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SBT1466note_Layout 1 12/04/2011 15:28 Page 5<br />
SBT 1466<br />
L’interprétation de la Cinquième Symphonie de Bruckner par<br />
Wilhelm Furtwängler enfin sous sa forme originale<br />
À propos de l’histoire du présent enregistrement<br />
Les 25, 26, 27 et 28 octobre 1942, Wilhelm Furtwängler dirigeait<br />
à la Philharmonie de la Bernburger Straße le premier programme<br />
des Concerts Philharmoniques de la saison 1942-1943 – une<br />
avant-première le dimanche matin et trois concerts, en fin<br />
d'après-midi, les lundi, mardi et mercredi. À ce programme<br />
figuraient l’ouverture de l’opéra de Gluck Alceste, le Concerto<br />
pour violoncelle de Schumann avec Tibor de Machula,<br />
violoncelle solo des Philharmoniker, et la Cinquième Symphonie<br />
de Bruckner en guise d’œuvre principale.<br />
Heinz Joachim devait écrire dans le Deutsche Börsenzeitung<br />
du 27 octobre : « Aussi souple que malléable, aussi homogène<br />
quant à sa vision d’ensemble que décontractée quant au détail,<br />
l’œuvre prit forme dans son imposante et baroque plénitude<br />
picturale et sa vivante ampleur, surgissant des profondeurs<br />
comme affranchie de toute histoire antérieure en une<br />
densification inépuisablement impérieuse de ses visions<br />
mouvementées, quasi improvisées, s’élançant vers l’infini.<br />
Furtwängler la dirigea sans la dramatiser, de façon tout à la fois<br />
nerveuse, sensible et profondément spiritualisée, transformant<br />
l’image âpre de la version originale, au gré d’accélérations<br />
parcimonieuses et d’accents dynamiques parfaitement évalués, en<br />
une manifestation sonore organiquement épanouie, d’une<br />
ductilité pleine de vie. » Les Philharmoniker s’étaient eux-mêmes<br />
surpassés en « noblesse de timbre – comme en science du jeu en<br />
commun ». Hermann Killer vanta dans l’interprétation de<br />
Furtwängler « une architecture affirmée et une lumière brillante et<br />
diffuse ». Il trouva « la conduite des lignes de force ainsi que la<br />
manière de ciseler les détails » ou encore « le son Bruckner,<br />
restitué avec majesté, » particulièrement impressionnants<br />
(Völkischer Beobachter du 28 octobre). Et Gertrud Runge de<br />
souligner dans le Deutsche Allgemeine Zeitung du 27 octobre :<br />
« Ce qu’il y a d’unique dans l’interprétation de Furtwängler, c’est<br />
qu’elle rend le surnaturel saisissable, qu’elle fait paraître<br />
l’emphase et la magnificence de la palette des timbres ou encore<br />
la lumineuse opulence de l’harmonie romantique non pas sous<br />
un jour prosaïque, mais tels les annonciateurs d’une extase<br />
mystique, sorte de médiateurs du mystérieux et de l’irréel, au<br />
point que même la joie haute en couleur et bien ancrée en ce<br />
monde du Scherzo laisse deviner cette composante énigmatique<br />
et menaçante qui dans la vie même de Bruckner trouve sa<br />
confirmation. »<br />
Tous les quatre concerts furent enregistrés par la Reichs-<br />
Rundfunk-Gesellschaft (RRG – « Société Radiophonique du<br />
Reich ») et sans doute également retransmis. Après quoi l’on<br />
perdit toute trace de ces documents. C’est à partir de 1960 que<br />
l’on eut confirmation, la compagnie discographique d’État,<br />
Melodiya, ayant publié pour la première fois en Union soviétique<br />
des enregistrements des Berliner Philharmoniker des années 1940<br />
avec Wilhelm Furtwängler, que des prises de son de cette époque<br />
avaient survécu, sans toutefois connaître ni leur nombre ni<br />
<strong>TESTAMENT</strong><br />
booklet note<br />
French<br />
l’endroit où les documents se trouvaient. De prime abord, une<br />
seule chose était certaine : en 1947-1948, les forces soviétiques<br />
d’occupation avaient trouvé à la Maison de la Radio (Haus des<br />
Rundfunks) de la Masurenallee, parmi des archives sonores<br />
considérables, de nombreuses bandes de concerts enregistrés par<br />
la RRG dans les années 1942-1944, concerts parmi lesquels<br />
certains des Berliner Philharmoniker avec Furtwängler, captés à la<br />
Philharmonie puis – une fois celle-ci détruite – à l’Opéra d’État<br />
(Deutsche Staatsoper). Sur les cartons figurait la mention :<br />
« Uniquement pour archivage. Interdits de diffusion ! ». Ces<br />
bandes furent mises en caisses et expédiées en Union soviétique.<br />
C’est à Klaus Lang, rédacteur musical et consultant, en<br />
matière orchestrale, de la radio SFB (Sender Freies Berlin) des<br />
années 1970 jusqu’en 2003, que nous devons la redécouverte de<br />
ces documents sonores. Lors d’un voyage privé à Leningrad en<br />
1983, ayant trouvé un disque reproduisant l’enregistrement de la<br />
Cinquième de Bruckner, il se demanda tout naturellement où les<br />
sources (sous forme de bandes) pouvaient en être conservées. Un<br />
contact entre la Radio de Moscou et son propre département<br />
musical ayant été établi, le SFB obtint de Moscou, en octobre<br />
1987, vingt bandes de concerts captés sur le vif, soit des œuvres<br />
de Beethoven, Schubert, Brahms, Weber, Bruckner – avec les<br />
Berliner Philharmoniker et Wilhelm Furtwängler mais aussi les<br />
pianistes Edwin Fischer et Walter Gieseking, le ténor Peter Anders<br />
et le violoniste Erich Röhn. Il ne s’agissait toutefois pas des<br />
bandes originales, mais de copies ayant fait l’objet d’un transfert<br />
sur des bandes dont la vitesse de défilement était de 38<br />
cm/seconde. Continuant de chercher, Klaus Lang, en 1989 et<br />
avec l’aide de collègues bienveillants de la Radio moscovite, finit<br />
par trouver dans les Archives centrales de la Radio à Moscou<br />
(secteur de Medwedkowo), dans une armoire de deux mètres de<br />
haut sur sept de long, un véritable « trésor » : les cartons<br />
contenant les bandes originales de la RRG, dont la vitesse de<br />
défilement était de 77 cm/seconde, annotées en allemand et en<br />
russe – et dans le lot figurait la Cinquième de Bruckner.<br />
Discussions et négociations s’ensuivirent à Moscou. Après la<br />
chute du Mur de Berlin et la Réunification allemande, le SFB<br />
obtint finalement, en mars 1991, la restitution de 1462 bandes<br />
sonores, lesquelles sont depuis conservées dans les « Archives<br />
russes » de la Haus des Rundfunks.<br />
Vint ensuite l’étape de l’évaluation et de la mise en œuvre.<br />
Par chance, on disposait encore d’une machine à bandes, une<br />
Telefunken M 20, qui techniquement correspondait exactement<br />
aux appareils de la RRG. Au SFB furent alors réalisées deux<br />
copies de chaque bande : l’une en DAT (en vue, principalement,<br />
d’une future utilisation commerciale) et une copie sur bande<br />
(38 cm/seconde, avec système de réduction de bruit Telcom).<br />
Ainsi que Klaus Lang l’a par la suite précisé, « il y avait des<br />
transferts qui ne posaient absolument aucun problème, ainsi pour<br />
les lieder, assez courts, mais également des bandes<br />
effroyablement longues, si cassantes, vrillées ou fendues que<br />
seuls des efforts et un soin extrêmes pouvaient en rendre le<br />
sauvetage envisageable. Main dans la main, ce travail fut mené<br />
de front avec les archivistes qui, au préalable, avaient classé les<br />
bandes et réussi à établir une correspondance entre les intitulés<br />
difficilement lisibles en cyrillique et les étiquettes de la RRG. » Le