<strong>QUID</strong> <strong>NOVI</strong>Accusé de déceptionpar Laurence Bich-Carrière (Law III)Confessions d’une féministepar Karina Kesserwan (Law IV)14Je l’avoue. J’ai toujours euune vision naïve de l’égalitéhommes-femmes.Petite, je ne voyais rien debizarre dans ma préférencede construire des camionsgrueavec des pièces métalliquespendant que monfrère s’amusait à marier sespoupées. Adolescente, j’achetaismes pantalons dansle rayon des gars pour pouvoirprofiter de toutes cespoches qui me permettaientde stocker mes clés, monportefeuille et des livres delecture sans devoir m’encombrerd’une sacoche. Je n’aijamais compris pourquoi lespoliticiens mâles trainaientleurs épouses avec eux lorsdes voyages officiels,pourquoi la jupe est encoreportée dans les forces armées,pourquoi quelqu’unvoudrait criminaliser l’avortementou comment se fait-ilque « Miss Univers » est unconcours de beauté tandisque « Mr Univers » est unconcours de muscles. J’ai parailleurs toujours encouragétous les hommes indignés depayer plus cher pour leur assurance-autoque lesfemmes de porter l’affairedevant les instances appropriées.Pire : j’avais la fermeconviction qu’aucune personnemoindrement intelligenteet minimalementéduquée ne trouverait rien àredirelà-dessus.Je ne m’attendais pas à êtretiré en bas de mon nuageaussi brutalement que je l’aiété. C’était lors d’un souperentre amis. Tout se déroulaitpour le mieux. J’avais brûléle risotto et le bœuf n’étaitpas assez cuit, mais les convives,visiblement saouls surdu thé blanc à la pêche, n’enfaisaient pas grand cas et sedisputaient joyeusement ledernier morceau de pain à lafarine de blé entier certifiéebiologique. Et puis la bombeest tombée. « Moi, je neveux pas l’égalité hommesfemmes! » C’était la voixd’une de mes meilleurescopines. Je n’ai pas eu letemps d’évaluer l’hilarité dela blague qu’une autre demes amies l’appuyait bravement: « Moi non plus ! » Jen’arrivais pas à en croire mesoreilles : ce n’était pas uneblague ! Les hommesprésents ricanaient déjà dansleur barbe. Et mes copinesreprenaient de plus belle : «Moi, ce que je veux, c’est unhomme qui me protège », disaitl’une. « Moi, je ne veuxpas prendre des décisions :je veux simplement avoir lechoix ; mais que l’hommechoisisse », répliquait l’autre.« Moi je suis très bien capablede me protéger touteseule et prendre mes propresdécisions ! » Ça c’était moi,mais personne ne m’écoutait.La conversation atourné en une ode au
« vrai mâle », du genre qu’onne trouve plus au Québec(Dieu merci !).Bon, ce n’était pas la premièrefois que j’avais l’impressiond’être en présenced’extraterrestres. Il y a eu lafois où je me suis moquée àvoix haute d’un article dansune revue féminine qui vantaitle bonheur de laisser decôté sa carrière et de découvrirles vraies joies de la vieen consacrant son existenceà être mère (personne ne l’atrouvé drôle). Apparemmentj’ai été (1) intolérante duchoix de vie des autres et (2)inconsciente de tous les dangerset horreur dont regorgentles garderies. Et puistoutes celles où je suistombée sur des pages webparlant de la « vraie place dela femme », les « mythes duféminisme » ou mêmes celleencourageant la violenceconjugale et le viol sous prétexteque « dans le fond, ellele veut » (http://www.takenin h a n d . c o m ) .Miraculumpar Léonid Sirota (Law II)Mais cette fois-ci c’était différent.J’avais en face de moides femmes en chair et enos, des femmes que je respectais,qui me disaient trèsclairement qu’elles nevoulaient rien savoir de cetteégalité avec laquelle je leurrabattais les oreilles. Non, çane les dérangeait pas de voirles femmes à moitié nues surdes affiches publicitaires.Non, elles n’avaient rien àredire sur la présence desfemmes en politique ou dansles postes de direction. Non,ça ne les intéressait pasd’être en couple avec unhomme qui gagnait moinsqu’elles. Non, elles ne voyaientpas les talons hauts etle maquillage comme étantun symbole d’objectivation,mais plutôt comme une prisede pouvoir. Oui, ce qu’ellesvoulaient réellement c’étaitun prince charmant dans unedécapotable rouge, unmariage en blanc et le « ilsfurent toujours heureux eteurent beaucoup d’enfants ».Et qui j’étais moi pour leurdire ce qu’elles DEVRAIENTvouloir. L’argument est simple.Une des candidates àMiss Univers Canada le scandaithier sur la page d’actualitésdu Métro : « Si êtreféministe c’est la liberté dechoix, alors moi aussi, je suisféministe ». Je me suis tue etme suis contentée de sirotermonthé.À l’approche du 8 mars, je nedoute pas que les média,dont divers journaux étudiants,s’amuseront àremâcher la même vieillequestion qu’ils époussètentannée après année; le féminismea-t-il encore sa raisond’être? Je ne tomberai pasdans la moralisation. Je n’invoqueraipas les suffragettesou les 343 salopes. Je nerappellerai pas qu’Annie Mac-Donald Langstaff, premièrediplômée de notre vénéréefaculté en 1914, n’a été admiseau Barreau du Québecqu’à titre honorifique etseulement en 2006. LeMARCH 6, 2006féminisme n’est pas un culte.Il ne s’agit pas de vénérertoutes les Friedan et Beauvoirpour la sonorité de leursnoms. Le féminisme n’estpas un dogme. Il ne s’agitpas d’accepter aveuglementtous ses préceptes. Le féminismeest plutôt un questionnementconstant. C’est sedemander à chaque matin :est-ce que je choisis monmonde ? Suis-je un être humainà part entière quisculpte sa propre condition ?Puis, est-ce ce qui me définitest autre chose que meschromosomes ?Je l’avoue. J’ai toujours euune vision naïve de l’égalitéhommes-femmes. Je neblâmerai pas les « Bratz », lanouvelle gamme de produits« Barbie » de M.A.C. ou ledéficit de visages fémininsdans LEXPERT. Je ne peuxme blâmer que moi. Parceque trop de fois je me contentede siroter mon thé. Un miracle, c’est ce qu’il aurait presque fallu pour que lefruit de l’amour de Farah et Hani puisse exister dansune société égyptienne contemporaine où lesdifférences religieuses peuvent encore être un obstacle à uneunion.Le décor est planté dès le départ du court métrage :deux familles amies de longue date, de confessionsreligieuses différentes, mais qui s’apprécient au plus hautpoint et se respectent. Cependant aucune ne se doute queleur lien d’amitié est désormais scellé dans un amour naissantentre leurs enfants respectifs.Cet amour ne sera, hélas, pas assez fort pour dépasser ceclivage, une tragédie shakespearienne se répète, et un tabousocial est exposé quand leur religion devient un obstacle. Lapassion naissante entre Hani et Farah, point de départ del’histoire, est graduellement mise à mal, et on assisteimpuissant à sa dégradation jusqu’à sa mort.Sherif Nakhla, jeune réalisateur Egyptien, a voulu dépeindredans son film (diffusé à la faculté de droit le 31 janvierdernier) une intolérance qui malheureusement se décline entoutes langues et ne se limite à aucun pays. Cette fictionrejoint une réalité quotidienne que doivent affronterbeaucoup de jeunes, musulmans, juifs ou chrétiens.L’Association des Etudiants Arabes en Droit de McGill 4tenait à diffuser ce film afin d’offrir une scèned’expression à tous ceux qui veulent briser ces taboussociaux et dénoncer toute intolérance, quelle qu’elle soit.Au delà du sentiment personnel que l’on peut avoir du film,ce court métrage suscite le débat, du moins la réflexion,premier pas vers un dialogue ouvert et transparent.Association of McGill Arab Law Studentshttp://mcgillalsa.blogspot.com/15