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Num243

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Journal Alhadath-LInternational Num 243, 7 mai 2021

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Forces et faiblesses du plan B

français pour le Liban

« Mais il est venu pour

quoi faire finalement ? » De

nombreux Libanais se posaient

la question reflétant une réelle

incompréhension quant au sens

et à l’objectif de la visite de

Jean-Yves Le Drian au Liban.

Le ministre français des Affaires

étrangères ne s’est pas déplacé

pour tenter de débloquer en

un peu plus de 24 heures une

situation qui est maintenant

paralysée depuis neuf mois. « Je

ne suis pas venu ici pour mener

des tractations politiques », a-til

résumé lors d’un point de

presse à la Résidence des Pins.

Il s’est contenté de rencontres

protocolaires avec Michel Aoun,

Nabih Berry et Saad Hariri – il

a justifié cette dernière par le

fait que M. Hariri était Premier

ministre désigné – et n’a pas

effectué l’habituelle tournée

auprès des autres leaders

politiques.

Il n’a pas non plus précisé

qui étaient les responsables à

l’encontre desquels la France a

déjà pris des mesures, soulignant

toutefois que « ce n’était qu’un

début » et que celles-ci pourraient

être « durcies ou étendues ». La

venue du patron du Quai d’Orsay

visait notamment à rappeler

– non seulement par des mots

mais surtout par des gestes –

que la France continuerait de

« se tenir au côté du Liban ».

Mais cela suffisait-il à justifier

le déplacement ? En prenant

en outre le risque que celuici

suscite encore un peu plus

de déception, après l’échec de

l’initiative française ? C’est

sans doute pour éviter de créer

à nouveau trop d’attentes que

Jean-Yves Le Drian a opté pour

une communication très sobre

qui tranche radicalement avec

celle des deux visites, en août

et en septembre, d’Emmanuel

Macron. Un choix à double

tranchant, puisqu’il a néanmoins

participé à donner un caractère

énigmatique à sa venue et à en

brouiller le principal message

: Paris a en fait activé le plan

B.Concrètement cela veut dire

deux choses : d’une part, que

la pression sur les responsables

politiques va s’accroître, de

l’autre, que la France veut

désormais se positionner comme

un acteur accompagnant la

transition politique

Si Paris reste officiellement

attaché à la formation rapide

d’un « gouvernement de mission

» qui doit mettre en œuvre les

réformes les plus urgentes,

les responsables français ont

clairement pris conscience

qu’à moins d’un petit miracle

cela n’arriverait pas de sitôt.

Emmanuel Macron avait été

accusé lors de ses précédentes

visites de donner du crédit à la

classe politique traditionnelle et

de ne pas prendre en considération

la nouvelle opposition qui se

forme depuis le soulèvement du

17 octobre 2019. Sans le dire

aussi clairement, les diplomates

français laissaient entendre à

l’époque que cette opposition

n’étaient pas mûre, pas forcément

représentative, et que l’urgence

allait aux réformes. Changement

de logiciel : le maintien des

échéances électorales de 2022

(législatives, municipales et

présidentielle) est désormais

considéré comme un objectif

prioritaire côté français. « Le

respect du calendrier électoral au

Liban est incontournable », a dit

M. Le Drian, insistant sur le fait

que la France faisait passer ce

message à tous ses interlocuteurs

sur la scène internationale.

Deux défis

La rencontre avec les partis de

l’opposition qui a duré jeudi plus

de deux heures est le principal

message à retenir de la visite

de l’ancien président du conseil

régional de Bretagne. « La

France nous considère pour la

première fois comme des partis

de l’opposition », se réjouit

Pierre Issa, le secrétaire général

du Bloc national. Le ministre

s’est réuni avec une dizaine de

groupes politiques issus de la

société civile, à l’instar de Beirut

Madinati ou de Taqaddom, mais

aussi des députés démissionnaires

dont les Kataëb, qui étaient assis

autour de la table en tant que parti

traditionnel lors des réunions à la

Résidence des Pins présidées par

Emmanuel Macron. Tous sortent

renforcés de cette séquence

qui leur confère une forme de

légitimité : être reconnus comme

une alternative politique pour les

nouveaux partis ; être intégrés

dans le « nouveau monde » pour

les rescapés de l’ancien. Malgré

leurs différentes sensibilités

politiques, ils ont accordé leur

violon autour de deux exigences :

la formation d’un gouvernement

totalement indépendant et la

tenue d’élections démocratiques.

Pour eux, comme pour la réussite

de la nouvelle stratégie française,

il s’agit désormais de surmonter

deux grands défis. Le premier

consiste à éviter d’arriver en

rangs trop éclatés aux élections

au risque de se faire laminer

par les partis traditionnels. De

nouvelles coalitions ont vu

récemment le jour entre ces

formations mais le processus

est encore embryonnaire près de

deux ans après le soulèvement

libanais. « Cela fait 45 ans qu’il

n›y a pas d’opposition organisée,

il faut un peu de temps. Mais il

y a désormais plus de maturité

politique chez tout le monde »,

assure Pierre Issa.

L’exclusion à droite des Forces

libanaises et le refus de certains

partis de gauche de participer à

la réunion avec M. Le Drian –

l’activiste Wassef Haraké, le Parti

communiste et le mouvement

Citoyens et citoyennes dans un

État ont décliné l’invitation –

pourraient faciliter la cohésion au

sein de ce groupe mais réduit en

même temps l’assise populaire

sur laquelle il souhaitait tabler.

« Cette rencontre doit poser les

bases d’un discours d’opposition

avec des frontières délimitées,

pour savoir qui est dedans et

qui est dehors », avance Michel

Moawad, le chef du mouvement

de l’Indépendance. Le deuxième

défi, qui sera encore plus dur à

surmonter, est de faire en sorte que

ces élections aient effectivement

lieu. À l’exception des Forces

libanaises, qui semblent s’être

renforcées depuis la thaoura, les

autres partis n’ont aucun intérêt

à organiser des élections qui

risquent de menacer leur survie

politique. C’est particulièrement

vrai pour le Courant patriotique

libre, dont la base semble s’être

rétrécie au cours de ces dernières

années. Paris se dit déterminé à

défendre la tenue des élections

tandis que les nouvelles

formations comptent se mobiliser

en ce sens. Mais cela sera-til

suffisant? Rien n’est moins

sûr aujourd’hui. La pression

française n’a pas suffi à aboutir

en neuf mois à la formation

d›un gouvernement, un objectif

beaucoup moins ambitieux –

parce que moins dangereux –

que l’organisation d’élections.

L’opposition n’a pas réussi pour

le moment à remobiliser la rue,

elle-même très fragmentée. C’est

toute la difficulté d’entamer un

bras de fer avec un adversaire

prêt à tout pour l’emporter.

Soit il entraîne l’autre dans son

jusqu’auboutisme, soit il en

ressort victorieux en misant sur

sa résilience et sur la lassitude de

son opposant.

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