />
Tradition.<br />
Utopie, diront les humanistes.<br />
Utopie qui se réalise s<strong>ou</strong>s nos yeux, répondent les<br />
médiévistes.<br />
Le Moyen Age et le sexe des anges.<br />
On sait qu’au moment de la chute de Byzance, les<br />
discussions des théologiens portaient sur le sexe<br />
des anges. L’expression est passée dans la légende,<br />
et on a v<strong>ou</strong>lu assimiler t<strong>ou</strong>t le Moyen Age à ce<br />
genre de scholastique. D’où, comme dans t<strong>ou</strong>te<br />
chasse aux sorcières qui se respecte, le rejet de<br />
l’entière responsabilité sur les intellectuels de l’époque.<br />
La réalité est t<strong>ou</strong>t autre. Les penseurs en<br />
étaient là de leurs cogitations, parce que aller audelà<br />
leur était impossible dans l’état des connaissances<br />
de l’époque. Ils savaient très bien, eux, que<br />
la Genèse (l’origine du monde !) relate les activités<br />
« des » dieux, Elohim, et non d’un Dieu unique,<br />
Eloah. Leur problème était de savoir, si Elohim a<br />
façonné l’homme à son image, quelle était alors<br />
cette image ; si les anges, fils d’Elohim, étaient<br />
sexués <strong>ou</strong> non, puisqu’il est dit qu’ils « allaient vers<br />
les filles des hommes », etc. Discussions byzantines<br />
que t<strong>ou</strong>t ça ? Si on tente de maintenir à t<strong>ou</strong>t<br />
prix le Moyen Age dans l’obscurité, <strong>ou</strong>i. Mais si on<br />
veut être honnête, reprendre le texte, le confronter<br />
à ceux qui lui sont contemporains et aussi à notre<br />
époque ... alors t<strong>ou</strong>t prend une autre allure. Car la<br />
Genèse puise dans le même substrat que l’ensemble<br />
des cosmogonies orientales qui forment la Tradition,<br />
avec un grand T.<br />
Les humanistes se sont gaussés de pareilles prétentions.<br />
N’avaient-ils pas conclu que « la matière<br />
n’a plus de secrets p<strong>ou</strong>r la science » (Marcellin<br />
Berthelot), « l’homme ne connaîtra jamais la composition<br />
chimique des étoiles » (Auguste Comte).<br />
A cette superstition — que l’homme a t<strong>ou</strong>t déc<strong>ou</strong>vert<br />
par lui-même —, les Anciens répondaient par<br />
« t<strong>ou</strong>t leur savoir, les hommes le doivent à l’enseignement<br />
d’Hermes ». Qui a raison ? Les événements<br />
se chargent, avec un malin plaisir, de réfuter<br />
chaque affirmation humaniste dès qu’elle est<br />
posée, et ceci au profit de la Tradition. Et heureusement,<br />
celle-ci s’est transmise sans trop de dommage<br />
t<strong>ou</strong>t au long des mille ans du Moyen Age.<br />
Cette question est admirablement définie par Paul<br />
Valéry dans sa préface au « Nombre d’Or» de<br />
Matila Ghyka : « Une sorte de mysticisme, un ésotérisme<br />
(qui fut peut-être nécessaire), se sont jadis<br />
réservés ces vérités très délicates et difficiles à<br />
établir. Ont-ils nui, par cette restriction, à l’avancement<br />
des recherches ; <strong>ou</strong> bien ont-ils heureusement<br />
entretenu jusqu’à n<strong>ou</strong>s des résultats d’expériences<br />
devenus des principes traditionnels, qui<br />
eussent pu périr au c<strong>ou</strong>rs des âges, sans cette<br />
transmission occulte des p<strong>ou</strong>voirs ? » (3)<br />
Les sphères des planètes intérieures, selon<br />
Kepler : un modèle d’Univers basé sur les<br />
solides parfaits, chers à Pythagore.<br />
Le VIe siècle : un n<strong>ou</strong>veau départ ?<br />
Ces bribes de savoir, les Grecs les véhiculèrent<br />
jusqu’au moment où s’imposa le « monstrueux<br />
système » de Ptolémée, selon lequel le soleil<br />
t<strong>ou</strong>rne aut<strong>ou</strong>r de la Terre. Et il régna pendant<br />
quinze cents ans, véritable « affront fait à l’intelligence<br />
humaine » (les citations sont d’Arthur<br />
Koestler) (4). Thalès de Milet, p<strong>ou</strong>rtant, enseignait<br />
que les étoiles sont faites de la même matière que<br />
la Terre. Anaximandre affirmait que les mondes<br />
apparaissent puis se désintègrent. Epicure enseignait<br />
la pluralité des mondes habités, en t<strong>ou</strong>s<br />
points semblables à la Terre. Et lorsqu’apparut<br />
(3) Matila Ghyka : « Le nombre d’or ». Gallimard éd.<br />
(4) Arthur Koestler . « Les somnambules ». Calmann-Lévy<br />
éd.
enfin Copernic, c’est t<strong>ou</strong>t simplement l’enseignement<br />
d’Aristarque de Samos qu’il transmettait. Or<br />
celui-ci, t<strong>ou</strong>t compte fait, ne disposait que d’un<br />
matériel extrêmement restreint. Les esprits forts<br />
diront qu’Aristarque était un isolé, et que c’est pur<br />
hasard si l’idée lui est venue d’un système héliocentrique.<br />
Ce serait <strong>ou</strong>blier deux éléments essentiels.<br />
D’abord, son traité « Des dimensions et des<br />
distances du Soleil et de la Lune » était un classique<br />
dans l’Antiquité, au point que trois cents ans<br />
plus tard, faisant l’inventaire des génies universels,<br />
Vitruve commence en disant : « Ils sont rares<br />
les hommes de ce type, tels qu’autrefois Aristarque<br />
de Samos ». De plus, il était pythagoricien.<br />
Mais, né en 310 avant J.-C., c’est presque trois<br />
siècles qui le séparent de son maître. C’est donc<br />
dès l’éveil de la pensée grecque, dès les t<strong>ou</strong>t débuts<br />
de ce VIe siècle que cette connaissance se<br />
révèle, et l’histoire de la pensée grecque s’achèvera<br />
sur elle. Voici que se pose donc à n<strong>ou</strong>veau<br />
cette option : <strong>ou</strong> bien parler d’intuition géniale p<strong>ou</strong>r<br />
sauvegarder le dogme humaniste, <strong>ou</strong> bien accorder<br />
foi aux Anciens lorsqu’ils prétendent que l’enseignement<br />
leur est venu des cieux. Faut-il le dire,<br />
en digne homme du Moyen Age, Jean Sendy opte<br />
p<strong>ou</strong>r la seconde solution. Et il est en bien bonne<br />
compagnie. Dans ses écrits, Giordano Bruno est<br />
formel : « Je m’en suis tenu à la conception pythagoricienne,<br />
conforme à celle de Salomon ». Pythagore<br />
? Un de ces initiés du VIe siècle, qui vit briller,<br />
avec le même enseignement Zoroastre,<br />
Confucius et le B<strong>ou</strong>ddha. Aj<strong>ou</strong>tons que Pythagore<br />
n’ignorait rien de la science des prêtres égyptiens<br />
et babyloniens, ce qui n<strong>ou</strong>s plonge à n<strong>ou</strong>veau<br />
dans le substrat méditerranéen commun à t<strong>ou</strong>tes<br />
les Premières Civilisations. (5)<br />
Protohistoire néolithique.<br />
Si t<strong>ou</strong>te cette affaire remonte à la nuit des temps,<br />
on retombe alors sur le problème désormais classique,<br />
de nos ancêtres émergeant t<strong>ou</strong>t armés de<br />
la préhistoire, ce qu’on appelle « l’explosion néolithique<br />
». Grosso modo, le néolithique correspond<br />
à l’époque postglaciaire, où les hommes venaient<br />
de déc<strong>ou</strong>vrir l’agriculture et l’élevage. Lorsqu’ils<br />
inventèrent les cités, ils quittèrent la préhistoire<br />
p<strong>ou</strong>r aborder l’époque historique et commencer à<br />
écrire. En première approximation donc, le néolithique<br />
des préhistoriens rec<strong>ou</strong>vre la protohistoire<br />
des historiens et archéologues. Les seuls vestiges<br />
importants que n<strong>ou</strong>s a laissés le néolithique sont<br />
les constructions mégalithiques. La protohistoire,<br />
elle, ne n<strong>ou</strong>s a légué que des vestiges de traditions,<br />
soit transmises à l’état oral, soit retranscrites<br />
dans des textes sacrés à partir du moment où les<br />
hommes inventèrent l’écriture.<br />
Cette ambiguïté des premières civilisations, on la<br />
retr<strong>ou</strong>ve aussi bien chez les préhistoriens que<br />
chez les historiens des sciences. Le fait est<br />
connu. André Leroi-G<strong>ou</strong>rhan, professeur au Collège<br />
de France, l’expose clairement dans « Le geste<br />
et la parole » : « Entre -8000 et -5000, les sociétés<br />
prennent une forme totalement différente de celle<br />
qu’elles connaissaient depuis les origines (...) Le<br />
monde primitif et le monde des agriculteurs et des<br />
éleveurs sont apparemment si différents, qu’à<br />
moins d’imaginer une « invention », on ne voit pas<br />
comment ils s’articuleraient » (6). De son côté,<br />
Giorgio de Santillana, professeur d’histoire et philosophie<br />
des sciences au célèbre Massachusetts<br />
Institute of Technology, dans son <strong>ou</strong>vrage Ha-<br />
mlet’s mill », démontre que les sociétés historiques,<br />
au sortir de la protohistoire, véhiculent des<br />
connaissances, surt<strong>ou</strong>t astronomiques, qui leur<br />
proviennent de cette époque. « Les périodes planétaires<br />
sidérales et synodiques, dit-il, étaient<br />
connues et longuement « figurées » de façons<br />
diverses, au c<strong>ou</strong>rs de rites liturgiques déjà traditionnels<br />
aux époques archaïques ». (7) Déjà traditionnels<br />
aux époques archaïques !<br />
J’<strong>ou</strong>vre ici une parenthèse p<strong>ou</strong>r montrer, à l’aide<br />
d’un exemple cité par Santillana, à quel point les<br />
interprétations humanistes de la Renaissance<br />
n<strong>ou</strong>s ont livré une image parfaitement fausse des<br />
connaissances des Anciens. Dans maints domaines,<br />
ils en savaient plus que n<strong>ou</strong>s, mais surt<strong>ou</strong>t ils<br />
n’étaient pas ces naïfs <strong>ou</strong> ces êtres irrationnels<br />
comme on les présente. Un cas flagrant, celui de<br />
la Terre plate ; je cite Santillana : « La Terre plate<br />
des Anciens n’avait aucun rapport avec les élucubrations<br />
des fanatiques qui ont empoisonné l’existence<br />
de Christophe Colomb. Par « Terre plate »,<br />
les Anciens désignaient la bande zodiacale dans<br />
laquelle se meuvent les « véritables habitants » de<br />
notre monde, c’est-à-dire les planètes (...). Le mot<br />
« terre » désignait, chez les Anciens, le plan idéal<br />
de l’écliptique passant par les quatre points de<br />
l’année, les équinoxes et les solstices (...). La Terre<br />
était définie comme étant à quatre « angles », il<br />
n’était pas question de la croire carrée ». Fermons<br />
la parenthèse.<br />
Cette impression d’une dégradation des connaissances,<br />
c’est ce que ressent t<strong>ou</strong>t un chacun devant<br />
les vestiges les plus anciens du passé. Les<br />
ziggurats, les pyramides d’Egypte, les temples<br />
mégalithiques sont là, dès le début, t<strong>ou</strong>tes les<br />
connaissances déjà incluses. Par la suite, les<br />
constructeurs n’y inclueront jamais plus de<br />
connaissances astronomiques qu’il n’en existait<br />
dès le début. T<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs selon Santillana : « II est<br />
probable que ces documents (rituels égyptiens et<br />
mésopotamiens) représentent la dernière articulation<br />
d’un langage initatique international, destiné à<br />
être compris de travers à la fois par les autorités<br />
s<strong>ou</strong>pçonneuses et par la f<strong>ou</strong>le ignare ». Car il est<br />
t<strong>ou</strong>t aussi évident que ce savoir a été délibérément<br />
occulté, qu’on a br<strong>ou</strong>illé les pistes, t<strong>ou</strong>t en<br />
confiant le mode d’emploi aux bons soins de ceuxlà<br />
qui seront chargés de le transmettre aux générations<br />
futures ... jusqu’à ce que celles-ci comprennent.<br />
Aux hommes de la préhistoire, on ne<br />
demandait pas de comprendre, mais de transmettre<br />
un enseignement. Ceci, ce n’est pas seulement<br />
Santillana <strong>ou</strong> Jean Sendy qui l’affirment,<br />
c’est l’impression très nette qu’on a lorsqu’on pose<br />
aux vestiges des questions pertinentes, celles<br />
qu’ils attendent de n<strong>ou</strong>s.<br />
(5) Je n’aborde pas ici la légende selon laquelle<br />
Pythagore aurait séj<strong>ou</strong>rné à deux reprises en<br />
Gaule. On retr<strong>ou</strong>ve en effet des constantes pythagoriciennes<br />
dans des monuments mégalithiques.<br />
Mais ce serait donner raison à ceux qui<br />
qualifient ceci de « déraillement celtique », que<br />
de t<strong>ou</strong>t y ramener, en <strong>ou</strong>bliant que, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs selon<br />
la légende, Pythagore résida entre vingt et<br />
vingt-cinq ans en Egypte !<br />
(6) André Leroi-G<strong>ou</strong>rhan : « Le geste et la parole ».<br />
Albin Michel éd.<br />
(7) Giorgio de Santillana et Hertha von Dechend :<br />
« Hamlet ‘s mill ». Gambit publ. Boston.<br />
5
6<br />
Que p<strong>ou</strong>vait-il bien se passer à cette époque lointaine<br />
de la « protohistoire néolithique » ? Entre la<br />
recherche des moyens de subsistance et le repos,<br />
il ne restait guère loisir de faire grand’ chose, sinon<br />
de rêver, le nez dans les étoiles. Au vu des<br />
messages astronomiques dans les mégalithes, il<br />
semble que les hommes de l’époque ne s’en<br />
soient pas privés. Mais équipés de silex — même<br />
taillés et polis —, de bâtons, de cordes et de pierres<br />
levées, si on peut arriver à quelque résultat, il<br />
y a une marge que la limitation des moyens empêchera<br />
t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs de franchir. T<strong>ou</strong>te la question est<br />
de situer cette limite, et c’est hors de notre portée.<br />
Le fond du problème, l’humanisme a réussi à l’éliminer<br />
en cont<strong>ou</strong>rnant la difficulté, et en invoquant<br />
une hypothétique et abstraite accélération de<br />
l’Histoire, le mythe que l’évolution s’est brusquement<br />
emballée. On veut bien, mais encore faudrait-il<br />
démontrer comment, si on veut faire de ce<br />
mythe une réalité scientifique. Comment expliquer<br />
en effet, que seule une partie de l’humanité a été<br />
affectée par le phénomène ?<br />
Des tapis volants à l’astronautique.<br />
C’est le point de départ de Jean Sendy, qui s’élève<br />
en faux contre l’Idée Reçue d’une évolution qui<br />
aurait pris le mors aux dents. Je préfère lui laisser<br />
la parole : « II est d’usage d’expliquer l’accélération<br />
des progrès techniques par le fait que chaque<br />
génération bénéficie de l’acquis des générations<br />
précédentes, et « part donc de plus haut ». C’est<br />
là un fait, non contestable. Là où les choses se<br />
gâtent, c’est quand on prétend généraliser et poser<br />
que « les techniques s’amplifient en progression<br />
géométrique ». Quelle progression géométrique<br />
? Les théoriciens de la « progression géométrique<br />
» prennent des « valeurs de progrès » parfaitement<br />
arbitraires, établissent des<br />
« équivalences », et c’est parti ! Si je v<strong>ou</strong>s disais<br />
que la presse de Gutenberg vaut 100, la machine<br />
à vapeur 10.000 et l’énergie nucléaire<br />
100.000.000, je v<strong>ou</strong>s donnerais en effet une très<br />
belle progression géométrique, parfaitement s<strong>ou</strong>tenable<br />
... dont le seul défaut est d’être dép<strong>ou</strong>rvue<br />
de t<strong>ou</strong>te valeur probante (...). L’Idée Reçue d’une<br />
évolution qui aurait traîné pendant plus d’un demimillion<br />
d’années, puis se serait emballée, repose<br />
sur des « justifications » innombrables ... dont le<br />
seul défaut est d’être parfaitement périmées (...).<br />
N<strong>ou</strong>s sommes en plein dans un temps mort. Le<br />
temps mort, c’est la période nécessaire p<strong>ou</strong>r que<br />
chacun prenne conscience que les démonstrations<br />
convaincantes hier ne le sont plus auj<strong>ou</strong>rd-<br />
’hui, en raison du progrès des connaissances (...).<br />
« La faiblesse de la théorie humaniste tient à ce<br />
qu’elle généralise à partir d’un cas particulier ... du<br />
cas particulier d’une accélération hautement improbable<br />
de l’évolution : il est parfaitement légitime<br />
de penser que t<strong>ou</strong>s les Terriens seraient parvenus,<br />
par leurs propres moyens, au stade astronautique,<br />
si on leur en avait laissé le temps... s’ils<br />
avaient disposé de quelques dizaines (<strong>ou</strong> centaines)<br />
de millénaires à partir de la « taille solutréenne<br />
des silex » (...) L’évolution naturelle peut, assurément,<br />
justifier l’explosion novatrice de —8000 au<br />
Moyen-Orient. Mais l’évolution naturelle ne peut<br />
pas (à moins de faire intervenir une cascade de<br />
postulats parfaitement gratuits) justifier qu’une<br />
lignée soit passée de la « taille solutréenne» à<br />
l’astronautique dans la vingtaine de millénaires qui<br />
a juste suffi à d’autres lignées p<strong>ou</strong>r parvenir à<br />
l’agriculture ». Et c’est bien là le problème. Il y a<br />
incontestablement une progression accélérée,<br />
mais l’évolution naturelle n’y est p<strong>ou</strong>r rien. Et surt<strong>ou</strong>t,<br />
elle ne concerne qu’une seule lignée humaine,<br />
la judéo-chrétienne, alors que les autres suivent<br />
leur petit bonhomme de chemin.<br />
C’est le postulat de Jean Sendy : « Deux hommes<br />
sur trois ont faim dans le monde, celui qui mange<br />
bien est judéo-chrétien ». Si v<strong>ou</strong>s voyez là un fait<br />
du hasard, <strong>ou</strong> l’enchaînement inéluctable de l’Histoire,<br />
v<strong>ou</strong>s êtes un bon humaniste. Sendy se veut<br />
médiéviste et même hermétiste ; aussi, p<strong>ou</strong>r lui,<br />
existe-t-il une t<strong>ou</strong>t autre explication : un fil conducteur<br />
rattache les performances de la civilisation<br />
judéo-chrétienne — et elle seule, pas les autres —<br />
aux Premières Civilisations. Et ce fil conducteur<br />
de la Tradition tient en un vocable : la Loi de Moïse.<br />
Evidemment, c’est une question de société,<br />
d’esprit, non de religion : en Occident, n<strong>ou</strong>s sommes<br />
t<strong>ou</strong>s judéo-chrétiens, même si on n’est pas<br />
juif ni chrétien. Historiquement, l’Eglise a repris le<br />
flambeau de la Rome antique ; idéologiquement,<br />
elle s’est plutôt unie aux juifs convertis, p<strong>ou</strong>r devenir<br />
ainsi héritière, avec eux, des promesses faites<br />
à Abraham. Elle a repris l’Ancien Testament, auquel<br />
elle a greffé un N<strong>ou</strong>veau à usage personnel.<br />
Ce texte hébreu, la Tora, était la Loi de Moïse,<br />
préservée intacte au travers des siècles. C’est elle<br />
qui avait fait reculer le Pharaon, et qui conféra au<br />
« peuple élu » cette increvabilité légendaire. Mais<br />
Moïse lui-même avait puisé dans l’héritage d’Abraham<br />
lequel, on le sait, s’était largement approvisionné<br />
à Sumer.<br />
Donc, seule la Bible, dit Jean Sendy, a préservé<br />
intacte la Tradition des premiers âges. Son enseignement<br />
remonte aux Premières Civilisations ; le<br />
peuple hébreu, on le sait, ne fait pas partie de<br />
celles-ci (il est entré dans l’Histoire avec Moïse),<br />
mais il est dépositaire du message et le transmet<br />
scrupuleusement. Les autres civilisations ont t<strong>ou</strong>tes<br />
disparu, les unes après les autres : Sumer,<br />
Babylone, l’Egypte, la Grèce, Rome. Et ce sont les<br />
judéo-chrétiens qui ont fait, et continuent à faire le<br />
monde (bien <strong>ou</strong> mal, c’est une autre affaire). Alors<br />
que, au risque de se répéter, les héritiers des<br />
Grandes Civilisations ne réussissent plus à émerger.<br />
P<strong>ou</strong>r Jean Sendy, c’est leur religion qui les en<br />
empêche (islam, b<strong>ou</strong>ddhisme, hind<strong>ou</strong>isme) ; disons<br />
plutôt que rien, dans leur religion, ne les incite<br />
à émerger. T<strong>ou</strong>t ceci peut mener à de longues<br />
discussions, selon les écoles ; je ne puis que renvoyer<br />
le lecteur aux <strong>ou</strong>vrages repris en bibliographie,<br />
p<strong>ou</strong>r voir sur quelle argumentation, ma foi<br />
bien documentée, se base l’auteur. T<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs est-il<br />
que Jean Sendy propose une explication au p<strong>ou</strong>rquoi<br />
de ce particularisme, et je la s<strong>ou</strong>mets à votre<br />
méditation.<br />
Cette Tradition, bien sûr, ne contient pas la réponse,<br />
mais son respect exige un certain « esprit ».<br />
On ne demande que de respecter la Loi, non de<br />
comprendre car, est-il dit, le Principe de la Loi est<br />
à ce point abstrait qu’il est interdit de le figurer <strong>ou</strong><br />
de l’imaginer : on le dénomme YHWH, le « Nom<br />
Sacré Ineffable ». Est-il surprenant, dès lors, que<br />
les judéo-chrétiens, imprégnés de cette Loi, offrent<br />
la plus forte proportion de sujets se sentant à<br />
l’aise sur les hautes cimes de la recherche et de<br />
l’abstraction ? Non pas, dit Jean Sendy, si l’on<br />
songe qu’un cabaliste, qui passe son temps à<br />
éplucher la Tora, doit frétiller d’aise dans les
méandres de la physique avancée. La pensée<br />
moderne cherche à appliquer aux sciences une<br />
généralisation de plus en plus abstraite, en quête<br />
de cette fameuse « Loi Unique », que les cabalistes<br />
nomment YHWH, et qui fut la quête primordiale<br />
du juif le plus célèbre : Albert Einstein. Mais<br />
cette tendance n’est pas naturelle ! Elle exige de<br />
réprimer les pulsions primitives, au profit de projets<br />
à long terme. II est bien connu qu’il est impossible<br />
de psychanalyser un primitif <strong>ou</strong> quelqu’un qui<br />
ne soit pas fortement occidentalisé, précisément<br />
parce qu’on ne lui a pas insufflé cet « esprit », qui<br />
n’est pas naturel à l’espèce, ce qui met bien la<br />
civilisation judéo-chrétienne à part des autres. Et<br />
j’en reviens au Moyen Age, car cette pensée moderne<br />
en est issue. Conformément à la Loi de<br />
Moïse, les Médiévaux rêvaient de s’égaler aux<br />
Elohim. Je cite Jean Sendy : « C’est à la réalisation<br />
des ambitions médiévales que la civilisation<br />
judéo-chrétienne consacre le meilleur de ses efforts<br />
... à se passionner p<strong>ou</strong>r la réalisation des<br />
prophéties issues de la nuit des temps, que les<br />
humanistes qualifient d’utopiques tant qu’elles<br />
n’ont pas été réalisées (...) La Tradition sur laquelle<br />
se fonde la pensée médiévale est issue du Mythe<br />
commun à t<strong>ou</strong>tes les civilisations surgies à<br />
l’aube des temps historiques. Le judéochristianisme<br />
est passé des légendes de tapis<br />
volants à la cosmonautique, des légendes de paradis<br />
terrestres à l’agriculture efficace, parce que<br />
l’Europe a été dominée par la pensée médiévale,<br />
qui prenait ces légendes au pied de la lettre. »<br />
Des dieux, des machines,<br />
des connaissances.<br />
Je suis conscient de trahir l’auteur en isolant t<strong>ou</strong>t<br />
ceci de sa thèse fondamentale, selon laquelle les<br />
sept j<strong>ou</strong>rs de la Création décrivent une suite d’événements<br />
échelonnés sur sept « j<strong>ou</strong>rnées zodiacales<br />
», soit des périodes de plus de deux mille ans<br />
chacune. Mais ce « scénario » fera l’objet d’un article<br />
ultérieur. S’il est correct, t<strong>ou</strong>t ce que je viens de dire<br />
n’exigeait pas une aussi longue démonstration. Car<br />
à ce moment, l’ensemble des événements répondent<br />
à une « orthodoxie zodiacale» dans le chef<br />
même des conducteurs de peuples, et t<strong>ou</strong>t s’explique<br />
(voir déjà à ce sujet l’article paru dans KADATH<br />
n° 2 : « Le Zodiaque, affaire sérieuse »). Dans le<br />
cadre restreint de cet exposé-ci, il ne reste plus qu’à<br />
tirer quelques conclusions provisoires.<br />
N<strong>ou</strong>s ne disions rien d’autre lorsque, à nos débuts,<br />
n<strong>ou</strong>s postulions « qu’il s’est passé quelque chose à<br />
l’aube de l’Histoire », mais Jean Sendy le démontre.<br />
Cette explosion protohistorico-néolithique, il n’y a<br />
vraiment que trois façons de l’expliquer :<br />
― comme Santillana, postuler l’existence, parmi<br />
les néolithiques, de cerveaux dignes d’Einstein.<br />
― comme les théologiens et les cabalistes, rec<strong>ou</strong>rir<br />
à une révélation surnaturelle.<br />
― comme Jean Sendy, prendre les néolithiques<br />
au pied de la lettre, et postuler qu’ils disent<br />
peut-être t<strong>ou</strong>t simplement la vérité en attribuant<br />
t<strong>ou</strong>t cela à des bipèdes venus du ciel,<br />
des « dieux ».<br />
Ce dernier tire des mythes communs aux Premières<br />
Civilisations, la triple certitude suivante :<br />
1. Le Mythe décrit des « dieux » qui mangent les<br />
fruits de la terre, respirent le même air que<br />
n<strong>ou</strong>s ; si les lois de l’évolution sont aussi universelles<br />
que les lois physiques, la description du<br />
Mythe (« Ils étaient faits comme n<strong>ou</strong>s, en plus<br />
beau ») est plus plausible que les monstres de<br />
la fiction à base de pseudo-science.<br />
2. Le Mythe décrit aussi des machines, volantes<br />
notamment, et des installations « divines » avec<br />
une naïveté que l’on retr<strong>ou</strong>ve dans les descriptions<br />
de nos réalisations par les primitifs d’auj<strong>ou</strong>rd’hui.<br />
3. Le Mythe ne se contente pas de dire des dieux<br />
qu’ils « avaient des connaissances prodigieuses<br />
» ; il rapporte ce que les hommes ont retenu<br />
de l’enseignement de ces « dieux » : il transmet<br />
des connaissances (en astronomie, notamment)<br />
dont les historiens des sciences n’ont<br />
jamais pu expliquer comment des néolithiques<br />
auraient pu faire p<strong>ou</strong>r les acquérir par leurs<br />
propres moyens.<br />
Des dieux, des machines, des connaissances :<br />
Jean Sendy les attribue à des visiteurs célestes.<br />
Mais s<strong>ou</strong>cieux de ne pas trahir sa pensée, je reprends<br />
ici la réserve qu’il émet, tel un leitmotiv,<br />
t<strong>ou</strong>t au long de ses essais (et qui p<strong>ou</strong>rrait être la<br />
nôtre) :<br />
Je ne sais pas si de tels Galaxiens se sont posés,<br />
aux temps protohistoriques, devant nos ancêtres<br />
primitifs éberlués ;<br />
Mais ce que je sais, je le sais de science certaine :<br />
le Mythe commun à t<strong>ou</strong>tes les Premières Civilisations<br />
affirme que de tels Galaxiens ont vécu sur<br />
Terre, aux temps protohistoriques.<br />
Ce n’est pas un raisonnement spécieux, c’est de<br />
l’honnêteté intellectuelle.<br />
Jean Sendy mis à part, un autre homme a v<strong>ou</strong>lu<br />
dès le départ, placer le problème extraterrestre<br />
dans une perspective rationnelle : je pense à Carl<br />
Sagan, professeur d’astronomie et de sciences<br />
spatiales à l’Université de Cornell. (J’ai déjà eu<br />
l’occasion de citer sa contribution à la question<br />
dans l’article sur Oannès, le dieu-poisson des<br />
Sumériens - dans KADATH n° 11). Spécialiste de<br />
l’exobiologie, Carl Sagan s’est immanquablement<br />
posé la question de visiteurs éventuels dans le<br />
passé. P<strong>ou</strong>r sa thèse, Jean Sendy peut reprendre<br />
les trois conditions posées par Sagan p<strong>ou</strong>r qu’un<br />
récit de contact puisse être pris en considération :<br />
1. le contact doit avoir été consigné par écrit, peu<br />
après l’événement allégué ; 2. il doit avoir provoqué<br />
une modification importante dans la société<br />
contactée ; 3. aucun d<strong>ou</strong>te ne peut planer sur la<br />
réalité charnelle, non divine, du visiteur (ceci s<strong>ou</strong>s<br />
t<strong>ou</strong>te réserve, car l’esprit humain est ainsi fait qu’il<br />
divinise t<strong>ou</strong>t ; disons plutôt, avec Jean Sendy, que<br />
l’enseignement transmis doit être rationnel).<br />
P<strong>ou</strong>r des cas plus particuliers, Carl Sagan pose<br />
d’autres exigences bien spécifiques, et dont n<strong>ou</strong>s<br />
p<strong>ou</strong>vions n<strong>ou</strong>s inspirer p<strong>ou</strong>r la confection de ce<br />
cahier. Ainsi, « un type de légende serait convaincant,<br />
dit-il, si l’information véhiculée ne p<strong>ou</strong>vait en<br />
aucune façon avoir été produite par la civilisation<br />
qui a créé la légende — si, par exemple, un nombre<br />
sacré transmis depuis des millénaires s’avérait<br />
être une constante fondamentale de la physique<br />
nucléaire » (8). C’est ce que recherche Jean<br />
Sendy dans l’article qui suit; c’est le thème aussi<br />
de la « Constante de Ninive ». Autre suggestion<br />
de Carl Sagan : « Un certain type d’artefact,<br />
aussi, p<strong>ou</strong>rrait faire pencher la balance.<br />
(8) Carl Sagan : « Cosmic connection ». Le Seuil éd.<br />
7
8<br />
Si un objet technologique transmis par une antique<br />
civilisation excédait complètement la créativité<br />
technologique du milieu porteur, n<strong>ou</strong>s aurions une<br />
trace de visitation extraterrestre. Par exemple, on<br />
p<strong>ou</strong>rrait déc<strong>ou</strong>vrir, dans les enluminures d’un parchemin<br />
retr<strong>ou</strong>vé dans un monastère irlandais, le<br />
diagramme du circuit électronique d’un ordinateur<br />
» (8). C’est la hantise de Jacques Bergier<br />
également. J’ignore si c’est ceci qui lui en f<strong>ou</strong>rnit<br />
l’idée, mais à titre de divertissement, je reproduis<br />
ici l’extrait d’un roman qui brode sur ce thème,<br />
« Un cantique p<strong>ou</strong>r Leibowitz ». En espérant qu’il<br />
v<strong>ou</strong>s fera rêver ...<br />
IVAN VERHEYDEN<br />
Bibliographie de Jean Sendy.<br />
Schématiquement, Jean Sendy développe son<br />
activité littéraire sur deux fronts : des <strong>ou</strong>vrages<br />
d’idées surt<strong>ou</strong>t, et des <strong>ou</strong>vrages où il défend sa<br />
thèse. Les premiers paraissent, en moyenne, au<br />
rythme de un t<strong>ou</strong>s les cinq ans :<br />
Les bleus de saint Leibowitz.<br />
Après la Grande Simplification, de petites communautés<br />
vivent en barbares. Quelques moines,<br />
disciples de saint Leibowitz, conservent et recopient<br />
les Memorabilia. Parmi eux, Frère Francis de<br />
l’Utah, qui se consacre à réaliser une copie enluminée<br />
d’un « bleu » retr<strong>ou</strong>vé dans les ruines d’un<br />
« abri de sec<strong>ou</strong>rs p<strong>ou</strong>r retombées ». Un tampon à<br />
l’encre r<strong>ou</strong>ge atteste de ce que le « bleu » est de<br />
la main de I.E. Leibowitz.<br />
Encore une autre abstraction, ce bleu de Leibowitz,<br />
et qui ne s’adressait guère à l’imagination,<br />
encore moins à la raison. Il l’étudia jusqu’à ce qu’il<br />
pût en voir l’extraordinaire complexité les yeux<br />
fermés, mais il n’en sut pas plus qu’au début. Cela<br />
n’avait pas l’air d’être autre chose qu’un réseau de<br />
lignes qui reliaient un ensemble disparate de trucs,<br />
de tortillons, de taches, de petits ressorts et de<br />
machins. Les lignes étaient p<strong>ou</strong>r la plupart horizontales,<br />
<strong>ou</strong> verticales et se croisaient les unes les<br />
autres avec un petit intervalle <strong>ou</strong> un point. Elles<br />
faisaient des angles droits p<strong>ou</strong>r cont<strong>ou</strong>rner les<br />
trucs, et ne s’arrêtaient jamais en l’air mais se<br />
terminaient t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs à un tortillon, une tache <strong>ou</strong> un<br />
machin. T<strong>ou</strong>t cela n’avait aucun sens. Rester trop<br />
longtemps à le regarder v<strong>ou</strong>s abrutissait. Néanmoins,<br />
Francis se mit à recopier chaque détail, y<br />
compris une tache brunâtre, au centre, qui, pensat-il,<br />
était peut-être le sang du Bienheureux Martyr.<br />
Frère Jeris suggéra que ce n’était qu’une tache<br />
laissée par un trognon de pomme p<strong>ou</strong>rrie.<br />
Ce Frère Jeris, qui avait rejoint la salle des copistes<br />
en même temps que Frère Francis, paraissait<br />
prendre plaisir à le taquiner sur son occupation<br />
favorite.<br />
« Et que veut donc dire, je v<strong>ou</strong>s prie: « Système<br />
de Contrôle Transitoriel p<strong>ou</strong>r Élément Six-B » ?<br />
— C’est évidemment le titre du document, répondit<br />
Francis, un peu fâché.<br />
— Oui, mais qu’est-ce que ça veut dire ?<br />
— C’est le nom du schéma.<br />
— Oui, mais qu’est-ce que ça représente ? » Francis<br />
r<strong>ou</strong>git. « J’imagine, » dit-il après un moment<br />
passé à se calmer, « que le schéma représente un<br />
concept abstrait plutôt qu’une chose concrète. Les<br />
anciens avaient peut-être une méthode systématique<br />
p<strong>ou</strong>r dépeindre la pensée pure. Ce n’est évidemment<br />
pas la reproduction d’un objet.<br />
● « Les dieux n<strong>ou</strong>s sont nés » (s<strong>ou</strong>s-titre :<br />
« L’âge ingrat »), Grasset 1966.<br />
● « L’ère du Verseau » (s<strong>ou</strong>s-titre : « Fin de l’illusion<br />
humaniste »), Laffont 1970.<br />
● « Les temps messianiques» (s<strong>ou</strong>s-titre :<br />
« Ouverture sur le cosmos »), Laffont 1975.<br />
Un pamphlet, d’ordre plus spécifique, a paru en<br />
1969 chez Julliard, intitulé : « N<strong>ou</strong>s autres, gens<br />
du Moyen Age ». S’il faut choisir un seul <strong>ou</strong>vrage,<br />
je suggérerais « L’ère du Verseau ».<br />
Les livres qui défendent la thèse des Célestes,<br />
sont trois également :<br />
● « Les cahiers de c<strong>ou</strong>rs de Moïse», Julliard<br />
1962 et J’ai Lu n° A 245.<br />
● «La lune, clé de la Bible», Julliard 1968 et J’ai<br />
Lu n° A208.<br />
● «Ces dieux qui firent le ciel et la terre», Laffont<br />
1969.<br />
Le « petit premier » est sûrement le préféré de<br />
l’auteur, celui où il a mis le plus de cœur, et de ce<br />
fait, le plus important.<br />
— C’est vrai qu’on ne reconnaît rien du t<strong>ou</strong>t<br />
là-dessus, dit Frère Jeris avec un petit rire.<br />
— Mais d’autre part, cela dépeint peut-être<br />
quand même un objet, d’une façon très stylisée<br />
— il faudrait peut-être un entraînement spécial<br />
<strong>ou</strong>...<br />
— Ou une vue spéciale ?<br />
— A mon avis, c’est une autre abstraction de<br />
valeur transcendentale et qui exprime une pensée<br />
du Bienheureux Leibowitz.<br />
— Bravo ! Et à quoi pensait-il donc ?<br />
— Eh bien ! au « Plan de Circuit », dit Francis,<br />
lisant ces trois mots en bas à droite.<br />
— Et à quelle discipline appartient cet art, frère ?<br />
Quels en sont le genre, l’espèce, les propriétés ?<br />
Jeris devenait prétentieux avec ses sarcasmes.<br />
Francis décida de lui donner une bonne réponse.<br />
« Regardez cette colonne de chiffres, et le titre :<br />
« Numéros des Pièces Electroniques ». Il y a eu<br />
autrefois un art, <strong>ou</strong> une science, appelés Electronique.<br />
— Ah, ah ! Et qu’est-ce que cela étudiait ?<br />
— C’est écrit, dit Francis, qui avait cherché part<strong>ou</strong>t<br />
dans les Memorabilia sans grand succès,<br />
p<strong>ou</strong>r tr<strong>ou</strong>ver un indice quelconque qui pût rendre<br />
son bleu légèrement plus compréhensible.<br />
« L’électronique s’occupait de l’Electron », expliqua-t-il.<br />
— Ah, c’est écrit. Cela m’impressionne. Je ne<br />
connais rien à t<strong>ou</strong>t cela. Qu’est-ce qu’un électron?<br />
— Eh bien ! un manuscrit fragmentaire en parle<br />
comme d’une Torsion du Néant négativement<br />
chargée.<br />
— Ils niaient le Néant ! Cela donnait peut-être<br />
quelque chose de positif ? Continuez donc vos<br />
recherches, mon frère, et grâce à v<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s aurons<br />
peut-être un j<strong>ou</strong>r un électron. Mais qu’en<br />
ferons-n<strong>ou</strong>s? Le mettrons-n<strong>ou</strong>s sur l’autel, dans la<br />
chapelle ?<br />
— Bon, dit Francis avec un s<strong>ou</strong>pir. Je n’en sais<br />
rien. Mais je suis sûr que l’électron a existé à une<br />
certaine époque, si je ne sais pas comment on le<br />
construisait ni à quoi il p<strong>ou</strong>vait bien servir.<br />
— Quelle t<strong>ou</strong>chante confiance ! dit l’iconoclaste<br />
avec un petit rire et il ret<strong>ou</strong>rna à son travail.<br />
(« Un cantique p<strong>ou</strong>r Leibowitz », par W.M. Miller. Présence<br />
du Futur, n- 46/47. Traduction de Claude Saunier)
archeoastronomie<br />
1.<br />
LA MICROSECONDE<br />
CHEZ LES HEBREUX<br />
Jean Sendy<br />
— Pi ! dit le Sauvage.<br />
― Pi ? demandai-je.<br />
— Trois, répondit-il. Virgule Quatorze. Cent cinquante-neuf.<br />
Vingt-six. Cinquante-quatre. C’est le<br />
nombre sacré de ma tribu, qui adore le dieu<br />
Pi-à-Neuf-Décimales.<br />
Théophraste Hélas,<br />
« Voyages chez les Sauvages. Improbables ».<br />
Personne, à ce j<strong>ou</strong>r, n’a rencontré de sauvage<br />
dont la tribu adore un dieu Pi dont le nombre sacré<br />
serait 3,141 592 654. Mais il y a un peuple qui<br />
possède une unité de temps plus étrange encore,<br />
dans sa Tradition : le peuple hébreu, qui divisait<br />
sa j<strong>ou</strong>rnée en 24 heures, chaque heure en 1 080<br />
rega, et chaque rega en 76 heleq. Un heleq vaut<br />
donc 0,043 739 893 3 seconde... <strong>ou</strong>i, moins de<br />
quarante-quatre millisecondes. (Le pluriel de rega<br />
est regoth, celui de heleq est halachim, mais n<strong>ou</strong>s<br />
n’avons personne à épater, n<strong>ou</strong>s garderons donc<br />
rega et heleq invariables). « Sacré » <strong>ou</strong> non, le<br />
heleq est bien étrange, dans une Tradition de<br />
quelques millénaires plus ancienne que les chronomètres...<br />
et c’est le heleq qui va n<strong>ou</strong>s faire déb<strong>ou</strong>cher<br />
sur un nombre véritablement « sacré ».<br />
Mais procédons par ordre.<br />
Il y a deux cents ans encore, on était très loin de<br />
la technologie permettant d’évaluer le temps en<br />
millisecondes : en 1766, Pierre Leroi se rendait<br />
célèbre en fabriquant un chronomètre de marine<br />
permettant de calculer les longitudes à 1/50 e de<br />
degré près : c’était une performance, mais on était<br />
encore loin de la milliseconde... Or c’est depuis<br />
des temps très lointains que la Tradition hébraïque<br />
transmet une unité de temps qui, p<strong>ou</strong>r être évaluée,<br />
exige le maniement non de millisecondes,<br />
mais de fractions de milliseconde (il faut mille microsecondes<br />
p<strong>ou</strong>r faire une milliseconde).<br />
Qu’est-ce qui peut bien se passer en un heleq ?<br />
Ou, prenant le problème à l’envers, « de quel phénomène<br />
le heleq serait-il l’unité de temps» ? Je<br />
n’ai rien tr<strong>ou</strong>vé du côté des structures nucléaires<br />
suggérées par Sagan, mais j’ai rencontré une<br />
concordance qui n’est pas mal non plus : le heleq<br />
est l’unité de temps nécessaire à la lumière p<strong>ou</strong>r<br />
franchir une distance « sacrée », treize millions de<br />
mètres.<br />
Le nombre sacré de la tribu.<br />
Qu’y a-t-il de sacré dans le 13 ? Le fait même que<br />
je v<strong>ou</strong>s surprends moins en v<strong>ou</strong>s demandant cela<br />
qu’en v<strong>ou</strong>s posant la même question p<strong>ou</strong>r le 17 <strong>ou</strong><br />
le 19 montre déjà que le 13 a une place à part,<br />
dans notre inconscient : même si v<strong>ou</strong>s ne partagez<br />
pas cette superstition, v<strong>ou</strong>s en connaissez<br />
l’existence. Des gens réputés sérieux peuvent-ils,<br />
sérieusement, tenir le 13 p<strong>ou</strong>r un nombre à part,<br />
p<strong>ou</strong>r un nombre néfaste ? Il semble bien que <strong>ou</strong>i :<br />
dans aucun des buildings américains les plus modernes,<br />
il n’y a de 13 e étage ; les constructeurs<br />
et /<strong>ou</strong> les PDG des entreprises qui y l<strong>ou</strong>ent des<br />
bureaux y croient-ils ? Croient-ils simplement que<br />
les autres y croient ? Le problème n’est pas là, il<br />
est dans le fait qu’il n’y a pas de 13 e étage dans<br />
les buildings américains. En France, par contre,<br />
dès qu’il y a un vendredi 13 au calendrier, la Loterie<br />
Nationale organise un tirage spécial : le nombre<br />
d’acheteurs en puissance qui voient dans le<br />
13 un nombre bénéfique, est donc suffisant p<strong>ou</strong>r<br />
justifier l’entreprise.<br />
Et puis il y a eu Apollo-13, le seul Apollo à ne pas<br />
avoir réussi à se poser sur la Lune. Parce que le<br />
13 porte vraiment malheur aux US ? Je suis un<br />
esprit pragmatique et si j’avais eu voix au chapitre,<br />
j’aurais suggéré à la NASA de passer directement<br />
du 12 au 14 : dans un pays où les immeubles<br />
prestigieux escamotent le 13, il était à prévoir que<br />
beauc<strong>ou</strong>p des <strong>ou</strong>vriers travaillant à l’assemblage<br />
9
10<br />
du matériel astronautique auraient la main moins<br />
assurée p<strong>ou</strong>r la construction du 13 e Apollo.<br />
Et enfin il y a v<strong>ou</strong>s, rationaliste que t<strong>ou</strong>te superstition<br />
exaspère. Que pensez-v<strong>ou</strong>s de ces superstitions<br />
?<br />
— Elles me font grincer des dents.<br />
— Merci, je ne v<strong>ou</strong>s le fais pas dire. Et c’est bien à<br />
cela que je v<strong>ou</strong>lais en venir : ce 13, qui n<strong>ou</strong>s met<br />
mal à l’aise sans que n<strong>ou</strong>s sachions p<strong>ou</strong>rquoi,<br />
comme un tab<strong>ou</strong> <strong>ou</strong>blié, a bien t<strong>ou</strong>tes les apparences<br />
d’un nombre « sacré ».<br />
II y a plus encore : p<strong>ou</strong>r autant que je sache, le 13<br />
n’évoque rien de remarquable p<strong>ou</strong>r les traditions<br />
autres que la judéo-chrétienne. Le 13 est donc<br />
bien, comme l’exige Sagan, un nombre sacré particulier<br />
à notre lignée judéo-chrétienne. Quel est la<br />
s<strong>ou</strong>rce de son sacre ?<br />
Commençons par les chrétiens.<br />
Le 13 est-il venu se plaquer, par quelque pur hasard,<br />
sur l’ensemble des croyances, <strong>ou</strong> a-t-il été<br />
transmis « ésotériquement » comme il convient à<br />
un nombre destiné à être « sacré » ?<br />
— Par le hasard, voyons ! Le 13 porte malheur,<br />
chacun sait ça, depuis la Cène : ils étaient 12 + 1<br />
à table, les 12 Apôtres, plus Jésus à qui ça n’a<br />
pas réussi.<br />
C’est là une de ces explications idiotes qui enchantent<br />
les positivistes dogmatiques et les illettrés.<br />
V<strong>ou</strong>s, qui n’êtes ni l’un ni l’autre, v<strong>ou</strong>s avez lu<br />
(<strong>ou</strong> v<strong>ou</strong>s allez v<strong>ou</strong>s hâter de lire) l’Evangile de<br />
Jean, au chapitre XIII (ah ! ces coïncidences, dans<br />
un texte qui se veut expressément ésotérique !).<br />
Au chapitre XIII de l’Evangile de Jean, n<strong>ou</strong>s lisons<br />
d’abord que Jésus savait parfaitement ce qui devait<br />
lui arriver à la fin du repas : il le dit au verset<br />
21, « l’un de v<strong>ou</strong>s me livrera ». Au verset 26, il<br />
précise qu’il sait t<strong>ou</strong>t, qu’il sera livré par « celui à<br />
qui je donnerai le morceau trempé » ; à la fin du<br />
même verset 26, il tend le morceau trempé à Judas.<br />
Chapitre XIII, verset 26 (2 X 13) ... dans un<br />
texte destiné à être lu et scruté par des amateurs<br />
d’ésotérisme, dans un texte de l’évangéliste qui<br />
n<strong>ou</strong>s a laissé ce chef-d’œuvre d’ésotérisme qu’est<br />
l’Apocalypse…<br />
Non, ce n’est pas plus l’effet du hasard que le<br />
signe de croix chez le catholique entrant dans une<br />
église, pas plus l’effet du hasard que l’index tendu<br />
par le franc-maçon. C’est un signe de reconnaissance<br />
ésotérique. (Ce n’est pas à v<strong>ou</strong>s, c’est au<br />
ricaneur qui lit par-dessus votre épaule que je le<br />
rappelle : il ne s’agit pas ici de s<strong>ou</strong>tenir que le 13 a<br />
bien raison de se croire sacré ; il s’agit simplement<br />
d’établir si les fondateurs du christianisme entendaient<br />
que leurs <strong>ou</strong>ailles le tiennent p<strong>ou</strong>r tel).<br />
L’objet du christianisme était-il de transmettre l’enseignement<br />
de Moïse s<strong>ou</strong>s une affabulation plus<br />
convaincante p<strong>ou</strong>r les f<strong>ou</strong>les, mieux apte à devenir<br />
« best-seller » que l’affabulation hébraïque qui,<br />
à la naissance de Jésus, n’avait pas convaincu<br />
grand monde, en dehors de la poignée de Judéens<br />
assidus à la synagogue ? Les Pâques chrétiennes<br />
commémorent la Passion (le Christ « sort<br />
de son corps terrestre ») ; est-ce pur hasard si<br />
elles tombent à la même époque que la Pâque<br />
juive, qui commémore la Sortie d’Egypte ? La<br />
Pentecôte chrétienne commémore la descente du<br />
Saint-Esprit sur les Apôtres ; est-ce pur hasard si<br />
elle concorde avec la Pentecôte juive, qui commémore<br />
la promulgation de la Loi sur le Sinaï<br />
(l’« esprit » descend sur Moïse) ? En va-t-il des<br />
« nombres sacrés » comme des fêtes carillonnées<br />
?<br />
Si mes essais précédents sont vos livres de chevet,<br />
je v<strong>ou</strong>s en congratule ; mais n<strong>ou</strong>s sommes en<br />
république, il faut penser aux personnes qui, usant<br />
de leur droit démocratique, ne les ont jamais lus,<br />
<strong>ou</strong> les ayant lus n’en ont gardé qu’un s<strong>ou</strong>venir<br />
embrumé ; à l’usage de ces personnes, je vais<br />
rabâcher un peu. L’hébreu, p<strong>ou</strong>r ceux qui « y<br />
croient », est la langue dans laquelle Moïse a reçu<br />
son enseignement, venu en droite ligne « du<br />
ciel » ; p<strong>ou</strong>r ceux qui « n’y croient pas » comme<br />
p<strong>ou</strong>r ceux qui « y croient », c’est une langue possédant<br />
une structure interne très étrange, et une<br />
caractéristique : chaque lettre de l’alphabet est<br />
également un chiffre (1 à 9 p<strong>ou</strong>r les neuf premières<br />
lettres ; 10 à 90 p<strong>ou</strong>r les neuf suivantes ; 100 à<br />
900 p<strong>ou</strong>r les quatre dernières et p<strong>ou</strong>r les cinq qui<br />
ont une graphie spéciale lorsqu’elles se tr<strong>ou</strong>vent à<br />
la fin d’un mot : « n » au milieu d’un mot vaut 50 ;<br />
à la fin d’un mot, « n » s’écrit autrement et vaut<br />
700). La d<strong>ou</strong>ble lecture n’est pas un cas particulier,<br />
c’est la règle : ehad, qui veut dire « un », s’écrit<br />
aleph, heith, daleth, gr<strong>ou</strong>pe de lettres qui, en<br />
valeur numérale, se lit... hé <strong>ou</strong>i, ça se lit « 13 ».<br />
Aleph, c’est 1 ; heith, c’est 8 ; daleth, c’est 4.<br />
Le Principe, que la Loi de Moïse interdit de prononcer,<br />
s’écrit en quatre lettres, qu’on rend généralement<br />
par YHWH. La principale « prière» des<br />
juifs dit : « Ec<strong>ou</strong>te, Israël : YHWH est éhad. » Que<br />
le Principe Éternel est Un, cela t<strong>ou</strong>t lecteur de<br />
Bible même traduite le sait ; quand on a des notions<br />
d’hébreu, on sait qu’YHWH est également<br />
13. Mais il ne se contente pas d’être à la fois Un et<br />
Treize, YHWH ! La valeur numérale des lettres qui<br />
en hébreu correspondent à YHWH est 26. YHWH<br />
est à la fois Unité, Treize et Vingt-Six, comme<br />
chez cet ésotériste de Jean l’Évangéliste. (Et l’Eternel<br />
est Lumière, je ne v<strong>ou</strong>s apprends rien).<br />
Pratiquez-v<strong>ou</strong>s le binaire ?<br />
Ce sacré 13, que Jean n<strong>ou</strong>s transmet en utilisant<br />
les clés mêmes de l’hébreu, est-il l’apanage<br />
de YHWH, <strong>ou</strong> constitue-t-il un « lien-religio »<br />
avec notre petite planète, cette Terre qui en<br />
hébreu s’appelle Eretz, ce qui s’écrit aleph.<br />
reisch, tsadésophit ? La valeur numérale d’éretz
est 1 101. 1 101. Si v<strong>ou</strong>s pratiquez le binaire,<br />
v<strong>ou</strong>s avez l’esprit fait à une gymnastique assez<br />
semblable à celle de l’hébreu : quand v<strong>ou</strong>s<br />
voyez écrit 1 101, v<strong>ou</strong>s lisez à la fois « onzecent-un<br />
et... hé <strong>ou</strong>i, v<strong>ou</strong>s lisez aussi « 13 ». En<br />
binaire, 13 s’écrit + +0+, <strong>ou</strong> encore 1101, <strong>ou</strong><br />
encore top, top, silence, top, <strong>ou</strong> encore II-l.<br />
Les Hébreux utilisaient-ils la numération binaire ?<br />
Non, bien sûr. Rien n’autorise même à imaginer<br />
qu’ils n’aient jamais eu l’idée d’une telle numération.<br />
Mais la Tradition hébraïque n’a pas d’autre<br />
prétention que de transmettre l’enseignement,<br />
venu du ciel, apporté par ces Elohim qui, s’ils<br />
étaient bien les cosmonautes-civilisateurs de mon<br />
hypothèse, utilisaient sans d<strong>ou</strong>te le binaire comme<br />
n<strong>ou</strong>s l’utilisons auj<strong>ou</strong>rd’hui : inutile quand on ne<br />
possède pas d’ordinateurs, le binaire s’impose dès<br />
qu’on en produit. Ce n’est pas gratuitement, de ma<br />
propre autorité, que je propose le binaire comme<br />
« langue interstellaire » : c’est en binaire que la<br />
fameuse plaque d’identification de Pionnier-10<br />
renseigne la civilisation qui p<strong>ou</strong>rrait la tr<strong>ou</strong>ver, sur<br />
notre système planétaire et sur n<strong>ou</strong>s-mêmes.<br />
Si les Elohim étaient bien ce que je propose, et<br />
s’ils entendaient transmettre le 13 comme nombre<br />
sacré aux hommes d’« auj<strong>ou</strong>rd’hui », il est normal<br />
qu’ils l’aient transmis à la fois en numération<br />
usuelle, de base 10, et en binaire.<br />
Qu’est-ce qu’« auj<strong>ou</strong>rd’hui » a de tellement remarquable,<br />
en dehors du fait que v<strong>ou</strong>s et moi y vivons<br />
? « Auj<strong>ou</strong>rd’hui » ce sont ces « temps messianiques<br />
» où l’homme « p<strong>ou</strong>rra ren<strong>ou</strong>veler les<br />
actes » attribués aux Elohim : voguer dans les airs<br />
et utiliser le binaire, notamment. Ah, <strong>ou</strong>i... j’<strong>ou</strong>bliais<br />
de v<strong>ou</strong>s dire ce que le 13 a de tellement<br />
particulier : Treize caractérise notre planète, dans<br />
le système solaire : le volume de la Terre est égal<br />
à 1/13.10 5 du volume du Soleil (1/113,01.10 5 p<strong>ou</strong>r<br />
être précis). Déterminer et comparer le volume du<br />
Soleil et celui de la Terre, cela exige une technologie<br />
hier encore inimaginable, à laquelle n<strong>ou</strong>s n’accédons<br />
qu’auj<strong>ou</strong>rd’hui, aux temps messianiques.<br />
Des microsecondes, il y a trois mille ans.<br />
P<strong>ou</strong>r déterminer, en secondes, la durée d’un heleq,<br />
les millièmes de seconde ne suffisent pas.<br />
P<strong>ou</strong>r v<strong>ou</strong>s éviter de chercher au début de l’article,<br />
le heleq, 76 e partie d’une rega qui est la 1 080 e<br />
partie d’une heure, vaut 0,043 739 893 3 seconde.<br />
En un heleq, la lumière parc<strong>ou</strong>rt un peu plus de<br />
13 000 000 mètres, n<strong>ou</strong>s verrons les précisions<br />
plus loin. (1)<br />
(1) La division de l’heure en « rega » et « heleq n’a<br />
rien d’ésotérique : c’est une information qu’on tr<strong>ou</strong>ve<br />
page 24 du « Manuel d’Instruction Religieuse<br />
Israélite» du grand-rabbin Deutsch (Editions de la<br />
Fondation Sefer,1961).<br />
Dessin extrait du Studium Biblicum Franciscanum<br />
de Jérusalem, où sont reprises les données<br />
f<strong>ou</strong>rnies par les divers textes de la Tora<br />
sur la cosmogonie des Hébreux. La Terre<br />
repose au milieu des eaux, s<strong>ou</strong>tenue par des<br />
colonnes. Le Soleil et la Lune émergent d’une<br />
tente aménagée dans les montagnes. Audessus,<br />
la Mer Céleste où demeure Yahvé ...<br />
On voit mal p<strong>ou</strong>rquoi ce peuple devait compter<br />
en millisecondes<br />
Ne n<strong>ou</strong>s emballons pas. La Nature ignore la perfection<br />
du cercle, elle ne sait faire que des ronds<br />
approximatifs. Si le rapport entre le volume de la<br />
Terre et celui du Soleil était exactement 13 fois<br />
une puissance de 10, ce serait une coïncidence,<br />
une étrangeté au même titre qu’une orbite exactement<br />
circulaire, <strong>ou</strong> que le synchronisme rig<strong>ou</strong>reux<br />
entre la rotation et la révolution de la Lune (qui, du<br />
fait de ce synchronisme, n<strong>ou</strong>s présente t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs la<br />
même face). Si la distance parc<strong>ou</strong>rue par la lumière<br />
en une fraction exacte d’une j<strong>ou</strong>rnée terrestre<br />
était exactement de 13 000 000 d’unités définies<br />
par rapport à la circonférence de la Terre, ce serait<br />
une étrangeté plus étrange encore, ce serait la<br />
preuve que notre planète constitue uns étrangeté<br />
dans l’univers, alors que n<strong>ou</strong>s sommes une forme<br />
de vie probablement banale, sur une planète certainement<br />
banale, dans un système planétaire qui<br />
comme t<strong>ou</strong>s les autres ignore la perfection du<br />
cercle et se contente d’approximations.<br />
Le problème, ici, est de savoir si la confrontation<br />
que je propose, entre deux approximations, est à<br />
mettre dans le même panier que les<br />
« ressemblances » dont se contentent les procès<br />
de sorcellerie. Il y a ressemblance et ressemblance.<br />
Une fillette a été agressée, des témoins ont vu<br />
11
12<br />
l’agresseur. S’ils décrivent un homme de taille<br />
moyenne, habillé comme v<strong>ou</strong>s et moi, très brun<br />
mais sans signes particuliers, il faut un chasseur<br />
de sorcières p<strong>ou</strong>r taper sur le premier Algérien<br />
venu. Mais si les témoins décrivent un agresseur<br />
improbable, un nain barbu, traînant une jambe de<br />
bois et vêtu de jaune, v<strong>ou</strong>s avez des raisons sérieuses<br />
de penser que v<strong>ou</strong>s tenez l’agresseur de<br />
la fillette si v<strong>ou</strong>s rencontrez un nain unijambiste et<br />
barbu ... même si, quand v<strong>ou</strong>s le rencontrez, il est<br />
vêtu de gris. Une unité de mesure comme le heleq,<br />
plus de vingt siècles avant que n’existent des<br />
horloges capables de mesurer des fractions de<br />
seconde, cela évoque davantage le cas du nain<br />
barbu que celui du brun sans signes particuliers.<br />
Et comme notre heleq improbable apparaît associé<br />
à la relation de volume Terre-Soleil, son cas<br />
mérite examen, non ?<br />
Diviser l’heure en 1 080, cela n’a rien d’anormal<br />
p<strong>ou</strong>r qui pratique les mesures anciennes : 1 080,<br />
c’est 3 x 360, et 360 était un nombre usuel chez<br />
les astronomes babyloniens. Mais chacune de ces<br />
rega de 1/1080 e d’heure, c’est par 76 que n<strong>ou</strong>s les<br />
tr<strong>ou</strong>vons divisées. Et 76, ce n’est pas du t<strong>ou</strong>t un<br />
nombre usuel chez les astronomes de l’Antiquité :<br />
quand on divise par 76, on sort des normes ; introduire<br />
un diviseur comme 76, c’est donner la preuve<br />
qu’on entendait obtenir un heleq ayant une<br />
valeur aussi approchée que possible de la valeur<br />
cherchée. (Si la rega avait été divisée en 72 heleq,<br />
les « normes » auraient été respectées, 72 étant<br />
le d<strong>ou</strong>ble d’un nombre « usuel », 36... mais le heleq<br />
n’aurait pas présenté de corrélation avec la<br />
vitesse de la lumière). L’étrangeté du heleq ne<br />
tient donc pas uniquement à la petitesse de l’unité<br />
de temps qu’il représente : le diviseur utilisé p<strong>ou</strong>r<br />
le déterminer est étrange aussi …<br />
Que p<strong>ou</strong>vaient-ils donc prétendre faire des microsecondes<br />
du heleq, les Hébreux ? Rien. Ils ne<br />
p<strong>ou</strong>vaient même pas les concevoir... et c’est exactement<br />
cela qu’ils en disent : le heleq, unité à mesurer<br />
le temps « de l’épaisseur d’un cheveu »,<br />
était expressément réservé à l’usage des Venusdu-ciel,<br />
des Elohim du texte hébreu. Le<br />
« Bereshith Rabba » est l’un des deux recueils<br />
fondamentaux des talmudistes, commentateurs de<br />
la Loi Ecrite (Bible) à la lumière de la Loi Orale<br />
(Kabale). En « Bereshith Rabba » X, 9 on lit :<br />
« (Les) Elohim seuls entrent dans le temps ;<br />
l’homme ne connaît ni les petites fractions du<br />
temps ni même les heures ; (les) Elohim, eux, y<br />
entrent de l’épaisseur d’un cheveu. »<br />
Si le heleq était exactement le temps que la lumière<br />
met à franchir exactement 13 000 000 (<strong>ou</strong><br />
mieux 13 010 000) mètres, je tiendrais la preuve<br />
incontestable étayant mon hypothèse. Mais je<br />
n’apporte qu’une présomption (je tiens un nain,<br />
barbu et unijambiste, mais il n’est pas vêtu de<br />
jaune). Une présomption de cet ordre, jointe à la<br />
présomption apportée par Blumrich (2), cela devient<br />
une présomption forte.<br />
Appendice p<strong>ou</strong>r amateurs de chiffres.<br />
Le mètre est une unité de mesure convenant à la<br />
morphologie de l’homme : il p<strong>ou</strong>rrait valoir 90 <strong>ou</strong><br />
110 centimètres, ce ne serait pas gênant. Une<br />
unité sérieusement plus c<strong>ou</strong>rte, telle l’ancien archine<br />
russe de 71 cm, apparaît trop c<strong>ou</strong>rte p<strong>ou</strong>r l’usage<br />
quotidien ; la toise française de 195 centimètres<br />
était par contre trop longue p<strong>ou</strong>r les drapiers,<br />
qui lui préféraient l’aune de 1,188 cm. Le yard<br />
anglais vaut 0,914 m. Lorsqu’en 1790 l’Assemblée<br />
Constituante confia à l’Académie des Sciences le<br />
soin d’établir une unité de longueur qui serait à la<br />
fois à la mesure de l’homme et reliée à la planète<br />
où n<strong>ou</strong>s vivons, l’Académie des Sciences chargea<br />
Méchain et Delambre de réaliser cela. Méchain et<br />
Delambre mesurèrent l’arc de méridien entre Dunkerque<br />
et Barcelone, firent une extrapolation et<br />
conclurent que le quart de méridien devait mesurer<br />
5 130 740 toises ; ce quart de méridien terrestre,<br />
ils le divisèrent en 10 000 000 de parties. Cette<br />
dix-millionième partie du quart de méridien,<br />
autrement dit ce quarante-millionième d’un méridien<br />
terrestre (approximatif), c’est le mètre. L’étalon<br />
du mètre ainsi défini se tr<strong>ou</strong>ve au Pavillon de<br />
Breteuil, à Sèvres. Le mètre est l’unité de longueur<br />
naturelle de notre planète. La précision ainsi obtenue<br />
suffit largement aux drapiers.<br />
L’heure, c’est par définition 3 600 secondes. Des<br />
heures, il y en a 24 par j<strong>ou</strong>r ... mais là, ça commence<br />
à accrocher. Il y a des j<strong>ou</strong>rs plus longs et<br />
des j<strong>ou</strong>rs plus c<strong>ou</strong>rts, selon l’endroit de son orbite<br />
elliptique où se tr<strong>ou</strong>ve la Terre... c’est la Loi de<br />
Képler. La différence n’est pas grande, bien sûr, et<br />
lorsqu’un comité scientifique français décida de<br />
définir la seconde non plus par rapport à l’heure,<br />
mais par rapport à un « j<strong>ou</strong>r moyen », à la définir<br />
comme « 1/86 400 d’un j<strong>ou</strong>r moyen », cette définition<br />
fut généralement acceptée. Mais cela se passait<br />
en 1820, époque où une unité de temps plus<br />
petite que la seconde était déjà concevable, mais<br />
moins nécessaire dans la pratique que ne l’est<br />
auj<strong>ou</strong>rd’hui la nano-seconde (le milliardième de<br />
seconde, unité de mesure p<strong>ou</strong>r ordinateurs).<br />
C’est en 1956 qu’une n<strong>ou</strong>velle définition, internationale,<br />
a été adoptée : la seconde n’est plus reliée<br />
à l’heure, ni à la j<strong>ou</strong>rnée ; elle est désormais<br />
définie comme 1/31 556 925,974 7 de l’année<br />
tropique. Pas de n’importe quelle année tropique<br />
(leur durée est insuffisamment stable) : de l’année<br />
(2) Josef F. Blumrich est cet ingénieur de la NASA<br />
qui s’est permis de reconstituer un char d’Ezéchiel<br />
capable de voler. (NDLR)
tropique qui avait commencé le 1er janvier 1900.<br />
Soyons précis jusqu’au b<strong>ou</strong>t : de l’année tropique<br />
qui a commencé le 1er janvier 1900 à midi.<br />
(L’année tropique est le temps que met le Soleil à<br />
aller d’un équinoxe de printemps au suivant.)<br />
P<strong>ou</strong>rquoi l’année 1900 plutôt qu’une autre ? La<br />
seule réponse à cette question est : « P<strong>ou</strong>rquoi<br />
une autre année, plutôt que 1900 ? » On avait<br />
besoin d’un étalon. L’année 1900 n’est ni plus ni<br />
moins arbitraire que l’arc de méridien entre Dunkerque<br />
et Barcelone. On a pris ce qu’on avait de<br />
plus commode s<strong>ou</strong>s la main.<br />
Cette seconde, il lui fallait évidemment un étalon,<br />
comme le mètre a son mètre-étalon en iridium, au<br />
Pavillon de Breteuil. En 1956, on avait justement<br />
ça s<strong>ou</strong>s la main : l’horloge atomique. Le principe<br />
de l’horloge atomique est simple, c’est celui d’une<br />
fable de La Fontaine, « L’aveugle et le paralytique<br />
». Un cristal de quartz f<strong>ou</strong>rnit le c<strong>ou</strong>rant (c’est<br />
l’aveugle assurant le m<strong>ou</strong>vement) ; la molécule de<br />
gaz ammoniac tient le rôle du paralytique qui guide,<br />
grâce à sa structure particulière : son atome<br />
d’azote se met en m<strong>ou</strong>vement quand on l’excite à<br />
la fréquence de 23 870 MHz, et ne b<strong>ou</strong>ge pas aux<br />
autres fréquences, même voisines. II suffit d’associer<br />
un cristal de quartz vibrant à 23 870 MHz à<br />
quelques molécules d’ammoniac... et on obtient<br />
une seconde précise à un cent-millionième. Un<br />
cent-millionième de seconde ? Ce n’était pas mal<br />
(encore qu’insuffisant p<strong>ou</strong>r déterminer un heleq).<br />
Ce n’était pas suffisant, et dès qu’on a eu mieux<br />
s<strong>ou</strong>s la main, on a abandonné l’ammoniac. Actuellement,<br />
les horloges atomiques sont régulées par<br />
des molécules de césium, ce qui assure une précision<br />
au dix-milliardième. Incidemment, avec une<br />
précision de cet ordre, on p<strong>ou</strong>rrait commencer à<br />
utiliser le heleq comme unité de mesure.<br />
Les civilisations confédérées de la Galaxie ont,<br />
bien probablement, une unité de temps et une<br />
unité de longueur définies par rapport à la vitesse<br />
de la lumière (constante de l’Univers), et choisies<br />
telles qu’en une unité de temps la lumière franchisse<br />
un nombre rond d’unités de longueur. A<br />
côté d’un tel système d’unités, les systèmes que<br />
n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons imaginer à partir de la durée du j<strong>ou</strong>r<br />
terrestre et de la circonférence de notre planète<br />
apparaîtront évidemment très folkloriques.<br />
Mais c’est justement de déterminer la s<strong>ou</strong>rce de<br />
notre folklore qu’il s’agit ici :<br />
― un nombre sacré du folklore hébreu concorde<br />
avec le rapport de volume entre la Terre et le<br />
Soleil ;<br />
― ce nombre sacré concorde aussi avec le nombre<br />
d’unités de longueur naturelles que la lumière<br />
franchit, en une unité de temps<br />
(hautement improbable) que n<strong>ou</strong>s transmet le<br />
même folklore hébreu.<br />
Sont-ce des coïncidences fortuites, accumulées ?<br />
Ne serait-ce pas plutôt la manifestation d’un nom-<br />
bre sacré, tel que le définit Sagan ?<br />
Et d’ailleurs la concordance, approximative à première<br />
vue, se précise dès que l’on définit avec<br />
quelque rigueur les unités employées. Maintenant<br />
que la seconde est définie non plus par rapport<br />
au « j<strong>ou</strong>r moyen » mais à l’année tropique 1900,<br />
la notion de « j<strong>ou</strong>r moyen » apparaît pataude. Les<br />
astronomes utilisent donc le « j<strong>ou</strong>r sidéral », invariable,<br />
dont en 1950 la durée était évaluée à<br />
86 164,099 5 secondes, et dont la « Connaissance<br />
des temps » (publiée t<strong>ou</strong>s les ans par le Bureau des<br />
Longitudes) fixe p<strong>ou</strong>r 1974 la durée à 86 164,090 6<br />
secondes seulement. (Non, le j<strong>ou</strong>r sidéral n’a pas<br />
racc<strong>ou</strong>rci de 8,9 millisecondes ; il a simplement<br />
été déterminé avec une précision meilleure<br />
qu’en 1950.)<br />
Voilà p<strong>ou</strong>r le temps, venons-en à l’unité de longueur.<br />
En 1790, compte tenu des moyens disponibles,<br />
c’était une entreprise téméraire de diviser la<br />
circonférence de la Terre en un nombre de parties<br />
tel que l’unité obtenue soit à la fois commode p<strong>ou</strong>r<br />
le drapier et satisfaisante p<strong>ou</strong>r l’esprit de ces hommes<br />
qui, à l’intérieur des loges maçonniques où<br />
s’élaborait la Révolution, s’affirmaient Initiés et<br />
héritiers d’un grand architecte humain dépositaire<br />
de l’enseignement du Grand Architecte de l’Univers.<br />
De l’intention à la réalisation, il peut y avoir<br />
loin : en 1790, p<strong>ou</strong>r mesurer les distances, on<br />
utilisait la r<strong>ou</strong>e de carrosse (la r<strong>ou</strong>e a fait tant de<br />
t<strong>ou</strong>rs, son diamètre étant connu on obtient une<br />
approximation de la distance parc<strong>ou</strong>rue). L’extraordinaire,<br />
c’est que la somme algébrique des<br />
erreurs en plus et en moins, tant p<strong>ou</strong>r les mesures<br />
directes à la r<strong>ou</strong>e de carrosse que p<strong>ou</strong>r les extrapolations,<br />
a été infime.<br />
N<strong>ou</strong>s, qui déterminons à quelques mètres près la<br />
distance Terre-Lune et disposons de satellites<br />
p<strong>ou</strong>r mesurer et photographier la Terre, n<strong>ou</strong>s savons<br />
que les méridiens ne sont pas égaux entre<br />
eux, que l’unité de longueur doit être raccrochée à<br />
la circonférence à l’équateur. Le rayon équatorial<br />
moyen a été déterminé : il vaut 6 378 135 mètres,<br />
avec une incertitude de 5 mètres en plus <strong>ou</strong> en<br />
moins. En prenant ce rayon moyen, on arrive au<br />
chiffre de 40 075 004,12 mètres p<strong>ou</strong>r la circonférence<br />
équatoriale de la Terre. C’est une approximation,<br />
mais on peut s’en contenter.<br />
Le cachet d’aspirine peut devenir utile.<br />
Reprenons les données de ce chapitre, calculatrice<br />
à dix chiffres à la main (encore une approximation),<br />
et le cachet d’aspirine à bonne portée. Le<br />
j<strong>ou</strong>r sidéral est estimé à 86 164,090 6 secondes.<br />
L’heure, que la Tradition hébraïque définit comme<br />
1/24 e du j<strong>ou</strong>r, vaut donc 3 590,170 442 secondes,<br />
la rega 3,324 231 891 secondes, et le heleq<br />
13
14<br />
0,043 739 893 3 seconde. La circonférence équatoriale<br />
étant de 40 075 004,12 mètres, l’unité de<br />
longueur spécifique de notre planète, 1/40 000<br />
000 e de ce chiffre, est donc un peu plus longue<br />
que le mètre, 1,001 685 103 mètre plus précisément.<br />
(P<strong>ou</strong>r éviter t<strong>ou</strong>te confusion, ce mètrerectifié,<br />
appelons-le terrine.) La vitesse de la lumière,<br />
299 792 456 mètres par seconde, est donc<br />
de 299 231 236,1 terrines/seconde.<br />
En un heleq, la lumière franchit 13 088 345,73<br />
terrines.<br />
Etait-il possible de faire transmettre par la Tradition<br />
une approximation meilleure ? J’ai pris le problème<br />
à l’envers, me mettant dans la peau de<br />
civilisateurs s’assignant p<strong>ou</strong>r tâche de laisser,<br />
avant de partir, un « nombre sacré » suffisamment<br />
simple p<strong>ou</strong>r sauter aux yeux d’une civilisation parvenue<br />
à maturité, suffisamment improbable p<strong>ou</strong>r<br />
ne pas être attribué au hasard. On part de données<br />
obligées, d’« impératifs catégoriques » :<br />
1) la vitesse de la lumière, constante universelle ;<br />
2) la nécessité d’une « caractérisation » de la Terre<br />
par rapport au Soleil, constante locale. Le problème<br />
consiste à j<strong>ou</strong>er sur les paramètres destinés<br />
à établir, entre ces deux constantes, une relation<br />
évidente : 1) une unité de longueur à la fois à<br />
2.<br />
LA SOI-DISANT<br />
CONSTANTE DE NINIVE<br />
« Qui possède la moyenne ?<br />
« Qu’il paraisse et qu’il le pr<strong>ou</strong>ve »<br />
Pascal<br />
195.955.200.000.000<br />
Soit cent quatre-vingt-quinze trillions neuf-cent<br />
cinquante-cinq milliards deux-cents millions ... De<br />
quoi ? De mètres, de litres, de grammes de pâte<br />
à jujube, de mille sabords ? Pas du t<strong>ou</strong>t, n<strong>ou</strong>s dit<br />
Maurice Chatelain dans son livre « Nos ancêtres<br />
venus du Cosmos » (1), ce nombre figure sur une<br />
tablette d’argile provenant de la bibliothèque d’Assurbanipal<br />
à Ninive, et ne peut être qu’une très<br />
longue période de temps exprimée en secondes...<br />
L’auteur arrive ensuite à la conclusion que ce<br />
nombre énorme représente la Grande Constante<br />
du système solaire et doit donc être un multiple<br />
exact de n’importe quelle période de révolution<br />
<strong>ou</strong> de conjonction de n’importe quelle planète,<br />
comète <strong>ou</strong> satellite du système solaire. Loin de<br />
s’arrêter en si bon chemin — n<strong>ou</strong>s ne sommes à<br />
cet instant qu’au début du livre — il tente de<br />
l’échelle humaine et reliée à la Terre ; 2) une unité<br />
de temps.<br />
La « caractérisation » de la Terre doit être, avec<br />
une approximation raisonnable, un nombre entier,<br />
si on veut le faire transmettre comme « sacré » ; le<br />
rapport de masse Terre/Soleil (1/332,8.10 8 ) ne<br />
satisfait pas à cette condition ; le rapport de volume<br />
(1/13,01.10 5 ) y satisfait pleinement. L’unité de<br />
longueur, n<strong>ou</strong>s venons de voir que le mètre (et<br />
mieux encore la « terrine »), relié à la fois à la<br />
Terre et au gabarit humain, n<strong>ou</strong>s l’impose. N<strong>ou</strong>s<br />
ne p<strong>ou</strong>vons donc j<strong>ou</strong>er que sur l’unité de temps.<br />
J’ai perdu le compte des combinaisons que j’ai<br />
essayées, p<strong>ou</strong>r subdiviser l’« heure », définie soit<br />
comme 1/20 e soit comme 1/24 e du j<strong>ou</strong>r. Je n’ai<br />
rien tr<strong>ou</strong>vé qui donne, entre la constante universelle<br />
et notre constante locale, une approximation<br />
meilleure que le heleq.<br />
Le heleq, unité de temps insaisissable à qui ne<br />
sait pas manier les microsecondes, un peuple<br />
nomade n<strong>ou</strong>s l’a transmis en précisant que c’était<br />
une unité réservée à l’usage des Elohim... que<br />
c’est un « nombre sacré ».<br />
© Jean Sendy et R. Laffont éd.,<br />
« Les temps messianiques ».<br />
démontrer que ce nombre fut calculé il y a environ<br />
65.000 ans et que, vu que l’homme de cette<br />
époque taillait à peine convenablement le silex,<br />
seuls des initiateurs venus d’Ailleurs ont été capables<br />
d’enseigner un tel nombre à ceux dont les<br />
s<strong>ou</strong>rcils épais et le front fuyant ne cachaient pas<br />
qu’un regard bovin. Je ne peux pas v<strong>ou</strong>s cacher<br />
que ce nombre m’a intrigué. Je n’ai cependant<br />
pas à ma disposition les instruments de calcul de<br />
l’auteur, spécialiste des communications spatiales<br />
à la NASA, ni le matériel astronomique dont il<br />
a pu disposer. Je connais les dangers de la numérologie<br />
qui retr<strong>ou</strong>ve t<strong>ou</strong>t dans n’importe quoi,<br />
et je pense qu’à partir du moment où l’on fait<br />
(1) Maurice Chatelain : « Nos ancêtres venus du<br />
Cosmos », Robert Laffont éd., 1975.
intervenir des données telles que les périodes de<br />
révolution et de conjonction des planètes, les<br />
périodes de cycles lunaires, solaires et autres,<br />
s<strong>ou</strong>s forme d’impressionnantes séries de chiffres,<br />
seul un astronome averti p<strong>ou</strong>rrait émettre un avis<br />
valable. Quoique assez dubitatif à propos de la<br />
thèse de l’auteur, je ne pr<strong>ou</strong>verai rien dans cet<br />
article, qui n’est qu’une sorte d’enquête, une tentative<br />
de remonter une filière qui n<strong>ou</strong>s conduira à<br />
Ninive. Et, selon une démarche chère à Jean<br />
Sendy, j’avertirai le lecteur qu’il n’y tr<strong>ou</strong>vera aucune<br />
révélation, que je me garderai bien de prendre<br />
position, et qu’il sera assez question de chiffres ;<br />
si cela ne le tente pas, il suffira alors de sauter<br />
quelques pages …<br />
L’art de la numérologie.<br />
L’enquête débute à la page 43 de l’<strong>ou</strong>vrage de<br />
Maurice Chatelain. On y apprend que<br />
195.955.200.000.000 (s’il s’agit de secondes)<br />
représentent 3.265.920.000.000 minutes, soit<br />
54.432.000.000 heures, <strong>ou</strong> encore 2.268.000.000<br />
j<strong>ou</strong>rs de 86.400 secondes donc. L’auteur précise<br />
que les Sumériens connaissaient le phénomène<br />
de précession des équinoxes, qui fait t<strong>ou</strong>rner<br />
l’axe de rotation de la Terre aut<strong>ou</strong>r du pôle de<br />
l’écliptique en environ 26.000 ans. En 9.450.000<br />
j<strong>ou</strong>rs exactement, aj<strong>ou</strong>te-t-il. Et une ligne plus bas<br />
de dire : « C’est alors que j’eus le choc de ma vie.<br />
Je déc<strong>ou</strong>vris que 2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs représentaient<br />
très exactement 240 cycles de précession<br />
des équinoxes de 9.450.000 j<strong>ou</strong>rs chacun ... mais<br />
exprimés en secondes de temps... . Il y a en effet<br />
de quoi être étonné. Mais cela ne fonctionne qu’à<br />
une seule condition, qui est ce choix de 9.450.000<br />
j<strong>ou</strong>rs p<strong>ou</strong>r la durée de cette période de rotation.<br />
Ce qui représente 25.873 ans en années tropiques<br />
de 365,242 199 j<strong>ou</strong>rs, chiffre considéré par<br />
les astronomes, comme le dit d’ailleurs l’auteur un<br />
peu plus loin. On admet bien sûr conventionnellement<br />
le nombre de 26.000 ans, car finalement, il<br />
est impossible à préciser définitivement. On admet<br />
aussi 25.920, soit 27 x 360, la précession se<br />
déplaçant d’un degré t<strong>ou</strong>s les 72 ans. En recommençant<br />
le calcul sur cette base de 25.920 ans,<br />
j’arrive à une différence de quatre millions de<br />
j<strong>ou</strong>rs. Bien, mais cela ne me dit t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs pas<br />
p<strong>ou</strong>rquoi la notion de 240 cycles de précession lui<br />
a donné le choc de sa vie ... Faisant intervenir<br />
plus loin la précision des horloges à césium p<strong>ou</strong>r<br />
confirmer sa thèse, je me demande alors si en<br />
parlant de j<strong>ou</strong>rs de 86.400 secondes, il ne faudrait<br />
pas plutôt à l’auteur envisager le j<strong>ou</strong>r sidéral<br />
de 86.164 secondes déterminé par les mêmes<br />
horloges ; évidemment,<br />
195.955.200.000.000 secondes signifieraient<br />
alors 2.274.211.970 j<strong>ou</strong>rs et non plus<br />
2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs, ce qui ne fait plus non plus<br />
240 cycles de précession des équinoxes.<br />
Mais p<strong>ou</strong>rsuivons. Page 45 : « ... si on divise<br />
2.268.000.000 par 365,2422 on obtient le nombre<br />
de 6.209.578 années tropiques, ce qui vérifie la<br />
validité de la constante ... ». J’av<strong>ou</strong>e ne pas bien<br />
comprendre cette dernière phrase. Et de continuer<br />
: « si on divise maintenant 2.268.000.000<br />
par ce nombre de 6.209.578, on obtient<br />
365,242211 j<strong>ou</strong>rs, alors que les astronomes professionnels<br />
emploient généralement le chiffre de<br />
365,242199 p<strong>ou</strong>r la durée de l’année tropique.<br />
Cela ne fait donc qu’une différence de 0,000012<br />
j<strong>ou</strong>rs par an, soit 1,0368 secondes par an. Des<br />
observations récentes ayant démontré que l’année<br />
tropique diminuait en moyenne de 0,000016<br />
secondes par an, les horloges astronomiques au<br />
césium doivent donc être remises à l’heure de<br />
temps en temps ». Maurice Chatelain, puisqu’il<br />
estime que la constante fut calculée il y a des<br />
milliers d’années, avance qu’il est possible d’en<br />
déterminer la date exacte, en divisant la différence<br />
actuelle de 1,0368 secondes, par le taux de<br />
diminution de 0,000016 secondes par an ; c’est<br />
ainsi que la constante fut calculée il y a précisément<br />
64.800 ans .. C.Q.V.D.C. ! (Ce que v<strong>ou</strong>lait<br />
démontrer Chatelain). Cette date l’arrange particulièrement<br />
bien p<strong>ou</strong>r la suite du livre.<br />
Page 48 : « En examinant la table des périodes<br />
de révolution et de conjonctions, (voir fin du livre)<br />
on s’aperçoit que les nombres de conjonctions<br />
entre planètes, qui se produisent en<br />
2.268.000.000 j<strong>ou</strong>rs sont t<strong>ou</strong>s des multiples presque<br />
exacts du nombre 671 »... Ce presque exacts<br />
m’ennuie un peu ; mais d’où sort ce chiffre ? Réponse<br />
: « Je l’ai déc<strong>ou</strong>vert par hasard et t<strong>ou</strong>t ce<br />
que je sais c’est que si on le multiplie par<br />
3.380.000 on obtient la constante de Ninive » ...<br />
Erreur, cela fait 2.267.980.000 et non pas<br />
2.268.000.000 ! Mais n<strong>ou</strong>s ne sommes sans d<strong>ou</strong>te<br />
pas à 20.000 j<strong>ou</strong>rs près... T<strong>ou</strong>tes ces périodes<br />
étant presque exactes, on p<strong>ou</strong>rrait répéter l’expérience<br />
avec d’autres nombres ; ainsi je choisis par<br />
exemple 176 et cela fonctionne aussi. Presque.<br />
Et si v<strong>ou</strong>s me demandez d’où sort ce nombre, je<br />
v<strong>ou</strong>s répondrai que je n’en sais rien, mais que si<br />
on le multiplie par 12.886.363 on obtient la constante,<br />
et à seulement 112 j<strong>ou</strong>rs près, s’il v<strong>ou</strong>s<br />
plait ! Ce qui est déjà mieux qu’à 20.000 j<strong>ou</strong>rs<br />
près. Plus loin, on apprend aussi que la constante<br />
de Ninive représenterait 25.000 révolutions sidérales<br />
de Pluton, que la comète de Halley fait<br />
exactement 81.000 révolutions en 2.268.000.000<br />
j<strong>ou</strong>rs, et que lors de la première phase de construction<br />
de la pyramide tronquée de Saqqarah, les<br />
sept-huitièmes du volume final représentaient<br />
dans notre système métrique, très exactement<br />
2.268.000.000 mètres cubes ! ... Et ce n’est pas<br />
t<strong>ou</strong>t : la longueur du coffre de granit de la chambre<br />
du roi est exactement de 2 268 millimètres...<br />
et encore, aj<strong>ou</strong>te l’auteur, le volume de la pyramide<br />
en c<strong>ou</strong>dées-cubes multiplié par 126, représente<br />
2.268.000.000 de c<strong>ou</strong>dées-cubes... Une fois de<br />
15
16<br />
plus, d’où sort ce nombre 126 ? L’auteur précise<br />
« qu’il a sans d<strong>ou</strong>te un sens sacré » ! Une quantité<br />
d’autres rapports sont encore établis t<strong>ou</strong>t au<br />
c<strong>ou</strong>rs de l’<strong>ou</strong>vrage, dont je laisserai au lecteur le<br />
soin de juger de leurs fondements. Ce qui me<br />
préoccupe ici est l’origine de ce nombre, oseraisje<br />
dire, astronomique.<br />
Sur les traces de la Science Sacrée<br />
des Chaldéens.<br />
Un nombre de quinze chiffres n’est pas une chose<br />
c<strong>ou</strong>rante à l’aube de l’Histoire, aussi aurais-je<br />
s<strong>ou</strong>haité plus de détails à son sujet. Hélas, à ce<br />
niveau les références font cruellement défaut.<br />
Maurice Chatelain n<strong>ou</strong>s dit seulement, à la page<br />
42 : « Parmi les tablettes déchiffrées par Smith, il<br />
y en avait des quantités qui ne portaient que des<br />
chiffres, qui avaient l’air de représenter des calculs<br />
compliqués, mais en 1875, comme maintenant<br />
d’ailleurs, les archéologues n’étaient pas<br />
portés sur les chiffres. Les tablettes furent donc<br />
soigneusement classées et <strong>ou</strong>bliées. Ce n’est<br />
que très récemment, et je n’ai pas encore réussi à<br />
savoir comment ni quand, que ces tablettes furent<br />
étudiées à n<strong>ou</strong>veau, et que leur traduction fut<br />
publiée (voir référence 6). II y avait en particulier<br />
un nombre énorme de quinze chiffres de notre<br />
système décimal actuel, 195.955.200.000.000<br />
soit près de 200 millions de millions, plus que la<br />
distance de la Terre au Soleil si l’on avait l’idée<br />
bizarre de l’exprimer en millimètres. De nombreux<br />
spécialistes de différents pays avaient essayé en<br />
vain de déc<strong>ou</strong>vrir ce qu’un nombre aussi fantastique<br />
p<strong>ou</strong>vait avoir signifié p<strong>ou</strong>r les Assyriens qui<br />
vivaient à Ninive il y a près de 3000 ans… » La<br />
référence 6 n<strong>ou</strong>s renvoie en fin du livre, à l’<strong>ou</strong>vrage<br />
de Constance Irwin « Fair Gods and Stone<br />
Face ». J’ignore ce qui est dit dans ce livre, car il<br />
est malheureusement épuisé et intr<strong>ou</strong>vable malgré<br />
plusieurs tentatives. Mais je suppose qu’il<br />
n’apprend rien de précis, sans quoi Maurice Chatelain<br />
eût été plus explicite. On a un peu l’impression<br />
que le nombre de quinze chiffres fut déchiffré<br />
par Smith ; il n’en est rien, n<strong>ou</strong>s en reparlerons<br />
plus loin. Quant aux nombreux spécialistes de<br />
différents pays, je regrette le fl<strong>ou</strong> nébuleux. En<br />
début de la page 43 : « J’avais déc<strong>ou</strong>vert l’existence<br />
de ce nombre en 1955, peu après mon arrivée<br />
en Californie, dans un livre qui venait d’être<br />
publié (voir référence 7) ... » Cette référence n<strong>ou</strong>s<br />
cite « Des dieux, des tombeaux, des savants » de<br />
C.W. Ceram. Voilà qui va n<strong>ou</strong>s éclairer...<br />
2) « Les Grecs, par exemple, estimaient encore que<br />
le nombre 10.000 était une « vaste agglomération<br />
impossible à compter ». Et ce n’est guère avant le<br />
XIX e siècle que le concept du million s’est répandu<br />
en Occident ! ». C.W. Ceram Des dieux, des tombeaux,<br />
des savants ».<br />
Ceram, <strong>ou</strong>vre-toi ! Mais il ne se passa rien, car<br />
cet auteur se contente de mentionner le nombre<br />
mystérieux sans en donner la moindre référence.<br />
Je commençai à la tr<strong>ou</strong>ver mauvaise car si un tel<br />
nombre existe bel et bien dans des textes cunéiformes,<br />
il ne me paraît pas vain d’en donner la<br />
s<strong>ou</strong>rce. J’ai donc passé des heures à compulser<br />
des <strong>ou</strong>vrages d’assyriologie dont je t<strong>ou</strong>rnais les<br />
pages une à une, ne sachant pas du t<strong>ou</strong>t où p<strong>ou</strong>vait<br />
se terrer ce nombre. Puis, j’en vins à maudire<br />
Chatelain et sa Grande Constante, me disant qu’il<br />
aurait bien pu indiquer le numéro de la tablette<br />
d’argile portant l’objet du litige, surt<strong>ou</strong>t si l’on sait<br />
qu’un total d’environ 80.000 tablettes furent exhumées<br />
à Nippur et à Kuyundjik ! S<strong>ou</strong>dain, mon<br />
regard fut accroché par une longue suite de chiffres<br />
: 195.955.200.000.000. Eureka !<br />
J’étais à cet instant à la page 27, dans le chapitre<br />
des notes et des références, d’un livre d’Otto<br />
Neugebauer (un des papes de l’assyriologie)<br />
« The Exact Sciences in Antiquity ». Il y est<br />
question des difficultés et des dangers de mauvaises<br />
interprétations des textes cunéiformes,<br />
plus particulièrement dans le domaine des mathématiques<br />
et de l’astronomie, où de surplus<br />
v<strong>ou</strong>s guettent les pièges subtils du système de<br />
calcul sexagésimal.<br />
Lisez-v<strong>ou</strong>s le sexagésimal ?<br />
Quelques mots à ce propos sont indispensables<br />
avant de p<strong>ou</strong>rsuivre notre enquête. Du système<br />
sexagésimal, dont l’invention est attribuée aux<br />
Sumériens fondateurs de l’antique civilisation de<br />
Nippur et de Ur (voir KADATH n° 11 page 14), il<br />
ne n<strong>ou</strong>s reste que la division du cercle en 360°,<br />
la mesure des angles en degrés, minutes, secondes<br />
et du temps en heures, minutes, secondes,<br />
que n<strong>ou</strong>s ont transmis les Grecs. A l’origine<br />
la numérotation fut d’abord à la fois décimale<br />
et sexagésimale. A Sumer, on commença à<br />
compter sur les dix doigts : d’abord de 1 à 5, puis<br />
de 5 à 10 en faisant 5 et 1, 5 et 2, 5 et 3, etc...<br />
Au-delà de 10, on indiquait 10 et 1, 10 et 2 ...<br />
jusqu’à 10 deux fois, 10 trois fois, et ainsi de suite<br />
jusqu’à 60 qui était l’Unité Supérieure. A partir de<br />
60 (écrit avec le même symbole que 1) les nombres<br />
étaient à n<strong>ou</strong>veau exprimés 60 et 10, 60 et<br />
20 ... Ce furent les Akkadiens (sémites qui dominèrent<br />
les Sumériens), qui introduisirent dans la<br />
numérotation les nombres 100 et 1000, en faisant<br />
suivre l’unité de me (signifiant cent) p<strong>ou</strong>r écrire<br />
100, et de lim (signifiant mille) p<strong>ou</strong>r écrire 1000. II<br />
s’agit donc d’un système sexagésimal mixte puisqu’il<br />
comporte la dizaine, et qui semble issu du<br />
croisement du nombre 10 et du nombre 6<br />
(divisible par 2 et par 3). Avec seulement deux<br />
éléments, un cl<strong>ou</strong> vertical (p<strong>ou</strong>vant exprimer une<br />
puissance positive <strong>ou</strong> négative de 60) et avec un<br />
chevron (dérivé de l’arc de cercle déformé) exprimant<br />
10 (une collection de 10 fois une unité), on<br />
écrira donc t<strong>ou</strong>s les nombres.
Lion et tablette de fondation, en provenance de<br />
Subartu dans le nord de la Mésopotamie. Elle date<br />
de la période akkadienne de Sargon, roi de Ninive<br />
vers —2400 (figuré en c<strong>ou</strong>verture). Bronze et<br />
pierre, 12 x 8 cm., Musée du L<strong>ou</strong>vre.<br />
L’assyriologue Thureau-Dangin qui mit en évidence<br />
ce caracère hybride du système sexagésimal<br />
écrivait : « L’ordre de grandeur des chiffres<br />
est exprimé par leur position : par exemple 123<br />
dans le système décimal est 123 : une centaine,<br />
deux dizaines et trois unités. La même suite de<br />
chiffres dans le système sexagésimal indique<br />
une fois 60 2 , plus deux fois 60, plus 3 unités,<br />
donc : 3663. Les Babyloniens réservèrent aux<br />
textes mathématiques le système sexagésimal<br />
qu’ils avaient inventé et qui était donc un système<br />
mixte, utilisant des symboles dix et un (le<br />
chevron et le cl<strong>ou</strong> vertical) p<strong>ou</strong>r indiquer chaque<br />
sexagésimale allant de 0 à 59. En procédant ainsi,<br />
les Sumériens ont évité l’introduction de 59<br />
symboles différents de zéro p<strong>ou</strong>r lequel on n’avait<br />
pas de signe spécial ». Ce calcul dit savant,<br />
apparu à une époque difficile à déterminer, était<br />
enseigné dans des écoles spécialisées. La base<br />
de ce système est donc une numération positionnelle,<br />
c’est-à-dire que seule la position relative du<br />
chiffre fixe la grandeur relative des unités d’ordres<br />
différents ; la grandeur absolue n’est pas indiquée<br />
et le zéro n’est employé qu’en position médiale.<br />
Voici deux exemples de ce calcul savant :<br />
1) soit le nombre qui se lirait 3 (dans le<br />
système comptable ordinaire) et qui devient<br />
dans le système sexagésimal : 3661 ; soit<br />
3600 + 60 + 1 ; le chiffre de gauche valant<br />
60 fois le chiffre suivant et celui-ci 60 fois le<br />
chiffre de droite.<br />
2) soit le nombre qui p<strong>ou</strong>rrait avoir<br />
non pas une seule solution, mais trois extrêm<br />
e m e n t d i f f é r e n t e s :<br />
soit (1 x 60 3 ) + (20 x 60 2 ) + 60 + 1 = 288.061<br />
soit (1 x 60 2 ) + (21 x 60) + 1 = 4961<br />
soit (1 x 60) + 22 = 82<br />
Dans le cas du second exemple, de telles ambiguïtés<br />
donnant naissance à plusieurs solutions<br />
possibles, ne p<strong>ou</strong>rraient être résolues que par le<br />
contexte (par exemple, les propres données du<br />
problème) <strong>ou</strong> par le commentaire oral du maître<br />
qui f<strong>ou</strong>rnirait les précisions. Il est dès lors aisé de<br />
comprendre le degré d’erreur possible dans le<br />
cas où les directives de lecture viendraient à<br />
manquer. Une telle abstraction dans ce système<br />
de position sexagésimale fit d’ailleurs songer à<br />
Thureau-Dangin à un hermétisme volontaire garantissant<br />
aux scribes et aux prêtres l’inviolabilité<br />
de certains textes.<br />
Otto Neugebauer, qui est un grand spécialiste<br />
des mathématiques et de l’astronomie babyloniennes,<br />
attire l’attention sur les erreurs très fréquentes<br />
qui se produisent justement lorsqu’il y a<br />
ce manque de contexte, qui est primordial p<strong>ou</strong>r le<br />
juste déchiffrement. Voici quelques exemples :<br />
1) le nombre 1,12 qui apparait dans un ancien<br />
texte babylonien est retranscrit comme suit :<br />
4 mille 3 cent et 20, ce qui est en fait l’équivalent<br />
de 1,12,0. N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons interpréter 1,12<br />
comme 1,12,0 = 4320 <strong>ou</strong> comme 1,12 = 72 <strong>ou</strong><br />
encore comme 1,12 = 1 1/5 etc…<br />
2) des écritures avec des combinaisons mixtes<br />
sont également c<strong>ou</strong>rantes telle celle-ci provenant<br />
d’un texte astronomique : 1 me 1,30 me<br />
signifiant 190 j<strong>ou</strong>rs. Ici, 1 me signifie<br />
« 1 cent » (me étant l’abréviation du mot babylonien<br />
p<strong>ou</strong>r 100), tandis que 1,30 est la transcription<br />
sexagésimale p<strong>ou</strong>r 90, et le dernier me<br />
signifie maintenant « j<strong>ou</strong>r » et non plus 100,<br />
comme juste avant. Cela, c’est uniquement le<br />
contexte qui n<strong>ou</strong>s l’apprend.<br />
3) la notation elle-même des caractères babyloniens<br />
peut s<strong>ou</strong>vent induire en erreur ; par<br />
exemple dans le cas d’un chevron suivi de<br />
deux cl<strong>ou</strong>s verticaux qui se liraient soit 10,2<br />
soit 12, en fonction de l’espace qui sépare le<br />
premier signe des autres. II peut aussi arriver<br />
que la combinaison des dizaines et des unités<br />
soit d<strong>ou</strong>teuse car complètement scindée ; par<br />
exemple p<strong>ou</strong>r le nombre 56, ce qui exprime<br />
50 se tr<strong>ou</strong>ve à la fin d’une ligne et la valeur de<br />
6 se tr<strong>ou</strong>ve en-dess<strong>ou</strong>s, au début de la ligne<br />
suivante.<br />
17
18<br />
Le fragment K 2069.<br />
Etant à présent nantis de quelques notions fondamentales<br />
n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons ret<strong>ou</strong>rner à nos m<strong>ou</strong>tons<br />
et au nombre de quinze chiffres miraculeusement<br />
retr<strong>ou</strong>vé dans le texte d’Otto Neugebauer, où il<br />
dit : « L’absence de notations déterminant la valeur<br />
absolue d’un nombre rend possible la mauvaise<br />
interprétation de simples tables de multiplication.<br />
Lorsqu’en 1906 Hilprecht publia un volume<br />
intitulé « Tablettes mathématiques, métrologiques<br />
et chronologiques de la Bibliothèque du<br />
Temple de Nippur », il était convaincu que ces<br />
écrits étaient en relation avec la doctrine des<br />
nombres mystiques de Platon. Dans le Livre VIII<br />
de « La République », Platon donne quelques règles<br />
cabalistiques que les gardiens de sa communauté<br />
dictatoriale manipulaient p<strong>ou</strong>r décider des<br />
mariages et des unions opportuns. Au moyen de<br />
certains artifices, les principes de Platon furent associés<br />
avec les nombres déc<strong>ou</strong>verts sur les tablettes.<br />
Ainsi 1,10 (c’est-à-dire 70, <strong>ou</strong> 1 1/6 etc...) fut<br />
interprété comme ayant la valeur de<br />
195.955.200.000.000 et t<strong>ou</strong>te une série de tablettes<br />
furent transcrites et expliquées de la sorte ». …<br />
Voilà un détail que j’eus aimé tr<strong>ou</strong>ver dans le<br />
livre de Maurice Chatelain. Ce n’est donc pas<br />
Smith qui fut à l’origine de ce nombre, mais<br />
bien H.V. Hilprecht, l’assyriologue allemand, un<br />
bien curieux personnage sur lequel je me suis<br />
penché. Il est vrai que le pauvre Smith n’aurait<br />
jamais eu assez de sa vie t<strong>ou</strong>t entière p<strong>ou</strong>r déchiffrer<br />
t<strong>ou</strong>tes les tablettes exhumées. On estime<br />
auj<strong>ou</strong>rd’hui, qu’environ un quart des documents<br />
ont été traduits. II ne reste donc plus que<br />
quelque 50.000 tablettes !<br />
Les premières déc<strong>ou</strong>vertes de Paul-Emile Botta<br />
inaugurent les f<strong>ou</strong>illes en Mésopotamie, en 1852.<br />
On creuse à Kuyundjik et à Khorsabad. Puis,<br />
Austen Henry Layard, à Kalakh, Nimrud et Kujundjik,<br />
déc<strong>ou</strong>vre p<strong>ou</strong>r la première fois l’existence<br />
de tablettes d’argiles inscrites. Les n<strong>ou</strong>velles salles<br />
d’assyriologie se remplissent de trésors, au<br />
L<strong>ou</strong>vre et au British Museum. Plus tard, Henry C.<br />
Rawlinson et John Smith décryptent ; Hormuzd<br />
Rassam f<strong>ou</strong>ille ; Willem Loftus et Fraser explorent.<br />
La mémorable Expédition Scientifique Française<br />
de Mésopotamie, s<strong>ou</strong>s la direction de Fulgence<br />
Fresnel, met fin en 1857 à la première<br />
grande période. La seconde débutera vingt ans<br />
plus tard et s’<strong>ou</strong>vre par les travaux d’Ernest de<br />
Sarzec à Tello. Plus de 30.000 tablettes sont<br />
d’ailleurs volées par des pillards qui les éc<strong>ou</strong>lent<br />
sur le marché de Bagdad. En 1889 enfin, la Babylonian<br />
Exploration Fund et l’Université de Pennsylvanie<br />
délèguent la première mission américaine<br />
qui f<strong>ou</strong>illa Nippur. Quatre campagnes furent<br />
menées jusqu’en 1900, s<strong>ou</strong>s la direction de John<br />
Peters puis s<strong>ou</strong>s celle de H.V. Hilprecht. C’est à<br />
Hilprecht que l’on doit, entre autres, les travaux et<br />
la publication de ceux-ci sur la ziggurat et le temple<br />
de E-Kur d’Enlil. Une grande rivalité opposant<br />
Peters et Hilprecht, et de mauvaises conditions<br />
de travail laissent un s<strong>ou</strong>venir amer de ces campagnes.<br />
Le pauvre Hilprecht dut un j<strong>ou</strong>r assister,<br />
impuissant, à l’incendie de son camp à Nippur par<br />
des pillards béd<strong>ou</strong>ins. Joseph Blumroch, pardon,<br />
Jacques Bergier, raconte qu’Hilprecht voyait en<br />
rêve les endroits où f<strong>ou</strong>iller, et le lendemain, il<br />
déc<strong>ou</strong>vrait. B<strong>ou</strong>tade, vérité ? Ce n’était cependant<br />
pas n’importe qui, mais il semble être complètement<br />
délaissé par les assyriologues modernes.<br />
II n’est que très rarement cité et l’une des<br />
seules références se rapportant à lui, provient<br />
d’Otto Neugebauer ; je v<strong>ou</strong>s l’ai traduite plus<br />
haut. Est-ce à dire qu’Hilprecht est auj<strong>ou</strong>rd’hui<br />
considéré comme un joyeux plaisantin qui est
tombé pieds joints dans les pièges tendus par les<br />
complexités du système sexagésimal ? Quoi qu’il<br />
en soit, il est bien le déc<strong>ou</strong>vreur du nombre<br />
195.955.200.000.000, dont il parle en détail à la<br />
page 26 de son livre qui traite des tablettes de la<br />
Bibliothèque du Temple de Nippur. II n<strong>ou</strong>s donne<br />
même le numéro de la tablette qui le porte : elle<br />
se tr<strong>ou</strong>ve recensée s<strong>ou</strong>s la dénomination K 2069<br />
dans le catalogue général de la collection des<br />
tablettes de Kuyundjik au British Museum, dressé<br />
par C. Bezold en 1889. Un nombre de quinze<br />
chiffres se tr<strong>ou</strong>ve-t-il réellement inscrit sur le fragment<br />
K 2069 <strong>ou</strong> sort-il t<strong>ou</strong>t droit de l’imagination<br />
d’Hilprecht ? Signifie-t-il simplement 1,10 <strong>ou</strong> 70<br />
comme le prétend Neugebauer ? Ec<strong>ou</strong>tons<br />
Hilprecht.<br />
Il est d’abord question de quatre tablettes mathématiques<br />
dénommées n° 20 verso, n° 21 verso,<br />
n° 22 recto et n° 24 verso, provenant de Nippur.<br />
Elles sont fragmentaires, mais une étude comparative<br />
des quatre permet de restaurer entièrement<br />
leur texte qui est d’ailleurs quasiment identique.<br />
Ce texte serait une table de division, contenant<br />
les diviseurs de 12.960.000 jusqu’à 72, dans une<br />
série croissante (les nombres de gauche) avec<br />
leur quotient correspondant dans une série décroissante<br />
(les nombres de droite) :<br />
1 ………….. 8.640.000 A-AN<br />
(l’idéogramme A-AN caractérise le quotient)<br />
2 ………….. 6.480.000<br />
3 ………….. 4.320.000<br />
etc...<br />
6 ………….. 2.160.000<br />
etc...<br />
10 ………… 1.296.000<br />
etc...<br />
18 ………… 720.000<br />
etc...<br />
36 ………… 360.000<br />
etc...<br />
60 ………… 216.000<br />
etc...<br />
72 ………… 180.000<br />
En fait, la première ligne doit se lire : les 2/3 de<br />
12.960.000 = 8.640.000 ; la seconde : 1/2 de<br />
12.960.000 = 6.480.000 etc... Hilprecht aj<strong>ou</strong>te<br />
qu’il est certain de sa traduction car il a déc<strong>ou</strong>vert<br />
des preuves de bonne interprétation sur les autres<br />
tablettes où figurent notamment les idéogrammes<br />
équivalents à notre signe « : » (soit à<br />
diviser par) et, correctement placés, ils ne permettent<br />
pas le d<strong>ou</strong>te. Par exemple, sur la tablette<br />
n° 22 recto :<br />
ligne 3 : IGI 3 GAL BI = 4.320.000<br />
le nombre placé entre IGI et GAL exprime le<br />
dénominateur, et l’idéogramme BI signifie en<br />
réalité un article du genre « le » <strong>ou</strong> un adverbe<br />
comme «çà» et qui exprime donc le nombre à<br />
diviser, soit ici 12.960.000. On doit donc traduire<br />
la ligne ainsi : « çà » (12.960.000) à diviser<br />
par 3 = 4.320.000.<br />
Outre ces tables de division de la Bibliothèque du<br />
Temple de Nippur qui sont donc t<strong>ou</strong>tes basées<br />
sur 12.960.000, il en est une autre, semblable,<br />
mais qui appartient, elle, à la bibliothèque d’Assurbanipal<br />
à Ninive, et dont il ne subsiste que le<br />
fragment K 2069. A son sujet, Bezold n<strong>ou</strong>s apprend<br />
à la page 400 de son catalogue que la tablette<br />
entière devait mesurer environ 5 cm sur<br />
3 cm ; il manque le début du recto et la fin du<br />
verso. De chaque côté se tr<strong>ou</strong>ve une d<strong>ou</strong>ble<br />
colonne avec 13 et 15 lignes très lisibles et bien<br />
conservées. Ce que Bezold en montre sont les<br />
lignes de 2 à 5 du recto. Il aj<strong>ou</strong>te qu’elles contiennent<br />
probablement des opérations mathématiques.<br />
Ici, cela devient assez compliqué, et je ne<br />
peux, au risque de v<strong>ou</strong>s déc<strong>ou</strong>rager complètement,<br />
entrer dans les détails ; Hilprecht entame<br />
donc la traduction du fragment K 2069 et dit, fort<br />
de ses résultats obtenus sur les quatre tablettes<br />
précédentes, que selon les propres données de<br />
Bezold le dividende semble être 15.120.000 (soit<br />
12.960.000 exprimé par un cl<strong>ou</strong> vertical<br />
+ 2.160.000 exprimé par un chevron). Finalement,<br />
on en arrive alors à la troisième ligne du<br />
fragment K 2069 qui doit donc se lire comme suit<br />
(respirez profondément) :<br />
IGI 3 x 216.000 ( = 648.000) 23 x 12.960.000<br />
(= 298.080.000) + 2 x 2.160.000 (= 4.320.000)<br />
x<br />
En d’autres termes : = 302.400.000<br />
648.000<br />
soit x = 302.400.000 x 648.000 = 195.955.200.000.000<br />
c-à-d 12.960.000 2 (= 167.961.600.000 que représente<br />
un cl<strong>ou</strong> vertical) + (2.160.000 2 = x 6).<br />
Ouf ! Donc, conclut Hilprecht, K 2069 est une<br />
table de division contenant un nombre de diviseurs<br />
de 195.955.200.000.000 dans une série<br />
croissante (colonne de gauche) avec leur quotient<br />
correspondant dans une série décroissante<br />
(colonne de droite). En t<strong>ou</strong>te probabilité, la première<br />
ligne de la tablette restaurée devrait être :<br />
« la 216.000ème partie de 195.955.200.000.000 =<br />
907.200.000 ».<br />
Voilà p<strong>ou</strong>rquoi votre fille est muette, et voici d’où<br />
sort la Constante de Ninive. Hilprecht restaure<br />
ensuite les lignes manquantes de la suite mathématique<br />
(dont je v<strong>ou</strong>s ferai grâce !) et se pose,<br />
quatre pages plus loin, la question de savoir d’où<br />
provient le nombre de 12.960.000 soit 60 4 <strong>ou</strong><br />
3600 2 , qui est commun aux textes étudiés par lui,<br />
présent dans les tablettes de Nippur et dans le<br />
fragment K 2069. La réponse, dit Hilprecht, se<br />
tr<strong>ou</strong>ve peut-être dans le livre VIII de « La République<br />
» de Platon ...<br />
19
20<br />
Le Nombre Parfait<br />
de la Génération Divine.<br />
Platon explique à Glaucon que t<strong>ou</strong>t changement<br />
de constitution vient de la partie qui g<strong>ou</strong>verne,<br />
lorsque la division s’installe entre ses propres<br />
membres. Par contre, tant qu’elle est d’accord<br />
avec elle-même, si petite soit-elle, elle demeurera<br />
inébranlable. Cependant, p<strong>ou</strong>rsuit Platon, il est<br />
une chose qui p<strong>ou</strong>rra ébranler l’Etat et par où se<br />
glissera la discorde entre les gardiens et les magistrats<br />
: comme t<strong>ou</strong>t ce qui naît est sujet à corruption,<br />
la constitution elle non plus ne durera pas<br />
t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs. II y a non seulement p<strong>ou</strong>r les plantes<br />
enracinées dans la terre, mais encore p<strong>ou</strong>r l’âme<br />
et le corps des animaux qui vivent sur sa surface,<br />
des alternatives de fécondité et de stérilité. Ces<br />
alternatives se produisent quand la révolution<br />
périodique ferme le cercle où chaque espèce se<br />
meut, cercle c<strong>ou</strong>rt p<strong>ou</strong>r les espèces qui ont la vie<br />
c<strong>ou</strong>rte, long p<strong>ou</strong>r celles qui ont la vie longue. Or,<br />
dit-il à Glaucon, p<strong>ou</strong>r ce qui est de votre race,<br />
ceux que v<strong>ou</strong>s avez élevés p<strong>ou</strong>r guider l’Etat auront<br />
beau être habiles et renforcer l’expérience<br />
par le raisonnement, ils n’en discerneront pas<br />
mieux les moments de fécondité et de stérilité ;<br />
ces moments leurs échapperont, et ils engendreront<br />
des enfants quand il ne faudrait pas le faire.<br />
P<strong>ou</strong>r la génération divine, il y a une période<br />
qu’embrasse un nombre parfait ; p<strong>ou</strong>r celle des<br />
hommes, au contraire, c’est le plus petit nombre<br />
dans lequel certaines multiplications dominatrices<br />
et dominées arrivent finalement à établir entre<br />
t<strong>ou</strong>tes les parties de l’ensemble une correspondance<br />
rationnellement exprimable. Si ce nombre<br />
géométrique qui préside aux bonnes et aux mauvaises<br />
naissances est ignoré, la génération n<strong>ou</strong>velle<br />
sera moins cultivée et elle f<strong>ou</strong>rnira des magistrats<br />
peu propres au rôle de gardiens. La<br />
démonstration est basée sur un triangle rectangle<br />
pythagoricien qui a p<strong>ou</strong>r côtés 3 et 4 et p<strong>ou</strong>r<br />
hypoténuse 5. L’épitrite (3 et 4), multiplié par 5,<br />
forme le produit-base (3 x 4 x 5), qui multiplié<br />
3 fois par lui-même, donne (3 x 4 x 5) 4 =<br />
12.960.000. Mis s<strong>ou</strong>s la forme x 2 x 100 2 , <strong>ou</strong> (3 x 4 x 3)<br />
(3 x 4 x 3) (5 x 4 x 5) (5 x 4 x 5 ) = (36 x 36) (100 x100)<br />
= 12.960.000, c’est la première harmonie. La<br />
deuxième est faite de deux rectangles qui ont<br />
un côté égal : a) 3 2 x 100 ; b) soit (7 2 —1) 100,<br />
soit (√50 2 — 2) 100 ; ce qui donne (3 x 3 x 3) (5 x 4 x 5)<br />
(4 x 3 x 4) (5 x 4 x 5) = (27 x 100) (48 x100) =<br />
12.960.000 (Cité d’après A. Diès, « Le nombre<br />
de Platon »).<br />
H.V. Hilprecht, lorsqu’il entreprit ses traductions<br />
de tablettes, s’était ent<strong>ou</strong>ré d’éminents spécialistes<br />
de l’époque, tant parmi ses collègues de l’Université<br />
de Pennsylvanie que ceux du British Museum<br />
où il fit d’ailleurs plusieurs séj<strong>ou</strong>rs d’étude.<br />
Sa connaissance des mathématiques babyloniennes<br />
était très grande, mais nul n’est à l’abri des<br />
infortunes de l’érudition. Ses calculs sont certainement<br />
exacts, mais peut-être sont-ce ses interprétations<br />
de base qui sont fausses, si le contexte<br />
des tablettes manque ? Mais je ne suis pas Neugebauer<br />
et n’oserais jamais trancher un tel dilemme.<br />
Il faudrait, p<strong>ou</strong>r bien faire, réétudier le fragment<br />
K 2069. Quant à Hilprecht, si sa bonne foi<br />
n’est pas à mettre en d<strong>ou</strong>te, il est bien sûr curieux<br />
qu’il soit tombé sur le nombre de Platon. Celui-ci<br />
n’est peut-être qu’une fable, mais il ne faut pas<br />
perdre de vue que les Chaldéens dépositaires de<br />
la Science Sacrée furent les premiers initiateurs<br />
et les maîtres des Grecs. Notamment dans les<br />
Ecoles des colonies grecques d’Asie Mineure, à<br />
Milet, patrie de Thalès <strong>ou</strong> à Nicée, patrie d’Hipparque.<br />
On s<strong>ou</strong>pçonne d’ailleurs actuellement les<br />
Babyloniens d’avoir connu le phénomène de précession<br />
des équinoxes bien avant Hipparque ; on<br />
estime que Pythagore a vécu en Asie Mineure<br />
jusqu’au moment des guerres médiques, alors<br />
que le théorème dit de Pythagore se retr<strong>ou</strong>ve<br />
déjà dans un problème remontant à la première<br />
dynastie de Babylone au début du IIème millénaire<br />
avant notre ère. Vitruve raconte que selon Tatien,<br />
le prêtre chaldéen Bérose enseigna dans<br />
l’île de Cos en pleine mer Egée, patrie d’Hippocrate.<br />
Le Père de l’Histoire, Hérodote était lui<br />
aussi originaire d’Asie Mineure. Et c’est Strabon,<br />
enfin, qui rapporte également que les Grecs ont<br />
largement puisé leurs connaissances chez les<br />
prêtres égyptiens et dans les écrits des Chaldéens.<br />
La Constante de Ninive : ne rien nier a<br />
priori, mais juger en connaissance de cause.<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
PATRICK FERRYN<br />
● C. Bezold. « Catalogue of the Cuneiform Tablets<br />
in the K<strong>ou</strong>y<strong>ou</strong>ndjik Collection of the British Museum<br />
», vol. 1, British Museum 1889.<br />
● H.V. Hilprecht. « The Babylonian Expedition of the<br />
University of Pennsylvania - Mathematical, Metrological<br />
and Chronological Tablets from the Temple<br />
Library of Nippur », Série A : Cuneiform Texts, vol.<br />
XX part 1 - Department of Archeology, 1906.<br />
● Fr. Thureau-Dangin. « Esquisse d’une histoire du<br />
système sexagésimal », Paris 1932.<br />
● A. Diès. « Le Nombre de Platon, essai d’exégèse<br />
et d’histoire », mémoires présentés par divers<br />
savants à l’Académie des Inscriptions et Belles-<br />
Lettres, t. XIV, 1936.<br />
● Otto Neugebauer. « The Exact Sciences in Antiquity<br />
», Brown University Press, Providence, Rhode<br />
Island, 1957.<br />
● Marguerite Hutten. « La science des Chaldéens »,<br />
collection Que sais-je ?, P.U.F. 1970 n° 893.<br />
● Platon. « La République », Bibliothèque Méditations,<br />
éditions Gonthier, Denoël, 1971.
ARCHEOLOGIE PARALLELE<br />
LES FRESQUES INSOLITES<br />
<strong>DU</strong> TASSILI<br />
Il a été beauc<strong>ou</strong>p question, au c<strong>ou</strong>rs de ces dernières années, de cette région du Sahara qui se nomme<br />
Tassili, et des fresques qui y ont été déc<strong>ou</strong>vertes en 1933 par le lieutenant Brenans, officier français.<br />
Les remarquables travaux de Henri Lhote et de son équipe ont d’autre part contribué à populariser cet<br />
aspect de l’art préhistorique. Les avis les plus opposés ont été formulés à propos de ces peintures<br />
étranges et originales ; nombre d’écrivains plus <strong>ou</strong> moins honnêtes ont cru bon de mettre le Tassili en<br />
bonne place dans leur liste des manifestations extraterrestres. N<strong>ou</strong>s croyons le moment venu de faire<br />
le point : tant de choses ont été dites et écrites que cet article n<strong>ou</strong>s paraît nécessaire (1). N<strong>ou</strong>s aborderons<br />
le sujet par son côté le plus aride — au propre comme au figuré — par quelques mots sur la<br />
géographie et l’histoire de ce désert célèbre entre t<strong>ou</strong>s : le Sahara.<br />
(1) Ceux de nos lecteurs qui auront suivi les travaux<br />
et publications sur le sujet seront peut-être déçus de<br />
ne pas voir représentée ici telle fresque particulièrement<br />
remarquable par sa qualité artistique. C’est<br />
que, fidèle à l’esprit de KADATH, j’ai surt<strong>ou</strong>t v<strong>ou</strong>lu<br />
me préoccuper de ce que l’art tassilien avait de mystérieux<br />
et de controversé. Dès lors, j’ai dû éliminer ce<br />
qui n’avait pas un rapport direct avec le but fixé.<br />
P<strong>ou</strong>r ceux qui v<strong>ou</strong>draient en savoir plus sur l’art tassilien<br />
en général, je ne peux que conseiller — plus<br />
p<strong>ou</strong>r ses photos que p<strong>ou</strong>r son texte — le livre de<br />
Henri Lhote : « A la déc<strong>ou</strong>verte des fresques du<br />
Tassili », éditions Arthaud - 1958, réédité en 1973.)<br />
Le Sahara au passé et au présent.<br />
Le Sahara est une région désertique, limitée au<br />
nord par l’Atlas, au sud par les steppes du S<strong>ou</strong>dan<br />
; ses frontières <strong>ou</strong>est et est sont respectivement<br />
l’Atlantique et la mer R<strong>ou</strong>ge. Contrairement<br />
à ce que l’on croit généralement, il s’agit avant<br />
t<strong>ou</strong>t d’un désert de pierre (hamada), le sable n’excédant<br />
pas un tiers de la surface totale. Le climat,<br />
subtropical, est chaud et sec. Les pluies sont rares<br />
et très irrégulières : certaines régions ne reçoivent<br />
aucune précipitation pendant plusieurs années<br />
21
22<br />
consécutives, alors qu’une averse s<strong>ou</strong>daine et<br />
violente peut gonfler les <strong>ou</strong>eds en quelques instants.<br />
La sécheresse de l’air entraîne de grandes<br />
variations de température : 50°C dans la j<strong>ou</strong>rnée,<br />
moins de 0°C la nuit. Des vents violents entraînent<br />
la formation de tempêtes de sable. Comme p<strong>ou</strong>r<br />
t<strong>ou</strong>s les déserts de ce type, le paysage du Sahara<br />
est dénudé. La végétation y est presque exclusivement<br />
composée de t<strong>ou</strong>ffes de graminées et de<br />
plantes dép<strong>ou</strong>rvues de feuilles. Enfin, la faune,<br />
très pauvre, est représentée par des rongeurs<br />
comme le lièvre blanc, des reptiles et de nombreux<br />
insectes. Le Sahara n’est cependant pas<br />
vide de t<strong>ou</strong>te présence humaine : deux millions<br />
d’habitants se répartissent inégalement sur les<br />
huit millions de kilomètres carrés du désert. Alors<br />
que certaines régions sont absolument vides de<br />
t<strong>ou</strong>te présence humaine, certaines oasis ont une<br />
densité de population de plus de mille habitants au<br />
kilomètre carré. Signalons enfin que le Sahara est<br />
un grand centre de passage entre les mondes noir<br />
et blanc, et les caravanes y sont nombreuses. La<br />
population actuelle est d’ailleurs le résultat d’un<br />
mélange de peuples blancs et noirs.<br />
Il est cependant établi désormais que cette partie<br />
de l’Afrique a connu des j<strong>ou</strong>rs meilleurs. Il y<br />
aurait eu, au c<strong>ou</strong>rs des âges, une succession de<br />
périodes sèches et humides, ces dernières étant<br />
situées au paléolithique inférieur et au néolithique,<br />
principalement. L’existence de ces périodes<br />
humides est en t<strong>ou</strong>t cas attestée par la déc<strong>ou</strong>verte,<br />
en de nombreux endroits, d’une faune importante<br />
et diversifiée, et d’une flore de type méditerranéen.<br />
Enfin, rappelons que, s’ils considéraient<br />
déjà le Sahara comme une région désertique, les<br />
auteurs anciens mentionnaient l’existence de<br />
l’éléphant, du lion et du cheval, animaux disparus<br />
auj<strong>ou</strong>rd’hui. Le Tassili-n-Ajjer de son vrai nom est<br />
un plateau de grès friable, situé au beau milieu<br />
du Sahara. Long de 800 kilomètres, large d’une<br />
soixantaine de kilomètres, il se tr<strong>ou</strong>ve au nord de<br />
la pénéplaine du Hoggar, qu’il domine de 500<br />
mètres. Il a été profondément marqué par le lent<br />
travail des eaux, qui ont d’abord creusé de nombreux<br />
canyons et vallées, puis ont déc<strong>ou</strong>pé des<br />
blocs entiers dans la masse rocheuse, les déchiquetant<br />
en d’étranges figures, creusant à la base<br />
de nombreuses cavités qui furent autant d’abris<br />
p<strong>ou</strong>r les populations qui y vécurent. La région est<br />
actuellement extrêmement désertique, et seuls<br />
quelques rares points d’eau semi-permanents<br />
permettent de survivre.<br />
L’art du Tassili.<br />
Les fresques tassiliennes dér<strong>ou</strong>tent au premier<br />
abord. Rien n’est simple, rien n’est familier, t<strong>ou</strong>t<br />
surprend l’Européen habitué à l’art francocantabrique<br />
: le nombre incroyable de peintures,<br />
les sujets représentés, le style absolument original.<br />
Un grand nombre de fresques représentent —<br />
et ceci est d’une importance capitale — des scènes<br />
de la vie quotidienne de ces populations qui<br />
vécurent, selon les datations, au néolithique p<strong>ou</strong>r<br />
la plupart. Une minorité cependant de ces peintures<br />
relève exclusivement d’un symbolisme que<br />
l’on retr<strong>ou</strong>ve par ailleurs presque t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs, lorsqu’il<br />
s’agit d’art préhistorique.<br />
Les peintures sont s<strong>ou</strong>vent situées au fond des<br />
abris, à plusieurs mètres du sol, <strong>ou</strong> dans des<br />
alvéoles tellement étroites qu’il faut y ramper. On<br />
s’étonnera de cette recherche de la difficulté qui<br />
ne peut avoir que des motivations puissantes, par<br />
exemple le s<strong>ou</strong>ci de préserver les œuvres en les<br />
rendant pénibles d’accès. Henri Lhote a tenté, en<br />
bon préhistorien, de mettre en évidence l’existence<br />
de sanctuaires analogues à ceux que l’on a cru<br />
voir en Europe. Cet essai s’est avéré infructueux<br />
et, sauf dans de très rares cas, les peintures n’ont<br />
aucun caractère magique.<br />
Les travaux d’Henri Lhote permettent à l’heure<br />
actuelle de se faire une idée assez valable de<br />
l’évolution de l’art tassilien et, corolairement, des<br />
populations qui habitèrent le Sahara. Je me propose<br />
d’adopter la classification de Lhote, qui reste<br />
bien sûr une théorie parfois incomplète. Cette<br />
classification est basée d’une part sur un examen<br />
logique de l’évolution des styles, ce qui est t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs<br />
discutable, et, d’autre part, sur des constatations<br />
scientifiques plus sûres (datations au C-14,<br />
palimpsestes,...). Cette classification, que n<strong>ou</strong>s<br />
allons développer et commenter dans les colonnes<br />
qui suivent, se présente comme suit : 1. période<br />
du bubale et des têtes rondes ; 2. période bovidienne<br />
; 3. période du cheval ; 4. période du chameau.<br />
Des peuples et des fresques.<br />
PERIODE <strong>DU</strong> BUBALE<br />
ET DES TETES RONDES (6000 à 4000 avant J.-C.).<br />
Il s’agit de la période la plus ancienne suivant<br />
notre classification. Elle daterait des débuts du<br />
néolithique. Remarquons que, déjà, on peut faire<br />
une distinction entre cet art tassilien, essentiellement<br />
néolithique, et l’art franco-cantabrique paléolithique.<br />
L’évolution au sein de cette période est<br />
particulièrement difficile à suivre. La tendance<br />
actuelle est d’englober dans une seule période la<br />
période primitive du bubale (un genre d’antilope<br />
africaine) et la période très caractéristique des<br />
hommes à tête ronde, car les fresques se rapportant<br />
à cette dernière peuvent parfois, elles aussi,<br />
représenter des bubales.<br />
Cette période des hommes à tête ronde est parmi<br />
celles qui posent le plus de problèmes aux cher-
cheurs... et qui ont fait c<strong>ou</strong>ler beauc<strong>ou</strong>p d’encre,<br />
puisque c’est de cette époque que datent les<br />
représentations des célèbres Martiens. Le stade<br />
supposé le plus ancien montre de petits personnages<br />
cornus le plus s<strong>ou</strong>vent. La tête, ronde et grosse<br />
par rapport au corps, annoncerait déjà le style<br />
« martien ». Il s’agit sans d<strong>ou</strong>te de scènes de<br />
chasse <strong>ou</strong> de guerre (bien que n<strong>ou</strong>s manquions<br />
d’éléments p<strong>ou</strong>r une interprétation correcte), car<br />
les personnages sont armés d’arcs <strong>ou</strong> de pieux.<br />
Sauf dans quelques cas, les peintures sont monochromes<br />
(ocre r<strong>ou</strong>ge <strong>ou</strong> violette).<br />
Un archer de Ti-n-Tazarift, et en-dess<strong>ou</strong>s le<br />
« grand dieu aux orantes» de Setar.<br />
Plus évolués, plus mystérieux aussi, les stades<br />
suivants constituent la période des hommes à tête<br />
ronde proprement dite. La peinture est cette fois<br />
polychrome (ocres r<strong>ou</strong>ge, jaune, verdâtre). S’il<br />
existe certainement une évolution au fil des siècles,<br />
les grandes caractéristiques restent les mêmes<br />
: la tête est ronde, très s<strong>ou</strong>vent sans indication<br />
des traits du visage, elle est ornée de motifs<br />
géométriques divers. Les personnages sont<br />
grands, et atteignent parfois des proportions gigantesques.<br />
Les animaux sont assez largement<br />
représentés ; il s’agit t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs d’une faune de climat<br />
humide : antilope, éléphant, rhinocéros. L’interprétation<br />
des fresques est pratiquement impossible<br />
à l’heure actuelle. Ainsi, la scène représentée<br />
ici, qui appartiendrait à la phase décadente<br />
des Têtes Rondes, peut n<strong>ou</strong>s laisser perplexes.<br />
N<strong>ou</strong>s y voyons un grand personnage central de<br />
3,25 mètres de haut. Les bras sont levés, les jambes<br />
écartées. Entre les cuisses pend, derrière le<br />
sexe parfaitement reconnaissable, une sorte de<br />
grand sac. La tête affecte une forme t<strong>ou</strong>t à fait<br />
inhabituelle, incompréhensible. Ce doit être en<br />
t<strong>ou</strong>t cas un personnage important, les autres acteurs<br />
de la scène levant vers lui leurs bras, en un<br />
geste de prière. Lhote y voit une scène à caractère<br />
magique (une des seules qu’il ait réussi à intégrer<br />
dans un système symbolique), sans d<strong>ou</strong>te en<br />
rapport avec la maternité. Les femmes, à gauche<br />
(reconnaissables à leurs petits seins, placés l’un<br />
au-dessus de l’autre), adorent le dieu de la fécondité<br />
alors que, à droite, une femme est sur le<br />
point d’acc<strong>ou</strong>cher. Je reste assez sceptique quant<br />
au bien-fondé de cette interprétation. Je remarquerai<br />
seulement que le personnage c<strong>ou</strong>ché semble<br />
porter certains attributs masculins et n’est pas<br />
caractérisé par les seins placés l’un au-dessus de<br />
l’autre. Je ne peux proposer une meilleure solution,<br />
si ce n’est... mais n<strong>ou</strong>s allons en reparler.<br />
23
24<br />
Le grand dieu « martien » de Jabbaren
Je ne peux passer s<strong>ou</strong>s silence ce que Lhote a<br />
appelé bien imprudemment le « Grand Dieu martien<br />
». Cette fresque gigantesque devait mesurer à<br />
l’origine plus <strong>ou</strong> moins six mètres de haut, compte<br />
tenu du fait que la partie inférieure a été détruite.<br />
L’ensemble est certes impressionnant et énigmatique.<br />
La théorie officiellement admise s<strong>ou</strong>ligne que<br />
le style des Têtes Rondes n’est pas apparu subitement<br />
avec l’arrivée d’éventuels êtres de l’espace :<br />
il serait le résultat d’une évolution commencée<br />
avec les petits personnages cornus dont n<strong>ou</strong>s<br />
avons parlé plus haut. Cette évolution n’est pas<br />
p<strong>ou</strong>r n<strong>ou</strong>s une évidence, loin s’en faut ! L’examen<br />
minutieux des différents documents mis à notre<br />
disposition n<strong>ou</strong>s laisse penser bien au contraire<br />
que ces « scaphandriers » forment un style à part,<br />
au sein duquel on peut, c’est certain, remarquer<br />
différentes phases évolutives. Et malgré notre<br />
prudence désormais légendaire, n<strong>ou</strong>s devons bien<br />
admettre que ces Têtes Rondes ont un petit air<br />
extraterrestre plus vrai que vrai. Ainsi, les lignes<br />
horizontales à hauteur du c<strong>ou</strong> font penser aux plis<br />
d’un élément de raccord s<strong>ou</strong>ple entre le casque et<br />
le scaphandre proprement dit. Conscient de l’énormité<br />
de ce qui précède. je ne désire pas en rester<br />
là, contrairement à la plupart des archéomanes<br />
qui infestent notre petit monde. En effet, je s<strong>ou</strong>ligne<br />
encore une fois qu’il existe une évolution certaine<br />
dans les représentations des Têtes Rondes,<br />
ce qui selon n<strong>ou</strong>s serait l’indice d’un art symboliste<br />
plutôt que naturaliste. L’interprétation de ces symboles<br />
serait dès lors t<strong>ou</strong>t simplement hors de notre<br />
portée. J’y reviendrai dans mes conclusions.<br />
La période des Têtes Rondes n’est cependant pas<br />
caractérisée uniquement par les styles des petits<br />
personnages cornus et des Martiens, selon la<br />
classification de Lhote. Un autre type de peinture,<br />
que l’on n’a pu classer avec certitude avant <strong>ou</strong><br />
après la phase décadente des Têtes Rondes, est<br />
d’un style plus réaliste, plus élaboré également.<br />
Une fresque retiendra particulièrement notre attention<br />
par les renseignements qu’elle n<strong>ou</strong>s apporte<br />
sur le peuplement du Tassili à cette époque. N<strong>ou</strong>s<br />
y voyons un personnage qui p<strong>ou</strong>rrait être un sorcier.<br />
Il porte un pagne et, surt<strong>ou</strong>t, un masque qui<br />
fait penser à ceux utilisés par certaines tribus actuelles<br />
de Côte-d’Ivoire. Une autre œuvre remarquable<br />
de cette période est la « Dame Blanche<br />
d’A<strong>ou</strong>anrhet ». L’étude de ses caractéristiques<br />
physiques n<strong>ou</strong>s confirme l’appartenance des Têtes<br />
Rondes aux populations négroïdes : le ventre<br />
bombé, les peintures corporelles — <strong>ou</strong> scarifications<br />
? — sont révélatrices. En fait, cette Dame<br />
Blanche (qu’il ne faut pas confondre avec celle du<br />
Brandberg, voir KADATH n° 10), marque, suivant<br />
Lhote, la fin de la période des Têtes Rondes.<br />
N<strong>ou</strong>s devons encore signaler, p<strong>ou</strong>r être complet,<br />
l’existence d’un assez grand nombre de mains,<br />
soit négatives, soit dessinées par cont<strong>ou</strong>r. Cette<br />
pratique fut, on le sait, largement répandue au<br />
paléolithique supérieur. N<strong>ou</strong>s ne reviendrons pas<br />
sur les essais d’interprétation, basés sur l’éternel<br />
fatras magico-symbolique fort utilisé dans ces caslà,<br />
et que j’ai abordés dans de précédents articles,<br />
mais s<strong>ou</strong>lignerons une constance dans l’usage de<br />
certaines pratiques, et donc une similitude de pensée<br />
entre des peuples vivant non seulement à des<br />
milliers de kilomètres les uns des autres, mais<br />
encore à des époques nettement différentes. Rien<br />
p<strong>ou</strong>rtant ne semble démontrer l’existence de rapports<br />
entre les Européens du paléolithique supérieur<br />
et les Tassiliens du néolithique : je le rappelle<br />
derechef, l’art du Tassili est d’une facture absolument<br />
originale et, de plus, les Têtes Rondes sont<br />
sans d<strong>ou</strong>te d’origine négroïde. D’après ce qui a pu<br />
être mis à j<strong>ou</strong>r lors des f<strong>ou</strong>illes effectuées, il semble<br />
que les Têtes Rondes ne connaissaient ni la<br />
poterie, ni l’agriculture. Leurs armes de pierre<br />
(principalement des haches) servaient à la chasse<br />
d’un gibier abondant.<br />
La Dame Blanche d’A<strong>ou</strong>anrhet.<br />
PERIODE BOVIDIENNE (4000 à 2000 avant J.-C.).<br />
Cette période est, d’un point de vue artistique,<br />
beauc<strong>ou</strong>p plus accessible que la précédente.<br />
L’art, dép<strong>ou</strong>rvu de t<strong>ou</strong>t symbolisme, est franchement<br />
naturaliste. Le thème favori en est le bœuf<br />
(bœuf africain et bœuf à cornes épaisses), que<br />
l’on retr<strong>ou</strong>ve pratiquement dans t<strong>ou</strong>tes les fresques.<br />
Les artistes se sont représentés dans de<br />
vastes tableaux où l’on voit d’importants tr<strong>ou</strong>peaux<br />
de bœufs, élément essentiel de leur économie. Ils<br />
connaissaient cependant la chèvre et le m<strong>ou</strong>ton,<br />
et avaient domestiqué le chien. L’existence même<br />
d’importants tr<strong>ou</strong>peaux de bovidés n<strong>ou</strong>s amène à<br />
conclure que la période bovidienne a connu, elle<br />
25
26<br />
aussi, un climat humide. Nos derniers d<strong>ou</strong>tes se<br />
dissiperont lorsque n<strong>ou</strong>s aurons signalé la présence,<br />
sur de nombreuses fresques, de pachydermes<br />
et de girafes. Les grands broyeurs de pierre qui<br />
ont été associés aux Bovidiens permettent de penser<br />
que ceux-ci connaissaient l’agriculture. Seule<br />
une production de céréales assez importante<br />
explique la construction de tels broyeurs, et la<br />
récolte de graminacées sauvages n’aurait pas<br />
justifié pareil équipement. La poterie était connue ;<br />
l’habitat était constitué de huttes de forme conique,<br />
faites de matières végétales ; des murettes<br />
de pierre formant enclos protégeaient les tr<strong>ou</strong>peaux<br />
des attaques des carnassiers. D’un point de<br />
vue purement technique, je signalerai que les artistes<br />
bovidiens gravaient préalablement leurs<br />
sujets (comme par exemple, à Altamira). Les peintures<br />
utilisées étaient des ocres vert, r<strong>ou</strong>ge, bleu,<br />
jaune. Je l’ai dit, l’art bovidien est essentiellement<br />
naturaliste. Le s<strong>ou</strong>ci du détail se retr<strong>ou</strong>ve dans<br />
t<strong>ou</strong>s les sujets abordés.<br />
Qui étaient ces Bovidiens ? Il est possible de se<br />
faire une idée plus <strong>ou</strong> moins précise à propos de<br />
leur race par le simple examen des peintures. A<br />
côté de représentants de type négroïde, on remarque<br />
un certain nombre de personnages nettement<br />
europoïdes. Ainsi, la fresque représentée ici, qui<br />
daterait de cette période bovidienne, représente<br />
une jeune femme — baptisée « Antinéa » par Lhote<br />
— au profil européen. Il s’agit de quelque reine<br />
<strong>ou</strong>, p<strong>ou</strong>r le moins, d’un personnage de haut rang,<br />
ainsi que le pr<strong>ou</strong>vent la coiffure compliquée, qui<br />
s’apparente au pschent des Egyptiens, et l’attitude<br />
majestueuse, presque hiératique. Les deux types<br />
sont suffisamment répandus p<strong>ou</strong>r conclure que les<br />
Bovidiens constituaient un mélange de races. D’où<br />
venaient-ils ? Lhote pense p<strong>ou</strong>r sa part à une origine<br />
est-africaine, peut-être nilotique. On a ainsi<br />
pu dénombrer six représentations de barques typiquement<br />
égyptiennes, ce qui est peu, vu le grand<br />
nombre de peintures datées de cette époque.<br />
N<strong>ou</strong>s penserions plus volontiers à un contact local<br />
et temporaire entre les Tassiliens et les habitants<br />
du Haut-Nil... question d’opinion. II y a certainement<br />
là matière à réflexion, la présence d’Europoïdes<br />
au sein des communautés de pasteurs pose<br />
un problème qui n’a pas encore tr<strong>ou</strong>vé de solution<br />
satisfaisante (le terme « solution » en langage<br />
archéologique étant la traduction d’« hypothèse »<br />
dans le langage c<strong>ou</strong>rant). N<strong>ou</strong>s ne n<strong>ou</strong>s étonnons<br />
cependant plus <strong>ou</strong>tre mesure : le voyage d’Europe<br />
jusqu’au Sahara fait figure de promenade estivale,<br />
si on le compare aux milliers de kilomètres parc<strong>ou</strong>rus<br />
dans certains cas. C’est ainsi que, par<br />
exemple, n<strong>ou</strong>s avons cru p<strong>ou</strong>voir mettre en évidence<br />
une ressemblance tr<strong>ou</strong>blante entre les<br />
peintures du Brandberg et la culture capsienne<br />
(voir KADATH n° 10). P<strong>ou</strong>r ce qui est du Tassili<br />
cependant, n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>rrons établir de parallèle<br />
avec aucune culture européenne.<br />
Ci-contre : « Antinéa ». Ci-dess<strong>ou</strong>s : scène d’offrande<br />
à Jabbaren, d’influence égyptienne.
N<strong>ou</strong>s ne quitterons pas le domaine du mystère<br />
sans parler d’un sujet qui, à notre corps défendant,<br />
semble devoir revenir périodiquement dans<br />
nos études sur l’art préhistorique. N<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>lons<br />
parler du mythe (bien qu’on ne puisse plus, vraiment,<br />
parler d’un mythe) des Amazones. C’est<br />
que, en effet, on retr<strong>ou</strong>ve à Sefar, site tassilien,<br />
une scène guerrière représentant des femmes<br />
armées d’arcs et visiblement amputées d’un sein.<br />
On p<strong>ou</strong>rrait dès lors imaginer — avec t<strong>ou</strong>tes les<br />
réserves d’usage — que, à un moment donné de<br />
son histoire, le Tassili aurait connu une civilisation<br />
où la femme (européenne, si on considère l’Antinéa<br />
dont n<strong>ou</strong>s avons parlé plus haut comme un<br />
personnage de haut rang) aurait assumé les fonctions<br />
nobles du commandement et, corollairement,<br />
de la guerre. Personne n’avait encore osé formuler<br />
cette idée ; voilà qui est fait à titre d’hypothèse<br />
que je ne qualifierai pas encore de travail, les éléments<br />
de base d’une théorie plus vaste n’étant<br />
pas réunis à l’heure actuelle.<br />
PERIODES <strong>DU</strong> CHEVAL ET <strong>DU</strong> CHAMEAU.<br />
Fidèle à mon avertissement initial, je ne parlerai<br />
que peu de la période du cheval et encore moins<br />
de celle du chameau. Cette dernière en effet se<br />
situe aux débuts de l’époque historique, et n’est<br />
guère intéressante par rapport à ce qui précède.<br />
En ce qui concerne la période du cheval, on notera<br />
l’existence de nombreuses représentations de<br />
chars de guerre tirés par des chevaux. On peut<br />
croire à ce propos que le peuple qui envahit le<br />
Tassili au c<strong>ou</strong>rs du deuxième millénaire avant<br />
J.-C. est celui qui, venu du nord de l’Europe, avait<br />
été baptisé par les Egyptiens « le peuple de la<br />
mer ». N<strong>ou</strong>s remarquerons p<strong>ou</strong>r en terminer qu’un<br />
style de peinture bien particulier de la fin de cette<br />
période est celui des « hommes bitriangulaires » :<br />
les corps sont faits de deux triangles joints par<br />
leur sommet, les membres sont c<strong>ou</strong>rts et fins, la<br />
tête est représentée par un trait vertical ; les personnages<br />
ont à la main ce qui ressemble à une<br />
lance ; au bras est suspendue une sorte de panier<br />
rectangulaire.<br />
Conclusions et réflexions.<br />
Je terminerai ce c<strong>ou</strong>rt exposé de mise au point par<br />
un résumé des principales caractéristiques de l’art<br />
tassilien, ainsi que par des réflexions d’ordre général,<br />
relatives aux différentes façons d’interpréter<br />
l’art préhistorique. En ce qui concerne le Tassili<br />
proprement dit, rappelons qu’il s’agit d’un art rupestre<br />
essentiellement néolithique, bien que, dans<br />
sa phase la plus ancienne, c’est-à-dire la période<br />
primitive du bubale, on puisse peut-être parler<br />
d’épipaléolithique. Le style est original par rapport<br />
à l’art franco-cantabrique. Notons cependant que<br />
l’on tr<strong>ou</strong>ve un art similaire — et non identique —<br />
dans d’autres régions d’Afrique du Nord ; citons,<br />
par exemple, le Hoggar et le Fezzan. II serait<br />
d’ailleurs surprenant que ce style particulier ne se<br />
retr<strong>ou</strong>ve qu’au seul massif du Tassili, bien que<br />
n<strong>ou</strong>s tr<strong>ou</strong>vions ailleurs des exemples de localisations<br />
culturelles bien marquées. On peut, grosso<br />
modo, mettre en évidence quatre grandes périodes,<br />
caractérisées par des styles bien particuliers.<br />
Notons cependant que la classification qui<br />
en résulte est parfois sujette à caution. Chronologiquement,<br />
cette classification se présente comme<br />
suit : période du bubale (dans laquelle on<br />
inclut le style des Têtes Rondes) — période bovidienne<br />
— période du cheval — période du chameau.<br />
Notons qu’il existe des styles intermédiaires<br />
que n<strong>ou</strong>s avons évité de mentionner dans le<br />
corps de l’article, p<strong>ou</strong>r des raisons de clarté.<br />
C’est ainsi que l’on p<strong>ou</strong>rra parler, à propos de<br />
l’« Antinéa » décrite plus haut, de style prébovidien<br />
plutôt que bovidien, en ce sens que cette<br />
peinture se situe probablement au début de la<br />
période des pasteurs. II s’agit plus, à notre avis,<br />
d’un problème de terminologie que d’une question<br />
fondamentale. Les deux périodes qui doivent<br />
retenir particulièrement notre attention sont celles<br />
des Têtes Rondes d’une part, des Bovidiens<br />
d’autre part. P<strong>ou</strong>r des raisons d’agencement du<br />
texte, c’est par ces derniers que je commencerai.<br />
N<strong>ou</strong>s savons qu’il s’agissait de pasteurs. Ils possédaient<br />
de grands tr<strong>ou</strong>peaux de bœufs, et pratiquaient<br />
sans d<strong>ou</strong>te l’agriculture, bien que les analyses<br />
palynologiques ne semblent pas confirmer<br />
cette hypothèse. Le point d’interrogation se situe<br />
ici au niveau de la race. En effet, à côté d’un type<br />
négroïde somme t<strong>ou</strong>te bien normal, on tr<strong>ou</strong>ve un<br />
certain nombre de peintures représentant des<br />
personnages de type europoïde. Ce fait vient<br />
confirmer ce que de précédentes études n<strong>ou</strong>s<br />
laissaient entrevoir, c’est-à-dire l’existence de rapports<br />
étroits et suivis entre des populations fort<br />
éloignées les unes des autres. La déc<strong>ou</strong>verte des<br />
Amazones armées d’arcs sont à rapprocher des<br />
fresques du Brandberg, et sont à intégrer dans<br />
notre hypothèse — encore à l’état d’ébauche —<br />
relative à l’existence de sociétés de type matriarcal.<br />
Probablement d’origine négroïde (bien que n<strong>ou</strong>s<br />
ne puissions l’affirmer à partir du moment où n<strong>ou</strong>s<br />
établissons une distinction franche entre le style<br />
« martien » et ce qui le précède et le suit), les<br />
Têtes Rondes sont remarquables par leurs représentations<br />
de personnages qui semblent vêtus de<br />
scaphandres. Je n’ai pas rejeté, a priori, l’idée<br />
qu’il puisse s’agir d’extraterrestres, partant du<br />
principe qu’une hypothèse ne peut être écartée<br />
p<strong>ou</strong>r la seule raison qu’elle paraît l<strong>ou</strong>foque, <strong>ou</strong><br />
t<strong>ou</strong>t simplement très osée. J’ai cependant insisté<br />
sur le fait qu’il y avait certainement évolution au<br />
sein même du style martien ; je penserais p<strong>ou</strong>r<br />
ma part à un art symboliste, dont la clé n<strong>ou</strong>s<br />
échappe complètement. N<strong>ou</strong>s déb<strong>ou</strong>chons ici sur<br />
27
28<br />
un problème plus général, qui est celui du raisonnement<br />
du préhistorien face au matériel mis à sa<br />
disposition, et plus particulièrement des interprétations<br />
des peintures préhistoriques.<br />
Parlons t<strong>ou</strong>t d’abord de l’archéologue<br />
« classique », et <strong>ou</strong>vrons une parenthèse p<strong>ou</strong>r<br />
s<strong>ou</strong>ligner encore une fois notre aversion p<strong>ou</strong>r ce<br />
qualificatif de « classique » qui ne signifie, en fin<br />
de compte, absolument rien. II serait plus juste de<br />
parler d’archéologues professionnels, en ce sens<br />
que ces chercheurs vivent de leur travail. II est<br />
vital p<strong>ou</strong>r eux de se conformer aux théories précédemment<br />
formulées par quelques maîtres, desquels<br />
dépendent s<strong>ou</strong>vent leurs promotions, et<br />
même leur pain quotidien. II est bien connu que<br />
certains archéologues de grande envergure ont tu<br />
des déc<strong>ou</strong>vertes trop compromettantes. Dès lors,<br />
prisonnier d’un système rigide à l’extrême, l’archéologue<br />
professionnel est contraint de baser<br />
t<strong>ou</strong>tes ses théories, t<strong>ou</strong>tes ses interprétations sur<br />
de véritables postulats qu’il serait désastreux de<br />
contester. J’aj<strong>ou</strong>terai qu’il existe heureusement<br />
des exceptions, mais elles ne sont que trop rares.<br />
Le préhistorien professionnel chargé d’examiner<br />
une fresque partira de l’hypothèse de l’homme<br />
préhistorique primitif, et ses interprétations ne<br />
p<strong>ou</strong>rront sortir du cadre des préoccupations magiques<br />
et sexuelles. C’est ramener les civilisations<br />
préhistoriques à l’élémentaire. Assez paradoxalement,<br />
le processus de réflexion des<br />
« archéomanes » est le même que celui des archéologues<br />
professionnels. Simplement, la théorie<br />
de départ diffère, qui postule la visite, aux temps<br />
préhistoriques, d’êtres venus du cosmos. Par<br />
conséquent, t<strong>ou</strong>te fresque qui échappe à notre<br />
entendement direct est à mettre en relation avec<br />
les extraterrestres. Symboles de magie élémentaire<br />
<strong>ou</strong> représentations de Vénusiens : on v<strong>ou</strong>s laisse<br />
un choix bien limité ! Je serais, quant à moi,<br />
assez partisan de la théorie d’un symbolisme très<br />
élaboré, dans lequel cependant les concepts de<br />
départ, ainsi que les processus de pensée des<br />
hommes de la préhistoire seraient radicalement<br />
différents des nôtres. L’hermétisme de nombreuses<br />
fresques, notre incapacité de compréhension<br />
s’expliqueraient alors parfaitement. Autant dire<br />
que l’étude de la partie symbolique de l’art préhistorique<br />
devient, si l’on accepte cette proposition,<br />
stérile et inutile, puisque les concepts fondamentaux<br />
n<strong>ou</strong>s sont définitivement inaccessibles. Vision<br />
pessimiste des choses, soit. Il ne s’agit cependant<br />
que d’une théorie, et non — c’est ce qui<br />
fait t<strong>ou</strong>te la différence — d’un postulat ! N<strong>ou</strong>s<br />
continuerons donc, comme auparavant, à examiner<br />
d’un œil aussi neuf que possible les nombreuses<br />
œuvres préhistoriques qui ont été déc<strong>ou</strong>vertes<br />
aux quatre coins de notre planète.<br />
JACQUES GOSSART<br />
Mais que faire de ces irréductibles-ci ? Sur une<br />
fresque d’A<strong>ou</strong>anrhet : la nageuse aux seins sur le<br />
dos (sic), et l’homme sortant d’un escargot (resic)<br />
OFFRE<br />
KADATH<br />
L’article de Pierre Vial sur les solstices, est<br />
extrait d’un <strong>ou</strong>vrage écrit en collaboration avec<br />
Jean Mabire, et paru aux Editions du GRECE.<br />
« Les solstices. Histoire et actualité ».<br />
Légendes, tradition, folklore, origines.<br />
204 pages, avec de nombreuses illustrations.<br />
Le livre peut être obtenu auprès de Prim’édit,<br />
p<strong>ou</strong>r la somme de 245 FB, t<strong>ou</strong>s frais d’envoi<br />
compris.
Mysterieuse celtie<br />
HISTOIRE ET ACTUALITE<br />
DES SOLSTICES<br />
Pierre Vial<br />
Dans le cadre de cette rubrique, n<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s efforcions de présenter quelques sites mégalithiques remarquables<br />
de par leurs caractéristiques à chaque fois différentes. Mais n<strong>ou</strong>s sommes bien conscients de ce<br />
que les pierres ne peuvent guère f<strong>ou</strong>rnir que ce qu’elles représentent dans l’espace : une structure, une<br />
orientation, quelques gravures. Aussi le complément indispensable se tr<strong>ou</strong>ve-t-il dans les légendes et traditions.<br />
Malheureusement, l’homme des mégalithes ne n<strong>ou</strong>s a rien transmis de tel directement, simplement<br />
en a-t-il imprégné les peuples qui lui ont succédé, les Celtes en l’occurrence. Mais ceux-ci étant arrivés<br />
chez n<strong>ou</strong>s munis de leur propre folklore, les étudier n<strong>ou</strong>s apprendra beauc<strong>ou</strong>p sur les Celtes, mais sur<br />
ceux qui les précédaient ? II faut donc s’armer de patience, scruter les traditions à la recherche d’éléments<br />
minimes qui sont, sans d<strong>ou</strong>te, les véritables vestiges de civilisations antérieures disparues. C’est ce que<br />
n<strong>ou</strong>s avons fait avec la légende de saint Cornély à Carnac, c’est ce que n<strong>ou</strong>s avons tenté avec les chevaux<br />
blancs. En se gardant bien de ne pas tomber dans le travers néo-celtisant qui leur attribue t<strong>ou</strong>t ce<br />
qu’on ne comprend pas. Simplement à la recherche d’un portrait-robot des Pré-Celtes, de ceux qui étaient<br />
là bien avant. C’est dans cette optique que n<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s intéressons ici au culte solaire.<br />
« L’histoire du monde<br />
n’est que l’histoire du soleil ».<br />
Ernest Renan.<br />
Partis d’Europe du Nord, les peuples indoeuropéens<br />
qui sont à l’origine de notre civilisation<br />
portaient en eux une conception du monde spécifique<br />
qui se retr<strong>ou</strong>ve dans chacune des composantes<br />
de la civilisation européenne antique : de<br />
l’Empire celte à la Grèce, du Latium à la Perse,<br />
de la Germanie à la terre des Aryens. Cette<br />
conception du monde s’exprime à travers des<br />
symboles. Beauc<strong>ou</strong>p ont une signification solaire.<br />
P<strong>ou</strong>r les Indo-Européens, le soleil est la s<strong>ou</strong>rce<br />
de la lumière, de la chaleur et de la vie. Les textes<br />
aryens font du soleil l’origine de t<strong>ou</strong>t ce qui<br />
existe, le principe et la fin de t<strong>ou</strong>te manifestation :<br />
il est appelé « le n<strong>ou</strong>rrisseur » (Savitri). L’alternance<br />
vie-mort-renaissance est symbolisée par le<br />
cycle solaire : j<strong>ou</strong>rnalier (très fréquemment évoqué<br />
dans les textes védiques) et annuel. Le soleil<br />
est un aspect de l’Arbre du monde — de l’Arbre<br />
de vie — qui s’identifie lui-même au rayon solaire<br />
(les rayons solaires faisant la liaison entre ces<br />
deux aspects d’une même réalité que sont le ciel<br />
et la terre). Le soleil est lumière de connaissance<br />
et foyer d’énergie. Le nom d’Héliopolis (<strong>ou</strong> cité du<br />
soleil) est donné dans des récits mythiques, aux<br />
centres de tradition spirituelle. C’est le siège du<br />
législateur des Aryens, Manu.<br />
Issu du monde hyperboréen, Apollon est p<strong>ou</strong>r les<br />
Grecs le dieu solaire par excellence, le dieu initiateur<br />
dont la flèche ressemble à un rayon de soleil,<br />
en harmonie avec la blondeur de sa chevelure, la<br />
lyre dorée au son de laquelle il charme l’Olympe et<br />
l’or de son char qui parc<strong>ou</strong>rt le ciel tiré par trois chevaux<br />
blancs. Principe actif, alors que la lune, qui<br />
reflète sa lumière est principe passif, le soleil<br />
devient chez les Celtes le dieu Lug (le lumineux).<br />
Il faut d’ailleurs remarquer que la racine désignant<br />
le mot « dieu » est pratiquement la même<br />
chez t<strong>ou</strong>s les Indo-Européens : les Italo-Celtiques<br />
(deus), les Hellènes (theos), les Aryens (deiwos),<br />
le terme ayant t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs un d<strong>ou</strong>ble sens originel<br />
d’être solaire et lumineux. La même racine se<br />
retr<strong>ou</strong>ve particulièrement dans les noms de dieux<br />
personnifiant le ciel-père : latin Jupiter (deuspater),<br />
grec Zeus-pater, védique dyauh-Pitâ.<br />
Dans les textes irlandais et gallois, où il est utilisé<br />
p<strong>ou</strong>r des comparaisons et des métaphores, le<br />
soleil sert à caractériser, non seulement le brillant<br />
<strong>ou</strong> le lumineux, mais t<strong>ou</strong>t ce qui est beau,<br />
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aimable, splendide. Les textes gallois désignent<br />
s<strong>ou</strong>vent le soleil par la métaphore « œil du j<strong>ou</strong>r »<br />
et le nom de œil en irlandais (sul) qui est l’équivalent<br />
du nom brittonique du soleil, s<strong>ou</strong>ligne le symbolisme<br />
solaire de œil . Les Védas parlent aussi<br />
du soleil comme « œil du monde » <strong>ou</strong> « le cœur<br />
du monde ». Comme tel, il est parfois figuré au<br />
centre de la r<strong>ou</strong>e du Zodiaque.<br />
Symboles solaires<br />
et conception du monde.<br />
La r<strong>ou</strong>e est symbole du soleil rayonnant. Se rapportant<br />
au monde du devenir, de la création continue,<br />
elle symbolise les cycles, les recommencements,<br />
les ren<strong>ou</strong>vellements. Dans les traditions<br />
européennes, la r<strong>ou</strong>e est fréquemment utilisée<br />
p<strong>ou</strong>r célébrer les grandes fêtes solaires : r<strong>ou</strong>es<br />
embrasées dévalant les hauteurs au solstice d’été,<br />
processions lumineuses se dér<strong>ou</strong>lant sur les montagnes<br />
au solstice d’hiver, r<strong>ou</strong>es portées sur les<br />
chars des cortèges de fête, r<strong>ou</strong>es sculptées sur<br />
les portes des maisons familiales ... Dans les textes<br />
védiques la r<strong>ou</strong>e a une signification cosmique :<br />
sa rotation permanente symbolise le ren<strong>ou</strong>vellement<br />
; d’elle naissent l’espace et t<strong>ou</strong>tes les divisions<br />
du temps. Comme le montre l’iconographie,<br />
la r<strong>ou</strong>e a s<strong>ou</strong>vent d<strong>ou</strong>ze rayons, nombre du cycle<br />
solaire ; lorsqu’elle a quatre rayons, elle représente<br />
l’expansion selon les quatre directions de l’espace,<br />
mais aussi le rythme quaternaire des saisons.<br />
« Un c<strong>ou</strong>rsier unique au septuple nom meut<br />
la r<strong>ou</strong>e au triple moyeu, la r<strong>ou</strong>e immortelle que<br />
rien n’arrête, sur laquelle reposent t<strong>ou</strong>s les<br />
êtres », disent les Védas.<br />
A l’autre extrémité du monde indo-européen, chez<br />
les Celtes, la r<strong>ou</strong>e est part<strong>ou</strong>t présente. Elle est<br />
plus s<strong>ou</strong>vent figurée, dans les sculptures galloromaines,<br />
en compagnie du Jupiter celtique, communément<br />
appelé dieu à la r<strong>ou</strong>e <strong>ou</strong> Taranis, <strong>ou</strong><br />
encore du cavalier au géant anguipède. Les<br />
témoignages en sont innombrables et attestent<br />
une extension au niveau populaire : terres cuites,<br />
bronzes. La r<strong>ou</strong>e est aussi et surt<strong>ou</strong>t une représentation<br />
du monde : « Si l’on se reporte à la comparaison<br />
irlandaise de la r<strong>ou</strong>e cosmique du druide<br />
mythique Mag Ruith (« serviteur de la r<strong>ou</strong>e », dont<br />
la r<strong>ou</strong>e est en bois d’if), le dieu à la r<strong>ou</strong>e celtique<br />
est le moteur immobile, au centre du m<strong>ou</strong>vement,<br />
dont il est l’axe. Une plaque du chaudron de Gundestrup<br />
représente un homme t<strong>ou</strong>rnant la r<strong>ou</strong>e<br />
cosmique, tandis que le dieu est représenté en<br />
buste, les bras levés. La r<strong>ou</strong>e est symbole du<br />
changement et du ret<strong>ou</strong>r des formes de l’existence.<br />
Une épée de Hallstatt représente deux jeunes<br />
gens (analogues des Dioscures ?) faisant t<strong>ou</strong>rner<br />
la r<strong>ou</strong>e et qui doivent symboliser la succession du<br />
j<strong>ou</strong>r et de la nuit. Une déesse galloise citée dans<br />
le Mabinogui de Math, fils de Mathonwy, a p<strong>ou</strong>r<br />
nom Arianrhod, « r<strong>ou</strong>e d’argent ».<br />
L’un de ses fils, Llew, porte un nom qui correspond<br />
à celui de l’Irlandais Lug. Parmi les jeunes<br />
guerriers de Cuchulainn figure celui de la r<strong>ou</strong>e : le<br />
jeune héros se contorsionne de manière à former<br />
de son corps une r<strong>ou</strong>e animée d’une grande vitesse.<br />
On peut noter que le thème roto, « r<strong>ou</strong>e », est<br />
largement représenté en toponymie gauloise,<br />
l’exemple le plus connu étant Rotomagus (R<strong>ou</strong>en).<br />
R<strong>ou</strong>es solaires, svastikas, spirales, triskèles représentent<br />
depuis la plus haute Antiquité la force<br />
créatrice, l’énergie vitale du soleil. Le christianisme<br />
a repris à son compte, en le dét<strong>ou</strong>rnant à son<br />
profit ce symbolisme : le chrisme monogramme du<br />
Christ, de même que les rosaces des cathédrales<br />
gothiques, le nimbe ent<strong>ou</strong>rant la tête des saints <strong>ou</strong><br />
la croix elle-même, surt<strong>ou</strong>t s<strong>ou</strong>s sa forme grecque<br />
sont autant d’images solaires.<br />
Le soleil et le feu chez nos ancêtres.<br />
On comprend p<strong>ou</strong>rquoi les Indo-Européens, attentifs<br />
à la c<strong>ou</strong>rse du soleil dans le ciel, célébraient<br />
avec ferveur le solstice d’hiver et avec magnificence<br />
le solstice d’été. Les solstices demeurent, en<br />
effet, deux moments privilégiés dans le dér<strong>ou</strong>lement<br />
du cycle annuel. Au fil des mois, la lente et<br />
profonde respiration de la nature unit la terre et le<br />
ciel dans un même devenir. T<strong>ou</strong>t au long de l’été<br />
et de l’automne, les j<strong>ou</strong>rs racc<strong>ou</strong>rcissent progressivement,<br />
le soleil reste présent de moins en<br />
moins longtemps p<strong>ou</strong>r éclairer les activités des<br />
hommes. II semble qu’il marche vers sa mort. Or,<br />
chacun le sait, la disparition du soleil serait la fin<br />
de t<strong>ou</strong>te vie.<br />
Au solstice d’hiver, dans la nuit la plus longue de<br />
l’année, les hommes entament une longue veille<br />
où, on entretenant la flamme dans le foyer familial,<br />
ils marquent leur confiance en le ret<strong>ou</strong>r du soleil,<br />
leur confiance en la pérennité de la vie. Avec<br />
recueillement. Et le soleil ne trompe pas leur<br />
espoir : il reprend son élan dans le ciel d’hiver<br />
avant de monter j<strong>ou</strong>r après j<strong>ou</strong>r, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs plus<br />
haut, dans le ciel du printemps. Lorsqu’arrive l’été,<br />
le solstice est le triomphe de la lumière et de la<br />
chaleur. Les hommes célèbrent la puissance du<br />
soleil dans la joie. Les peuples indo-européens<br />
illustraient leur foi dans le soleil et leur vénération<br />
du feu — image du soleil que le génie de l’homme<br />
était capable de créer — par des mythes exemplaires.<br />
Tels celui de Balder chez les Nordiques et<br />
celui de Prométhée chez les Grecs.<br />
Dans l’Antiquité, les peuples indo-européens célébraient<br />
les solstices par de grandes fêtes dont<br />
l’élément central, symbolique, était t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs le feu.<br />
Feu dans l’âtre au solstice d’hiver, avec les bûches<br />
de Jul regr<strong>ou</strong>pant aut<strong>ou</strong>r d’elles le clan familial.<br />
Grand bûcher dressé dans la c<strong>ou</strong>r de la ferme,<br />
sur la place du village, dans les clairières <strong>ou</strong> au<br />
sommet des collines p<strong>ou</strong>r le solstice d’été. R<strong>ou</strong>es
enflammées dévalant les pentes, torches portées<br />
à b<strong>ou</strong>t de bras, b<strong>ou</strong>gies fixées sur les chandeliers<br />
de Jul : la flamme était t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs l’expression la<br />
plus visible de la célébration solsticiale. Les feux<br />
étaient destinés à protéger la vie des hommes, du<br />
bétail et des cultures contre les puissances néfastes,<br />
à honorer les ancêtres, à fêter les enfants et à<br />
favoriser par la naissance de n<strong>ou</strong>veaux descendants<br />
la vie de la lignée. Assurer la permanence,<br />
la continuité du feu, au sein de la famille, du clan,<br />
de la cité : c’est un s<strong>ou</strong>ci commun à t<strong>ou</strong>s les peuples<br />
indo-européens.<br />
P<strong>ou</strong>r les Aryens, le principe même de la vie est<br />
Agni, le feu divinisé. Ce feu divin est à l’origine de<br />
t<strong>ou</strong>tes choses : le sang, dans son acception la<br />
plus large, provient de lui. Ce principe initial, origine<br />
de t<strong>ou</strong>te vie, est aussi l’âme des ancêtres<br />
transmise de descendant en descendant, jusqu’à<br />
n<strong>ou</strong>s. Par le feu est célébré le dieu-sang qui est la<br />
chaîne unissant ancêtres, membres de la famille<br />
présente et descendants à venir. Dans l’aire de<br />
l’expansion celtique, de nombreux monuments<br />
mégalithiques sont liés au culte solsticial, les Celtes<br />
ayant repris à leur compte et adapté à leurs<br />
croyances des sites utilisés antérieurement à leur<br />
arrivée. En Angleterre, chez les Celtes insulaires<br />
et chez les peuples autochtones qui les ont précédés,<br />
les sanctuaires solaires de Stonehenge,<br />
d’Avebury, de West Kennet Long Barrow, Silbury<br />
Char solaire de Trundholm au Danemark.<br />
Hill, Windmill Hill, attestent l’importance du solstice.<br />
P<strong>ou</strong>r les Germains, le feu brûlant éternellement<br />
au foyer symbolise la continuité dans le sang<br />
de la famille <strong>ou</strong> de la tribu du sang hérité d’un lointain<br />
ancêtre divin. La famille existe par cette continuité<br />
du sang, du soleil et du feu. Maison, feu du<br />
foyer, sang, famille ne font qu’un.<br />
La christianisation des solstices.<br />
Dans son dictionnaire d’archéologie chrétienne,<br />
Dom Leclercq écrit : « Le Christ étant considéré<br />
comme le vrai dieu de la lumière et le créateur du<br />
soleil, dans lequel il a établi sa demeure, on voit<br />
dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, le<br />
dieu Sol devenir le Christ. » Ainsi le j<strong>ou</strong>r de la<br />
naissance de Mithra fut-il célébré comme celui de<br />
la naissance de Jésus. Justin rapporte que « les<br />
chrétiens s’assemblent le j<strong>ou</strong>r du Soleil » p<strong>ou</strong>r dire<br />
des prières et distribuer du pain et de l’eau aux<br />
assistants. Et Victor Duruy signale que<br />
« Constantin composa, p<strong>ou</strong>r être récitée le dimanche<br />
par les légions, une prière qui p<strong>ou</strong>vait satisfaire<br />
à la fois les adorateurs de Mithra, de Sérapis,<br />
du Soleil et du Christ. » Cette assimilation est très<br />
caractéristique de la technique employée par le<br />
christianisme p<strong>ou</strong>r implanter son influence, puis<br />
imposer son monopole dans l’esprit des peuples<br />
européens.<br />
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32<br />
Au sein du monde romain, l’installation massive<br />
d’Orientaux, esclaves et marchands, dans la partie<br />
occidentale de l’Empire alla de pair avec la diffusion<br />
des religions orientales. Parmi elles, celle qui<br />
montra le plus d’efficacité dans sa propagande et<br />
son organisation fut la religion chrétienne. S’appuyant<br />
sur des éléments marginaux de la société<br />
séduite par son caractère à la fois utopique et<br />
subversif, mais développant parallèlement une<br />
politique d’implantation systématique dans les<br />
milieux influents, en particulier à la c<strong>ou</strong>r impériale,<br />
le christianisme se révéla, dans la confusion des<br />
guerres civiles opposant entre eux plusieurs candidats<br />
au p<strong>ou</strong>voir, un facteur politique de poids. Au<br />
début du IVème siècle, Constantin j<strong>ou</strong>a la carte<br />
chrétienne p<strong>ou</strong>r s’imposer à ses rivaux. A partir de<br />
son règne, et sauf à de rares intervalles (règne de<br />
Julien), le christianisme reçut l’appui du p<strong>ou</strong>voir<br />
romain. En échange du s<strong>ou</strong>tien politique de l’Eglise,<br />
l’empereur aida celle-ci à supplanter puis à<br />
éliminer les religions orientales rivales, mais aussi<br />
et surt<strong>ou</strong>t le paganisme.<br />
La persistance des traditions païennes s’avéra<br />
cependant très tenace, en particulier dans les<br />
campagnes (le mot paganisme vient d’ailleurs du<br />
latin « paganus » paysan, celui qui habite le<br />
« pagus », le pays). L’Eglise déclencha contre le<br />
paganisme une d<strong>ou</strong>ble attaque. Une attaque<br />
directe : au IVème siècle, les édits impériaux se<br />
succèdent p<strong>ou</strong>r interdire les traditions païennes, le<br />
c<strong>ou</strong>ronnement en étant l’édit de Théodose de 392<br />
qui met le paganisme totalement hors-la-loi. Une<br />
attaque indirecte : il s’agit de récupérer les traditions<br />
païennes qui s’avèrent indéracinables, en les<br />
intégrant au christianisme, en leur donnant une<br />
signification n<strong>ou</strong>velle, à l’opposé de leur signification<br />
originelle. Dans le cadre de cette récupération,<br />
les fêtes de solstices d’hiver et d’été furent<br />
intégrées au calendrier chrétien, dans le cycle<br />
annuel qui devait désormais rythmer la vie des<br />
hommes d’Europe s<strong>ou</strong>s la férule de l’Eglise. Le<br />
solstice d’hiver devint Noël et le solstice d’été, la<br />
Saint-Jean.<br />
La décision de fixer la naissance du Christ au<br />
25 décembre fut l’objet de vives controverses au<br />
sein de l’Eglise. L’abbé Duchesne reconnaît,<br />
dans « Les origines du culte chrétien », qu’il n’y a<br />
aucune tradition sur le j<strong>ou</strong>r de la naissance du<br />
Christ. L’année même est incertaine (...). Quant<br />
au mois et au j<strong>ou</strong>r, ils étaient absolument inconnus<br />
(...). Le livre intitulé « De Pascha computus<br />
», publié en 243, soit en Afrique, soit en Italie,<br />
dit que Notre-Seigneur était né le 28 mars. « Ces<br />
faits supposent que, vers le milieu du IIème siècle,<br />
la fête de Noël était encore inconnue en Occident.<br />
Sa plus ancienne attestation est le calendrier<br />
philocalien, dressé à Rome en 336. Ce fut<br />
d’abord une fête propre à l’Eglise latine. Saint<br />
Jean Chrysostome atteste, dans une homélie<br />
prononcée en 386, qu’elle n’avait été introduite à<br />
Antioche que depuis dix ans environ, soit vers<br />
375. Au temps où il parlait, la fête n’était pas encore<br />
observée ni à Jérusalem, ni à Alexandrie.<br />
Dans cette dernière métropole, elle fut adoptée<br />
vers 430. Les Arméniens, après l’avoir admise, la<br />
répudièrent quand ils se séparèrent de la communion<br />
catholique. Ces Eglises avaient cependant<br />
une fête de même sens <strong>ou</strong> de sens analogue<br />
à celui de la fête latine du 25 décembre ;<br />
c’est ce qu’elles appelaient la fête «des apparitions»,<br />
l’Epiphanie, qu’elles célébraient le 6 janvier.<br />
Le plus lointain indice qui se rapporte à cette<br />
fête n<strong>ou</strong>s est f<strong>ou</strong>rni par Clément d’Alexandrie. II<br />
raconte que les Basilidiens célébraient le j<strong>ou</strong>r du<br />
baptême du Christ par une fête précédée d’une<br />
vigile <strong>ou</strong> veillée, passée à entendre des lectures.<br />
Ils variaient cependant sur la date ; les uns célébraient<br />
la fête le 10 janvier, les autres le 6. On ne<br />
sait pas au juste à quel moment cet usage fut<br />
accepté par les Eglises orthodoxes d’Orient, mais<br />
il est sûr que, dans le c<strong>ou</strong>rant du IVème siècle la<br />
fête du 6 janvier y était universellement observée<br />
; on y célébrait une triple commémoration,<br />
celle de la naissance du Christ, celle de son adoration<br />
par les Mages, enfin celle de son baptême<br />
(...). A Rome et en Afrique, on ne connaissait pas<br />
plus la fête du 6 janvier que les Orientaux celle<br />
du 25 décembre (...). Vers la fin du IIIème siècle,<br />
l’usage s’étendit dans t<strong>ou</strong>te l’Eglise de célébrer<br />
l’anniversaire de la naissance du Christ ; mais on<br />
n’adopta pas part<strong>ou</strong>t le même j<strong>ou</strong>r. En Occident<br />
on choisit le 25 décembre, en Orient le 6 janvier.<br />
Les deux usages, d’abord distincts, finirent par se<br />
combiner, de sorte que les deux fêtes furent observées<br />
par t<strong>ou</strong>t le monde <strong>ou</strong> à peu près ».<br />
P<strong>ou</strong>rquoi l’Eglise de Rome choisit-elle la date du<br />
25 décembre ? L’abbé Duchesne, suivi par le<br />
« Dictionnaire de théologie catholique » explique<br />
que le 25 décembre a été choisi parce qu’il correspondait<br />
à la fête du Natalis Invicti : « L’Invictus<br />
(l’invaincu), » écrit-il, « est le soleil, dont la naissance<br />
coïncide avec le solstice d’hiver c’est-à-dire<br />
le 25 décembre, suivant le calendrier romain. »<br />
Faisant coïncider ses grandes fêtes avec celles du<br />
paganisme, le christianisme reprit aussi à celui-ci<br />
son symbolisme. Le symbolisme du feu, si important<br />
dans la tradition païenne, fut intégré dans la<br />
liturgie chrétienne.<br />
L’Eglise a étendu aux rites liturgiques du cycle de<br />
Pâques le symbolisme du feu : extinction des<br />
quinze cierges au c<strong>ou</strong>rs de l’office des Ténèbres,<br />
suppression de t<strong>ou</strong>te lumière pendant la semaine<br />
sainte, enfin l’allumage en-dehors du sanctuaire<br />
d’un n<strong>ou</strong>veau feu tiré d’une pierre et bénédiction<br />
de ce feu qui sert à allumer les cierges, en particulier<br />
le cierge pascal.
En reprenant à son compte les symboles du paganisme,<br />
l’Eglise j<strong>ou</strong>ait un « jeu » dangereux ; elle<br />
risquait en effet de les voir se perpétuer et conserver<br />
leur signification première. Il fallait donc, soit<br />
annihiler cette signification première en lui superposant<br />
une explication chrétienne, soit, si elle était<br />
trop tenace, en donner une explication « noircie ».<br />
Supprimer l’interprétation païenne des traditions<br />
de solstices impliquait une lutte globale contre les<br />
survivances du paganisme. Avec l’appui du p<strong>ou</strong>voir<br />
séculier, l’Eglise s’est attachée, pendant plusieurs<br />
siècles, à détruire ces survivances. Avec<br />
une insistance qui montre l’inefficacité de la répression,<br />
les conciles ordonnent de traquer le paganisme<br />
: les canons des conciles de Vannes en<br />
491, d’Orléans en 541, de T<strong>ou</strong>rs en 567, d’Auxerre<br />
en 605, de Clichy en 627, de Tolède en 693, de<br />
Leptines (Hainaut) en 743, de Mayence en 813,<br />
reprennent les mêmes interdictions en des termes<br />
le plus s<strong>ou</strong>vent identiques.<br />
Les feux de la Saint-Jean.<br />
Les solstices sont particulièrement visés, car ils<br />
semblent être restés très populaires. L’évêque<br />
d’Arles, Césaire, dans un sermon prononcé au<br />
début du VIème siècle, interdit aux Provençaux de<br />
« se baigner dans les fontaines, les marais et les<br />
rivières, la nuit de la Saint-Jean et à l’aube du j<strong>ou</strong>r<br />
suivant ». Car, affirme le prélat, « cette c<strong>ou</strong>tume<br />
néfaste relève du paganisme ». De même, au<br />
VIIème siècle, saint Eloi ordonne : « Que nul, à la<br />
fête de la Saint-Jean <strong>ou</strong> à certaines solennités des<br />
saints ne s’exerce à observer les solstices, les<br />
danses, les caroles et les chants diaboliques ».<br />
Les clercs ne purent par leurs malédictions déraciner<br />
les c<strong>ou</strong>tumes du solstice. Publié à Lyon en<br />
1544, le « Tractatus de superstitionibus » de Martin<br />
d’Arles, archidiacre de Pampelonne, décrit<br />
avec réprobation les feux du solstice d’été qui sont<br />
de c<strong>ou</strong>tume en Gascogne à cette époque. Le<br />
concile de Trente, face à la vague de la Réforme,<br />
recommande aux évêques de tenir compte des<br />
habitudes collectives locales, p<strong>ou</strong>r s’attacher sentimentalement<br />
les populations au catholicisme. Il<br />
faut, cependant, que le clergé local encadre avec<br />
soin une fête comme la Saint-Jean p<strong>ou</strong>r en éliminer<br />
t<strong>ou</strong>t esprit païen. Très instructives, à cet<br />
égard, sont les Constitutions rédigées par saint<br />
François de Sales, évêque de Genève au début<br />
du XVIIème siècle, et destinées à guider les curés<br />
savoyards dans leur action pastorale. Les exhortant<br />
à organiser et à mettre en valeur le feu de la<br />
Saint-Jean, en conduisant vers le bûcher la procession<br />
des autorités locales et de la population et<br />
en dirigeant personnellement le dér<strong>ou</strong>lement de la<br />
fête, l’auteur explique que c’est une action « que<br />
n<strong>ou</strong>s avons jugé d’autant plus nécessaire que<br />
n<strong>ou</strong>s n’avons pas tr<strong>ou</strong>vé un moyen plus propre ni<br />
plus d<strong>ou</strong>x p<strong>ou</strong>r en retrancher les danses et les<br />
immodesties qui ont fait dégénérer une réj<strong>ou</strong>issance<br />
si ancienne, si juste et si sainte, en une occasion<br />
de débauche et de péché ».<br />
Bossuet, évêque de Meaux, s’efforça, lui aussi, de<br />
canaliser les tendances populaires profondes par<br />
le moyen d’un Catéchisme. Celui-ci, rédigé s<strong>ou</strong>s<br />
forme « demande-réponse » est :<br />
D. — P<strong>ou</strong>rquoi l’Eglise témoigne-t-elle tant de joie<br />
à la naissance de saint Jean-Baptiste ?<br />
R. — Elle ne fait cela que p<strong>ou</strong>r perpétuer la joie<br />
que l’ange avait prédite.<br />
D. — Comment ?<br />
R. — L’ange Gabriel avait prédit à son père Zacharie<br />
qu’on se réj<strong>ou</strong>irait à sa naissance.<br />
D. — Est-ce p<strong>ou</strong>r cela qu’on allume des feux de<br />
joie ?<br />
R. — Oui, c’est p<strong>ou</strong>r cela.<br />
D. — L’Eglise prend-elle part à ces feux ?<br />
R. — Oui, puisque dans plusieurs diocèses, en<br />
particulier dans celui-ci, plusieurs paroisses font<br />
un feu que l’on appelle ecclésiastique.<br />
D. — Quelle raison a-t-on de faire ce feu de<br />
manière ecclésiastique ?<br />
R. — P<strong>ou</strong>r en bannir les superstitions que l’on<br />
pratique aux feux de Saint-Jean.<br />
D. — Quelles sont ces superstitions ?<br />
R. — Danser à l’ent<strong>ou</strong>r du feu, j<strong>ou</strong>er, faire des<br />
festins, chanter des chansons déshonnêtes, jeter<br />
des herbes par-dessus le feu, en cueillir avant<br />
midi <strong>ou</strong> à jeun, en porter sur soi, les conserver au<br />
long de l’année, garder des tisons <strong>ou</strong> des charbons<br />
du feu.<br />
Cette allusion au diable est très caractéristique.<br />
Depuis le Moyen Age, les traditions et symboles<br />
païens ont été catalogués automatiquement comme<br />
« démoniaques ». La description du monde de<br />
la sorcellerie apparaît s<strong>ou</strong>s la plume des clercs,<br />
chargée de symboles dont le sens a été « noirci ».<br />
Le diable lui-même est le « prince des ténèbres ».<br />
S’il est « porteur de lumière » (Lucifer) c’est d’une<br />
lumière infernale, celle des flammes où brûlent les<br />
damnés. Les feux auxquels il préside sont ceux<br />
du sabbat, s<strong>ou</strong>s la forme d’un grand b<strong>ou</strong>c puant,<br />
image « négative » du b<strong>ou</strong>c de Thor et du dieu<br />
Pan, <strong>ou</strong> d’un grand cerf, s<strong>ou</strong>venir du dieu celte<br />
Cernunnos. Le chaudron sacré des druides est<br />
devenu le chaudron des sorcières. II ne sert plus<br />
à fabriquer la boisson d’immortalité, mais des<br />
philtres de mort. Les sabbats se dér<strong>ou</strong>lent au<br />
cœur des forêts, lieu de prédilection de la<br />
spiritualité païenne, et la sorcière, v<strong>ou</strong>ée au<br />
diable, est ent<strong>ou</strong>rée d’animaux sataniques :<br />
les noirs corbeaux (compagnons d’Odin) et la<br />
ch<strong>ou</strong>ette (l’oiseau d’Athéna, oiseau de<br />
sagesse). Ainsi, la politique de l’Eglise à<br />
l’égard des traditions héritées du paganisme a<br />
t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs été ambivalente : répression et récupération.<br />
Mais ni l’une ni l’autre n’ont pu venir<br />
à b<strong>ou</strong>t des solstices. Il est des racines qu’il est<br />
difficile d’extirper.<br />
(reproduit avec l’autorisation de l’auteur)<br />
33
34<br />
reactivation<br />
archeologique<br />
COMMENT DE CHIFFRER<br />
L’ECRITURE MAYA<br />
Anton Vollemaere<br />
S<strong>ou</strong>rces des textes hiéroglyphiques.<br />
La grande majorité des textes hiéroglyphiques<br />
mayas se tr<strong>ou</strong>ve sur les monuments et bâtiments<br />
en pierre — stèles, autels, façades, etc. — et dans<br />
les manuscrits précolombiens (codices). Rien que<br />
p<strong>ou</strong>r les derniers n<strong>ou</strong>s avons déjà environ 10.000<br />
glyphes. Les 62 marches sculptées de l’escalier<br />
hiéroglyphique de Copan (Honduras) représentent,<br />
avec 1500 à 2000 glyphes individuels, la plus<br />
longue inscription maya. Quelques fresques abîmées<br />
ont été retr<strong>ou</strong>vées sur des parois, à Bonampak,<br />
Uaxactun, Chichén-Itza et Tulum. On tr<strong>ou</strong>ve<br />
aussi des inscriptions sur des objets en jadéite,<br />
métal, os et sur des coquillages travaillés et des<br />
poteries.<br />
Mais en comparant les centaines de textes hiéroglyphiques<br />
des monuments, fresques, poteries <strong>ou</strong><br />
manuscrits de la région maya du Mexique, Guatemala<br />
et Honduras, il saute aux yeux que malgré la<br />
parenté évidente de leurs écritures, la composition<br />
des glyphes est en général très différente<br />
d’un document à l’autre. Cela est probablement<br />
dû en premier lieu au fait que d’autres sujets sont<br />
traités. P<strong>ou</strong>rtant l’analyse comparative de centaines<br />
de documents m’a apporté la conviction qu’ils<br />
sont écrits avec la même écriture dite maya, mais<br />
très probablement en différentes langues mayas.<br />
En effet, la nature principalement phonétique de<br />
l’écriture permettait de noter au moins la vingtaine<br />
de langues mayas. Je présume qu’il est très probable<br />
que beauc<strong>ou</strong>p de documents sont écrits en<br />
différentes langues, mais avec la même écriture<br />
universelle. N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons comparer ce phénomène<br />
à celui de l’écriture latine qui, à l’époque<br />
déjà, était utilisée comme écriture universelle p<strong>ou</strong>r<br />
(1ère partie)<br />
Escalier sculpté de glyphes, déc<strong>ou</strong>vert par Pierre<br />
lvanoff dans la jungle du Petén (Yucatán).<br />
noter plusieurs langues européennes. P<strong>ou</strong>r cette<br />
raison. j’ai refusé de mélanger les documents de<br />
différentes natures — ce que beauc<strong>ou</strong>p de chercheurs<br />
ont fait — car les difficultés de déchiffrement<br />
seraient augmentées énormément et très<br />
s<strong>ou</strong>vent d’une façon insurmontable. La seule bonne<br />
solution p<strong>ou</strong>r le déchiffrement est de traiter<br />
t<strong>ou</strong>s les documents par genre de support (papier,<br />
pierre, poterie,...), par sujet (stèles, fresques, manuscrits,...),<br />
par site (Chichén-Itza, Uxmal, Tikal,<br />
Copan,...) et en petits gr<strong>ou</strong>pes sélectionnés et<br />
manifestement apparentés.
A mes yeux, le gr<strong>ou</strong>pe qui présente le plus d’intérêt<br />
p<strong>ou</strong>r procéder aux premiers essais de déchiffrement<br />
de l’écriture dite maya, est sans d<strong>ou</strong>te<br />
celui des trois manuscrits précolombiens que<br />
n<strong>ou</strong>s connaissons s<strong>ou</strong>s les noms de codex Dresdensis,<br />
Peresianus et Tro-Cortesianus. P<strong>ou</strong>rquoi<br />
? Dans ces codices n<strong>ou</strong>s rencontrons des<br />
tableaux iconographiques accompagnés de textes<br />
hiéroglyphiques et des calendriers sur lesquels<br />
n<strong>ou</strong>s sommes très bien renseignés, ce qui<br />
représente une bonne base de travail. En <strong>ou</strong>tre,<br />
cette écriture appartient au même genre de compositions<br />
graphiques de glyphes que celui présenté<br />
par Diego de Landa dans son fameux manuscrit<br />
« Relación de las cosas de Yucatán ».<br />
P<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>tes ces raisons, il est donc logique de<br />
s’attaquer d’abord aux trois manuscrits précolombiens,<br />
afin d’en retirer un maximum de renseignements<br />
utiles au déchiffrement. Seulement après<br />
ce travail indispensable, et en connaissant alors<br />
les grandes règles et caractéristiques générales<br />
de l’écriture, n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>rrons songer sérieusement<br />
à procéder aux essais de déchiffrement d’autres<br />
documents mayas, comme les stèles par<br />
exemple.<br />
Un exemple : l’archipel des Tonga.<br />
L’alphabet de Diego de Landa.<br />
Les manuscrits précolombiens.<br />
Avant de présenter les trois codex mayas, il est<br />
bon de consulter d’abord Diego de Landa, second<br />
évêque résident du Yucatán. Par son manuscrit<br />
Relación de las cosas de Yucatán », écrit probablement<br />
en 1566, il est la première et principale<br />
s<strong>ou</strong>rce d’informations p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>s ceux qui s’occupent<br />
de la civilisation maya. En même temps, c’est<br />
la s<strong>ou</strong>rce la plus proche de la Conquête. Malgré<br />
certaines faiblesses et lacunes de son œuvre, de<br />
Landa n<strong>ou</strong>s f<strong>ou</strong>rnit des renseignements précieux<br />
sur l’écriture et le calendrier. N<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>rrons<br />
jamais <strong>ou</strong>blier les circonstances très difficiles dans<br />
lesquelles il a dû travailler. Pratiquement chaque<br />
auteur moderne a écrit sur de Landa. Les éditions<br />
en espagnol, français, anglais, russe et allemand<br />
de son manuscrit, pr<strong>ou</strong>vent indiscutablement la<br />
grande importance de son travail.<br />
Les glyphes que de Landa n<strong>ou</strong>s f<strong>ou</strong>rnit des j<strong>ou</strong>rs<br />
et des mois du calendrier maya, son fameux<br />
« alphabet » tant discuté, et ses renseignements<br />
ethnohistoriques, constituent une bonne introduction<br />
à l’étude de la civilisation maya. La valeur de<br />
35
36<br />
ses renseignements est en général très élevée,<br />
car il était bien placé p<strong>ou</strong>r les obtenir et il avait<br />
d’excellents informateurs indiens. Puisque l’écriture<br />
n’était pas enseignée au bas-peuple, il est clair<br />
qu’après la Conquête, faute de prêtres, la connaissance<br />
de l’écriture hiéroglyphique s’est très vite<br />
perdue sans laisser de trace dans la mémoire des<br />
Indiens. Mais ce qui est choquant et pénible à la<br />
fois, c’est le fait que certains frères franciscains<br />
savaient non seulement lire mais aussi écrire les<br />
hiéroglyphes mayas ! II est vraiment dommage et<br />
à pleurer, que leurs notes <strong>ou</strong> manuscrits, qui auraient<br />
pu faire avancer le déchiffrement de l’écriture,<br />
soient irrémédiablement perdus.<br />
Les livres indigènes étaient constitués d’une longue<br />
feuille pliée en accordéon (genre livre Leporello),<br />
le t<strong>ou</strong>t enfermé entre deux c<strong>ou</strong>vertures décorées.<br />
N<strong>ou</strong>s ne connaissons pas la nature de ces<br />
c<strong>ou</strong>vertures puisqu’elles manquent aux trois codex<br />
mayas. Le figuier Ficus coton/fo/la H.B.K. Alamo,<br />
servant à la fabrication des feuilles est l’arbre que<br />
les Mayas appellent « copo » et les Espagnols<br />
« alamo ». La fabrication est à mi-chemin entre<br />
celle du papyrus égyptien et celle du parchemin.<br />
Les feuilles recevaient un traitement préalable —<br />
on appliquait une c<strong>ou</strong>che de chaux permettant une<br />
peinture facile. Le t<strong>ou</strong>t ressemble un peu à la technique<br />
de la peinture des fresques.<br />
Présentons maintenant les trois manuscrits précolombiens<br />
mayas. Le codex Dresdensis est indiscutablement<br />
le plus beau et le plus soigné des<br />
codex connus à ce j<strong>ou</strong>r. Il porte le nom de la ville<br />
de Dresde (RDA) où il est conservé à la Sächsische<br />
Landesbibliothek entre deux plaques de verre.<br />
En 1739, Götze Johan Christian, qui y était alors<br />
bibliothécaire (à l’époque Königliche Oeffentliche<br />
Bibliothek), l’achetait à un particulier à Vienne. Le<br />
codex Peresianus est le plus petit et en même<br />
temps le moins bien conservé des manuscrits<br />
mayas. Léon de Rosny, fondateur de la Société<br />
Américaine de France, le déc<strong>ou</strong>vrit en 1859 à la<br />
Bibliothèque Nationale de Paris dans une corbeille<br />
à papier ! Puisqu’un papier d’accompagnement<br />
(perdu entre-temps) portait le nom de Perez, on le<br />
nomma codex Peresianus. Plus tard on constata<br />
que la tr<strong>ou</strong>vaille de Rosny n’était qu’une redéc<strong>ou</strong>verte,<br />
car le codex avait été acquis en 1832 par la<br />
Bibliothèque Nationale.<br />
Le codex Tro-Cortesianus est composé de deux<br />
fragments de manuscrits : le codex Troano (35<br />
feuilles) et le codex Cortesianus (21 feuilles). Lors<br />
d’une visite à Madrid en 1866, l’abbé Brasseur de<br />
B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg déc<strong>ou</strong>vrait le premier fragment chez un<br />
professeur espagnol de paléographie, Juan a Tro<br />
y Ortelano. P<strong>ou</strong>r cette raison, Brasseur lui a donné<br />
le nom de codex Troano lors de la publication en<br />
c<strong>ou</strong>leur d’une reproduction du manuscrit. Le second<br />
fragment, plus petit que le Troano, était en<br />
possession de l’Espagnol Juan Palacios, qui le<br />
proposa en 1867 p<strong>ou</strong>r 5000 duros à la Bibliothèque<br />
Impériale (actuellement Bibliothèque Nationale)<br />
de Paris, et probablement aussi au British Museum<br />
à Londres. Dans sa correspondance, Palacios<br />
prétendit que Ernan Cortez <strong>ou</strong> Pizarro l’avait<br />
rapporté lors de son ret<strong>ou</strong>r du Mexique. De t<strong>ou</strong>te<br />
façon, la vente ne fut pas conclue, car en 1875 le<br />
manuscrit fut vendu au Museo Arqueológico de<br />
Madrid par un nommé José Ignacio Miró. D’après<br />
ses dires, il en avait fait l’acquisition trois ans auparavant<br />
en Estrémadure. Plus tard, le g<strong>ou</strong>vernement<br />
espagnol acheta aussi le codex Troano. Les<br />
deux fragments se tr<strong>ou</strong>vent ainsi réunis au Museo<br />
de América à Madrid.<br />
Historique du déchiffrement.<br />
Le déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique des<br />
Mayas a été, dès le début, une affaire du monde<br />
scientifique international. Sur la liste d’honneur se<br />
tr<strong>ou</strong>vent de multiples nationalités représentant<br />
t<strong>ou</strong>te une série de pays : l’Espagne, la France,<br />
l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique,<br />
l’URSS, le Mexique, le Guatemala et ... la<br />
Belgique.<br />
Puisque de Landa, le premier investigateur, n<strong>ou</strong>s<br />
offre trois exemples p<strong>ou</strong>r A, et deux p<strong>ou</strong>r B, K, L,<br />
O, CU, X et U, il est clair que n<strong>ou</strong>s n’avons pas<br />
affaire à un alphabet, mais au moins à un syllabaire<br />
<strong>ou</strong> à des mots complets. Ce que n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons<br />
supposer c’est que les glyphes représentent des<br />
mots <strong>ou</strong> syllables commençant par les valeurs<br />
indiquées par de Landa. Zimmermann s’est étonné<br />
de tr<strong>ou</strong>ver le signe T à une place illogique dans<br />
l’alphabet. Mais la solution est simplement que les<br />
deux traits parallèles représentent, selon mon<br />
déchiffrement, la valeur phonétique CH <strong>ou</strong> CHé =<br />
arbre. P<strong>ou</strong>r une grande partie des langues mayas<br />
on emploie indifféremment soit CHé, soit Té, qui<br />
signifie aussi « arbre ». Puisque d’une part, selon<br />
l’usage espagnol, le CH vient après le C, et que<br />
d’autre part Té = CHé, ce signe était bien à sa<br />
place. De t<strong>ou</strong>te façon, malgré beauc<strong>ou</strong>p d’objections,<br />
l’auteur de cet exposé, a pu tirer profit de cet<br />
« alphabet » et des signes de j<strong>ou</strong>r et de mois en<br />
l’approchant s<strong>ou</strong>s un autre angle : l’analyse phonétique<br />
comparative en profondeur.<br />
L’écriture maya est, p<strong>ou</strong>r la première fois, portée à<br />
l’attention du monde, d’une façon scientifique et<br />
systématique, par l’abbé Brasseur de B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg,<br />
dont le zèle à f<strong>ou</strong>iller dans le passé de l’Amérique<br />
Centrale a sauvé maint manuscrit pré- et postcolombien<br />
de l’ignorance <strong>ou</strong> de la destruction. C’est<br />
lui qui présenta notamment le manuscrit de de<br />
Landa, le codex Troano et le dictionnaire de Motul,<br />
p<strong>ou</strong>r ne citer que les livres les plus importants.<br />
Son intérêt p<strong>ou</strong>r les Mayas a été éveillé par son
contact avec les Maya-Quichés, lorsqu’il était prêtre<br />
dans la ville quichée de Rabinal (Guatemala).<br />
Brasseur de B<strong>ou</strong>rb<strong>ou</strong>rg (titre qu’il abandonna<br />
après la défaite de Napoléon III) reconnut les signes<br />
des j<strong>ou</strong>rs dans le codex Troano (fragment du<br />
codex Tro-Cortesianus) et apprit la signification<br />
mathématique des points et des barres qui représentent<br />
respectivement les valeurs de 1 et de 5.<br />
Avec ce système, les Mayas formaient les chiffres<br />
de 1 à 19 compris. Brasseur reconnut aussi immédiatement<br />
comme maya les codex Dresdensis et<br />
Peresianus par l’identité de leurs glyphes avec<br />
ceux de de Landa, et il réalisa que les inscriptions<br />
de Palenque et Copan appartenaient à la même<br />
classe d’écriture.<br />
Le codex de Dresde.<br />
A ce moment, le codex Dresdensis était déjà publié<br />
par Lord Kingsbor<strong>ou</strong>gh dans son œuvre de<br />
neuf volumes « Antiquities of Mexico ». Les inscriptions<br />
de Palenque et Copan étaient déjà<br />
connues par les dessins splendides de Frederick<br />
Catherwood dans la publication « Incidents of travel<br />
in Central America, Chiapas and Yucatán » de<br />
John L. Stephens (1841). Léon de Rosny (1876)<br />
identifia correctement au moins un glyphe de<br />
mois, de même que les glyphes qu’on supposait<br />
représenter les points cardinaux. De fait ces glyphes<br />
sont en premier lieu et selon mes déchiffrements,<br />
les noms des divinités placées dans les<br />
37
38<br />
points cosmiques. A. P<strong>ou</strong>sse (1884) déc<strong>ou</strong>vrit<br />
comment on utilisait les chiffres r<strong>ou</strong>ges et noirs<br />
dans les manuscrits précolombiens et le glyphe de<br />
« 20 » employé p<strong>ou</strong>r les calendriers des tableaux<br />
iconographiques. Cyrus Thomas (1882-1904)<br />
identifia ce que l’on considère comme les cérémonies<br />
de fin d’année et de début du n<strong>ou</strong>vel-an dans<br />
le codex Troano. II écrivit beauc<strong>ou</strong>p au sujet de la<br />
numérotation maya et du calendrier, sans apporter<br />
t<strong>ou</strong>tefois une contribution importante. II faut dire<br />
que beauc<strong>ou</strong>p d’auteurs n’ont fait que remanier <strong>ou</strong><br />
copier les travaux des autres.<br />
Par contre, celui qui s’imposa dans le domaine de<br />
l’écriture hiéroglyphique fut Ernst Förstemann<br />
(1880), le bibliothécaire en chef de la Bibliothèque<br />
Royale (actuellement Sächsische Landesbibliothek)<br />
de Dresde. Il a apporté sa contribution fondamentale,<br />
entre autres par l’identification des<br />
signes des mois dans le codex Dresdensis, il a<br />
reconnu que le signe d’un coquillage possédait la<br />
signification de 0 et que le symbole de la lune représentait<br />
la valeur de 20. II a démonté le système<br />
d’un almanach religieux de 260 j<strong>ou</strong>rs, appelé<br />
TZOLKIN <strong>ou</strong> « compte des j<strong>ou</strong>rs ». En plus, il a<br />
constaté que les Mayas employaient un système<br />
vigésimal jusqu’au 5° degré par superposition des<br />
chiffres. Förstemann n<strong>ou</strong>s a expliqué aussi les<br />
tables complexes de Vénus dans le codex Dresdensis<br />
et il comprit la signification des tables des<br />
éclipses lunaires et solaires et les maintes tables<br />
de multiplication. De plus, événement important, il<br />
annonça que le « compte long » (à cinq positions)<br />
des calendriers, était compté à partir de la base<br />
4 AHAU 8 CUMKU et il peut expliquer les numéros<br />
encadrés, etc, etc.<br />
La liste des autres chercheurs dans le domaine de<br />
l’écriture maya est longue. N<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons<br />
omettre de citer parmi tant d’autres : Morley,<br />
Maudslay, Goodman, Long, Teeple, Beyer, Bowditch,<br />
Gates, Spinden, Seler, Berlin ... Quatre astronomes,<br />
Robert W. Willson, Hans Ludendorff,<br />
Arnost Dittrich et Maud W. Makemson, qui appartiennent<br />
à la dernière génération de chercheurs,<br />
ont essayé une interprétation astronomique des<br />
codex, mais avec très peu de succès. N<strong>ou</strong>s devons<br />
certainement mentionner J. Eric S. Thompson<br />
(†), qui s’est occupé sans relâche, depuis<br />
1929, de l’écriture maya. Citons son livre de synthèse<br />
« Maya Hieroglyphic Writing » qui précise sa<br />
contribution au déchiffrement. En ce qui concerne<br />
les travaux relativement récents, signalons encore<br />
que Zimmermann (1956) a dressé un catalogue<br />
très valable des glyphes des manuscrits mayas ;<br />
et les publications de Barthel, Smiley, Kelley,<br />
Rauh, Hochleitner et tant d’autres, cités dans les<br />
bibliographies.<br />
Depuis longtemps, p<strong>ou</strong>r ne pas dire depuis t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs,<br />
il y a eu deux écoles. La première présumait<br />
que l’écriture maya ne serait qu’une écriture pictographique<br />
- idéographique très rudimentaire qui<br />
employait le système du rébus <strong>ou</strong>, comme prétend<br />
le Professeur Thomas Barthel, une écriture<br />
« fragmentaire » (par opposition à nos écritures<br />
« totales ») qui n’est pas capable de rendre t<strong>ou</strong>s<br />
les éléments du langage parlé. La seconde école<br />
défendait l’idée que l’écriture maya était déjà<br />
beauc<strong>ou</strong>p plus évoluée qu’on le pensait et qu’elle<br />
avait passé le stade idéographique. Un de ses<br />
défenseurs, Whorf B.L. (1933) attaqua l’écriture<br />
maya phonétiquement mais fut mal reçu par les<br />
spécialistes. Le russe Knorozov reçut le même<br />
accueil négatif, après avoir annoncé triomphalement<br />
qu’il avait déchiffré l’écriture maya en appliquant<br />
une approche « marxiste-léniniste ». Ils furent<br />
discrédités par d’autres chercheurs qui étaient<br />
d’avis que Whorf et Knorozov menaient leurs études<br />
d’une façon trop superficielle et cela malgré<br />
certains points positifs.<br />
Une réaction fréquente, pas l<strong>ou</strong>able du t<strong>ou</strong>t, de<br />
la part de beauc<strong>ou</strong>p de chercheurs qui étudient<br />
les travaux des autres, est de chercher avant<br />
t<strong>ou</strong>t ce qui est fautif <strong>ou</strong> erroné et de négliger la<br />
partie valable. Très s<strong>ou</strong>vent des contributions<br />
importantes sont rejetées, discréditées <strong>ou</strong> mises<br />
de côté uniquement à cause de quelques fautes<br />
secondaires. II est vrai, que p<strong>ou</strong>r ce qui concerne<br />
le travail de Knorozov et des trois mathématiciens<br />
russes de Novosibirsk, il était beauc<strong>ou</strong>p<br />
trop tôt p<strong>ou</strong>r utiliser un cerveau électronique.<br />
Avant de faire appel à tel appareil, il faut connaître<br />
la structure et les propriétés de l’écriture<br />
maya p<strong>ou</strong>r la programmer correctement. Si un<br />
ordinateur peut travailler beauc<strong>ou</strong>p plus vite que<br />
l’homme, il ne peut cependant pas rendre ce que<br />
l’on n’y introduit pas comme information. T<strong>ou</strong>tefois,<br />
cet appareil peut être utilisé p<strong>ou</strong>r des travaux<br />
préparatoires au déchiffrement, tels des<br />
statistiques par exemple, si t<strong>ou</strong>tefois les informations<br />
sont correctes. De plus, les chercheurs<br />
russes ont utilisé un dictionnaire fort réduit et ils<br />
n’ont pas contrôlé les résultats. Quand on pense<br />
avoir déchiffré un document, il faut appliquer les<br />
mêmes valeurs des signes à un autre document,<br />
comme contrôle. Les mêmes remarques<br />
t<strong>ou</strong>chent aussi en général le travail fait au<br />
moyen d’un ordinateur par le gr<strong>ou</strong>pe<br />
« Seminario de Estudios de la Escritura Maya »<br />
à Mexico City s<strong>ou</strong>s la responsabilité du Professeur<br />
Daniel Cazes. Jusqu’à présent, ils n’ont<br />
pas tenu compte des propriétés des éléments<br />
graphiques et du caractère principalement phonétique<br />
des glyphes et affixes et d’autres caractéristiques<br />
importantes. Cela n’interdit pas<br />
d’espérer que dans un proche avenir n<strong>ou</strong>s serons<br />
aptes à tirer profit d’un cerveau électronique.
Caractéristiques de l’écriture maya.<br />
L’écriture n’est certes pas la plus ancienne invention<br />
de l’homme, loin de là, mais elle a certainement<br />
le plus b<strong>ou</strong>leversé l’aspect du monde. Elle a<br />
été, p<strong>ou</strong>r ainsi dire, la pierre d’angle de t<strong>ou</strong>tes les<br />
civilisations. Sans l’écriture, le monde ne serait<br />
pas ce qu’il est maintenant. Imaginons un seul<br />
instant notre monde d’auj<strong>ou</strong>rd’hui sans écriture !<br />
L’écriture a permis à l’homme de mieux communiquer<br />
avec ses semblables et elle a été l’<strong>ou</strong>til qui lui<br />
a permis de noter t<strong>ou</strong>tes ses connaissances, ses<br />
pensées et les faits historiques. Que seraient devenues<br />
les civilisations égyptienne, grecque, romaine,<br />
aztèque et maya sans l’écriture ?<br />
N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons dire qu’il existe environ quatrecents<br />
écritures différentes, sans compter les variantes,<br />
ce qui signifie que les caractéristiques<br />
sont elles aussi différenciées au point de vue typologie,<br />
sens de lecture, valeur unique <strong>ou</strong> multiple<br />
des signes, etc... Songeons seulement aux écritures<br />
romaine, grecque ; russe, juive, égyptienne,<br />
arabe, chinoise, etc... p<strong>ou</strong>r n<strong>ou</strong>s rendre compte<br />
déjà de la différence visuelle. En général, on distingue<br />
trois phases d’évolution p<strong>ou</strong>r les écritures<br />
anciennes : 1. la phase pictographique ; 2. la phase<br />
idéographique ; 3. la phase phonétique.<br />
N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons dire, par convention, que n<strong>ou</strong>s<br />
avons affaire à une écriture lorsqu’il s’agit d’un<br />
dessin (dans le sens large du mot) conventionnel<br />
qui contient une communication (soit p<strong>ou</strong>r autrui,<br />
soit p<strong>ou</strong>r soi-méme) qui est à lire dans un sens de<br />
lecture imposé. Les peintures préhistoriques, comme<br />
celles des grottes de Lascaux, Altamira et tant<br />
d’autres en Europe et Afrique, peuvent déjà être<br />
considérées comme des formes précoces de l’écriture.<br />
Dans le fond, ce sont réellement les racines<br />
de ce qui deviendra plus tard les écritures.<br />
Déjà par la création de dessins, l’homme s’est<br />
distingué des animaux. II s’est rendu compte à un<br />
certain moment qu’il p<strong>ou</strong>vait utiliser ces dessins<br />
stylisés d’animaux <strong>ou</strong> objets concrets p<strong>ou</strong>r communiquer<br />
avec ses semblables et soi-même et<br />
aussi — c’est du moins ce qu’il croyait — avec les<br />
esprits bienfaisants <strong>ou</strong> malfaisants qui l’ent<strong>ou</strong>raient<br />
et les divinités qu’il s’est créées selon ses<br />
besoins. Ces dessins <strong>ou</strong> images stylisés sont appelés<br />
« pictogrammes » et l’on parle ainsi d’écriture<br />
pictographique. Cette écriture rudimentaire<br />
avait ses limites puisque des objets concrets seulement<br />
étaient représentés. Même avec une grande<br />
quantité de pictogrammes on ne p<strong>ou</strong>vait pas<br />
rendre t<strong>ou</strong>te la pensée et le langage humains.<br />
Après un certain temps, l’homme s’est rendu<br />
compte, petit à petit, qu’il p<strong>ou</strong>vait augmenter<br />
énormément les possibilités d’expression de ces<br />
dessins stylisés en associant des idées suggé-<br />
rées <strong>ou</strong> liées aux objets concrets représentés.<br />
L’exemple classique que l’on donne p<strong>ou</strong>r illustrer<br />
cette évolution est le suivant. P<strong>ou</strong>r la plupart des<br />
peuples anciens, un cercle <strong>ou</strong> un disque représentait<br />
le soleil en tant que pictogramme, mais en<br />
tant qu’idéogramme, le dessin représentait des<br />
idées associées au soleil comme « j<strong>ou</strong>r »,<br />
« lumière » <strong>ou</strong> « chaleur ». II faut s<strong>ou</strong>ligner qu’un<br />
des rares avantages des écritures pictographiques<br />
et idéographiques réside justement dans<br />
son caractère universel puisque chacun peut<br />
« lire » les pictogrammes et idéogrammes directement<br />
dans sa propre langue à lui. Un Français<br />
lira le dessin du cercle comme « soleil », un Flamand<br />
« zon », un Espagnol « sol », un Anglais<br />
« sun », un Allemand « Sonne », etc... D’ailleurs,<br />
on utilise ces écritures auj<strong>ou</strong>rd’hui encore, sur le<br />
plan international, p<strong>ou</strong>r les panneaux de signalisation<br />
le long des autor<strong>ou</strong>tes et dans les villes.<br />
Chaque usager de la r<strong>ou</strong>te les « lira » dans sa<br />
propre langue. P<strong>ou</strong>r ce qui concerne l’écriture<br />
pictographique il faut mettre le lecteur en garde,<br />
du fait que ce genre d’écriture primitive se ressemble<br />
dans le monde entier, ce qui est logique<br />
puisque le soleil, un homme, une montagne, possèdent<br />
part<strong>ou</strong>t la même forme, et que ce n’est<br />
que dans les détails <strong>ou</strong> dans la schématisation<br />
que résident les nuances et variétés d’écritures<br />
pictographiques. P<strong>ou</strong>r cette raison, il faut veiller à<br />
ne pas tirer trop vite de conclusions dans les études<br />
comparatives des écritures pictographiques.<br />
Mais même l’écriture idéographique, malgré l’amélioration<br />
par rapport à l’écriture pictographique et<br />
le nombre élevé d’idéogrammes, ne f<strong>ou</strong>rnissait<br />
pas la solution idéale, puisqu’on ne p<strong>ou</strong>vait pas<br />
encore exprimer chaque notion abstraite. De plus,<br />
le grand handicap était sans aucun d<strong>ou</strong>te le nombre<br />
élevé de signes que chaque écrivain, et par<br />
conséquent chaque lecteur, devait connaître par<br />
cœur. Cette écriture était forcément réservée à<br />
une « élite » fort restreinte. La solution est venue<br />
progressivement quand l’homme a eu l’idée lumineuse<br />
de phonétiser les signes. Ils recevaient une<br />
<strong>ou</strong> plusieurs valeurs phonétiques. Le signe était<br />
dorénavant lié à une <strong>ou</strong> plusieurs langues. A partir<br />
de ce moment, l’homme s’était perfectionné un<br />
instrument de travail puissant qui, à sa guise, p<strong>ou</strong>vait<br />
apporter le mal <strong>ou</strong> le bien. L’écriture phonétique<br />
peut être syllabique <strong>ou</strong> alphabétique. Le t<strong>ou</strong>t<br />
grand avantage de cette forme d’écriture est surt<strong>ou</strong>t<br />
qu’avec un nombre très limité de signes, on<br />
peut exprimer à la perfection t<strong>ou</strong>s les aspects et<br />
expressions de la langue. Il en déc<strong>ou</strong>le que pratiquement<br />
chacun est apte à apprendre ce nombre<br />
restreint de signes par cœur.<br />
II est clair qu’on ne retr<strong>ou</strong>ve pas t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs les écritures<br />
anciennes dans un état pur de pictographie,<br />
idéographie <strong>ou</strong> phonétisme. Les transformations<br />
39
40<br />
d’une forme de l’écriture à l’autre se faisaient en<br />
général très lentement, par petites étapes. L’évolution<br />
nécessitait parfois des siècles. II est aussi<br />
vrai que beauc<strong>ou</strong>p d’écritures n’ont jamais eu<br />
l’occasion d’atteindre cette phase finale de phonétisation,<br />
à cause de la destruction de leur civilisation,<br />
<strong>ou</strong> par le remplacement de leur écriture par<br />
une autre imposée par l’occupant. La question se<br />
pose maintenant : « l’écriture maya était-elle déjà<br />
arrivée à la phase de phonétisation ? ». Non,<br />
selon une école, <strong>ou</strong>i, selon l’autre. P<strong>ou</strong>r ma part, à<br />
partir de 1966, j’ai entrepris l’étude de l’écriture<br />
des codex mayas en partant de s<strong>ou</strong>rces anciennes<br />
des XVIe et XVIIe siècles comme par exemple<br />
le manuscrit de de Landa, les dictionnaires de<br />
Motul et de Vienne, la grammaire de Coronel,<br />
etc... Travaillant comme professeur d’enseignement<br />
technique p<strong>ou</strong>r la coopération au développement<br />
belge au Burundi, en plein cœur d’Afrique<br />
Centrale, j’étais c<strong>ou</strong>pé du reste du monde p<strong>ou</strong>r ce<br />
qui concernait les publications sur l’écriture maya.<br />
Dans le fond, je présume que c’était un grand<br />
avantage plutôt qu’un obstacle, car je ne p<strong>ou</strong>vais<br />
être influencé par les travaux d’autres <strong>ou</strong> par des<br />
idées préconçues. Je fus obligé d’étudier dans des<br />
conditions pénibles et par mes propres moyens, et<br />
je dus me tailler seul une voie d’accès dans la<br />
jungle du déchiffrement de l’écriture maya. Mais<br />
mieux vaut une seule vérité que l’on déc<strong>ou</strong>vre soimême,<br />
que dix vérités que l’on apprend des autres<br />
et que l’on répète ensuite. Cela ne diminue nullement<br />
le mérite des autres chercheurs dans le domaine<br />
de l’écriture maya, et j’ai un profond respect<br />
p<strong>ou</strong>r leurs contributions valables.<br />
Grâce à l’appui logistique du R.P. F. Leroy, bibliothécaire<br />
en chef de l’Université de Bujumbura au<br />
Burundi, j’ai pu procéder à une série d’analyses<br />
comparatives démontrant, d’abord en 1967, le<br />
caractère polyvalent des glyphes et ensuite, en<br />
1968, la nature phonétique de l’écriture maya, fait<br />
que Whorf et Knorozov et tant d’autres n’avaient<br />
pas suffisamment pu démontrer. En 1969, dans<br />
ma 14 e note de travail : « La conjugaison des verbes<br />
et l’écriture dite maya », j’ai décrit les résultats<br />
obtenus par l’application des grilles de conjugaison<br />
des verbes de plusieurs langues et pr<strong>ou</strong>vé<br />
définitivement que l’écriture maya est principalement<br />
phonétique et que loin d’être une écriture<br />
fragmentaire <strong>ou</strong> rudimentaire, elle est capable de<br />
noter chaque particularité de la langue parlée. De<br />
1970 à 1972, grâce au Dr. Joaquin Galarza, spécialiste<br />
en écriture snahuall (aztèque), chercheur<br />
au Musée de l’Homme à Paris, et surt<strong>ou</strong>t de l’éminent<br />
Professeur Jacques S<strong>ou</strong>stelle de la Sorbonne,<br />
spécialiste de la civilisation aztèque, et qui a<br />
bien v<strong>ou</strong>lu être mon directeur d’études, j’ai pu<br />
m’inscrire à l’Ecole pratique des hautes études,<br />
VI e Section, à la Sorbonne - Paris. Je pus défendre<br />
ainsi en public ma thèse de doctorat<br />
« N<strong>ou</strong>velles interprétations de l’écriture des codex<br />
mayas », en janvier 1972. Selon mes analyses<br />
paléographiques, l’écriture des manuscrits précolombiens<br />
des Mayas serait issue d’une écriture<br />
pictographique, mais au moment de la réalisation<br />
des codex, l’écriture était déjà phonétisée en grande<br />
partie et elle était devenue syllabique, presque<br />
alphabétique, conservant t<strong>ou</strong>tefois quelques restes<br />
archaïques de pictogrammes, d’idéogrammes<br />
et même d’iconogrammes. Si la conquête espagnole<br />
n’était pas intervenue, l’écriture dite maya<br />
serait complètement phonétisée, c’est-à-dire serait<br />
devenue purement alphabétique-syllabique. Mais<br />
justement, à cause de l’interruption brutale en<br />
pleine période de transition et de perfectionnement,<br />
l’écriture maya possède une polyvalence qui<br />
est à la fois extraordinaire et dér<strong>ou</strong>tante p<strong>ou</strong>r nos<br />
conceptions habituelles de l’écriture. Cette polyvalence<br />
des éléments graphiques des glyphes, des<br />
affixes et des éléments graphiques sera exposée<br />
dans le prochain numéro de KADATH.<br />
TELEX<br />
Agence Tass, 3 février 1976. — Le savant russe<br />
Yuri Knorozov aurait déchiffré l’écriture hiéroglyphique<br />
des Mayas (Mexique, Guatemala) et son livre<br />
« Inscriptions hiéroglyphiques mayas » aurait paru<br />
la veille à Leningrad. Déjà en 1952 Knorozov prétendait<br />
(dans la revue «Sovietskaya Etnografija)<br />
avoir déchiffré l’écriture maya. Cette revue, ainsi<br />
que d’autres publications, étaient présentées au<br />
premier étage du pavillon russe à l’Exposition Universelle<br />
de Bruxelles en 1958. Trois mathématiciens<br />
russes : Evrenov, Kosarev et Ustinov de<br />
l’Académie célèbre de Novosibirsk avaient utilisé<br />
un ordinateur p<strong>ou</strong>r déchiffrer le codex Dresdensis<br />
et le codex Tro-Cortesianus, suivant les directives<br />
de Knorozov. Ces codex sont deux des trois manuscrits<br />
hiéroglyphiques qui ont échappé aux autodafés<br />
du XVIe siècle. Le résultat de ce travail d’ordinateur<br />
a paru en trois volumes en 1961. Dans<br />
son <strong>ou</strong>vrage volumineux de 1963, intitulé<br />
« Pismennost’ indejcev Maija » Knorozov répète<br />
avoir déchiffré l’écriture maya. N<strong>ou</strong>s insistons qu’il<br />
était trop tôt p<strong>ou</strong>r employer un ordinateur. Les déchiffrements<br />
de Knorozov ont été rejetés unanimement<br />
par les spécialistes. Les adversaires les plus<br />
acharnés étaient les Professeurs Thompson<br />
(décédé en 1975) et Barthel. Ce dernier a démontré<br />
que la majorité des soi-disants déchiffrements<br />
de Knorozov étaient l’œuvre d’autres déchiffreurs.<br />
Depuis lors, Knorozov s’est occupé du déchiffrement<br />
de l’écriture de l’île de Pâques et celle de la<br />
vallée de l’Indus (Harappa et Mohenjo-Daro). Il est<br />
pratiquement certain que le livre récent de Knorozov<br />
est un remaniement de l’<strong>ou</strong>vrage de 1963,<br />
avec éventuellement quelques aj<strong>ou</strong>tes, qui n’apportent<br />
essentiellement rien de neuf. La dépêche de<br />
l’agence Tass est ainsi à réduire aux « n<strong>ou</strong>velles<br />
réchauffées » de 1952 et 1963.<br />
A. V.<br />
S<strong>ou</strong>rce des illustrations : © KADATH - P. Ferryn, p. 2 — Ed. Marietti, Turin-Rome, p. 11 — UDF-Marc<br />
F<strong>ou</strong>cault, p. 17 — Catalogue Bezold, British Museum, p. 18 — D<strong>ou</strong>chan Gersi, p. 21 — © Henri Lhote-<br />
Arthaud, éditeur, p. 23-24-25-26-28 — Musée national danois, p. 31 — Pierre Ivanoff, p. 34 — © Antoon<br />
Vollemaere, p. 35-37.