TERRILS ET FRICHES INDUSTRIELLES

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PATRIMOINE FLORISTIQUE Bien que d’origine artificielle, certains terrils possèdent un patrimoine floristique de grand intérêt. Du fait de la nature pierreuse du substrat et des roches qui les composent, les terrils constituent des écosystèmes insulaires au sein des plateaux et plaines cultivées, souvent recouvertes de limons. À milieu nouveau, flore nouvelle : plusieurs espèces autrefois inconnues de la région ont élu domicile sur les terrils. Le cas le plus symbolique est peut-être celui de la Patience à écussons (Rumex scutatus), espèce montagnarde des éboulis qui, bien qu’au départ probablement introduite volontairement, a rencontré sur les pentes rocheuses instables des terrils un nouveau territoire à exploiter. Les terrils se comportent aussi comme des milieux refuges ou de substitution pour de nombreuses espèces pionnières dont les habitats d’origine ont été détruits. La Corrigiole des rivages (Corrigiola litoralis), espèce des grèves d’étangs, apparaît sur les schistes souvent temporairement inondés de quelques terrils plats. Quelques espèces autrefois communes dans les champs ne se maintiennent bien dans la région que sur les terrils, exempts de traitements herbicides. C’est le cas du Galéopse à feuilles étroites (Galeopsis angustifolia) ou de l’Alsine à feuilles ténues (Minuartia hybrida). Cet archipel schisteux a aussi été mis à profit par plusieurs espèces acidiphiles des sols maigres et filtrants qui ont découvert là un terrain d’extension propice. Les petites graminées du genre Aïra (Aira praecox et A. caryophyllea) ou encore la Cotonnière naine (Filago minima) sont maintenant plus répandues sur l’arc minier que dans leurs milieux d’origine (sables littoraux décalcifiés et pelouses sableuses de l’Ostrevent et de l’Avesnois). Il en est de même de nombreuses espèces des friches qui sont d’apparition fugace en dehors de ces habitats (présence transitoire lors de travaux, jachères) : plusieurs espèces de molènes (Verbascum), d’épilobes (Epilobium), d’onagres (Oenothera) y trouvent des conditions optimales. Sortie de découverte de la flore des terrils à Rieulay (59) Photo : B. Destiné MENACES, PROTECTION, CONSERVATION Au moment du déclin des mines, les terrils ont stigmatisé à la fois un passé terrible, révolu, que l’on voulait effacer et une époque glorieuse dont les habitants tirent aujourd’hui une fierté méritée. Sortis tout droit des entrailles de la terre, érigés lors de la conquête industrielle, les terrils, proéminences du paysage du Nord/Pas-de-Calais, sont vite devenus un identifiant de la société régionale. Les terrils sont passés du statut de déchet à celui de patrimoine historique. Avec la montée de la conscience écologique, les terrils ont acquis une dimension patrimoniale supplémentaire en raison de leurs richesses naturelles. Mais les terrils sont aussi l’objet de multiples convoitises : réserves de matières premières pour les uns, espaces à effacer par de nouvelles vocations (tourisme, détente...) pour les autres. Les plus anciens contiennent encore du charbon. La combustion interne, provoquée par la pression et l’inflammabilité des résidus combustibles, a donné naissance aux schistes rouges, utilisés dans les travaux publics et les aménagements paysagers. Plusieurs terrils ont ainsi connu une seconde vie industrielle et ont disparu du paysage dont ils étaient devenus familiers. Ailleurs, la requalification des friches minières a parfois entraîné la banalisation de la flore du fait des aménagements touristiques, sportifs ou paysagers et de l’ensemencement des schistes avec des mélanges de graines plus ou moins adaptés. De ce fait, la flore si caractéristique des terrils a été remplacée dans divers secteurs par des gazons peu intéressants sur le plan écologique et patrimonial. De même, des plantations d’arbres et d’arbustes pas nécessairement indigènes ni les plus appropriés ont parfois été réalisées, alors que d’intéressants boisements 396 - PLANTES PROTÉGÉES ET MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS
pionniers à base de bouleaux (Betula pendula) se mettent en place, avant d’évoluer spontanément vers des groupements forestiers plus diversifiés. Devant ces menaces, des stratégies de conservation se dessinent pour identifier les terrils les plus importants sur le plan biologique et écologique. Les collectivités, conscientes de ce patrimoine, cherchent aujourd’hui, à protéger ces véritables laboratoires naturels pour l’étude de la dynamique végétale et animale, soit dans le cadre de leur politique “Espaces naturels sensibles“ pour les Départements, soit par d’autres actions menées par les communes ou par la Région Nord/Pas-de-Calais. TRANSECT 11 TERRILS ET FRICHES INDUSTRIELLES Dessin : F. Hendoux SITES CALAMINAIRES Issus de l’exploitation de roches riches en métaux lourds, les sols calaminaires possèdent une flore hautement spécialisée. Celle-ci, relativement diversifiée dans les régions où l’on trouve naturellement ces sols, est beaucoup plus pauvre dans le Nord/Pas-de-Calais. Ainsi, quelques espèces de plantes supérieures mais aussi des mousses et des lichens ne s’observent dans la région que sur ce type de dépôts artificiels. À côté de ces espèces très spécialisées, on trouve aussi des plantes fréquentes dans d’autres milieux mais dont les populations calaminaires possèdent des caractères génétiques propres qui leur confèrent une capacité physiologique à se développer sur des sols riches en plomb, cadmium et zinc. La flore et la végétation des sols calaminaires se distribuent en fonction de la teneur en métaux lourds du sol. Sur les sols les plus pollués, l’Armérie de Haller (Armeria maritima subsp. halleri) et la Cardaminopside de Haller (Cardaminopsis halleri) sont pratiquement les seules espèces présentes. Au-delà de ces secteurs, le Fromental (Arrhenatherum elatius) forme des prairies hautes en se mêlant aux espèces précédentes. Armérie de Haller (Armeria maritima subsp. halleri), plante métallophile des crassiers industriels de Mortagne-du-Nord Photo : G. Lemoine PLANTES PROTÉGÉES ET MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS - 397
Page 1: Photo : B. Destiné 10 TERRILS ET F

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