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Dossier
A Le Détour A
Fany Héquet et Raphaël Naklé
62 rue des Juifs / 50400 Granville
02 33 50 90 03
www.librairie-le-detour.fr
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Ces nouvelles librairies qui osent
« Ô libraire mon ami ! »
En moins de six mois, quatre nouvelles librairies indépendantes ont ouvert leurs portes en Basse-Normandie.
Entre conviction et risque mesuré, elles ne manquent ni d’audace, ni d’imagination pour faire la différence.
Être libraire ne s’improvise pas. Face
à la concurrence que durcissent les pratiques sur le
web, face à la complexité du circuit du livre, libraire
est un métier que l’amour des livres ne suffit pas à
justifier. Et lorsqu’on a pour soi la formation et l’expérience,
encore faut-il se démarquer, fidéliser sa
clientèle mais aussi assurer ses arrières. Les librairies
Le Détour à Granville, Le Préambule à Bayeux, Eureka
Street à Caen ou DÉO Libraires à Alençon ne sont pas
nées des caprices de leurs créateurs et propriétaires.
L’amour du métier et sa réalité économique ont à voir
ensemble. « On a pris un risque oui mais un risque
mesuré », explique Patricia Daniel qui a ouvert Le
Préambule à Bayeux en octobre 2010. « On ne se lancerait
pas si on n’y croyait pas bien sûr. J’aime le livre
mais nous avons aussi vendu notre maison, emménagé
au-dessus de la librairie ! » Pari professionnel et
personnel, l’ouverture d’une librairie est rarement une
aventure solitaire. À Caen, Eureka Street est le projet
d’un couple de libraires : Pierre Thomine et Bénédicte
Coulombier-Thomine. Pour créer DÉO Libraires, Marc
Meininger, fort d’une solide expérience dans le commerce
du livre ancien, a été rejoint par deux autres
associés. Idem à Granville où Raphaël Naklé, libraire de
métier, et Fany Héquet, médiatrice du livre, ont franchi
entre amis ce « cap personnel et professionnel » en
décembre. Dans l’ombre mais à leurs côtés, deux associés,
Jean-Marie Dessane et Emmanuel Poidevin « qui
ont fait leur carrière dans le milieu de l’entreprise ».
« Ils ne nous facilitent pas seulement la mise même
si cela limite les coups d’investissement au départ. Ils
ont aussi cette culture d’entreprise, cette habitude.
Ils nous ont accompagnés sur des choses qu’on ne
maîtrisait pas : les statuts d’une SARL, le plan de trésorerie
par exemple. Pas pour faire à notre place mais
en nous autonomisant. Ouvrir une librairie était une
évidence parce que c’est mon métier. Mais tout seul, je
ne l’aurais pas fait. Ne nous leurrons pas, la librairie est
un commerce et nous voulons vendre et faire venir du
monde ! », reconnaît Raphaël Naklé. Lorsque Patricia
Daniel a créé sa première librairie, Le Pré en bulles à
Bayeux, en 2005, elle avait opté pour la spécialisation
avec la bande dessinée. « Je ne pouvais pas commencer
seule, je n’avais pas les moyens. Me spécialiser
rendait le projet plus accessible. La BD alors était un
marché porteur. » « Oui, on est ambitieux, mais seulement
parce que nous nous sommes endettés, que nous
voulons en vivre et correctement jusqu’à la retraite ! »,
résume Pierre Thomine.
« Des libraires formés
qui connaissent leur métier »
Stratégique, le lieu d’implantation de ces nouvelles
librairies n'a pas non plus été laissé au hasard. Fany
Héquet connaissait bien Granville pour y vivre et y avoir
travaillé et Raphaël Naklé pour y avoir séjourné régulièrement
: la ville côtière s'est donc imposée assez
naturellement. En outre, la librairie Roquet était fermée
depuis près d’un an : cette librairie centenaire n’avait
pas trouvé repreneur. Si Granville compte déjà une
autre librairie et une dynamique maison de la presse,
il y avait « une place à prendre pour une librairie conseil
qui ferait la place belle à la BD et à la littérature jeunesse
», poursuit Fany Héquet. Désormais, au Détour,
un étage leur est consacré. « Il n’était pas question
pour nous d’arriver frontalement mais de mettre en
avant nos passions. Et pour les gens qui ne peuvent
pas se déplacer, nous proposerons un site internet en
prise directe avec le fonds : le client saura si un titre
est en rayon ou pas. Notre site ne sera pas seulement
une vitrine. » La fermeture d’une enseigne de distribution
a aussi incité Marc Meininger à franchir le pas à
Alençon, tandis que le déménagement de la Maison de
la presse pour une surface moindre à Bayeux a modifié
le visage de l’offre dans cette ville. « Il y avait une forte
demande de la part des clients. En outre, Bayeux est
une ville touristique avec une saison culturelle et des
équipements intéressants : cinéma, galerie d’art et
artothèque, salle de concerts…» Devenu Le Préambule,
la librairie occupe désormais un espace quatre fois plus
grand, sur deux étages, au cœur de la rue principale.
mars 2011 - livre / échange 4
A Le Préambule A
Patricia Daniel
10 rue Saint-Malo
14400 Bayeux
02 31 51 99 87
Et Patricia Daniel a pu y intégrer la totalité du fonds
de bandes dessinées de sa précédente librairie. Elle
explique : « Le Pré en bulles, ça avait beau marcher, je
n’en vivais pas. Il me fallait passer à la vitesse supérieure.
Et c’était devenu frustrant pour moi de ne pas
pouvoir évoluer après cinq ans d’activité. Il faut aussi
apporter du renouveau au lecteur et j’avais envie également
de revenir vers la littérature. » Quant à Eureka
Street, l’emplacement de la librairie dans un passage
qui ne lui laisse pas pignon sur rue est compensé par
la publicité du camion librairie (cf. p.5). Un avantage
sur Caen où la présence de plusieurs autres librairies
spécialisées ou non, accroît la concurrence. « Nous
pouvons nous démarquer en proposant à la fois des
livres neufs et anciens, en mettant en place la librairie
itinérante, en nous spécialisant sur le roman, la fiction,
le polar. Au regard de tout ça, j’ai pensé qu’on pouvait
ouvrir une librairie de plus à Caen ! », explique Pierre
Thomine.
À chacun de faire la différence : librairie itinérante,
service de portage à domicile, galerie photos, rencontres
d’auteurs, réseaux sociaux. Mais quelle que
soit la voie choisie, celle-ci incarne la vision de leur
métier. « Pour parler de mon métier, les mots qui me
viennent sont l’amour du livre, la compétence, la convivialité,
l’échange, la disponibilité. Je pense que ce sont
des valeurs essentielles qui vont avec le métier que je
fais et défend, des valeurs que nous devons garder
puisque nous sommes libraires. Nos clients tiennent
à ce qu’on les reconnaisse, qu’on leur serre la main,
pas par intérêt, par calcul, mais d’instinct », avance
Patricia Daniel. La convivialité est ce qui fera la différence,
selon Marc Meininger. Aménageant sa librairie
à la façon d’un appartement (livres de cuisine dans
la cuisine, littérature de jeunesse dans une salle de
jeux, etc.), il met en avant ses choix et conseils dans
un cadre original et chaleureux. « Venir à la librairie
doit être une balade. » Sa librairie a beau être située
légèrement à l’écart du centre-ville, il s’estime très
satisfait de ses premiers mois d’exercice. Si Eureka
Street peut s’enorgueillir d’être la première librairie