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Médecine & Armée - Février 2010 - N°1 - École du Val-de-Grâce

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& Médecine<br />

Armées<br />

Revue du Service de santé des armées<br />

« Les besoins de prévention en santé<br />

des militaires d’active »<br />

Conférence publique<br />

École du Val-de-Grâce<br />

16 décembre 2009<br />

2 e partie<br />

Textes d’experts<br />

TOME 38 N°1 Février 2010<br />

ISSN 0300-4937


MÉDECINE ET ARMÉES<br />

SOMMAIRE<br />

Revue du Service de santé<br />

des armées<br />

T. 38 - n° 1 - Février 2010<br />

Direction centrale<br />

du Service de santé des armées<br />

Médecine et Armées<br />

1, Place Alphonse Laveran,<br />

75230 Paris Cedex 05.<br />

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />

MGI J. MARIONNET<br />

RÉDACTEUR EN CHEF<br />

MG J.-D. CAVALLO – Tél. : 01 40 51 47 01<br />

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION<br />

Mme M. SCHERZI<br />

Tél. : 01 40 51 47 44<br />

Fax : 01 40 51 51 76<br />

Email : medarmees@hiavdg.org<br />

ANGLAIS<br />

Col (r) J.-M. BLOT<br />

COMITÉ DE RÉDACTION<br />

CDC A. BENMANSOUR – MCS A.-X. BIGARD –<br />

PCS P. BURNAT – MCS J.-M- ROUSSEAU –<br />

VECS PH. ULMER – MCS D. VALLET.<br />

COMITÉ SCIENTIFIQUE<br />

MG P. BONNET – MGI BRUNOT – PGI J.-F.<br />

CHAULET – MG G. COUTANT – MGI É. DAL –<br />

MG T. DEBORD – MG P. DYÈVRE – MGI D.<br />

LAGARDE – MGI G. LAURENT – MG J.-L.<br />

MOREL – MGI M. MORILLON – MG J.-L.<br />

PERRET– GB C. TILLOY – MGI M. VERGOS.<br />

CONSEILLERS HONORAIRES<br />

MGI PH. ALLARD – MGI M. BAZOT – MGI<br />

B. BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI<br />

L. COURT – MGI J.-P. DALY – MGA<br />

J.DE SAINT JULIEN – MGI CL. GIUDICELLI –<br />

MGI J. GUELAIN – MGI J. KERMAREC –<br />

MGI CH. LAVERDANT – MGI P. LEFEBVRE –<br />

PGI LECARPENTIER – VEGI R. LUIGI –<br />

VGI CL. MILHAUD – MGI J. MINÉ – MCS<br />

CL. MOLINIÉ – MCS J.-L. PAILLER – MGI<br />

P. QUEGUINER – MGI J.-M. VEILLARD – MGI<br />

J. VIRET – MGI R. WEY.<br />

ÉDITION<br />

Délégué à l'information et à la communication<br />

de la Défense (DICoD) - BP 33,<br />

00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11<br />

ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN)<br />

ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 route<br />

du Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex.<br />

Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 59 92.<br />

Tarif des abonnements/1 an :<br />

• Métropole : 36,50<br />

• DOM-TOM par avion : 59,70<br />

• Étranger par avion : 70,00<br />

• Militaires et - 25 ans Métropole : 25,00<br />

• Militaires et - 25 ans DOM-TOM : 48,00<br />

Prix du numéro : 7,50<br />

Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agent<br />

comptable de l’ ECPAD.<br />

IMPRIMEUR ET ROUTAGE<br />

Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007<br />

Tulle Cedex.<br />

Tél. : 05 55 93 61 00<br />

Commission paritaire N° 0306 B 05721<br />

Dépôt légal : décembre 2008<br />

ISSN : 0300-4937<br />

COUVERTURE<br />

Ghislaine PLOUGASTEL<br />

gplougastel@graphisme.com<br />

1 re de couverture :<br />

Jury de la Conférence publique<br />

du 16 décembre 2009.<br />

École du Val-de-Grâce.<br />

© F. Teste.<br />

Pages<br />

003 • Éditorial.<br />

G. NÉDELLEC.<br />

005 • Avant-propos<br />

A. PASTOR.<br />

« LES BESOINS DE PRÉVENTION EN SANTÉ DES MILITAIRES D’ACTIVE »<br />

CONFÉRENCE PUBLIQUE. ÉCOLE DU VAL-DE-GRÂCE DU 16 DÉCEMBRE 2009. 2 e PARTIE – TEXTES D’EXPERTS<br />

007 • Prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des<br />

connaissances actuelles.<br />

X. BIGARD, J.-Y. CRACIC, S. BANZET.<br />

017 • Incidence et prévention des lombalgies en milieu militaire. Une base pour des recommandations.<br />

D. LECHEVALLIER.<br />

023 • Le surpoids en milieu militaire.<br />

L. BORDIER, B. BAUDUCEAU, O. DUPUY, H. MATAUDON, B. COLLE.<br />

025 • Prévention des risques infectieux des militaires en opérations extérieures.<br />

F. SIMON.<br />

029 • Le stress au sein de la population militaire : du stress opérationnel à l’état de stress<br />

post-traumatique.<br />

H. BOISSEAUX.<br />

037 • Besoins de prévention des militaires d’active. Les risques liés à l’alcool en milieu militaire.<br />

F. DE MONTLEAU.<br />

PRATIQUE MÉDICO-MILITAIRE<br />

049 • Secourisme de l’extrême avant chez les commandos Marine : les opérateurs de premiers<br />

secours de combat.<br />

X. ANN, J. STEPHAN, D. TRISTAN, S. GENEAU DE LAMARLIÈRE, J.-M. JACQUES, M. GROUD.<br />

055 • Prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre djiboutiens par deux équipes<br />

médicales d’unités en situation d’isolement.<br />

L. AIGLE, A. LE GOFF.<br />

063 • Rôle du médecin d’unité dans la présélection de donneurs volontaires pour une collecte de sang<br />

total en opération extérieure. État des lieux et perspectives d’amélioration.<br />

J. PONTIS, C. SARDA, A. SAILLIOL, P. MARLE, J.-P. DE JAURÉGUIBERRY.<br />

071 • Activité d’ophtalmologie au Groupement médico-militaire de Kaboul en 2007.<br />

R. VIGNAL.<br />

077 • Développement des médicaments génériques par la Pharmacie centrale des armées :<br />

application aux comprimés de doxycycline.<br />

D. BRETON, A.-C. OUSTRIC, I. BESSE-BARDOT, S. GRAFFEUIL.<br />

083 • Paludisme d’importation au retour de l’opération « Licorne » : à propos de 32 cas survenus<br />

au 2 e Régiment étranger de parachutistes.<br />

J. SAMY, L. AIGLE, M. CHINELATTO, A. WOLOCH.<br />

MISE AU POINT<br />

089 • Attentats au chlore en Irak : utilisation d’un toxique chimique en combat asymétrique.<br />

P. BURNAT, C. RENARD, F. DORANDEU, C. LEFÈVRE, C. BODELOT, F. CEPPA, F. FONTAINE.<br />

1


Médecin général des armées Gérard Nédellec.<br />

2


ÉDITORIAL<br />

En ces temps d’engagement fort de l’ensemble de la communauté Défense<br />

sur les théâtres d’opérations extérieures, le Service de santé des armées<br />

contribue, en relation directe avec le commandement et avec les partenaires<br />

du tissu médico-social de la Défense, à l’efficacité opérationnelle du militaire<br />

mais aussi à son équilibre personnel et à celui de sa famille. Dans ce cadre,<br />

les médecins d’unité ont un rôle essentiel de proximité au contact des forces<br />

sur le terrain.<br />

La loi de santé publique de 2004 et aujourd’hui la loi « Hôpital, patients,<br />

santé et territoires » sont des références en matière de politique de santé au<br />

sein de laquelle les hôpitaux d’instruction des armées jouent également un<br />

rôle important.<br />

Les armées ont des besoins spécifiques découlant de leurs missions. Pour<br />

identifier des domaines d’action où les besoins de prévention seraient encore<br />

insuffisamment ciblés ou développés, le Service de santé des armées s’est<br />

engagé avec la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, le<br />

commandement et les partenaires du monde médico-social dans un projet<br />

d’étude sur les besoins de prévention des militaires d’active. La méthode<br />

choisie, inspirée de la conférence de consensus de la Haute Autorité de Santé,<br />

est inédite et ambitieuse.<br />

La première conférence s’est tenue le 16 décembre 2009 à l’école du Val-de-<br />

Grâce. Les questions prioritaires de prévention en milieu militaire ont été<br />

abordées : stress, risques liés à l’alcool, risques infectieux en opération<br />

extérieure, lombalgies, surpoids, prévention des risques liés à la préparation<br />

physique. Les débats, animés par un jury placé sous l’autorité de son président,<br />

le Médecin général inspecteur Jean-Etienne Touze, ont été très riches et<br />

constructifs grâce à la qualité des interventions et des échanges avec le public.<br />

La synthèse des recommandations confiée au jury représente l’aboutissement<br />

d’un important travail collégial et original qui a mobilisé de nombreux experts<br />

militaires et civils. Les résultats en seront présentés au ministre de la Défense<br />

en mars prochain, et pourraient marquer de leur empreinte la future politique<br />

de prévention et d’éducation en santé au profit du monde de la Défense dans<br />

laquelle le Service de santé des armées impliquera totalement ses réflexions<br />

spécifiques, ses compétences reconnues et les moyens dont il dispose.<br />

Médecin général des armées Gérard Nédellec<br />

Directeur central du Service de santé des armées<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1 3


Monsieur Alain Pastor.<br />

4<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1


AVANT-PROPOS<br />

« LA GRANDE ENQUÊTE »<br />

Pendant très longtemps, l'assurance maladie a joué un rôle exclusif de caisse de<br />

remboursement des dépenses de soins. Certains ont utilisé le vocable de payeur<br />

aveugle, faisant ainsi allusion au seul rôle de comptable de l'institution sous la<br />

réserve bien entendu, des ententes préalables soumises à avis médical.<br />

Depuis plus d'une décennie à présent, les organismes d'assurance maladie<br />

s’intéressent au préventif et plus seulement au curatif. Les pouvoirs publics ont<br />

pris la mesure de l'intérêt des dépistages, de l'éducation pour la santé et de<br />

l'accompagnement avant la maladie.<br />

Insensiblement, le vocable d'assurance santé a pris une place importante à côté<br />

de la notion d'assurance maladie. Et si, en soi, sur le seul plan sémantique la<br />

notion « d'assurance santé » est contestable, elle a permis de faire émerger la<br />

prévention et de susciter l’adhésion grandissante de la population à celle-ci.<br />

La Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) a très tôt participé<br />

aux campagnes nationales de dépistage, mais a aussi jeté les bases d'une<br />

prévention adaptée aux risques spécifiques auxquels sont exposés les militaires<br />

et leur famille.<br />

Réflexe conditionné oblige, son action a commencé par des prises en charge<br />

financières, vaccination ou prévention lors de départs outre-mer par exemple.<br />

Dès lors que son action se « médicalisait », la CNMSS a fait appel au<br />

partenariat du Service de santé des armées (SSA) avec lequel elle mène des<br />

études depuis près de dix ans maintenant. Les moyens financiers sont bien sûr<br />

toujours nécessaires, et la CNMSS a fédéré les actions des partenaires du tissu<br />

médico-social de la Défense, mutuelles militaires, Action sociale des armées<br />

(ASA), Association générale de prévoyance militaire (AGPM).<br />

Ainsi, des réponses ponctuelles ont été données à des problèmes qui nous<br />

paraissaient à l'évidence être les plus prégnants. Et pourtant, ces actions, certes<br />

positives, laissaient un goût d'inachevé, de parcellisation et pour tout dire<br />

manquant d'ambition. Car enfin, aucune vision globale ne précédait les<br />

actions quelle que soit la qualité de celles-ci. La Défense voit passer entre<br />

« ses mains » 30 000 jeunes engagés chaque année ce qui représente un<br />

échantillon considérable.<br />

La Défense a des professionnels de santé: le Service de santé des armées.<br />

La Défense a une caisse d'assurance maladie : la CNMSS et sa base de<br />

données de soins.<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1 5


La conjonction de ces deux forces nous conduira à exploiter de véritables<br />

pépites d'enseignement dans le domaine de la santé publique.<br />

Le 9 janvier 2008, la mise en chantier de cette « grande enquête » a été décidée<br />

par le ministre de la Défense. Les travaux ont été menés dans les temps<br />

impartis grâce à une collaboration exemplaire entre la CNMSS et le SSA. Qu'il<br />

me soit permis ici de remercier le médecin général inspecteur Jean-Etienne<br />

TOUZE. Sans son autorité scientifique et morale, ces travaux n'auraient à<br />

l'évidence pas connu le même succès.<br />

Cette grande enquête n'est pas une fin en soi. À partir de ses enseignements,<br />

des actions seront décidées. Les travaux seront présentés au ministre de la<br />

Défense mais au-delà, il serait intéressant de les valoriser auprès du monde<br />

de la santé et de démontrer que si la Défense et son environnement ont un<br />

coût, ils peuvent aussi engendrer un retour sur investissement de grande valeur<br />

pour la nation.<br />

Des habitudes de travail ont été prises. Les chercheurs sollicitent aujourd'hui<br />

naturellement le fonds médical de la CNMSS pour leurs études.<br />

À l'inverse, la CNMSS et ses partenaires demandent la validation systématique<br />

de leurs messages de prévention au SSA.<br />

En matière d'accidentologie, la CNMSS dispose d'éléments d'information<br />

centralisés puisqu'elle traite pour le compte du SSA la prise en charge des soins<br />

en milieu civil en relation avec les affections, accidents ou maladies, présumées<br />

imputables au service.<br />

Et dès demain, c'est-à-dire dès 2010, elle assurera la prise en charge des soins<br />

médicaux gratuits pour les anciens combattants, c'est-à-dire conservera pendant<br />

toute la vie des intéressés le suivi des soins pour des accidents ou des maladies<br />

contractés en service.<br />

Le fond documentaire sera inestimable pour les médecins des armées mais<br />

aussi par exemple pour l'Observatoire de la santé des vétérans.<br />

Puissent les anciens militaires avoir reçu une éducation pour la santé qu'ils<br />

transmettront à leurs enfants.<br />

Puissent les habitudes de prévention rejaillir sur leur environnement.<br />

Puissent nos travaux avoir apporté une petite pierre, petite mais précieuse, à<br />

l'édifice de la santé publique.<br />

Monsieur Alain Pastor<br />

Directeur de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.<br />

6<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1


Dossier « textes d’experts »<br />

Prévention des risques liés à la préparation physique du<br />

militaire : synthèse des connaissances actuelles.<br />

X. Bigard a , J.-Y. Cravic b , S. Banzet c .<br />

a Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex.<br />

b Centre National des sports de la Défense, camp Guynemer – 77307 Fontainebleau Cedex.<br />

c Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de Brétigny-IMASSA, Base aérienne 217 – 91200 Brétigny sur Orge.<br />

Introduction.<br />

Au sein d’une armée professionnelle et compte tenu<br />

de l’évolution des conflits armés, la préparation physique<br />

du militaire est devenue une nécessité opérationnelle.<br />

C’est par l’entraînement physique adapté que les<br />

capacités et aptitudes physiques nécessaires à l’efficacité<br />

opérationnelle des troupes sont développées, et<br />

entretenues tout au long de la carrière. L’entraînement<br />

physique est ajusté en fonction d’objectifs précis<br />

(développement de l’endurance, la puissance, la vitesse,<br />

la force, etc.) sur la base d’activités militaires (marche<br />

avec sac à dos, parcours d’obstacles, sauts en parachute,<br />

escalade militaire, entraînement commando,<br />

aguerrissement, etc.) et sportive (course à pied, natation,<br />

marche-course, renforcement musculaire, etc.).<br />

En parallèle des besoins opérationnels, la pratique<br />

régulière de l’activité physique a aussi des effets<br />

bénéfiques pour la santé ; un bon état d’entraînement<br />

physique est maintenant parfaitement reconnu comme<br />

facteur de prévention de la survenue de très nombreuses<br />

pathologies (dysmétabolisme comme les états de diabète,<br />

hypertension artérielle, cancers, etc.).<br />

Par contre, l’activité physique régulière est assortie de<br />

risques pour la santé, dont la gravité varie entre deux<br />

extrêmes, la mort subite et les accidents musculosquelettique<br />

bénins. Pour les militaires, ces risques pour<br />

la santé sont d’une importance majeure; c’est ainsi que la<br />

fréquence de survenue de pathologies musculosquelettiques<br />

liées aux activités physiques militaires est si<br />

fréquente au sein de l’armée américaine qu’on est arrivé à<br />

parler d’ « épidémie cachée » (34).<br />

Il y a une véritable réflexion de fond à engager afin de<br />

tenter de maîtriser ces risques liés à la préparation<br />

physique. Cette réflexion se doit tout d’abord d’identifier<br />

les causes et les facteurs prédisposants, et de proposer des<br />

mesures et recommandations nécessaires afin d’assurer<br />

la maîtrise des risques. Les recommandations proposées<br />

seront reportées en encadré.<br />

X. BIGARD, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce. J.-<br />

Y. CRAVIC, médecin en chef, praticien confirmé. S. BANZET, médecin en chef,<br />

praticien confirmé.<br />

Correspondance : X. BIGARD, Institut de recherche biomédicale des armées<br />

(IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex.<br />

Pratique de l’activité physique dans<br />

les armées.<br />

On ne peut que rappeler tout l’importance de la<br />

préparation physique et mentale au combat, qui à terme,<br />

permet au militaire de faire face aux contraintes physiques<br />

et psychologiques de l’environnement opérationnel.<br />

Conçu comme étant une nécessité professionnelle et<br />

opérationnelle, l’entraînement physique militaire et<br />

sportif fait partie intégrante de la formation militaire<br />

générale. À une préparation physique initiale, fait suite<br />

une préparation spécifique définie en fonction du théâtre<br />

des opérations et des contextes d’emploi des troupes.<br />

L’efficacité de l’entraînement physique résulte d’une<br />

étroite collaboration entre le commandement, le Service<br />

de santé des armées (SSA) et la chaîne technique<br />

Éducation physique militaire et sportive (EPMS). Le rôle<br />

et l’implication des médecins du Service de santé des<br />

armées dans le suivi de la tolérance des programmes de<br />

préparation physique sont fondamentaux.<br />

R1. Les médecins affectés en unités opérationnelles<br />

(quelle que soit l’armée) doivent bénéficier d’une<br />

formation universitaire aux spécificités de la<br />

médecine et de la traumatologie du sport (dans le<br />

cadre de capacités, de diplômes universitaires ou du<br />

diplôme d’études spécialisées complémentaire).<br />

Cependant, la préparation physique des militaires<br />

résulte d’une responsabilité partagée entre le militaire qui<br />

doit se maintenir en condition physique et l’institution qui<br />

assure la formation en école, le suivi et le contrôle de<br />

l’entraînement et met en place des moyens.<br />

R2. Dans le cadre de leur formation en Écoles,<br />

les cadres officiers et sous-officiers doivent être<br />

informés des facteurs individuels et environnementaux<br />

de tolérance de l’entraînement physique.<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 07-16 7


Bien que variable suivant les armées, la pratique de<br />

l’activité physique par les militaires reste très importante,<br />

en comparaison avec le monde civil. Une enquête réalisée<br />

par Guezennec et collaborateurs en 1997 a permis de<br />

montrer que 79 % des militaires pratiquaient une activité<br />

sportive contre 48 % de la population française (17). Au<br />

moment de cette enquête, les militaires pratiquaient<br />

surtout des disciplines d’endurance (de faible intensité et<br />

de longue durée) et des sports collectifs. Environ 60% des<br />

militaires interrogés consacraient en moyenne plus de<br />

quatre heures par semaine au sport, en plus de la<br />

préparation spécifique militaire (exercices tactiques,<br />

marches avec port de charge, etc.).<br />

Compte tenu des nombreux engagements de nos<br />

troupes à l’extérieur du territoire, force est de constater<br />

que la préparation physique est devenue discontinue, la<br />

répétition des missions ne permettant pas le suivi d’un<br />

entraînement régulier, nécessaire afin de maintenir un<br />

niveau de condition physique minimal. Depuis 1997,<br />

nous n’avons aucune information sur le suivi et le coûtsanté<br />

de la préparation physique de nos armées ; c’est la<br />

raison pour laquelle une nouvelle enquête est<br />

actuellement en cours de réalisation, dans le cadre d’un<br />

partenariat entre la caisse nationale militaire de sécurité<br />

sociale, le Centre national des sports de la Défense et le<br />

Service de santé des armées. Cependant, une vigilance<br />

épidémiologique accrue est nécessaire au long cours, afin<br />

de surveiller la prévalence des accidents et d’évaluer<br />

l’efficacité de mesures de correction.<br />

R3. La relative pauvreté des informations<br />

épidémiologiques collectées actuellement<br />

en France justifie la création d’un « observatoire<br />

des pathologies liées à la pratique de l’activité<br />

physique ». Cet observatoire, sur la base d’une<br />

méthodologie simple et solide, permettrait<br />

d’identifier l’état actuel de l’incidence de ces<br />

pathologies, et d’évaluer l’efficacité des mesures<br />

interventionnelles mises en œuvre.<br />

Les risques liés à la préparation<br />

physique du militaire.<br />

Les risques pour la santé qui seront considérés ici,<br />

concernent des atteintes physiques ou organiques pour<br />

lesquelles le militaire consulte et/ou est hospitalisé,<br />

bénéficie d’un arrêt de travail, ou d’exemptions (ou<br />

restrictions d’emploi temporaires ou définitives). Ces<br />

pathologies ont donc des conséquences importantes pour<br />

la personne, la société et au plan économique.<br />

Les études épidémiologiques réalisées par l’armée<br />

américaine, des années 90 jusqu’à nos jours, indiquent<br />

que les pathologies liées à la préparation physique<br />

rendent compte de 30 % des hospitalisations et<br />

représentent 51 % de cas de réformes et de séquelles<br />

fonctionnelles (31, 39). Dans l’armée américaine, lors<br />

des périodes de classes dans les unités d’infanterie, le<br />

pourcentage de consultations pour maladies égale le<br />

pourcentage de consultations pour blessures (80 à 100<br />

consultations pour blessure pour 100 soldats par an) (20).<br />

Les risques liés à la pratique des activités physiques<br />

militaires sont majoritairement de deux ordres, de grande<br />

gravité lorsque les pathologies observées sont assorties<br />

d’un risque vital, ou de moindre gravité pour l’ensemble<br />

des pathologies de l’appareil locomoteur.<br />

Épidémiologie des risques vitaux.<br />

La pratique de l’activité physique est connue pour être<br />

pourvoyeuse de décès au cours ou au décours immédiat de<br />

l’effort, y compris chez des sujets jeunes sans aucune<br />

pathologie connue. Ces décès ont représenté<br />

approximativement 6% de l’ensemble des décès recensés<br />

dans les forces armées américaines entre 1996 et 1999<br />

(14); leur incidence était pour cette période de 4,3/100000<br />

personnes par année. Les causes les plus fréquentes sont<br />

les accidents cardiovasculaires, le coup de chaleur<br />

d’exercice et les noyades.<br />

Épidémiologie des blessures de l’appareil<br />

locomoteur.<br />

Les blessures liées à l’entraînement physique militaire<br />

sont très fréquentes. On a pu estimer que pour l’armée<br />

américaine, 20 % des hospitalisations sont liées à des<br />

problèmes musculo-squelettiques. Au sein de l’armée<br />

française, le sport apparaît aussi comme étant le premier<br />

pourvoyeur de traumatismes ; 28 % des militaires<br />

déclarent un traumatisme en relation avec une activité<br />

sportive et 26 % des arrêts de travail sont en relation avec<br />

les activités sportives (18). Plus récemment, le bureau<br />

Prévention et Maîtrise des Risques de l’état-major de<br />

l’armée de Terre a estimé que pour les années 2007-2008,<br />

les activités sportives sont responsables de 38 % des<br />

accidents en service, alors que les activités typiquement<br />

militaires sont du même ordre de grandeur (37%) (tab. I).<br />

Les risques vitaux.<br />

La pratique d’activités physiques intenses est connue<br />

depuis longtemps pour être parfois responsable de décès<br />

(le cas du soldat de Marathon en est un exemple célèbre),<br />

et ce même à l’exclusion des causes traumatiques qui ne<br />

seront pas envisagées ici. Les risques de décès résultent<br />

principalement d’accidents cardiovasculaires, de<br />

pathologies aiguës à la chaleur ou de noyade.<br />

Les accidents cardiovasculaires à l’effort.<br />

Leur incidence actuelle est mal connue au sein des<br />

armées françaises et aucune étude épidémiologique n’a<br />

été publiée depuis la professionnalisation. Les études les<br />

plus récentes concernent des populations de sportifs ou<br />

de militaires étrangers. D’une manière générale,<br />

la bibliographie ne donne pas une idée très précise de<br />

la prévalence des accidents cardiovasculaires à l’effort<br />

dans la mesure où elle ne s’intéresse qu’à la mort subite<br />

du sportif, et ne rend pas compte d’un certain nombre<br />

d’autres événements pathologiques (en particulier<br />

ischémiques).<br />

8 x. bigard


Tableau I. Accidentologie du personnel militaire de l'armée de Terre en<br />

métropole pour les années 2007 et 2008. Source: bureau Prévention et maîtrise<br />

des risques de l’État-Major de l’armée de Terre.<br />

nombre<br />

de cas<br />

2007 2008<br />

Les accidents cardiovasculaires à l’effort chez les<br />

sportifs sont classiquement répartis en deux grandes<br />

catégories ; 1) la mort subite au cours ou au décours<br />

immédiat d’une activité physique, qui concerne des sujets<br />

d’une tranche d’âge de 18 à 35 ans, sans antécédents ni<br />

facteurs de risques, 2) la pathologie athéromateuse qui<br />

affecte des personnes de plus de 35 ans, présentant un ou<br />

plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire.<br />

La mort subite d’origine cardiaque du sujet jeune.<br />

Elle se définit comme un décès non traumatique,<br />

inattendu, résultant d’une cause naturelle, et ayant lieu<br />

dans l’heure suivant l’apparition du premier symptôme;<br />

liée à l’exercice, elle survient au cours de celui-ci, ou dans<br />

l’heure qui suit son arrêt (13). La majorité de ces décès<br />

sont d’origine cardiovasculaire.<br />

Les études rétrospectives ou prospectives menées sur<br />

de grandes populations de sportifs estiment l’incidence<br />

de la mort subite d’origine cardiaque de 1 à 5pour100000<br />

sportifs (13), ce qui représente un risque 2 à 3 fois plus<br />

important que dans une population non sportive. Ces<br />

décès surviennent le plus souvent chez les hommes (sex<br />

ratio : 10/1), au cours de la deuxième décennie. Les<br />

principales étiologies retrouvées dans la population<br />

générale sont des anomalies cardiaques congénitales ou<br />

acquises non dépistées, des cardiomyopathies<br />

hypertrophiques (CMH), des dysplasies arythmogènes<br />

du ventricule droit, des cardiomyopathies dilatées ou des<br />

troubles du rythme de tous types. Le pourcentage des cas<br />

de mort subite sans étiologie confirmée après autopsie<br />

reste élevé, de 5 à 35% suivant les études.<br />

%<br />

nombre<br />

de cas<br />

Sport 1 396 40 1 061 38<br />

Activité physique<br />

militaire<br />

Activité<br />

professionnelle<br />

Déplacement en<br />

service<br />

%<br />

1 201 34 1 013 37<br />

433 12 339 12<br />

191 5 117 4<br />

Vie courante 137 4 108 4<br />

Trajet 112 3 93 3<br />

Tâches de sécurité<br />

ou de sûreté<br />

Déplacement sans<br />

lien avec le service<br />

20 1 19 1<br />

8 0 8 0<br />

Concours divers 3 0 0<br />

Missions de police 1 0 2 0<br />

Épidémiologie dans la population militaire.<br />

Une étude américaine a permis d’analyser la cause<br />

des décès d’origine non traumatique survenus chez les<br />

jeunes militaires entre 1977 et 2001, en identifiant<br />

clairement les cas liés à la pratique de l’exercice physique<br />

(38). Sur les 276 cas de morts subites répertoriés,<br />

l’origine cardiovasculaire représente 49 % du nombre<br />

total des décès non traumatiques.<br />

Les études publiées chez des militaires français sont<br />

anciennes et remontent toutes aux années quatre-vingt.<br />

Elles fournissent cependant des informations importantes<br />

sur les circonstances de survenue des accidents<br />

cardiovasculaires ; 1) ils surviennent quel que soit le<br />

niveau d’entraînement des sujets ; 2) au cours de<br />

n’importe quel type d’activité physique ; 3) même si les<br />

marches, marches course et footing, les activités<br />

physiques intenses occasionnent de nombreux accidents<br />

(16). Des données récentes partielles (données non<br />

publiées du département d’épidémiologie et de santé<br />

publique (DESP) nord) suggèrent qu’entre 2005 et 2008,<br />

environ 30 décès, dont 5 d’origine cardiovasculaire, sont<br />

survenus chez des jeunes militaires au cours d’exercices<br />

physiques. Cependant, ces données restent imprécises et<br />

aucune étude rétrospective ou prospective n’a été réalisée<br />

sur la population militaire française actuelle,<br />

professionnalisée, féminisée (environ 15 %), soumise à<br />

un rythme d’entraînement et de missions extérieures très<br />

différent de celui des années quatre-vingt. Ce constat ne<br />

fait que renforcer la recommandation R3.<br />

Les facteurs de risques.<br />

La mort subite d’origine cardiovasculaire survient sur<br />

un cœur ou des coronaires pathologiques. Le rôle du<br />

tabagisme chronique n’est pas avéré, mais la<br />

consommation récente, avant l’exercice, peut être à<br />

l’origine d’un spasme coronarien fatal. Enfin l’existence<br />

d’un état grippal dans la semaine précédant un exercice<br />

intense est un facteur de risque reconnu.<br />

Prévention de la mort subite du sujet jeune.<br />

La prévention de ces accidents toujours dramatiques<br />

repose sur la sélection médicale et la diffusion<br />

d’informations et de règles de pratique de l’activité<br />

physique. L’efficacité de la prévention par la sélection<br />

médicale a bien été démontrée dans une vaste étude<br />

prospective italienne portant sur 25 ans et regroupant<br />

42 386 jeunes sportifs (7). La mise en place d’une<br />

sélection médicale obligatoire pour l’inscription à un<br />

sport en compétition a fait reculer l’incidence des morts<br />

subites d’origine cardiovasculaire de 4,19/100 000 à<br />

2,35/100 000 sur les douze premières années de l’étude,<br />

puis à 0,87/100000 sur les treize années suivantes. Même<br />

si dans les armées françaises ou étrangères, il n’existe<br />

aucune donnée permettant de juger de l’efficacité de<br />

la sélection médicale, on ne peut pas imaginer que celle-ci<br />

puisse être remise en question.<br />

Le premier axe de prévention repose donc sur la<br />

sélection médicale ; les critères d’aptitude cardiovasculaire<br />

à la pratique du sport ont fait l’objet de propositions<br />

détaillées et de consensus, et sont disponibles dans<br />

la littérature (8).<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles<br />

9


R4. Les visites médicales d’engagement<br />

doivent être soigneusement conduites, avec une<br />

attention portée sur le dépistage d’anomalies<br />

cardiaques constitutives, et réalisation d’un ECG<br />

systématique. Au delà de cette visite médicale<br />

d’engagement, ce sont toutes les visites systématiques<br />

d’aptitude au service qui sont importantes,<br />

même chez le sujet jeune.<br />

R5. Les règles simples d’utilisation de défibrillateurs<br />

automatisés externes doivent être<br />

rappelées, y compris pour le personnel non-médecin<br />

(cadres de contact, officiers et sous-officiers).<br />

Le second axe de prévention repose sur une prévention<br />

de masse. De nombreuses études, menées notamment<br />

en milieu militaire, insistent sur l’importance des<br />

prodromes apparaissant à l’exercice, comme les syncopes<br />

et douleurs thoraciques, des essoufflements inhabituels<br />

et des palpitations (3). La large diffusion des « Dix<br />

règles d’or de la bonne pratique sportive », proposée par<br />

le club des cardiologues du sport contribue aussi à<br />

la prévention de ces accidents cardiovasculaires en<br />

relation avec l’exercice.<br />

R6. Assurer une large diffusion des recommandations<br />

édictées par les sociétés savantes nationales<br />

reconnues dans le domaine de la médecine du sport.<br />

C’est le cas des recommandations proposées par le<br />

club des cardiologues du sport:<br />

– respect d’un échauffement et d’une récupération<br />

de 10 minutes lors des activités physiques,<br />

– hydratation régulière, toutes les 30 minutes<br />

d’exercice,<br />

– jamais de consommation de cigarette 1 heure<br />

avant, ni 2 heures après l’exercice,<br />

– jamais d’automédication ou de consommation de<br />

substance améliorant les performances,<br />

– pas d’exercice physique en cas de fièvre, ou après<br />

un épisode grippal,<br />

–consultation en cas de douleur inexpliquée<br />

dans la poitrine survenant au cours de<br />

l’exercice, de malaise, de palpitations, ou<br />

d’essoufflement anormal.<br />

La pathologie ischémique.<br />

L’exercice physique intense peut aussi être un<br />

déclencheur d’infarctus du myocarde (IDM) conduisant<br />

parfois au décès (42). Les mécanismes physiopathologiques<br />

retrouvés sont classiquement la rupture<br />

de plaque avec thrombose et spasme coronaire, mais<br />

aussi des spasmes coronaires seuls qui pourraient<br />

être plus fréquents chez les sportifs que chez les<br />

sujets sédentaires.<br />

Épidémiologie.<br />

L’incidence des IDM au cours ou au décours immédiat<br />

de l’exercice est mal connue et n’a pas fait l’objet d’études<br />

à grande échelle publiée. Les IDM liés à l’exercice<br />

semblent représenter une faible proportion de la totalité<br />

des IDM recensés dans la population générale. Les<br />

IDM non mortels survenus lors d’une activité sportive<br />

ont une incidence approximative de 2,2/100 000<br />

à 2,4/100 000 habitants/an, avec un pic de fréquence<br />

entre 45 et 64 ans.<br />

La survenue de ces accidents dans la population<br />

militaire est connue et on a pu estimer que les IDM<br />

représentent plus de 50 % des décès par mort subite (14).<br />

Dans l’armée française, l’incidence des IDM au cours de<br />

la pratique sportive varie de 3/100 000 à 4/100 000 (37).<br />

Le recueil épidémiologique du SSA a recensé dix décès<br />

par IDM survenu au cours ou au décours d’un effort chez<br />

les militaires français sur la période 2005 et 2008<br />

(données DESP nord). Les circonstances de survenue<br />

sont le plus souvent mal définies, en particulier les<br />

notions de séance à caractère obligatoire ou relevant d’un<br />

examen ne sont pas connues.<br />

Facteurs de risques.<br />

Les facteurs de risques intrinsèques sont les facteurs de<br />

risque cardiovasculaire (FRCV) classiques, avec le<br />

tabagisme, les dyslipidémies et l’obésité. Par ailleurs le<br />

risque relatif d’IDM à l’effort est très supérieur chez les<br />

sujets peu entraînés (33). Enfin la prise d’une douche<br />

chaude ou l’inhalation de fumée de tabac immédiatement<br />

après l’effort sont retrouvés dans plus de 10 % des cas<br />

d’IDM au décours de l’effort. Par ailleurs, on a pu<br />

identifier des facteurs de risques extrinsèques comme le<br />

stress, la pollution atmosphérique et les conditions<br />

climatiques défavorables comme un froid intense ou une<br />

chaleur excessive.<br />

Prévention.<br />

La prévention des accidents cardiovasculaires<br />

ischémiques repose sur trois types d’actions:<br />

– la sélection médicale et la définition de l’aptitude est<br />

un point clé de la prévention. Les recommandations citées<br />

plus haut s’appliquent pleinement et insistent sur la<br />

détection par interrogatoire des FRCV. Le recours à une<br />

consultation cardiologique pour des examens<br />

complémentaires est recommandé devant toute anomalie<br />

à l’examen clinique ou l’ECG de repos, ainsi que pour<br />

tout homme de plus de 40 ans ou toute femme de plus de<br />

55 ans présentant 2 FRCV;<br />

R7. Les visites systématiques annuelles pour le<br />

personnel au delà de 35 ans, doivent être conduites<br />

avec un grand sérieux, surtout en cas de facteur de<br />

risque cardio-vasculaire associé (HTA, surcharge<br />

pondérale, etc.). La prise en charge de ces facteurs de<br />

risque doit être systématique et le personnel doit être<br />

sensibilisé à la nécessité absolue de consulter en cas<br />

de moindre gène, douleur ou d’essoufflement<br />

anormal au cours de l’effort physique.<br />

10 x. bigard


– la prise en charge personnalisée des patients à<br />

FRCV avérés doit être complète, s’entendant jusqu’aux<br />

conseils dans les modalités de pratique des activités<br />

physiques. Une information des symptômes qui doivent<br />

alerter l’individu et l’amener à consulter au plus vite doit<br />

être apportée;<br />

– enfin la prévention repose sur des actions de masse<br />

avec sensibilisation des individus sur des règles d’hygiène<br />

de vie (lutte contre les FRCV) et sur des règles de bonne<br />

pratique du sport. On doit ici s’appuyer sur la diffusion<br />

des « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive » (voir<br />

la recommandation R5). Un enseignement des gestes de<br />

premier secours et de l’utilisation du défibrillateur semiautomatique<br />

pourrait être utile dans ces actions de masse.<br />

Le coup de chaleur d’exercice.<br />

Le coup de chaleur d’exercice (CCE) est la forme la plus<br />

grave des pathologies liées à la chaleur et présente un risque<br />

important de décès. Il se caractérise par l’association d’une<br />

hyperthermie supérieure à 40 °C, de signes neurologiques<br />

centraux et d’une rhabdomyolyse d’intensité variable; le<br />

tout survient chez des sujets sains, pendant ou au décours<br />

immédiat d’un effort physique intense et prolongé dans une<br />

ambiance plus ou moins défavorable (4).<br />

Épidémiologie.<br />

Parmi les recrues américaines, les CCE sont<br />

responsables de 16 % des décès non traumatiques (38).<br />

L’entraînement physique et les opérations menées en<br />

climat chaud sont souvent retrouvés ; le port de tenues<br />

militaires (treillis, protections balistiques et dans les<br />

conditions les plus extrêmes équipements de protection<br />

NRBC) représente une contrainte pour la dissipation de la<br />

chaleur, augmentant le risque de CCE (30).<br />

L’épidémiologie de cette pathologie est bien connue pour<br />

le SSA puisqu’elle fait l’objet d’une surveillance<br />

épidémiologique spécifique depuis 1995. Dans un<br />

rapport récent portant sur trois années (2005-2007), 322<br />

cas de CCE ont été rapportés. L’incidence du CCE est<br />

évaluée à 31,2/100 000 en moyenne, l’incidence outremer<br />

étant 2,5 fois plus élevée qu’en métropole. Enfin,<br />

dans 60 % des cas déclarés, l’accident survient au cours<br />

d’une marche course.<br />

Les facteurs de risques.<br />

Les facteurs de risques de survenue d’un CCE sont<br />

principalement les facteurs climatiques, les facteurs<br />

individuels de moins bonne tolérance à la chaleur,<br />

auxquels s’ajoutent des facteurs plus circonstanciels.<br />

Les facteurs intrinsèques sont l’âge (>40 ans), une<br />

petite taille, une faible capacité aérobie. Le rôle<br />

du surpoids ou d’un index de masse corporelle élevé a<br />

été discuté, mais n’est pas toujours retrouvé. Les<br />

antécédents personnels d’intolérance à la chaleur, de<br />

pathologie cardiovasculaire, d’anomalie métabolique<br />

ou maladie cutanée compromettant la sudation<br />

constituent un risque supplémentaire.<br />

Les risques surajoutés sont une prise médicamenteuse<br />

ou une vaccination récente. Les risques intrinsèques<br />

circonstanciels sont extrêmement importants dans<br />

la genèse du CCE, les plus importants étant la<br />

déshydratation, la fatigue, la privation de sommeil,<br />

l’absence d’acclimatation à la chaleur ou une très forte<br />

motivation. Les facteurs extrinsèques sont des facteurs<br />

d’ambiance climatique qui compromettent la<br />

thermorégulation (6).<br />

Prévention.<br />

Les bases de la prévention des pathologies liées à la<br />

chaleur sont:<br />

– la sélection médicale. Elle est incontournable<br />

et repose sur la recherche de facteurs de risques constitutifs<br />

ou passagers (vaccinations, état infectieux…) qui<br />

contre-indiqueraient la pratique sportive en ambiance<br />

climatique à risque;<br />

– l’amélioration de la tolérance individuelle à la chaleur<br />

(entraînement, acclimatation, hydratation);<br />

– la réduction de la charge thermique (se protéger de la<br />

chaleur ambiante), qui repose aussi sur l’adaptation des<br />

exercices aux contraintes climatiques, le respect de<br />

périodes de repos, le port de vêtements adaptés au climat,<br />

et l’application de règles d’hydratation. L’utilisation de<br />

supports pédagogiques adaptés peut être d’une grande<br />

importance. L’utilisation d’outils prédictifs basés sur une<br />

mesure objective simple, celle de la température WBGT<br />

(Wet Bulb Globe Temperature) est très utile à la<br />

caractérisation de l’ambiance climatique.<br />

R8. Les cadres officiers et sous-officiers doivent<br />

être correctement informés des moyens individuels<br />

d’amélioration de la tolérance du climat chaud. Au<br />

sein des unités, les médecins doivent jouer un rôle<br />

prépondérant pour véhiculer ces informations.<br />

R9. Il est recommandé d’actualiser les moyens<br />

déjà existant d’aide décisionnelle au travail à la<br />

chaleur, en prenant en compte les situations<br />

d’activité physique avec équipements militaires.<br />

En conclusion de ce chapitre, il faut rappeler les<br />

dangers encourus par l’utilisation de substances dopantes<br />

ou ayant pour finalité d’améliorer les performances.<br />

Certaines de ces substances peuvent être impliquées dans<br />

la survenue d’accidents vitaux par IDM ou CCE. Dans les<br />

armées françaises, on peut logiquement craindre une<br />

augmentation de la déclaration de consommation de<br />

certains médicaments censés améliorer les performances<br />

physiques (18). Même si « l’automédication » reste<br />

cependant difficile à quantifier et à appréhender, ce<br />

phénomène semble accru ces dernières années, ce qui<br />

doit inciter à la vigilance ; il nécessite une information<br />

juste, en particulier au regard des achats de substances<br />

pharmacologiques sur internet.<br />

Les lésions musculo-squelettiques.<br />

La survenue de blessures et lésions musculosquelettiques<br />

liées à la préparation physique militaire<br />

est un problème majeur en termes de coût social et<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles<br />

11


R10. L’attention des cadres de contact doit être<br />

attirée sur les dangers de l’utilisation de substances<br />

destinée à améliorer les performances. L’accent doit<br />

être mis sur les risques liés aux achats de produits<br />

non-contrôlés sur internet, sur l’efficacité plus que<br />

douteuse de nombre de produits proposés, et de leurs<br />

effets adverses sur la santé.<br />

d’altération de la capacité opérationnelle des unités.<br />

Ces blessures expliquent une partie des dépenses pour<br />

des affections présumées imputables au service<br />

(DAPIAS) qui sont en permanente augmentation<br />

depuis un certain nombre d’années. Leur taux peut être<br />

estimé à 10 à 15 pour 100 recrues par mois pour les sujets<br />

masculins ; il s’élève avec la sévérité de l’entraînement,<br />

s’élevant jusqu’à 30-35 pour 100 recrues pour les<br />

commandos marine.<br />

Ce taux de blessure atteint 15 à 25pour100 recrues pour<br />

les sujets féminins. Les recrues féminines souffrent en<br />

effet de presque deux fois plus de traumatismes musculosquelettiques<br />

que leurs homologues masculins. En<br />

particulier, les femmes ont un risque accru de 1, 2 à 10 fois<br />

supérieur de souffrir de fracture de fatigue que leurs<br />

homologues masculins (19). Bien que cette question soit<br />

débattue, il semble que le taux élevé de blessures observé<br />

chez les recrues féminines ne soit pas lié au sexe, mais à un<br />

niveau plus faible de condition physique au moment de<br />

leur incorporation (19) (tab. II).<br />

Tableau II. Les blessures les plus fréquentes parmi les hommes et les femmes<br />

lors du même programme d’entrainement physique militaire initial dans<br />

l’armée américaine (19).<br />

Classement Hommes Femmes<br />

1 Lombalgies (7,3 %) Lésions musculaires (15,6 %)<br />

2 Tendinopathies (6,5 %) Fracture de fatigue (12,3 %)<br />

3 Entorses (4,8 %) Entorses (5,9 %)<br />

4 Lésions musculaires (3,2 %) Tendinopathies (5,5 %)<br />

5 Fracture de fatigue (2,4 %) « Genou forcé » (2,1 %)<br />

Selon l’expérience américaine, les quatre principaux<br />

diagnostics portés au cours de consultations médicales<br />

sur les théâtres de combats (Irak et Afghanistan) sont les<br />

lésions orthopédiques survenant en dehors des opérations<br />

de combat, les affections respiratoires, les affections<br />

cutanées et les affections gastro-intestinales (36). Durant<br />

la guerre du Golfe, les lésions de l’appareil musculosquelettique<br />

(13 %) représentaient la seconde cause<br />

d’hospitalisation sur le théâtre d’opération, soit trois fois<br />

plus que le taux d’admission pour des blessures liées au<br />

combat (43). Enfin, les exemptions partielles de service<br />

pour les jeunes recrues de l’armée américaine se révèlent<br />

être de 5 à 22 fois plus importantes pour les blessures<br />

musculosquelettiques que pour les maladies (tab. III).<br />

Tableau III. Nombre de jours d’indisponibilité par type de blessure musculosquelettiques<br />

chez des militaires appartenant à une unité d’infanterie (26).<br />

Blessures<br />

Nombres de jours<br />

d’indisponibilité<br />

par blessure<br />

Fractures 103,2<br />

Entorses 16,7<br />

Autres blessures traumatiques 7,6<br />

Tendinites 7<br />

Foulures 3<br />

Douleurs musculosquelettiques 2,8<br />

Les différents types de blessures musculosquelettiques.<br />

La littérature recense deux types de blessures musculosquelettiques:<br />

celles survenant de manière aiguë (comme<br />

les entorses de cheville ou de genou) et celles survenant de<br />

manière plus insidieuse par hyper-sollicitation comme<br />

les pathologies tendineuses.<br />

Les blessures les plus fréquentes lors de l’entraînement<br />

physique régulier et progressif sont les atteintes microtraumatologiques<br />

par hyper-sollicitation (60 % à 80 %<br />

chez les recrues de l’US Army) (tab. II).<br />

Les lésions du membre supérieur n’entraînent qu’un<br />

faible nombre d’exemptions totales de service. À<br />

l’inverse, les lésions du membre inférieur sont très<br />

fréquentes. Les lésions orofaciales surviennent au cours<br />

de nombreuses activités militaires comme le parcours<br />

d’obstacle, les entraînements au corps à corps (à main<br />

nues ou à la baïonnette). Une attention particulière doit<br />

être portée aux fractures de fatigue en raison de leur<br />

fréquence et de leur retentissement sur l’aptitude<br />

physique et le taux de réformes, en particulier chez le<br />

personnel féminin. Elles surviennent chez environ 3 % à<br />

6 % des recrues masculines lors des classes dans l’armée<br />

américaine (22) et chez environ 4 % à 21 % des recrues<br />

féminines, avec possibilité de localisations fémorale ou<br />

iliaque (23). Ces fractures de contrainte peuvent conduire<br />

à des fractures vraies, qui consolident lentement ou<br />

incomplètement.<br />

Il convient d’insister enfin sur le retentissement<br />

psychologique et sociologique de la blessure chez le<br />

militaire régulièrement entraîné qui vit sa blessure<br />

comme un drame, avec une sensation d’échec vis-à vis de<br />

lui-même et de son entourage.<br />

Les facteurs de risque de blessures musculosquelettiques<br />

liés à la préparation physique<br />

militaire.<br />

Identifier et comprendre les facteurs de risque est<br />

un des points clés pour développer des méthodes de<br />

prévention et de lutte contre les blessures musculosquelettiques.<br />

On peut classiquement identifier des<br />

facteurs intrinsèques, liés à la personne, et des facteurs<br />

extrinsèques (plutôt reliés à l’environnement).<br />

12 x. bigard


Facteurs intrinsèques.<br />

L’âge.<br />

Le risque de blessure augmente généralement avec<br />

l’âge, même si les résultats sont discordants selon les<br />

études. C’est ainsi que lors de la formation militaire<br />

initiale, les individus les plus âgés (>23 ans) seraient<br />

le plus susceptibles d’être blessés. Mais chez les militaires<br />

plus âgés, on constate une baisse du taux de blessures,<br />

probablement liée à une moindre exposition aux risques<br />

de blessures (21).<br />

Le sexe.<br />

Le risque est généralement plus élevé chez les femmes.<br />

Chez les jeunes recrues, un taux de blessures d’hypersollicitation<br />

de 1,5 à 2 fois supérieur a été constaté chez les<br />

femmes. Au sein de l’armée américaine, ce taux plus<br />

élevé de blessures chez les femmes, peut être lié à une<br />

condition physique absolue plus faible (21). En effet, à<br />

condition physique égale (même vitesse de course à pied<br />

et donc même niveau d’endurance cardiorespiratoire), le<br />

risque de blessure est identique dans les deux populations.<br />

Les facteurs anatomiques.<br />

De nombreuses particularités anatomiques ont<br />

été incriminées comme facteurs de risque de blessures<br />

par hyper-sollicitation (pieds plats, inégalité de<br />

longueur des membres inférieurs, genu valgum, genu<br />

varum, etc.), mais ce facteur de risque potentiel reste<br />

très incertain (10).<br />

L’index de masse corporelle.<br />

La relation entre la composition corporelle et le risque<br />

de blessure est complexe et nécessite des études<br />

complémentaires. Quand une relation est trouvée entre la<br />

masse grasse et le risque de blessures, la relation est<br />

bimodale (en forme de U) ; les femmes avec des<br />

pourcentages très élevés ou très faibles de masse grasse<br />

présentent un risque important de blessure d’hypersollicitation<br />

des membres inférieurs (15).<br />

Le niveau d’aptitude physique.<br />

Le risque de blessure est généralement plus élevé pour<br />

les individus ayant la moins bonne condition physique ou<br />

ayant eu une vie sédentaire avant de rejoindre l’armée (19,<br />

35). Les capacités en endurance semblent être un assez<br />

bon facteur prédictif du risque de blessures, les sujets<br />

ayant les plus mauvaises performances en course à pied<br />

(1, 6 ou 2,4 km) étant le plus à risque, aussi bien pour les<br />

hommes que pour les femmes.<br />

La souplesse.<br />

Le stretching, longtemps préconisé avant et après<br />

l’effort, ne semble pas efficace dans un but de réduction<br />

des blessures. Il est cependant maintenu dans tous les<br />

programmes des armées américaines, britanniques et<br />

australiennes, en particulier pour le maintien des<br />

amplitudes articulaires.<br />

Le tabac.<br />

La consommation de tabac constitue un facteur de<br />

risque reconnu dans la survenue de lésions<br />

musculosquelettiques, en particulier de fractures<br />

de fatigue. Jones et collaborateurs ont montré que les<br />

recrues ayant une consommation supérieure à dix<br />

cigarettes par jour (ou plus) ont environ 50 % de risques<br />

de plus de contracter une blessure liée à l’exercice que<br />

les non-fumeurs (23).<br />

Les facteurs psycho-comportementaux.<br />

Comme dans la population générale, la prise de risque<br />

peut être majorée chez les jeunes militaires de moins de<br />

30 ans: des facteurs intra-personnels comme la recherche<br />

de sensations, l’impulsivité, l’agressivité, la trop grande<br />

confiance en soi et l’instabilité émotionnelle accroissent<br />

le risque de blessures. Enfin, d’autres facteurs peuvent<br />

majorer les risques, comme la pression des camarades ou<br />

des parents, ou la qualité du commandement et les<br />

relations avec les cadres de contact.<br />

Facteurs extrinsèques.<br />

Les modalités d’entraînement.<br />

La progression rapide de la charge d’entraînement lors<br />

de la période des classes aura des répercussions sur le taux<br />

de blessures. Pendant cette période, le nombre de<br />

blessures est plus important, sans notion de sexe ou de<br />

niveau sportif préalable.<br />

Pour être efficace, un entraînement doit comporter une<br />

charge de travail suffisante et des qualités spécifiques. Il a<br />

été montré que les caractéristiques de l’entraînement<br />

(fréquence, durée et intensité de l’exercice) sont en<br />

relation avec la survenue de blessures (2). C’est ainsi que<br />

le taux de blessures augmente avec le volume d’activités<br />

physiques par semaine, au même titre que le type,<br />

l’intensité, la fréquence, la durée et les variations brutales<br />

de programmes d’entraînement.<br />

Le taux de blessures élevé dans ces premières semaines<br />

indique que le changement brutal du niveau d’activité<br />

physique est en cause, surtout si les jeunes recrues n’ont<br />

pas d’expérience des activités locomotrices comme la<br />

course à pied.<br />

Le type d’activité.<br />

Le port de charges lourdes (sac à dos, tâches de<br />

manutention militaires) et/ou les marches de longue<br />

distance sont des situations à risque de survenue<br />

de blessures musculosquelettiques (27). Le risque<br />

de lésion de l’appareil locomoteur est beaucoup<br />

plus élevé pour une activité comme la course à pied<br />

(>25 miles par semaine) que pour la marche avec sac à dos<br />

ou l’ordre serré (41).<br />

Les chaussures.<br />

Pour les orthèses plantaires, les résultats des différentes<br />

études sont inconstants. Le seul point acquis est que<br />

les chaussures de sport usagées ou vieilles sont associées<br />

avec un risque accru de fractures de fatigue. Cependant,<br />

le port de différentes chaussures militaires (chaussures<br />

en cuir ou en toile plus légère) dans l’armée américaine<br />

semble avoir peu d’effets sur la survenue de fractures<br />

de fatigue (23).<br />

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prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles<br />

13


Les surfaces d’entraînement.<br />

De manière surprenante, il ne semble pas y avoir<br />

d’étude indiquant que le fait de courir sur des surfaces<br />

dures (macadam) soit un facteur de risque de blessures.<br />

L’environnement.<br />

Une étude a montré que les blessures musculosquelettiques<br />

sont plus fréquentes en saison chaude<br />

et inversement moins fréquentes en automne. Plus<br />

les températures sont élevées, plus le taux de blessures<br />

est important avec des implications sur le plan<br />

d’entraînement et/ou l’hydratation (24). À l’inverse,<br />

l’entraînement par temps froid favorise la survenue de<br />

péri tendinites achilléennes ce qui renforce l’intérêt de<br />

l’échauffement et du port de vêtements adéquats (32).<br />

Prévention des facteurs de risque.<br />

Une fois les facteurs de risque identifiés, il convient de<br />

proposer une prévention et de tester les résultats de ces<br />

actions de prévention. La directive du SSA de 1984<br />

(BOEM 683) relative à la prévention des accidents<br />

médicaux liés à l’entraînement physique et sportif est le<br />

seul document dans les armées organisant la prévention<br />

des accidents liés à l’entraînement militaire. Elle insiste<br />

sur la sélection et la catégorisation médico-physiologique,<br />

l’éducation des personnels (que ce soit les pratiquants<br />

et/ou l’encadrement) ainsi que sur les mesures d’urgence<br />

adaptées en cas d’accidents lors de la pratique sportive.<br />

Cette directive souligne l’importance de la formation des<br />

médecins d’unité dans le domaine du contrôle médicophysiologique<br />

de l’entraînement physique et des sports.<br />

Les ajustements et modifications d’entraînement.<br />

Les mesures envisageables sont orientées d’une part<br />

sur la quantité et le niveau de l’entraînement physique,<br />

d’autre part sur la condition physique des militaires. Des<br />

recommandations dans la mise en œuvre des programmes<br />

d’entraînement physique doivent être rappelées:<br />

– respecter un entraînement progressif pour permettre<br />

aux recrues de s’adapter. L’augmentation de la charge<br />

d’entraînement ne doit pas dépasser 10 % à 15 % par<br />

semaine. Il convient d’insister d’abord sur les activités<br />

aérobies avant de passer aux activités anaérobies et au<br />

renforcement musculaire (25);<br />

– alterner un jour de travail intense et un jour de travail<br />

léger doit être de règle;<br />

– réduire le kilométrage en course à pied : différentes<br />

études civiles et militaires suggèrent que la réduction du<br />

kilométrage en course à pied diminue le taux de blessures<br />

avec peu d’effets sur la condition aérobie jugés par les<br />

résultats aux tests de contrôle biannuels;<br />

– pratiquer des séances « d’interval-training » avec des<br />

répétitions de sprints, alternant avec une marche de 90<br />

sec;<br />

– respecter les groupes de niveau en course à pied, ce qui<br />

permet aux jeunes recrues de courir à des vitesses<br />

adaptées à leur faible niveau de condition physique et<br />

d’éviter une fatigue excessive;<br />

– proposer des exercices différents tout au long de la<br />

semaine (entraînement croisé ou « cross-training »),<br />

même si aucune étude ne confirme pour l’instant que des<br />

entraînements différents chaque jour réduisent la<br />

survenue de blessures;<br />

– utiliser la natation comme élément de récupération ou<br />

comme entraînement peut être utile.<br />

Enfin, pour les jeunes recrues, les programmes<br />

d’entraînement reposant sur des exercices de course<br />

à pied un jour sur deux, avec un repos de deux jours<br />

par semaine sans course à pied ou marche ont montré<br />

leur efficacité (5).<br />

R11. Il est proposé de rédiger des mémentos<br />

thématiques adaptés aux cadres de contact,<br />

consacrés à la bonne pratique individuelle de la<br />

préparation physique ciblée, à l’hydratation, la<br />

nutrition, la gestion physiologique de l’éveil, etc.<br />

L’objectif de ces mementos simples et pratiques est<br />

de limiter la survenue d’accidents ou de pathologies<br />

réactionnelles à la préparation physique du militaire.<br />

L’efficacité d’un programme de travail physique<br />

spécifique avant l’entrée dans l’institution militaire<br />

a été évalué, afin d’améliorer le niveau de condition<br />

physique des recrues et diminuer le risque de survenue<br />

de blessure. Ce programme a permis une diminution<br />

de 23 % du taux de blessures pendant les classes, ce<br />

qui renforce l’importance des qualités physiques<br />

à l’engagement, élément majeur dans la tolérance<br />

individuelle de la phase initiale de préparation physique.<br />

Les modifications d’équipement.<br />

Il semble maintenant bien établi que le port d’une<br />

orthèse de cheville par-dessus la chaussure chez les<br />

parachutistes permet de diminuer la survenue d’entorses<br />

de cheville. En effet, il a été constaté que survenaient de 8<br />

à 14 traumatismes par 1 000 sauts d’aéronefs et que de<br />

30 % à 60 % de ces traumatismes étaient des entorses de<br />

cheville et que le port d’orthèses abaissait ce taux.<br />

Si la prévention des blessures du membre inférieur par<br />

le port de semelles intérieures en Sorbothane ® ou<br />

néoprène a montré de nombreuses limites (11), le port de<br />

chaussures avec semelles en polyuréthane s’est révélé<br />

capable de diminuer les blessures du membre inférieur<br />

chez les jeunes recrues féminines (40). La pratique du<br />

sport avec chaussures de sport usagées (>600 km) est un<br />

facteur de risque de blessures du membre inférieur et un<br />

des objectifs d’un programme de prévention fut de faire<br />

acheter des chaussures de sport neuves avant de<br />

commencer les classes.<br />

Des études sur les traumatismes oro-faciaux ont été<br />

menées dans l’armée américaine et ont prouvé l’intérêt du<br />

port d’un protège-dents lors d’activités comme le combat<br />

au bâton, à la baïonnette, le corps à corps et le parcours<br />

d’obstacle (12).<br />

Une piste intéressante proposée dans la prévention des<br />

blessures est l’utilisation de programmes d’entraînement<br />

à visée proprioceptive, avec des planches instables dans<br />

14 x. bigard


les différents plans de l’espace (plateau de Freemann). On<br />

a pu ainsi diminuer l’incidence des blessures de cheville,<br />

voire des blessures du genou comme la rupture du<br />

ligament croisé antéro-externe (1).<br />

De même, des interventions nutritionnelles ont été<br />

envisagées, mais non adoptées dans l’armée américaine,<br />

comme la prescription de calcium et vitamine D à titre<br />

préventif ou bien la prise de contraceptifs oraux chez les<br />

femmes ayant des cycles menstruels absents ou<br />

irréguliers.<br />

R12. Assurer la prise en charge financière de<br />

matériels spécifiques de protection (ou de<br />

prévention) comme les orthèses de cheville,<br />

protège-dents, etc.<br />

Au total, il ressort que la prévention des blessures<br />

musculo-squelettiques passe par l’enseignement:<br />

• d’une part, des méthodes d’entraînement et de<br />

prévention des blessures aux cadres de contact, aidé en<br />

cela par les moniteurs de sport;<br />

• d’autre part, de la médecine du sport orientée sur la<br />

prévention, le diagnostic des blessures et la rééducation<br />

fonctionnelle au corps médical.<br />

Seule une action commune à ces deux partenaires<br />

permettra de réduire de manière optimale les blessures<br />

liées à l’entraînement militaire dans le cadre d’une<br />

politique initiée, adoptée et suivie par le Commandement.<br />

Conclusion.<br />

La préparation physique du militaire est un impératif<br />

pour répondre aux exigences physiques et aux nécessités<br />

de son métier ; elle est par contre une des principales<br />

causes d’accident en service:<br />

• des accidents comportant un risque vital;<br />

• des lésions musculo-squelettiques.<br />

Ces accidents ont des implications économiques et<br />

sociales en termes de coût de soins médicaux et de<br />

journées d’activité perdues, obérant ainsi la capacité<br />

opérationnelle des unités.<br />

Les traumatismes liés à la préparation physique<br />

comportent plusieurs facteurs de risque sur lesquels il est<br />

envisageable d’agir. Dans le cadre de leur prévention,<br />

c’est une approche globale qui doit être préconisée,<br />

impliquant tous les acteurs et décideurs dans leurs axes de<br />

travail et les réponses aux questions posées par le<br />

commandement, c'est-à-dire l’ensemble des cadres de<br />

contact et du Service de santé, du médecin d’unité dans sa<br />

pratique quotidienne aux directions régionales et aux<br />

instituts de recherche.<br />

Le médecin a une double responsabilité : d’une part<br />

fournir au commandement les données médicales<br />

nécessaires pour agir sur les facteurs de risque, les<br />

comportements et les mentalités et d’autre part assurer<br />

une prise en charge médicale efficace afin de limiter les<br />

périodes d’inaptitude à l’emploi.<br />

Toutes les stratégies de prévention ne peuvent être<br />

résumées aux recommandations énoncées plus haut.<br />

C’est pourquoi :<br />

R13. Une enquête est actuellement encours de<br />

réalisation sous l’égide du Centre national des<br />

sports de défense (CNSD), de la caisse nationale<br />

militaire de sécurité sociale (CNMSS) et du service<br />

de santé des armées (SSA), sur les modalités de<br />

pratique des activités physiques militaires. Les<br />

conclusions de cette enquête seront intégrées et<br />

prises en compte afin d’ajuster les stratégies de<br />

prévention des risques.<br />

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MCS X. Bigard. © F. Teste.<br />

16 x. bigard


Dossier « textes d’experts »<br />

Incidence et prévention des lombalgies en milieu militaire.<br />

Une base pour des recommandations.<br />

D. Lechevalier a .<br />

a Service de rhumatologie, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.<br />

Introduction.<br />

La lombalgie est un symptôme très fréquent puisque<br />

l’on estime que 50 % à 85 % de la population française en<br />

a souffert ou en souffrira. La lombalgie aiguë est la plus<br />

fréquente, de pronostic généralement rapidement<br />

favorable, représentant un banal accident de la vie. Moins<br />

de 10 % des patients vont évoluer vers la chronicité mais<br />

ils vont représenter 70% à 80% des coûts liés à l’affection.<br />

La pratique quotidienne montre que la communauté<br />

militaire est fortement concernée par ce problème de<br />

santé publique, bien que les études épidémiologiques<br />

manquent. La lombalgie chronique relève d’un modèle<br />

biopsychosocial, dans lequel les facteurs psychologiques,<br />

sociaux et professionnels sont plus importants que les<br />

facteurs médicaux. Une partie de la prise en charge<br />

préventive échappe donc au corps médical et est de la<br />

compétence du commandement.<br />

Définitions.<br />

La lombalgie peut se définir comme une douleur<br />

ressentie au niveau de la région lombaire, c’est-à-dire<br />

entre les dernières côtes et les plis fessiers.<br />

Selon l’ancienneté de la douleur, on distingue la<br />

lombalgie aiguë qui évolue depuis moins de six semaines,<br />

la lombalgie chronique qui évolue depuis plus de trois<br />

mois et enfin la lombalgie subaiguë qui évolue entre six<br />

semaines et 3 mois.<br />

Selon l’étiologie, l’on distingue lombalgie spécifique<br />

et non spécifique. Nous n’aborderons pas ici la lombalgie<br />

spécifique, dite aussi secondaire ou symptomatique, qui<br />

est en rapport avec une fracture, une tumeur, une infection<br />

ou une maladie inflammatoire du rachis. Elle ne<br />

représente que 1 % à 5 % des lombalgies, mais justifie la<br />

nécessité d’une consultation médicale systématique. La<br />

lombalgie non spécifique ou commune représente au<br />

moins 95 % des cas. On suppose alors qu’elle est en<br />

rapport avec une souffrance musculaire, ligamentaire,<br />

D. LECHEVALIER, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce.<br />

Correspondance : D. LECHEVALIER, Service de rhumatologie, HIA Bégin, 69<br />

avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.<br />

discale ou articulaire postérieure, sans que la prise en<br />

charge ou l’évolution soit modifiée par la détermination<br />

de la structure en cause.<br />

La lombalgie peut-être isolée ou associée à une<br />

souffrance radiculaire qui est le plus souvent sciatique,<br />

parfois crurale. La douleur dépasse alors le pli fessier et<br />

irradie dans le membre inférieur.<br />

L’invalidité lombalgique peut se définir comme une<br />

lombalgie grave avec retentissement ou désinsertion<br />

professionnelle.<br />

Étiologie et physiopathologie de la<br />

lombalgie commune.<br />

L’origine de la lombalgie non spécifique est<br />

multifactorielle. Des facteurs génétiques, anatomiques et<br />

d’environnement, dont certains facteurs professionnels,<br />

sont incriminés. Plusieurs modèles et concepts ont été<br />

élaborés afin de comprendre la physiopathologie de la<br />

lombalgie commune et le passage à la chronicité. La<br />

connaissance de ces facteurs est indispensable pour la<br />

prévention des lombalgies.<br />

Le modèle biomédical.<br />

Ce modèle tente d’expliquer la lombalgie par des<br />

lésions anatomiques, discales ligamentaires ou<br />

articulaires postérieures. Ces lésions anatomiques<br />

existent, en particulier dans les formes chroniques de<br />

l’affection, parfois dans le cadre d’une « dégénérescence<br />

discale ». L’existence d’une néo-innervation discale<br />

susceptible d’expliquer certaines douleurs est connue.<br />

Par contre, la recherche de lésions anatomiques a<br />

justifié et motive encore la réalisation d’examens<br />

d’imagerie souvent excessifs et répétés à la recherche<br />

d’une image expliquant la douleur. En fait, il n’y a aucun<br />

parallélisme anatomo-radio-clinique au cours de la<br />

lombalgie commune et les radiographies du rachis<br />

lombaire, lues en aveugle, ne permettent pas de<br />

discriminer une population lombalgique d’une<br />

population non lombalgique. La fréquence des anomalies<br />

mineures (pincements discaux, lyse isthmique,<br />

spondylolisthésis, arthrose articulaire postérieure) est<br />

identique dans les deux groupes. Il en est de même pour la<br />

D<br />

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médecine et armées, 2010, 38, 1, 17-21 17


tomodensitométrie et l’imagerie par résonnance<br />

magnétique du rachis lombaire. Par contre, la description<br />

des images par les radiologues, appuyée de nombreux<br />

adjectifs, augmente l’anxiété des patients et il a été prouvé<br />

qu’elle augmente la fréquence des gestes médicochirurgicaux<br />

agressifs sur le rachis, source potentielle de<br />

handicap ultérieur. Il faut retenir que la lombalgie<br />

non spécifique résulte le plus souvent d’anomalies<br />

invisibles sur l’imagerie, d’origine musculaire,<br />

ligamentaire ou ostéo-articulaires, et la connaissance<br />

de la structure en cause ne modifie ni l’évolution ni la<br />

prise en charge thérapeutique.<br />

Les facteurs professionnels.<br />

La responsabilité des expositions professionnelles<br />

dans la genèse de la lombalgie est probable, bien que<br />

discutée dans la littérature. Le travail sédentaire ne<br />

semble pas représenter un facteur favorisant. Les facteurs<br />

biomécaniques retenus comme favorisants sont les<br />

manutentions de charges lourdes (bien que l’explosion de<br />

l’invalidité lombalgique au XX e siècle puisse paraître<br />

paradoxale dans un contexte de mécanisation), le<br />

maintien de postures pénibles ou l’exposition aux<br />

vibrations de basse fréquence. De nombreux militaires<br />

sont donc potentiellement exposés à ces contraintes.<br />

Le modèle biopsychosocial et les facteurs de<br />

risque de chronicité.<br />

Le modèle biopsychosocial attribue un rôle<br />

déterminant aux facteurs cognitifs, sociaux et<br />

professionnels dans le passage à la chronicité et la genèse<br />

de l’invalidité lombalgique. De nombreux facteurs de<br />

risque de passage à la chronicité ont été individualisés:<br />

– facteurs individuels : âge élevé, faible musculature,<br />

absence d’activité physique et sportive;<br />

– facteurs cognitifs et psychologiques: un état dépressif,<br />

une anxiété sont des facteurs favorisants.<br />

Les peurs et croyances du lombalgique représentent un<br />

des facteurs de risque essentiel. Dans le modèle dit de<br />

« peurs – évitement » développé par Lethem, la peur de la<br />

douleur et du handicap entraîne des conduites d’évitement<br />

de l’activité physique, voir une véritable kinésiophobie,<br />

entrainant un déconditionnement à l’effort avec perte de<br />

force et d’endurance des muscles paravertébraux. L’arrêt<br />

de travail prolongé, la perte d’emploi ou une dépression<br />

peuvent en résulter. Au contraire, le patient qui affronte la<br />

douleur conserve son capital musculaire et sa condition<br />

physique. La stratégie développée par le patient en<br />

réponse à la douleur est très variable et peut-être modifiée<br />

positivement ou négativement par les thérapeutes.<br />

Certains ont regroupé sous le terme « yellow flags » ou<br />

« signes du drapeau jaune » des indicateurs de risque<br />

accru de passage à la chronicité. Il s’agit: 1) des problèmes<br />

émotionnels tels la dépression, l’anxiété et une conscience<br />

augmentée des sensations corporelles, le stress, une<br />

tendance à une humeur dépressive ou le retrait des<br />

activités sociales, 2) des attitudes et des représentations<br />

inappropriées par rapport au mal de dos, comme par<br />

exemple l’idée que la douleur représenterait un danger ou<br />

qu’elle pourrait entraîner un handicap grave, ou encore<br />

des attentes de solutions placées dans des traitements<br />

passifs plutôt que dans une implication personnelle, 3)<br />

des comportements douloureux inappropriés, en<br />

particulier un comportement d’évitement ou de réduction<br />

d’activité liée à la peur.<br />

Facteurs sociaux : bas niveau d’éducation, de<br />

ressources.<br />

Facteurs médicaux : mauvaise prise en charge initiale<br />

d’une lombalgie aiguë.<br />

Facteurs médico-légaux : prise en charge en accident<br />

de travail, conflit médico-légal, problèmes de rente<br />

d’invalidité.<br />

Facteurs professionnels: contraintes biomécaniques<br />

liées aux activités professionnelles (vibrations, gestes<br />

répétitifs, port de charges), insatisfaction au travail,<br />

environnement de travail ressenti comme hostile,<br />

mauvais rapports hiérarchiques.<br />

Épidémiologie.<br />

En milieu civil.<br />

Incidence.<br />

Elle est définie par le pourcentage de nouveaux cas<br />

d’une maladie par unité de temps. L’incidence annuelle de<br />

la lombalgie en France est estimée entre 5 % et 10 %.<br />

Prévalence.<br />

C’est le pourcentage de cas dans la population étudiée.<br />

La prévalence ponctuelle (au moment de l’enquête) de<br />

la lombalgie est estimée à 30 %. La prévalence annuelle<br />

(au cours de l’année précédant l’enquête) est de 50 %.<br />

La prévalence cumulée (pourcentage d’individus<br />

qui souffrent ou ont déjà souffert de lombalgie) est<br />

de 60% à 70%. Selon une enquête du Centre de recherche<br />

et d’étude et de documentation de la santé (CREDES),<br />

la fréquence des lombalgies a triplé entre 1982 et 1992<br />

en France.<br />

En milieu militaire.<br />

Les études consacrées aux lombalgies en milieu<br />

militaire sont rares. Certaines données concernent des<br />

militaires d’armées étrangères effectuant un service<br />

national et ne sont plus utilisables dans le contexte des<br />

armées françaises actuelles. À notre connaissance, il n’y a<br />

jamais eu d’étude épidémiologique transversale dans les<br />

armées françaises, ni d’études prospectives de cohortes.<br />

Incidence.<br />

L’incidence de la lombalgie est estimée entre 4,1% à<br />

6,3% chez les hommes militaires aux USA, et entre 7,5 %<br />

à 9,9% chez les femmes. Ce chiffre est proche de celui des<br />

populations civiles.<br />

Prévalence.<br />

Il n’existe pas de données concernant la prévalence de<br />

la lombalgie dans l’armée française, tous emplois<br />

confondus. Aux USA, la lombalgie affecte 150 000<br />

militaires par an. Il existe probablement une grande<br />

hétérogénéité épidémiologique selon les emplois.<br />

Certains emplois sont non spécifiques aux armées et<br />

18 d. lechevalier


l’épidémiologie des lombalgies devrait être identique à<br />

celle observée en milieu professionnel civil. Par contre,<br />

certains emplois plus spécifiques aux armées semblent<br />

associés à risque fort de lombalgie. Ainsi, dans une étude<br />

rétrospective, la prévalence des lombalgies est de 16 %<br />

chez les non combattants, alors qu’elle est de 33 % chez<br />

les combattants. Chez les pilotes d’hélicoptères, la<br />

prévalence de la lombalgie est de 50 % dans la Royal<br />

Norvegian Air Force, de 80 % dans la British Royal Navy<br />

et de 73 % dans l’US Army. Cette prévalence ne semble<br />

pas avoir diminué malgré les innovations ergonomiques<br />

apportées aux machines les plus récentes, mais il est vrai<br />

que les contraintes imposées aux pilotes ont progressé<br />

dans le même temps. Dans une enquête française, 70 %<br />

des pilotes d’avions militaires déclarent avoir présenté<br />

des rachialgies. La prévalence dans les unités<br />

parachutistes est probablement élevée, mais les études<br />

manquent. Au niveau de la Brigade des sapeurs pompiers<br />

de Paris (BSPP), la prévalence de la lombalgie a été<br />

estimée à 19 %, ce qui peut être considéré comme un<br />

chiffre faible, compte tenu des conditions d’emplois. Au<br />

sein de l’US Navy, la prévalence cumulée est de 50 %.<br />

Coût pour la collectivité.<br />

Collectivité civile.<br />

Le coût de la lombalgie est très élevé dans tous les pays<br />

occidentaux. Les lombalgiques chroniques représentent<br />

moins de 10% des patients mais engagent 70% à 80% des<br />

coûts liés à l’affection. Le coût est à la fois direct<br />

(médicaments, examens complémentaires), et indirect<br />

(journées de travail perdues). La lombalgie représente<br />

9 % des consultations de médecine générale en France,<br />

8 % des actes de radiologie, 30 % des actes de<br />

kinésithérapie. Elle fait perdre 149 millions de jours de<br />

travail par an aux États-Unis avec des pertes de<br />

productivité dont le coût est estimé à 28 milliards de<br />

dollars.<br />

Collectivité militaire.<br />

Il n’existe pas de données fiables pour l’armée<br />

française. Le coût financier annuel de la lombalgie à la<br />

BSPP a été estimé à 114 postes budgétaires, soit 2millions<br />

d’euros par an. Elle coûterait 1 billion de dollars par an à<br />

l’armée américaine. Elle représente 15 % du temps de<br />

consultation hebdomadaire des médecins militaires<br />

allemands. En France, 75 militaires français ont été mis en<br />

Congé de Longue Maladie (CLM) pour des lombalgies<br />

ou lombo-radiculalgies au cours de l’année 2008, soit<br />

environ 9 % des CLM.<br />

Le coût opérationnel est lui aussi élevé : Lors de<br />

l’opération « liberté immuable » en Irak, 53 % des blessés<br />

présentaient une lombalgie ou une sciatique et seuls 2 %<br />

ont pu rejoindre le théâtre d’opération.<br />

En résumé, l’épidémiologie des lombalgies en milieu<br />

militaire n’est pas connue avec précision. Il est probable<br />

que sa fréquence se superpose à celle de la population<br />

générale pour de nombreux emplois non spécifiques<br />

et pour les militaires affectés dans des unités noncombattantes,<br />

ce qui en fait un problème de santé<br />

publique aussi fréquent et sérieux qu’en milieu<br />

professionnel civil. De plus, incidence et prévalence<br />

de la lombalgie semblent plus élevées dans certains<br />

emplois spécifiques aux armées. Des études épidémiologiques,<br />

soit multicentriques, soit ciblées sur des<br />

populations spécifiques mériteraient d’être menées.<br />

Des études prospectives de cohortes seraient essentielles<br />

pour déterminer l’incidence réelle et le coût opérationnel<br />

des lombalgies.<br />

Prévention des lombalgies non<br />

spécifiques.<br />

De très nombreux travaux scientifiques ont été menés,<br />

essentiellement en milieu civil et plus particulièrement au<br />

sein du personnel hospitalier, afin de valider des<br />

méthodes de prévention de la lombalgie. Cette population<br />

est soumise à des contraintes différentes de celles des<br />

militaires. De plus, beaucoup de travaux sont de<br />

méthodologie imparfaite. Les travaux effectués en milieu<br />

militaire sont rares et ils sont absents en France. Des<br />

recommandations européennes concernant la prise en<br />

charge des lombalgies chroniques ont été formulées en<br />

2006 et nous pensons qu’elles sont aisément applicables<br />

au sein du ministère de la Défense.<br />

Les moyens disponibles.<br />

Sélection professionnelle.<br />

Elle permet de ne retenir que les individus ayant la<br />

probabilité la plus faible de lombalgie ultérieure.<br />

L’instruction ministérielle 2100, et des instructions<br />

spécifiques à différentes armes et emplois sont publiées et<br />

doivent êtres appliquées par les médecins militaires des<br />

centres de sélection. Une difficulté réelle d’application<br />

est liée à la grande prévalence de la lombalgie à l’âge de<br />

l’incorporation, estimée dans certaines études à 50% à 20<br />

ans. Une motivation suffisante, la pratique régulière<br />

d’activités physiques, et sur le plan médical une bonne<br />

musculature, l’absence de troubles statiques rachidiens<br />

sont indispensables.<br />

Mesures ergonomiques.<br />

L’ergonomie de conception des véhicules militaires et<br />

des aéronefs doit permettre de limiter au maximum les<br />

contraintes biomécaniques appliquées au personnel, en<br />

particulier par la diminution des vibrations corps entier.<br />

L’adaptation des postes de travail et des rythmes de travail<br />

pourrait être utile. Des études ergonomiques spécifiques<br />

à certains postes sont indispensables.<br />

Utilisation d’aides techniques.<br />

Le port de ceintures lombaires ne semble pas diminuer<br />

l’incidence des lombalgies ou leur récidive.<br />

Le port d’orthèses plantaires, ou « semelles orthopédiques<br />

» n’a pas démontré d’efficacité dans deux études<br />

concernant l’armée danoise et l’infanterie israélienne.<br />

Enfin, l’efficacité des aides techniques au levage n’a<br />

jamais été démontrée dans les études contrôlées de bonne<br />

qualité méthodologique réalisées essentiellement en<br />

milieu hospitalier civil.<br />

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incidence et prévention des lombalgies en milieu militaire. une base pour des recommandations<br />

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Éducation et information des patients.<br />

Des séances d’information en milieu professionnel ont<br />

été proposées. Leur contenu est très variable, comportant<br />

parfois des explications anatomiques, l’apprentissage<br />

des gestes pour la manutention de charges, l’apprentissage<br />

des postures et des stratégies d’adaptation à la lombalgie.<br />

Leur efficacité n’a jamais pu être démontrée dans<br />

les études réalisées en milieu civil et ne sont pas<br />

recommandées au niveau européen.<br />

Une information délivrée dans le cadre de protocoles<br />

dit «d’éducation brève » ou par d’autres méthodes (livrets<br />

d’information, échanges internet…) pourrait être utile.<br />

La distribution de livrets d’information de type « Back<br />

book » où « guide du dos » rédigés sur un modèle<br />

biopsychosocial, semble susceptible de limiter la<br />

fréquence des récidives et de limiter le passage à la<br />

chronicité dans certaines études. Ces livrets ont pour<br />

objet de délivrer une information rassurante aux patients,<br />

d’encourager le maintien des activités professionnelles et<br />

sportives et d’éviter un déconditionnement à l’effort. Ils<br />

permettent de lutter contre les croyances négatives des<br />

patients, mais aussi des médecins. Enfin leur coût est<br />

relativement faible.<br />

Les exercices physiques.<br />

Plusieurs études randomisées, parfois contrôlées, de<br />

bonne qualité méthodologique, sont en faveur de<br />

l’efficacité des programmes de renforcement musculaire,<br />

à la fois pour prévenir le premier épisode et pour limiter<br />

les récidives. Le renforcement des haubans musculaires<br />

rachidiens par une activité physique supervisée a été<br />

préconisée par la conférence de consensus européenne<br />

de 2006. Ces programmes ont pour but de renforcer la<br />

force et l’endurance musculaire tout en améliorant la<br />

souplesse rachidienne. Différentes techniques ont été<br />

proposées dans la littérature: 1) rééducation en cyphose,<br />

avec renforcement isométrique des muscles de la<br />

paroi abdominale, paradoxale puisque la force des<br />

abdominaux prédomine sur les extenseurs du rachis<br />

au cours de la lombalgie chronique, 2) rééducation en<br />

lordose de type Cyriax, programme de Mackenzie, 3)<br />

apprentissage d’un verrouillage lombaire en position<br />

intermédiaire. Aujourd’hui, aucune méthode ne peut être<br />

privilégiée en raison d’une efficacité supérieure<br />

scientifiquement démontrée.<br />

Trois études menées en milieu militaire ont démontré<br />

l’efficacité de ces procédures, qu’il s’agisse de séances<br />

régulières d’extension rachidienne, de 20 minutes<br />

d’étirement avant et après entraînement physique<br />

quotidien. La pratique d’un «gainage lombo-abdominal»<br />

à démontré son efficacité en terme d’incidence et<br />

d’intensité des lombalgies. La pratique d’une gymnastique<br />

lombo-abdominale est parfaitement adaptée à la<br />

culture sportive en milieu militaire. Elle peut se concevoir<br />

comme une gymnastique individuelle ou collective,<br />

quotidienne ou pluri-hebdomadaire, éventuellement<br />

supervisée par un professionnel, dont les modalités<br />

précises exactes restent à définir.<br />

Une enquête a montré que seuls 28 % des pilotes de<br />

chasse français pratiquent une musculation spécifiquement<br />

rachidienne, alors même qu’ils disposent<br />

d’équipements sur base. Il semble donc indispensable de<br />

faire passer le message sur l’utilité du renforcement<br />

lombo-abdominal en prévention des lombalgies dans<br />

les armées. Des protocoles randomisés, mono ou<br />

multicentriques, comparant différentes modalités<br />

de gymnastique lombo-abdominale seraient simples<br />

à mettre en place dans les unités françaises avec l’accord<br />

et le soutien du commandement.<br />

La prise en charge optimale des<br />

lombalgies aigues.<br />

C’est un élément essentiel pour éviter le passage à<br />

la chronicité. La prise en charge d’une lombalgie aigue<br />

doit comporter:<br />

– un traitement symptomatique efficace prescrit<br />

rapidement. Sont validés les antalgiques, les AINS,<br />

et éventuellement les décontracturants;<br />

– des informations précises et rassurantes délivrées<br />

au patient;<br />

– le maintien des activités professionnelles, qui seront<br />

éventuellement adaptées, en cas d’épisode d’intensité<br />

modérée. En cas de besoin, l’arrêt de travail doit être de<br />

courte durée;<br />

– le repos au lit ne doit pas être prescrit de manière<br />

systématique, mais doit être seulement autorisé pour une<br />

courte durée, uniquement en cas de douleur très intense;<br />

– l’abstention de toute imagerie inutile.<br />

Ces recommandations de bonnes pratiques devraient<br />

être parfaitement connues et appliquées mais l’expérience<br />

quotidienne montre que c’est encore trop rarement le cas.<br />

Il est vrai que le libre choix du médecin par le patient lui<br />

permet d’échapper fréquemment aux médecins des<br />

armées et limite les possibilités d’intervention précoce.<br />

La prise en charge spécifique des<br />

lombalgies subaiguës.<br />

Notre expérience quotidienne montre que le spécialiste<br />

militaire hospitalier est trop souvent consulté tardivement<br />

et uniquement pour une décision d’aptitude ou pour une<br />

décision administrative de mise en Congés de longue<br />

maladie (CLM), alors même que des interventions thérapeutiques<br />

actives n’ont pas été proposées. Il est vrai que le<br />

nombre limité de spécialistes militaires hospitaliers<br />

traitant des pathologies de l’appareil locomoteur<br />

contribue à allonger le délai de prise en charge des<br />

patients. On connait maintenant le risque important de<br />

passage à la chronicité lorsque la lombalgie dure plus de 6<br />

à 8 semaines. Dans l’idéal, tout patient présentant une<br />

lombalgie subaiguë non spécifique avec incapacité ou<br />

arrêt de travail persistant plus de huit semaines, ou avec<br />

« signe du drapeau jaune », doit pouvoir bénéficier d’une<br />

prise en charge rapide dans une structure adaptée, en<br />

particulier un service de Médecine physique et<br />

rééducation. Seuls ces services disposent des moyens en<br />

personnel et en matériel pour réaliser des programmes de<br />

type «mini-intervention » limitant le déconditionnement.<br />

Les deux services de rhumatologie référents dans les<br />

armées pourraient consulter en priorité les patients<br />

avec suspicion d’une lombalgie spécifique, dans le cadre<br />

d’un partage de tâches.<br />

20 d. lechevalier


La prise en charge des incapacités<br />

chroniques et des invalidités.<br />

Elle fait appel à la rééducation et de la réinsertion<br />

professionnelle et sociale. Le but n’est plus de lutter contre<br />

la lombalgie mais de traiter les incapacités permanentes,<br />

en luttant contre le déconditionnement à l’effort et en<br />

favorisant le retour au travail. Elle repose sur:<br />

– les méthodes de reconditionnement à l’effort : ces<br />

programmes hospitaliers multidisciplinaires s’adressent<br />

à des patients motivés. Ils associent de manière variable<br />

des traitements comportementaux, une école du dos, une<br />

rééducation rachidienne active intensive avec étirements<br />

et renforcement musculaire. Leur efficacité semble<br />

actuellement démontrée. Notre opinion est que cette<br />

thérapeutique pourrait être proposée plus précocement et<br />

plus fréquemment aux patients ;<br />

– les mesures de réinsertion professionnelle sont<br />

susceptibles de limiter l’invalidité lombalgique en milieu<br />

professionnel civil. L’absence de procédure de reprise à<br />

temps partiel pour les militaires, les impératifs<br />

opérationnels et les choix du commandement, sont des<br />

éléments qui contrarient cette réinsertion. La mise en<br />

CLM ne doit être considérée que comme une solution<br />

palliative, lorsque toutes les méthodes de réinsertion ont<br />

été essayées et ont échoué.<br />

Conclusion.<br />

L’analyse des données disponibles permet de formuler<br />

des recommandations. Des études de prévalence et<br />

d’incidence des lombalgies dans différents emplois des<br />

armées françaises mériteraient d’être menées. Des<br />

documents d’information sur la lombalgie de type «guide<br />

du dos », basés sur le modèle biopsychosocial pourraient<br />

être divulgués afin de limiter l’absentéisme et les<br />

incapacités liées aux lombalgies. La pratique régulière<br />

d’activités physiques doit être encouragée dans les<br />

armées. Des programmes de gymnastique lombaire et de<br />

renforcement musculaire supervisés, au profit de tous les<br />

militaires, seraient susceptibles de diminuer l’incidence<br />

et la prévalence de la lombalgie dans les armées.<br />

L’application de bonnes pratiques médicales<br />

(diagnostiques et thérapeutiques) devant une lombalgie<br />

aiguë est indispensable. Des actions de Formation<br />

médicale continue destinées aux médecins militaires<br />

seraient souhaitables. La prise en charge rapide et active<br />

des lombalgies subaiguës en arrêt de travail est<br />

indispensable pour éviter le passage à la chronicité.<br />

Enfin, il est souhaitable qu’un militaire lombalgique<br />

chronique avec incapacité sévère soit évalué dans une<br />

structure de Médecine physique et de réadaptation pour<br />

un programme de reconditionnement à l’effort.<br />

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MC D. Lechevalier. © F. Teste.<br />

incidence et prévention des lombalgies en milieu militaire. une base pour des recommandations<br />

21


MC L. Bordier. © F. Teste.<br />

MGI L. Hugard. © F. Teste.<br />

Caporal-chef J. Sellier. © F. Teste.<br />

22


Dossier « textes d’experts »<br />

Le surpoids en milieu militaire.<br />

L. Bordier a , B. Bauduceau a , O. Dupuy a , H. Mayaudon a , B. Colle b .<br />

a Service d’endocrinologie, hôpital d’instruction des armées Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.<br />

b Service de médecine interne, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108 boulevard Pinel – 69275 Lyon Cedex 03.<br />

Recommandations.<br />

Ces recommandations dépassent le cadre de l’armée<br />

car l’obésité est un problème de société et de santé<br />

publique. Elles reposent sur des mesures de bon sens.<br />

Le déséquilibre énergétique découle des modifications<br />

brutales de notre mode de vie qui associent une réduction<br />

de l’activité physique et une augmentation de l’apport<br />

alimentaire. Agir sur ces deux facteurs est donc<br />

indispensable.<br />

À l’échelle de la nation, il est de la responsabilité des<br />

pouvoirs publics et de l’Etat de mener des actions de<br />

sensibilisation et de prévention comme cela a déjà<br />

été initié depuis quelques années dans le cadre du<br />

plan PNNS.<br />

À l’échelle des armées, deux axes doivent être envisagés<br />

portant sur une modification des habitudes alimentaires<br />

et la promotion de l’activité physique par l’information et<br />

l’éducation sanitaire. Afin d’être efficace, cette démarche<br />

doit être pérenne et s’appuyer sur l’action de plusieurs<br />

intervenants. Ainsi, la Caisse nationale militaire de<br />

sécurité sociale (CNMSS) peut jouer un rôle primordial<br />

par la mise en place de campagnes de sensibilisation.<br />

Celles-ci doivent être relayées par les médecins du<br />

service de santé au sein des unités avec le soutien actif de<br />

la Direction centrale et des Directions régionales du<br />

Service de santé des armées. Le commandement doit être<br />

impliqué dans cette démarche par une action au niveau de<br />

l’ordinaire si possible en collaboration avec les services<br />

de diététique des hôpitaux d’instruction des armées.<br />

Toutes les actions à mener peuvent être résumées au<br />

travers de neuf recommandations:<br />

– recommandation 1 : lors de l’engagement dans<br />

les forces armées, l’IMC du sujet doit être pris<br />

rigoureusement en compte selon les normes du BOEM;<br />

– recommandation 2: le suivi du poids doit être attentif<br />

au cours de la carrière militaire et l’attention doit être<br />

L. BORDIER, médecin en chef, praticien certifié. B. BAUDUCEAU, médecin chef<br />

des services hors classe, professeur agrégé du Val-de-Grâce. O. DUPUY, médecin<br />

en chef, praticien certifié. H. MAYAUDON, médecin en chef, professeur agrégé du<br />

Val-de-Grâce. B. COLLE, médecin chef des services, praticien confirmé.<br />

Correspondance : L. BORDIER, Service d’endocrinologie, hôpital d’instruction<br />

des armées Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.<br />

portée sur les conséquences éventuelles d’une prise de<br />

poids sur l’aptitude;<br />

– recommandation 3 : des études prospectives<br />

doivent être mises en place pour évaluer le retentissement<br />

des activités des militaires et notamment des<br />

missions sur la prise de poids. Une enquête de ce type<br />

sera initiée prochainement par l’HIA de Brest sur les<br />

personnels embarqués;<br />

– recommandation 4 : l’exercice physique doit être<br />

encouragé notamment chez les cadres et adapté aux<br />

conditions opérationnelles du sujet;<br />

– recommandation 5 : la ration alimentaire doit être<br />

adaptée à la dépense physique du militaire : 2 100 Kcal<br />

pour un homme ayant une activité physique modérée,<br />

3 200 kcal pour un combattant sur le terrain, voire plus<br />

selon les conditions de vie ou de température;<br />

– recommandation 6: cette ration alimentaire doit être<br />

équilibrée et comporter 50 % de glucides, 30 % de lipides<br />

et 20 % de protides et elle doit être répartie en trois repas;<br />

– recommandation 7: en cas de diminution de l’entraînement,<br />

les apports alimentaires doivent être réduits;<br />

– recommandation 8: en conséquence, tous les efforts<br />

doivent être faits au niveau des services de l’alimentation<br />

des unités en liaison avec le médecin d’unité pour<br />

respecter ces principes en particulier pour les personnels<br />

en horaire décalés ou travaillant la nuit;<br />

– recommandation 9 : une information et une<br />

sensibilisation concernant l’alimentation et le risque de<br />

l’obésité doivent être fournies aux militaires et à leur<br />

famille notamment aux enfants. Les médecins d’unité<br />

joueront ainsi un rôle important dans l’éducation<br />

thérapeutique de la population. L’accent doit être mis<br />

sur la valeur calorique souvent méconnue de certains<br />

produits riches en matières grasses et en sucres<br />

simples dont la consommation ne doit pas être prohibée<br />

mais raisonnée.<br />

Conclusion.<br />

Mais le paramètre le plus important est finalement la<br />

motivation du sujet lui-même. En effet, tous les efforts<br />

mis en place seront voués à l’échec si le sujet ne prend pas<br />

conscience de la gravité de l’obésité.<br />

D<br />

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médecine et armées, 2010, 38, 1, 23 23


MC F. Simon. © F. Teste.<br />

MP I. Klopp. © F. Teste.<br />

MC X. Deparis. © F. Teste.<br />

M.A. Flahaut. © F. Teste.<br />

24


Dossier « textes d’experts »<br />

Prévention des risques infectieux des militaires en opérations<br />

extérieures.<br />

F. Simon a<br />

a Service de pathologie infectieuse et tropicale, Hôpital d’instruction des armées Laveran, 4 boulevard Alphonse Laveran, BP 60149 – 13384 Marseille cedex 3.<br />

Introduction.<br />

Les infections sont une réalité pour toutes les forces<br />

engagées dans des opérations extérieures (OPEX) (1-4).<br />

Par sa gravité et son incidence, le paludisme en est le<br />

paradigme (5), mais de nombreux agents pathogènes<br />

constituent une menace. Leur maîtrise s’appuie<br />

évidemment sur une expertise de la prise en charge<br />

médicale sur place et au retour. Mais, pour préserver la<br />

santé et la disponibilité opérationnelle des personnels,<br />

c’est en amont de l’infection qu’il faut agir. La prévention<br />

est une nécessité majeure pour toute armée en campagne,<br />

préparée avant l’OPEX, renforcée sur place et maintenue<br />

au retour. La mise en condition avant le départ est un<br />

préalable indispensable, mais le contrôle des différents<br />

risques sanitaires reste un défi quotidien pour tous les<br />

personnels en OPEX. Il est de la responsabilité du Service<br />

de santé des armées (SSA) d’identifier les risques et de<br />

dégager les mesures protectrices les plus efficaces afin de<br />

conseiller le commandement pour les faire appliquer.<br />

En préambule, il importe d’analyser les mesures de<br />

prévention actuellement en place, leur niveau<br />

d’application, ainsi que les données publiées ou inédites<br />

sur l’incidence, la gravité individuelle ou collective des<br />

infections survenues en OPEX et leurs conséquences<br />

opérationnelles (2). De nombreux points positifs se<br />

dégagent de cette analyse en matière de prévention (ex.:<br />

rareté des décès par paludisme), ainsi que des points<br />

perfectibles (ex.: couverture vaccinale) ou des obstacles<br />

récurrents (mauvaise observance de certaines mesures<br />

recommandées). Pour tenter d’identifier des pistes<br />

d’amélioration en matière de prévention des infections en<br />

OPEX, il est possible de raisonner selon le mode de<br />

contamination commun à plusieurs agents pathogènes<br />

comme par exemple les maladies vectorielles (ex. lutte<br />

anti-vectorielle), selon l’importance opérationnelle des<br />

différentes catégories d’infections (ex. infections<br />

respiratoires communautaires) ou encore selon le degré<br />

de perfectibilité (gain préventif par rapport aux efforts<br />

F. SIMON, médecin en chef, Professeur agrégé du Val de Grâce, Consultant<br />

national pour les maladies infectieuses et tropicales dans les armées.<br />

Correspondance: F. SIMON, service de pathologie infectieuse et tropicale, Hôpital<br />

d’instruction des armées Laveran, 4 boulevard Alphonse Laveran, BP 60149 –<br />

13384 Marseille cedex 3.<br />

d’amélioration). L’observance s’avère un déterminant<br />

majeur et commun de l’efficacité de nombreuses mesures<br />

préventives en place. Elle est directement influencée par<br />

l’éducation sanitaire, mais aussi par des facteurs psychocomportementaux<br />

individuels et collectifs qui font<br />

régulièrement obstacle à l’application de mesures<br />

préventives simples et d’efficacité démontrée.<br />

Après analyse des différentes sources bibliographiques<br />

(2) et des avis d’experts du SSA (cliniciens, biologistes,<br />

épidémiologistes, chercheurs) impliqués dans l’étude des<br />

infections en OPEX, trois axes de recommandations<br />

regroupant chacun plusieurs propositions peuvent être<br />

identifiés pour optimiser la prévention des risques<br />

infectieux en OPEX (fig. 1).<br />

Axe 1<br />

Renforcer l’expertise<br />

du SSA sur les<br />

risques<br />

infectieux en OPEX<br />

1. Prise en charge des<br />

cas<br />

2. Informations<br />

sanitaires<br />

3. Enseignement<br />

appliqué<br />

4 – Recherche<br />

opérationnelle<br />

Axe 2<br />

Améliorer les<br />

moyens<br />

de protection et de<br />

lutte<br />

5. Vaccinations<br />

6. Lutte antipaludique<br />

7. Éducation sanitaire<br />

Axe 3<br />

Améliorer l’application<br />

des moyens de<br />

protection<br />

et de lutte<br />

8. Plan national militaire<br />

de prévention<br />

9. Étude des<br />

déterminants<br />

de l’observance<br />

10. Implication directe de<br />

l’encadrement militaire<br />

Figure 1. Dix propositions de recommandations pour améliorer la prévention<br />

des infections de militaires en OPEX.<br />

Axe 1 : Renforcer l’expertise du SSA<br />

sur les risques infectieux en OPEX.<br />

R1 : Optimiser la prise en charge des cas.<br />

Optimisation de la prise en charge médicale en<br />

OPEX.<br />

• Formation initiale et continue des médecins sur les<br />

infections (brevet et capacité de médecine des missions<br />

extérieures, capacité de chirurgie des missions<br />

extérieures), mais aussi développement de la formation<br />

spécifique des infirmiers et auxiliaires sanitaires.<br />

• Prévention des infections liées aux soins en OPEX :<br />

hygiène des mains, sécurité des déchets, politique<br />

raisonnée et validée de l’antibioprophylaxie des plaies de<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 25-28 25


guerre, prévention des accidents d’exposition au sang des<br />

soignants et des secouristes, sécurité transfusionnelle.<br />

• Évaluation de la pertinence de prescription des<br />

prophylaxies: traitement antirétroviral post-exposition à<br />

risque au VIH, séro-vaccination contre la rage après<br />

morsure animale…<br />

• Amélioration du diagnostic microbiologique en<br />

OPEX : formation continue spécifique des médecins,<br />

infirmiers et techniciens de laboratoire avant les départs<br />

(ex. : paludisme), PCR à mettre en place sur certains<br />

théâtres, action continue de mise en place de tests de<br />

diagnostic rapide performants (ex. paludisme à<br />

Plasmodium ovale), envoi de l’Élément militaire<br />

d’investigation biologique et épidémiologique (EMIBE)<br />

en cas d’événement infectieux anormal en OPEX.<br />

• Mise en place d’une veille microbiologique en OPEX<br />

incluant une évaluation du niveau de résistance<br />

bactérienne.<br />

• Mise à disposition de nouvelles molécules ayant<br />

l’autorisation de mise sur le marché (AMM), notamment<br />

pour le traitement oral du paludisme non compliqué.<br />

Développement des hôpitaux référents en maladies<br />

infectieuses et tropicales.<br />

•Armement adéquat en personnel et moyens techniques<br />

des services d’infectiologie et des laboratoires des deux<br />

HIA référents (HIA Bégin, HIA Laveran)<br />

•Régulation des évacuations et rapatriements sanitaires<br />

(EVASAN/RAPASAN) pour motif infectieux vers ces<br />

deux HIA (pour assurer une expertise diagnostique et<br />

thérapeutique et un retour d’expérience).<br />

• Implication forte des organismes d’enseignement du<br />

service de santé des armées dans l’enseignement<br />

appliqué sur la prise en charge des maladies infectieuses<br />

en OPEX (cours, programmes).<br />

•Développement de travaux de recherche clinique<br />

multicentriques et multidisciplinaires sur les infections<br />

acquises en OPEX.<br />

R2 : Renforcer la diffusion des informations<br />

sanitaires.<br />

Maintien opérationnel de la surveillance<br />

épidémiologique.<br />

• Intérêt majeur de la rétro-information.<br />

Poursuite de la modernisation de la surveillance<br />

épidémiologique .<br />

• Développement de la surveillance en temps réel<br />

(ASTER), prise en compte dans la surveillance de<br />

nouvelles infections d’intérêt particulier en milieu<br />

militaire (pyodermites communautaires, rechutes de<br />

paludisme) et de situations à risque (morsures animales).<br />

Maintien opérationnel de la base épidémiologique<br />

des données de l’outremer et de l’intertropical<br />

(BEDOUIN) de l’unité de veille sanitaire du<br />

Département d’épidémiologie et de santé publique<br />

(DESP) sud.<br />

• Diffusion générale active des informations sanitaires<br />

majeures sur les théâtres (émergences).<br />

Vigilances sur les risques liés à la prévention.<br />

• Maintien opérationnel de la pharmacovigilance sur la<br />

chimioprophylaxie antipaludique, la chimioprophylaxie<br />

antirétrovirale post-exposition<br />

• Surveillance des effets secondaires des vaccinations<br />

réglementaires itératives et des vaccinations<br />

circonstancielles.<br />

Création d’une base de données unique du SSA sur<br />

les infections en OPEX.<br />

• Centralisation des données publiées françaises et<br />

étrangères, rapports techniques, notes techniques; accès<br />

par carte professionnelle sécurisée.<br />

R3 : Développer l’enseignement appliqué<br />

aux maladies infectieuses.<br />

Évolutivité de l’enseignement.<br />

• Développer l’enseignement pratique sur les milieux<br />

et le contexte opérationnel dans l’esprit du Brevet de<br />

médecine des missions extérieures.<br />

• Intégration des retours d’expériences et des données<br />

issues de la recherche clinique militaire dans<br />

l’enseignement qui doit être davantage axé sur des<br />

analyses de situations.<br />

• Ouverture de la formation aux futurs COMSANTE et<br />

autres décideurs pour les OPEX.<br />

• Identification de thèmes pertinents pour les<br />

Évaluations des pratiques professionnelles (EPP) en<br />

unité (ex. expositions à risque VIH), diffusion large des<br />

résultats et des mesures d’amélioration.<br />

•Création d’un séminaire de formation continue sur les<br />

infections dans les armées alliées et leur prévention.<br />

R4 : Développer la recherche opérationnelle.<br />

Développement d’une recherche clinique de terrain<br />

en OPEX.<br />

• Formation des non chercheurs aux méthodes de<br />

recherche clinique.<br />

• Promouvoir les recherches cliniques conduites par<br />

des médecins généralistes militaires (travaux de thèse,<br />

projets de recherche clinique…), notamment dans le<br />

cadre de la filière de médecine générale.<br />

Création d’un département d’infectiologie de<br />

terrain au sein du pôle B de l’Institut de recherche<br />

biologique des armées (IRBA) pour cibler les<br />

risques et adapter la prévention.<br />

• Multidisciplinarité: chercheurs (biologie<br />

moléculaire, entomologie…), collaborateurs circonstanciels<br />

(infectiologues, biologistes, épidémiologistes,<br />

médecins d’unité [MEDUNIT]).<br />

• Missions: Évaluation du risque d’origine vectorielle<br />

sur les théâtres d’OPEX (entomologie), développement<br />

des études immuno-épidémiologiques, analyse<br />

des facteurs de risque d’infections des militaires en<br />

OPEX (paludisme, arboviroses, fièvres inexpliquées,<br />

diarrhées…), essais cliniques pour évaluer des stratégies<br />

vaccinales ou des chimioprophylaxies…<br />

26 f. simon


Axe 2 : améliorer les moyens de<br />

protection et de lutte contre les<br />

infections en OPEX.<br />

R5 : Adaptation continue des vaccinations<br />

dans les armées.<br />

Évolutivité du calendrier vaccinal.<br />

• Maintien d’experts militaires en vaccinologie dans le<br />

Comité Technique des Vaccinations au sein du Haut<br />

Conseil de Santé Publique.<br />

• Évaluation de la pertinence de nouvelles valences<br />

vaccinales : varicelle-zona, rage (risque en OPEX),<br />

encéphalite japonaise, encéphalite à tiques, grippe<br />

saisonnière « hémisphère sud », grippe pandémique…<br />

Recherche appliquée en vaccinologie militaire.<br />

•Amélioration de la couverture vaccinale réglementaire:<br />

couverture vaccinale comme évaluation des pratiques<br />

professionnelles prioritaire en unité, études de séroprévalence<br />

pour les infections couvertes par un vaccin.<br />

• Évaluation individuelle de l’immunité vis-à-vis des<br />

valences du calendrier vaccinal: création d’une sérologie<br />

« multiplex » avec identification de seuils protecteurs et<br />

étude médico-économique de la vaccination ciblée<br />

(économie des rappels chez les répondeurs).<br />

• Réévaluation du schéma triennal de vaccination<br />

antigrippale.<br />

R6 : Adaptation continue des moyens de lutte<br />

contre le paludisme.<br />

Évolutivité de la chimioprophylaxie antipaludique.<br />

• Maintien d’experts militaires au sein du Comité des<br />

maladies liées aux voyages et maladies d’importation<br />

(CMVI).<br />

• Maintien de la surveillance de l’évolution de la<br />

chimiosensibilité du paludisme à P. falciparum et de<br />

P. vivax dans le cadre du Centre national de référence sur<br />

le paludisme et dans le cadre d’études de terrain.<br />

• Étude de nouvelles molécules ou stratégies (ex.: primaquine<br />

contre le paludisme à P. vivax en Guyane).<br />

Évolutivité de la lutte anti-vectorielle.<br />

•Développement de l’expertise entomologique de terrain<br />

(modifications écologiques, résistances aux insecticides).<br />

• Dotation en moustiquaires, treillis et bâches<br />

individuelles imprégnés d’insecticides « rémanents ».<br />

• Études sur l’utilisation des répulsifs adaptée aux<br />

contraintes opérationnelles.<br />

• Mise en place d’une procédure « qualité » sur la<br />

gestion des moustiquaires et insecticides en OPEX<br />

(personnels du SSA et forces).<br />

• Création d’une nouvelle compétence militaire de<br />

technicien de lutte anti-vectorielle.<br />

R7 : Évolutivité de l’éducation sanitaire sur les<br />

risques infectieux en OPEX.<br />

Formation à l’éducation sanitaire.<br />

•Mise en place de longue date dans les DESP, extension<br />

aux personnels infirmiers.<br />

Évaluation des actions d’éducation sanitaire dans<br />

les unités.<br />

• Déjà débutée par le DESP Nord, à poursuivre dans le<br />

cadre des EPP en unité.<br />

• Recensement des actions conduites, des méthodes<br />

et supports.<br />

• Estimation du rapport faisabilité/bénéfice pour<br />

chaque mesure préventive.<br />

• Création d’outils de mesures d’efficacité des<br />

différents programmes d’éducation sanitaire.<br />

Élaboration multidisciplinaire de la stratégie<br />

d’éducation sanitaire.<br />

• Collaboration entre MEDUNIT, spécialistes,<br />

chercheurs, experts en communication de l’Institut<br />

national d’éducation pour la santé (INPES), universitaires<br />

civils…<br />

• Évaluation des supports pédagogiques (affichettes,<br />

films dans les vols aériens militaires…), validation puis<br />

diffusion de supports de référence, évaluation de<br />

l’efficacité sur le terrain.<br />

• Acteurs impliqués : DESP, École du Val de Grâce<br />

(EVDG), directions régionales.<br />

• Actions complémentaires de la Caisse nationale<br />

militaire de sécurité sociale (CNMSS) : soutien pour<br />

études d’efficience et supports, renforcement de<br />

l’éducation sanitaire aux familles des militaires en<br />

OPEX, évaluation de l’impact sur la survenue et la gravité<br />

des infections des militaires en OPEX et au retour.<br />

Axe 3 : amélioer l’application des<br />

mesures préventives contre les<br />

infections en OPEX.<br />

R8 : Plan national militaire de prévention des<br />

infections en OPEX.<br />

Identification d’une unité fonctionnelle<br />

« prévention » à l’échelon central.<br />

• Missions du futur bureau d’évaluation des risques<br />

sanitaires à préciser dans le domaine des maladies<br />

infectieuses transmissibles en OPEX.<br />

• Définition de la stratégie de prévention sur des<br />

données factuelles et en concertation avec les états-majors<br />

• Intégration à l’ensemble des préventions sanitaires<br />

(infections ou non, OPEX ou non) ainsi qu’aux<br />

préventions non sanitaires au niveau de l’état-major.<br />

• Mise en concertation des différents acteurs :<br />

états-majors, bureau recherche, ressources humaines<br />

(effectifs intégrant les actions préventives, y compris<br />

enseignement et recherche clinique), EVDG (thèses,<br />

EPP MEDUNIT), DESP, Direction de l’Audit Interne<br />

du SSA (audits sur le développement de la stratégie<br />

de prévention), École des personnels paramédicaux<br />

des armées, CNMSS: participation du fond de prévention<br />

pour les études spécifiques et la mise en œuvre de<br />

mesures préventives complémentaires.<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

prévention des risques infectieux des militaires en opérations extérieures<br />

27


R9 :Amélioration de l’observance des mesures<br />

de prévention des infections en OPEX.<br />

Évaluation des mesures directement sous la<br />

responsabilité du SSA.<br />

•Couverture vaccinale, prophylaxies post-exposition…<br />

Recherches cliniques sur l’observance des<br />

mesures préventives.<br />

• Identification des déterminants psychocomportementaux<br />

de l’observance des mesures<br />

préventives, identification des facteurs d’échec des<br />

mesures préventives (plan stratégique en cours, une<br />

partie du projet s’inscrit dans le schéma directeur de lutte<br />

contre le paludisme de l’EMA).<br />

• Adaptation des méthodes pédagogiques visant à<br />

l’acceptation des mesures.<br />

R10 : Implication de l’encadrement militaire<br />

dans la prévention des infections en OEX.<br />

Sensibilisation des états-majors pour une meilleure<br />

collaboration cadres-SSA.<br />

•Sensibilisation par présentation d’exposés de situations<br />

infectieuses historiques et actuelles au sein de l’armée<br />

française et d’armées étrangères, tables rondes pour<br />

déterminer les rôles relatifs et les limites avérées (données<br />

sur l’observance), élaboration d’une stratégie commune.<br />

Appropriation des problèmes sanitaires par les<br />

cadres des armées.<br />

• Formation initiale et continue des cadres par des<br />

médecins formés pour l’auditoire (histoire et actualités<br />

des infections dans les armées, cours spécifiques concis<br />

avec jeux de rôles, retours d’expérience (RETEX) sur les<br />

infections en OPEX (France, autres armées) lors de la<br />

réunion des chefs de corps et autres réunions majeures.<br />

• Renforcer la place de la maîtrise des risques sanitaires<br />

dans les concours militaires (questions obligatoires<br />

aux concours).<br />

• Évaluation sur le terrain de la mise en œuvre des<br />

mesures préventives en OPEX (prise en compte dans<br />

l’évaluation des cadres: responsabilité de commandement.<br />

• Rôle possible de la CNMSS pour l’information<br />

des cadres.<br />

Conclusion.<br />

Les multiples risques infectieux en OPEX sont<br />

maîtrisés de façon inégale du fait des conditions<br />

opérationnelles, de l’insuffisance quantitative ou<br />

qualitative des mesures et de facteurs humains qui<br />

modulent la qualité de l’observance. Il n’y a pas de<br />

réponse univoque pour optimiser la prévention des<br />

infections cosmopolites et exotiques. Les armées<br />

françaises disposent déjà d’un arsenal préventif large,<br />

moderne, validé et efficace si appliqué. L’amélioration<br />

passera par une approche multidisciplinaire impliquant<br />

les états-majors (tab. I) avec une stratégie à long terme,<br />

intégrant l’enseignement et la recherche. La pertinence,<br />

la faisabilité et le coût des recommandations proposées<br />

sont des paramètres essentiels à intégrer pour définir les<br />

priorités à court, moyen et long termes. Selon nous,<br />

l’amélioration de la lutte anti-vectorielle, l’investissement<br />

renforcé de l’encadrement militaire dans la<br />

prévention des infections en OPEX et le développement<br />

d’études psycho-comportementales sur l’observance<br />

sont les trois axes prioritaires pour accéder à une<br />

optimisation significative et durable du contrôle des<br />

risques infectieux des militaires en OPEX.<br />

Tableau I. Tableau synoptique des recommandations pour améliorer la<br />

prévention des risques infectieux en OPEX.<br />

Recommandations Recherche<br />

1 – Prise en charge<br />

des infections en<br />

OPEX<br />

2 – Diffusion des<br />

informations<br />

sanitaires<br />

3 – Enseignement<br />

appliqué<br />

4 – Recherche<br />

opérationnelle<br />

Action<br />

médicale<br />

Action<br />

structurelle<br />

Acteurs<br />

principaux<br />

X X SSA<br />

X X X SSA<br />

X X X<br />

SSA, EVDG,<br />

EMA<br />

X X X SSA, EMA<br />

5 – Vaccinations X X SSA<br />

6 – Lutte contre le<br />

paludisme<br />

7 – Éducation<br />

sanitaire<br />

8 – Plan national<br />

militaire de<br />

prévention<br />

9 – Amélioration de<br />

l’observance<br />

10 – Implication de<br />

l’encadrement<br />

militaire<br />

X X X SSA, EMA<br />

X X X<br />

X<br />

X X X<br />

X<br />

SSA, EVDG,<br />

CNMSS<br />

SSA, EMA,<br />

CNMSS<br />

SSA, EMA,<br />

CNMSS<br />

SSA, EMA<br />

Abréviations : OPEX : opérations extérieures ; SSA : Service de santé des armées ;<br />

EMA : État-major des armées ; EVDG : École du Val-de-Grâce ; CNMSS : Caisse nationale<br />

militaire de sécurité sociale.<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

1. Debord T, Eono P, Rey JL, Roué R. Les risques infectieux en<br />

opérations. Med Mal Infect 1996. 26 Suppl 3: 402-7.<br />

2. Haus R, Kraemer P, Simon F. Les risques infectieux en opérations.<br />

Médecine et Armées, 2009 ; 37 (5) : 435-52.<br />

3. Aronson NE, Sanders JW, Moran KA. In harm’s way : Infections in<br />

deployed American military forces. Clin Infect Dis, 2006. 43: 1045-51.<br />

4. Murray CK, Horvath LL. An approach to prevention of infectious<br />

diseases during military deployments. Clin Infect Dis, 2007. 44: 424-30.<br />

5. Migliani R, Pages F, Josse R, Michel R, Pascal B, Baudon D.<br />

Épidémies de paludisme sur les théâtres d'opérations extérieures :<br />

Causes et déduction pour la prévention. Médecine et Armées, 2004.<br />

32(4): 293-9.<br />

28 f. simon


Dossier « textes d’experts »<br />

Le stress au sein de la population militaire : du stress<br />

opérationnel à l’état de stress post-traumatique.<br />

H. Boisseaux a .<br />

a Service de psychiatrie, Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, 74 boulevard de Port-Royal – 75230, Paris Cedex 5.<br />

Introduction.<br />

Durant ces dernières années, l’armée française a dû<br />

profondément évoluer pour être en mesure de faire face<br />

aux nouvelles missions qui lui sont confiées.<br />

Les militaires français interviennent depuis longtemps<br />

hors des frontières, dans des situations de conflit limité.<br />

Aujourd’hui, ils sont engagés aux côtés des États-Unis<br />

dans une guerre mondiale contre le terrorisme (GOWT)<br />

dont le principal terrain de confrontation est actuellement<br />

l’Afghanistan.<br />

On sait que la guerre n’est jamais sans impact sur ceux<br />

là même qui s’y trouvent engagés. Les expériences<br />

actuelles de l’armée des États-Unis en Irak ou en<br />

Afghanistan confirment qu’un nombre important de<br />

vétérans souffrent de troubles psychiques. Mais malgré<br />

les efforts importants consentis par ce pays pour offrir à<br />

ses soldats les soins nécessaires, un grand nombre d’entre<br />

eux n’en bénéficient finalement pas.<br />

En France, ce sont des données qui sont prises en<br />

compte. La Défense, mais au-delà la nation toute entière,<br />

a des devoirs vis-à-vis de militaires susceptibles<br />

d’engager ainsi leur vie sachant que 30 000 jeunes<br />

rejoignent chaque année les armées et qu’autant les<br />

quittent. Dans l’institution ou de retour à la vie civile,<br />

personne ne doit être oublié.<br />

Il importe donc d’examiner les moyens mis en œuvre<br />

pour assurer une prévention efficace. C’est généralement<br />

à partir du concept de stress que sont pensés les effets<br />

psychiques constatés pendant et au retour des missions<br />

opérationnelles. Ce concept montre cependant ses<br />

limites. Il y a donc lieu de s’interroger sur sa pertinence.<br />

Le stress, intérêt et limites d’un<br />

concept.<br />

Le terme de stress est aujourd’hui couramment utilisé<br />

pour rendre compte du poids des contraintes qui pèsent<br />

sur un individu. Ce n’est pas le lieu de reprendre tout<br />

H. BOISSEAUX, médecin en chef.<br />

Correspondance : H. BOISSEAUX, Service de psychiatrie, Hôpital d’instruction<br />

des armées du Val-de-Grâce, 74 boulevard de Port-Royal – 75230, Paris Cedex 5.<br />

l’historique de ce concept. Il importe cependant de<br />

préciser là quelques points.<br />

Le modèle initial de Canon et Selye se fonde sur des<br />

données biologiques. Il décrit la réaction d’un organisme<br />

animal confronté à une situation nouvelle. Elle se traduit<br />

par le déclenchement de processus neuroendocrinologiques<br />

destinés à l’adaptation de cet organisme<br />

aux conditions qui lui sont imposées. En ce sens, le stress<br />

est considéré comme un processus « normal » et utile. Ce<br />

mode de fonctionnement ne peut cependant se poursuivre<br />

trop longtemps sans conséquences. C’est dans de telles<br />

circonstances que l’on a pu décrire des lésions organiques<br />

liées au stress. Extrapolé à l’homme, ce modèle<br />

biophysiologique s’est ensuite enrichi des implications<br />

psychiques, normales mais aussi pathologiques, qui s’y<br />

trouvent aussi associées. Ainsi, les classifications<br />

internationales des maladies autonomisent désormais<br />

des pathologies mentales dues au stress.<br />

Le modèle du stress interroge donc la capacité d’un<br />

individu à s’adapter aux nouvelles conditions qui lui sont<br />

imposées, c'est-à-dire à trouver un fonctionnement<br />

physiologique et psychologique qui ne soit pas pathogène.<br />

En distinguant stress « normal », adaptatif, et stress<br />

« dépassé », ce sont les limites de ce qui est supportable<br />

sans dommage qui sont questionnées. En se focalisant sur<br />

l’événement, on a progressivement assisté à un glissement<br />

sémantique qui a conduit à confondre la cause et l’effet,<br />

oubliant aussi le sujet derrière l’événement et sa<br />

subjectivité derrière une biologie des comportements.<br />

Les études menées plus récemment sur la biologie du<br />

stress montrent la grande complexité des mécanismes en<br />

cause. Elles conduisent à reconnaître qu’il n’est<br />

finalement pas possible de faire l’impasse sur le Sujet et<br />

contribuent à lui redonner une place. En effet tout ce qui<br />

relève de la vie psychique résiste à se résoudre dans une<br />

approche purement biologique ou psychologisante.<br />

L’impact d’un événement n’est pas identique pour tous,<br />

même s’agissant de personnes prises dans des liens<br />

d’identification très forts comme c’est le cas de certains<br />

groupes militaires. Plus que l’intensité ou la gravité<br />

supposée de l’événement, l’effet qu’il va avoir sur un<br />

individu dépend surtout d’éléments constitutifs de sa<br />

propre structure psychique. Restreindre la clinique<br />

psychiatrique observée lors de l’exposition à des facteurs<br />

de stress à un trouble de l’adaptation apparaît donc bien<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 29-36 29


éducteur. Mais la question est encore d’un tout autre<br />

niveau lorsqu’il s’agit d’événements qui viennent toucher<br />

le cœur même de la subjectivité humaine. C’est le cas des<br />

événements traumatiques qui en convoquant le sujet face à<br />

sa propre mort, lui posent la question même de son être. En<br />

cela, ils créent une véritable blessure psychique dont la<br />

cicatrice peut dès lors s’avérer indélébile.<br />

Il ne nous apparaît donc pas possible d’inscrire stress et<br />

trauma dans une même continuité. Les deux répondent à<br />

des logiques différentes, logique adaptative pour le stress<br />

avec la possibilité pour le sujet de tenter d’en reculer le<br />

point de rupture, logique « du tout ou rien » dans le cas du<br />

traumatisme psychique. En termes de prévention les<br />

enjeux sont très différents. C’est ce qui fait la spécificité<br />

d’une conception francophone qui se distingue d’un<br />

discours ambiant qui tend à inscrire le traumatisme<br />

psychique comme un effet de stress et qui entraîne une<br />

certaine confusion dans l’utilisation qui est faite du terme<br />

traumatisme en psychiatrie. Les situations de guerre<br />

exposent naturellement les militaires à des situations<br />

potentiellement traumatiques. C’est la nature de cette<br />

rencontre surprise avec la mort, impossible à symboliser,<br />

qui fait le traumatisme. Stress opérationnel et traumatisme<br />

psychique sont hétérogènes et ne se recouvrent pas même<br />

si le traumatisme psychique subi en situation<br />

opérationnelle l’est dans un contexte d’exposition à tout<br />

un ensemble de facteurs de stress qui peuvent avoir un<br />

effet de fragilisation ou d’amplification des symptômes.<br />

Le milieu militaire.<br />

L’institution militaire a beaucoup évolué à l’image de la<br />

société et en fonction du contexte géopolitique dans<br />

lequel la France cherche à exister. La professionnalisation<br />

de l’armée française a constitué un véritable<br />

bouleversement « culturel », bousculant des habitudes,<br />

remettant en cause des façons de faire. En ce sens, cette<br />

professionnalisation a été un facteur de stress et de<br />

nombreux personnels ont eu le sentiment de perdre en<br />

partie leurs repères. Une part importante de la population<br />

militaire était constituée d’un contingent qui était là pour<br />

effectuer son devoir national. Elle a aujourd’hui disparu<br />

remplacée par des engagés volontaires aux profils variés,<br />

poussés parfois par la précarité du marché de l’emploi. La<br />

confrontation de l’Idéal à une réalité qui n’est parfois pas<br />

celle attendue est souvent très difficile pour eux!<br />

Jeunes engagés ou militaires d’active sont soumis aux<br />

règles d’un milieu qui peuvent apparaître comme autant<br />

de facteurs de stress. On peut ainsi en souligner deux<br />

aspects essentiels:<br />

– un cadre très hiérarchisé qui implique une soumission<br />

à l’autorité. C’est une donnée à laquelle la société actuelle<br />

ne prépare guère le jeune engagé;<br />

– l’interdépendance de ses membres et une valorisation<br />

du groupe à une époque où l’individualisme règne en<br />

maître.<br />

Le milieu militaire apparaît donc structurellement<br />

comme un lieu de contraintes et ceci d’autant plus que de<br />

nombreux aspects de la vie actuelle contribuent à les<br />

amplifier. Les impératifs économiques impliquent de<br />

nouveaux modes de vie, la nécessité pour les conjoints<br />

d’avoir une activité professionnelle et le développement<br />

du « célibat géographique » qui bouleverse les équilibres<br />

familiaux. La réforme actuelle des armées et la disparition<br />

de certaines garnisons est source de profondes<br />

inquiétudes pour des familles qui avaient cru pouvoir<br />

trouver une certaine stabilité géographique aujourd’hui<br />

remise en cause. La création des bases de défense<br />

implique de nouveaux modes d’organisation, un<br />

regroupement et une mutualisation des moyens. Elle fait<br />

craindre une moindre proximité de structures médicales<br />

et sociales qui ont un rôle essentiel dans l’équilibre<br />

institutionnel. Ces facteurs de stress touchent bien sûr les<br />

militaires mais aussi les employés civils qui occupent une<br />

place importante dans l’outil de défense et enfin les<br />

familles de tous ces personnels!<br />

L’engagement militaire met donc à l’épreuve celui qui<br />

fait le choix de ce métier singulier, mais aussi ses proches.<br />

Dans le rapport d’un individu à l’institution militaire, des<br />

lignes de tension apparaissent donc, servant fréquemment<br />

d’écran de projection pour ses propres difficultés. De ce<br />

point de vue, le milieu militaire est un puissant révélateur<br />

des limites, voire des failles de chacun. L’atteinte d’un<br />

« point de rupture » ne peut cependant se réduire à la seule<br />

dimension d’un trouble de l’adaptation comme introduit<br />

par la logique du stress. Avec des causalités qui pour<br />

apparaître trop évidentes ne disent finalement rien des<br />

impasses et des répétitions d’une histoire individuelle, on<br />

risque de passer totalement à côté de notre sujet. Il y a lieu<br />

d’y être attentif.<br />

Les situations opérationnelles.<br />

Les conditions opérationnelles multiplient bien sûr les<br />

contraintes et les facteurs de stress, pour le militaire mais<br />

aussi pour son entourage familial, bouleversant les<br />

repères adaptatifs individuels et collectifs.<br />

Le document « Combat and Operational Stress<br />

Control » FM 4-02.51 de l’armée américaine différencie<br />

des « stresseurs » physiques, environnementaux ou physiologiques<br />

et des « stresseurs » mentaux liés aux<br />

limitations cognitives ou aux implications émotionnelles<br />

qui modifient la capacité de maîtrise d’une situation. La<br />

résistance du combattant est mise à l’épreuve non<br />

seulement en raison de l’intensité des « stresseurs », de la<br />

durée d’exposition mais aussi leur effet cumulatif.<br />

Avec l’engagement de l’armée française en<br />

Afghanistan, les militaires vivent une véritable situation<br />

de guerre marquée par des risques bien réels, quasi<br />

permanents, avec des accrochages armés mais surtout le<br />

sentiment d’être, à chaque déplacement, à la merci d’un<br />

IED (Improvised Explosive Device). L’effet de stress et<br />

des modalités adaptatives mises en œuvre se mesurent au<br />

retour, à la difficulté rencontrée pour reprendre une vie<br />

quotidienne normale. Les situations potentiellement<br />

traumatiques sont nombreuses et les pertes subies parmi<br />

les frères d’arme entament fortement le moral et la<br />

résistance des hommes.<br />

La longueur des missions mais également leur<br />

renouvellement constituent pour les militaires ainsi que<br />

pour leurs familles d’importants facteurs de stress. La<br />

population militaire ressent parfois un véritable décalage<br />

avec son environnement civil. Les familles vivent la<br />

situation compliquée de familles monoparentales,<br />

avec une inquiétude pour le parent absent qui ne peut<br />

être véritablement partagée avec l’entourage. Les<br />

30 h. boisseaux


communications sont également rendues difficiles par le<br />

souci mutuel de ne pas mettre l’autre en difficulté,<br />

laissant parfois se construire dans le couple un mur<br />

d’incompréhension. Enfin, la solidarité qui pouvait<br />

exister entre familles d’une même unité a aujourd’hui<br />

laissé place à la solitude de la dispersion malgré tout ce<br />

que tentent de mettre en place les régiments pour faire<br />

rupture à l’isolement et rassurer les combattants.<br />

Les modalités d’expression clinique de la souffrance<br />

psychique du militaire en opération sont donc très<br />

variées, parcourant l’ensemble de la nosographie<br />

psychiatrique, bien au-delà du registre d’ailleurs bien<br />

difficile à délimiter des pathologies du stress. Par ailleurs,<br />

les états de stress post traumatique ne résument pas<br />

d’avantage les troubles psychiques rencontrés chez les<br />

militaires de retour d’opération.<br />

Les données épidémiologiques.<br />

Les données épidémiologiques relatives aux troubles<br />

psychiques présentés par les militaires de retour de<br />

missions opérationnelles sont assez déconcertantes.<br />

Dans les armées qui effectuent une recherche<br />

systématique d’éventuelles pathologies psychiatriques<br />

au retour de mission, les chiffres publiés sont très divers.<br />

Ainsi, lors de la dernière réunion du panel d’experts du<br />

« military mental health » (MMH) des armées de<br />

l’alliance atlantique (OTAN), les britanniques faisaient<br />

état d’un taux d’ESPT de 5 % chez les soldats de retour<br />

d’Irak, un taux proche de celui retrouvé dans la population<br />

générale de leur pays là où les américains retenaient eux<br />

des taux allant de 14 % à 19 %. Il est certain que de<br />

nombreuses variables sont à prendre en compte. Ainsi, les<br />

taux varient selon l’exposition des unités, leur degré de<br />

professionnalisation ou le moment de la mesure<br />

notamment. Dans une étude parue dans le Journal of the<br />

American Medical Association en 2007, il était précisé<br />

que le nombre de militaires présentant des troubles<br />

augmentait notablement au cours du temps pour atteindre<br />

un pic aux environs du 6 e mois après le retour.<br />

En France, en l’absence de toute évaluation<br />

systématique, les données sont parcellaires. La fiche<br />

épidémiologique du SSA qui concerne les pathologies<br />

post traumatiques est très peu renseignée et les données<br />

fournies concernant les ESPT au sein des armées sont<br />

donc à la fois sous évaluées et peu significatives. Le suivi<br />

des rapatriements sanitaires (RAPASAN) pourrait<br />

donner une idée des difficultés rencontrées par les<br />

militaires en opération. Il n’est pas effectué<br />

systématiquement. Une étude réalisée entre 2002 et 2005<br />

sur une population de 202 militaires permet de constater<br />

que 16,4 % ont été rapatriés pour un état de stress aigu et<br />

moins de 2 % pour un état de stress post traumatique,<br />

l’existence d’un traumatisme psychique étant rapporté<br />

pour 6,4 % de cette population. Des études plus ciblées<br />

comme celle effectuée dans un régiment opérationnel de<br />

l’armée de Terre notent un taux de moins de 1 % d’ESPT.<br />

C’est un taux comparable à ceux retrouvés dans la<br />

population civile. D’autres études sont en cours sur des<br />

populations ayant vécu des événements potentiellement<br />

traumatiques; l’une concerne les militaires du 8 e RPIMa<br />

engagés dans les combats de la Vallée d’Uzbin le 18 août<br />

2008 et l’autre les militaires qui étaient sur le site du lycée<br />

Descartes de Bouaké lors de l’attaque aérienne du<br />

6 novembre 2004.<br />

Des études moins directement centrées sur les troubles<br />

psychiques consécutifs aux missions opérationnelles<br />

peuvent offrir également des données intéressantes.<br />

L’étude effectuée à partir des dossiers de congé de<br />

longue durée (CLD) des militaires de l’armée de Terre<br />

durant l’année 2003 montre que la pathologie<br />

psychotraumatique n’est qu’à de très rares exceptions<br />

près le motif premier de mise en CLD et que même, elle<br />

est rarement corrélée à celui-ci. L’étude effectuée par la<br />

Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS)<br />

de Toulon concernant la consommation de psychotropes<br />

chez les militaires d’active ne relève qu’une<br />

consommation modérée de psychotropes, élément peu<br />

en faveur du traitement de pathologies d’évolution<br />

chronique comme le Post traumatic stress disorder<br />

(PTSD)! Enfin, nous pouvons constater qu’il n’existe pas<br />

de chiffres publiés concernant le nombre des anciens<br />

combattants pensionnés pour des psychosyndromes post<br />

traumatiques, ni le taux d’invalidité qui leur est attribué.<br />

Et l’observatoire des vétérans n’a à ce jour initié encore<br />

aucun travail en ce sens.<br />

Au total, il ressort cependant de ces données chiffrées<br />

que les pathologies consécutives aux missions dans<br />

lesquelles sont engagées les armées françaises ne<br />

semblent actuellement pas numériquement très<br />

importantes. Elles ne sont en tous cas pas de nature à<br />

remettre en cause fondamentalement le dispositif en<br />

place pour y faire face. Sans doute sous-évaluées, ce sont<br />

cependant des pathologies qui ont acquis aujourd’hui une<br />

place particulière comme indicateur des contraintes<br />

auxquelles sont soumises les populations étudiées et donc<br />

en ce qui nous concerne, la population militaire. En ce<br />

sens, ce sont des données que l’on peut considérer comme<br />

« sensibles ». Elles nécessitent de ce fait une évaluation<br />

sérieuse et validée et une utilisation prudente.<br />

Les deux aspects du soutien psychologique<br />

en opération.<br />

L’équilibre psychique des soldats et la dynamique<br />

collective du groupe militaire sont essentiels à l’efficacité<br />

d’une armée et l’art du commandement a toujours été<br />

d’en créer les conditions. L’évolution des sciences et des<br />

techniques mais aussi une certaine pression sociale ont<br />

conduit aujourd’hui le commandement militaire à<br />

s’adjoindre les services de spécialistes à même<br />

d’optimiser l’aguerrissement et les capacités de résilience<br />

des combattants, mais aussi à bénéficier de leurs<br />

compétences face à d’éventuels dysfonctionnements<br />

collectifs, lorsque par exemple des situations<br />

exceptionnelles contribuent à la désorganisation du<br />

groupe. Cela constitue le versant psychosocial du soutien<br />

psychologique du combattant.<br />

Malgré cela, tout soldat même très bien préparé et<br />

intégré au sein d’un groupe qui fonctionne correctement<br />

peut présenter en situation opérationnelle des difficultés<br />

psychiques nécessitant là une intervention médicopsychologique<br />

personnalisée. C’est une action qui se<br />

focalise non plus sur le groupe mais sur l’individu en<br />

difficulté. C’est la mission du Service de santé des armées<br />

et de sa « chaîne médicale » que de prendre en compte et<br />

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le stress au sein de la population militaire : du stress opérationnel à l’état de stress post-traumatique<br />

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d’apporter les soins nécessaires aux blessés physiques<br />

mais aussi psychiques, sur le terrain mais aussi bien audelà<br />

du temps du retour notamment lorsqu’ils présentent<br />

des troubles psychotraumatiques.<br />

Au sein des armées françaises, ces deux registres<br />

d’action, psycho-social et médico-psychologique, sont<br />

clairement différenciés avec des acteurs spécifiques dont<br />

les responsabilités ne se recouvrent pas même si elles se<br />

complètent. C’est d’un côté toute la structure hiérarchique<br />

avec les psychologues institutionnels, les officiers<br />

« environnement humain » mais aussi les personnels de<br />

l’Action sociale aux armées, les membres des cellules<br />

d’aide aux blessés, les officiers des cultes et de l’autre les<br />

personnels médicaux et paramédicaux du Service de<br />

santé des armées. Il est essentiel que tout combattant<br />

puisse bien saisir quelle est la place des uns ou des autres<br />

et pour ceux-ci de savoir s’y tenir. Sans cela, le sujet en<br />

souffrance sera bien en difficulté pour retrouver ses<br />

repères et la voie vers les soins dont il peut avoir besoin.<br />

Les axes de prévention des troubles<br />

psychiques post opérationnels.<br />

Un dispositif cohérent est donc en place au sein<br />

des armées françaises pour prévenir le stress opérationnel<br />

des militaires et ses éventuelles conséquences, qu’elles<br />

soient individuelles ou collectives. Au-delà de l’attention<br />

« naturelle » à porter aux sujets qui apparaissent<br />

en difficulté ou dont le comportement change, attention<br />

qui ne saurait se limiter aux temps opérationnels,<br />

certaines actions sont plus spécifiques des temps pré,<br />

per ou post mission.<br />

C’est d’abord tout ce qui est fait préalablement à la mise<br />

en situation opérationnelle et qui va être destiné à réduire<br />

l’impact des facteurs de stress.<br />

Comme nous l’avons souligné, le métier des armes<br />

expose à de nombreux facteurs de stress et à la possibilité<br />

de rencontres traumatiques. L’instruction et<br />

l’entraînement militaire cherchent à en limiter les effets<br />

déstabilisateurs voire pathogènes. À cet effet, et même si<br />

elles n’empêchent pas la rencontre traumatique, le<br />

développement de techniques de coping ou de gestion du<br />

stress fait progressivement partie des programmes<br />

d’entraînement opérationnel et d’optimisation du<br />

potentiel humain. Ce domaine de l’aguerrissement, des<br />

conditions de vie et d’engagement des hommes est de la<br />

responsabilité de l’encadrement militaire. Le Service de<br />

Santé des Armées apporte son concours et ses avis<br />

techniques dans le domaine de l’éducation sanitaire ou du<br />

conseil au commandement. Dans le domaine de<br />

l’entraînement au stress, il est en effet des limites à<br />

ne pas dépasser. Ainsi, on ne prépare pas un sujet aux<br />

effets du trauma en l’exposant à de situations<br />

potentiellement traumatiques. C’est une faute<br />

grave. Les médecins doivent y être attentifs.<br />

Préalablement à tout engagement opérationnel, le<br />

service de santé des armées joue un rôle essentiel dans la<br />

sélection, l’orientation et le suivi de l’adaptation des<br />

militaires. La découverte de l’institution militaire se fait<br />

par le biais d’une période probatoire qui permet<br />

d’observer le jeune engagé « en situation ». Elle est riche<br />

d’enseignements pour peu que l’on ne ferme pas les yeux<br />

sur les difficultés qu’il exprime ou pour les considérer<br />

sans réflexion comme normales en période d’adaptation.<br />

Elle vient souvent révéler les limites d’un fonctionnement<br />

psychique peu compatible avec l’exercice du métier de<br />

soldat. Mais le milieu peut également permettre chez<br />

certains une adaptation paradoxale et la stabilisation d’un<br />

équilibre psychique jusque là précaire. Le suivi des<br />

militaires se poursuit donc tout au long de la carrière.<br />

Toutes les visites médicales, circonstancielles ou<br />

systématiques en sont autant d’opportunités. Elles ne<br />

peuvent plus se limiter à la ritualisation d’un examen qui<br />

exclurait les aspects plus intimes du fonctionnement<br />

psychique. En ce sens, personne ne peut exonérer le<br />

médecin militaire de ce domaine de responsabilité. À<br />

l’heure où le format des armées est plus réduit, que les<br />

départs en mission sont plus nombreux et qu’ils sont donc<br />

amenés à se répéter, toutes ces visites médicales sont<br />

désormais envisagées en prenant en compte les exigences<br />

d’un possible départ en opération.<br />

Ce sont ensuite toutes les actions menées auprès du<br />

militaire lorsqu’il rencontre des difficultés dans<br />

l’accomplissement de sa mission ou lorsqu’il se trouve<br />

confronté à certaines situations exceptionnelles parfois<br />

potentiellement traumatiques.<br />

L’encadrement a un rôle essentiel dans le repérage<br />

des hommes en difficulté. Après le déploiement dans<br />

les unités de l’armée de terre d’officiers « environnement<br />

humain », la formation et la mise en place récente<br />

de « référents section » doit permettre de disposer au<br />

plus prêt des combattants, de personnels particulièrement<br />

sensibilisés à ces questions et à la nécessité<br />

d’une action adaptée.<br />

Dans les armées françaises, la doctrine de médicalisation<br />

de l’avant permet d’offrir aux combattants un<br />

accès aisé à des soins lorsqu’existe une souffrance<br />

psychique. En favorisant l’établissement de rapports<br />

informels, cette présence médicale permet un repérage<br />

plus facile de militaires en souffrance quand une demande<br />

explicite ne peut s’exprimer du fait du contexte ou de la<br />

pression du groupe, d’éviter toute stigmatisation et<br />

d’ouvrir sur des soins. L’attitude des cadres est pour cela<br />

déterminante. La survenue d’événements exceptionnels<br />

fortement déstabilisateurs, à l’origine de manifestations<br />

émotionnelles intenses et de troubles du comportement<br />

variés conduit à des actions plus formalisées en direction<br />

des militaires les plus en difficulté mais au-delà, à tous<br />

ceux que l’onde de choc émotionnelle est susceptible<br />

d’avoir touchés. Les principes maintenant bien connus<br />

d’immédiateté, de proximité de simplicité et<br />

d’expectative en ordonnent la mise en œuvre. Dans les<br />

armées françaises, le médecin d’unité peut faire appel aux<br />

psychiatres des armées ou demander, si les circonstances<br />

l’exigent, le déploiement d’une cellule d’aide médico<br />

psychologique. Le potentiel traumatique de certaines<br />

situations pose la question d’une action préventive de<br />

débriefing. Aucune action spécialisée ne permet<br />

cependant actuellement d’éviter le déclenchement<br />

d’un état de stress post traumatique lorsqu’il y a eu<br />

une rencontre traumatique. Une prise en charge précoce<br />

est de nature cependant à en réduire les conséquences<br />

si l’on parvient à engager le militaire vers des soins.<br />

L’attention se porte particulièrement vers les sujets ayant<br />

présenté des troubles immédiatement consécutifs à un<br />

événement exceptionnel, un état d’effroi ou de<br />

dissociation péri-traumatique.<br />

32 h. boisseaux


On souligne aujourd’hui l’intérêt d’un temps de<br />

«décompression », en fin de mission, pour aider au retour<br />

et à la reprise de la vie quotidienne, là où le stress<br />

opérationnel a imposé au combattant un mode de<br />

fonctionnement psychique très spécifique. La difficulté à<br />

tourner la page de cette expérience expose à tout un<br />

ensemble de problèmes qui peuvent parfois nécessiter<br />

une aide. Si la médicalisation systématique d’un tel<br />

processus psychique n’est pas souhaitable, il est opportun<br />

de dégager, à ce moment, un temps de débriefing<br />

« technique » qui permette de marquer un véritable terme<br />

à la mission en lui donnant son sens. Il doit permettre aussi<br />

le repérage de ceux qui rencontreraient déjà à ce moment<br />

des difficultés ou qui présenteraient des troubles<br />

psychiques caractérisés nécessitant des soins. C’est<br />

une donnée qui est aujourd’hui prise en compte, dans<br />

l’armée de Terre. Accompagné par les psychologues<br />

institutionnels, c’est l’opportunité de rappeler à quels<br />

interlocuteurs il peut être fait appel en cas de besoin.<br />

Enfin, les actions menées ne se limitent pas au temps<br />

opérationnel, avec des enjeux qui vont bien au-delà, qu’il<br />

s’agisse d’actions de soin au profit du militaire et de sa<br />

famille, ou du processus de réparation d’éventuelles<br />

séquelles post traumatiques.<br />

Les services médicaux d’unité sont à même de répondre<br />

aux besoins médico-psychologiques des militaires de<br />

retour d’opération et de leur offrir les soins qui leurs sont<br />

éventuellement nécessaires en articulation avec les<br />

spécialistes psychiatres ou psychologues cliniciens des<br />

hôpitaux des armées.<br />

Les médecins d’unité constituent un maillon<br />

incontournable de cette chaîne et la visite médicale<br />

annuelle un outil de choix pour permettre un diagnostic et<br />

engager un suivi médical. Compte-tenu de leurs multiples<br />

attributions, il faut bien sûr que ces médecins puissent<br />

compter sur la fiabilité des interlocuteurs dont ils vont<br />

susciter le concours.<br />

La qualité de l’environnement social et professionnel<br />

en est le complément indispensable. Concernant l’aide<br />

aux familles, les unités disposent désormais de cellules<br />

spécifiques qui peuvent être sollicitées à tout moment.<br />

Elles sont en mesure d’orienter, en fonction des demandes,<br />

vers les interlocuteurs adaptés sociaux ou médicaux.<br />

Propositions pour une amélioration<br />

du dispositif.<br />

Si le dispositif en place dans les armées françaises<br />

montre quotidiennement toute sa pertinence, il demeure<br />

perfectible. Les difficultés rencontrées sont autant<br />

d’enseignements nécessaires à l’amélioration de la prise<br />

en compte des difficultés du soldat ou de sa famille.<br />

Pour une meilleure appréciation de l’incidence<br />

des troubles psycho-traumatiques.<br />

L’idée d’améliorer la prise en charge des militaires<br />

exposés au stress et aux éventuels traumatismes des<br />

missions opérationnelles passe par une évaluation des<br />

besoins réels en ce domaine. Il apparaît donc utile de<br />

pouvoir disposer de données chiffrées plus précises<br />

concernant l’impact psychique réel des opérations<br />

menées par les armées françaises. Il s’agit d’un sujet qui<br />

rencontre indiscutablement des réticences au sein d’une<br />

population militaire par ailleurs peu habituée à être ainsi<br />

étudiée, en tous cas de façon systématique et à grande<br />

échelle. Les tentatives d’évaluation plus limitées menées<br />

récemment au décours d’événements dramatiques l’ont<br />

bien montré. Une évolution en ce domaine demanderait,<br />

en plus des moyens que cela implique, une volonté<br />

« politique » d’en assumer les résultats. Les évolutions<br />

actuelles vers une victimisation des militaires et une<br />

« judiciarisation » de la guerre ne sont sans doute pas<br />

favorables pour une évolution en ce sens.<br />

En l’état actuel et pour ce qui est du ressort spécifique<br />

du Service de santé des armées, il nous apparaît<br />

indispensable de remettre à l’ordre du jour cet outil jusque<br />

là peu renseigné qu’est la « fiche épidémiologique<br />

concernant les états post traumatiques ». La population<br />

militaire, population à risque, doit faire l’objet d’une<br />

surveillance spécifique. Les visites médicales<br />

réglementaires en offrent l’opportunité. Elles constituent<br />

également l’occasion de vérifier la présence des pièces<br />

médico-administratives nécessaires lorsque se pose la<br />

question d’une éventuelle demande de réparation. Nous<br />

proposons donc que soit diffusée une information sur le<br />

sujet incitant les praticiens à interroger systématiquement<br />

les militaires et à remplir ces fiches, au niveau des<br />

Services médicaux d’unité (SMU) mais aussi des<br />

services hospitaliers militaires qui reçoivent ces patients.<br />

Une diffusion régulière des résultats accompagnée<br />

d’un commentaire critique est sans doute le meilleur<br />

moyen de motiver les acteurs sollicités. Pour rendre le<br />

renseignement de cette fiche plus aisé, notamment lors de<br />

la Visite systématique annuelle (VSA), on peut envisager<br />

la mise en place d’un questionnaire que remplirait<br />

systématiquement le militaire préalablement à sa visite.<br />

Il apparaît par ailleurs indispensable que soit mis en<br />

place un véritable suivi des rapatriements sanitaires<br />

(RAPASAN). Un retour prématuré motivé par un motif<br />

psychiatrique est un événement marquant dans un<br />

parcours militaire. Il ne doit être ni dramatisé ni banalisé<br />

mais pris en compte dans toutes ses dimensions. En ce<br />

sens, il est un indicateur précieux de l’impact que peuvent<br />

avoir les opérations extérieures sur l’état de santé<br />

psychique des militaires. Nous proposons donc que tout<br />

RAPASAN « psychiatrique » fasse aussi l’objet d’un<br />

document spécifique permettant d’en déterminer les<br />

principales coordonnées et que, là également, leur suivi<br />

fasse l’objet d’un bilan régulièrement diffusé.<br />

Pour une plus grande attention à la sélection<br />

des personnels.<br />

L’engagement militaire impose une capacité<br />

d’adaptation à des facteurs de stress très spécifiques.<br />

L’appréciation d’une telle capacité est naturellement<br />

difficile et la sélection se révèle très imparfaite.<br />

La période initiale, durant laquelle le jeune engagé<br />

prend contact avec le milieu militaire, s’avère être<br />

un temps essentiel au repérage d’éventuelles difficultés<br />

précoces d’adaptation. Il y a donc lieu de porter<br />

une grande attention et à ne pas considérer trop<br />

hâtivement comme normaux en début d’engagement<br />

des symptômes qui traduisent déjà les limites adaptatives<br />

de fonctionnements psychiques singuliers. Il<br />

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le stress au sein de la population militaire : du stress opérationnel à l’état de stress post-traumatique<br />

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n’est pas opportun de chercher à intégrer coûte que<br />

coûte des individus manifestement inaptes à s’adapter<br />

au milieu militaire, les intéressés eux-mêmes n’en<br />

ayant souvent pas conscience. Nous proposons donc<br />

que les personnels responsables de la formation<br />

initiale des jeunes engagés, en unité ou dans les écoles,<br />

soient fortement sensibilisés à cet enjeu et formés<br />

au repérage de difficultés précoces qui doivent<br />

systématiquement conduire à la demande d’un<br />

avis médical. Il est pour cela indispensable qu’ils<br />

soient soutenus par leur hiérarchie militaire.<br />

Les capacités d’adaptation sont dépendantes de<br />

facteurs individuels, mais aussi de données environnementales<br />

et circonstancielles. Quelque soit le moment<br />

de la carrière, des événements de la vie personnelle<br />

peuvent réduire les capacités d’adaptation du militaire et<br />

le mettre en difficulté. En opération, ce sont le plus<br />

souvent de telles circonstances qui imposent que soit<br />

prise une décision de rapatriement « sanitaire ». Pour<br />

certains, ces difficultés peuvent être identifiées<br />

préalablement au départ. Les situations opérationnelles<br />

et à plus forte raison les missions combattantes,<br />

amènent de nouveaux facteurs de stress qui sont<br />

autant d’éléments d’aggravation de la situation. Nous<br />

proposons de sensibiliser les commandants d’unité à<br />

ce problème préjudiciable pour l’individu comme pour<br />

le groupe dont ils ont la responsabilité. Les officiers<br />

« environnement humain » peuvent avoir une position de<br />

conseil en ce domaine.<br />

Une attention toute particulière doit enfin être portée<br />

aux réservistes. Ces personnels prennent une place<br />

de plus en plus importante dans les armées (60 000<br />

à 80 000 hommes amenés à servir temporairement)<br />

même si un nombre encore réduit part en opération. On<br />

peut considérer qu’il s’agit d’une population<br />

particulièrement à risque en raison notamment de la<br />

discontinuité de leur présence dans l’unité, d’une<br />

qualité d’adaptation plus aléatoire, de compétences<br />

spécifiques moins affutées, mais aussi des conséquences<br />

que ces absences peuvent avoir sur leur vie professionnelle<br />

civile. Nous proposons donc qu’une attention spécifique<br />

soit portée aux réservistes notamment à ce que les visites<br />

médicales pré et post mission soient très formalisées et<br />

non une simple formalité au titre que ces personnes<br />

particulièrement motivées ne seraient liées que très<br />

temporairement à l’institution.<br />

Pour une meilleure information des militaires.<br />

L’évolution de la médecine et du rapport qui lie soignant<br />

et soigné amènent à porter beaucoup d’attention<br />

désormais à l’information de l’usager du système de<br />

soins. Cela pose cependant au médecin la question de la<br />

nature de l’information à donner et des moyens à mettre<br />

en œuvre pour cela. En effet, conformément au dicton,<br />

« trop d’information tue l’information » en créant<br />

l’angoisse de la confusion. De leur position, les médecins<br />

du SSA ont un rôle essentiel à jouer auprès des militaires<br />

pour que ceux-ci puissent bénéficier d’une information<br />

claire, loyale et adaptée sur les risques auxquels les<br />

expose le métier qu’ils ont choisi et surtout les moyens d’y<br />

faire face. Nous proposons donc que cette question soit<br />

inscrite dans le programme de formation initiale de tout<br />

engagé. Sans dramatisation, elle devra souligner les<br />

risques du métier militaire, les conséquences psychiques<br />

de l’exposition au stress ou à une rencontre traumatique,<br />

les signes qu’il faut savoir repérer chez soi-même ou chez<br />

les camarades de combat, les conduites à adopter et<br />

surtout les interlocuteurs qu’il faut savoir solliciter.<br />

Ce type d’information doit être adapté aux personnes<br />

auxquelles elle s’adresse et renouvelé. Les cadres sont<br />

naturellement concernés au premier chef. Un<br />

enseignement s’impose dans les écoles de formation et<br />

d’application. Une connaissance et une vraie prise en<br />

compte par l’encadrement de l’impact psychique des<br />

situations opérationnelles ont une influence majeure sur<br />

la façon dont chacun peu se saisir de la question ou au<br />

contraire l’évacuer. Un groupe de psychiatres et de<br />

psychologues de l’OTAN a effectué un travail sur la<br />

question et rédigé un manuel destiné à l’encadrement<br />

militaire (Psychological Guide for leaders across the<br />

deployment cycle). Nous proposons que ce manuel<br />

constitue une base de travail pour l’élaboration d’un<br />

enseignement adapté aux cadres de l’armée française.<br />

Enfin, il y a des temps plus opportuns que d’autres pour<br />

renouveler cette information, la disponibilité d’esprit et la<br />

capacité à entendre n’étant pas toujours la même. Si le<br />

temps du départ en opération est un moment favorable à<br />

un rappel des signes cliniques permettant de repérer sa<br />

propre souffrance psychique ou celles d’un camarade, la<br />

question apparaît plus délicate au moment du retour.<br />

C’est d’avantage d’une aide à la reprise de la vie<br />

quotidienne que d’un cours de médecine dont les<br />

militaires ont besoin. Nous proposons que toute personne<br />

partant en mission opérationnelle ait un rappel concernant<br />

les enjeux psychiques de la mission et les signes à repérer<br />

chez soi comme chez le camarade. Nous proposons que<br />

soit développée une information sur les interlocuteurs à<br />

solliciter en cas de difficulté au retour. La rédaction d’un<br />

petit opuscule pourrait être tout à fait opportune. Les<br />

organismes de sécurité sociale ou les assurances des<br />

militaires pourraient en être partenaires.<br />

Pour une attention particulière à la fin<br />

d’engagement ou au départ à la retraite.<br />

Le départ de l’institution est un moment très particulier<br />

dans la vie du militaire compte tenu des liens entretenus<br />

avec le groupe et leur place dans l’équilibre psychique du<br />

combattant. C’est un moment de stress. C’est aussi un<br />

temps où peuvent se révéler des troubles compensés<br />

jusque là, où un traumatisme psychique peut prendre une<br />

expression symptomatique nouvelle.<br />

Quelle que soit la nature des troubles qui s’expriment,<br />

mais particulièrement lorsqu’il s’agit d’un état de stress<br />

post traumatique dont on sait le temps d’évolution, c’est<br />

un moment important pour engager les soins nécessaires,<br />

si ce n’est fait, ou assurer l’articulation vers le praticien<br />

qui pourra réaliser le suivi. C’est l’occasion de vérifier<br />

que les pièces médico-administratives soient bien<br />

renseignées pour une possible demande de réparation.<br />

Nous proposons donc que le dossier médical, au moment<br />

où il va être refermé, soit systématiquement renseigné sur<br />

les éventuelles conséquences psychiques des missions<br />

opérationnelles effectuées et que le militaire puisse<br />

disposer des différentes pièces constitutives de ce dossier.<br />

34 h. boisseaux


Pour assurer une continuité de soin des<br />

pathologies psycho-traumatiques.<br />

Nous avons souligné la place centrale du médecin<br />

d’unité dans le suivi médico psychologique des militaires,<br />

que ce soit sur le terrain ou en garnison. Maillon central du<br />

dispositif de soin cohérent qu’offre le Service de santé, il<br />

peut compter sur les spécialistes hospitaliers pour assurer<br />

le suivi de militaires qui présentent au retour de mission<br />

ou plus tard un état de souffrance psychique. Cependant,<br />

le positionnement géographique d’hôpitaux militaires<br />

parfois relativement éloignés des unités, mais aussi le<br />

souhait manifesté par les militaires de pouvoir bénéficier<br />

de soins plus proches de chez eux, en milieu civil,<br />

nécessite que le médecin d’unité puisse s’appuyer aussi<br />

sur des correspondants civils locaux. Au moment où se<br />

créent d’importantes bases de défense avec des centres<br />

médicaux mutualisés, il sera utile que s’instaurent des<br />

liens avec les praticiens du secteur civil. Dans le domaine<br />

du psycho-traumatisme, ces liens pourraient être<br />

renforcés avec les représentants locaux des Cellules<br />

d’urgence médico-psychologique (CUMP). Disposer de<br />

correspondants avec lesquels se nouent des rapports de<br />

confiance, c’est se donner les moyens d’un meilleur suivi<br />

médico-psychologique des militaires. Nous proposons<br />

donc de contribuer à ce rapprochement qui pourrait<br />

passer par l’organisation de soirées de travail associant<br />

médecins d’unité, praticiens locaux et psychiatres de<br />

l’hôpital de rattachement afin de créer des réseaux de<br />

soins qui permettent aux médecins d’unité de proposer<br />

différentes alternatives de soins aux militaires lorsqu’ils<br />

diagnostiquent une pathologie post traumatique. La<br />

Caisse militaire de sécurité sociale militaire ou les<br />

compagnies d’assurances des militaires (AGPM, GMPA)<br />

pourraient être des partenaires essentiels dans la mise en<br />

place d’un tel réseau de soin.<br />

Par ailleurs, les familles constituent aujourd’hui<br />

des interlocuteurs qui ne peuvent être négligés. L’équilibre<br />

familial est un facteur essentiel à la stabilité<br />

psychique du combattant. En même temps, les difficultés<br />

psychologiques rencontrées par le militaire ont un impact<br />

sur l’équilibre de la famille et de ses membres. Les armées<br />

mettent aujourd’hui en place des cellules d’aide aux<br />

familles pour les aider à faire face aux différents<br />

problèmes qu’elles peuvent rencontrer durant ou après la<br />

mission. L’action sociale aux armées joue un rôle<br />

important en ce domaine. Sur le plan médical, les services<br />

médicaux d’unité ne sont pas, en dehors d’une aide<br />

d’urgence, dimensionnés pour prendre en charge les<br />

familles. Il faut cependant qu’elles puissent y trouver un<br />

lieu d’orientation en fonctions des besoins spécifiques<br />

qui sont les leurs. La mise en place de réseaux<br />

d’interlocuteurs médecins ou psychologues locaux est<br />

aujourd’hui indispensable au soutien des militaires et de<br />

leurs familles, adultes et enfants.<br />

Pour une attention plus particulière aux<br />

blessés physiques.<br />

Après avoir pu considérer que la blessure physique<br />

protégeait d’une éventuelle pathologie psychotraumatique,<br />

il est désormais admis qu’il n’en est rien,<br />

bien au contraire! De plus, être blessé physiquement c’est<br />

se retrouver de facto éloigné du groupe des pairs et de<br />

l’appui qu’il peut constituer. On a donc là un facteur<br />

aggravant et désormais, lorsqu’un soldat blessé sur le<br />

terrain est rapatrié en France, il rencontre de façon<br />

systématique un psychiatre à l’hôpital militaire!<br />

Mais l’interlocuteur médical ou chirurgical occupe<br />

souvent une place essentielle et la préoccupation du<br />

blessé se centre sur sa lésion, aux dépends d’un réel<br />

investissement des soins psychiques. C’est fréquemment<br />

lorsque l’on parvient au terme de ces soins physiques que<br />

resurgit la question du traumatisme psychique. C’est<br />

aussi le cas d’autres pathologies pour lesquelles les<br />

préoccupations somatiques font négliger voir oublier<br />

l’arrière plan psycho-traumatique. Il nous apparaît donc<br />

important de rappeler à tous les médecins des armées,<br />

généralistes comme spécialistes hospitaliers, les<br />

conséquences négatives que peut avoir la non prise en<br />

compte de ce problème, non seulement pour l’évolution<br />

propre d’une pathologie psycho-traumatique mais<br />

également de l’affection ou de la blessure somatique.<br />

Pour que la réparation prenne tout son sens.<br />

S’agissant de pathologies en lien avec le service, la<br />

question de la réparation doit être posée. La<br />

reconnaissance de la nation vis-à-vis des souffrances<br />

consenties est un élément important pour le militaire qui<br />

revient de mission atteint dans son corps mais aussi dans<br />

son psychisme. Entendue comme telle, elle n’est pas sans<br />

influence sur l’évolution des troubles présentés.<br />

Le passage devant l’expert est désormais systématique<br />

et souvent très rapide lorsque des militaires viennent de<br />

vivre un événement à fort potentiel traumatique,<br />

notamment lorsque le retentissement médiatique a été<br />

important. Cette façon de faire, pour attentionnée qu’elle<br />

apparaisse, oublie qu’en ce qui concerne l’évolution<br />

d’une pathologie post traumatique, il existe une<br />

temporalité propre à chacun et que brusquer les choses<br />

peut donner le sentiment de vouloir les refermer à<br />

tout prix et au plus vite. Par ailleurs, l’attribution en<br />

de telles circonstances de taux souvent identiques pour<br />

tous revient à nier la singularité du vécu de chacun. Le<br />

décret de 1992 sur la réparation des troubles psychotraumatiques<br />

indique la place essentielle de l’expertise<br />

dans le processus de guérison et de sa nécessaire<br />

articulation avec les soins. Nous proposons donc qu’un<br />

vrai travail de réflexion s’engage, associant cliniciens et<br />

experts des anciens combattants, afin que les rapports<br />

soins/expertises puissent être articulés au mieux et que<br />

soit retrouvé le sens de cette notion de réparation.<br />

Enfin, il est difficile de connaître le nombre des militaires<br />

ou anciens militaires actuellement pensionnés en raison de<br />

pathologies psycho-traumatiques. C’est cependant une<br />

donnée importante pour apprécier l’impact des missions<br />

militaires sur les hommes qui s’y trouvent engagés avec<br />

peut être la possibilité de voir apparaître des spécificités,<br />

par exemple en fonction des missions, permettant<br />

d’orienter les actions préventives. Il serait donc utile que<br />

ces données soient désormais plus accessibles.<br />

Conclusion.<br />

La guerre laisse, qu’on le veuille ou non, des traces chez<br />

ceux qui s’y trouvent engagés. Cependant, pathologies du<br />

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le stress au sein de la population militaire : du stress opérationnel à l’état de stress post-traumatique<br />

35


stress ou pathologies post-traumatiques ne résument<br />

pas les troubles psychiques qui peuvent se manifester<br />

au retour d’opération.<br />

Les militaires doivent être sensibilisés dès le début de<br />

leur engagement aux risques médico-psychologiques<br />

propres au métier des armes et aux moyens de les prévenir.<br />

Pour cela, le médecin d’unité est un acteur essentiel. La<br />

visite systématique annuelle doit être un lieu de dépistage,<br />

de suivi ou d’orientation. Aussi faut-il qu’il puisse<br />

compter sur la collaboration non seulement de<br />

l’encadrement militaire mais aussi de tous les acteurs<br />

médicosociaux qui entourent les militaires.<br />

La survenue de manifestations psycho-traumatiques<br />

peut intervenir immédiatement mais aussi à distance de<br />

ce moment du retour. Le temps contribue à l’oubli. La vie<br />

poursuit son cours, les missions se succèdent en même<br />

temps que les mutations, les fins de contrat et les départs à<br />

la retraite. Les groupes se défont et les individus se<br />

retrouvent plus rapidement qu’on aurait pu l’imaginer<br />

seuls avec leur souffrance. Mais les cauchemars et les<br />

flash-back, rappels incessants de l’instant traumatique<br />

n’offrent pas au sujet blessé le choix de l’oubli. Alors les<br />

mots parfois excessifs prononcés par des autorités<br />

bienveillantes, sur le coup de l’émotion, se retournent et<br />

raisonnent comme une trahison. Et lorsqu’une demande<br />

de réparation est formulée, chargée de tout ce poids, la<br />

réponse est rarement à la hauteur des espoirs, contribuant<br />

à aggraver un mal être impossible alors à apaiser. C’est<br />

contre cette dynamique négative et pathogène qu’il y a<br />

lieu d’œuvrer d’abord en repérant ceux qui ont besoin de<br />

soins, en les y accompagnant et en assurant le suivi de leur<br />

évolution. Différentes voies peuvent conduire vers des<br />

soins. On peut envisager divers dispositifs. Cependant, si<br />

l’on veut éviter l’oubli pur et simple de certains, il importe<br />

de pouvoir agir de façon coordonnée. L’action médicale<br />

ne peut être conçue sans une implication des cadres, de<br />

l’unité, de l’action sociale des armées, de la Cellule d’aide<br />

aux blessés de l’armée de Terre (CABAT), mais également<br />

les organismes de sécurité sociale, d’assurances et des<br />

anciens combattants, chacun avec ses responsabilités<br />

spécifiques. C’est ce maillage qui doit permettre au<br />

militaire de retrouver les repères dont il a besoin pour<br />

dépasser ses propres difficultés ou sortir de l’isolement<br />

dans lequel tend à le plonger le trauma.<br />

MC H. Boisseaux. © F. Teste.<br />

36 h. boisseaux


Dossier « textes d’experts »<br />

Besoins de prévention des militaires d’active. Les risques liés<br />

à l’alcool en milieu militaire.<br />

F. de Montleau.<br />

Service de psychiatrie, Hôpital d’instruction des armées Percy, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.<br />

Introduction.<br />

La réflexion sur la prévention des troubles de la<br />

consommation d’alcool en milieu militaire conduit à<br />

s’interroger sur les grandes tendances qui traversent<br />

actuellement la société française. Jusqu’à l’année 2007,<br />

une hausse significative de la consommation régulière<br />

d’alcool était constatée chez les jeunes de la classe d’âge<br />

de 17 ans – jusqu’à 2008 où est constatée pour la première<br />

fois une baisse de cette consommation – tandis que celleci<br />

baissait dans la population générale. Malgré cette<br />

inversion de tendance, plus proche de la stabilisation que<br />

d’un infléchissement net, l’alcool demeure une<br />

préoccupation majeure de santé publique par les<br />

complications médicales induites – aiguës et chroniques,<br />

somatiques et psychiatriques – le coût social et<br />

économique qu’elle fait peser sur la collectivité et la<br />

précocité de son expérimentation lors de l’adolescence.<br />

Addiction aux mécanismes physiopathologiques<br />

complexes, elle présente dans ses différentes modalités<br />

d’expression des prévalences élevées. Phénomène social<br />

ancré dans nos cultures, elle est l’objet de controverses,<br />

d’attitudes diverses et souvent ambivalentes. Ces<br />

dernières n’épargnent pas notre milieu militaire, malgré<br />

une prise de conscience déjà ancienne de la part du<br />

Commandement quant aux risques que fait peser un<br />

mésusage sur l’efficacité opérationnelle des forces.<br />

Depuis longtemps, le Service de santé des armées a fait<br />

sienne cette préoccupation et une réflexion alcoologique<br />

s’est développée dans ses rangs, abordant les domaines de<br />

la clinique, de la psychopathologie, de la thérapeutique,<br />

de l’expertise et de la prévention. Il n’empêche que dans<br />

les armées, la consommation d’alcool reste supérieure à<br />

celle de la population générale. Ainsi, dans la Marine<br />

nationale (1) et l’armée de Terre (2), le pourcentage<br />

de buveurs dépendants était respectivement de 13,1 %<br />

et 15,7 % contre 9 % dans la population générale.<br />

En opération extérieure, 21 % des militaires ont<br />

tendance à augmenter leur consommation (3). Les<br />

militaires poursuivent en fait, en les amplifiant, des<br />

F. DE MONTLEAU, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce;<br />

Correspondance : F. DE MONTLEAU, Service de psychiatrie, Hôpital<br />

d’instruction des armées PERCY, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.<br />

comportements déjà acquis à leur entrée dans l’institution.<br />

Indépendamment des risques individuels concernant<br />

la santé, les problèmes plus spécifiques que génère<br />

la consommation pathologique d’alcool par les militaires<br />

se déclinent en termes de sécurité individuelle<br />

et collective, de retentissement sur la mission – en<br />

particulier dans les contextes opérationnels – d’aptitudes<br />

spécifiques allant du maniement des armes individuelles<br />

au pilotage d’aéronef en passant par le service de<br />

systèmes d’armes complexes.<br />

La prévention de la consommation pathologique<br />

d’alcool constitue un axe essentiel des politiques de<br />

santé publique en France. Plusieurs organismes<br />

y apportent leur concours : la Mission interministérielle<br />

de lutte contre la drogue et la toxicomanie<br />

(MILDT), organisme qui coordonne de l'action<br />

gouvernementale entre autres domaines relatifs aux<br />

autres addictions de la prévention, la prise en charge<br />

sanitaire et sociale, la répression, la formation, la<br />

communication, la recherche et les échanges<br />

internationaux liés aux drogues et à la toxicomanie,<br />

l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies<br />

(OFDT), groupement d’intérêt public qui produit des<br />

informations provenant des scientifiquement validées<br />

sur les substances licites comme illicites et l’Institut<br />

national de prévention et d’éducation pour la santé<br />

(INPES) qui réalise des actions met en œuvre des<br />

actions de santé publique relatives à la prévention et à<br />

l’éducation pour la santé.<br />

Il est maintenant acquis que la construction d’un<br />

dispositif de prévention concernant les consommations<br />

problématiques d’alcool doit résulter<br />

d’une approche intégrant éducation et contrôle. Dans<br />

les armées, Nous verrons que l’approche éducative en<br />

matière de prévention des conduites d’alcoolisation,<br />

nécessaire pour toutes classes d’âge, est apparue tout<br />

particulièrement pertinente en terme d’efficacité au<br />

regard du jeune âge de d’une population « cible » : celle<br />

des engagés volontaires. Cependant, les mesures visant<br />

à favoriser un contrôle de l’usage de l’alcool en<br />

milieu militaire – notamment pour certaines situations<br />

à risque – sont également appelées à trouver leur place<br />

dans une stratégie préventive.<br />

D<br />

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I<br />

E<br />

R<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 37-48 37


Quelques éléments d’histoire de<br />

l’alcoologie dans les armées.<br />

Longtemps, l’intempérance alcoolique du soldat fut<br />

stigmatisée comme une conduite déviante, déviance<br />

individuelle et regrettable du bon usage des boissons<br />

alcoolisées. Toute l’équivoque de l’usage de l’alcool dans<br />

les armées, s’accompagnant d’une attitude permissive de<br />

la part du commandement, s’est jouée dès les origines<br />

dans l’usage de l’eau de vie. Elle est distribuée dans les<br />

bivouacs, elle est supposée contribuer à lutter contre le<br />

froid. Absorbée avant la bataille, elle doit stimuler<br />

l’ardeur dans la bataille. B. Lafont repère le moment<br />

d’une modification de la perception des phénomènes de<br />

mésusage après la défaite de 1870 alors que l’armée, dans<br />

le contexte d’un recrutement par conscription, se voit<br />

confier une mission d’être le «fer de lance» de l’éducation<br />

sanitaire de la nation (4). C’est dans ce mouvement que<br />

s’institue la prise de conscience de la question de<br />

l’alcoolisme dans l’armée. Des dispositions prévoient<br />

des sanctions disciplinaires spéciales. Des mesures<br />

antialcooliques se développent : suppression des<br />

distributions réglementaires de boissons alcoolisées,<br />

surveillance des cantines. Les médecins s’engagent dans<br />

des activités pédagogiques et éducatives, tant auprès des<br />

recrues que des cadres. Des méthodes modernes utilisant<br />

la communication visuelle, l’affichage, sont mises en<br />

œuvre. La ligue nationale contre l’alcoolisme crée des<br />

« secteurs antialcooliques » dans certaines unités. Cette<br />

mobilisation permet une diminution notable de<br />

l’alcoolisme dans les armées à partir de 1906 et jusqu’à la<br />

Grande Guerre. L’évolution de la consommation d’alcool<br />

dans les armées est intimement liée aux évolutions qui se<br />

produisent dans la société. Après le rétablissement du<br />

privilège des bouilleurs de cru, la France est dans l’aprèsguerre<br />

au premier rang des nations consommatrices<br />

d’alcool. On note alors une recrudescence considérable<br />

de l’alcoolisme en milieu militaire. Dans la mobilisation<br />

constante du service de santé vis-à-vis de cette question,<br />

un événement fait date : il s’agit du premier colloque<br />

international « Alcoologie et forces armées» qui se tient à<br />

Libourne et prend la mesure, notamment, des difficultés<br />

dans le domaine de la prévention. C’est à la suite de ce<br />

colloque que le Directeur central du Service de santé des<br />

armées décide de créer un Comité médical central<br />

d’études sur l’alcoolisme dans les armées qui se réunit à<br />

partir de 1981 et va contribuer à définir une doctrine en<br />

matière d’alcoologie dans les armées (5). Ses missions<br />

sont diverses, comme susciter des études, sensibiliser les<br />

médecins et favoriser la mise au point et la diffusion de<br />

moyens d’éducation sanitaire. Cette action aboutit en<br />

1986 à la sortie d’un film animé, « Publi-santé », intégré<br />

dans une stratégie globale de prévention (6). Il part du<br />

principe que l’éducation pour la santé ne doit pas se<br />

satisfaire de la juxtaposition d’interdits, le<br />

« préventologue » ne devant pas apparaître sous les traits<br />

d’un « rabat-joie » interdicteur et prohibitionniste sous<br />

peine de voir sa crédibilité compromise. Il s’agit donc de<br />

faciliter une « promotion » de la santé privilégiant la<br />

modération, la liberté de choix et la maîtrise de soi.<br />

Destinée plus particulièrement à l’adulte jeune, cette<br />

action vise une prophylaxie des conduites d’alcoolisation<br />

aiguë et des risques qui en découlent. Des discussions<br />

en petit groupe doivent suivre la diffusion du film.<br />

Par ailleurs, des psychiatres militaires vont développer<br />

une réflexion sur la relation entre l’engagement en<br />

milieu militaire et le développement d’un trouble des<br />

conduites alcooliques. Du temps de la conscription, on<br />

s’est interrogé sur le caractère facilitateur du<br />

développement de mésusages d’alcool du service<br />

national. L’influence de celui-ci dans ce domaine n’a<br />

jamais été démontrée (7). Les jeunes appelés avaient le<br />

plus souvent commencé à boire dans l’adolescence et<br />

découvert, avant l’appel sous les drapeaux, l’euphorie de<br />

l’ivresse et ses aléas. F. Lebigot s’est interrogé, dans une<br />

perspective psychodynamique, sur les liens entre<br />

l’alcoolique et l’armée. Il parle d’un « malentendu » (8).<br />

Le choix d’une carrière militaire se fait, chez le futur<br />

alcoolique, et selon le modèle qu’il propose, à partir de sa<br />

conviction qu’il trouvera dans ce milieu une satisfaction à<br />

ses aspirations profondes à la justice et à la fraternité.<br />

Pendant les premières années, tout se passe bien, en<br />

apparence. Il n’y a pas de soldat plus dévoué à ses<br />

chefs, plus zélé dans ses missions. Inévitablement<br />

viendra le moment de la désillusion. Se sentant trahi, il<br />

entrera en conflit avec l’institution. L’aggravation de<br />

l’alcoolodépendance, si aucune médiation n’est appelée,<br />

aboutira à l’exclusion dans une déchéance très marquée<br />

de sentiments de honte et d’indignité (9) Lebigot repère à<br />

l’origine de cette trajectoire de l’alcoolique, dominée par<br />

le besoin de complétude et les sacrifices destinés à capter<br />

l’amour du chef, l’échec de la métaphore paternelle. Pour<br />

cet auteur, c’est en repérant mieux les éléments de cette<br />

problématique tragique que le thérapeute améliore ses<br />

chances d’intéresser l’alcoolique à son sauvetage (10).<br />

M. Bazot indique par ailleurs que l’action du psychiatre<br />

militaire est favorisée par le caractère structuré du<br />

milieu, la fréquence des visites systématiques et aussi par<br />

sa double fonction de médecin traitant et médecin expert<br />

qui permet d’articuler le soin aux questions de l’aptitude<br />

(11). Dans une étude sur la relation thérapeutique avec<br />

l’alcoolique, C. Barrois met en exergue ce qu’il nomme<br />

« dénégation » comme obstacle le plus important<br />

à l’établissement d’une relation thérapeutique (12).<br />

Tout l’enjeu est alors de susciter une demande. J.-D. Favre<br />

établit une synthèse des méthodes thérapeutiques<br />

de l’addiction à l’alcool (13). Il note que les thérapeutiques<br />

proposés aux patients alcoolodépendants,<br />

chimiothérapies et psychothérapies, sont d’une efficacité<br />

limitée et qu’aucune d’entre elles, utilisée seule, n’a fait<br />

la preuve de sa supériorité.<br />

Les différentes modalités de la<br />

consommation d’alcool.<br />

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a préconisé<br />

des seuils maximum de consommation au-delà desquels<br />

une consommation peut être considérée comme<br />

pathologique (on considère le verre comme une quantité<br />

de boisson alcoolisée contenant 10gr d’alcool éthylique):<br />

– l’usage ponctuel ne doit pas dépasser 4 verres<br />

par occasion;<br />

– la consommation par semaine ne doit pas dépasser:<br />

38 f. de montleau


- pour un homme 21 verres par semaine (3 verres<br />

par jour),<br />

- pour une femme 14 verres par semaine (2 verres<br />

par jour);<br />

– pas de consommation au moins un jour par semaine.<br />

Ces seuils préconisés présentent l’avantage de fournir<br />

une référence permettant d’évaluer une consommation<br />

même si la vulnérabilité individuelle face à l’alcool est<br />

très différente selon les individus.<br />

On parle de non usage lorsqu’un sujet ne consomme<br />

pas d’alcool.<br />

L’usage simple désigne une consommation ne<br />

dépassant pas les seuils OMS, qu’elle soit acceptée<br />

socialement ou non, qu’elle soit occasionnelle,<br />

périodique ou régulière. De plus, il ne doit pas y avoir de<br />

complication somatique ni psychique et la consommation<br />

doit se faire en dehors de situations à risque.<br />

L’usage à risque prend en compte la vulnérabilité<br />

individuelle (âge, sexe, grossesse), les circonstances<br />

(conduite d’engins, poste à risque) et le contexte légal.<br />

L’usage nocif désigne une consommation préjudiciable<br />

pour la santé, l’existence de complications somatiques<br />

et/ou de troubles psychologiques, avec des conséquences<br />

sociales négatives. Mais il n’y a pas de dépendance.<br />

L’usage avec dépendance implique le désir puissant ou<br />

compulsif à consommer, une difficulté à contrôler<br />

l’utilisation de la substance, un syndrome de sevrage<br />

physiologique à l’arrêt, une tolérance aux effets de la<br />

substance, mais aussi l’abandon progressif des sources de<br />

plaisir ou d’intérêt, l’augmentation du temps passé à se<br />

procurer la substance, la consommer ou récupérer de ses<br />

effets et enfin, la poursuite de la consommation malgré<br />

les conséquences nocives.<br />

Les complications de la consommation d’alcool<br />

sont nombreuses et il ne saurait être question ici<br />

d’être exhaustif:<br />

Les ivresses résultent de l’intoxication aiguë. Relevant<br />

toutes du mésusage, elles peuvent être associées aussi<br />

bien à l’usage qu’au mésusage.<br />

Les manifestations de sevrage s’expriment sur les<br />

versants somatique, psychique et comportemental. Elles<br />

apparaissent à l’arrêt brutal de la consommation du sujet<br />

alcoolo-dépendant.<br />

Les complications somatiques, psychiques et sociales<br />

de la dépendance.<br />

Les données épidémiologiques.<br />

Une baisse des niveaux de consommation<br />

d’alcool dans la population générale.<br />

L’expertise collective de l’INSERM réalisée en 2003 ;<br />

« Alcool, dommages sociaux, abus et dépendance »<br />

indique que la consommation globale d’alcool a<br />

diminué en France de près de 40 % en quarante ans. Cela<br />

est dû à une diminution importante de la consommation<br />

de vin, qui reste néanmoins la boisson alcoolisée la<br />

plus consommée. Malgré cette diminution, la France<br />

est toujours en tête des pays européens pour la mortalité<br />

prématurée masculine liée à l’alcool. Dans notre pays,<br />

on estime à cinq millions le nombre de personnes qui<br />

ont un problème avec l’alcool et à deux millions celles<br />

qui en sont dépendantes.<br />

Dans le baromètre santé 2005 qui cherche à appréhender<br />

les « comportements de santé » dans l’objectif de la mise<br />

en œuvre d’une politique de santé publique cohérente et<br />

efficace, S. Legleye et F. Beck (14) signalent une baisse<br />

sensible de la consommation d’alcool dans la population<br />

générale. Cependant, l’alcool reste la substance psychoactive<br />

la plus consommée en France. En effet, parmi les<br />

personnes de 12 à 75 ans, seulement 8,4 % déclarent<br />

n’avoir jamais bu de boissons alcoolisées au cours des<br />

douze derniers mois, 13,7 % ont bu de l’alcool tous les<br />

jours et 32,7 % au moins une fois par semaine. La prise<br />

quotidienne d’alcool est presque trois fois plus fréquente<br />

parmi les hommes que parmi les femmes (20,3 % vs<br />

7,3 %) et touche plus les générations âgées (42 % des<br />

65-75 ans) que les trentenaires et les plus jeunes. L’alcool<br />

le plus couramment consommé chez les 12-75 ans est le<br />

vin avec 77,1 % d’entre eux qui déclarent en avoir bu<br />

au cours de l’année, devant les spiritueux (56.1 %) et la<br />

bière (53,1 %). Ces deux derniers types de boissons<br />

ont la préférence des jeunes, alors que c’est le vin qui<br />

domine chez les plus âgés.<br />

En ce qui concerne l’ivresse et les usages à risques,<br />

14,4 % des 12-75 ans, déclarent avoir connu au moins un<br />

épisode d’ivresse au cours des douze derniers mois<br />

(21,6 % des hommes vs 7,5 % des femmes) et 13,8 %<br />

des hommes et 5 % des femmes présentent un risque<br />

d’usage problématique d’alcool, surtout entre 45 et<br />

54 ans. Un tiers de la population interrogée présente<br />

une consommation supérieure aux recommandations<br />

de l’OMS qui est de 21 verres par semaine pour les<br />

hommes et de 14 pour les femmes.<br />

Cette enquête montre aussi que les modes de<br />

consommation varient de façon significative suivant le<br />

statut scolaire et professionnel. Les élèves et les étudiants<br />

boivent moins que les actifs du même âge, tandis que le<br />

chômage est associé à des usages plus fréquents et plus<br />

souvent à risques. Par contre, la retraite ne modifie pas<br />

notablement les habitudes entre 60 et 65 ans.<br />

Parmi les grandes catégories d’actifs occupant un<br />

emploi, les modes de consommation sont relativement<br />

homogènes : on distingue les agriculteurs exploitants,<br />

dont les niveaux de consommation quotidienne ou<br />

à risque sont très élevés ; les artisans, commerçants,<br />

cadres supérieurs et ouvriers, ont un profil intermédiaire;<br />

enfin les professions intermédiaires et les employés<br />

ont des niveaux d’usages nettement inférieurs à sexe<br />

et âge comparable. Cependant il existe des différences<br />

au sein d’une même catégorie sociale suivant les types<br />

de métiers.<br />

D’un point de vue de santé publique, l’évolution des<br />

usages de l’alcool est orientée de façon satisfaisante vers<br />

la baisse. La consommation quotidienne a nettement<br />

chuté entre 2000 et 2005 sur la tranche d’âge 15-75 ans,<br />

passant de 20,3 % à 14,4 %, mais les ivresses et la<br />

consommation problématique sont restées stables. De<br />

plus, les bénéfices sont inégalement répartis dans la<br />

population et certaines catégories sociales comme les<br />

chômeurs ou les catégories les plus défavorisées ont<br />

moins profité de ces modifications de comportement. Le<br />

statut face à l’emploi et les inégalités économiques<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

besoins de prévention des militaires d’active. les riques liés à l’alcool en milieu miltaire<br />

39


continuent de peser lourdement sur les comportements<br />

de santé et notamment les consommations d’alcool.<br />

La cartographie des consommations de substances<br />

psychoactives (SPA) en France est complexe à établir. La<br />

consommation d’alcool se situe premier rang des<br />

addictions, devant respectivement celles de tabac, de<br />

médicaments psychotropes et de cannabis, bien devant<br />

les autres toxiques illicites (héroïne, cocaïne, ecstasy,<br />

etc.) (fig. 1, 2 d’après OFDT. Drogues et dépendances<br />

données essentielles, 2005).<br />

Figure 3. Consommations des jeunes. ESPAD (European School Survey<br />

Project an Alcohol and Other Drugs). Évolution entre 1999 et 2007 de l’usage<br />

régulier de tabac (≥1 cg/j), d’alcool (10 usages/mois), de cannabis (≥ 10<br />

usages/mois) par sexe et à 16 ans.<br />

Figure 1. Les catégories d’usage.<br />

Fréquence des<br />

consommations<br />

Expérimentations<br />

(au moins 1/vie)<br />

Dans l’année<br />

(au moins1/année)<br />

Réguliers<br />

(10 usages ou +/30 jours)<br />

Alcool Tabac<br />

Médicaments<br />

psychotropes<br />

Cannabis Héroïne Cocaïne Ecstasy<br />

44 M 37 M - 11 M 0,4 M 1 M 0,5 M<br />

42 M 16 M 8,9 M 4,2 M - 0,2 M 0,2 M<br />

13 M - 3,8 M 0,85 M - - -<br />

Quotidiens 8 M 13 M 2,4 M 0,45 M - - -<br />

Figure 2. Estimation du nombre d’usagers d’alcool et autres SPA.<br />

La consommation d’alcool des jeunes.<br />

Des études réalisées sur la population des jeunes<br />

français âgés de dix-sept ans qui se présentent aux<br />

journées d’appel de la défense ont permis de décrire le<br />

mode de consommation de substances psycho-actives<br />

dans cette classe d’âge en France. Ces études, nommées<br />

ESCAPAD sont le résultat d’enquêtes réalisées lors de<br />

la journée de préparation à la défense. Elles nous<br />

renseignent sur une population qui englobe celle des<br />

futurs « jeunes engagés », dans laquelle l’évolution de<br />

la consommation d’alcool est actuellement plus<br />

préoccupante que celle des autres produits. La population<br />

militaire est une partie intégrante du tissu social français<br />

et le baromètre de santé 2005 nous apporte des indications<br />

sur les comportements liés à l’alcool de la population<br />

générale en fonction du sexe, de la classe d’âge et du<br />

niveau socioprofessionnel. Elle met en évidence une<br />

diminution globale des niveaux de consommation.<br />

La consommation régulière d’alcool dans la classe<br />

d’âge des 17 ans a connu une hausse constante durant ces<br />

dix dernières années. Depuis 2008 et 2009 une tendance à<br />

la stabilisation, voire une légère diminution (fig. 3).<br />

Un article de la revue Tendances (15) décrit les<br />

évolutions de l’usage de substances psychoactives chez<br />

les jeunes au travers des premiers résultats de l’enquête<br />

European School Survey Project on Alcohol and Other<br />

Drog (ESPAD) pour l’année 2007.<br />

La consommation de produits psycho-actifs à<br />

l’adolescence fait en effet l’objet d’une attention<br />

particulière de la part des pouvoirs publics et des acteurs<br />

de santé et de prévention. C’est pendant cette période<br />

qu’ont lieu les premières expériences de prise de produits<br />

licites ou non, et que peuvent s’installer des habitudes de<br />

consommation régulière. L’OFDT a progressivement mis<br />

en place un dispositif d’observation des consommations<br />

de produits psycho-actifs à l’adolescence qui comprend<br />

aujourd’hui trois enquêtes dont deux se déroulent dans<br />

un cadre international : l’enquête Health Behaviour<br />

in School-Aged Children (HBSC), soutenue par<br />

l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (16) cible<br />

les élèves de 11, 13 et 15 ans; l’enquête European School<br />

Survey Project on Alcohol and Other Drugs (ESPAD),<br />

initiée par le Conseil de l’Europe et le Swedish Council<br />

for information on Alcohol and Other Drugs, concerne<br />

les élèves de 16 ans ; enfin l’enquête ESCAPAD,<br />

contrairement aux deux premières enquêtes, déborde le<br />

milieu scolaire et couvre plus spécifiquement les<br />

adolescents français de 17 ans (17). Ces trois enquêtes ont<br />

pour objectif d’étudier d’une part la fréquence et<br />

l’évolution des usages tout au long de l’adolescence et,<br />

d’autre part, la transformation des comportements<br />

des différentes générations étudiées sur la dernière<br />

décennie. L’évolution des usages des différents produits<br />

psycho-actifs est appréciée de façon comparative.<br />

Ces études indiquent que parmi les jeunes français<br />

âgés de 16 ans, les expérimentations et les consommations<br />

régulières de tabac et de cannabis sont en<br />

nette diminution par rapport aux années précédentes.<br />

La baisse de la consommation quotidienne de tabac<br />

est continue sur la période 1999-2007 (18), mais celle<br />

du cannabis n’est visible qu’entre 2003 et 2007. A<br />

contrario, la consommation d’alcool régulière (au<br />

mois 10 épisodes de consommation sur les 30 derniers<br />

jours) est significativement en hausse entre 1999<br />

et 2007. Ce comportement touche plus fortement la<br />

population masculine: en 2007, 18 % de garçons ont une<br />

consommation d’alcool régulière contre 9 % pour les<br />

40 f. de montleau


filles. Par contre, le taux d’ivresses régulières (au moins<br />

10 ivresses au cours des 12 derniers mois), reste stable à<br />

3,7 % en 1999 et 3,5 % en 2007, avec une représentation<br />

masculine et féminine presque équilibrée. L’enquête nous<br />

permet ainsi de relativiser la diffusion du mode de<br />

consommation massive, de type binge drinking, (au<br />

moins cinq verres en une seule occasion) qui apparaît bien<br />

moins répandue que la consommation régulière d’alcool.<br />

Parmi les substances psycho-actives utilisées, l’alcool est<br />

de loin le produit le plus diffusé et 88 % des élèves de 16<br />

ans ont déjà bu de l’alcool au cours de leur vie.<br />

S’agissant des usages réguliers, les consommations<br />

d’alcool (au moins trois consommations d'alcool dans la<br />

semaine pour les adultes, au moins dix par mois pour les<br />

adolescents) et de tabac se détachent par l’importance<br />

de leur prévalence du cannabis qui arrive en troisième<br />

position. On peut également constater que le taux de<br />

prévalence de l’usage régulier d’alcool augmente avec<br />

l’âge, à l’inverse de celui du tabac et du cannabis.<br />

(fig. 4, d’après OFDT. Drogues et dépendances<br />

données essentielles, 2005).<br />

Figure 4. Fréquence des usages réguliers par âge.<br />

Le phénomène de polyconsommation, c'est-à-dire de<br />

l’association de plusieurs substances psychoactives, est<br />

particulièrement fréquent. Les données montrent une<br />

consommation d’alcool associée à une ou plusieurs<br />

autres SPA (tabac et/ou cannabis) pour 11,4 % de la<br />

population des 18-44 ans; 12,5 % dans la population des<br />

garçons de 17 ans et 4,5 % dans la population des filles de<br />

17 ans (fig. 5 : Enquête Baromètre santé 2000, INPES<br />

exploitation OFDT 2003, OFDT).<br />

Usage répété d’au moins 2 des 3 produits:<br />

– Alcool : au moins 3 usages au cours de la dernière<br />

semaine;<br />

– Tabac : consommation quotidienne au cours des<br />

30 derniers jours;<br />

– Cannabis : au moins 10 usages au cours de l’année<br />

écoulée.<br />

Usage régulier d’au moins 2 des 3 produits:<br />

– Alcool ou cannabis : au moins 10 usages au cours<br />

des 30 derniers jours;<br />

Figure 5. Les polyconsommations.<br />

– Tabac : consommation quotidienne au cours des<br />

30 derniers jours.<br />

Les particularités régionales de la<br />

consommation d’alcool.<br />

La réalisation d’un Atlas régional des consommations<br />

d’alcool en 2005 (19) a permis une meilleure<br />

appréhension de la place de l’alcool sur le territoire.<br />

De véritables particularités régionales se dégagent<br />

dans les modes d’alcoolisation et les produits vers<br />

lesquels vont les préférences des jeunes et des adultes.<br />

On constate à l’adolescence des disparités régionales<br />

importantes. La consommation d’alcool et les ivresses<br />

apparaissent nettement plus fréquentes sur une<br />

large partie de l’ouest du pays. La Bretagne se<br />

démarque des autres régions de la façade ouest par<br />

sa fréquence particulièrement élevée d’ivresses aiguës.<br />

Un ensemble de régions allant du Nord-Pas-de-Calais<br />

au Centre, incluant la Picardie, la Haute-Normandie<br />

et l’Île-de-France, présente au contraire une sousconsommation<br />

prononcée et l’Ile de France se singularise<br />

par une sous-consommation extrêmement marquée.<br />

Le choix des boissons alcoolisées par les jeunes présente<br />

des spécificités culturelles locales qui ne coïncident pas<br />

forcément avec celles observées chez leurs aînés. Dans<br />

les évolutions observées entre 2002-2003 et 2005, il<br />

existe une baisse de consommation dans les régions à<br />

fort niveau d’usage comme les Pays de la Loire et la<br />

Bretagne et des hausses de consommation dans les<br />

régions à faible niveau comme le Nord-Pas-de-Calais<br />

et la Picardie. On a donc une tendance au resserrement<br />

des comportements dans les différentes régions par<br />

rapport à la moyenne nationale.<br />

Cependant, lorsqu’on considère la consommation<br />

d’alcool à l’âge adulte, l’Ouest de la France n’apparaît<br />

pas marqué par une consommation plus fréquente et<br />

on note même une sous-consommation en Basse<br />

Normandie et dans les Pays de la Loire. En revanche<br />

les consommations importantes ponctuelles et les<br />

ivresses alcooliques y sont plus répandues qu’ailleurs.<br />

L’Île-de-France se singularise encore ici par sa<br />

consommation plus réduite et ses ivresses plus rares.<br />

Malgré ces variations régionales, la répartition des<br />

buveurs problématiques se révèle particulièrement<br />

homogène sur le territoire. À l’âge adulte la carte des<br />

préférences pour les boissons apparaît plus conforme<br />

aux attentes que celle observée à l’adolescence. Le vin<br />

est plus consommé dans le Sud et dans les Pays de la Loire.<br />

La bière domine dans le Nord et l’Est.<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

besoins de prévention des militaires d’active. les riques liés à l’alcool en milieu miltaire<br />

41


Les études de prévalence en milieu<br />

militaire.<br />

Le colloque sous le patronage du « Haut comité d’étude<br />

et d’information sur l’alcoolisme » a marqué la naissance<br />

de l’alcoologie dans les armées.<br />

Au cours du colloque « Alcoologie et Forces armées »<br />

qui s’est déroulé en 1980, une étude effectuée à partir de<br />

107 observations de patients militaires présentant un<br />

mésusage de l’alcool a eu pour objectif d’identifier les<br />

facteurs susceptibles de favoriser l’alcoolisme en milieu<br />

militaire (20). Cette étude a fait ressortir l’importance des<br />

facteurs professionnels dans le déterminisme des<br />

troubles des conduites alcooliques. Au premier rang de<br />

ces facteurs, on retrouve l’effet d’entraînement, c’est-àdire<br />

la réponse aux sollicitations des camarades. Les<br />

situations qui ont été identifiées comme favorisant le<br />

développement d’un mésusage sont les séjours outremer,<br />

la disponibilité de l’alcool détaxé, la « fréquence des<br />

pots », l’isolement géographique ou affectif et les<br />

déceptions professionnelles. Parmi les patients, 60 %<br />

avaient séjourné Outre-mer ; 60 % avaient occupé une<br />

fonction sédentaire pendant la majeure partie de leur<br />

temps de service ; 50 % avaient des emplois à<br />

responsabilité faible ou inexistante ; 18 % étaient<br />

considérés comme ayant des responsabilités élevées ;<br />

78 % logeaient en milieu militaire et 50 % indiquaient<br />

n’avoir aucun pôle d’intérêt quant à leurs loisirs. Des<br />

facteurs familiaux étaient également signalés : une<br />

mésentente conjugale et les ruptures favorisaient la<br />

survenue d’un mésusage de l’alcool.<br />

Trois études récentes menées dans l’Armée de Terre,<br />

dans la Marine nationale et auprès d’engagés volontaires<br />

stationnés hors métropole vont montrer une certaine<br />

proximité dans les prévalences des différents modes<br />

de consommation d’alcool (tab. I) et dans les facteurs<br />

de risque identifiés.<br />

Dans la Marine nationale, Dia et Queyriaux (1) dans<br />

un rapport établi en 2006 sur l’analyse des consommations<br />

d’alcool ont montré que la prévalence des sujets<br />

dépendants à l’alcool – estimée par un score supérieur ou<br />

égal à 2 au test DETA (test rapide de dépistage des<br />

personnes à risque pour l'alcool) – était de 13,1 % contre<br />

9 % dans la population générale (baromètre santé 2005).<br />

Seulement 6,2 % des marins déclaraient une<br />

consommation quotidienne. La proportion de personnes<br />

ayant une consommation à risque selon les critères de<br />

l’OMS était de 14,4 %.<br />

La survenue d’au moins une ivresse annuelle était<br />

déclarée par 56,1 % des militaires (11,6 % avaient<br />

plusieurs ivresses par mois, 44,5 % entre une par mois et<br />

une par an) et 43,9 % déclaraient moins d’une ivresse par<br />

an. Au total, 16,77 % des militaires n’avaient jamais été<br />

ivres.<br />

Les deux tiers des militaires de la marine avaient<br />

déclaré un âge inférieur à 15 ans lors de leur première<br />

prise d’alcool et 5 % un âge inférieur à 10 ans. En termes<br />

d’évolution de la consommation, 38,9 % des marins<br />

déclaraient une augmentation de leur consommation<br />

d’alcool dans la marine, 51,4 % n’avaient pas modifié<br />

leur consommation et 9,7 % avaient diminué leur<br />

consommation.<br />

L’analyse des déterminants de la dépendance à l’alcool<br />

a montré que trois facteurs étaient liés à cette dépendance:<br />

le sexe masculin, le jeune âge et la dépendance au tabac.<br />

L’analyse des déterminants d’une consommation<br />

quotidienne moyenne d’alcool élevée a mis en évidence<br />

six facteurs: le sexe masculin, le contexte opérationnel, le<br />

célibat, la durée de la mission nombre de jours de<br />

missions (avec une augmentation de 1,3 de la<br />

consommation entre 91 et 140 jours de mission), une<br />

coaddiction cannabis, tabac).<br />

Le problème des comportements sexuels à risque, en<br />

particulier lors des escales en zone de forte prévalence du<br />

VIH, mérite également d’être signalé, comme le montrent<br />

les taux élevés des déclarations d’infections sexuellement<br />

transmissibles et d’expositions sexuelles au VIH<br />

survenus sous l’emprise de l’alcool signalés à la<br />

surveillance épidémiologique des armées.<br />

Dans les unités de l’armée de Terre, Marimoutou et<br />

Queyriaux ont conduit sur 2006-2007 une enquête<br />

similaire (2). En terme de prévalence on retrouve dans<br />

Tableau I. Tableau récapitulatif.<br />

Enquête Armée de Terre<br />

(2006 – 2007) concernant 990<br />

personnels de plusieurs unités<br />

opérationnelles en métropole *<br />

Enquête Marine nationale (2006)<br />

pour évaluer les conduites<br />

addictives dans les unités<br />

opérationnelles de la Marine **<br />

Etude (2004) concernant les<br />

conduites addictives chez les<br />

engagés volontaires hors de<br />

métropole **<br />

Non usage 9,5 % 6,1 % 9,5 %<br />

Consommation à risque 18,7 % 14,4 % NA<br />

Entre 1 ivresse/mois<br />

et 1 ivresse/an<br />

58,2 % 5,6 % 51 %<br />

Alcool-dépendance 15,7 % 13,1 % 19,2 %<br />

Usage de cannabis 16,1 % NA NA<br />

*Évaluation des conduites addictives dans les unités métropolitaines de l’Armée de terre – DESP Marseille et Paris.<br />

** Enquête pour évaluer les conduites addictives dans les unités opérationnelles de la Marine – Rapport d’analyse sur la sonsommation d’alcool – Doc. N°399/IMTSSA/DESP/06.<br />

*** Conduites addictives chez les engagés volontaires des armées françaises hors de métropole, Mancini J, Meynard.<br />

42 f. de montleau


les unités de l’armée de Terre 9,5 % de personnes<br />

abstinentes, 18,7% de militaires ayant une consommation<br />

moyenne estimée à risque, 60 % de consommations<br />

excessives et/ou plus d’une ivresse par mois et<br />

enfin 15,7 % de personnes dépendantes avec un score<br />

DETA supérieur à 2.<br />

Les alcools les plus consommés étaient la bière et<br />

les apéritifs. Une consommation à risque pour la santé<br />

était retrouvée chez 18,7 % des militaires. L’âge de la<br />

première consommation se situait pour 5,2 % avant l’âge<br />

de 10 ans, pour 27,4 % entre 10 et 15 ans.<br />

En ce qui concerne les antécédents d’ivresse aiguë,<br />

44,5 % des militaires déclaraient n’avoir jamais été ivres<br />

au cours des 12 derniers mois, 34,9 % l’avaient été moins<br />

d’une fois par mois et 9,9 % plus d’une fois par mois.<br />

On retrouvait une augmentation de la consommation<br />

chez 29.8 % des militaires en OPEX contre 14.4 % qui y<br />

avaient diminué leur consommation.<br />

Parmi les militaires ayant une consommation d’alcool à<br />

risque pour la santé : 21,1 % avaient diminué leur<br />

consommation pendant les OPEX, 33,8 % ne l’avaient<br />

pas modifiée et 45,1 % l’avaient augmentée. Les<br />

consommateurs excessifs étaient donc plus susceptibles<br />

de modifier et surtout d’augmenter leur consommation<br />

durant les missions opérationnelles.<br />

Les facteurs indépendamment associés avec une<br />

consommation à risque sont les suivants: le sexe masculin<br />

(risque relatif, RR = 5), le statut de militaire du rang<br />

(RR = 1,8) facteur très lié à un plus jeune âge et un niveau<br />

d’éducation plus faible, un âge inférieur à 15 ans lors de la<br />

première consommation d’alcool (RR =2,5) et l’addiction<br />

au cannabis (marqueur d’une consommation au moins<br />

récente de cannabis: RR = 2,7).<br />

Les militaires maintiennent en fait des comportements<br />

déjà acquis avant leur entrée dans l’institution. Une<br />

première consommation d’alcool précoce favorise<br />

les comportements ultérieurs à risque non seulement<br />

vis-à-vis de l’alcool mais également vis-à-vis de<br />

l’addiction au cannabis.<br />

Un élément qui ressort de cette enquête est que les<br />

militaires de l’armée de terre diffèrent peu de la population<br />

générale du même âge en matière de consommation<br />

d’alcool et de cannabis.<br />

Les consommations aiguës excessives d’alcool sont<br />

associées à un âge plus jeune avec un gradient de<br />

risque allant de 1,8 fois plus de risque pour les 18-25 ans<br />

à 1,5 pour les 26-35 ans comparé aux plus de 35 ans ;<br />

au sexe masculin, les hommes ayant cinq fois plus de<br />

risque de consommation aiguë excessive que les femmes;<br />

à un âge plus jeune lors de la première consommation<br />

d’alcool ; à la dépendance au tabac et au cannabis<br />

qui multipliaient le risque respectivement par 1,8 et 4.<br />

Ces dernières associations illustrent bien la fréquence<br />

de l’association des comportements à risque et des<br />

dépendances.<br />

Les militaires du rang des armées stationnées<br />

hors de métropole ont fait l’objet d’une autre étude,<br />

conduite par Mancini, Meynard et al en 2004 (3). Il a<br />

été mis en évidence que 9,8 % des engagés volontaires<br />

ne consommaient jamais d’alcool, 19,6 % moins d’une<br />

fois par semaine, 30,7 % au moins une fois par semaine,<br />

25,7 % trois à cinq fois par semaine et 14,3 % tous<br />

les jours. La consommation hebdomadaire était<br />

plus fréquente dans les armées que dans la population<br />

générale (70 % contre 47-65 %). L’âge moyen de<br />

la première prise d’alcool était supérieur à 15 ans.<br />

Environ 47,7 % des engagés déclaraient au moins<br />

une ivresse depuis le début de leur séjour, 51 %<br />

déclaraient plusieurs ivresses dans l’année (21,6 %<br />

en population générale) et 19,2 % étaient des<br />

buveurs déclarant une dépen-dance contre 9 % à 17 %<br />

en population générale. La bière est plus souvent<br />

consommée que le vin par rapport à la population<br />

générale.<br />

Les résultats montraient qu’un stationnement<br />

ultramarin entraînait une augmentation de la<br />

consommation d’alcool pour 21 % des sujets. Ce sont les<br />

buveurs problématiques qui déclaraient le plus<br />

fréquemment une augmentation de la consommation<br />

hors territoire métropolitain et un plus jeune âge<br />

de début de consommation. Ils avaient plus souvent<br />

des ivresses que les autres militaires. Chez eux, la<br />

consommation de tabac était plus importante et les<br />

expérimentations de cannabis et de drogues illicites<br />

étaient plus fréquentes. La dépendance croisée tabacalcool<br />

était retrouvée chez 6,4 % des usagers d’alcool et<br />

41,8 % chez les sujets à consommation problématique.<br />

L’inactivité était plus fréquente chez les sujets ayant une<br />

co-dépendance avant l’entrée à l’armée. Parmi les<br />

facteurs statistiquement liés à la dépendance à l’alcool,<br />

seul l’âge de début peut faire l’objet de mesures de<br />

dépistage. Les auteurs recommandent pour la prévention<br />

des conduites d’alcoolisation une lutte contre l’alcool<br />

détaxé en opérations extérieures et des actions en amont<br />

lors de l’incorporation.<br />

Consommation d’alcool et accidents<br />

de la voie publique.<br />

Le lien entre consommation d’alcool et accidentalité<br />

routière est certainement celui qui apparaît le plus<br />

nettement dans les travaux internationaux. En France,<br />

l’accidentalité routière représente la première cause de<br />

mortalité chez les 15-24 ans. Ainsi, la diminution du<br />

« taux légal » d’alcoolémie maximale au volant réduit la<br />

fréquence des accidents quelque soit le taux (21). En<br />

Australie, la diminution du « taux légal » de 0,8 gr/l à<br />

0,5 gr/l a permis une diminution du nombre d’accidents<br />

de 8 % à 18 % selon les régions (22). Un autre travail a<br />

montré que l’introduction de tests aléatoires d’alcoolémie<br />

avait entraîné une diminution de 20 % des accidents de la<br />

voie publique (23). En revanche, la valorisation de la<br />

conduite automobile par un conducteur resté sobre, « le<br />

capitaine de soirée », semble donner des résultats<br />

encourageants bien qu’aucune évaluation n’ait été<br />

réalisée jusqu’à ce jour.<br />

Des données récentes qui ne prennent pas en compte<br />

la notion d’une conduite sous l’emprise de l’alcool<br />

fournissent cependant des résultats forts inquiétants<br />

relatifs à la population masculine militaire. La mortalité<br />

serait globalement plus élevée de 60 % par rapport<br />

aux civils. Dans ce même travail, le décès par accident<br />

de la circulation serait multiplié par 3,8 pour les<br />

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besoins de prévention des militaires d’active. les riques liés à l’alcool en milieu miltaire<br />

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17-19 ans et d’un facteur 1,6 pour les 20-24 ans (24).<br />

Vraisemblablement, l’alcool explique pour une grande<br />

part cette surmortalité.<br />

Consommations d’alcool en milieu<br />

du travail.<br />

La consommation d’alcool est profondément ancrée<br />

dans les usages sociaux. Cette habitude se retrouve<br />

également dans le milieu du travail. Le milieu<br />

professionnel est un facteur qui favorise la consommation<br />

d’alcool, voire la légitime par différents temps sociaux<br />

comme les « pots ». Aujourd’hui tout particulièrement,<br />

l’augmentation de la charge mentale, du stress, de<br />

la nécessité d’excellence, quel que soit le poste de<br />

travail, font utiliser l’alcool comme un «anti-stress» (25).<br />

Descombey a particulièrement étudié les rythmes<br />

en travail posté : les postes de sécurité qui nécessitent<br />

une vigilance extrême ainsi que les postes avec une<br />

activité répétitive comme le tri postal (26). Dans ces<br />

contextes, il souligne le rôle de l’alcoolisation à la<br />

fois comme stratégie individuelle de défense, afin<br />

de faire face aux aspects dépressifs latents et patents,<br />

et comme stratégie collective de défense visant à<br />

resserrer les liens du groupe. Il peut être difficile de ne<br />

pas consommer d’alcool dans un milieu du travail<br />

qui tend souvent à exclure le non-consommateur. Les<br />

accidents et les incidents liés à l’alcoolisation sont<br />

importants dans le cadre de la vie professionnelle :<br />

problèmes de sécurité, diminution des performances,<br />

absentéisme, maladies liées à l’alcoolisation chronique et<br />

accidents du travail. L’alcool est ainsi directement<br />

responsable de 10 % à 20 % des accidents du travail<br />

en France, selon l’Association nationale de prévention<br />

de l’alcoolisme en 2000-2001.<br />

Consommations d’alcool et violence.<br />

L’existence d’une relation entre l’alcool et la violence<br />

est fondée sur la fréquence de la consommation d’alcool<br />

chez des auteurs d’actes violents et/ou sexuels, ainsi que<br />

sur la répétition de ce type d’actes chez des malades de<br />

l’alcool. Cependant l’hypothèse d’une relation causale<br />

n’a jamais été réellement démontrée et il semble certain<br />

que cette relation n’est pas systématique, et ne<br />

concernerait que certains individus en certaines<br />

circonstances. De nombreuses revues de la littérature en<br />

témoignent (27, 28, 29).<br />

Lors d’actes violents, l’alcool favoriserait dans certains<br />

cas l’expression agressive, son action se combinant avec<br />

de nombreux facteurs psychiatriques et sociologiques. Il<br />

faut donc envisager l’agression alcoolisée comme un<br />

processus intégrant les interactions entre la personne,<br />

la situation et les effets de l’alcool (30). Quelques<br />

résultats doivent être soulignés. Le quart des victimes<br />

de violences assurent que l’agresseur avait bu de<br />

l’alcool. L’alcoolisation de l’agresseur est plus fréquente<br />

dans les agressions sexuelles.<br />

En outre, le Rapport mondial sur la violence et la<br />

santé de l’OMS (2002) : reconnaît l’alcool comme<br />

facteur situationnel important pour 25 % des suicides.<br />

Une étude portant sur 514 affaires poursuivies en<br />

correctionnelles pour des agressions ayant entraîné<br />

une ITT de plus de huit jours constate un antécédent<br />

de mésusage de l’alcool dans 18 % des cas et<br />

une alcoolisation au moment des faits dans 30 % des<br />

cas (31).<br />

En milieu militaire, une étude rétrospective a été<br />

menée concernant les comportements agressifs<br />

(conduites auto et hétéro-agressives) portant sur<br />

79 militaires français de l’IFOR rapatriés sanitaires<br />

pour raisons psychiatriques depuis l’ex-Yougoslavie.<br />

La moitié des conduites agressives décrites avaient<br />

impliqué le recours à une arme (arme de dotation,<br />

baïonnette, grenade. Ont été agies en état d’alcoolisation<br />

30 % des conduites auto-agressives et 80 % des conduites<br />

hétéro-agressives (32).<br />

Consommation d’alcool et suicide.<br />

Les liens entre le suicide et l’alcool sont multiples.<br />

Le mésusage d’alcool entraîne un risque plus élevé<br />

de tentative de suicide ou de suicide. Dans une étude<br />

menée sur des conscrits norvégiens, Rossow et al (33) ont<br />

montré qu’une consommation nocive d’alcool exposait<br />

plus aux tentatives de suicide (RR = 27,1). Un travail<br />

suédois par Sjogren et al a retrouvé une consommation<br />

excessive ou une dépendance à l’alcool dans 36 %<br />

des morts par suicide parmi 23 132 cas de morts « non<br />

naturelle » (34).<br />

L’alcool par son rôle désinhibiteur favorise la réalisation<br />

du geste lors des crises suicidaires : Staikowski<br />

l’ont particulièrement bien mis en évidence à partir<br />

de l’étude de 727 patients examinés aux urgences<br />

sur une année calendaire dans les suites d’une<br />

tentative de suicide médicamenteuse, 35 % à 60 % ont<br />

consommé de l’alcool au moment du passage à<br />

l’acte (35). Enfin, la consommation d’alcool augmente<br />

la gravité du geste suicidaire, même en cas<br />

d’intentionnalité modérée.<br />

Les facteurs de risque identifiables.<br />

Parmi les facteurs individuels, on retient:<br />

– des facteurs génétiques et biologiques, Marc<br />

Schuckit a montré le poids de la résistance à l’alcool dans<br />

le risque de dépendance (36) ainsi que la forte corrélation<br />

entre la résistance aux effets de l’alcool et le risque<br />

de présenter des symptômes d’abus ou de dépendance<br />

à l’alcool (37);<br />

– la précocité de l’expérimentation qui est associée à<br />

un risque plus élevé d’abus ou de dépendance, de<br />

troubles psychiatriques associés plus sévères et plus<br />

fréquents, d’antécédents familiaux et de troubles du<br />

comportement dans l’enfance plus nombreux (38);<br />

– le sexe masculin;<br />

– la dépendance au tabac et/ou au cannabis;<br />

– des facteurs psychologiques et psychopathologiques<br />

au premier rang desquels la recherche de sensations :<br />

la quantité d’alcool consommée par les garçons est<br />

corrélée aux facteurs «recherche de danger et d’aventure»<br />

et « désinhibition » et, chez les filles, au seul facteur<br />

« désinhibition » (39). La recherche de sensations<br />

44 f. de montleau


est l’un des facteurs favorisants essentiels des premières<br />

alcoolisations, notamment chez les sujets les plus<br />

jeunes (40).<br />

Parmi les facteurs sociaux, on insiste sur:<br />

– la disponibilité du produit et son contrôle;<br />

– les diverses régulations sociales que sont l’usage<br />

festif et social, la pression des « pairs »;<br />

– l’usage thérapeutique, les cultures et phénomènes de<br />

subculture;<br />

– les changements sociaux et les évènements de vie.<br />

Outre le sexe masculin, la précocité de l’âge à<br />

la première consommation et la dépendance au tabac<br />

et au cannabis, les études en milieu militaire mettent<br />

en évidence des facteurs de risque spécifiques avec<br />

la mise en situation opérationnelle et le stationnement<br />

ultramarin.<br />

La prévention : une approche<br />

intégrant éducation et contrôle.<br />

Si l’on constate que la consommation globale d’alcool<br />

a diminué en France de près de 40 % en quarante ans, des<br />

études récentes dans la population des adolescents nous<br />

indiquent que le problème lié à l’alcool est d’actualité<br />

dans un groupe d’âge qui représente le vivier de<br />

recrutement de jeunes engagés. Ces données incitent à<br />

une mobilisation en matière de prévention des problèmes<br />

liés à l’alcool et notamment en prenant pour cible cette<br />

catégorie de personnels. Ces jeunes engagés présenteront<br />

plus de risques de développer une addiction s’ils ont déjà<br />

acquis l’habitude d’une consommation d’alcool avant<br />

leur entrée dans l’armée. Une intervention médicale<br />

précoce est souhaitable avant le développement d’une<br />

alcoolo-dépendance ou de complications liées à<br />

l’alcoolisation.<br />

L’approche éducative en matière de prévention des<br />

conduites d’alcoolisation, nécessaire pour toutes classes<br />

d’âge, apparaît tout particulièrement pertinente en terme<br />

d’efficacité au regard du jeune âge de cette population<br />

« cible » des engagés volontaires. Cependant, les mesures<br />

visant à favoriser un contrôle de l’usage de l’alcool en<br />

milieu militaire et notamment pour certaines situations à<br />

risque trouvent aussi leur place dans une stratégie<br />

préventive. La restriction de l’accessibilité, des mesures<br />

collectives agissant sur les conditions de vente et la<br />

consommation y trouvent une place de choix.<br />

La politique de contrôle des boissons<br />

alcoolisées : cadre légal et<br />

règlementaire.<br />

En France, la politique générale de prévention oscille<br />

entre interdire et promouvoir. C’est ainsi que le dispositif<br />

concernant la sécurité routière comprend l’institution<br />

d’un taux légal d’alcoolémie maximale de 0,5 gr/l (Art<br />

L234-1 du code de la route) ainsi qu’une autorisation des<br />

contrôles d’alcoolémie, même en l’absence d’infraction<br />

(Art. L234-1 à 234-9 du code de la route).<br />

La loi du 10 janvier 1991 (Loi Évin) interdit quant à elle<br />

la publicité dans la presse pour la jeunesse, la distribution<br />

aux mineurs d’objets ou de supports promouvant l’alcool,<br />

la vente, la distribution ou l’introduction sur des<br />

établissements sportifs.<br />

La loi du 23 juin 2009 portant réforme de l'hôpital<br />

et relative aux patients, à la santé et aux territoires<br />

(Loi HPST) dans son titre III, Prévention et santé publique,<br />

édicte l’interdiction de vente aux mineurs, l’interdiction<br />

de la vente au forfait, la limitation de la vente dans les<br />

points de carburant, la possibilité pour les maires<br />

d’interdire la vente durant des plages horaires<br />

déterminées. Elle préconise également l’extension des<br />

« Happy hours » aux boissons non alcoolisées.<br />

Dans les armées existe un cadre règlementaire.<br />

Le règlement de discipline générale fait mention<br />

explicite à l’alcool à deux reprises concernant la<br />

conduite sous l’empire d’un état alcoolique et<br />

l’introduction ou la détention sans autorisation<br />

à l’intérieur d’une enceinte militaire des boissons<br />

alcoolisées, toutes deux sanctionnables. Un véritable<br />

tournant est réalisé avec l’avis du Conseil d’État<br />

du 26 octobre 2006 relatif au dépistage de la toxicomanie<br />

au sein des armées. Celui-ci stipule que « le métier<br />

de militaire, quelle que soit la fonction occupée, constitue<br />

en soi un métier à risque, ce qui a des implications en<br />

matières de dépistage à l’initiative du commandement. »<br />

Il ouvre donc la voie à un dépistage généralisé jusque<br />

là réservé de façon systématique aux seuls gendarmes<br />

et personnels navigants. L’Instruction ministérielle<br />

du 19 avril 2007 relative aux dépistages de la toxicomanie<br />

et de la consommation excessive d’alcool prend<br />

en compte l’avis du Conseil d’État et aborde la question<br />

des addictions aux substances psycho-actives licites<br />

ou illicites dans une perspective répressive, introduisant<br />

le principe d’une tolérance « zéro ». Le Commandement<br />

se voit préciser un rôle accru dans le repérage et<br />

le dépistage de ces conduites.<br />

Quels objectifs assigner à une<br />

politique de prévention de l’alcool<br />

dans les armées ?<br />

Il va s’agir de:<br />

– promouvoir une démarche de santé;<br />

– prévenir l’initialisation de la consommation;<br />

– prévenir l’usage nocif et la dépendance;<br />

– réduire les risques et notamment ceux spécifiques<br />

au milieu militaire;<br />

– modifier les représentations sociales.<br />

Afin de tendre vers ces objectifs, dix<br />

recommandations sont émises.<br />

Elles concernent l’éducation sanitaire, la réduction du<br />

risque d’accident, la réduction du risque en OPEX et le<br />

dépistage des consommations pathologiques.<br />

Recommandation 1 :<br />

Construire des campagnes d’éducation sanitaire à<br />

destination des jeunes engagés<br />

Ces campagnes doivent impérativement lier<br />

information sur l’alcool à celle concernant le tabac, les<br />

drogues illicites – dont le cannabis – et les comportements<br />

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besoins de prévention des militaires d’active. les riques liés à l’alcool en milieu miltaire<br />

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sexuels à risque, sans que l’une ne soit relativisée par<br />

rapport aux autres. Le message y gagnera en pertinence.<br />

Recommandation 2 :<br />

Des campagnes sanitaires conduites sur le long terme<br />

Il s’agira d’éviter les campagnes « massues » sans<br />

lendemain en prévoyant sur fond continu informatif des<br />

impulsions régulières qui renouvellent la forme du<br />

message et son impact.<br />

Cette répétition est rendue nécessaire par la volatilité<br />

de la population cible des jeunes engagés (70 à 80 %<br />

ne renouvellent pas leur contrat au-delà de 5 ans).<br />

Recommandation 3 :<br />

Former les personnels du Service de santé<br />

Les médecins d’unité, infirmiers et brancardiers<br />

secouristes bénéficieront de formations continues<br />

régulièrement dispensées sur le thème plus général des<br />

conduites addictives.<br />

Ils seront mieux formés à la formation à l’aide de stages<br />

de communication.<br />

Recommandation 4 :<br />

Implication du Commandement et des cadres comme<br />

acteurs des séances d’éducation sanitaire (Préparation,<br />

participation aux échanges).<br />

Les cadres officiers et sous-officiers, les présidents de<br />

catégorie et les officiers environnements humains<br />

constituent des courroies de transmission indispensable à<br />

cette éducation sanitaire.<br />

Recommandation 5 :<br />

Privilégier l’approche informative<br />

En abordant les risques accidentels ou la sécurité du<br />

groupe plutôt que les conséquences à distance sur la santé<br />

individuelle, peu porteuses.<br />

On évitera les messages à connotation morale ou se<br />

fondant sur la peur.<br />

Recommandation 6 :<br />

Utilisation et créations d’outils pédagogiques visuels et<br />

audiovisuels<br />

Les productions INPES, celles de la MILDT seront<br />

davantage utilisées mais on ne saurait négliger l’intérêt de<br />

vidéos à contenu en rapport avec le milieu militaire, son<br />

environnement technique, ses valeurs collectives. Cellesci<br />

restent à réaliser.<br />

Des flyers informatifs et d’aspect attractif seront<br />

conçus et mis à disposition au niveau de chaque unité<br />

élémentaire et service médical d’unité.<br />

Recommandation 7 :<br />

Concernant les situations à risques spécifiques<br />

d’accident (conduite automobile, pilotage d’aéronef,<br />

service de systèmes d’armes, etc.)<br />

Attitude clairement interdictrice avec contrôles<br />

aléatoires et récurrents par et à l’initiative du<br />

commandement.<br />

Pour la conduite automobile, valorisation de la<br />

conduite automobile par un conducteur resté sobre, le<br />

« capitaine de soirée ».<br />

Recommandation 8 :<br />

Institution d’une politique unique et harmonisation des<br />

pratiques concernant les lieux de consommation en<br />

OPEX accompagnées d’une véritable politique en faveur<br />

du welfare.<br />

Positionnement clair du Commandement et des<br />

directives s’appliquant à toutes les OPEX, quelle que soit<br />

l’armée ou l’arme,<br />

Identification par le Commandement de l’ensemble de<br />

ces lieux de consommation,<br />

Etablissement d’horaires règlementaires et régularité<br />

des contrôles; interdiction des bars clandestins,<br />

Encadrement des ventes des boissons alcoolisées,<br />

consommation sur place et interdiction des ventes<br />

promotionnelles d’alcool,<br />

Favoriser l’offre de boissons non alcoolisées, par<br />

exemple par une politique tarifaire avantageuse,<br />

Construire une véritable politique de welfare en<br />

favorisant le bien être du soldat sur sa base logistique<br />

incluant loisirs, distractions, accès facilité aux moyens de<br />

communication, etc.<br />

Recommandation 9 :<br />

Dépistage précoce des jeunes engagés<br />

Au cours du passage au Centre de sélection et<br />

orientation lors de la visite d’aptitude initiale et lors<br />

de la visite d’incorporation et durant la période<br />

probatoire, une évaluation systématique de la relation<br />

à l’alcool sera effectuée. L’utilisation du questionnaire<br />

de remplissage rapide DETA (4 questions) aidera au<br />

dépistage d’une consommation excessive d’alcool.<br />

(À remplir par le patient)<br />

Cocher les cases correspondantes :<br />

Oui Non<br />

1 - Avez-vous déjà ressenti le besoin de<br />

Diminuer votre consommation d’alcool ? <br />

2 - Votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques<br />

au sujet de votre consommation excessive d’alcool ? <br />

3 - Avez-vous déjà eu l'impression que vous buviez Trop ? <br />

4 - Avez-vous déjà eu besoin d’Alcool dès le matin<br />

pour vous sentir en forme ? <br />

Interprétation :<br />

Deux réponses positives (ou plus) à ces questions sont évocatrices<br />

d'une consommation nocive.<br />

Questionnaire DETA.<br />

Recommandation 10 :<br />

Le dépistage en cours de carrière, toute catégorie de<br />

personnels<br />

Lors de la visite médicale annuelle d’aptitude,<br />

une évaluation systématique de la relation à l’alcool<br />

sera effectuée. A côté de la biologie dont on connaît<br />

le caractère peu fiable, on utilisera le questionnaire<br />

AUDIT (dix questions) visant à diagnostiquer<br />

et différencier une consommation à problème<br />

d’une dépendance.<br />

46 f. de montleau


Cotation de 0 (jamais) à 4 (maximum)<br />

– Quelle est la fréquence de votre consommation d’alcool ?<br />

– Combien de verres contenant de l’alcool consommez-vous un jour typique où vous buvez ?<br />

– Avec quelle fréquence buvez-vous six verres ou davantage lors d’une occasion particulière ?<br />

– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable de vous arrêter de boire une fois que vous aviez<br />

commencé ?<br />

– Au cours de l’année écoulée, combien de fois votre consommation d’alcool vous a-t-elle empêché de faire ce qui était normalement attendu de vous ?<br />

– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu besoin d’un premier verre pour pouvoir démarrer après avoir beaucoup bu la veille ?<br />

– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des remords après avoir bu ?<br />

– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous été incapable de vous rappeler ce qui s’était passé la soirée précédente parce que vous<br />

aviez bu ?<br />

– Avez-vous été blessé ou quelqu’un d’autre a-t-il été blessé parce que vous aviez bu ?<br />

– Un parent, un ami, un médecin ou un autre soignant s’est-il inquiété de votre consommation d’alcool ou a-t-il suggéré que vous la réduisiez ?<br />

Interprétation :<br />

Un total supérieur à 9 évoque une consommation nocive d'alcool<br />

Un total supérieur à 13 évoque une dépendance<br />

Questionnaire AUDIT.<br />

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28. Lipsey MW, Wilson DB, Cohen MA, Derzon JH. Is there a causal<br />

relationship between alcohol use and violence ? A synthesis of<br />

evidence. In : Recent developments in alcoholism. Galanter M ed,<br />

Plenum Press, New York 1997 : 245-82.<br />

29. Martin SE, Bachman R. The relationship of alcohol to injury in assault<br />

cases. Recent Dev Alcohol 1997 ; 13 : 41-56.<br />

30. Graham K, West P, Wells S. Evaluating theories of alcohol-related<br />

aggression using observations of young adults in bars. Addiction<br />

2000 ; 95 : 847-63.<br />

31. Perez-Diaz C, Huré M-S. Violences, alcool et santé mentale.<br />

Alcoologie et addictologie, 2006 ; 28(4) : 39-48.<br />

D<br />

O<br />

S<br />

S<br />

I<br />

E<br />

R<br />

besoins de prévention des militaires d’active. les riques liés à l’alcool en milieu miltaire<br />

47


32. De Montleau F. Conduites agressives pathologiques dans une force<br />

de maintien de la paix : aspects épidémiologiques, cliniques,<br />

psychopathologiques et thérapeutiques. Mémoire pour le Diplôme<br />

d'Études Spécialisées de Psychiatrie, Faculté de Kremlin-Bicêtre,<br />

Université Paris-Sud, 1998.<br />

33. Rossow I, Romelsjo A, Leifman H. Alcohol abuse and suicidal<br />

behaviour in young and middle age men ; differentiating between<br />

attempted and completed suicide. Addiction, 1999 ; 94(8):1199-207.<br />

34. Sjogren H, Eriksson A, Ahlm K. Role of alcohol in unnatural deaths :<br />

a study of all death in Sweeden. Alcohol Clin Exp Res, 2000 ;<br />

24(7) : 1050-6.<br />

35. Stailkowski F, Uzan D, Grillon N, Pelvieri F, Hafi A, Michard F.<br />

Intoxications médicamenteuses volontaires reçues dans un service<br />

d’accueil des urgences. Presse Med, 1995 ; 24(28) : 1296-300.<br />

36. Schuckit MA, Smith TL. An 8-year follow-up of 450 sons of alcoholic<br />

and control subjects. Arch Gen Psychiatry 1996 ; 53 : 202-10.<br />

37. Schuckit MA. Biological, physiological and environmental<br />

predictors of the alcoholism risk : a longitudinal study. J Stud Alcohol<br />

1998 ; 59 : 485-94.<br />

38. Prescott CA, Kendler KS. Age of first drink and risk of alcoholism : a<br />

non causal association. Alcohol Clin Exp Res 1999 ; 23 : 101-7.<br />

39. Zuckerman M. Vulnerability to psychopathology. A biopsychosocial<br />

model. Chapter 6 : Substance abuse and dependence and pathological<br />

gambling disorders. American psychological association,<br />

Washington 1999 : 255-317.<br />

40. -Adès J, Conduites de dépendance et recherche de sensations. In :<br />

Dépendance et conduites de dépendance. Bailly D, Vénisse J-L,<br />

Editions Masson, Paris, 1995 : 147-66.<br />

MC F. De Montleau. © F. Teste.<br />

48 f. de montleau


Pratique médico-militaire<br />

Secourisme de l’extrême avant chez les commandos Marine :<br />

les opérateurs de premiers secours de combat.<br />

X. Ann a , J. Stephan a , D. Tristan a , S. Geneau de Lamarlière a , J.-M. Jacques a , M. Groud a .<br />

a Service médical Lion, Base des fusiliers marins et des commandos – 56998 Lorient Armées.<br />

Article reçu le 22 décembre 2008, accepté le 25 août 2009.<br />

Résumé<br />

Dans le cadre de l’optimisation de la prise en charge des victimes de guerre en situation isolée, le service médical de la<br />

base des fusiliers marins et des commandos de Lorient a mis en place la formation d’opérateurs de premiers secours de<br />

combat (OPSC). Les objectifs, le cadre d’emploi, le déroulement, le contenu de cette formation sont présentés, ainsi que<br />

les difficultés rencontrées.<br />

Mots-clés : Commandos Marine. Extrême avant. Opérateurs de premiers secours de combat (OPSC). Secourisme de<br />

combat.<br />

EXTREME AHEAD EMERGENCY AID IN NAVY COMMANDOS : FIRST AID OPERATORS AT FIGHT.<br />

Abstract<br />

As a part of the improvement as the regards the war casualties care in case of deteriorated situations, the medical staff<br />

from the Navy riflemen and commandos in Lorient have set up a training for first aid operator at fight (FAOF). The aims,<br />

the legal frame, the development, the content of this training are presented, as well as the encountered difficulties.<br />

Keywords : Extreme emergency. First aid at fight. First aid operators at fight (FAOF). Navy commandos.<br />

Introduction.<br />

Les commandos Marine, unités des forces spéciales<br />

évoluent en petites équipes, en zone hostile, souvent loin<br />

des traditionnels postes de secours, notamment au cours<br />

des missions spécifiques de contre terrorisme maritime,<br />

de lutte contre le narco trafic ou de police des pêches (1).<br />

L’intérêt d’une intervention simple face à une détresse<br />

vitale (hémorragie par exemple) dans les dix premières<br />

minutes est désormais connu.<br />

Pour assurer un soutien santé optimal dont le but est de<br />

contrôler les fonctions vitales et d’améliorer la survie des<br />

blessés dans des situations d’isolement extrême, il a été<br />

mis en place une formation d’opérateur de premiers<br />

secours de combat (OPSC) (6).<br />

X. ANN, médecin principal. J. STEPHAN, médecin principal. D. TRISTAN,<br />

médecin en chef. S. GENEAU DE LA MARLIÈRE, médecin principal.<br />

J.-M. JACQUES, infirmier de classe normal. M. GROUD, médecin en chef.<br />

Correspondance : X. ANN, Service médical Lion, Base des fusiliers marins et<br />

des commandos – 56998 LORIENT Armées.<br />

Intranet défense: xavier.ann@marine.defense.gouv.fr<br />

Cette formation s’est imposée car à l’inverse d’autres<br />

armées, il n’existe pas d’auxiliaire sanitaire dans la<br />

Marine. Par ailleurs, la ressource en infirmiers dans les<br />

commandos ne permet pas une para-médicalisation de<br />

toutes les missions.<br />

La formation.<br />

Objectif.<br />

Avant tout des combattants, les OPSC sont les premiers<br />

maillons de la chaîne de secours. Ils peuvent exercer de<br />

façon isolée, mais le plus souvent assistent l’infirmier, ou<br />

le médecin des commandos.<br />

L’objectif prioritaire est le maintien en vie des blessés<br />

en situation d’isolement extrême, ainsi que l’évacuation<br />

vers une structure sanitaire adaptée.<br />

Axes prioritaires de la formation.<br />

Les protocoles acquis lors des formations de premier<br />

secours en équipe (PSE2) ont été adaptés à une situation<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 49-53 49


tactique de combat dégradée. Les axes majeurs de la<br />

formation sont:<br />

– le bilan initial: vital, circonstanciel, lésionnel;<br />

– la réalisation des gestes de survie : garrot, libération<br />

des voies aériennes, immobilisation;<br />

– la transmission du bilan pour permettre la<br />

médicalisation et l’évacuation de la victime;<br />

– l’utilisation du matériel du service de santé: matelas<br />

coquille, oxygène.<br />

Conditions à réunir pour déposer<br />

candidature.<br />

Cette formation s’adresse au personnel commando<br />

ayant une expérience d’au moins deux ans.<br />

Ce critère a permis d’avoir des personnels à la formation<br />

militaire solide reposant sur différents cours (Cours<br />

d’aptitude technique fusilier, stage commando) et ayant<br />

une expérience des opérations militaires et des<br />

déploiements à l’étranger.<br />

Cette sélection aboutit au recrutement de personnels du<br />

grade de second maître minimum (sergent), avec une<br />

maturité certaine, dans une tranche d’âge de 25 à 30 ans.<br />

Le pré requis en termes de formation secouriste, est la<br />

détention de l’attestation de prévention et de secours<br />

civiques de niveau 1 (PSC1 ou AFPS).<br />

Le rôle des infirmiers affectés en commando est<br />

primordial dans la sélection des futurs candidats au sein<br />

de leur unité.<br />

Le commando doit être volontaire, motivé,<br />

particulièrement mature et équilibré.<br />

L’approbation du commandement est nécessaire.<br />

Cette formation n’est en aucun cas un refuge pour des<br />

éléments médiocres, tout au contraire.<br />

Déroulement de la formation (fig. 1).<br />

La durée totale de la formation est de six semaines :<br />

– un stage initial de deux semaines à la cellule<br />

secourisme de l’école des fusiliers marins qui comporte la<br />

formation technique aux premiers secours en équipe<br />

(PSE1 et PSE2);<br />

– un stage pratique de deux semaines à la brigade<br />

des sapeurs pompiers de Paris (BSPP), avec mise en<br />

application de la formation PSE2 par la prise de gardes sur<br />

les Véhicules de secours à victimes (VSAV);<br />

– un stage d’une semaine à l’infirmerie de la base des<br />

commandos, encadré par les médecins et les infirmiers:<br />

adaptation aux missions des OPSC, intégration de la<br />

formation à un contexte tactique (fig. 2, 3);<br />

– enfin un stage d’une semaine sur le terrain, avec mises<br />

en situations de combat, clôturant et validant la formation.<br />

Cette dernière semaine de formation est réalisée avec le<br />

concours de l’École des Fusiliers Marins, aussi bien en<br />

personnels pour le plastron ou les blessés grimés, qu’en<br />

moyens matériels avec mise à disposition de véhicules<br />

tactiques, d’infrastructures, ou encore de moyens radios<br />

et d’armement.<br />

Figure 2. OPSC d’un groupe de contre terrorisme maritime réalisant un cas<br />

concret en situation tactique.<br />

Figure 3. OPSC effectuant la prise en charge d’une victime grimée.<br />

Figure 1. Prise en charge d’une urgence individuelle sur mannequin, en<br />

équipe avec matériels.<br />

Contenu de la formation théorique.<br />

Les thèmes abordés sont résumés dans le tableau sous<br />

forme de calendrier avec la durée de chaque cours (tab. I):<br />

– le cadre médico légal de l’emploi des OPSC (la<br />

première heure de cours), pour bien situer leur<br />

positionnement dans la chaîne de santé : ils sont des<br />

secouristes qui pratiquent des gestes techniques en<br />

situation d’exception;<br />

50 x. ann


Tableau I. Programme de la semaine théorique de formation à l’infirmerie.<br />

– le bilan vital, avec les détresses neurologiques,<br />

circulatoires, et respiratoires;<br />

– les bilans lésionnel et circonstanciel, avec comme<br />

guide la fiche de bilan paramédicale fortement inspirée<br />

des fiches bilans des pompiers des Services<br />

départementaux d’incendie et de secours (SDIS), en<br />

franco anglais (fig. 4);<br />

– le message EVASAN et MEDEVAC, utilisé lors des<br />

missions multinationales;<br />

– les gestes techniques: la préparation et la pose d’une<br />

perfusion pour un remplissage vasculaire, la suture d’une<br />

plaie du scalp, le brancardage, l’immobilisation d’un<br />

membre, la prise en charge de la douleur par injection de<br />

syrette de morphine, la pose d’un garrot, d’un pansement<br />

antihémorragique;<br />

– les pathologies spécifiques d’environnement : les<br />

diarrhées outre mer, les envenimations, le paludisme, la<br />

prise en charge du coup de chaleur;<br />

– les pathologies spécifiques de guerre: le blessé blasté,<br />

le poly criblé, l’enseveli, le brûlé;<br />

– initiation à l’anglais médical, avec le concours<br />

du laboratoire de langue, où est détaillé le contenu<br />

du message MEDEVAC, avec un petit lexique d’anglais<br />

médical;<br />

– la dimension psychologique des situations de combat<br />

et de leurs répercussions est également abordée grâce au<br />

concours des psychologues du service local de<br />

psychologie appliquée (SLPA) de Lorient. Les réactions<br />

psychologiques immédiates possibles ainsi que les<br />

manifestations d’un éventuel syndrome psychotraumatique.<br />

L’objectif est double. Il s’agit d’une part de<br />

pouvoir déceler en situation de combat les réactions de<br />

stress dépassé afin d’en limiter les effets sur la sécurité et<br />

l’efficacité opérationnelle d’un groupe. D’autre part, il<br />

s’agit de sensibiliser ces combattants à l’existence des<br />

états de stress post traumatique qui nécessitent une prise<br />

en charge psychologique aussi précoce que possible, sans<br />

attendre qu’ils n’engendrent un retentissement délétère<br />

sur le plan professionnel ou familial.<br />

Cette formation est soumise à un ajustement permanent<br />

en fonction des retours d’expérience de prise en charge de<br />

victimes en missions extérieures.<br />

Formation continue.<br />

Elle est assurée en premier lieu par les infirmiers de<br />

commandos, avec réalisation de cours théoriques et de cas<br />

concrets de façon régulière.<br />

Un complément de formation peut être proposé au<br />

centre d’instruction et de technique de réanimation de<br />

l’avant (CITERA) de l’HIA Legouest de Metz et de l’HIA<br />

Desgenettes de Lyon.<br />

Un stage de recyclage est réalisé tous les deux ans dans<br />

le cadre des mises en conditions opérationnelles (MECO)<br />

du commando d’appartenance: une semaine à la Brigade<br />

des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ou au Bataillon<br />

des marins-pompiers de Marseille (BMPM), une semaine<br />

de cours théoriques sur l’environnement spécifique et<br />

une semaine de mise en situation pratique (fig. 3).<br />

secourisme de l’extrême avant chez les commandos marine : les opérateurs de premiers secours de combat.<br />

51


Recto<br />

Verso<br />

Figure 4. Fiche bilan paramédical des OPSC.<br />

De plus, le déploiement permanent d’un détachement<br />

commando à Djibouti est un moment privilégié pour<br />

l’application des savoirs acquis, dans un environnement<br />

désertique. En effet, lors de ce déploiement le médecin<br />

est inclus dans un commando et travaille au quotidien<br />

avec les OPSC.<br />

Discussion et difficultés.<br />

Concept et cadre d’emploi.<br />

Les OPSC sont des commandos formés aux techniques<br />

de secours en équipe avec matériels (PSE1 et 2). Ces<br />

secouristes reçoivent une sensibilisation aux blessures de<br />

guerre et à leur prise en charge spécifique. Cette formation<br />

est théorique et pratique (2, 3, 7).<br />

Les OPSC sont avant tout des combattants, des<br />

commandos. Ils ne sont pas des personnels du service de<br />

santé, et n’ont aucune fonction au sein de l’infirmerie,<br />

notamment pas de responsabilité de la gestion des<br />

dossiers médicaux.<br />

Le champ d’action de l’infirmier est défini par l’article<br />

R 4 311 du code de la santé publique. Ainsi, l’infirmier<br />

peut être amené, après régulation médicale du SAMU<br />

Centre 15, à appliquer des protocoles conservatoires dans<br />

l’attente de l’arrivée des secours médicalisés (5, 8).<br />

Certains Services départementaux d’incendie et de<br />

secours (SDIS), ont mis en place des infirmiers dits<br />

« protocolisés » susceptibles d’agir occasionnellement<br />

dans le cadre du secours à personne. Ces infirmiers<br />

peuvent être amenés à appliquer un protocole<br />

conservatoire validé par le médecin chef du SDIS.<br />

De la même façon, la marine marchande exposée à<br />

l’isolement sans assistance médicale, a mis en place une<br />

formation paramédicale et un cadre juridique pour les<br />

personnels servant à bord des navires de commerce (4).<br />

Forts de ces deux expériences particulières, nous avons<br />

défini le cadre d’emploi des OPSC. Ainsi pour<br />

sauvegarder des vies humaines, les OPSC peuvent<br />

pratiquer en contexte d’isolement, hors territoire<br />

métropolitain, des gestes listés de façon exhaustive,<br />

protocolisés et faisant l’objet d’un enseignement,<br />

d’entraînement réguliers, et d’un recyclage annuel.<br />

52 x. ann


Difficultés rencontrées.<br />

Une information du commandement sur les capacités<br />

des OPSC et leur cadre d’emploi réglementaire doit<br />

être menée de façon permanente. En effet, le commandement<br />

disposant avec les OPSC de combattants<br />

possédant une compétence santé, peut être tenté de<br />

se passer des médecins et des infirmiers pour des<br />

missions, en particulier lorsque l’effectif à déployer<br />

est très restreint.<br />

L’action des OPSC doit être parfaitement encadrée par<br />

le corps médical, car certains seraient tentés de se<br />

positionner en tant que « pseudo infirmier ». C’est la plus<br />

grosse dérive à craindre et à éviter.<br />

Il existe ainsi trois niveaux de soutien santé dans<br />

les commandos Marine : les OPSC, les infirmiers,<br />

les médecins. Le niveau de soutien adapté est défini<br />

par le commandement en fonction des missions, avec<br />

le conseil du médecin dans la planification et la<br />

conduite des opérations.<br />

Conclusion.<br />

Les opérateurs de premiers secours de combat, avec le<br />

niveau de compétence du PSE 2, et la capacité à effectuer<br />

des gestes techniques bien protocolisés, mettent en œuvre<br />

un secourisme de qualité adapté au contexte des<br />

opérations spéciales.<br />

Cette formation se réalise de façon spécifique et adaptée<br />

grâce à une sélection soigneuse par les infirmiers de<br />

commandos, une surveillance des compétences de chacun<br />

et un suivi individuel. Cela n’est possible que par le faible<br />

effectif de l’unité : 40 OPSC pour 400 commandos.<br />

Une attention particulière est nécessaire pour que les<br />

OPSC soient employés à leur juste niveau et sur leur statut<br />

de combattant avant tout, ce qui permet aux personnels<br />

santé (infirmiers et médecins) de garder leur place au sein<br />

des missions des commandos Marine et d’être employés<br />

par le commandement à bon escient.<br />

Les différents retours d’expériences mettent en<br />

évidence l’importance des binômes OPSC, infirmier et<br />

OPSC, médecin, sans oublier la valeur référence que sont<br />

les binômes infirmier et médecin.<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

1. Lemaire M. Conception et réalisation d’un secourisme militaire de<br />

l’extrême avant : au profit des unités spéciales, médecine et armées<br />

1999 ; 27 (1) : 43-8.<br />

2. Note N° 1979/DEF/DCSSA/OSP/ADJ du 14 avril 2008, traitant du<br />

soutien santé modernisé - formation des militaires du rang.<br />

3. Note N° 769/EVDG/DEG/EG du 31 mars 2008, traitant du soutien<br />

santé modernisé - formation des militaires du rang<br />

4. Journal officiel N° 178 du 4 août 1999 ; Arrêté du 2 juillet<br />

1999, du ministère de l’Équipement, des Transports et du<br />

Logement, relatif à la formation médicale des personnels<br />

servant à bord des navires de commerce et de plaisance armés<br />

avec un rôle d’équipage.<br />

5. Article R4311 du Code de la Santé publique, relatif au champ d’action<br />

de l’infirmier.<br />

6. Note N° 1277/DEF/DCSSA/EPG/ECX du 15 avril 1998, traitant de<br />

l’approfondissement de la formation aux premiers secours destinée à<br />

certains militaires susceptibles d’êtres confrontés à des urgences<br />

vitales en situation isolée.<br />

7. Note N° 01-003/DEF/EMA/OL/SAN/NP du 30 juin 2003, traitant de<br />

la formation au secourisme militaire en situation extrême.<br />

8. Décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels<br />

et à l’exercice de la profession des infirmiers.<br />

secourisme de l’extrême avant chez les commandos marine : les opérateurs de premiers secours de combat.<br />

53


RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS<br />

GÉNÉRALITÉS<br />

L'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un<br />

travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical,<br />

pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…).<br />

PRÉSENTATION DU MANUSCRIT<br />

• Le manuscrit est fourni (maximum 32 000 caractères):<br />

– soit sur papier en trois exemplaires;<br />

– soit sur support numérique adressé par voie postale;<br />

– soit adressé par E. mail (Internet, Intranet, Lotus);<br />

– soit sous forme multiple.<br />

• Le manuscrit est rédigé:<br />

– en langue française (sauf exception après accord de la rédaction);<br />

– en double interlignage en Times new roman corps 12;<br />

– recto seulement marge gauche ;<br />

– paginé.<br />

• La première page comporte:<br />

– le titre précis et concis sans abréviation, en lettres capitales accentuées,<br />

– le nom du ou des auteurs en lettres capitales accentuées, précédé des initiales du<br />

prénom en lettres capitales accentuées (avec trait d'union pour les prénoms composés)<br />

séparés par un point.<br />

– le nom du ou des auteurs, précédé des initiales du prénom des auteurs suivis du<br />

grade et du titre principal;<br />

– le nom, l'adresse et les coordonnées téléphoniques, de télécopie ou E-mail de<br />

l'auteur destinataire des correspondances, des épreuves à corriger.<br />

• La deuxième page est réalisée selon les règles avec:<br />

– le titre en français en lettres capitales accentuées;<br />

– le titre en anglais ;<br />

– le résumé en français de 15 lignes maximum sans abréviation ni référence;<br />

– suivi de quatre à cinq mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique et<br />

séparés par un point;<br />

– le résumé en anglais suivi des mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique<br />

et séparés par un point.<br />

• Le texte:<br />

– débute à la troisième page;<br />

– est concis, précis et les évènements passés sont écrits au passé composé ;<br />

– les abréviations sont en nombre limité et exclues du titre et des résumés et sont<br />

explicites lors du premier emploi ; le terme entier est précédé de l'abréviation mise<br />

entre parenthèses lors de la première apparition dans le texte;<br />

– la terminologie est respectée (symbole, unité, nombre écrit en chiffres sauf ceux<br />

inférieurs à dix sept, lorsqu'ils commencent une phrase ou lors d'énumérations<br />

fréquentes dans le texte, médicaments).<br />

– La présentation est au carré (texte justifié) sans retrait ni interligne, ni gras dans le<br />

texte ni mot souligné et selon le plan:<br />

I. CHAPITRE.<br />

A) SECTION.<br />

1. Article.<br />

a) Paragraphe.<br />

– alinéa;<br />

- sous alinéa,<br />

les puces • peuvent être utilisées sans renvois de bas de page.<br />

• Les figures (graphiques, illustrations et photographies):<br />

– sont en nombre limité;<br />

– sont numérotées en chiffres arabes;<br />

– sont appelées précisément dans le texte, placées entre parenthèses par ordre<br />

d'apparition ;<br />

– les photos sont fournies en trois exemplaires (idem pour les radiographies)<br />

respectent l'anonymat des patients et peuvent être remplacées par des fichiers<br />

numériques (sous format JPEG);<br />

– les diapositives sont accompagnées d'un tirage papier;<br />

– au verso des figures l'orientation est indiquée;<br />

– les légendes sont dactylographiées sur une feuille à part expliquant les unités<br />

utilisées (pour les graphiques).<br />

• Les tableaux:<br />

– sont en nombre limité;<br />

– sont numérotés en chiffres romains;<br />

– sont fournis sur une seule page avec leur titre et leur numéro;<br />

– sont précisément appelés dans le texte, placés entre parenthèses par ordre d'apparition;<br />

– doivent se suffirent à eux même sans que l'on doive se référer au texte.<br />

• Les remerciements:<br />

– sont placées en fin de texte.<br />

• Les références bibliographiques:<br />

– sont numérotées en chiffres arabes placés entre parenthèses (dans le texte, les<br />

tableaux et les figures) dans l'ordre d'apparition;<br />

– les chiffres sont séparés par des virgules, mais au-delà de deux chiffres successifs<br />

seuls les deux extrêmes sont présentés, séparés par un trait d'union;<br />

– les noms des auteurs, séparés par une virgule, sont mentionnés jusqu'à six, au-delà,<br />

le dernier des six est suivi de la mention « et al. ».<br />

– les noms des revues sont conformes aux listes officielles référencées.<br />

LES RÉFÉRENCES<br />

Les références comportent obligatoirement, dans l'ordre suivant:<br />

– noms des auteurs au maximum six en minuscules accentuées (première lettre en<br />

capitale accentuée) suivis des initiales des prénoms en majuscules accentuées séparés<br />

par une virgule, le dernier étant suivi de la mention « et al. »;<br />

– titre intégral dans la langue de publication (caractères latins) et d'un point ; suivi de:<br />

À propos d'un article extrait de revue:<br />

– nom de la revue suivi de l'année de parution, puis d'un point virgule;<br />

– tome, pouvant être suivi du numéro entre parenthèses, puis deux points;<br />

– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,<br />

séparés par un trait d'union et point final.<br />

À propos d'un livre:<br />

– ville de l'éditeur puis deux points;<br />

– éditeur suivi d'un point virgule;<br />

– année d'édition et éventuellement du nombre de pages suivi d'un point final.<br />

À propos d'un chapitre extrait d'un livre:<br />

– titre du chapitre et point;<br />

– puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurs<br />

suivis de « ed » ou « eds » et d'un point;<br />

– titre du livre et point;<br />

– ville de l'éditeur puis deux points;<br />

– maison d'édition et virgule;<br />

– année d'édition et deux points;<br />

– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,<br />

séparés par un trait d'union et point final.<br />

À propos d'une thèse:<br />

– ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule;<br />

– année de la thèse et nombre de pages et point final.<br />

COMITÉ DE LECTURE<br />

Les articles sont soumis anonymement pour approbation à la lecture de deux lecteurs<br />

membres du comité ou de deux lecteurs choisis pour leur compétence en la matière.<br />

Le comité de lecture se réserve le droit de demander un complément de bibliographie.<br />

Les textes, publiés ou non, ne sont pas retournés à l'auteur, à l'exception des<br />

illustrations.<br />

CORRECTION DES ÉPREUVES<br />

Les auteurs reçoivent, avant publication, les épreuves d'imprimerie sous forme papier<br />

ou fichier PDF via Internet ou Lotus qu'ils devront vérifier dans les délais indiqués<br />

dans la lettre d'accompagnement et conformément aux observations précisées.<br />

Le retour dans les huit jours est impératif. Passé ce délai, le texte sera publié tel quel<br />

sous la responsabilité de son auteur.<br />

OBLIGATIONS LÉGALES<br />

Les manuscrits originaux ne doivent avoir fait l'objet d'aucune publication antérieure,<br />

ni être en cours de publication dans une autre revue. Les opinions, exprimées dans les<br />

articles ou reproduites dans les analyses, n'engagent que leurs auteurs, notamment<br />

pour les médicaments. Les règles concernant l'exercice du droit d'expression dans les<br />

armées doivent être observées, particulièrement lorsqu'il s'agit d'informations<br />

nominatives ou protégées. En outre, le respect des dispositions de la loi du 11 mars<br />

1957 modifiée, relative à la propriété littéraire et artistique, s'impose.<br />

Toute correspondance doit être adressée à : M. le rédacteur en chef, secrétariat « Médecine et Armées »<br />

1, place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 05 – Tél. : 01 40 51 47 44 – Fax : 01 40 51 51 76 – Email : medarmees@hiavdg.org<br />

54


Pratique médico-militaire<br />

Prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre<br />

djiboutiens par deux équipes médicales d’unités<br />

en situation d’isolement.<br />

L. Aigle a , A. Le Goff b .<br />

a 13 e DBLE de Djibouti.<br />

b RICM Quartier Ladmirault, BP 679 – 86023 Poitiers Cedex.<br />

Article reçu le 29 septembre 2008, accepté le 11 août 2009.<br />

Résumé<br />

Le 10 juin 2008 dans la soirée, suite à un différend frontalier entre la République de Djibouti et l'Erythrée, des accrochages<br />

ont eu lieu à l'extrémité nord du pays. Le Service de santé des armées des Forces armées djiboutiennes (FAD)<br />

demande l'aide des Forces françaises de Djibouti (FFDJ) pour la prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre.<br />

Deux équipes médicales des régiments stationnés à Djibouti vont être engagées sur Moulhoulé, situé à 12 km de la ligne<br />

de contact, pour trier, mettre en condition puis évacuer sur le Groupement médico chirurgical (GMC) de Bouffard<br />

63 blessés de guerre djiboutiens entre minuit et 9 h 30 du matin. Cette expérience nous a permis de confronter la<br />

théorie enseignée en École d'application avec la réalité et une certaine « spécificité africaine ». Des difficultés ont été<br />

rencontrées, d’autres ont été redécouvertes. Elles vont permettre d'améliorer les procédures pour rendre le dispositif<br />

d'alerte santé des Forces Françaises encore plus réactif.<br />

Mots-clés : Afflux massif. Fiche médicale de l’avant. Médecine de l’avant. Triage.<br />

MANAGEMENT OF MASS FLOCKING DJIBOUTIAN WAR CASUALTIES BY TWO REGIMENT MEDICAL TEAMS IN AN<br />

ISOLATED SITUATION.<br />

Abstract<br />

June 10 th during the evening, as a consequence of a border-related dispute between the Republic of Djibouti and<br />

Eritrea, clashes took place at the North end of the country. The Health Service of the Djiboutian Armed Forces (FAD)<br />

asks for help the French military force in Djibouti (FFDJ) to take care of mass flocking war casualties. Two medical<br />

teams from French regiments located in Djibouti have been engaged at Moulhoulé located 12 km from the battle field<br />

front line to select, to pack and evacuate 63 Djiboutian war casualties to the French medical hospital Bouffard between<br />

midnight and 9 30 am. This rare experience allowed us to compare the theory taught at College with field reality and<br />

some “African specificity“. Some difficulties have been met some others have been re-discovered. This will enable us to<br />

make some procedures better so as to make the alert system of medical French forces even more reactive.<br />

Keywords : Forward field médical card. Forward médecine. Mass casualties. Triage.<br />

Introduction.<br />

Nous relatons ici la prise en charge de 63 blessés<br />

de guerre djiboutiens par deux équipes médicales<br />

françaises composées d’un médecin, d’un infirmier<br />

(IDE) et d’un brancardier secouriste (BS) dans<br />

L. AIGLE, médecin principal. A. LE GOFF, médecin principal.<br />

Correspondance : A. LE GOFF, RICM Quartier Ladmirault, BP 679 – 86023<br />

POITIERS Cedex.<br />

E-mail: legoff.arnaud@orange.fr<br />

la nuit du 10 au 11 juin2008 au nord de la République<br />

de Djibouti.<br />

Après un rappel du contexte politico militaire<br />

et de l’articulation du soutien santé des Forces<br />

françaises de Djibouti (FFDJ), nous relaterons<br />

la chronologie des faits.<br />

Nous ferons ensuite le bilan du triage, de la répartition<br />

et des évacuations par hélicoptères, puis nous discuterons<br />

des différents problèmes rencontrés face à cet afflux<br />

massif de blessés de guerre du point de vue du médecin<br />

d’unité engagé seul à l’avant avec une petite équipe<br />

sanitaire et peu de moyens.<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 55-62 55


Contexte local politico militaire.<br />

Suite à un différend frontalier à l'extrême nord du pays<br />

(fig. 1) opposant depuis deux mois environ la république<br />

de Djibouti et l'Érythrée, un échange de tirs nourris a eu<br />

lieu le 10 juin 2008 en fin d'après midi et au cours de la<br />

soirée entre les deux camps sur le Ras Doumeira. Des tirs<br />

d'artillerie se sont ensuite succédé au cours de la nuit<br />

jusqu'en début de matinée du 11.<br />

Suite à ces échanges violents, le Service de santé des<br />

Forces armées djiboutiennes (SSA FAD) demande l'aide<br />

du Service de santé des armées (SSA) des FFDJ dans la<br />

soirée du 10 juin.<br />

Soutien santé des FFDJ.<br />

Le soutien santé de premier niveau à Djibouti s’articule<br />

autour de deux régiments de l’armée de Terre (13 e DBLE,<br />

5 e RIAOM) à trois médecins, d’une base aérienne à trois<br />

médecins, d’un service d’urgence à un médecin, ainsi<br />

qu’un Service médical interarmées à un médecin. En plus<br />

de leur travail quotidien dans leurs unités respectives, ces<br />

11 médecins d’unité participent à deux types de soutien<br />

santé au profit des militaires français, de leurs familles,<br />

des FAD et des ressortissants français:<br />

– un service d’urgence est assuré 24 heures/24 par une<br />

équipe à 1/1/1 au niveau du Groupement médico<br />

chirurgical de Bouffard (GMCB) fournie chaque jour par<br />

ces différentes unités;<br />

– une équipe d’astreinte à 1/1/0 pour le « secours à<br />

victime » d’alerte à 30 minutes qui est déclenchée par le<br />

médecin des urgences faisant fonction de « régulateur<br />

médical». Cette équipe se déplace soit en hélicoptère, soit<br />

par la route en fonction de l’éloignement de la zone<br />

d’intervention;<br />

– un rôle 3 français assuré par le GMCB et au niveau<br />

Djiboutien l’hôpital général de Pelletier.<br />

Chronologie des faits.<br />

Vers 20 heures le médecin de garde aux urgences reçoit<br />

un appel téléphonique de l’Officier de permanence<br />

opérationnelle (OPO) lui demandant d'activer l'équipe<br />

médicale de garde (5 e RIAOM à 1/1/1) pour évacuer cinq<br />

Figure 1. République de Djibouti.<br />

56 l. aigle


lessés Djiboutiens, mais en raison d’informations floues<br />

et contradictoires, la mission est annulée.<br />

Vers 22 heures un nouvel appel demande d'armer deux<br />

hélicoptères PUMA (HM) avec deux équipes médicales<br />

pour évacuer environ 25 blessés dont 5 graves.<br />

L'équipe d'alerte est renvoyée sur la base aérienne, une<br />

deuxième équipe est rapidement constituée avec le<br />

médecin des urgences appartenant à la 13 e DBLE et son<br />

équipe (1/1/1), celle ci se rend sur la base<br />

Nous préparons la mission en fonction des informations<br />

arrivant via l'OPO et le médecin chef du GMCB qui a<br />

rejoint l’hôpital.<br />

Outre le lot EVASAN présent dans le HM, nous<br />

prenons nos sacs d'intervention personnels et nous<br />

complétons ce lot avec du matériel pris sur nos dotations<br />

régimentaires (PROPAQ, bouteilles d'oxygène,<br />

pansements).<br />

Nous préparons un HM en version couché avec six<br />

brancards et un en version assisse.<br />

Il est notamment convenu entre les deux médecins<br />

que l’un de nous prendra le rôle de Directeur des<br />

secours médicaux (DSM) et que nous fonctionnerons<br />

exclusivement « au numéro » sur les Fiches médicales de<br />

l'avant (FMA) car l'expérience djiboutienne et africaine<br />

en général prouve qu'il est difficile de recueillir<br />

rapidement les identités des blessés.<br />

Les HM décollent vers 23h30. Après 30 minutes de vol<br />

de nuit, nous posons à proximité du poste de<br />

commandement des FAD (fig. 1).<br />

Six blessés se présentent dans des véhicules militaires<br />

au pied des HM. Nous commençons le tour des victimes.<br />

Pendant ce temps nous envoyons le reste de notre équipe<br />

sur le Poste de secours (PS) des FAD situé dans leur camp<br />

à 400 m environ.<br />

Pendant une heure, un des médecins s'occupera<br />

préférentiellement de la mise en condition des cinq<br />

blessés graves avec un BS, aidé de temps à autre par le<br />

DSM, puis celui ci se déplacera sur le PS des FAD pour<br />

reprendre le tour des victimes avec les IDE et trier les<br />

blessés qui prendront les deux premiers HM.<br />

Face à une situation tactique floue (en effet un officier<br />

des FAD nous annonce de possibles infiltrations<br />

érythréennes), il est décidé de quitter le site au plus tôt.<br />

L’arrivée fortuite de nouveaux blessés directement au<br />

pied des HM, obligera à un réajustement du triage.<br />

Vers une heure du matin, les deux premiers HM quittent<br />

Moulhoulé avec un retour prévu vers 4 h 30 (dépose des<br />

blessés au GMCB et plein de kérosène).<br />

Cette première rotation emporte dans le premier HM<br />

sept blessés couchés et un assis avec un médecin et son<br />

BS, dans le deuxième HM se trouvent l'IDE avec douze<br />

blessés assis.<br />

L'équipe médicale de la 13 e DBLE reste sur place au<br />

niveau du PS des FAD et reprend alors la mise en condition<br />

des 16 blessés non évacués. Ceux-ci sont revus un par un<br />

afin de refaire tous les pansements et de parfaire leur mise<br />

en condition d'évacuation (voies veineuses, antalgiques,<br />

antibiotiques, immobilisations, lutte contre le froid pour<br />

certains, même à Djibouti!). Entre 1h30 et 3h30 arrivent<br />

deux autres blessés, qui sont pris en charge et catégorisés.<br />

À l'arrivée des deux HM (6 h 30) nous retrouvons<br />

l’autre équipe médicale à laquelle s’est joint un renfort du<br />

SSA des FAD (1/6/0), nous répartissons ces 18 blessés<br />

dans les deux HM.<br />

À ce moment trois véhicules des FAD déposent 24<br />

blessés venant directement du front suite aux échanges de<br />

tirs d'artillerie de la nuit (fig. 2, 3).<br />

Figure 2. Arrivée des blessés par ambulance FAD.<br />

Figure 3. Triage et mise en condition.<br />

Il nous faut donc reprendre le triage de ces nouveaux<br />

blessés et interrompre la répartition dans les HM. Pendant<br />

plus d'une heure se succèdent le bilan des victimes, une<br />

mise en condition sommaire pour les plus sérieusement<br />

atteints par des éclats d'obus de gros calibre et une<br />

nouvelle catégorisation des blessés.<br />

Un HM est reconfiguré à la hâte en version couchée.<br />

Cette deuxième rotation décolle vers 7h30 avec à bord du<br />

premier : six couchés et un assis, plus l'équipe médicale<br />

du 5 e RIAOM (fig. 4) et 14 assis dans le deuxième.<br />

Dans l'attente du dernier HM, l’équipe de la 13 e DBLE<br />

reprend la mise en condition des blessés récemment<br />

arrivés. Nous nous occupons ensuite d'un blessé classé<br />

initialement en Urgence dépassée (UD) car victime<br />

d'une plaie par balle crânio-cérébrale (fig. 5). Ce<br />

patient décédera après une heure et demie de réanimation<br />

peu avant son embarquement. Nos ressources<br />

médicamenteuses étant presque épuisées, nous laissons<br />

les neuf derniers blessés légers aux médecins Djiboutiens.<br />

prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre djiboutiens par deux équipes médicales d’unités en situation d’isolement<br />

57


Au total les affrontements auraient fait 19 morts, 98<br />

blessés et une vingtaine de disparus chez les FAD. Un seul<br />

militaire décédera par la suite en réanimation.<br />

Notre série est composée de 5 U1 (7,93 %), 17 U2<br />

(26,98 %) 39 U3 (61,9 %) et 2UD (3,17 %) ce qui est<br />

classique dans les conflits ou peu d’EU ou d’U1 peuvent<br />

être prise en charge rapidement. Il est à noter que l’on<br />

retrouve une proportion importante d'urgences<br />

fonctionnelles avec trois plaies de l'œil et sept plaies par<br />

balles ou éclats des mains ayant nécessité des<br />

interventions chirurgicales parfois lourdes (tab. I). De<br />

nombreux blessés étaient blastés, certains identifiables<br />

dès le triage, d’autres seront diagnostiqués et opérés par<br />

l’ORL du GMCB.<br />

Figure 4. Chargement d’un HM.<br />

Le dernier HM décolle à 9h00 avec à son bord l'équipe<br />

médicale de la 13 e DBLE et 11 blessés assis. Il se pose<br />

devant le GMCB à 9 h 30, les blessés sont pris en<br />

charge par le SSA des FAD et sont dirigés vers l'hôpital<br />

général de Pelletier.<br />

Bilan du triage et de la médicalisation.<br />

Au total 63 FMA ont été rédigées et 52 blessés évacués<br />

par 5 HM vers le GMCB.<br />

Il est à déplorer deux décès (par plaies crâniocérébrales)<br />

: un morituri dès notre arrivée et un second<br />

après plus d'une heure de réanimation.<br />

Répartition dans les hélicoptères.<br />

Au total trois rotations ont été effectuées (2 puis 2 puis<br />

1 hélicoptère):<br />

– HM1 : 7 couchés et un assis (un médecin, un BS,<br />

à 1h00 du matin);<br />

– HM2: 12 assis (un IDE, à 1h00 du matin);<br />

– HM3 : 6 couchés et un assis (un médecin, un IDE,<br />

un BS à 7h30);<br />

– HM4: 14 assis (à 7h30);<br />

– HM5 : 11 assis (avec la dernière équipe à 1/1/1,<br />

à 9 heures).<br />

Évacuations aériennes.<br />

Au regard du nombre de blessés embarqués, la<br />

surveillance en vol fut sommaire. Le médecin se chargeant<br />

de surveiller jusqu'à sept blessés couchés (dont un posé au<br />

sol!). Il convient dans ce cas de bien choisir la position des<br />

blessés les plus graves dans l’habitacle car certains ne<br />

sont plus accessibles une fois embarqués. Les blessés à<br />

surveiller seront placés préférentiellement sur les<br />

brancards du milieu ou en bas, les moins graves en haut<br />

et/ou assis au fond de l’appareil.<br />

Il faut aussi s'assurer d'une mise en condition correcte:<br />

«tout ce qui n'est pas fait avant le décollage ne sera pas fait<br />

en vol ». Ceci ne fut pas facile à réaliser par manque de<br />

matériel de surveillance et surtout en raison des impératifs<br />

opérationnels qui guident toujours les choix tactiques tant<br />

pour l’équipe médicale que pour les pilotes.<br />

Discussion.<br />

Particularités du triage.<br />

Figure 5. Réanimation de l’Avant.<br />

Identification.<br />

Ce triage a eu la particularité de se passer en grande<br />

partie de nuit (pour les 38 premiers) «à la lampe frontale»<br />

sur des soldats ne parlant pas français, de peau noire<br />

rendant l'identification des blessures parfois difficile et<br />

compliquant du coup la catégorisation (fig. 6).<br />

Le choix fait de ne pas essayer de mettre des noms sur<br />

les FMA s'est révélé payant immédiatement puisqu'il<br />

aura fallu pour certains blessés plus de trois jours pour<br />

obtenir une identité réelle (tous les noms se ressemblent<br />

58 l. aigle


Tableau I. Diagnostic, catégorisation et mode d’évacuation des blessés.<br />

N° FMA DIAGNOSTIC INITIAL PEC initiale EVS<br />

1 Poycriblage cranio-cervicale, thoraco abdo, plaie du foie Voiture à l'arrivée minuit U1 HM1-Assis GMCB/REA<br />

2 Polycriblage thorax, cou, bras droit profond, oeil Voiture à l'arrivée minuit U2/UF HM1-Couché FAD puis GMCB<br />

3 Polycriblage thoracique, cou, crâne Voiture à l'arrivée minuit U2 HM1-Couché GMCB/REA<br />

4 Fracture mandibule/plaie de l'œil par éclat Voiture à l'arrivée minuit U2/UF HM1-Couché GMCB/chir/orl<br />

5 Polycriblage thoraco abdominal Voiture à l'arrivée minuit U2 HM1-Couché GMCB/chir<br />

6 Amputation traumatique par éclat 5e doigt main gauche PS FAD minuit U2/UF HM4- Assis Peletier chir<br />

7 Polycriblage face, thorax, abdo, cuisse/blast auriculaire PS FAD minuit U2 HM1-Couché GMCB/chir/ORL<br />

8 Éclat chevile gauche et droite, genou droit PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD puis GMCB<br />

9 Plaie profonde du scalp par éclat PS FAD minuit U2 HM2-Assis GMCB/chir/orl<br />

10 Polycriblage fracture tibia perone droit/bras PS FAD minuit U2+ HM1-Couché GMCB/chir<br />

11 Éclat tête PS FAD minuit U3 HM2-Assis FAD<br />

12 Polycriblage profond étagé PS FAD minuit U2 HM2-Assis FAD<br />

13 Polycriblage léger tronc PS FAD minuit U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

14 Blast, fracas ouvert main droite, amputation 3 doigts PS FAD minuit U2/UF HM2-Assis GMCB/chir<br />

15 Fracas ouvert 5 orteil droit par éclat très souillé PS FAD minuit U2 HM4- Assis Peletier chir<br />

16 Contusion thoracique par projection secondaire PS FAD minuit U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

17 Contusion simple thoracique PS FAD minuit U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

18 Éclat visage PS FAD minuit U3 HM2-Assis FAD<br />

19 Plaie superficielle crâne PS FAD minuit U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

20 Polycriblage superficiel étagé PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD<br />

21 Polycriblage superficiel étagé PS FAD minuit U3 HM2-Assis FAD<br />

22 Polycriblage épaule droite, bras droit, cou PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD<br />

23 Polycriblage profond du mollet droit PS FAD minuit U2 HM2-Assis GMCB/chir<br />

24 Éclat poignet et douleur abdo suspect++ PS FAD minuit U3 HM3- couché FAD<br />

25 Polycriblage main droite avec fracture PS FAD minuit U3/UF HM2-Assis FAD puis GMCB<br />

26 Polycriblage cuisse droite, hématome mollet droit PS FAD minuit U3 HM2-Assis GMCB/chir<br />

27 Éclats superficiels crâne, avant bras gauche PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD<br />

28 Polycriblage superficicel cuisse gauche PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD<br />

29 Polycriblage main gauche PS FAD minuit U3/UF HM4- Assis FAD puis GMCB<br />

30 Polycriblage main et dos PS FAD minuit U3 HM4- Assis FAD<br />

31 Éclat para cardiaque emphyseme PS FAD minuit U1 HM2-Assis GMCB/chir<br />

32 Traumatisme lombaire algique++ PS FAD minuit U3 HM3- couché FAD<br />

33 Polycriblage superficiel du dos PS FAD minuit U3 HM5- Assis FAD<br />

34 Polycriblage deux jambes, coude droit Au pied du HM 1 h 00 U2 HM2-Assis GMCB/chir<br />

35 Fracas ouvert main gauche par éclat (amputation D3) Voiture à l'arrivée minuit U2/UF HM2-Assis GMCB/chir<br />

36 Plaie cranio cerebrale trouble conscience Au pied du HM 1 h 00 U1 HM1-Couché GMCB/chir<br />

37 Plaie seton épaule gauche par balle Arrivé à 2 h 00 U3 HM4- Assis FAD puis GMCB<br />

38 Blast auriculaire bilateral, criblage étagé Arrivé à 2 h 00 U3 HM4- Assis FAD<br />

39 Éclats main droite : Fracas MCP4 M3 M4 base P1D4 2 e afflux - matin U2/UF HM4- Assis GMCB/chir<br />

40 Éclats superficiels de la main gauche 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

41 Polycriblage thoraco abdo dyspnée++ 2 e afflux - matin U1 HM3- couché GMCB/REA<br />

42 Polycriblage diffus, plaie abdominale, foie 2 e afflux - matin U1 HM3- couché GMCB/chir<br />

43 TC, Embarure par éclat suturée sur place (saignement) 2 e afflux - matin U2 HM3- couché FAD<br />

44 Balle transfixiante talon 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD puis GMCB<br />

45 Éclat paupière 2 e afflux - matin U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

46 Éclats superficiels cou 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

47 Éclats profonds mollet droit 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD puis GMCB<br />

48 Éclats deux bras 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD puis GMCB<br />

49 Éclat main gauche fracture ouverte et éclat oreille droite 2 e afflux - matin U3/UF HM4- Assis GMCB/chir<br />

50 Éclats superficiels nez et jambe gauche 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

51 Éclat cou suspect++/mb sup/maxilaire inf 2 e afflux - matin U3 HM3- assis FAD puis GMCB<br />

52 Polycriblage jambe gauche fracture péroné 2 e afflux - matin U2 HM4- Assis FAD puis GMCB<br />

53 Polycriblage aux 2 jambes 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

54 Polycriblage bassin +/- fracture 2 e afflux - matin U3 HM3- couché FAD<br />

55 Plaie par balle avec énucléation et OS temporal gauche 2 e afflux - matin UD sur place décès sur place<br />

56 Éclat poignet gauche 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

57 Contusion thorax et coude gauche 2 e afflux - matin U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

58 Éclat ou balle dans l'épaule droite 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

59 Contusion main droite +/- fracture 2 e afflux - matin U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

60 Éclats cuisse droite 2 e afflux - matin U3 HM5- Assis FAD<br />

61 Éclats superficiels crâne 2 e afflux - matin U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

62 Contusion lombaire par projection secondaire 2 e afflux - matin U3 sur place PS FAD Moulhoulé<br />

63 Plaie cranio cerebrale PS FAD minuit UD sur place décès sur place<br />

prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre djiboutiens par deux équipes médicales d’unités en situation d’isolement<br />

59


Figure 6. Interrogatoire d’un patient en « langue des signes » par le MP Aigle.<br />

pour nous occidentaux) et un « semblant » de date de<br />

naissance par exemple: « vers 1960 ».<br />

Chaque blessé a donc reçu un numéro écrit sur la FMA<br />

et sur lui (treillis ou sur le corps… en zone claire si<br />

possible !). Ceci a permis de ne transmettre les bilans et<br />

fractionnements dans les HM qu'en numéro (compterendu<br />

fait par téléphone satellitaire au médecin des<br />

urgences par le DSM de la composition des HM: numéro<br />

de FMA et diagnostic associé). Ainsi le GMCB a eu le<br />

temps de se préparer sachant à l’avance le type de blessés<br />

se trouvant dans chacun des HM.<br />

Afflux en deux temps.<br />

Une première vague à notre arrivée vers minuit<br />

constituée de 39 soldats blessés en fin d'après midi et<br />

début de soirée suite à des accrochages à courte distance<br />

par grenades défensives et ALI.<br />

Puis au petit matin lors de l'arrivée de la deuxième<br />

rotation HM, un afflux de 24 blessés supplémentaires<br />

venus directement du front en véhicule.<br />

Ces deux afflux successifs ont nécessité une<br />

réorganisation des priorités d’évacuation. C'est là, la<br />

réalité même du triage (2, 3) qui n'est pas figée et qui doit<br />

évoluer au fil du temps en fonction de l'arrivée d'autres<br />

blessés ou de l'évolution de l'état de certains autres voire<br />

aussi en fonction des vecteurs d'évacuation disponibles ce<br />

qui s'est révélé vrai dans les trois cas pour nous:<br />

– la nuit des blessés arrivent au moment de<br />

l'embarquement directement au pied du HM obligeant à<br />

un triage sommaire et au « scoop and run » (brancard à<br />

même le sol au fond du HM);<br />

– au matin le deuxième afflux de blessés se mélange<br />

avec ceux déjà triés, certains tentant même de se<br />

glisser dans le triage déjà établi dans l'espoir de rentrer<br />

plus vite à Djibouti;<br />

– cet afflux nécessite le changement de configuration<br />

du 3 e HM (passage en version couchée à six brancards).<br />

Catégorisation.<br />

Par rapport aux données habituelles des classifications:<br />

5 % d’EU, 25 % d’U1, 30 % d’U2 et 40 % d’U3 (1), nous<br />

n’avons pas eu d'Extrêmes urgences (EU) et relativement<br />

peu d’Urgences 1 (U1) très sérieuses. Ceci<br />

est classique lors des conflits en Afrique où la France a<br />

été engagée (Tchad et RCA par exemple) car il y a peu<br />

de gestes élémentaires de survie réalisés à l'avant.<br />

Il n’arrive donc vivants que les blessés qui franchissent<br />

les fameuses « platin ten minuts » anglo-saxonne (2)<br />

et même la « golden hour ». Mais par contre les U1<br />

peuvent être déjà en cours d’aggravation tant sur le plan<br />

vital qu’infectieux.<br />

Délais.<br />

Le long délai d'évacuation (environ 35 minutes de vol<br />

pour un aller et environ 2 h 45 avant le retour sur<br />

Moulhoulé) a dû être pris en compte pour les priorités<br />

d’évacuation et a motivé le choix de laisser une équipe<br />

médicale sur place avec les FAD de 1h00 à 6h30.<br />

GMCB.<br />

Le triage au GMCB a été assuré dès la sortie des HM<br />

par un des réanimateurs de l’hôpital, les blessés étant<br />

immédiatement orientés soit sur le GMCB soit sur<br />

l'hôpital Pelletier (triage évolutif en fonction de la<br />

gravité et de la saturation du plateau technique du<br />

GMCB en fin de nuit).<br />

Au niveau du GMCB une sectorisation initiale entre<br />

un pôle « blessés graves » et un pôle pour les « plus<br />

légers » a permis d’optimiser la prise en charge. Les<br />

patients étaient ensuite orientés vers le bloc opératoire,<br />

la réanimation, le service des urgences ou encore<br />

hospitalisés directement pour une prise en charge<br />

ultérieure garantissant là encore un maximum de fluidité<br />

et limitant la saturation du GMCB.<br />

Au total, il y a eu une très bonne corrélation entre notre<br />

triage sur le terrain (diagnostic initial et catégorisation)<br />

et le diagnostic à l’hôpital (4). Les blessés ont pu être<br />

pris en charge dans les meilleurs délais et bénéficier<br />

d’une excellente gestion des places dans les diverses<br />

structures d’accueil.<br />

Médicalisation.<br />

En raison du grand nombre de blessés et d’une ressource<br />

limité (le lot EVASAN n’étant pas fait pour de l’afflux<br />

massif et nos trousses s’étant taries au fil de la nuit), la<br />

médicalisation et les soins ont été limités au strict<br />

nécessaire pendant la première heure. Une fois les deux<br />

premiers HM partis l’équipe restée sur place a pu<br />

reprendre correctement la mise en condition des<br />

blessés restant (fig. 7). Au matin suite au deuxième<br />

afflux, c’est le manque de médicaments qui a limité la<br />

mise en condition d’évacuation.<br />

Les blessés les plus sérieux ont été mis en condition en<br />

utilisant toute la gamme classique de moyens diagnostics<br />

et thérapeutiques d’urgence disponible en unité :<br />

réfection des pansements, nettoyage à l’eau (plaies très<br />

60 l. aigle


Figure 7. « Poste de secours » FAD.<br />

souillées par le sable et les vêtements) puis BÉTADINE ® ,<br />

voies veineuses périphériques, antalgie par KETALAR ® ,<br />

MORPHINE, PERFALGAN ® ou encore PROFÉNID ® ,<br />

antibiothérapie (essentiellement AUGMENTIN ® ou<br />

PENI G ® plus FLAGYL ® ), immobilisation de fortune<br />

le plus souvent, sédation par HYPNOVEL ® . L’oxygène<br />

a surtout été utilisé pour le transport HM. Deux patients<br />

très dyspnéiques au sol ainsi que le malade intubé et<br />

ventilé du matin en ont aussi bénéficié. Il ne faut pas<br />

oublier non plus la lutte contre le froid en fin de nuit<br />

(couverture de survie) car pour les djiboutiens, qui plus<br />

est blessés, même à plus de 30° degrés il fait froid!<br />

Nous avons également utilisé des médicaments des<br />

FAD avec quelques problèmes de compatibilité au niveau<br />

des matériels (tubulure de perfusion, solutés, nécessitant<br />

des montages de fortune).<br />

Il est à noter que dans ce type de prise en charge au profit<br />

de personnes étrangères la recherche de contre indication<br />

ou d’allergie est plus qu’aléatoire. Néanmoins un blessé a<br />

réussi à nous faire comprendre par l’intermédiaire de<br />

l’interprète qu’il était allergique à la pénicilline… qu’il<br />

allait recevoir.<br />

Problèmes des transmissions.<br />

C’est un problème fréquemment rencontré par<br />

les médecins d’unités en régiment. Le manque<br />

d’autonomie dans ce domaine et préjudiciable aux<br />

blessés qui plus est lorsque les transmissions n’ont<br />

pas besoin d’être sécurisées.<br />

Dans notre expérience c’est une nouvelle fois un<br />

téléphone satellitaire civil type THURAYA ® (prêté<br />

par le commandant de bord des HM) qui a permis<br />

la transmission de tous les bilans et le fractionnement.<br />

Au besoin ce téléphone peut servir au médecin d’unité<br />

pour prendre conseil auprès des spécialistes et se faire<br />

aider dans certains choix au triage.<br />

Il serait intéressant que tous les postes de secours<br />

soient dotés de ce type de téléphone satellitaire seul<br />

capable d'assurer au SSA autonomie et fiabilité de<br />

ses communications en toutes circonstances (plusieurs<br />

modèles existent en fonction de la couverture<br />

géographique proposée).<br />

Vétusté de la FMA.<br />

La FMA a une fois de plus montré ses limites (non<br />

pertinence de certain items: anatoxine tétanique, religion<br />

ou encore contingent), mais elle était seule présente dans<br />

le lot EVASAN. Hormis un petit échantillon de fiches<br />

américaines venant d'Afghanistan (prêté par un médecin<br />

des forces spéciales à titre d’essai) qui n’a pas non plus<br />

donné satisfaction (items trop nombreux et trop petits)<br />

nous avons été contraints d’utiliser la FMA puis des<br />

feuilles de papier car nous n’avions pas prévu une<br />

soixantaine de blessés.<br />

La contrainte de terrain est marquée par la nécessité<br />

d’écrire vite, parfois dans un environnement hostile<br />

(donc stressant) avec le plus souvent un gros marqueur<br />

(marquage du numéro sur l’homme ensuite). Ces<br />

éléments sont difficiles à concilier sur une même fiche<br />

qui doit par ailleurs rester d’un format acceptable (ce qui<br />

est le cas avec celle existante).<br />

De plus la souche impose d’écrire une deuxième fois le<br />

nom, le numéro et le diagnostic (perte de temps) pour que<br />

le DSM ne « perde pas » de données.<br />

La fiche idéale reste un vœu pieux. Elle pourrait être<br />

une fiche avec un bracelet détachable pour y inscrire<br />

uniquement le numéro à mettre sur le blessé et une souche<br />

auto-dupliquante qui permettrait au médecin régulateur<br />

de conserver facilement le diagnostic et la classification<br />

des patients une fois la FMA accrochée à la victime.<br />

La solution informatique reste séduisante pour la<br />

transmission de données vers l’arrière (5) mais sa fiabilité<br />

est encore bien trop faible pour être utilisée réellement.<br />

Nous proposons ici une amélioration de la FMA<br />

existante: modèle élaboré au CMU du 2 e REP (fig. 8) que<br />

l'on colle directement sur celle existant afin de conserver<br />

le support cartonné et l'œillet métallique. Elle permet de<br />

mieux mettre en évidence les points importants comme la<br />

classification, la position d’évacuation, le diagnostic. De<br />

plus une place plus importante est dévolue au traitement<br />

et à la mise en condition. Nous aurions pu aussi utiliser<br />

une fiche déjà proposée par le MC Puidupin sur<br />

l'expérience de Sarajevo (1) ; elle a l’avantage de<br />

renseigner rapidement les équipes chirurgicales.<br />

Figure 8. Fiche médicale de l’Avant : modèle 2 e REP (à gauche) et modèle<br />

« réglementaire » (à droite).<br />

prise en charge d’un afflux massif de blessés de guerre djiboutiens par deux équipes médicales d’unités en situation d’isolement<br />

61


Composition des équipes.<br />

Deux équipes à 1/1/1 ont été engagées toute la<br />

nuit. C’est forcement peu pour un travail dans un<br />

environnement civil sécurisé avec autant de victimes<br />

(plan rouge, plan blanc, DSM, PMA…), mais c’est<br />

une constante pour le médecin d’unité engagé à<br />

l’avant avec son régiment. Il sait qu’il sera toujours en<br />

effectif insuffisant face à un afflux de blessés, d’où<br />

l’apprentissage du triage et de la catégorisation afin<br />

d’être le plus efficace possible.<br />

Il faut souligner la grande rigueur, le professionnalisme<br />

et le sang froid de nos infirmiers, aides-soignants<br />

et brancardiers secouristes. Il est à noter que nos<br />

militaires du rang ont réalisé des gestes paramédicaux<br />

(pansements, pose de voies veineuses périphériques,<br />

préparation de nombreux injectables) qui dépassent<br />

ce qui est autorisé par la réglementation. Une fois de<br />

plus cela s'avère impératif en pratique de médecine de<br />

guerre. Il convient donc de continuer la formation<br />

en interne de nos personnels dans tous les régiments<br />

appelés à être engagés sur le terrain au contact. Dans<br />

ce cadre le module « sauvetage au combat » premier<br />

et deuxième niveau en cours de mise en place dans<br />

les forces est une avancée importante (6).<br />

Conclusion.<br />

La prise en charge de 63 blessés de guerre dans des<br />

conditions difficiles (climat, de nuit, en zone hostile) fut<br />

une expérience rare et riche d’enseignements pour des<br />

médecins d’unités et leurs équipes.<br />

Nous soulignons encore la qualité de la formation en<br />

médecine de guerre reçue au cours des études et en<br />

CITERA, celle reçue par nos IDE à l’EPPA et la validation<br />

du concept de BS dit « de l'avant » formés au quotidien<br />

dans les unités opérationnelles aux gestes d’urgence.<br />

Nous retiendrons pour le SSA des FFDJ le bon<br />

travail de coordination avec les équipes hospitalières,<br />

tirant ainsi les enseignements de l’exercice AMBOULI<br />

2007 qui avait simulé un crash avion impliquant de<br />

nombreuses victimes.<br />

Outre la FMA qu’il faudrait faire évoluer rapidement,<br />

l’autonomie en transmissions du SSA est à améliorer<br />

pour optimiser la prise en charge du blessé de guerre.<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

1. Nau A, De Waroquier A, Mardelle V, Puidupin A, Peytel E. Triage en<br />

opération extérieure : concept, faits, contraintes et perspectives.<br />

Réanoxyo 2007 ; 20 : 21-4.<br />

2. Briole G, Palmier B. La médecine à l’avant : réflexion sur une<br />

doctrine. Livre de l’École du Val-de-Grâce, annales 2007. Paris : la<br />

documentation française, 2007 : 93-115.<br />

3. Bourdais A, Chauvet J, Doury JC, Fourre J. Afflux massif de blessés<br />

de guerre. Expérience de l’hôpital Grall à Saïgon (avril-mai 1975).<br />

Médecine et Armées 1976 ; 4 (3) : 201-10.<br />

4. Quinot Jf. triage militaire. in : Saîssy JM., ed urgences et réanimation<br />

en milieu militaire. Rueil-Malmaison : Arnette 1999 ; 639-47.<br />

5. Puidupin A, Lebraty JF. La régulation médicale de théâtre : un concept<br />

de gestion numérique des blessés au combat. Défense nationale (sous<br />

presse).<br />

6. Touze JE. Soutien santé modernisé ; formation des militaires du rang.<br />

Lettre N° 7416/DEF/DCSSA/OSP/ADJ.<br />

62 l. aigle


Pratique médico-militaire<br />

Rôle du médecin d’unité dans la présélection de donneurs<br />

volontaires pour une collecte de sang total en opération<br />

extérieure. État des lieux et perspectives d’amélioration.<br />

J. Pontis a , C. Sarda b , A. Sailliol c , P. Marle d , J.-P. De Jauréguiberry e .<br />

a Escadrille des Sous-marins Nucléaires d’Attaque, BP 106 – 83800 Toulon Cedex 9.<br />

b Service de collecte, Centre de transfusion sanguine des armées, BP 410 – 92141 Clamart Cedex.<br />

c CSO/Département d’expertise médicale, 12 cours des Maréchaux, Fot neuf de Vincennes, case 143 – 75614 Paris Cedex 12.<br />

d 4 e Régiment des chasseurs, Quartier du Général Guillaume, BP 158 – 05014 Gap Cedex.<br />

e Service de médecin interne et oncologie, HIA Sainte-Anne, BP 20545 – Toulon Cedex 9.<br />

Article reçu le 25 mars 2009, accepté le 23 octobre 2009.<br />

Résumé<br />

La transfusion sanguine en situation d’exception (TSE) peut correspondre à l’administration de sang total prélevé sur un<br />

donneur volontaire présélectionné, à un blessé exsangue, lors d’une opération extérieure. Dans les armées, cette<br />

procédure, qui peut s’avérer nécessaire en cas de difficultés d’approvisionnement en produits sanguins labiles, est<br />

également indispensable dans la réanimation hémostatique des blessés des conflits actuels. S’inscrivant hors des règles<br />

habituelles de sécurité transfusionnelle, elle est encadrée par la notice technique N° 136 DEF/DCSSA/AST/TEC du<br />

15 janvier 2003. Ce document, en cours de mise à jour, insiste sur l’obligatoire anticipation de cette situation : il impose<br />

au médecin d’unité de réaliser, avant le départ en mission, une présélection des donneurs volontaires. Nous avons mené<br />

une enquête auprès de 721 médecins, répartis sur 291 unités pour évaluer la mise en œuvre de cette procédure. La<br />

majorité des médecins d’unité ne réalise pas la présélection des donneurs potentiels recommandée. Pour améliorer cette<br />

situation et garantir une meilleure sécurité transfusionnelle lors d’une collecte de sang total, le Centre de transfusion<br />

sanguine des armées (CTSA) propose de présélectionner les volontaires au cours d’une collecte de sang organisée dans<br />

l’unité. Notre enquête montre que cette démarche est réalisable car plus de deux tiers des médecins effectuent déjà des<br />

collectes au sein de leur unité. Toutefois, lorsque cette solution n’est pas applicable, nous proposons de réaliser la<br />

présélection au moyen d’un entretien pré-don. Nous avons étudié ces deux propositions au 4 e Régiment de chasseurs :<br />

elles s’y sont avérées concluantes et ont alimenté les réflexions d’un groupe d’expert du Service de santé des armées sur<br />

la transfusion sanguine en missions extérieures.<br />

Mots-clés : Blessé de guerre. Présélection. Sang total. Transfusion en situation d’exception.<br />

THE USE OF FRESH WHOLE BLOOD FOR COMBAT CASUALTIES: FRENCH ARMY PROCEDURES.<br />

Abstract<br />

Fresh whole transfusion has become the gold standard in battle casualties’ resuscitation. In French Army, when packed<br />

red blood cells are missing, a procedure (number 136 DEF/DCSSA/AST/TEC of January, 2003) allowed medical teams<br />

to use fresh whole blood collected directly on other soldiers. In order to limit risks of viral contamination, the text<br />

recommends anticipating such situation. Before each mission, all military physicians had to select healthy volunteers, in<br />

order to list safe donors able to give their blood if needed. We wanted to evaluate the French army physicians’<br />

involvement in those recommendations. The study has shown that few of them have been prepared to such situation. The<br />

French military blood center (CTSA) tries to improve the procedure. To raise transfusion safety in case of fresh whole<br />

blood transfusion, the center proposes to select the volunteers with two different ways. The first one consists of collecting<br />

the blood of all the volunteers in order to screen their blood for viral infections before they leave France. If this kind of<br />

selection can’t be realized before the mission, we propose to screen all the potential donors with a simple questionnaire.<br />

Both these proposals have been successfully tested in the 4th Regiment de Chasseurs based in Gap. With such a protocol,<br />

we expect that all military physicians can find safe donors on the battlefield.<br />

Keywords: Blood banking. Combat casualty care. Fresh whole blood. Walking blood bank.<br />

J. PONTIS, médecin des armées, praticien, A. SAILLIOL, médecin en chef,<br />

praticien certifié, P. MARLE, médecin en chef, praticien, C.SARDA, médecin des<br />

armées, praticien, J-P. DE JAUREGUIBERRY, médecin chef des services,<br />

professeur agrégé du Val de Grâce.<br />

Correspondance : J. PONTIS, Service médical Escadrille des sous-marins<br />

nucléaires d’attaque, BP 106 – 83800 Toulon Cedex 9.<br />

E-mail : pontisjulien@hotmail.com<br />

INTRODUCTION.<br />

Indispensable au sauvetage du blessé de guerre,<br />

la transfusion sanguine peut être mise en œuvre par<br />

les praticiens du service de santé des armées dans<br />

des situations hors normes encadrées par la notice<br />

technique N° 136 DEF/DCSSA/AST/TEC du 15 janvier<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 63-70 63


2003 sur la transfusion sanguine en situation d’exception<br />

(TSE) (1). L’implication des médecins d’unité<br />

des trois armées dans la TSE a été évaluée dans<br />

une enquête nationale préliminaire dont nous<br />

présentons ici les résultats. Ce travail nous a conduit<br />

à réaliser deux autres études consacrées aux modalités<br />

que l’on pourrait envisager pour présélectionner<br />

des donneurs volontaires.<br />

Rappels sur le contexte actuel et la transfusion<br />

de sang total en opérations extérieures.<br />

L’armée française, dans ses trois composantes, est<br />

aujourd’hui engagée dans des conflits asymétriques où<br />

les opposants ont souvent recourt aux attentats terrestres<br />

ou maritimes. Dans ce contexte, les blessures recensées<br />

sont majoritairement pénétrantes et dues à des fragments<br />

d’engins explosifs (2). La littérature américaine rapporte<br />

que la majorité des lésions sont causées par des Improvised<br />

Explosived Devices (IED)(3), ainsi le blessé de guerre est<br />

souvent criblé, blasté, brûlé. Les blessures, complexes,<br />

sont responsables d’une coagulopathie traumatique, qui<br />

précipite le patient dans le cercle vicieux de la triade létale<br />

« coagulopathie, hypothermie, acidose » pérennisant les<br />

saignements (4-9). Ces dernières années, leur pronostic<br />

s’est amélioré grâce aux protocoles de prise en charge à<br />

l’avant et aux efforts faits pour respecter les délais<br />

d’évacuation (golden hour) vers les structures médicochirurgicales<br />

(10-12). Pour ces blessés, l’hémorragie<br />

reste la première cause de décès évitable, tant au front que<br />

dans les structures de rôle 2. Après l’hémostase<br />

chirurgicale, l’enjeu est bien la réanimation hémostatique<br />

de ces patients majoritairement en choc hémorragique<br />

(notion de « damage control resuscitation »). Dans<br />

les structures de l’US Army ou dans les Groupements<br />

médico-chirurgicaux (GMC) français 5 % à 15 % d’entre<br />

eux ont justifiés une transfusion massive (13, 14). Les<br />

protocoles de « damage control resuscitation », civils ou<br />

militaires, recommandent une stratégie transfusionnelle<br />

avec des ratios ambitieux pour la supplémentation en<br />

globules rouges, plaquettes et facteurs de coagulation<br />

(14-26). Sur le terrain, cet apport massif de PSL n’est<br />

possible qu’au moyen du sang total, prélevé sur place. Les<br />

auteurs américains plébiscitent son utilisation et<br />

proposent des protocoles de recours à une « walking<br />

blood bank » : banque de donneurs sur pied, sur des<br />

critères d’alerte anamnestiques, cliniques et<br />

éventuellement paracliniques (pH, INR) (27-38).<br />

Certains retours d’expérience français confirment<br />

l’efficacité du sang total sur la coagulopathie du blessé<br />

de guerre (39, 40).<br />

Cette politique d’anticipation et de recours au sang total<br />

en situation d’exception est aujourd’hui retenue par les<br />

réanimateurs militaires français et a été avalisée en<br />

novembre2008 par un groupe d’experts civilo-militaires:<br />

le Comité Consultatif de Santé des Armées sur « la<br />

transfusion sanguine en missions extérieures » (41). La<br />

transfusion de sang total sur le terrain est donc bien<br />

encadrée et obéit à deux types d’indications : les<br />

indications de collecte nécessaires pour démarrer les<br />

prélèvements et les indications de transfusion de sang<br />

total pour le blessé (41, 42). D’un bénéfice certain pour la<br />

réanimation hémostatique du blessé de guerre, le risque à<br />

long terme de cette thérapeutique est bien sûr infectieux<br />

faute d’une qualification biologique classique. Seuls<br />

les américains ont publié sur le risque viral : sur 2 831<br />

unités de sang total transfusées: le risque s’est avéré<br />

nul pour le VIH et l’hépatite B, de 0,11 % pour le VHC et<br />

de 0,07 % pour le HTLV (43).<br />

Si cette procédure, permettant de déroger à certaines<br />

règles, est aujourd’hui validée par les experts civils et<br />

militaires, elle ne saurait donc s’improviser notamment<br />

en raison de ces risques, si faibles soit-ils. Tout doit être<br />

mis en œuvre pour s’en prévenir et ainsi respecter la<br />

philosophie de l’hémo-vigilance. Une grande partie de la<br />

sécurité transfusionnelle pour le receveur repose sur une<br />

présélection des donneurs volontaires pour une collecte<br />

de sang total (41).<br />

Le Centre de Transfusion sanguine des armées (CTSA)<br />

et le Comité consultatif proposent plusieurs pistes pour<br />

améliorer cette présélection, notamment en l’effectuant<br />

avant le départ en mission. Ces propositions se sont<br />

notamment appuyées sur les trois études que nous<br />

présentons dans cet article (41).<br />

Présentation des trois études : travaux<br />

récents sur la TSE.<br />

Dans un travail de thèse, nous nous sommes intéressés<br />

au rôle du médecin d’unité dans la présélection des<br />

donneurs volontaires. Ce travail, mené de juin 2006 à<br />

décembre 2007, a été le fruit d’une collaboration entre le<br />

CTSA (propositions, recherche), le service d’oncohématologie<br />

de l’HIA Sainte Anne (méthodologie), le<br />

4 e Régiment de Chasseurs (4 e RCh) de Gap (mises en<br />

application in situ des propositions) et la Direction<br />

Centrale du service de santé des armées (DCSSA) pour le<br />

soutien scientifique et l’aide logistique. Cette thèse<br />

reposait sur trois études que nous présentons ci-après:<br />

– 1 re étude: état des lieux grâce à des questionnaires sur<br />

la TSE adressés à tous les médecins d’unité.<br />

– 2 e étude : présélection de donneurs volontaires au<br />

moyen d’un interrogatoire de type pré-don au 4e RCh<br />

avant un départ en Côte d’Ivoire en décembre 2006.<br />

– 3 e étude : présélection de donneurs volontaires à la<br />

faveur d’une collecte de sang par le CTSA, au 4 e RCh<br />

avant un départ en Afghanistan en novembre 2007.<br />

Matériel et méthodes.<br />

Première étude : enquête auprès des<br />

médecins d’unités.<br />

Elle s’est faite au moyen d’un questionnaire (annexe I)<br />

adressé par voie postale par les Directions régionales du<br />

SSA (DRSSA) et la DCSSA aux médecins de l’ensemble<br />

des unités de l’Armée de Terre, de la Marine, de l’Armée<br />

de l’Air et de la Gendarmerie pour évaluer les pratiques<br />

actuelles, appréhender les difficultés et proposer des<br />

améliorations au sujet de la procédure de TSE. Le<br />

questionnaire, composé de questions fermées et ouvertes,<br />

a été rédigé par l’investigateur principal et validé par le<br />

MC Anne Sailliol du CTSA. Si le questionnaire est<br />

64 j. pontis


présenté en intégralité, nous ne présentons que les<br />

résultats concernants la présélection des donneurs<br />

potentiels par les médecins des forces. L’investigateur<br />

principal a recensé et informatisé les réponses puis mis en<br />

forme les résultats au bénéfice du CTSA et du Comité<br />

Consultatif sur la TSE. Les réponses ouvertes ont été<br />

recensées par thèmes principaux. Les résultats sont<br />

exprimés en valeurs absolues ou pourcentages bruts ;<br />

dans cette enquête descriptive portant sur l’ensemble des<br />

unités, aucune analyse statistique n’a été effectuée.<br />

Parmi les solutions suggérées dans le questionnaire,<br />

nous avons cherché à apprécier la faisabilité d’une<br />

présélection «améliorée » en unité. Celle-ci est envisagée<br />

de deux manières par le CTSA: la plus satisfaisante serait<br />

de sélectionner les donneurs volontaires en qualifiant leur<br />

sang avec un don de sang lors d’une collecte au profit du<br />

CTSA avant le départ en mission ; la seconde méthode,<br />

«dégradée », consisterait à présélectionner les volontaires<br />

au moyen d’un interrogatoire de type « pré-don » sur leurs<br />

facteurs de risque alors même que cet interrogatoire n’est<br />

jusqu’à présent pas imposé pour des donneurs qui n’ont<br />

qu’à exprimer leur volontariat (1).<br />

Parallèlement à ce travail initial d’évaluation, nous<br />

avons cherché à tester ces deux propositions de<br />

présélection, en pratique, dans une unité: le 4 e RCh.<br />

Deuxième étude : présélection des donneurs<br />

volontaires au moyen d’un interrogatoire prédon.<br />

Mise en application au 4 e RCh.<br />

Cette présélection d’éventuels donneurs volontaires<br />

pour une collecte de sang total s’est effectuée au profit de<br />

trois escadrons du 4 e RCh en décembre 2006 avant leur<br />

départ pour la République de Côte d’Ivoire (RCI). Après<br />

une information sur la transfusion en opération lors d’une<br />

conférence en amphithéâtre, les volontaires étaient<br />

invités à signer un consentement éclairé qui reprenait<br />

toutes les explications sur le don de sang, la sécurité<br />

transfusionnelle et notamment la notion d’auto-exclusion<br />

avant de subir l’interrogatoire de présélection « type prédon<br />

» auprès des trois médecins de l’unité avec l’aide de<br />

l’investigateur principal préalablement formé au CTSA.<br />

Chaque interrogatoire durait en moyenne quatre minutes.<br />

Pour les cas «litigieux»(notion floue de multi-partenariat<br />

ou certains types d’antécédents chirurgicaux), un avis<br />

téléphonique auprès d’un médecin spécialiste du CTSA,<br />

site de Toulon, a été systématiquement demandé. Cette<br />

présélection a permis la rédaction d’une liste de donneurs<br />

volontaires qui a été remise au COMSANTÉ et au<br />

réanimateur du théâtre d’opération.<br />

Deux cent dix neuf volontaires ont été reçus en entretien<br />

pré-don ; les résultats de ces interrogatoires de<br />

présélection ont été analysés a posteriori. Dans cette<br />

enquête, nous avons recensé les causes d’exclusion mais<br />

aussi recherché une corrélation entre une aptitude au don<br />

et le fait d’avoir déjà donné son sang. Il nous a<br />

effectivement semblé intéressant d’étudier le groupe des<br />

volontaires ayant un antécédent de don de sang : cette<br />

population a été facilement individualisée car l’entretien<br />

pré-don comportait une question sur cet antécédent. Le<br />

test du Khi2 a été utilisé pour mettre en évidence des<br />

différences significatives entre les deux populations<br />

principales : celle des exclus et celle des volontaires<br />

retenus comme « apte au don ». Les effectifs de chaque<br />

groupe étant suffisamment grands, les valeurs du p ne<br />

sont donc pas corrigées. L’analyse statistique a été<br />

réalisée avec le logiciel EPI-INFO, sixième version.<br />

Troisième étude : présélection des donneurs<br />

volontaires à la faveur d’une collecte de sang<br />

par le CTSA. Mise en application au 4 e RCh.<br />

Le 4 e RCh a de nouveau été affecté, au mois de juin2008,<br />

en Afghanistan. Pour préparer ce départ, les médecins du<br />

régiment ont décidé de réaliser une nouvelle présélection<br />

des volontaires en organisant une collecte de sang, dans<br />

l’unité, avec le CTSA. Cette démarche, promue et<br />

recommandée par le CTSA, permet d’établir la liste de<br />

donneurs potentiels en ne retenant que les personnels<br />

dont le don a été qualifié biologiquement. Préalablement,<br />

le médecin chef du régiment a sensibilisé l’état major et<br />

organisé la séance de don en informant et recensant les<br />

volontaires mais également en préparant les locaux à<br />

l’installation du matériel de collecte. Cette séance s’est<br />

déroulée en novembre2007: les médecins et les infirmiers<br />

du CTSA, site de Toulon, se sont déplacés pendant<br />

24 heures dans les locaux de l’infirmerie du 4 e RCh pour<br />

interroger et prélever les volontaires. A cette occasion, les<br />

trois médecins et les infirmiers du régiment ont reçu une<br />

formation pratique au maniement du kit de TSE. Les<br />

résultats de cette présélection (proportion et identité des<br />

volontaires aptes au don) ont été communiqués sous<br />

couvert du secret médical au médecin chef de l’unité pour<br />

la rédaction du listing de donneurs potentiels en opération,<br />

et à l’investigateur. Ce sont donc des valeurs absolues.<br />

Résultats.<br />

Enquête auprès des médecins d’unités.<br />

Pour l’étude, 721 médecins, répartis dans 291 services<br />

médicaux d’unité (SMU), ont été interrogés. Les résultats<br />

en rapport avec la présélection des donneurs volontaires<br />

sont exposés dans le tableau I. Sur les 721 médecins, 282<br />

ont complété le questionnaire, soit un taux de réponse de<br />

39,1 %. Le taux de réponse des SMU est de 61,9 % (180<br />

unités sur 291 ont répondu). Le pourcentage des réponses<br />

entre les différentes armées étant conforme à la répartition<br />

effective, l’échantillon est donc largement représentatif.<br />

Les résultats de cette enquête sont contrastés: ainsi plus<br />

de 90 % des médecins de l’Armée de Terre, de l’Air et de<br />

la Gendarmerie ne réalisent pas de présélection de<br />

donneurs volontaires avant mission (70,2 % dans la<br />

Marine). Toutefois, l’immense majorité est favorable à<br />

cette présélection et la proposition d’une fiche-protocole<br />

sur la TSE est plébiscitée (74,5% à 91,8% selon l’armée).<br />

Les médecins d’unités apparaissent très impliqués dans la<br />

promotion du don de sang chez leurs personnels. Selon<br />

l’Armée, 66,0 % à 90 % d’entre eux ont déjà réalisé des<br />

collectes de sang dans leur unité, notamment avec le<br />

CTSA. Ils sont également intéressés par de telles<br />

collectes organisées par le CTSA et assurant une<br />

formation pratique sur les kits de TSE.<br />

rôle du médecin d’unité dans la présélection de donneurs volontaires pour une collecte de sang total. état des lieux et perspectives d’amélioration<br />

65


Tableau I. Principaux résultats de l’enquête réalisée auprès des médecins d’unités sur la TSE, 2008.<br />

Les médecins d’unités qui…<br />

Armée de Terre<br />

(158 médecins)<br />

Marine Nationale<br />

(47 médecins)<br />

Armée de l’Air<br />

(50 médecins)<br />

Gendarmerie<br />

(27 médecins)<br />

connaissent la TSE : 60,1 % 83 % 56 % 59,3 %<br />

effectuent une présélection avant mission: 8,9 % 29,8 % 6 % 3,7 %<br />

réalisent des collectes à l’unité : 74,1 % 66 % 90 % 70,4 %<br />

notamment avec le CTSA : 59 % 77,4 % 66,7 % 47,4 %<br />

sont intéressés par une fiche de protocole de<br />

présélection :<br />

sont intéressés par une collecte du CTSA à l’unité<br />

couplée à une formation pratique sur la TSE :<br />

91,8 % 74,5 % 90 % 88,9 %<br />

68,4 % 57,5 % 82 % 40,7 %<br />

Présélection des donneurs volontaires au<br />

moyen d’un interrogatoire pré-don. Mise en<br />

application au 4 e RCh.<br />

Un contingent de 388 militaires partait en OPEX en<br />

RCI. Avant le départ, 219 se sont volontairement<br />

présentés pour l’entretien de présélection durant lequel le<br />

médecin remplissait un questionnaire pré-don. Parmi<br />

eux, 94 ont finalement été exclus pour des raisons<br />

médicales soit 42,9 %. Des donneurs potentiels, 57,1%<br />

(125 personnels) ont donc été inscrits sur la liste des<br />

volontaires, classés par groupe sanguin. Les causes<br />

médicales d’exclusion sont exposées dans le tableau II.<br />

C’est l’étude de la sous-population des militaires avec<br />

un antécédent de don de sang qui s’est avérée la plus<br />

intéressante. En effet, la population des 125 personnels<br />

retenus comptait 72 donneurs soit 57,6 % et sur les 94<br />

volontaires exclus, 20 avaient un antécédent de don, soit<br />

21,3 % de cette population. Il y a une différence<br />

significative pour ce facteur entre les deux groupes<br />

(p


ce problème, la limite principale est un manque de temps<br />

dans la mise en condition opérationnelle de l’unité au<br />

cours de laquelle se télescopent d’autres priorités<br />

(paludisme, vaccinations…).<br />

– Points positifs:<br />

Les médecins d’unités sont convaincus de l’intérêt<br />

d’une présélection dans la procédure de TSE. Ils<br />

reconnaissent qu’elle permet de gagner en sécurité<br />

transfusionnelle et aussi en temps.<br />

Ils plébiscitent l’idée d’une fiche-protocole pour<br />

les aider dans cette présélection. Ils semblent donc<br />

résolus à intégrer la présélection des donneurs volontaires<br />

au programme de la mise en condition sanitaire d’une<br />

unité opérationnelle.<br />

Les médecins d’unité sont finalement très impliqués<br />

dans la chaîne transfusionnelle. Une grande majorité<br />

d’entre eux organise des collectes au sein de l’unité et<br />

a déjà sollicité le CTSA. Le recours au CTSA pour<br />

une présélection des donneurs volontaires semble<br />

donc réalisable.<br />

D’ailleurs, il faut bien souligner la proportion (42,9 %)<br />

de personnels exclus d’un éventuel don pour une collecte<br />

de sang total par la présélection menée par un entretien<br />

pré-don. Ainsi, près d’un militaire sur deux aurait été<br />

récusé dans le cadre d’une collecte réelle en OPEX. Les<br />

comportements à risque viennent en tête des causes<br />

d’exclusion médicales. De nombreux volontaires pour un<br />

éventuel don sont tatoués et donc potentiellement à risque<br />

de transmettre le VHC. Dans la population des<br />

volontaires, 31 militaires (14, 2 %) avaient au moins un<br />

antécédent d’exposition sexuelle à risque n’ayant jamais<br />

fait l’objet d’une prise en charge. Il faut donc bien avoir<br />

conscience du pourcentage important des personnes à<br />

risque parmi d’éventuels volontaires. Dans ces<br />

conditions, la présélection effectuée par un entretien prédon<br />

pourrait diminuer le nombre de donneurs à risque. En<br />

revanche, il ressort de façon très significative de l’étude<br />

que le fait d’avoir déjà donné son sang est un facteur<br />

prédictif d’être reconnu apte au don et donc retenu en vue<br />

d’une éventuelle collecte de sang total en OPEX. Un<br />

donneur a bénéficié au moins une fois d’une qualification<br />

biologique de son don. Il a été sensibilisé aux problèmes<br />

de transmission d’infections par voie sanguine et a été<br />

informé sur les comportements à risque et les motifs<br />

d’exclusion. En cas de collecte de sang total, les donneurs<br />

habituels doivent donc être prélevés en priorité comme le<br />

recommande d’ailleurs la notice technique de 2003<br />

relative à la TSE. C’est un autre moyen pour gagner en<br />

temps et en sécurité transfusionnelle.<br />

Il faut également conclure au succès de la présélection<br />

réalisée au 4 e RCh à l’occasion d’une collecte préalable<br />

au profit du CTSA ; la qualification biologique du sang<br />

des volontaires potentiels a été effectuée en vue d’une<br />

éventuelle collecte en OPEX et leur don a permis de<br />

participer à l’approvisionnement des stocks de sang du<br />

CTSA. Lors d’une collecte de sang en mission, il est<br />

préférable de retenir en priorité des donneurs habituels<br />

car, dans leur population, la prévalence des infections<br />

par VIH, VHB, VHC, ou HTLV est inférieure à celle de la<br />

population générale comme le montrent les données<br />

mentionnées dans le tableau III (42).<br />

Tableau III. Taux de dons positifs pour le VIH, l’HTLV, le VHC et l’Ag HBs<br />

chez les nouveaux donneurs et les donneurs connus. Données sur la France<br />

métropolitaine. Sources: InVS, INTS, EFS, CTSA. 2007 (42).<br />

Nombre de don<br />

VIH<br />

HTLV<br />

VHC<br />

Ag HBs<br />

Dans la situation, d’extrême urgence, où il faut obtenir<br />

des poches de sang total pour sauver un camarade, toute<br />

précipitation et le manque d’anticipation risquent de<br />

nuire à l’efficacité et à la sécurité transfusionnelle de la<br />

procédure : perte de temps et de chance, risque d’erreur<br />

ABO – déjà fort en raison des possibles erreurs de<br />

retranscription sur la plaque du combattant ou le livret<br />

médical réduit (46) – et risque infectieux majoré (risque<br />

viral), mais également paludisme. Le groupe d’expert du<br />

Comité Consultatif sur la TSE a considéré que la balance<br />

bénéfices/risques allait largement en faveur du sang total<br />

pour le blessé hémorragique à condition de respecter les<br />

procédures et donc de présélectionner les donneurs. Les<br />

dernières expériences ont montré une meilleure gestion<br />

des collectes de sang total et une meilleure anticipation:<br />

notamment en présélectionnant un premier pool de<br />

donneurs parmi les personnels du GMC à Kaboul (40).<br />

Il faut rappeler qu’une présélection effectuée en<br />

métropole, y compris avec une qualification biologique<br />

lors d’un don, ne dispense pas d’un nouvel interrogatoire<br />

au moment de la collecte sur le terrain (1).<br />

Conclusion.<br />

Nouveaux<br />

Donneurs<br />

donneurs<br />

connus<br />

379 928<br />

Diminution<br />

du risque<br />

2 195 345<br />

Nombre 14<br />

20<br />

divisé par 4 <br />

Taux p. 10 000 0,37 0,09<br />

Nombre 10<br />

5<br />

divisé par 14 <br />

Taux p. 10 000 0,27 0,02<br />

Nombre 188<br />

17<br />

divisé par 60 <br />

Taux p. 10 000 4,9 0,08<br />

Nombre 327<br />

6<br />

divisé par 280 <br />

Taux p. 10 000 8,6 0,03<br />

Nous proposons un protocole de présélection<br />

« améliorée » avec deux possibilités (annexe II). La plus<br />

satisfaisante serait de réaliser une présélection à la faveur<br />

d’un don de sang au profit du CTSA. Cette proposition<br />

s’appuie sur les données épidémiologiques de la<br />

population des donneurs connus dans laquelle la<br />

prévalence des maladies transmissibles est inférieure à<br />

celle de la population des nouveaux donneurs. Les<br />

volontaires auraient ainsi une qualification biologique de<br />

leur don, en amont de l’OPEX ou du départ en mer. Un<br />

autre avantage serait de participer à l’approvisionnement<br />

en produits sanguins labiles du CTSA quand il faut<br />

rappeler que seuls les concentrés de globules rouges issus<br />

d’un don au bénéfice du CTSA sont utilisés pour les<br />

rôle du médecin d’unité dans la présélection de donneurs volontaires pour une collecte de sang total. état des lieux et perspectives d’amélioration<br />

67


Annexe I. Résumé du questionnaire sur la TSE adressé aux médecins d’unité.<br />

QUESTIONNAIRE POUR MÉDECIN D’UNITÉ SUR LA TRANSFUSION EN SITUATION D’EXCEPTION<br />

Nom (facultatif) : Grade : Unité (facultatif) :<br />

Armée d’appartenance : Terre ❏ Air ❏ Mer ❏<br />

Nb d’OPEX préparées : Nb d’OPEX effectuées : Nb d’année d’unité :<br />

1. Connaissez-vous la notice technique sur la transfusion<br />

sanguine en situation d’exception,<br />

n° 136/DEF/DCSSA/AST/TEC du 15 janvier 2003 ?<br />

Oui ?<br />

Non ?<br />

2. PRÉPARATION « OPEX »<br />

2.1. Quand et comment organisez-vous le groupage sanguin<br />

des personnels de votre unité ?<br />

2.2. La présélection de donneurs de sang volontaires a-t-elle<br />

une place dans la mise en condition opérationnelle dans<br />

votre unité ?<br />

2.3. Dans le cadre de l’éducation sanitaire de vos<br />

personnels, les sensibilisez-vous au don de sang ?<br />

2.4. Organisez-vous des collectes de sang dans le cadre de<br />

l’unité ?<br />

3. EN OPEX<br />

3.1. Lors d’une OPEX, avez-vous déjà eu à organiser une<br />

collecte de sang en situation d’exception ?<br />

3.2. Si vous étiez le COMSANTE du théâtre, possédiez-vous<br />

une liste des donneurs volontaires des différentes unités<br />

présentes ?<br />

3.3. Si vous étiez médecin en poste de secours ou GMC,<br />

aviez-vous la liste de vos donneurs potentiels ?<br />

4. INTÉRÊTS D’UNE PRÉSELECTION DES DONNEURS<br />

VOLONTAIRES<br />

4.1. Y êtes-vous favorable ?<br />

4.2. En l’absence de présélection, pensez-vous que la<br />

sélection des donneurs en OPEX soit satisfaisante ?<br />

4.3. Seriez-vous intéressé par une « fiche protocole » sur la<br />

transfusion en situation d’exception avec question-type<br />

de présélection en pièce jointe ?<br />

Si « OUI », comment ?<br />

Si « NON », pourquoi ?<br />

- non connaissance du besoin ?<br />

- manque de temps ? autre ?<br />

Si « OUI », comment ?<br />

Si « NON », pourquoi ?<br />

Si « OUI », avec le CTSA ou l’EFS ?<br />

Si « NON », pourquoi ?<br />

Si « OUI »<br />

- Pourquoi ?<br />

- Dans quel contexte ?<br />

- Qui était l’initiateur ?<br />

- Quel était votre rôle ?<br />

- Vous sentiez-vous préparé à cette éventualité ? pourquoi ?<br />

- Possédiez-vous un listing de donneurs volontaires ?<br />

- La sélection a-t-elle été difficile ? Si « OUI », pourquoi ?<br />

- Combien de personnels ont été prélevés ?<br />

- Avez-vous participé au prélèvement ? Si « OUI », avez-vous eu<br />

des difficultés ?<br />

- Quels obstacles ont grevé la vitesse d’exécution de la<br />

procédure ?<br />

- Aviez-vous déjà manipulé le kit de prélèvement pour transfusion<br />

en situation d’exception ?<br />

Jamais ?<br />

De certaines unités ?<br />

De toutes les unités ?<br />

Exigiez-vous cette liste ?<br />

Si « OUI », l’avez-vous remise au COMSANTE ?<br />

Si « OUI », quels avantages retenez-vous ? :<br />

- Information et sensibilisation au don de sang et aux besoins<br />

transfusionnels en OPEX ?<br />

- Gain de temps ?<br />

- Gain en sécurité transfusionnelle ?<br />

- Autres ?<br />

Si « NON », pourquoi ? :<br />

4.4. Seriez-vous intéressé par l’organisation d’une collecte<br />

de sang dans votre unité, au profit du CTSA couplée à<br />

une formation à la collecte de sang en OPEX ?<br />

5. SUGGESTIONS<br />

Avez-vous des remarques, des suggestions sur le sujet?<br />

68 j. pontis


OPEX. La présélection issue d’une collecte de sang avec<br />

le CTSA permettrait également de soutenir les médecins<br />

d’unité pendant la mise en condition opérationnelle de<br />

leur unité et de leur proposer une formation pratique à la<br />

procédure de TSE pour laquelle les médecins du CTSA<br />

sont prêts à effectuer des rappels sur l’interrogatoire prédon<br />

et sur la manipulation du matériel de prélèvement des<br />

kits de TSE. Notre enquête montre que cette solution est<br />

réalisable compte tenu de la proportion importante<br />

de médecins d’unités qui réalisent déjà des collectes<br />

dans leurs unités. Le CTSA propose d’ores et déjà<br />

des collectes avec une périodicité moyenne de 18 mois,<br />

en privilégiant les unités partant en mission en unité<br />

constituée par rapport aux petits contingents. La solution<br />

« par défaut » serait celle d’une présélection au moyen<br />

d’entretiens pré-don, en amont de la mission. Le Comité<br />

Consultatif de Santé des Armées sur « la transfusion<br />

sanguine en missions extérieures » qui s’est réuni en<br />

novembre 2008 prévoit de rédiger très prochainement<br />

des fiches de protocoles pour les médecins d’unité<br />

détaillant la présélection des donneurs potentiels pour<br />

une collecte de sang total en opération. Il propose<br />

notamment la rédaction d’une fiche technique sur<br />

les modalités pratiques d’une collecte en unité avec<br />

le CTSA et d’une fiche d’aide à la décision médicale<br />

pour la sélection des donneurs volontaires (41).<br />

Remerciements : l’auteur tient à remercier<br />

particulièrement tous les médecins d’unité qui ont<br />

répondu à son questionnaire et qui ont permis d’envisager<br />

l’amélioration de la procédure de collecte de sang total<br />

en opération. Il remercie également les médecins<br />

(MC Marle, MP Ramdani, MDA Ginon) et les infirmiers<br />

du 4 e RCh pour leur motivation à mettre en œuvre des<br />

protocoles de sélection de volontaires qui deviendront<br />

des références. Il remercie le Pr de Jauréguiberry et le<br />

MC Anne Sailliol pour leur confiance et leur soutien<br />

tout au long de ce travail.<br />

Annexe II. Protocole pratique de présélection de donneurs potentiels, en métropole, en vue d’une éventuelle collecte de sang total.<br />

Remarque: « Fiche type d’interrogatoire recto/verso » disponible auprès du CTSA.<br />

MISE EN CONDITION OPÉRATIONNELLE<br />

PRÉSÉLECTION DES DONNEURS POTENTIELS POUR UN DON DE SANG TOTAL<br />

EN SITUATION D’EXCEPTION<br />

INFORMATION, INSTRUCTION SANITAIRE et « INFO-CADRES »<br />

– Promotion du don au profit du CTSA.<br />

– Enjeu de l’anticipation et de la sécurisation de la transfusion en situation<br />

d’exception.<br />

– Prévention sur les comportements à risques.<br />

Idéalement : À défaut :<br />

COLLECTE AU PROFIT DU CTSA<br />

– 2 mois avant l’OPEX.<br />

– 4 mois minimum après une<br />

OPEX outre-mer.<br />

– Périodicité variable mais touours<br />

inférieure ou égale à 2 ans.<br />

Interrogatoire au moyen de la<br />

« fiche de présélection des donneurs<br />

volontaires en situation d’exception ».<br />

Fiche type A4 recto/verso.<br />

REGISTRE DES DONNEURS VOLONTAIRES PRÉSÉLECTIONNÉS<br />

– Récupération des résultats (s’assurer de la négativité des tests réalisés sur les<br />

dons, prise en charge des donneurs avec marqueurs biologiques).<br />

– Création des listes de volontaires présélectionnés à retenir en priorité pour une<br />

collecte de sang total en OPEX.<br />

– Archivage des consentements éclairés et des résultats individuels dans la<br />

pochette « OPEX » du dossier médical du donneur.<br />

rôle du médecin d’unité dans la présélection de donneurs volontaires pour une collecte de sang total. état des lieux et perspectives d’amélioration<br />

69


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

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42. Ausset S, Meaudre E, Kaiser E, Sailliol A. La transfusion de sang<br />

total : une thérapeutique validée et encadrée par des recommandations.<br />

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fresh whole blood and red blood cell transfusions in a combat support<br />

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d’un SNLE : un contexte opérationnel original. Médecine et Armées.<br />

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45. Delort G, David T. Protocole de présélection des donneurs volontaires<br />

pour une transfusion en situation d’exception à bord du Porte-Avions<br />

Charles de Gaulle. in Protocoles du PA CDG, 2004.<br />

46. Commandeur D, Vinh Nguyen B, Giacardi C, Danguy des Déserts M,<br />

Ould-Ahmed M. Plaques d’identité et livrets médicaux réduits :<br />

l’information ABO-Rh est-elle disponible en OPEX ?<br />

Communication. Journée des clubs, Opérations extérieures.<br />

Septembre 2009, SFAR 2009.<br />

70 j. pontis


Pratique médico-militaire<br />

Activité d’ophtalmologie au Groupement médico-chirurgical<br />

de Kaboul en 2007.<br />

R. Vignal.<br />

GMC Bouffard, SP 85024 – 00812 Armées.<br />

Article reçu le 9 janvier 2008, accepté le 25 août 2009.<br />

Résumé<br />

Le groupement médicochirurgical de rôle 2 à Kaboul est la seule formation sanitaire de campagne française à être dotée<br />

d’un service d’ophtalmologie dont la présence est justifiée par les contraintes environnementales ainsi que les fréquentes<br />

blessures faciales par polycriblage. L’étude de l’activité montre qu’en plus du soutien des forces dont la pathologie<br />

médicale et chirurgicale est dominée par la traumatologie, l’activité s’est aussi fortement orientée vers l’aide médicale à<br />

la population. Ainsi, en 2007, plus de 1000 consultations ont été réalisées et plus de 100 chirurgies, malgré un manque<br />

de matériel chirurgical pour la chirurgie de la cataracte pendant le premier semestre. Avec l’intensification à la fois<br />

des combats mais aussi des campagnes d’AMP prévue en 2008, l’activité devrait encore augmenter, nécessitant un<br />

approvisionnement en matériel plus global et linéaire au cours de l’année avec une dotation spécifique d’ophtalmologie<br />

pour groupement médicochirurgical.<br />

Mots-clés : Afghanistan. Opérations extérieures. Ophtalmologie.<br />

ACTIVITY OF THE OPHTHALMOLOGY DEPARTMENT OF THE FRENCH MEDICAL AND SURGICAL HOSPITAL IN<br />

KABUL DURING THE YEAR 2007.<br />

Abstract<br />

The French medical and surgical hospital (role 2) in Kabul is the only French field hospital equipped with an ophthalmology<br />

department. Environmental conditions and numerous facial wounds by micro-shrapnels justify the presence of a<br />

military ophthalmologist. The study of the activity in 2007 shows that beyond supporting the coalition troops whose main<br />

pathology remains eyes injuries, the activity strongly moved towards population medical assistance. This mission is now<br />

a priority in Afghanistan to win the population over to the government’s policy. Thus, in 2007, more than 1000 clinics<br />

and 100 surgeries were performed, in spite of a lack of surgical equipment for cataract surgery during the first semester.<br />

Because of intensifying fights and also of the population medical assistance campaigns foreseen in 2008, the activity<br />

should increase, requiring a more comprehensive and linear surgical equipment supply including a specific supply of<br />

ophthalmologic equipment for medico-surgical hospitals.<br />

Keywords: Afghanistan. Operational deployment. Ophthalmology.<br />

Introduction.<br />

Le groupement médicochirurgical de rôle 2 français<br />

installé au camp « Warehouse » à Kaboul a remplacé<br />

en 2006 l’hôpital allemand de rôle 3 dans sa mission<br />

de soutien des militaires de la force internationale<br />

d’assistance et de sécurité (ISAF) et de l’armée nationale<br />

afghane (ANA) (1). La spécificité du théâtre afghan<br />

en matière de blessés, à savoir des polycriblages<br />

R.VIGNAL, médecin principal, praticien confirmé.<br />

Correspondance : R.VIGNAL, GMC Bouffard, SP 85024 – 00812 Armées.<br />

E-mail : rodolphevignal@yahoo.fr<br />

lors d’explosions d’engins explosifs improvisés (IED)<br />

ou de Suicide Bomber, ainsi que les conditions environnementales<br />

locales (vents de sables, neige, poussière)<br />

entraînent une forte fréquence de la pathologie<br />

ophtalmologique justifiant la présence d’un service<br />

d’ophtalmologie sur place. Au début de l’opération<br />

Enduring Freedom (2), les Américains ont déployé à<br />

Bagram une équipe chirurgicale de l’avant qui s’est<br />

rapidement enrichie d’un ophtalmologiste. Par ailleurs, il<br />

existe une forte demande du milieu civil pour les soins<br />

ophtalmologiques rentrant dans le cadre de l’aide<br />

médicale aux populations (AMP) (3).<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 71-76 71


Nous aborderons d’abord les moyens dont dispose le<br />

service ainsi que son organisation, puis décrirons le bilan<br />

de l’activité de l’année 2007 et enfin discuterons les<br />

différents points de ce bilan.<br />

Fonctionnement du service<br />

d’ophtamologie du Groupement<br />

médico-chirurgical (GMC)-Kaboul.<br />

Moyens.<br />

Comme pour le reste de l’effectif du personnel soignant<br />

du GMC, l’ophtalmologiste en provenance d’un HIA est<br />

déployé pour deux mois.<br />

La consultation.<br />

Le box de consultation est doté du matériel nécessaire à<br />

l’examen réfractif et la prescription de verres correcteurs<br />

avec projecteur de tests et réfractomètre automatisé et à<br />

l’examen anatomique complet avec un biomicroscope<br />

couplé à une caméra numérique (fig. 1). Un échographe A<br />

et B, très utile dans les urgences traumatiques et dans<br />

l’évaluation du segment postérieur en cas de cataracte<br />

obturante, permet aussi le calcul de la puissance des<br />

implants cristallinien artificiels mis en place lors de la<br />

chirurgie de la cataracte.<br />

Figure 1. Examen au biomicroscope.<br />

Le bloc opératoire (fig. 2).<br />

L’équipement chirurgical comprend un microscope sur<br />

pied Leica couplé à un écran plat qui a l’avantage de<br />

pouvoir être utilisé par d’autres spécialistes si besoin<br />

(neurochirurgiens) mais qui, pour l’ophtalmologiste, a<br />

quelques inconvénients : seule la lumière halogène est<br />

utilisable (la lumière Xénon étant nocive pour la rétine),<br />

cette lumière n’est pas réglable en intensité, la profondeur<br />

de champ est altérée et la rétroillumination impossible.<br />

Un appareil mixte phakoémulsification/vitrectomie<br />

permet d’effectuer la chirurgie du cristallin (cataractes et<br />

traumatismes) et des plaies avec issue de vitré. Les<br />

instruments chirurgicaux sont à usage unique pour la<br />

chirurgie de la cataracte en phakoémulsification, il existe<br />

Figure 2. Équipement ophtalmologie au bloc opératoire.<br />

une boîte d’extraction extracapsulaire, une boîte de<br />

chirurgie de la paupière et des voies lacrymales. Le<br />

matériel de chirurgie rétinovitréenne reste limité aux<br />

besoins en chirurgie traumatologique de première<br />

intention (vitrectomie antérieure).<br />

Organisation.<br />

La consultation réglée est planifiée par le secrétariat<br />

commun, mêlant civils afghans vus en AMP et militaires<br />

de l’ISAF. Le délai pour une consultation hors urgence est<br />

de 2 à 3 semaines. Des interprètes sont disponibles<br />

24h/24. Les lunettes de combat peuvent être prescrites et<br />

commandées sur le théâtre.<br />

Les urgences ophtalmologiques sont examinées à toute<br />

heure et peuvent être hospitalisées dans les 20 lits dont<br />

dispose le GMC. Les urgences traumatiques peuvent<br />

arriver de tout le théâtre avec parfois des délais de 1 à 2<br />

jours. Elles sont coordonnées par le médecin du Regional<br />

command capital (RCC).<br />

La chirurgie réglée (cataracte principalement) est<br />

réalisée en hospitalisation d’une ou deux nuits.<br />

L’anesthésie générale est le plus souvent pratiquée pour<br />

plusieurs raisons : barrière de la langue, appréhension<br />

majeure et difficilement contrôlable des patients,<br />

interventions parfois plus longues lors d’EEC, et enfin<br />

fréquents problèmes d’hypertension artérielle mieux<br />

contrôlés sous AG.<br />

Enfin, pour le ravitaillement sanitaire, chaque semaine<br />

une commande peut être réalisée auprès de la SRS pour<br />

les consommables et les médicaments en stock. En<br />

l’absence de dotation spécifique « ophtalmologie » pour<br />

structure sanitaire de campagne, les commandes auprès<br />

de la France sont réalisées tous les mois avec des délais de<br />

livraison très variables. Le service fait aussi appel aux<br />

actions civilo-militaires par l’intermédiaire desquelles<br />

des implants pour cataractes et différents consommables<br />

sont fournies.<br />

Bilan de l’année 2007.<br />

Une revue des dossiers de consultation, des dossiers<br />

d’hospitalisation et des comptes-rendus opératoires<br />

a été effectuée.<br />

72 r. vignal


Au total, 1025 consultations ont été réalisées et 102<br />

interventions chirurgicales<br />

Le soutien des forces.<br />

Les urgences chirurgicales sont dominées par les plaies<br />

du globe, 21 plaies pénétrantes ont été opérées concernant<br />

15 militaires Afghans et 2 militaires de l’ISAF, 4 étant<br />

bilatérales. Douze (57 %) s’accompagnaient de corps<br />

étrangers intra-oculaires (tab. I). Les mandats de fin de<br />

printemps jusqu’à l’automne ont connu le plus de ce type<br />

d’urgences (75 %).<br />

Tableau II. Données sur la consultation auprès des forces.<br />

Nbre consultations<br />

403<br />

Nbre patients<br />

168<br />

Age moyen 33<br />

Sexe<br />

Hommes<br />

150<br />

Femmes<br />

18<br />

Tableau I. Données sur les plaies du globe chez les militaires.<br />

Nombre de plaies<br />

25<br />

Nombre patients<br />

21<br />

Origine patients<br />

3<br />

ISAF<br />

18<br />

ANA<br />

Age (années) 26<br />

Plaie cornéosclérale 4 (16%)<br />

Nationalité<br />

Français<br />

Italiens<br />

Turcs<br />

Allemands<br />

Espagnols<br />

Britanniques<br />

Américains<br />

Belges<br />

Bulgares<br />

Macédoniens<br />

Autres<br />

Pathologies<br />

63 (38%)<br />

15 (10%)<br />

21 (12,5%)<br />

14 (8,5%)<br />

4 (2,4%)<br />

8 (5%)<br />

3 (2%)<br />

3 (2%)<br />

7 (4,4%)<br />

6 (3,5%)<br />

19 (11,7)<br />

Plaie cornéenne 14 (56%)<br />

Plaie sclérale 4 (16%)<br />

Plaie orbitaire 3 (12%)<br />

Corps étranger<br />

Segment antérieur<br />

Segment postérieur<br />

Orbite<br />

13 (52%)<br />

4<br />

7<br />

2<br />

Bilatérale (nbre patients) 4<br />

Amétropie<br />

52 (29%)<br />

Myopie<br />

13<br />

Hypermétropie<br />

12<br />

Astigmatisme<br />

5<br />

Presbytie<br />

13<br />

Aptitude 4 (2%)<br />

Traumatologie 47 (26%)<br />

Kératoconjonctivite 51 (28%)<br />

Blépharite/chalazion 11 (5,4%)<br />

Dacryocystite 2 (1%)<br />

Tumeur palpébrale 1 (0,6%)<br />

Quatre cent deux consultations ont été réalisées pour<br />

des militaires. L’âge moyen des consultants est de 33 ans,<br />

les pathologies sont résumées dans le tableau II.<br />

L’aide médicale à la population.<br />

L’activité chirurgicale est décrite dans le tableau III.<br />

Les civils ont aussi été très touchés par les actes<br />

terroristes. Huit ont été opérés pour plaie pénétrante, dont<br />

1 avec plaie bilatérale.<br />

Cinquante chirurgies de la cataracte (tab. IV) ont été<br />

réalisées. L’acuité visuelle préopératoire était de PL pour<br />

9 yeux, VBLM pour 7 yeux, CLD pour 25 yeux, 1/20°<br />

pour 1 patient, 1/10° pour 7 yeux et 2/10° pour 1 œil.<br />

Uvéite 4 (2 %)<br />

Glaucome 2 (1%)<br />

Abcès sur lentille 2 (1%)<br />

Neuropathie optique 1 (0,5%)<br />

Ptérygion 4 (2%)<br />

Décollement postérieur du vitré (DPV) 1 (0,5%)<br />

Migraines 2 (1%)<br />

activité d’ophtalmologie au groupement médico-chirurgical de kaboul en 2007<br />

73


Tableau III. Activité chirurgicale en AMP.<br />

Tableau V. Données sur la consultation en AMP.<br />

Plaies du globe 8<br />

Adultes<br />

Enfants<br />

Cataractes 50<br />

Ptérygions 8<br />

Age moyen (années) 41 10<br />

Sexe (nombre)<br />

Paupières 2<br />

Glaucome 2<br />

Homme<br />

Femmes<br />

147<br />

26<br />

35<br />

18<br />

Phtyse du globe 2<br />

Pathologies<br />

Délabrements du segment antérieur 2<br />

Tableau IV. Données sur la chirurgie de la cataracte.<br />

Sexe<br />

Six cent vingt trois consultations d’AMP ont été<br />

réalisées au profit de 225 civils, dont 23 % pour des<br />

enfants ou adolescents. Les pathologies sont décrites<br />

dans le tableau V.<br />

Discussion.<br />

Age (années) 61<br />

Hommes<br />

Femmes<br />

Type de chirurgie<br />

EEC<br />

Phakoemulsification<br />

Type d’implant<br />

Acrylique<br />

PMMA<br />

Activité en 2007.<br />

L’activité ophtalmologique du GMC a été soutenue en<br />

2007 avec 1025 consultations et une centaine de<br />

chirurgies.<br />

Deux ophtalmologistes sont présents sur le théâtre<br />

afghan pour le soutien des forces, un américain à l’hôpital<br />

de rôle 3 de Bagram à 60 km au nord de Kaboul, et un<br />

français au GMC de rôle 2. Les plaies du globe<br />

représentent la plus grande activité chirurgicale en<br />

faveur des militaires Afghans ou de l’ISAF. Leurs<br />

caractéristiques sont liées aux types de combats qui font<br />

toute la gravité de ces blessures ; en effet, il s’agit le plus<br />

souvent de polycriblages par explosion de mines, d’IED<br />

ou de roquettes qui produisent des plaies de la face et des<br />

globes multiples, souillées par des nombreux corps<br />

étrangers et bilatérales. Par ailleurs, la plupart des<br />

combats ayant eu lieu dans le sud dans la région de<br />

44<br />

6<br />

5<br />

45<br />

Puissance moyenne (min-max) (dioptries) 21,5 (14-26,5)<br />

10<br />

Amétropie<br />

Myopie<br />

Hypermétropie<br />

Astigmatisme<br />

Myopie forte<br />

Presbytie<br />

Amblyopie<br />

Cataracte<br />

Ptérygion<br />

Kérato/Conjonctivite<br />

Kératoconjonctivite vernale<br />

Traumatisme<br />

Glaucome<br />

Chalazion<br />

Taie cornéenne<br />

Kératocône<br />

Strabisme<br />

Neuropathie optique<br />

Tumeur<br />

Voies lacrymales<br />

Pathologie congénitale<br />

Pathologie liée à énucléation<br />

Uvéite<br />

Rétinopathie pigmentaire<br />

Pathologie rétinienne<br />

Trou maculaire<br />

DMLA<br />

DPV<br />

44 (24%)<br />

9<br />

12<br />

4<br />

4<br />

15<br />

-<br />

19 (11%)<br />

12 (6%)<br />

32 (18%)<br />

-<br />

29 (16%)<br />

5 (3%)<br />

4 (2,5%)<br />

10 (6%)<br />

2 (1%)<br />

5 (3%)<br />

4 (2,5%)<br />

1 (0,5%)<br />

2 (1%)<br />

-<br />

3 (1,5%)<br />

1 (0,5%)<br />

2 (1%)<br />

4 (2,5%)<br />

1<br />

2<br />

1<br />

12<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

4<br />

1<br />

3<br />

2<br />

15<br />

6<br />

-<br />

-<br />

1<br />

-<br />

6<br />

-<br />

-<br />

3<br />

5<br />

2<br />

-<br />

-<br />

-<br />

Kandahar, les délais d’acheminement de ces blessés sont<br />

longs, bien supérieur aux six heures recommandés pour la<br />

prise en charge des plaies du globe.<br />

L’équipement chirurgical du bloc opératoire permet de<br />

réaliser les chirurgies urgentes de première intention<br />

incluant suture des plaies, nettoyage du segment antérieur<br />

en cas d’hyphéma et de plaie du cristallin, retrait des corps<br />

étrangers de la chambre antérieure et enfin injection<br />

d’antibiotiques. Les corps étrangers intra-vitréens<br />

peuvent être traités de façon différée en hôpital<br />

d’infrastructure. Cela pose cependant des problèmes<br />

74 r. vignal


pour les militaires afghans atteints car il n’y a pas de<br />

structure de chirurgie vitréorétinienne en Afghanistan et<br />

ils doivent être adressés au Pakistan.<br />

Le bilan de l’activité de consultation auprès des forces<br />

n’est pas surprenant. La répartition par nationalité (22<br />

nationalités au total) s’est faite selon les effectifs de<br />

chaque pays sur le camp de Warehouse.<br />

Trois pathologies dominent :<br />

– les problèmes liés à la correction optique. Ce sont<br />

surtout les personnels de l’administration travaillant sur<br />

écran, d’âge moyen, presbytes débutants. Pour d’autres il<br />

s’agit de contrôle de correction qu’ils ont du mal à<br />

effectuer en métropole en raison des délais de rendezvous<br />

;<br />

– les kératoconjonctivites sèches et allergiques, très<br />

fréquentes en raison de la pollution de l’air par des<br />

particules de poussière, la chaleur ou le froid sec et la<br />

neige ;<br />

– la traumatologie non chirurgicale avec en premier lieu<br />

les corps étrangers cornéens superficiels et quelques<br />

contusions lors de rixes.<br />

Des pathologies médicales plus graves ont aussi été<br />

prises en charge avec des uvéites antérieures (2 patients<br />

sur 4 ont été rapatriés), et deux abcès sous lentilles dont un<br />

avec taie centrale séquellaire qui pose une fois encore le<br />

problème du port de lentilles précornéennes dans un<br />

contexte d’OPEX.<br />

L’aide médicale à la population représente plus de la<br />

moitié des actes chirurgicaux et de consultation en<br />

ophtalmologie. Les femmes restent très minoritaires dans<br />

l’accès aux soins et sont amenées à la consultation selon la<br />

volonté de leurs maris ou de leurs fils. Les patients sont<br />

recrutés lors des campagnes d’aide médicale à la<br />

population dans des villages souvent éloignés de Kaboul<br />

et très démunis. Les yeux post-traumatiques sont<br />

fréquents chez les enfants et les adultes. Dans de<br />

nombreux cas, ils sont vus au stade séquellaire de<br />

traumatismes (fig. 3) ou d’infections cornéennes avec<br />

soit des taies cornéennes, soit des décollements de rétine<br />

anciens soit des phtyses du globe. Dans les cas les plus<br />

graves des énucléations ont été réalisées lorsque des billes<br />

étaient disponibles, dans les autres cas, il n’y avait plus<br />

Figure 3. Cataracte trauamatique avec déplacement du cristallin<br />

chez un enfant.<br />

d’indication thérapeutique en raison du délai trop<br />

important.<br />

Les kératoconjonctivites allergiques sont fréquentes<br />

chez les enfants ainsi que les kératoconjonctivites sèches<br />

et les ptérygions chez les adultes en raison des conditions<br />

environnementales. La consultation pour correction<br />

d’amétropie est la plus importante, plus particulièrement<br />

pour la presbytie. Mais l’accès à un opticien semble très<br />

difficile et coûteuse et la prescription aboutit rarement à la<br />

réalisation des verres. Le service est doté de lunettes pour<br />

la vision de près avec différentes additions qui sont<br />

données aux consultants et permettent de pallier ce<br />

problème pour la presbytie.<br />

Au niveau chirurgical, la chirurgie de la cataracte est la<br />

plus pratiquée. Cette chirurgie réhabilite rapidement des<br />

patients dont l’acuité visuelle dépasse rarement 1/20° en<br />

raison de cataractes très évoluées. Les patients sont<br />

hospitalisés seulement 24 à 48 heures ce qui permet un<br />

faible encombrement des lits d’hospitalisation du GMC<br />

notamment en cas d’afflux de blessés. Cinq extractions<br />

extracapsulaires de cristallin ont du être réalisées.<br />

Les implants ont d’abord été approvisionnés par les<br />

chirurgiens eux-mêmes qui les amenaient dans leurs<br />

bagages. Les manques d’implants et d’un échobiomètre<br />

ont limité fortement le nombre d’intervention en début<br />

d’année. Puis, avec l’aide des Action civilo-militaires,<br />

des commandes d’implants en PMMA ainsi que d’autres<br />

consommables auprès d’un laboratoire indien ont<br />

permis de développer cette chirurgie. Ces implants,<br />

peu coûteux, nécessitent une incision cornéenne<br />

élargie mais évitent les opacifications capsulaires<br />

postérieures qui apparaissent secondairement avec<br />

les implants en acrylique et qui ne peuvent pas être<br />

traitées en Afghanistan. Cette voie d’approvisionnement<br />

est désormais privilégiée pour éviter les ruptures<br />

d’activité.<br />

Enfin, les civils sont les principales victimes des<br />

attentats. Neuf plaies du globe ont ainsi été traitées en<br />

urgence.<br />

Redéfinition progressive de la mission du<br />

service d’ophtalmologie.<br />

Sur le théâtre afghan, la séparation entre mission de<br />

soutien des forces et mission d’aide médicale à la<br />

population est très artificielle pour l’ophtalmologiste, les<br />

limites entre les deux étant floues. D’un côté, le service<br />

soutien l’armée afghane (la majorité des plaies du globe<br />

les concernaient) mais ces patients sont enregistrés au<br />

titre de l’AMP comme pour les civils blessés, les soins<br />

n’étant pas facturés à leur pays (contrairement aux autres<br />

nationalités). De l’autre côté, l’AMP pour les plus<br />

indigents, qui représente largement plus de la moitié de<br />

l’activité, est désormais une mission imposée par le<br />

commandement de l’ISAF qui lance cet hiver des<br />

campagnes d’AMP dans des endroits de plus en plus<br />

reculés afin d’obtenir l’adhésion de ces populations.<br />

Les deux missions sont donc prioritaires et intriquées et<br />

le service pourrait en tenir compte notamment pour<br />

l’approvisionnement en matériel chirurgical. Le bilan<br />

d’activité sur l’année 2007 permet d’avoir une vision<br />

globale des besoins, particulièrement en produit<br />

activité d’ophtalmologie au groupement médico-chirurgical de kaboul en 2007<br />

75


viscoélastique nécessaire à la chirurgie des plaies<br />

du globe et à la chirurgie de la cataracte, en pack<br />

d’instrumentation à usage unique et en implants pour la<br />

chirurgie de la cataracte, en fil. La procédure actuelle<br />

obligeant à commander chaque mois du matériel limité<br />

en quantité et dont les délais d’acheminement sont très<br />

variables devrait être remplacée par une procédure de<br />

commande plus globale, avec la création d’une dotation<br />

« ophtalmologie HMC » spécifique. D’autant plus<br />

qu’une augmentation du nombre de troupes armées d’une<br />

part et une intensification des campagnes d’AMP d’autre<br />

part sont prévues en 2008.<br />

Conclusion.<br />

L’activité d’ophtalmologie au GMC Kaboul s’est peu à<br />

peu renforcée grâce à un équipement qui s’est enrichit<br />

avec le temps et les demandes des différents ophtalmologistes.<br />

Ciblant fortement la population locale, elle<br />

répond ainsi à la volonté du commandement sur ce théâtre<br />

afghan si particulier. À l’aide de ce bilan annuel, un<br />

approvisionnement en matériel plus linéaire dans le<br />

temps devrait soutenir cette activité.<br />

Remerciements : l’auteur remercie le SMCN E.<br />

Tillier , l’ADJ S. Bernard.<br />

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Armées 2007 ; 35 (4) : 345-9.<br />

76 r. vignal


Pratique médico-militaire<br />

Développement de médicaments génériques par la Pharmacie<br />

centrale des armées: application aux comprimés de doxycycline.<br />

D. Breton a , A.-C. Oustric b , I. Besse-Bardot b , S. Graffeuil c<br />

a Hôpital d’instruction des armées Percy, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.<br />

b Pharmacie centrale des armées, site militaire de Chanteau, Route départementale 97 – 45400 Fleury les Aubrais.<br />

c Bureau équipement et ravitaillement, DRSSA, 8 avenue du président Kennedy, Quartier général des Loges – 78100 Saint Germain en Laye.<br />

Article reçu le 10 juillet 2008, accepté le 13 mars 2009.<br />

Résumé<br />

Afin d’assurer l’autonomie des forces armées, la Pharmacie centrale des armées (PCA) développe et fabrique des<br />

spécialités pharmaceutiques sensibles, telle que des comprimés de doxycycline sous un statut réglementaire de<br />

médicament générique. La formulation de ce type de spécialités doit être adaptée à la voie d’administration, à la stabilité<br />

du principe actif et à la conservation du produit fini obtenu. Cette conservation est évaluée en temps réel à l’aide d’études<br />

de stabilité. Une étude de bioéquivalence chez le sujet sain est indispensable à l’évaluation de tout dossier de médicament<br />

générique. La biodisponibilité du médicament générique doit être strictement équivalente à celle de la spécialité de<br />

référence. La PCA ayant prouvé la bioéquivalence de ses comprimés par rapport à la spécialité de référence, un dossier<br />

d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) des comprimés de doxycycline à 100 mg a pu être déposé à l’Agence<br />

française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Outre des critères purement techniques (galéniques et<br />

analytiques), des rapports d’experts étayent la partie clinique du dossier.<br />

Mots-clés : Bioéquivalence. Doxycycline. Médicaments génériques. Pharmacie centrale des armées.<br />

DEVELOPMENT OF GENERICS BY « PHARMACIE CENTRALE DES ARMÉES » : EXEMPLE OF DOXYCYCLIN TABLETS.<br />

Abstract<br />

The French Pharmacie centrale des armées develops and produces special medicines, such as doxycycline which is a<br />

generic, in order to allow autonomy of armed forces. Formulation of medicine must fit the way of administration, the<br />

stability of the active pharmaceutical ingredient and the conservation of the finished product. Evaluation of this<br />

conservation is linked to stability studies which are made in real time. Bioequivalence study in healthy subjects is<br />

compulsory for generic registration files. Biodisponibility of generic must be equivalent to the reference product.<br />

Pharmacie centrale des armées has proved the equivalency of it own doxycyclin (100 mg per tablet) medicine. Thus, a<br />

registration file was sent to regulatory administration (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé).<br />

This file contains technical description (galenic and analytic methods) and skilled reports for the clinical part.<br />

Keywords: Bioequivalence. Doxycylin. Generics. Pharmacie centrale des armées.<br />

Introduction.<br />

La PCA a acquis un savoir faire unique dans la<br />

production de spécialités pharmaceutiques spécifiques<br />

aux besoins des forces armées et à ceux des unités de<br />

sécurité civile. À ce titre, elle produit les comprimés de<br />

D. BRETON, pharmacien principal, praticien confirmé. A.-C. OUSTRIC,<br />

pharmacien en chef, praticien certifié. I. BESSE-BARDOT, pharmacien principal.<br />

S. GRAFFEUIL, pharmacien en chef, praticien certifié<br />

Correspondance: D. BRETON, Hôpital d’instruction des armées Percy, BP 406 –<br />

92141 Clamart Cedex.<br />

pyridostigmine, les ampoules de DTPA et l’Ineurope ® ,<br />

médicaments à visée de protection contre les risques<br />

nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC),<br />

qui ont récemment obtenu des Autorisations de mise sur<br />

le marché (AMM).<br />

La PCA possède également le statut de pharmacie à<br />

usage intérieur (1) qui lui permet de fabriquer, à<br />

destination des hôpitaux des armées et des services<br />

médicaux d’unité, des produits officinaux divisés,<br />

comme par exemple le chlorure de sodium hypertonique<br />

ou des préparations hospitalières, comme la pommade<br />

cicatrisante vitaminée ou la poudre antibourbouille.<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 77-81 77


Pour les spécialités pharmaceutiques ayant un<br />

équivalent fabriqué par l’industrie pharmaceutique<br />

privée, la PCA doit déposer un dossier d’AMM pour<br />

les médicaments génériques qu’elle souhaite produire.<br />

Ce type de dossier nécessite des compétences multiples<br />

et un cheminement rigoureux dans sa préparation.<br />

C’est le cas des comprimés de doxycycline, utilisés dans<br />

le cadre de la prophylaxie anti-palustre. La consommation<br />

de comprimés de doxycycline par les armées est sans<br />

cesse croissante : plus de 6,5 millions de comprimés ont<br />

été consommés en 2008, principalement utilisés dans le<br />

cadre de la prophylaxie antipaludique. Malgré l’existence<br />

de plusieurs spécialités pharmaceutiques disponibles sur<br />

le marché, l’industrie civile n’est pas en mesure de<br />

toujours répondre aux commandes massives et<br />

épisodiques du Service de santé des armées (SSA). La<br />

PCA doit donc assurer l’autonomie des armées pour ce<br />

type de ravitaillement particulièrement sensible.<br />

Formulation d’un médicament<br />

générique.<br />

La formulation d’une spécialité pharmaceutique de<br />

type comprimé reste une étape relativement complexe. Il<br />

est en effet nécessaire de définir, entre autre, la stabilité de<br />

la matière première, le type de libération du principe actif<br />

(immédiate, retardée, prolongée), la stabilité du produit<br />

fini et le type de conditionnement primaire le plus à même<br />

d’assurer la conservation du comprimé et de contribuer<br />

ainsi à la bonne observance du traitement. La spécialité de<br />

référence des médicaments génériques du groupe<br />

doxycycline sur le marché français est la Vibramycine N ®<br />

(Doxycycline monohydrate correspondant à 100 mg de<br />

doxycycline par comprimé) des laboratoires Sinclair<br />

Pharma France ; elle servira par la suite à l’étude de<br />

bioéquivalence indispensable à l’obtention de<br />

l’autorisation de mise sur le marché.<br />

La mise au point de la formulation en production<br />

est dans un premier temps réalisée sur des lots de taille<br />

réduite (1 à 5 kg), cette taille étant ensuite augmentée<br />

par paliers pour obtenir une taille de lot industrielle<br />

représentant environ 245 000 comprimés (soit environ<br />

50 kg). Cette étape de formulation nécessite une<br />

coordination avec le laboratoire de contrôle analytique<br />

de la PCA qui réalise notamment sur les comprimés<br />

des essais physico-chimiques, le dosage et des tests<br />

de dissolution aux différents stades du développement.<br />

Lorsque la formulation est jugée satisfaisante,<br />

tant sur des critères de contrôle qualité définis en<br />

partie par la monographie relative aux comprimés<br />

de la Pharmacopée Européenne (2) que sur une<br />

industrialisation efficiente, le procédé de fabrication<br />

est validé (3).<br />

Le paramètre critique et indispensable à la validation<br />

des étapes de développement est le test de dissolution.<br />

Ce test modélise le comportement du comprimé en<br />

situation in vitro et permet une comparaison entre<br />

différentes formulations galéniques. La recherche<br />

d’une libération immédiate pour les comprimés de<br />

doxycycline a rendu plus simples les études à réaliser.<br />

Cependant, plusieurs milieux de dissolution, plus ou<br />

moins complexes, ont permis de choisir la formulation<br />

la plus proche possible de celle de la spécialité de<br />

référence. Ces études sont généralement réalisées<br />

sur une durée d’une ou deux heures dans des milieux<br />

réactionnels de pH différents (fig. 1). Il est alors<br />

nécessaire de prendre en compte les qualités chimiques<br />

intrinsèques du principe actif et notamment sa<br />

solubilité en fonction du pH du milieu réactionnel.<br />

Ainsi, la doxycycline n’étant que très faiblement<br />

soluble en milieu aqueux pour un pH supérieur à 5, il<br />

est inutile de réaliser des études dans ces conditions<br />

défavorables pour lesquelles une dissolution complète<br />

du principe actif contenu dans le comprimé ne<br />

pourrait jamais être obtenue. De plus, le choix des<br />

excipients est particulièrement critique pour la<br />

cinétique de dissolution du comprimé. La composition<br />

qualitative (type d’excipient choisi) et quantitative<br />

(quantité de chaque excipient) doit être minutieusement<br />

étudiée afin d’obtenir un comprimé physiquement<br />

stable, pouvant être produit de manière industrielle<br />

et permettant une libération adaptée du principe actif.<br />

Les résultats obtenus avec les différentes formulations<br />

testées sont données sur la figure 1. A pH 1,2, les trois<br />

formulations – le princeps et deux formulations<br />

développées par la PCA (essai 1 et essai 4) – présentent<br />

des cinétiques parfaitement superposables. Cependant,<br />

à pH 4,5. La formulation 1 présente une cinétique<br />

de dissolution assez dissemblable, et ne sera donc pas<br />

retenue ; seule la formulation 4 a une cinétique<br />

comparable à celle du princeps, elle sera donc retenue<br />

pour la suite du développement du dossier d’AMM,<br />

en particulier pour les études de stabilité et l’étude<br />

de bioéquivalence.<br />

Figure 1. Courbes de dissolution de comprimés de doxycycline.<br />

78 d. breton


Études de stabilité.<br />

Dès que la formulation est retenue et qu’un essai clinique<br />

est programmé (étude de bioéquivalence notamment), un<br />

lot doit être placé en stabilité pour une durée minimale de<br />

trois mois afin de disposer d’un recul suffisant sur le<br />

médicament avant son administration à l’homme.<br />

Les études de stabilité complètes, destinées au dossier<br />

d’AMM, doivent prendre en compte au minimum les<br />

conditions suivantes (4) pour des spécialités destinées à<br />

être utilisées dans des pays de zones climatiques I et II,<br />

avec un climat tempéré (par exemple: Union européenne,<br />

Japon, États Unis):<br />

– 6 mois en condition accélérée (à savoir 40 °C et 75 %<br />

d’humidité relative);<br />

– 6 mois en condition intermédiaire (30 °C et 65 %<br />

d’humidité relative);<br />

– le temps revendiqué pour la péremption (soit 5 ans<br />

dans notre cas et maximum autorisé par l’Afssaps) en<br />

condition long terme (à savoir 25 °C et 60 % d’humidité<br />

relative).<br />

Les spécialités pharmaceutiques destinées à être<br />

utilisés sous des climats de type tropical (zones<br />

climatiques III et IV) sont soumises à une condition à long<br />

terme adaptée, c'est-à-dire 30 °C et 65 % d’humidité<br />

relative (5). Il n’y a alors pas de condition intermédiaire<br />

dans ce cas. Le classement en zone I, II, III ou IV est<br />

fonction d’une part des températures maximales pouvant<br />

être atteintes dans le pays considéré ainsi que de<br />

l’hygrométrie de l’atmosphère (6).<br />

La doxycyline est principalement destinée à être<br />

administrée au militaire se trouvant dans des zones<br />

tropicales (Afrique subsaharienne, Asie). L’étude de<br />

stabilité a donc été adaptée en conséquence. Une étude de<br />

stabilité à court terme (40 °C – 75 % d’humidité) d’une<br />

durée de six mois a été engagée sur trois lots de taille<br />

industrielle. Une étude de stabilité à long terme (30 °C –<br />

65 % d’humidité relative) a été mise en œuvre sur ces<br />

mêmes lots. Différents paramètres, détaillés dans le<br />

tableau I, ont été suivis lors de ces études. Il est à noter que<br />

pour la doxycycline, comme dans la majorité des cas en<br />

Europe, les normes retenues pour la libération des<br />

comprimés suite à leur fabrication et les normes retenues<br />

pour fixer leur péremption sont les mêmes. Les analyses<br />

sont trimestrielles la première année, semestrielles la<br />

deuxième et annuelles dès la troisième année. La teneur<br />

en principe actif ne doit à aucun moment être inférieure<br />

à 95 % de la teneur nominale, c’est à dire celle indiquée<br />

sur le conditionnement (soit une valeur supérieure<br />

à 95 mg exprimée en doxycyline base anhydre). Le<br />

franchissement de cette limite indique la fin de l’étude de<br />

stabilité et donc la limite d’utilisation. Les éventuels<br />

produits de dégradation sont également suivis. Les<br />

caractères organoleptiques (couleurs principalement)<br />

font l’objet d’une attention particulière. Il est en effet<br />

clairement démontré qu’un changement de coloration,<br />

qui peut simplement être dû à une modification d’un<br />

excipient, est défavorable à l’observance du traitement.<br />

Le conditionnement choisi pour les comprimés<br />

développés, un flacon en polyéthylène, retenu pour sa<br />

grande résistance aux chocs par rapport aux blisters,<br />

nécessite un suivi rigoureux de la friabilité et de la dureté<br />

Tableau I. Paramètres physico-chimiques suivis lors de l’étude de stabilité des<br />

comprimés de doxycycline. Pour chaque paramètre, les normes à libération (à<br />

la production des comprimés) et à péremption sont précisées, elles sont<br />

équivalentes dans le cas présent.<br />

Paramètre<br />

Caractère organoleptique<br />

Masse moyenne<br />

Résistance à la rupture<br />

Friabilité<br />

Dissolution<br />

Teneur en principe actif<br />

(exprimée en substance anhydre)<br />

Substances apparentées<br />

(exprimée en pourcentage de<br />

principe actif)<br />

des comprimés. À ce jour, les résultats des études de<br />

stabilité en temps réel menés sur les comprimés réalisés<br />

par la PCA montrent que ceux-ci sont stables sur une<br />

durée de quatre ans. En outre, afin de conserver une<br />

indépendance vis-à-vis des fabricants de matières<br />

premières, l’étude de stabilité à été réalisée sur des lots<br />

produits à partir de matières premières provenant de deux<br />

fabricants de principes actifs différents. Cette façon de<br />

procéder permet de déclarer deux fabricants de principes<br />

actifs dès la phase initiale de l’étude du dossier d’AMM<br />

par les autorités réglementaires.<br />

Après l’obtention de l’AMM, un lot de comprimés<br />

devra être suivi annuellement afin de vérifier que les<br />

variations mineures qui peuvent affecter le procédé de<br />

fabrication et/ou le contrôle qualité ne sont pas à l’origine<br />

d’une modification de la stabilité du produit fini. Cette<br />

stabilité, dite commerciale, est réalisée sur la condition à<br />

long terme, soit 30 °C – 65 % d’humidité relative.<br />

Étude de bioéquivalence.<br />

Norme<br />

Comprimés jaune pâle et bombés<br />

194,5 à 214,9 mg<br />

Supérieure à 45 N<br />

Inférieure à 1,0 g pour 100 g<br />

Plus de 85 % de principe actif<br />

dissous en 15 minutes<br />

95,0 à 105,0 mg/comprimé<br />

Inférieures à 2 %<br />

Les études de bioéquivalence sont réalisées selon des<br />

référentiels et protocoles standardisés au niveau européen<br />

(7). Les tests à réaliser doivent permettre de définir si la<br />

formulation retenue pour le médicament générique<br />

permet d’obtenir une biodisponibilité équivalente à celle<br />

de la spécialité de référence. Une administration, le plus<br />

souvent unique, est réalisée chez le volontaire sain. Des<br />

prélèvements biologiques sont effectués selon un plan<br />

déterminé a priori en fonction des caractéristiques<br />

pharmacocinétiques de la molécule à évaluer. Les<br />

résultats sont obtenus à l’aide de procédures analytiques<br />

standardisées et généralement validées selon des<br />

référentiels utilisés en biologie analytique (8). Une<br />

méthode par chromatographie liquide couplée à un<br />

spectromètre de masse a été utilisée pour le dosage de la<br />

doxycycline dans le sang. Ces dosages peuvent être<br />

réalisés par des laboratoires du Service de santé des<br />

armées (service de pharmacologie clinique des hôpitaux<br />

d’instruction des armées), mais le plus souvent ils sont<br />

externalisés. Ce type d’étude de bioéquivalence nécessite<br />

développement de médicaments génériques par la pharmacie centrale des armées : application aux comprimés de doxycyline<br />

79


un nombre important de prélèvements sanguins. La<br />

doxycycline étant connue pour avoir une variabilité<br />

interindividuelle assez importante (9), le nombre de<br />

sujets incorporés dans notre étude a été fixé à 36. Chaque<br />

individu a reçu chacun des deux traitements (Vibramycine<br />

N ® et médicament générique fabriqué par la PCA, l’ordre<br />

étant aléatoire) après une période de « wash-out » d’une<br />

semaine. Cette durée est largement suffisante pour<br />

supprimer toute interférence d’un traitement sur l’autre<br />

mais suffisamment courte pour limiter les phénomènes<br />

de variabilité intraindividuelle. Les prélèvements se sont<br />

échelonnés sur une durée de 48 heures, représentant 16<br />

prélèvements par sujet. L’utilisation d’un schéma en<br />

« cross-over », dans lequel chaque patient reçoit<br />

successivement les deux traitements, permet de<br />

minimiser la variabilité interindividuelle mais augmente<br />

le nombre d’échantillons à analyser. Ainsi, l’étude de<br />

bioéquivalence a nécessité le prélèvement, le traitement<br />

et l’analyse de près de 1 200 échantillons sanguins. La<br />

figure 2 présente la courbe des moyennes des<br />

concentrations en doxycycline pour chacun des<br />

traitements étudiés. La simple observation visuelle de ces<br />

courbes met en évidence que les cinétiques des deux<br />

spécialités pharmaceutiques sont vraisemblablement<br />

similaires, ce que le traitement statistique permettra de<br />

démontrer sans équivoque.<br />

Les principes actifs du médicament princeps et du<br />

médicament générique proposé étant strictement<br />

identiques, l’efficacité clinique sera considérée comme<br />

comparable si les deux spécialités présentent des<br />

paramètres descriptifs statistiquement équivalents.<br />

Quatre paramètres sont évalués: la durée nécessaire pour<br />

atteindre le maximum de la concentration plasmatique<br />

(Tmax), la concentration plasmatique maximale atteinte<br />

(Cmax), les aires sous les courbes obtenues (AUC t ) et les<br />

aires sous les courbes extrapolées sur un temps infini<br />

(AUC ). Des normes sont imposées par les instances<br />

réglementaires européennes (7). Les analyses statistiques<br />

proposées par l’agence européenne du médicament<br />

demeurent relativement simples: ce sont soit des analyses<br />

d’intervalle de confiance, soit des analyses de variances.<br />

Les résultats obtenus pour la spécialité de référence et le<br />

générique sont consignés dans le tableau II. Les valeurs<br />

obtenues par les calculs statistiques et les normes de<br />

références sont également indiquées.<br />

Les résultats obtenus montrent clairement la<br />

bioéquivalence des deux formules et par extension leur<br />

similarité clinique. En effet les analyses de variances<br />

réalisées sur la C max , l’AUC t et l’AUC ne montrent pas<br />

de différence statistiquement significative entre les<br />

valeurs obtenues pour la spécialité de référence et le<br />

médicament générique. De même, les intervalles de<br />

confiances (à 90 %) des moyennes des rapports<br />

médicament générique/référence sont suffisamment<br />

étroits, à savoir compris dans un intervalle (0,800 –<br />

0,125), pour être valides. Le test de Friedman (statistiques<br />

non paramétriques) réalisé sur les valeurs de T max , ne<br />

montre pas de différence statistiquement significative<br />

entre le princeps et les comprimés fabriqués par la PCA.<br />

Cette démonstration objective permet le déclenchement<br />

de la rédaction puis le dépôt du dossier d’AMM.<br />

Le dossier d’AMM.<br />

La réglementation des dossiers d’AMM concernant les<br />

médicaments génériques a été récemment refondue pour<br />

donner lieu à une directive européenne transcrite début<br />

2007 en droit français (10). Les médicaments génériques<br />

font l’objet de procédures simplifiées qui exonèrent le<br />

laboratoire déposant un dossier d’AMM pour ce type de<br />

spécialité de fournir certaines informations, notamment<br />

celles relatives à la sécurité et à l’efficacité clinique. Afin<br />

d’éviter le blocage du dépôt de dossier d’AMM pour le<br />

futur médicament générique, la spécialité de référence<br />

doit être ou avoir été commercialisée en France. Ainsi, un<br />

médicament générique a la possibilité d’obtenir une<br />

AMM sur la base d’un dossier « abrégé », même si le<br />

produit princeps n’a plus d’AMM en vigueur. Ce type de<br />

spécialité appartient alors à un groupe de médicaments<br />

génériques qui comprend une spécialité de référence et<br />

ses génériques. Ce groupe bénéficie de spécificités<br />

Tableau II. Résultats de l’analyse de bioéquivalence.<br />

Paramètre<br />

Intervalle<br />

de<br />

confiance<br />

(90 %)<br />

Doxycyline<br />

PCA<br />

Moyenne ±<br />

écart-type<br />

1 724,72 ±<br />

526,72<br />

Doxycyline<br />

PCA<br />

Moyenne ±<br />

écart-type<br />

1 719,10 ±<br />

399,85<br />

ANOVA<br />

significativité<br />

Intervalle<br />

de<br />

confiance<br />

(90 %)<br />

p = 0,723 (NS) 0,92 – 1,06<br />

AUC t<br />

(ng.mL-<br />

1.h-1)<br />

28 682,44 ±<br />

7 583,42<br />

29 305,84 ±<br />

6 702,08<br />

p = 0,346 (NS) 0,92 – 1,02<br />

AUC<br />

(ng.mL-<br />

1.h-1)<br />

33 103,93 ±<br />

8 840,95<br />

33 561,08 ±<br />

8 075,38<br />

p = 0,516 (NS) 0,93 – 1,03<br />

Moyenne ±<br />

écart-type/<br />

Médiane<br />

(min/max)<br />

Moyenne ±<br />

écart-type/<br />

Médiane<br />

(min/max)<br />

Test de Friedman<br />

Résultat significativité<br />

Figure 2. Courbes des moyennes des concentrations sanguines en doxycycline<br />

en fonction du temps.<br />

Tmax (h)<br />

3,03 ± 1,89/<br />

3,00<br />

(1,00/12,00)<br />

3,1 ± 0,87/<br />

3,25<br />

(1,00/4,00)<br />

3,84 NS<br />

80 d. breton


particulières selon lesquelles aucune protection<br />

supplémentaire ne peut être accordée pour une simple<br />

extension de gamme. En d’autres termes, si l’une des<br />

spécialités appartenant au groupe obtient une ou plusieurs<br />

indications supplémentaires, les titulaires d’AMM des<br />

autres spécialités peuvent demander la même extension<br />

sans déposer de données complémentaires. Cette<br />

procédure permet de favoriser la substitution entre<br />

génériques.<br />

Ainsi le dossier déposé par la PCA à l’Afssaps pour la<br />

doxycycline présente deux parties cliniques<br />

complémentaires. La première concerne les résultats de<br />

l’étude de bioéquivalence que nous avons précédemment<br />

évoqués. La seconde partie concerne les essais cliniques<br />

réalisés entre 1996 et 1999 au sein des forces armées qui<br />

ont permis à certains génériques de doxycycline d’obtenir<br />

l’extension d’indication comme thérapeutique<br />

antipaludique (11).<br />

Le dossier d’AMM comprend également une partie<br />

pharmaceutique complète (module 3). Cette partie<br />

présente plus particulièrement les spécifications liées au<br />

produit fini, c’est-à-dire au médicament en tant que tel,<br />

que ce soit au niveau de son développement, de sa<br />

fabrication ainsi que les contrôles qui sont réalisés sur les<br />

matières premières et le produit fini. Le procédé de<br />

fabrication est présenté en détail ainsi que sa validation.<br />

Les protocoles analytiques et leur validation le cas<br />

échéant, sont également exposés. Les paramètres de<br />

libération et de péremption, permettant de définir qu’un<br />

lot est conforme, sont justifiés. Ces données techniques<br />

sont accompagnées des résultats des études de stabilité<br />

menés en temps réels qui permettent à l’Afssaps<br />

d’accorder une durée de péremption, et de préciser les<br />

conditions de conservation le cas échéant.<br />

Les différents types de données nécessaires à la<br />

constitution du dossier d’AMM sont ensuite soumis à<br />

l’avis d’experts. Ces derniers peuvent être soit issus du<br />

Service de santé des armées, c’est souvent le cas des<br />

experts cliniques et pharmaceutiques, soit recrutés<br />

ponctuellement tels que les experts pharmacologues et<br />

toxicologues.<br />

Conclusion.<br />

Le développement d’une spécialité pharmaceutique<br />

générique, de même que celui d’un médicament innovant,<br />

nécessite de multiples compétences et la collaboration<br />

étroite de différents services. Chaque entité qu’elle soit<br />

galénique, analytique, pharmacologique, toxicologique<br />

ou réglementaire existe dans l’industrie pharmaceutique<br />

et participe activement à l’élaboration des données qui<br />

alimenteront le dossier d’AMM. Le dossier ainsi<br />

constitué sera ensuite déposé auprès des autorités<br />

réglementaires compétentes. Outre les études de stabilité<br />

en temps réel qui représentent un facteur temps limitant<br />

extrêmement important car incompressible, l’étude de<br />

bioéquivalence reste l’axe central de décision pour<br />

l’évaluation d’un dossier d’AMM de médicament<br />

générique. Cette étude nécessite les compétences de<br />

spécialistes que l’on peut trouver au sein du service de<br />

santé (hôpitaux, centre de recherche) ou qu’il est parfois<br />

indispensable de rechercher en dehors du service.<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

1. Décret N° 2000-1 316 du 26 décembre 2000 (JORF du 30 décembre<br />

2000), relatif aux pharmacies à usage intérieur et modifiant le Code de<br />

la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d’État).<br />

www.legifrance.gouv.fr.<br />

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Strasbourg, France.<br />

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étapes et responsabilité des différents départements de la Pharmacie<br />

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CPMP/ICH/2736/99. août 2003. (http://www.emea.europa.eu, site<br />

consulté le 15 mai 2008).<br />

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stability data package for registration applications in climatic zones<br />

III and IV CPMP/ICH/421/02. fevrier 2003. (http://www.emea.<br />

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– Method Validation. http://www.fda.gov/CDER/GUIDANCE/<br />

4252.fnl.htm (site consulté le 15 mai 2008).<br />

9. Alsara IA, Al-Said MS, Al-Khamis KI, Niazy EM, El-Sayed YM, Al-<br />

Rashood KA et al. Comparative bioavailability of doxycycline<br />

hyclate (equivalent to 100 mg doxycycline) capsules (doxycin vs<br />

vibramycin) for bioequivalence in adult volunteers. Int. J. Clin.<br />

Pharmacol. Ther 2004 ; 42 (7) : 373-7.<br />

10. Loi N°2007-248 du 26février 2007 (JORF du 27février 2007) portant<br />

diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le<br />

domaine du médicament. www.legifrance.gouv.fr.<br />

11. Baudon D, Michel R, Meynard JB, Keudjan A, Boutin JP. La<br />

chimioprophylaxie antipaludique dans les armées françaises :<br />

évolution de 1986 à 2001. Med. Trop 2001 ; 61 (1) : 51-5.<br />

développement de médicaments génériques par la pharmacie centrale des armées : application aux comprimés de doxycyline<br />

81


VIENT DE PARAÎTRE<br />

HISTOIRE DE LA MÉDECINE<br />

AÉRONAUTIQUE ET SPATIALE<br />

FRANÇAISE<br />

Jean TIMBAL<br />

Aux cotés des sciences de l’ingénieur et de<br />

l’habileté des pilotes, l’art médical s’est<br />

imposé, dans le turbulent développement de<br />

l’aéronautique qui en moins d’un siècle a<br />

bouleversé les conceptions, stratégiques,<br />

politiques, commerciales et sociologiques de<br />

tous les États de la planète.<br />

L’ouvrage relate cette histoire en France, de<br />

façon thématique, tout en la situant par rapport<br />

aux réalisations étrangères brièvement<br />

évoquées.<br />

Le Service de santé des armées y tient une<br />

place prépondérante<br />

Six thèmes sont successivement traités :<br />

- L’évolution de l’organisation et des moyens. Très dépendante de l’histoire politique et<br />

opérationnelle, elle en est le fil conducteur.<br />

- La recherche avec la protection contre les contraintes du vol et l’aménagement des<br />

cabines de pilotage.<br />

- Les activités médicales : expertise, pathologies liés à la pratique du vol, risque<br />

épidémiologique, médecine du travail et d’entreprise, intervention médicale à bord et lors<br />

d’accidents etc.<br />

- La formation aéromédicale en milieu militaire, universitaire et opérationnel.<br />

- La médecine spatiale depuis les vols paraboliques réalisés à Hammaguir jusqu’aux<br />

expériences les plus modernes avec la formation d’un corps de spationautes français.<br />

- Les évacuations sanitaires aériennes, développées dangereusement à l’occasion des<br />

guerres du siècle, mises au profit de la population civile et qui représentent une<br />

contribution majeure à l’action humanitaire.<br />

À l’aube du XXI e siècle où l’on voit poindre des évolutions de grande ampleur tant dans<br />

l’aéronautique militaire que civile, cet ouvrage éclaire le présent de l’expérience du passé.<br />

ISBN : 978-235815-006-4 – Format : 14 x 20,5 cm – Pages : 400 – Prix : 26 € – Éditions Glyphe – 85, avenue Ledru-Rollin<br />

75012 Paris – www.editions-glyphe.com – Tel : 01 53 33 06 23.<br />

82


Pratique médico-militaire<br />

Paludisme d’importation au retour de l’opération<br />

« Licorne » : à propos de 32 cas survenus au<br />

2 e Régiment étranger de parachutistes.<br />

J. Samy a , L. Aigle b , M. Chinelatto a , A. Woloch c .<br />

a Cabinet médical d’unité, Camp Raffalli – 20260 Calvi.<br />

b Cabinet médical, 1er Régiment parachutiste d’infanterie de Marins, Citadelle Général Berge, BP 12 – 64100 Bayonne Cedex.<br />

c Cabinet médical, 4e Régiment étranger, route de Pexiora, Quartier Danjoux – 11407 Castelnaudary Cedex.<br />

Article reçu le 17 juillet 2007, accepté le 12 octobre 2009.<br />

Résumé<br />

Le paludisme d'importation est en augmentation dans les armées comme sur le territoire français. En effet, la<br />

multiplication des théâtres d'opérations extérieures en particulier en Afrique (« Épervier » au Tchad, « Licorne » en Côte<br />

d'Ivoire, « Boali » en Centrafrique…) expose le militaire au risque vectoriel en général et palustre en particulier. Si le<br />

paludisme en mission est relativement bien jugulé et rapidement traité, force est de constater qu'au retour la prise en<br />

charge du paludisme semble plus difficile du fait d'un relâchement de la vigilance propice au paludisme de permission.<br />

Notre étude rétrospective a permis de colliger, sur six mois de suivi, les cas de paludisme au retour de l'opération<br />

« Licorne » survenus au 2 e Régiment étranger de parachutistes (2 e REP). L'objectif de ce travail est de décrire le profil<br />

épidémiologique, clinique, biologique et thérapeutique des cas de paludisme d’importation et d'apporter quelques<br />

éléments de réflexion afin d'optimiser dans l'intérêt collectif l'observance de la chimioprophylaxie.<br />

Mots-clés : Chimioprophylaxie. Observance. Paludisme d'importation. 2 e REP.<br />

IMPORTED MALARIA AFTER RETURNING FROM LICORNE’S OPERATION: A RETROSPECTIVE STUDY OF 32 CASES<br />

OBSERVED IN THE 2 ND REP.<br />

Abstract<br />

The imported malaria, such as, has been highly increasing in the French armed Forces as well as in the French territory<br />

due to the multiple overseas operations especially the African operations (Epervier operation in Chad, Licorne in the<br />

Ivory Cost, Boali in Central African Republic …). Soldiers in general are exposed to the vectorial risk and to the malaria<br />

in particular. While malaria is relatively well halted and quickly treated during missions, it just is more difficult to treat<br />

the malaria when back home or on leave due to a relaxed attention. Our retrospective study has collected all the cases of<br />

malaria shown in the 2nd Parachute Regiment of the Foreign Legion in the six months following their return from<br />

Licorne operation. The aim of this work is to describe the epidemiologic, clinic, biologic and therapeutic profile<br />

concerning the case of imported malaria and to bring some elements of reflection in order to optimize collective interest<br />

in complying with of chemioprophylaxy.<br />

Keywords: Cheimioprophylaxy. Imported malaria. Compliance, 2nd REP.<br />

Introduction.<br />

Première cause infectieuse de morbidité, le paludisme<br />

demeure une préoccupation majeure pour les armées et le<br />

Service de santé en particulier compte tenu de la<br />

fréquence actuelle des opérations extérieures. Par<br />

ailleurs, en France métropolitaine les flux de population<br />

J. SAMY, médecin des armées. L. AIGLE, médecin principal. M. CHINELATTO,<br />

médecin en chef. A. WOLOCH, médecin principal<br />

Correspondance : J. SAMY, 2 e REP Cabinet médical d'unité, Camp Raffalli –<br />

20260 CALVI.<br />

E-mail : samy.julien@gmx.fr<br />

générés par le tourisme et l'immigration font que tout<br />

médecin peut être concerné dans sa pratique par cette<br />

pathologie parasitaire importée.<br />

Au début du XX e siècle, une épidémie de paludisme<br />

décima les armées alliées engagées en Macédoine en<br />

1916: on parla alors de faillite de la quinine. Les médecins<br />

eurent l’idée de doser la quinine dans les urines des<br />

patients. Il s’avéra que la plupart des malades ne prenaient<br />

pas ou peu leur quinine (1). Les temps ont-ils changé?<br />

Si le Service de santé demeure, de nos jours, vigilant<br />

et les médecins militaires parfaitement compétents<br />

dans la prise en charge des accès palustres sur le terrain,<br />

le problème persiste vis-à-vis des cas de paludisme au<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 83-87 83


etour de mission. Qualifiable à juste titre de paludisme<br />

de permission, il résulte le plus souvent d’une<br />

inobservance de la chimioprophylaxie une fois en<br />

métropole et malheureusement le cas mortel survenu en<br />

2006 le confirme.<br />

Le paludisme d’importation est en nette ascension.<br />

La France, concernée au premier chef, est loin en tête des<br />

pays industrialisés (2, 3). Plus de 7000 cas de paludisme<br />

d’importation (18,3 % provenant de Côte d’Ivoire) (4, 5)<br />

sont dénombrés en France, dont environ 5 000 cas<br />

à Plasmodium Falciparum et une vingtaine de décès<br />

tous les ans (6).<br />

En 2005, parmi les 589 cas déclarés dans les armées<br />

(par la fiche de déclaration spécifique), 51,8 % des cas<br />

sont survenus en zone impaludée ; 48,2 % après le<br />

retour de la zone présumée de contamination. (7)<br />

Nous présentons une étude descriptive du profil<br />

épidémiologique, clinique et évolutif des cas de<br />

paludisme d’importation au retour de l’opération<br />

«Licorne» en République de Côte d’Ivoire (RCI) en 2006<br />

survenu au 2 e Régiment étranger de parachutistes.<br />

Matériel et méthodes.<br />

Le 2 e REP a armé le groupement tactique interarmée<br />

n° 1 du 27 janvier au 9 juin 2006. L’état major ainsi que<br />

deux compagnies étaient stationnés à Bouaké tandis<br />

qu’une troisième compagnie était à Yamoussoukro<br />

(effectif d’environ 450 pax). Durant les cinq mois de la<br />

mission, en pleine saison des pluies et dans des conditions<br />

de vie difficile sur le terrain (patrouille de nuit itérative),<br />

24 cas de paludisme sur place ont été recensés.<br />

Notre étude rétrospective, étalée sur une période de<br />

six mois à compter de la date du retour, a permis de colliger,<br />

à partir du livret médical et des correspondances avec les<br />

HIA, la totalité des cas de paludisme importé de RCI.<br />

Définition des cas : est considéré comme paludisme<br />

d'importation, tout accès palustres survenant en France<br />

métropolitaine, après un séjour en zone d'endémie<br />

(RCI pour notre étude) et authentifié par la mise en<br />

évidence d'un ou plusieurs des quatre plasmodiums<br />

humains lors de l'examen parasitologique.<br />

Ce travail a été facilité par la fidélité du légionnaire<br />

auprès du service médical, du souci du rendre compte et<br />

de la collaboration étroite avec les hôpitaux des armées<br />

et hôpitaux civils. Un recueil des informations épidémiologiques<br />

a été réalisé à partir d’une banque Excel ®<br />

indiquant pour chaque patient son âge, son grade, la date<br />

du diagnostic, la durée d’hospitalisation, le lieu de prise<br />

en charge, la présentation clinique, l’espèce plasmodiale<br />

en cause et le résultat de l’hémogramme.<br />

Le diagnostic de paludisme fut porté sur des arguments<br />

épidémiologiques et cliniques confirmés chez tous les<br />

patients par un diagnostic parasitologique. La majorité<br />

des patients a bénéficié d’un test de diagnostic rapide<br />

au cabinet médical d’unité. Cependant, tous les cas<br />

ont été confirmés par un frottis sanguin réalisé soit<br />

localement au laboratoire d’analyse médical de l’Ile<br />

Rousse soit au laboratoire de l’HIA Laveran. L’analyse<br />

du frottis comprenait une étude morphologique des<br />

hématozoaires, des globules rouges et diagnostic<br />

différentiel entre les espèces plasmodiales.<br />

Tous les patients de notre série ont reçu une éducation<br />

sanitaire durant la mise en condition opérationnelle avec<br />

sensibilisation au risque vectoriel en général et palustre<br />

en particulier ainsi qu’aux principes d’hygiène de vie en<br />

campagne. La chimioprophylaxie reposait sur une prise<br />

quotidienne lors du repas du soir de 100 mg de<br />

monohydrate de doxycycline (DOXYPALU ® ):<br />

perception au départ d’une boite pleine, distribution sur<br />

place et complément dés l’arrivée pour couvrir les quatre<br />

semaines après la sortie de la zone à risque.<br />

En cas de positivité au test de diagnostic rapide, le<br />

traitement curatif comprenait une cure de quinine intraveineuse<br />

pour les cas de Plasmodium falciparum à raison<br />

de 8 mg/kg/8 heures de quinimax dans 125 cc de glucose<br />

5 % jusqu’à apyrexie avec relais per os pendant une durée<br />

de sept jours. Aucun patient n’a bénéficié de bolus<br />

intraveineux. Pour les cas de Plasmodium non falciparum,<br />

un traitement par chloroquine fut prescrit.<br />

Enfin, compte tenu la recrudescence des cas, nous<br />

avons cherché en collaboration avec l’Institut de<br />

médecine tropicale du Service de santé des armées<br />

(IMTSSA) à quantifier l’observance de la prise de la<br />

chimioprophylaxie. Pour ce faire, notre méthode<br />

d’échantillonnage s’est appuyée sur un tirage au sort<br />

aléatoire des militaires du rang d’une compagnie<br />

(également tirée au sort) sur les trois compagnies ayant<br />

participé à l’opération, taux de refus nul. Trente cinq<br />

prélèvements ont été effectués sur le régiment le 3 juillet<br />

soit environ trois semaines après la fin de la mission. Les<br />

échantillons ont été acheminés à l’unité de recherche en<br />

pharmacologie et physiopathologie parasitaire du Pharo<br />

avec réalisation de dosage plasmatique de la doxycycline.<br />

Résultats.<br />

Trente deux cas de paludisme importé ont été recensés<br />

entre les semaines 24 à 45. Les patients étaient tous des<br />

militaires masculins sous contrat affectés au 2 e REP<br />

(légionnaires ou sous officiers subalternes). Tous ont<br />

séjourné en RCI sans autre mission extérieure au cours<br />

de l’année. L’âge moyen était de 29 ans (21/46 ans). La<br />

majorité des cas est survenue dans les trois premières<br />

semaines suivant le retour de mission, s’étalant jusqu’au<br />

début du mois de novembre soit 182 jours après le<br />

retour (fig. 1). Le pic de cas est survenu 16 jours francs<br />

après le retour de la mission avec déclaration de dix<br />

patients en cinq jours.<br />

Figure 1. Nombre de cas de paludisme par semaine au retour de RCI.<br />

84 j. samy


La durée moyenne d’hospitalisation fut de six jours<br />

avec prise en charge des cas au cabinet médical d’unité à<br />

hauteur d’environ 80 %. Trois patients se sont présentés<br />

spontanément dans un HIA respectant la consigne<br />

donnée au retour de zone impaludée. Signalons que trois<br />

autres patients en permission étrangère dans leur pays<br />

natal ont été pris en charge sur place dans des hôpitaux<br />

civils (Tchéquie, Lettonie, Pologne).<br />

La symptomatologie clinique (tab. I) était dominée<br />

par une hyperthermie (96,8 %), quatre cas présentant<br />

une température rectale supérieure à 40°, suivi au<br />

deuxième rang d’une asthénie, puis de signes digestifs.<br />

Environ 80 % des patients (25/32) étaient poly<br />

symptomatiques. Pour sept patients, le motif de<br />

consultation était un syndrome fébrile isolé. Un seul<br />

cas de paludisme grave, déclaré à J+15, a été noté avec un<br />

critère clinique (ictère conjonctival) et un critère<br />

biologique (Parasitémie > 6 %) selon l’OMS.<br />

Tableau I. Symptômes cliniques chez les 32 patients de notre série<br />

Pourcentages<br />

FIÈVRE 96,8 % (31)<br />

ASTHÉNIE 34,3 % (11)<br />

SIGNES DIGESTIFS 21,8 % (7)<br />

CÉPHALÉES 15,6 % (5)<br />

FRISSON 12,5 % (4)<br />

MYOARTHRALGIE 9,3 % (3)<br />

ICTÈRE CONJONCTIVAL 3,1 % (1)<br />

L’analyse de l’hémogramme chez 27 patients (cinq<br />

données manquantes) révèle 18 cas de thrombopénie<br />

modérée, 2 cas présentant une thrombopénie sévère à<br />

respectivement 28 000/mm 3 et 21 000/mm 3 . Seul cinq<br />

cas d’anémie mineure ont été répertoriés (min: 11,3g/dl).<br />

Un cas d’hyperleucocytose (18260/mm 3 ) avec syndrome<br />

inflammatoire biologique (crp = 117 mg/l) en rapport<br />

avec une infection associée a été mis en évidence ainsi<br />

qu’un cas de cytolyse hépatique modérée à 2,5 N.<br />

Les quatre espèces plasmodiales ont été enregistrées<br />

avec une très forte proportion de Plasmodium falciparum<br />

(27 cas) soit 84 % des cas (fig. 2).<br />

De plus, personne, quelque soit son expérience et son<br />

ancienneté, n’est susceptible d’être épargné: 50% des cas<br />

totalisant moins de 5 ans et 50 % plus de 5 ans de service.<br />

Enfin, sur les 35 dosages de doxycyclinémie plasmatique<br />

réalisés après le retour et destinés à évaluer<br />

l’observance (8), seuls sept prélèvements présentaient<br />

une concentration minimum journalière compatible avec<br />

une prise régulière, 26 dosages était négatifs et 2 à une<br />

concentration infrathérapeutique (fig. 3).<br />

Figure 2. Espèce plasmodiale observée chez les 32 patients.<br />

Discussion.<br />

À l’origine d’environ un million de morts annuellement<br />

(9), le paludisme est la maladie parasitaire la plus<br />

répandue dans le monde notamment dans les pays<br />

régulièrement fréquentés par l’armée française à<br />

l’occasion d’opérations extérieures ou de missions<br />

de courte durée.<br />

Dans ce cadre, le service de santé est confronté à<br />

deux types de paludisme. Le paludisme de mission<br />

est généralement bien traité du fait de la connaissance<br />

du risque encouru sur le terrain, de la prise de la<br />

chimioprophylaxie, des méthodes de diagnostic rapide<br />

(ICT, CORE MALARIA…) et de la vigilance des<br />

équipes soignantes permettant l’instauration rapide<br />

de soins adaptés.<br />

A contrario, le paludisme d’importation qu’on peut<br />

qualifier de paludisme de permission doit susciter une<br />

plus grande attention de la part du médecin d’unité. En<br />

effet, le risque palustre est rapidement oublié avec pour<br />

conséquence l’abandon de toute chimioprophylaxie, un<br />

diagnostic plus tardif; les praticiens civils en médecine de<br />

ville étant moins sensibilisés et moins au fait de la<br />

pathologie tropicale.<br />

Dans notre série comprenant 32 cas, si la majorité des<br />

cas est survenue trois semaines après le retour de zone<br />

palustre, il est à noter qu’une vigilance doit être observée<br />

plusieurs semaines voire plusieurs mois après la mission.<br />

Soulignons à cette occasion l’importance du recueil des<br />

données lors de l’interrogatoire et de l’analyse du livret<br />

médical (type de séjour, lieu, date…). Au total nous avons<br />

diagnostiqué 31 cas d’accès palustre simple, seul un cas<br />

grave est noté avec deux critères selon l’OMS. Ce chiffre<br />

est comparable aux autres études en France (10, 11) :<br />

plus de 90% des paludismes d’importation en France sont<br />

des formes simples. La symptomatologie de présentation<br />

est dominée par l’hyperthermie et l’asthénie. Les autres<br />

publications rapportent des résultats comparables<br />

quant aux différents signes d’appel. Notons cependant<br />

que le pourcentage de troubles digestifs dans notre<br />

Figure 3. Résultat des dosages plasmatiques de doxycyclinémie.<br />

paludisme d’importation au retour de l’opération « licorne » : à propos de 32 cas survenus au 2 e régiment étranger de parachutistes<br />

85


série est globalement plus faible (21,8 %) au regard<br />

d’autres études où la moyenne se situe autour des 50 %-<br />

60 % (12-14). En effet, le premier symptôme présenté par<br />

les patients étant l’hyperthermie, la latence courte entre<br />

l’évolution et le diagnostic du fait de l’encadrement<br />

médical explique peut-être cette différence. Sur le plan<br />

biologique, l’absence d’anémie est classique dans ces<br />

formes sans gravité. En revanche, la thrombopénie est<br />

fréquente (18/27). Selon la littérature (10), une<br />

thrombopénie inférieure à 150 000/mm 3 a une bonne<br />

valeur d’orientation dans un contexte clinique et<br />

épidémiologique évocateur.<br />

Concernant le diagnostic, le frottis sanguin reste la<br />

technique de première intention pour le diagnostic<br />

biologique permettant d’une part l’identification de<br />

l’espèce mais aussi un calcul de la parasitémie (10, 14,<br />

15). Si les tests de diagnostic rapide apportent<br />

effectivement une aide précieuse sur le terrain, le recours<br />

au frottis demeure indispensable (fig. 4, 5).<br />

Pour les cas de paludisme d’importation, le Plasmodium<br />

falciparum est l’espèce la plus souvent mise en cause<br />

(16-18). Dans notre étude, le P. falciparum est identifié<br />

dans 84,3 % des cas, chiffre identique à celui rapporté<br />

par le centre national de référence pour les maladies<br />

d’importation (85 %) (16). Mais tous les cas ne sont pas<br />

incidents : espèce non présente en Afrique de l’ouest, la<br />

présence d’un accès à P. vivax témoigne de récidive<br />

d’infection paludique ancienne contractée en Guyane<br />

(séjour 20 mois auparavant). Moins de 3 % des<br />

infestations palustres doubles sont diagnostiquées<br />

en France (18) et aucun cas dans notre étude.<br />

Vis-à-vis de l’observance, les résultats de doxycyclinémie<br />

plasmatique démontre que la prise<br />

Figure 4. Test rapide positif à P. Falciparum.<br />

Figure 5. Frottis correspondant (parasitémie à 3 %) (© Samy J.).<br />

médicamenteuse est pour le moins épisodique une fois la<br />

mission terminée.<br />

L’analyse complémentaire des données montre que la<br />

plupart des patients présentant une concentration<br />

plasmatique nulle ont arrêté leur prise dans la semaine<br />

du retour.<br />

À titre de comparaison, sur la population française se<br />

rendant en zone à risque, l’allégation d’une prise de<br />

chimioprophylaxie est retrouvée chez 40 % de ces<br />

personnes et seulement 11,5 % d’entre elles prétendent<br />

l’avoir suivie de manière régulière.<br />

Ces résultats amènent donc à s’interroger sur<br />

l’efficacité du programme d’éducation sanitaire.<br />

Pourtant le faible nombre de cas de paludismes sur<br />

le terrain illustre l’implication du commandement<br />

du 2 e REP dans la lutte contre le paludisme et notamment<br />

dans la prise de la chimioprophylaxie. Il est donc<br />

évident qu’il existe dès le retour en France un manque<br />

d’adhésion de nos militaires à la politique de prophylaxie<br />

du paludisme.<br />

Ainsi, il est permis de s’interroger sur l’opportunité<br />

d’une chimioprophylaxie par doxycycline qui nécessite<br />

une prise prolongée au retour, au regard des avantages<br />

d’une chimioprophylaxie par Malarone ® dont la durée<br />

de prise au retour égale à sept jours permet l’optimisation<br />

de l’observance.<br />

Quoiqu’il en soit, il est souhaitable que tous les patients<br />

bénéficient dès leur retour d’une zone d’endémie palustre<br />

d’une visite médicale afin de revoir les modalités de la<br />

prise de la chimioprophylaxie, de son observance et<br />

d’informer par la remise d’une feuille individualisée sur<br />

le risque potentiel d’accès palustre.<br />

Enfin, concernant la prise en charge des accès<br />

palustres, la conférence de consensus de 1999 (13)<br />

recommandait une hospitalisation systématique<br />

des accès palustres simples d’une durée minimum<br />

de 24 heures afin de s’assurer d’une part de l’observance<br />

mais surtout de la tolérance au traitement. La revue<br />

de la littérature montre qu’en France 97 % des patients<br />

ont été hospitalisés avec une durée de moyenne de<br />

séjour de 48 heures (19). Dans notre l’étude, 80 % des<br />

cas ont été traités au cabinet médical d’unité (25 lits<br />

d’hospitalisation). En effet, compte tenu de l’isolement<br />

86 j. samy


géographique du 2 e REP et de l’absence de structure<br />

de soins sur Calvi, la prise en charge des accès simples<br />

sur place nous a paru être la meilleure solution. Elle<br />

suppose bien sûr une disponibilité entière des<br />

soignants, une formation adaptée des équipes<br />

paramédicales, une vigilance accrue de l’ensemble<br />

du personnel du cabinet médical et une relation étroite<br />

notamment téléphonique avec les spécialistes du service<br />

de santé de l’hôpital de rattachement, le service<br />

de maladies tropicales et infectieuses de HIA Laveran<br />

dans notre cas.<br />

Conclusion.<br />

Le paludisme demeure un enjeu majeur à l’échelle<br />

planétaire (300 millions de cas par an dont un million de<br />

décès). La surveillance du paludisme d'importation, tant<br />

pour le Service de santé que sur le plan national, contribue<br />

à maintenir la vigilance vis-à-vis de cette affection qui<br />

constitue une urgence médicale pouvant parfois mettre en<br />

jeu le pronostic vital du patient.<br />

Si le paludisme de mission est relativement bien jugulé,<br />

l’attention doit se porter au retour du fait d’un relâchement<br />

de la vigilance à l’échelon individuel et collectif.<br />

Le nombre de cas de paludisme d’importation, du fait<br />

d’une exposition plus importante, est en augmentation<br />

dans les armées. Le relâchement inhérent au retour en<br />

métropole engendre le plus souvent une inobservance,<br />

voire un abandon de la chimioprophylaxie. Ce phénomène<br />

doit inciter le service et le commandement à une vigilance<br />

soutenue et peut-être à proposer de nouvelles solutions :<br />

modification du schéma de chimioprophylaxie ou des<br />

programmes d’éducation sanitaire, visite médicale<br />

systématique au retour…<br />

Quoi qu’il en soit, si le militaire appelé à séjourner dans<br />

une zone d’endémie est effectivement susceptible de<br />

présenter un paludisme de mission et de permission,<br />

rappelons la nécessité d’observer les mesures de<br />

protection personnelle et collective vis-à-vis du risque<br />

vectoriel, «la chimioprophylaxie ne servant qu’à boucher<br />

les trous de la moustiquaire ».<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

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Bailliére 1929.<br />

2. Danis M, Legros F, Thellier M, Caumes E et les correspondants du<br />

réseau CNRMI. Données actuelles sur le paludisme en France<br />

métropolitaine. Med Trop 2002 ; 62 : 214-8.<br />

3. Legros F, Danis M. Surveillance of malaria in European Union<br />

Countries. Euro Surveill 1998 ; 3 (5) : 45-7.<br />

4. Legros F, Pichard E, Danis M et les correspondants du réseau<br />

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épidémiologiques en France 1999-2001. Med Mal Infect 2003 ; 33<br />

(suppl B) : 3-5.<br />

5. Casalino E, Lebras J, Chaussin F, Fichelle A, Bouvet E. Predictive<br />

factors of malaria in travelers to areas where malaria is endemic.<br />

Arch Int Med 2002 ; 162 : 1625-30.<br />

6. Bouchaud O. Paludisme, les patients ne manquent pas, mais le<br />

marché fait défaut. Rev Prat 2005 ; 55 (8) : 829.<br />

7. Surveillance épidémiologique du paludisme dans les armées<br />

en 2005. Document 561/IMTSSA/DESP/USE.<br />

8. Carlotti MP. Résultats de dosage plasmatique de doxycycline<br />

2006. Rapport en date du 18/7/2006 ; BE N° 221/IMTSSA/<br />

URPPP/CHIMIEPARA.<br />

9. Boutin JP, Pradines B, Pagès F, Legros F, Rogier C, Migliani R.<br />

Épidémiologie du paludisme. Rev Prat 2005 ; 55 (8) : 833-40.<br />

10. Douzième conférence de consensus en thérapeutique anti infectieuse :<br />

prise en charge et prévention du paludisme d’importation à<br />

plasmodium falciparum. Bull Soc Pathol Exot 2001, 94(2 bis) : 215-9.<br />

11. Tattevin P, Chevrier S, Arvieux C, Souala F, Chapplain JM, Bouguet<br />

J et al. Augmentation du paludisme d’importation à Rennes : étude<br />

épidémiologique et analyse de la chimioprophylaxie et des traitements<br />

curatifs. Med Mal Infect 2002 ; 32 : 418-26.<br />

12. Soraa N, Moudden MK, Moutaj R, Zyani M, Hda A, Jana M.Paludisme<br />

d’importation à l’hôpital militaire Avicenne de<br />

Marrakech. À propos de 68 cas en quatre ans. Médecine et Armées<br />

2006 ; 34 (5) : 463-7.<br />

13. Badiaga S, Duigou F, Brouqui P, Carpentier JP, Hovette P, Martin C et<br />

al. Étude des aspects épidémiologiques et cliniques initiaux de 42 cas<br />

de paludisme grave d’importation à Marseille. Feuillets de biologie<br />

2004 ; 45 (261) : 33-7.<br />

14. Svenson JE et al. Imported malaria. Clinical presentation and<br />

examination of symptomatic travellers. Arch Intern Med 1995 ; 155 :<br />

861-8.<br />

15. Petithory JC, Ardoin-Guidon F. Parasites sanguins : diagnostic<br />

biologique. Bioforma 2001 ; 23 : 5-194.<br />

16. Legros F, Danis M, Gay F, Gentilini M. Paludisme en France<br />

métropolitaine en 1997. Bull CNRMI 1998 ; 14 :1-59.<br />

17. Ralaimazava P, Durand R, Godineau N, Keundjian A, Jezic Z,<br />

Pradines B. Profil et évolution de la chimiosensibilité du paludisme<br />

d’importation à Plasmodium falciparum en France en 2000. Euro<br />

Surveill 2002 ; 7 (7-8) : 113-8.<br />

18. Snounou G, Viriakosol S, Jarra W, Thaithong S et al. Identification pf<br />

the four human species in field samples by the polymerase chain<br />

reaction and detection of a high prevalence if mixed infections. Mol<br />

Bioch Parasitol 1993 ; 58 : 283-92.<br />

19. Talarmin F, Sicard JM, Mounem M, Verrot D, Husser JA. Paludisme<br />

d’importation en Moselle : à propos de 75 cas en 3 ans. Rev Med<br />

Interne 2000 ; 21 : 242-6.<br />

paludisme d’importation au retour de l’opération « licorne » : à propos de 32 cas survenus au 2 e régiment étranger de parachutistes<br />

87


VIENT DE PARAÎTRE<br />

TOXICOLOGIE NUCLÉAIRE<br />

ENVIRONNEMENTALE ET HUMAINE<br />

Marie-Thérèse MÉNAGER, Jacqueline GARNIER-<br />

LAPLACE, Max GOYFFON<br />

Dans la phase actuelle qui voit s’affirmer une renaissance du<br />

nucléaire civil, le développement de nouveaux champs de<br />

recherche est impératif. Comment pourrait-on, en effet,<br />

méconnaître ou simplement négliger les processus<br />

géochimiques impliqués dans l’accumulation d’éléments<br />

chimiques radioactifs ou stables, et la toxicité qui en découle ?<br />

Toxicologie nucléaire environnementale et humaine développe<br />

plus spécifiquement les connaissances acquises sur les éléments<br />

suivants uranium, plutonium, césium, iode, cadmium, sélénium,<br />

cobalt, tritium et carbone 14. Cet ensemble permet de répondre<br />

au mieux aux demandes grandissantes de la toxicologie et de<br />

l’écotoxicologie prédictives pour l’évaluation comme pour la<br />

gestion des risques environnementaux et sanitaires.<br />

L’ouvrage est articulé en cinq parties :<br />

– la première partie est consacrée au comportement des<br />

espèces chimiques dans la biosphère, particulièrement chez le vivant spéciation, biodisponibilité,<br />

voies de transfert, flux biogéochimiques, acteurs moléculaires du transport dans le vivant ;<br />

– les deuxième et troisième parties. qui abordent les mécanismes moléculaires et cellulaires des<br />

interactions chez le vivant des éléments retenus, en analysent le retentissement sur les grandes<br />

fonctions des organismes et les conséquences sur la santé humaine et les écosystèmes ;<br />

– la quatrième partie propose une synthèse de l’état des connaissances élément par élément. Outre<br />

des informations opérationnelles sur leurs propriétés physicochimiques, leur origine, leur<br />

concentration dans les différents milieux de la biosphère. On y trouvera des indications en matière<br />

de gestion du risque et les données de base d’une analyse qualitative et quantitative des voies<br />

d’exposition de l’environnement et de l’homme ;<br />

– la cinquième partie traite des nouveaux développements technologiques ouverts grâce aux<br />

progrès des connaissances. Les champs d’applications, multiples et complémentaires, vont de la<br />

détection aux traitements de contaminations, de l’environnement à l’homme.<br />

Cet ouvrage collectif s’adresse aux chercheurs, aux ingénieurs, aux professionnels et aux étudiants<br />

des différentes disciplines biologiques et chimiques du large domaine de l’environnement et du<br />

monde de la santé.<br />

Les auteurs :<br />

Marie-Thérèse MÉNAGER : elle assure depuis 2001 au sein de la direction des sciences du visant du<br />

CEA (Commissariat à l’énergie atomique) la coordination scientifique des programmes « toxicologie<br />

nucléaire » puis « toxicologie nucléaire environnementale ». Elle s’est tout particulièrement attachée<br />

à l’interface chimie-biologie et à la diffusion des résultats de ces recherches.<br />

Jacqueline GARNIER-LAPLACE : elle dirige au sein de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté<br />

nucléaire) un service principalement dédié la recherche en support de l’expertise dans le domaine<br />

de l’évaluation des risques environnementaux associés aux substances radioactives. Elle assure<br />

également la coordination scientifique du volet environnement du programme EnvitHom.<br />

Max GOYFFON : docteur en médecine, docteur ès science, ancien directeur scientifique du Centre de<br />

recherche du Service de santé des armées, est professeur au Muséum national d’histoire naturelle.<br />

ISBN : 978 27430 1174 1 – Format : 16x25 cm – Pages : 750 – Prix : 185 € – Éditions TEC & DOC – EMINTER – Lavoisier,<br />

11 rue Lavoisier, 75008 Paris – Tél. : 33 (0) 1 42 65 39 956 – Fax : 33 (0) 1 42 65 02 46 – Internet : www.Lavoisier.fr<br />

88 j. samy


Mise au point<br />

Attentats au chlore en Irak : utilisation d’un toxique chimique<br />

en combat asymétrique.<br />

P. Burnat a , C. Renard b , F. Dorandeu d , C. Lefevre c , C. Bodelot c , F. Ceppa a , F. Fontaine e .<br />

a Laboratoire de biochimie toxicologie et pharmacologie clinique HIA Bégin 69 avenue de Paris – 94160 Saint Mandé.<br />

b Laboratoire de biochimie toxicologie et pharmacologie clinique HIA Percy 101 avenue Henri Barbusse – 92141 Clamart.<br />

c Centre de défense NBC, Quartier Bessières, avenue Maréchal Foch – 49049 Saumur.<br />

d Département de toxicologie, IRBA-CRSSA, 24 avenue des maquis du Grésivaudan – 38702 La Tronche.<br />

e Institut national de l’environnement industriel et des risques, parc technologique Alata BP2 – 60550 Verneuil-en-Halatte.<br />

Article reçu le 25 juin 2009, accepté le 31 aout 2009.<br />

Résumé<br />

Les attentats utilisant du chlore ont fait en 2007 des centaines de victimes en Irak dans les populations civiles et chez les<br />

militaires. Cette forme d’agression chimique utilisant un produit industriel est novatrice dans le cadre de conflits<br />

asymétriques. Le chlore apparait comme un agent de choix du fait des quantités importantes disponibles et de son<br />

utilisation fréquente notamment comme agent désinfectant de l’eau. Après un rappel des propriétés toxicologiques du<br />

chlore et des risques d’exposition, les attentats perpétrés en Irak sont décrits à l’aide des informations disponibles et le<br />

risque d’attentats chimiques dans un contexte de conflit asymétrique est discuté.<br />

Mots clés : Attentat. Chlore. Conflit asymétrique. Irak. Risque chimique.<br />

Terrorist attacks with chlorine in Iraq: use of chemical toxic substance in asymmetric fighting.<br />

Abstract<br />

In 2007, several terrorist attacks were performed using chlorine in Iraq and caused many hundreds victims in the civilian<br />

and military populations. This type of chemical aggression using an industrial product is innovative during asymmetric<br />

conflicts. Chlorine appears as an agent of choice owing to the important quantities that are available worldwide and its<br />

frequent use including water disinfecting agent. After a short review of the toxicology of chlorine and exposure risks, the<br />

terrorist attacks that took place in Iraq are described based on the available information and the risk of chemical attacks<br />

in asymmetric conflict is discussed.<br />

Keywords: Asymmetric conflict. Chemical risk. Chlorine. Iraq. Terrorist attack.<br />

Introduction.<br />

Après sa découverte par le pharmacien suédois Scheele<br />

(1772), le médecin et chimiste français Berthollet met en<br />

évidence les propriétés blanchissantes du chlore sur le<br />

linge (1785). Il est alors fabriqué dans le village de Javel<br />

(actuellement dans Paris 15 e ) d’où le nom d’eau de<br />

Javel. Percy utilise l’eau de chlore pour lutter contre la<br />

P. BURNAT, pharmacien chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce. C.<br />

RENARD, pharmacien en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. F.<br />

DORANDEU, pharmacien en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. C.<br />

LEFEVRE, lieutenant colonel, directeur général de la formation CDNBC. C.<br />

BODELOT, pharmacien principal. F. CEPPA, pharmacien en chef, professeur agrégé<br />

du Val-de-Grâce. F. FONTAINE, responsable sécurité globale et terrorisme. INERIS.<br />

Correspondance : P. BURNAT, laboratoire de biochimie toxicologie et<br />

pharmacologie clinique, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94160 Saint Mandé.<br />

E-Mail: pascal.burnat@santarm.fr<br />

pourriture de l’hôpital et le professeur Dakin réalise une<br />

solution tamponnée antiseptique à base d’hypochlorite<br />

durant la première guerre mondiale.<br />

C’est l’utilisation du chlore pour ses propriétés<br />

suffocantes par les Allemands dans le secteur d’Ypres en<br />

Belgique le 22 avril 1915 qui marque la véritable<br />

naissance de la guerre chimique. Cette attaque, mise au<br />

point par le chimiste et futur prix Nobel Fritz Haber, a pris<br />

par surprise les 15 000 hommes des troupes alliées<br />

présents, provoquant de nombreuses victimes (800<br />

morts) et laissant chez les survivants de lourdes séquelles<br />

respiratoires. C’est également le début de « l’escalade<br />

chimique » dans ce conflit, avec la mise au point d’autres<br />

gaz suffocants plus toxiques comme le phosgène puis de<br />

vésicants comme l’ypérite. Le chlore est classé comme un<br />

agent de guerre létal non persistant mais il représente<br />

essentiellement un risque civil (1, 2).<br />

médecine et armées, 2010, 38, 1, 89-96 89


Le chlore fait partie des dix agents chimiques les plus<br />

produits dans le monde: 53 millions de tonnes annuelles<br />

dont 15 aux États-Unis et 10 en Europe (1,5 en France).<br />

Les quantités considérables de chlore stockées et<br />

transportées augmentent les risques d’accidents. Les<br />

risques d’attentat ne doivent pas être négligés comme le<br />

prouvent les événements récents en Irak où des camions<br />

chargés de conteneurs de chlore ont servi pour des<br />

attentats suicides contre les populations civiles et les<br />

militaires locaux ou étrangers déployés sur place. Il<br />

s’agissait d’un terrorisme d’opportunité et de mise en<br />

œuvre aisée, le chlore étant largement utilisé localement<br />

pour le traitement de l’eau.<br />

Cet agent chimique, ou un autre toxique industriel,<br />

pourrait être employé pour des attentats perpétrés contre<br />

nos armées en opérations extérieures (OPEX) (3) voire<br />

dans le cadre d’opérations terroristes sur le territoire<br />

national. Cette utilisation des toxiques chimiques est<br />

particulièrement bien adaptée aux conflits qualifiés<br />

d’asymétriques, concept récent, qui représentent le type<br />

d’engagement le plus fréquent actuellement, notamment<br />

pour les armées françaises. Après avoir rappelé la toxicité<br />

du chlore, nous présenterons les principaux risques<br />

d’exposition en illustrant le risque terroriste par les<br />

événements survenus en Irak en 2007.<br />

La toxicité par inhalation d’un agent chimique peut être<br />

exprimée à l’aide de différentes valeurs selon l’objectif<br />

assigné : protection des personnes en cas d’accident<br />

(immediately dangerous to life or health concentration :<br />

IDLH, emergency response planification guideline :<br />

ERPG, acute exposure guideline level: AEGL, seuils des<br />

effets irréversibles: SEI, seuils des effets létaux: SEL) et<br />

pour la protection des travailleurs la VLE (déjà évoquée)<br />

ou la valeur moyenne d’exposition (VME) (glossaire,<br />

fig. 1, tab. I, II). La toxicité et la symptomatologie<br />

associée dépendent non seulement de la concentration<br />

dans l’atmosphère respirée mais aussi de la durée<br />

d’exposition et de la fréquence respiratoire.<br />

Toxicité du chlore.<br />

Aspects physico-chimiques.<br />

Le chlore se présente sous forme gazeuse à température<br />

ambiante, sa température d’ébullition est de -34 °C. Plus<br />

lourd que l’air avec une densité de 2,4 il reste près du sol et<br />

remplit les creux du terrain. C’est un gaz dont la couleur<br />

jaune verdâtre est à l’origine du nom (grec khlôros : vert).<br />

Son odeur caractéristique est facilement détectée par<br />

l’homme à partir de 0,3 à 0,7 ppm (à 25 °C et à 101 kPa, 1<br />

ppm = 2,9 mg.m -3 ) alors que la valeur limite d’exposition<br />

(VLE) professionnelle est de 0,5 ppm. L’odorat est donc un<br />

moyen de détection très performant. Il faut cependant<br />

noter qu’en cas d’exposition chronique (quelques années)<br />

ce seuil de détection olfactive peut s’élever à 2,8 ppm (2).<br />

Le chlore réagit avec l’eau en produisant de l’acide<br />

chlorhydrique (HCl) et de l’acide hypochloreux (HClO):<br />

Cl 2 +H 2 O ⇔ 2HCl + 1/2 O 2<br />

Cl 2 +H 2 O ⇔ HCl +HClO<br />

L’HClO instable va à son tour libérer de l’HCl et du<br />

dioxygène; l’équation globale est alors:<br />

2 Cl 2 +2 H 2 O ⇔ 4HCl + O 2<br />

Symptomatologie et prise en charge<br />

médicale.<br />

Au niveau des muqueuses la production d’acide<br />

chlorhydrique et d’oxygène engendre des lésions<br />

corrosives et œdémateuses des voies aériennes profondes<br />

(4-7). Les radicaux libres de l’oxygène et l’HClO<br />

provoquent des lésions tissulaires. L’HClO réagit avec les<br />

protéines cellulaires pour former des chloramines qui<br />

détruisent la structure cellulaire à l’origine d’un œdème<br />

aigu des poumons (OAP) de type lésionnel.<br />

Figure 1. Courbes des seuils olfactifs, SEI et SEL en fonction du temps<br />

d’exposition. (1, 39).<br />

Comme pour les autres toxiques notamment ceux sous<br />

forme gazeuse, il faut extraire les victimes de la zone à<br />

risque vers une zone indemne de toxique. Les sauveteurs<br />

ou les troupes engagées dans une zone à risque de chlore,<br />

Tableau I. Seuils de toxicité aiguë du chlore. DRC-08-94398-10645A. INERIS.<br />

Les seuils des effets réversibles (SER) ne sont pas définis pour le chlore. (1, 39).<br />

Concentrations<br />

Seuil des effets<br />

létaux (5 %)<br />

significatifs SELS<br />

-mg/m 3<br />

-ppm<br />

Seuil des premiers<br />

effets létaux (1 %)<br />

SPEL<br />

-mg/m 3<br />

-ppm<br />

Seuil des effets<br />

irréversibles SEI<br />

-mg/m 3<br />

-ppm<br />

Temps (min)<br />

1 10 20 30 60<br />

3 138<br />

1 082<br />

2 639<br />

910<br />

319<br />

110<br />

940<br />

324<br />

812<br />

280<br />

119<br />

41<br />

655<br />

226<br />

580<br />

200<br />

87<br />

30<br />

531<br />

183<br />

464<br />

160<br />

72,5<br />

25<br />

368<br />

127<br />

319<br />

110<br />

55<br />

19<br />

90 p. burnat


Tableau II. Valeurs limites d’exposition dans le cas d’exposition aiguë hors du<br />

cadre professionnel. Les ERPG et les AEGL (voir glossaire) sont<br />

respectivement des valeurs de 1998 et de 2004. Les valeurs sont exprimées en<br />

ppm. La durée d’exposition considérée pour les ERPG est d’une heure au<br />

maximum (1, 39).<br />

10 min 30 min 60 min 4h 8h<br />

AEGL-1 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5<br />

AEGL-2 2,8 2,8 2,0 1,0 0,71<br />

AEGL-3 50 28 20 10 7,1<br />

ERPG-1 - - 1 - -<br />

ERPG-2 - - 3 - -<br />

ERPG-3 - - 20 - -<br />

doivent être équipés d’un appareil de protection<br />

respiratoire adapté (appareil respiratoire isolant ou<br />

masque des armées avec une cartouche adaptée).<br />

La cartouche filtrante classique en dotation dans les<br />

armées, A2B2P3, est suffisante (protection contre<br />

5 000 ppm pendant plus de 11 minutes). Dans le cas<br />

des agents suffocants comme le chlore, l’effort<br />

physique facilite l’absorption pulmonaire du toxique :<br />

il conviendra donc de le limiter.<br />

Il n’existe pas de paramètre biologique caractéristique<br />

et la surveillance biologique classique suffit<br />

(ionogramme, NFS, hématocrite). Les gaz du sang seront<br />

importants pour les patients hospitalisés. En l’absence de<br />

perturbations dans les quatre à six heures après exposition,<br />

il est probable que le pronostic vital ne sera pas engagé<br />

(8). Le diagnostic se fait essentiellement sur l’examen<br />

clinique et l’interrogatoire du patient. Les symptômes<br />

sont essentiellement pulmonaires et oculaires.<br />

Atteinte pulmonaire.<br />

Elle se caractérise par la succession de trois phases<br />

décrites avec les suffocants (2):<br />

– une phase d’agression. Elle est dominée par une toux<br />

irritative très fréquemment retrouvée (deux tiers des cas).<br />

La toux est associée à une dyspnée dans un quart des<br />

91 cas d’intoxications domestiques et industrielles<br />

décrites par Guerrero (9). Une dysphonie voire une<br />

aphonie apparaît associée à des douleurs rétrocostales<br />

(2). Dans cette phase peuvent survenir des signes<br />

généraux comme céphalées, nausées et vomissements;<br />

– une phase asymptomatique. Elle est d’autant<br />

plus courte que l’intoxication est sévère et/ou que la<br />

victime a eu une grande activité physique. Cette phase<br />

d’amélioration ou de régression trompeuse peut durer<br />

plusieurs heures;<br />

– une phase d’aggravation. Elle débute par une toux,<br />

une dyspnée, une respiration rapide, une cyanose avec<br />

aggravation progressive. Cette symptomatologie est liée<br />

à l’atteinte bronchoalvéolaire caractéristique d’un OAP<br />

lésionnel pouvant évoluer vers un syndrome de détresse<br />

respiratoire aigu (SDRA) ainsi qu’à un bronchospasme<br />

persistant (10-12). Le bronchospasme risque d’être plus<br />

sévère chez les victimes présentant des antécédents<br />

de type allergique notamment. L’hypoxie hypoxémique<br />

peut être sévère. Le caractère lésionnel de l’OAP<br />

s’exprime chez les personnes décédées par une nécrose<br />

épithéliale bronchiolaire et bronchique, un œdème et<br />

des hémorragies dans les espaces (2). La séquestration<br />

liquidienne dans les poumons est susceptible d’entraîner<br />

de l’hypotension.<br />

Chez les patients survivants, des anomalies obstructives<br />

et/ou restrictives sont décrites à court et moyen terme sans<br />

que la plupart des cas présente des séquelles à long<br />

terme (2). Un syndrome de dysfonctionnement réactif<br />

des voies aériennes ou syndrome de Brooks peut<br />

néanmoins survenir (13, 14).<br />

Le traitement est basé sur l’administration précoce<br />

d’oxygène. La ventilation en pression positive de fin<br />

d’expiration semble intéressante. L’usage de bronchodilatateurs<br />

est particulièrement indiqué lorsque<br />

l’hypercapnie est avérée. Les diurétiques n’amènent pas<br />

d’amélioration mais s’ils sont utilisés, une surveillance<br />

est indispensable surtout si la ventilation en pression<br />

positive de fin d’expiration est instaurée (mesure de la<br />

pression artérielle pulmonaire occlusive en particulier).<br />

L’usage des corticoïdes est controversé et il n’y a pas<br />

d’études cliniques randomisées. Dans l’étude de<br />

Guerrero (9), 15 des 91 victimes ont été traitées par une<br />

association de corticostéroïdes et de bronchodilatateurs,<br />

11 par l’une ou l’autre de ces thérapies. Ils ne semblent<br />

pouvoir amener de bénéfices que lorsqu’ils sont<br />

administrés très précocement. Toutefois, ils restent<br />

intéressants dans le bronchospasme sévère. La<br />

surveillance respiratoire est indispensable et en cas<br />

d’insuffisance respiratoire, l’intubation et ventilation<br />

contrôlée seront réalisées (4) avec des volumes courants<br />

de l’ordre de 7ml/kg pour limiter les lésions pulmonaires.<br />

À la suite des travaux historique de Barbour en 1919 (15),<br />

des études ont suggéré un intérêt pour la morphine (16,<br />

17) mais les données sont insuffisantes.<br />

Autres atteintes.<br />

L’atteinte oculaire est caractérisée par une irritation et<br />

des larmoiements. Le lavage des yeux à grande eau doit<br />

durer au moins dix minutes (2).<br />

Les atteintes cutanées sont plus rares, à l’exception des<br />

expositions professionnelles à de fortes concentrations<br />

et/ou du chlore liquide. Dans ces cas, le lavage doit être<br />

très rapide avec des quantités importantes d’eau. En cas<br />

de situation sanitaire dégradée et d’un grand nombre de<br />

victimes, l’utilisation d’une aspersion au moyen de lances<br />

à jet diffusé peut être préconisée.<br />

Le traitement local de ces brûlures chimiques est non<br />

spécifique et repose sur l’application quotidienne sur<br />

les lésions de sulfadiazine argentique en crème pendant<br />

huit à dix jours (18).<br />

Toutefois, il est important de rappeler que dans la<br />

plupart des cas d’exposition, en particulier au chlore<br />

gazeux, s’il n’est pas utile de réaliser une décontamination<br />

complète, le déshabillage reste une étape indispensable.<br />

L’évacuation rapide des victimes des attentats d’Irak, sans<br />

déshabillage, a ainsi provoqué quelques intoxications<br />

mineures chez les personnels médicaux américains.<br />

attentats au chlore en Irak : utilisation d’un toxique chimique en combat asymétrique<br />

91


Prise en charge américaine.<br />

À titre de retour d’expérience en Irak, après l’attaque du<br />

16 mars 2007, le Service de santé américain de la base de<br />

Fallujah a pris en charge les dix victimes irakiennes<br />

intoxiquées les plus graves. Le transport des blessés a été<br />

réalisé par du personnel portant un masque. Les blessés<br />

présentaient des troubles pulmonaires graves :<br />

pneumothorax et infiltration bilatérale ; OAP survenant<br />

parfois plusieurs jours (2-4 jours) après l’intoxication. La<br />

prise en charge a été essentiellement marquée après une<br />

mesure de la saturation en oxygène par un oxymètre de<br />

pouls, d’une intubation précoce et d’un traitement<br />

symptomatique de soutien respiratoire. Une<br />

antibiothérapie (colistine, méropénem, vancomycine) a<br />

été mise en œuvre dans les cas d’infection pulmonaire. Du<br />

salbutamol a été utilisé dans quelques cas. L’extubation a<br />

été réalisée après cinq à neuf jours, la sortie a été effectuée<br />

entre quatre et quinze jours après l’admission. Sur les dix<br />

victimes graves prises en charge une petite fille de 8 ans<br />

est décédée après neuf jours de traitement avec<br />

l’apparition d’un pneumothorax, d’une infiltration<br />

bilatérale, d’une infection dans un tableau de défaillance<br />

cardiaque fatale (19).<br />

Risques industriels et domestiques.<br />

Les emplois du chlore dans l’industrie sont<br />

essentiellement liés à la fabrication du polychlorure de<br />

vinyle (PVC) et des polyuréthanes, la synthèse<br />

médicamenteuse, l’eau de Javel, l’acide chlorhydrique et<br />

les solvants chlorés. Le chlore est un oxydant et en tant<br />

que tel utilisé directement ou sert à la fabrication de<br />

produits destinés au blanchiment des pâtes à papier.<br />

Du fait de cette large utilisation industrielle, des<br />

accidents peuvent survenir. Parmi les plus graves citons:<br />

– Yougstown (États-Unis). En 1978, huit personnes<br />

sont tuées et 114 blessées après le déraillement puis la<br />

fuite d’un wagon-citerne de chlore qui nécessite<br />

l'évacuation de 3 500 personnes dans une zone de<br />

100 km 2 . L'enquête conclut à un attentat (20);<br />

– Mississauga près de Toronto (Canada). Le<br />

10 novembre 1979 vers minuit un train de marchandise<br />

déraille dans une zone industrielle. L’accident provoque<br />

l’explosion d’un réservoir de propane et un important<br />

incendie se déclenche. Le train comprend des wagons de<br />

chlore, 220 000 personnes résidant à Mississauga, dont<br />

les patients et personnels de trois hôpitaux, sont évacuées<br />

ce qui représente une évacuation urbaine majeure. Elle se<br />

déroule sans problème notable (21);<br />

– Diyarbakir, (Turquie), octobre 2000, 106 personnes<br />

sont prises en charge après un accident dont 37 sévèrement<br />

touchées et hospitalisées. Les principaux symptômes<br />

sont une dyspnée, une respiration sifflante et de la toux.<br />

Le traitement est basée sur une oxygénothérapie seule<br />

(43 %), associée à de la méthylprednisolone (30 %) et en<br />

plus à du salbutamol (24 %) (22);<br />

– Caroline du sud (États-Unis). En 2005 neuf personnes<br />

sont tuées et 250 blessées après un accident de train ayant<br />

libéré 60 tonnes de chlore.<br />

En dehors du contexte de synthèse industrielle, le<br />

chlore est largement utilisé comme désinfectant pour le<br />

traitement des eaux destinées à l’alimentation ou dans le<br />

traitement des eaux de piscine qu’elles soient collectives<br />

ou privées. Ces activités représentent une source très<br />

fréquente d’intoxication (23, 24). De nombreux accidents<br />

domestiques sont également liés à des mélanges<br />

extemporanés d’un acide fort (certains produits<br />

détartrants) et d’eau de Javel. Avec les autres produits<br />

chimiques suffocants, l’ammoniac et le phosgène, du fait<br />

des tonnages utilisés et de sa dangerosité sous forme<br />

gazeuse, le chlore a été identifié comme l’une des<br />

substances chimiques devant être considérée dans le<br />

risque chimique industriel pour les troupes en opération<br />

(International task force (ITF 40)). Il fait partie depuis des<br />

listes de toxiques considérés par l’OTAN, le ministère de<br />

la Défense français et dans la liste de l’USACHPPM<br />

(United States Army Center for Health Promotion and<br />

Preventive Medecine) (8, 25, 26).<br />

Pour la détection du chlore l’appareil portatif de<br />

contrôle de la contamination chimique (AP2C) ne<br />

présente aucun intérêt car il est uniquement destiné à la<br />

détection des composés phosphorés (par exemple les<br />

neurotoxiques organophosphorés) et soufrés (par<br />

exemple les moutardes au soufre comme l’ypérite). La<br />

version AP4C, en phase de mise en place dans les unités,<br />

ne permet pas non plus de détecter le chlore. En<br />

conséquence, seul l’odorat qui a un seuil très bas (< 1<br />

ppm) et le tube Dräeger spécifique (ref 67 28 411 ;<br />

domaine standard de mesure 0,3 à 5 ppm pour 20 coups de<br />

pompe) peuvent se montrer utiles.<br />

Attentats en Irak.<br />

Les descriptions, souvent très sommaires, des attentats<br />

en Irak sont essentiellement basées sur des dépêches<br />

d’agences d’information et des sites internet souvent<br />

devenus indisponibles actuellement! La situation locale<br />

chaotique explique les difficultés d’obtention de<br />

données rigoureuses et vérifiables: elles sont regroupées<br />

sous toutes réserves dans le tableau III. De janvier à<br />

début juillet 2007, la vingtaine d’attentats perpétrés<br />

auraient fait plus d’une centaine de morts et environ 800<br />

blessés et/ou intoxiqués à des degrés très divers. Les<br />

victimes décédées et les blessés ont été comptabilisés<br />

le plus souvent globalement sans faire la différence<br />

entre les victimes de l’explosion et celles intoxiquées<br />

par le chlore, les deux causes pouvant être intriquées (27-<br />

30). Le fait d’associer le chlore à un explosif puissant<br />

limite sa toxicité car il est volatilisé et en partie détruit ce<br />

qui ne serait pas le cas s’il était simplement libéré<br />

rapidement en tenant compte du sens du vent comme<br />

durant la première guerre mondiale.<br />

Les attentats, généralement de type suicide, sont<br />

essentiellement attribués à Al-Quaeda. Cette entreprise<br />

terroriste est en effet connue pour son intérêt<br />

pour les toxiques chimiques (31). Ils ont eu lieu<br />

notamment à des points de contrôle où les victimes<br />

appartenaient aux forces irakiennes ou américaines.<br />

D’autres attaques étaient destinées à tuer un nombre<br />

le plus élevé possible de civils essentiellement<br />

sunnites lorsque les camions explosaient dans une<br />

zone résidentielle, près d’un restaurant ou d’un marché<br />

en plein air (tab. III). L’un des principaux sites d’explosion<br />

92 p. burnat


Tableau III. Résumé des cas d’attentat au chlore en Irak (sous réserve) (27-30).<br />

Date Lieu Circonstances Conséquences<br />

2006<br />

21 octobre Ramadi<br />

Explosion d’une voiture contenant deux réservoirs de 50 kg<br />

de chlore et douze obus de mortier de 120 mm<br />

2007<br />

3 policiers irakiens et 1 civil blessés<br />

28 janvier Ramadi. Un camion benne contenant une tonne de chlore explose 16 personnes tuées<br />

19 février Ramadi. Une explosion mettant en œuvre du chlore<br />

2 irakiens des forces de sécurité tués<br />

et 16 blessés<br />

20 février Taji nord de Bagdad<br />

Un camion contenant du chlore explose près<br />

d’un restaurant<br />

9 morts et 148 intoxiqués, majoritairement<br />

des femmes et des enfants<br />

21 février Sud ouest de Bagdad<br />

Un pick-up contenant des bonbonnes de chlore explose sur<br />

le marché de Bayaa<br />

28 février Bagdad -<br />

16 mars 16 h 11 Ramadi Explosion à un point de contrôle<br />

18 h 36 Sud Fallujha -<br />

5 personnes tuées et plus de<br />

75 intoxiquées. Les survivants ont vu<br />

se répandre une fumée jaune et ont<br />

été pris de nausées<br />

8 morts et des dizaines de personnes<br />

intoxiquées<br />

1 militaire américain et 1 civil<br />

irakien blessés<br />

2 policiers irakiens tués et environ 100<br />

personnes intoxiquées<br />

19 h 15 zone tribale<br />

d’Albou Issa dans<br />

zone résidentielle<br />

Explosion d’un camion transportant des cuves de chlore<br />

6 personnes tuées et 250 personnes<br />

intoxiquées. 11 victimes, les plus graves,<br />

sont évacuées vers l’ « American military<br />

medical center »<br />

17 mars Sud de Fallujah Explosion d’un camion contenant 750 l de chlore -<br />

24 mars Ramadi<br />

28 mars Fallujah<br />

Un camion contenant 200 l de chlore est découvert près<br />

d’un poste de police. Le chauffeur est capturé avant de<br />

pouvoir faire exploser la charge<br />

Deux camions suicides piégés, dont l’un<br />

par du chlore, explosent lors d’une attaque contre<br />

le centre du gouvernement local<br />

-<br />

57 blessés irakiens et 14 américains<br />

6 avril<br />

Ramadi zone<br />

résidentielle de<br />

al-Tamin.<br />

L’explosion d’un camion suicide rempli de conteneurs<br />

de chlore et de TNT recouverts de sacs d’engrais.<br />

Le kamikaze se lance contre un poste de police : sous<br />

le feu des policiers il se fait exploser à 200 m du poste<br />

27 personnes tuées dont deux policiers et<br />

30 blessés dont une majorité par<br />

l’intoxication liée au chlore<br />

25 avril Ouest de Bagdad Un camion chargé de chlore explose à un point de contrôle 1 irakien tué et 2 blessés<br />

30 avril Ramadi Un camion contenant du chlore explose près d’un restaurant 6 personnes tuées et 10 blessées<br />

15 mai<br />

Aby Sayda<br />

près Diyala.<br />

Une bombe au chlore explose sur le marché en plein air<br />

d’Abou Saida<br />

45 personnes tuées et 60 blessées<br />

20 mai Ramadi.<br />

Un camion suicide de chlore explose sur un point de<br />

contrôle<br />

2 personnes tuées et 11 blessées<br />

3 juin Diyala Explosion d’une voiture contenant du chlore 62 militaires américains intoxiqués<br />

7 juillet Ramadi.<br />

Un Saoudien est arrêté alors qu’il transporte des fûts de<br />

chlore dans son camion<br />

-<br />

est la ville de Ramadi, à 110 km à l’ouest de Bagdad,<br />

en territoire sunnite. Certains soulignent l’aspect<br />

symbolique de ces attentats chimiques, le pouvoir sunnite<br />

de Sadam Hussein ayant largement utilisé les armes<br />

chimiques contre sa population et l’Iran shiite. L’impact<br />

psychologique est lui aussi accru par le souvenir<br />

de leur utilisation.<br />

En juillet 2007, les attentats au chlore ont brusquement<br />

cessé d’être rapportés sans que la cause de cet arrêt soit<br />

clairement définie, au profit d’attentats suicides<br />

meurtriers à l’explosif. Les responsables peuvent avoir<br />

considéré que l’utilisation de camions contenant des<br />

containers de chlore de couleur jaune (fig. 2, 3) était trop<br />

difficile à mettre en œuvre ou/et trop visible.<br />

attentats au chlore en Irak : utilisation d’un toxique chimique en combat asymétrique<br />

93


Figure 2. Conteneurs de chlore en Irak.<br />

Figure 3. Transport par camion en Irak de conteneurs de chlore<br />

mélangés avec d’autres.<br />

Conflits asymétriques et risque<br />

chimique.<br />

Le risque chimique a trouvé récemment sa place dans<br />

les conflits asymétriques comme celui de l’Irak. Ce<br />

concept récent d’asymétrie apparait en 1997 dans la<br />

littérature américaine (32) même s’il était largement mis<br />

en œuvre très anciennement avec les différentes guérillas,<br />

insurrections armées, actions rebelles ou de résistances<br />

retrouvées au cours de l’histoire mondiale. Le conflit<br />

asymétrique oppose une force militaire traditionnelle,<br />

généralement de grands effectifs et possédant des équipements<br />

sophistiqués, à des adversaires dont les moyens<br />

sont beaucoup plus faibles. Ces derniers, acteurs<br />

principalement non-étatiques, cherchent à produire des<br />

effets majeurs en mettant en œuvre des moyens limités<br />

pour affaiblir des forces conventionnelles. Ils exploitent<br />

leur vulnérabilité en utilisant des méthodes différentes<br />

des modes opérationnels inhabituels (32).<br />

Six types de menaces asymétriques ont été définis :<br />

nucléaires, biologiques, chimiques, informatiques,<br />

terroriste et nouveaux concepts opérationnels (32). Ce<br />

concept est valable non seulement sur un territoire en<br />

conflit mais peut être exporté sur le territoire national de<br />

l’adversaire, supprimant la notion de sanctuaire. Les<br />

notions de front, de guerre et de combattants étant<br />

devenue très floues, l’absence d’état et de signature de<br />

traités internationaux permettent notamment l’utilisation<br />

d’armes de type nucléaire, radiologique, biologique et<br />

chimique (NRBC).<br />

Dans ces conflits, les forces non étatiques se font<br />

souvent passer pour des civils qui bénéficient de ce statut<br />

privilégié au moins en théorie selon le droit humanitaire et<br />

sont ainsi plus difficiles à identifier. Ils cherchent la<br />

proximité de personnes et de biens civils notamment en<br />

zone urbaine afin d’éviter une attaque organisée et<br />

massive de l’adversaire conduisant à de nombreuses<br />

victimes dites « collatérales » dans la population civile<br />

non armée. Le droit international et humanitaire peut être<br />

bafoué par ces combattants ce qui peut conduire les<br />

armées institutionnelles étatiques à les imiter. Ils sont<br />

appelés «terroristes » du fait de leur système opérationnel<br />

mais ce terme est parfois utilisé de manière abusivement<br />

péjorative par les troupes étatiques notamment celles<br />

d’invasion (33).<br />

En mars 2005, l’organisation des nations unies a donné<br />

une définition du terrorisme, reprise ensuite par le<br />

gouvernement français (34). Nous retiendrons ici: « Tout<br />

acte qui vise à tuer ou à blesser grièvement des civils ou<br />

des non-combattants, et qui, du fait de sa nature ou du<br />

contexte dans lequel il est commis, doit avoir pour effet<br />

d’intimider une population ou de contraindre un<br />

gouvernement ou une organisation internationale à agir<br />

ou à renoncer à agir d’une façon quelconque ».<br />

Le terrorisme, qui vise à créer la peur ou mieux la<br />

terreur, ne recherche pas nécessairement un nombre de<br />

victimes très élevé même si celui-ci est un élément non<br />

négligeable du sentiment engendré et recherché. En effet,<br />

la création d’un sentiment permanent d’insécurité et de<br />

risque vital ressenti par la population civile et/ou militaire<br />

qui en est victime est souvent l’une des principales<br />

finalités avant même la destruction significative de cette<br />

population. Des toxiques chimiques peuvent atteindre<br />

ces objectifs. Depuis les attaques au sarin perpétrées par<br />

la secte Aum Shinrikyo au Japon en 1994 puis 1995, les<br />

toxiques chimiques ont pris une place de choix dans le<br />

risque terroriste (31, 35, 36). Les attentats de 2007 en Irak<br />

soulignent qu’ils doivent être pris en compte également<br />

dans les combats asymétriques (37). Mais dans cet<br />

exemple, il s’agit d’une utilisation opportuniste de<br />

toxiques industriels d’obtention facile. Contrairement au<br />

cas de la secte Aum, il n’est plus indispensable de faire<br />

fabriquer des produits, particulièrement dangereux lors<br />

de leur synthèse, par des ingénieurs compétents ce qui<br />

nécessite des investissements financiers importants.<br />

Dans ce contexte, le chlore est l’un des principaux agents<br />

envisageables et ce n’est pas un hasard s’il a été choisi en<br />

Irak. Il présente de nombreux avantages: sa production ne<br />

nécessite pas de moyens industriels complexes, il est<br />

présent dans tous les territoires même les moins<br />

industrialisés et son transport est facilement intégré dans<br />

le paysage urbain du fait de son utilisation dans le<br />

traitement des eaux destinées à l’alimentation.<br />

L’utilisation du chlore peut être aussi considérée<br />

comme un essai transférable dans d’autres zones de<br />

conflit. En OPEX, à l’exemple de l’Irak, il faut tout<br />

particulièrement être attentif au niveau des points de<br />

contrôle routiers qui peuvent être la cible choisie du fait de<br />

la présence de militaires mais également parce que le<br />

kamikaze pourrait être amené à se faire exploser faute de<br />

pouvoir progresser vers sa véritable cible. La cargaison<br />

chimique étant souvent volumineuse, elle est facilement<br />

détectée par une force armée prévenue. Ce type d’attaque<br />

est notamment destiné à des zones urbaines ou des sites<br />

94 p. burnat


militaires fixes comprenant un nombre élevé de victimes<br />

potentielles sur une faible surface comme des camps ou<br />

des structures sanitaires de campagne afin que le toxique<br />

ne soit pas dilué par le vent.<br />

Nous avons vu que l’utilisation des équipements de<br />

protection respiratoire et oculaire est indispensable pour<br />

évoluer en présence de chlore. Ces équipements réduisent<br />

les capacités opérationnelles des forces ce qui peut<br />

participer à l’intérêt d’utiliser les toxiques chimiques<br />

dans ce type de conflit. De plus ils nécessitent la mise en<br />

œuvre de moyens logistiques supplémentaires (38).<br />

Conclusion.<br />

Les attentats au chlore perpétrés en Irak sont un<br />

exemple d’utilisation de toxiques chimiques dans un<br />

combat asymétrique. Le chlore est un toxique<br />

particulièrement adapté à ce type d’action car il est<br />

largement présent à travers le monde en quantité<br />

importante et facilement transportable. Les armées et leur<br />

service de santé doivent se préparer à ce type d’agression<br />

par des toxiques chimiques industriels utilisés comme<br />

arme « terroriste » notamment en OPEX.<br />

GLOSSAIRE<br />

Valeurs de référence de seuils d’effets des phénomènes accidentels des installations classées (Ministère de l’écologie et<br />

du développement durable, octobre 2004). Les concentrations sont exprimées en ppm ou en mg/m 3 .<br />

ERPG 1 (Emergency Response Planification Guideline) :<br />

Concentration maximale atmosphérique au-dessous de laquelle on peut penser que la plupart des individus peuvent être<br />

exposés pour une durée allant jusqu‘à une heure sans ressentir d'autres symptômes que des effets anodins ou transitoires<br />

sur la santé ou sans percevoir une odeur clairement définie.<br />

ERPG 2 (Emergency Response Planification Guideline) :<br />

Concentration maximale atmosphérique au-dessous de laquelle on peut penser que la plupart des individus peuvent être<br />

exposés pour une durée allant jusqu‘à une heure sans éprouver ou développer d'effets irréversibles ou sérieux pour la<br />

santé, ou des symptômes qui puissent empêcher un individu de prendre des mesures de protection.<br />

ERPG 3 (Emergency Response Planification Guideline) :<br />

Concentration maximale atmosphérique en-dessous de laquelle on peut penser que presque tous les individus peuvent<br />

être exposés pour une durée allant jusqu‘à une heure sans ressentir ou développer d'effets sur la santé pouvant menacer<br />

leur vie.<br />

AEG-1 (Acute Exposure Guideline Level):<br />

Concentration d'une substance dans l'air au-dessus de laquelle la population (y compris les groupes sensibles mais à<br />

l'exclusion des groupes hypersensibles) peut ressentir un malaise notable. Les concentrations inférieures à l’AEGL-1<br />

représentent des niveaux d’exposition entraînant la perception d’un faible goût ou odeur ou une faible irritation des autres<br />

sens.<br />

AEGL-2 (Acute Exposure Guideline Level) :<br />

Concentration d'une substance dans l'air au-dessus de laquelle la population (y compris les groupes sensibles mais à<br />

l'exclusion des groupes hypersensibles) peut ressentir des effets irréversibles ou d’autres conséquences sérieuses et de<br />

longue durée ou induire une incapacité à fuir. Les concentrations comprises entre l’AEGL-1 et l’AEGL-2 induisent une gêne<br />

notable.<br />

AEGL-3 (Acute Exposure Guideline Level) :<br />

Concentration d'une substance dans l'air au-dessus de laquelle la population (y compris les groupes sensibles mais à<br />

l'exclusion des groupes hypersensibles) peut ressentir une menace pour sa vie ou peut mourir (ppm ou mg/m 3 ). Les<br />

concentrations comprises entre l’AEGL-2 et l’AEGL-3 induisent les effets décrits au niveau AEGL-2.<br />

SEI (seuils des effets irréversibles) :<br />

Concentration maximale de polluant dans l'air à un temps d'exposition donné en dessous de laquelle, chez la plupart des<br />

individus, on n'observe pas un effet irréversible.<br />

SEL (seuils des effets létaux) :<br />

Concentration maximale de polluant dans l'air à un temps d'exposition donné en dessous de laquelle chez la plupart des<br />

individus, on n'observe pas de risque de décès. Les valeurs sont données pour une létalité 5 % et 10 %.<br />

IDLH (Immediately dangerous to life or health concentration) :<br />

Cette expression de la concentration toxique est moins utilisée maintenant ; cette valeur désigne la concentration de<br />

toxique qui permet à un travailleur de quitter la zone sans dommage en cas de dysfonctionnement de son système de<br />

protection respiratoire. Pour prendre une marge de sécurité, l’IDLH était calculée pour une durée d’exposition de<br />

30 minutes L’IDLH n’est toutefois pas la concentration admissible pour une telle durée et l’évacuation doit être immédiate.<br />

attentats au chlore en Irak : utilisation d’un toxique chimique en combat asymétrique<br />

95


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

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25. OTAN STANAG 2909 CBRN (édition 2) – Guide à l’intention des<br />

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96 p. burnat


Revue du Service de santé des armées<br />

CONTENTS<br />

Pages<br />

« NEEDS OF HEALTHCARE PREVENTION IN CAREER SOLDIERS »<br />

007 • Preventing risks linked with soldiers’ physical preparation: a summary of the present<br />

knowledge level.<br />

X. BIGARD, J.-Y. CRAVIC, S. BANZET.<br />

017 • Incidence and prevention of lombodyniae in military environments. A basis for recommendations.<br />

D. LECHEVALIER.<br />

023 • Overweight in military environment.<br />

L. BORDIER, B. BAUDUCEAU, O. DUPUY, H. MAYAUDON, B. COLLE.<br />

025 • Preventing soldiers’ infectious risks in operations abroad.<br />

F. SIMON.<br />

029 • Stress inside military population: from operational stress toward a post-traumatic stress state.<br />

H. BOISSEAUX.<br />

037 • Needs of prevention in career soldiers. Risks linked with alcohol in military environment.<br />

F. DE MONTLEAU.<br />

MEDICO-MILITARY PRACTICE<br />

049 • Extreme ahead emergency aid in navy commandos: first aid operator at fight.<br />

X. ANN, J. STEPHAN, D. TRISTAN, S. GENEAU DE LAMARLIÈRE, J.-.M. JACQUES, M. GROUD.<br />

055 • Management of mass flocking Djiboutian war casualties by two regiment medical teams<br />

in an isolated situation.<br />

L. AIGLE, A. LE GOFF.<br />

063 • The use of fresh whole blood for combat casualties: French army procedures.<br />

J. PONTIS, C. SARDA, A. SAILLIOL, P. MARLE, J.-P. DE JAURÉGUIBERRY.<br />

071 • Activity of the ophthalmology department of the French medical and<br />

surgical hospital in Kabul during the year 2007.<br />

R. VIGNAL.<br />

077 • Development of generics by « Pharmacie centrale des armées »: example of doxycyclin tablets.<br />

D. BRETON, A.-C. OUSTRIC, I. BESSE-BARDOT, S. GRAFFEUIL.<br />

083 • Imported malaria after returning from Licorn’s operation:<br />

a retrospective study of 32 cases observed in the 2nd REP.<br />

J. SAMY, L. AIGLE, M. CHINELATTO, A. WOLOCH.<br />

PROGRESS CASE REPORT<br />

089 • Terrorist attacks with chlorine in Iraq: use of a chemical toxic substance in asymmetric fighting.<br />

P. BURNAT, C. RENARD, F. DORANDEU, C. LEFÈVRE, C. BODELOT, F. CEPPA, F. FONTAINE.<br />

SGA/SPAC/PGT Impressions<br />

TOME 38 N°1 Février 2010<br />

ISSN 0300-4937

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