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La Bourgogne

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Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

Le charme piquant de la Côte-d’Or ....... II<br />

L’association, une passion française ... IV<br />

Guédelon : un rêve médiéval .............. V<br />

Un chardonnay à la milanaise ........... VI<br />

Charmant village accueille migrants ... VII<br />

Cahier<br />

SPÉCIAL<br />

<strong>La</strong> <strong>Bourgogne</strong><br />

vue par la presse<br />

étrangère


II. CAHIER SPÉCIAL Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

Le charme piquant<br />

de la Côte-d’Or<br />

Avant d’embarquer pour une croisière sur la Saône,<br />

un journaliste australien se laisse séduire par les trésors culinaires<br />

et architecturaux de Dijon et des villes voisines.<br />

—Traveller (extraits) Sydney<br />

Inutile de se trouver à Dijon pour fabriquer<br />

la moutarde qui porte son nom : la<br />

recette peut être réalisée n’importe où et<br />

par n’importe qui. A vrai dire, j’ai été surpris et<br />

un peu déçu en l’apprenant. C’est comme si le<br />

premier venu pouvait s’improviser producteur<br />

de champagne ou de roquefort. Ce n’est tout<br />

de même pas aussi simple que le cricket ! <strong>La</strong><br />

moutarde de Dijon est constituée pour l’essentiel<br />

d’un mélange de verjus (jus de raisin vert)<br />

et de graines de moutarde noire broyées. Sa<br />

recette a été inventée en 1756 par Jean Naigeon,<br />

un Dijonnais qui a remplacé le vinaigre traditionnel<br />

par du verjus, mais aujourd’hui on en<br />

produit dans le monde entier, des Pays-Bas aux<br />

Etats-Unis, en passant par le Japon.<br />

Nous [les touristes du groupe dont fait partie<br />

le reporter] apprenons l’histoire de ce condiment<br />

en fabriquant notre propre moutarde à l’aide d’un<br />

mortier et d’un pilon à la moutarderie Edmond<br />

Fallot de Beaune. A une époque, explique notre<br />

guide, 98 % des graines utilisées, y compris à Dijon,<br />

venaient du Canada. N’y aurait-il vraiment rien<br />

de sacré ? Pour lutter contre cette tendance, des<br />

producteurs locaux ont créé le label “moutarde<br />

de <strong>Bourgogne</strong>”, qui garantit que la moutarde est<br />

exclusivement fabriquée avec des graines et du vin<br />

bourguignons. Ce produit du terroir, pour utiliser<br />

une expression quelque peu galvaudée, a reçu<br />

l’indication géographique protégée, un statut qui<br />

garantit l’origine de sa production.<br />

C’est cette moutarde qui couvre la plupart des<br />

étagères des magasins de Beaune et de Dijon.<br />

Ainsi, Maille, une maison fondée en 1747, est remplie<br />

du sol au plafond de pots de moutarde. Il y en<br />

a pour tous les goûts : pinot noir, cassis, safran,<br />

piment, basilic ou noix. Croyez-le ou non, mais il<br />

existe aussi une moutarde au raifort. Ce mélange,<br />

comme nous le découvrons lors de notre dégustation<br />

à la moutarderie de Beaune, est assez fort<br />

pour vous décaper les narines et vous décoller<br />

la rétine. Preuve que les goûts s’acquièrent avec<br />

le temps et que toutes les associations d’ingrédients<br />

ne sont pas heureuses.<br />

Puissance des ducs. Nous allons entamer une<br />

croisière fluviale de douze jours qui nous conduira<br />

de Chalon-sur-Saône – au sud de Beaune – jusqu’au<br />

bourg médiéval de Tarascon, à 370 kilomètres de<br />

là. Le voyage a commencé à Paris. Nous avons<br />

rejoint les autres membres du groupe dans le<br />

TGV, qui nous a emmenés à Dijon en une heure<br />

trente, et nous avons visité la ville avant de nous<br />

rendre à Chalon en car.<br />

Fondée par les Romains, Dijon a été la capitale<br />

des puissants ducs de <strong>Bourgogne</strong> durant<br />

quatre siècles. En dépit de nombreux sièges et des<br />

bombardements de la Seconde Guerre mondiale,<br />

son patrimoine historique est magnifiquement<br />

préservé et constitue un ensemble architectural<br />

fascinant avec ses maisons en bois, ses rues<br />

sinueuses, ses places pittoresques, son palais des<br />

ducs et son impressionnante cathédrale. <strong>La</strong> ville<br />

ressemble à un énorme sucre d’orge façonné par<br />

des styles architecturaux variés. Dans les quartiers<br />

du centre, ornés de drapeaux, on découvre<br />

des édifices médiévaux, renaissance, gothiques,<br />

baroques et rococo. De belles maisons à colombages<br />

du XVIII e siècle, voire plus anciennes,<br />

côtoient des boutiques modernes et des magasins<br />

de moutarde et de foie gras.<br />

Sur les pavés, de petits triangles métalliques<br />

représentant une chouette indiquent le parcours<br />

en 22 étapes qui conduit de l’office du tourisme,<br />

“Il est impossible<br />

de ne pas tomber<br />

amoureux de Beaune”<br />

place Darcy, jusqu’aux principaux sites de la ville,<br />

dont la cathédrale gothique, un palais de justice<br />

du XVI e siècle et le musée des Beaux-Arts.<br />

Le palais des ducs, qui abrite ce musée ainsi que<br />

l’hôtel de ville, est bâti dans le style classique du<br />

XVIII e siècle et donne sur la place de la Libération.<br />

Nous buvons un café crème dans l’un des cafés<br />

qui bordent cette place semi-circulaire ornée de<br />

fontaines aux roses. Dijon recèle une particularité<br />

architecturale encore plus visible à Beaune :<br />

les toits bourguignons, faits de tuiles en terre<br />

cuite vernies vertes, jaunes, rouges et noires,<br />

disposées en motifs géométriques. Surmonté<br />

d’un tel toit, l’édifice le plus quelconque devient<br />

une œuvre d’art.<br />

Plus tard dans l’après-midi, nous arrivons<br />

à Chalon-sur-Saône, où est amarré le Scenic<br />

Emerald, et des membres de l’équipage en costume<br />

et en gants blancs nous accueillent à bord.<br />

Ce bateau blanc fin comme un oiseau, qui ne<br />

peut accueillir dans ses flancs que deux rangées<br />

de cabines séparées par un couloir, sera notre<br />

hôtel ambulant pendant douze nuits, mais, pour<br />

le moment, il reste à quai.<br />

Le lendemain matin, nous quittons momentanément<br />

le bateau et prenons le car pour visiter<br />

la moutarderie de Beaune, la capitale des vins<br />

de <strong>Bourgogne</strong>. En chemin, notre guide nous dit<br />

qu’“il est impossible de ne pas tomber amoureux de<br />

Beaune”. Elle a peut-être raison. C’est une ville<br />

Les photos de<br />

ce supplément<br />

ont été réalisées<br />

par Michel Joly.<br />

Depuis 2004,<br />

il se consacre à<br />

sa région d’adoption,<br />

la <strong>Bourgogne</strong>.<br />

Très au fait<br />

de l’actualité<br />

du monde viticole,<br />

le photographe<br />

collabore avec<br />

de nombreux médias<br />

et prépare<br />

pour 2016 un livre<br />

sur l’inscription<br />

des climats<br />

du vignoble<br />

de <strong>Bourgogne</strong><br />

au patrimoine<br />

mondial de l’Unesco.<br />

← En couverture :<br />

la montagne<br />

de Corton,<br />

au nord de Beaune.<br />

pittoresque parsemée d’édifices historiques, avec<br />

un manège aux teintes pastel sur une place ombragée<br />

bordée de cafés et de restaurants. Son soussol<br />

est criblé de caves à vin. “Comme si on avait<br />

du gruyère sous nos pieds”, commente notre guide.<br />

Le joyau de Beaune est l’Hôtel-Dieu, un hospice<br />

pour les pauvres créé par décision de Nicolas<br />

Rolin, chancelier du duc de <strong>Bourgogne</strong>, et construit<br />

entre 1443 et 1452 par l’architecte flamand Jacques<br />

Wiscrere. <strong>La</strong> vue extérieure n’a rien d’exceptionnel,


Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

<strong>Bourgogne</strong>. III<br />

Rogier van der Weyden. Ce retable est composé<br />

de 15 tableaux réalisés sur 9 panneaux de chêne<br />

(dont 6 sont peints sur les deux faces) et 6 volets<br />

mobiles. Exposé dans une salle peu éclairée pour<br />

le protéger du soleil, il est presque aussi impressionnant<br />

que l’édifice qui l’abrite.<br />

Sculptée sur<br />

le contrefort ouest<br />

de l’église<br />

Notre-Dame,<br />

la chouette est<br />

considérée comme<br />

un porte-bonheur<br />

par les Dijonnais.<br />

Coexistence. L’après-midi, après avoir déjeuné<br />

sur le bateau, nous nous promenons dans Chalonsur-Saône,<br />

une petite ville qui sert de base aux<br />

touristes s’aventurant sur le chemin des grands<br />

crus. <strong>La</strong> première place qui s’offre à nos yeux<br />

tente de mêler l’ancien et le moderne dans des<br />

lampadaires qui reproduisent la double hélice<br />

de l’ADN. Semblables à d’énormes pylônes électriques,<br />

ils s’invitent sur toutes les photos que<br />

nous essayons de prendre. Ce n’est pas une réussite.<br />

Nous arrivons ensuite sur une petite place<br />

paisible où se dresse la cathédrale néogothique<br />

Saint-Vincent, entourée des incontournables maisons<br />

à colombages.<br />

Magnifiquement restaurées, ces maisons aux<br />

façades roses, vertes ou orange semblent pencher<br />

légèrement en avant, chaque étage faisant saillie<br />

sur le précédent. Elles donnent l’impression de<br />

lire les menus par-dessus les épaules des clients<br />

assis aux tables de café installées au centre de<br />

la place. Sur un côté, une fontaine formée d’une<br />

énorme boule de grès montre comment le médiéval<br />

et le moderne peuvent coexister. Nous visitons<br />

rapidement la cathédrale, construite entre 1090<br />

et 1520, et dont la façade date des années 1800.<br />

Elle est assez jolie mais n’a rien de remarquable.<br />

Le véritable spectacle se trouve sur la place, où<br />

les serveurs slaloment entre les tables.<br />

Il commence à pleuvoir, mais le Scenic Emerald<br />

n’est pas loin. Nous montons sur le pont supérieur<br />

avec un bon bourgogne et, pour la première<br />

fois, nous entendons les moteurs vrombir :<br />

le bateau avance sur la Saône et les tours de la<br />

cathédrale, hautes de 40 mètres, disparaissent<br />

peu à peu dans le lointain. “<strong>La</strong> croisière a commencé<br />

?” glousse un supporter de l’équipe de<br />

foot de West Ham, originaire de Billericay, une<br />

ville médiévale dans la campagne de l’Essex [en<br />

Angleterre]. “Je suis déjà épuisé !”<br />

—Keith Austin<br />

Publié le 9 janvier<br />

mais on a le souffle coupé quand on pénètre dans<br />

la cour d’honneur. On raconte que Rolin ne cherchait<br />

pas tant à venir en aide aux pauvres qu’à<br />

élever un monument à sa gloire, mais qu’importe.<br />

<strong>La</strong> cour pavée est un festival de couleurs avec les<br />

tuiles vernies polychromes qui recouvrent les<br />

tourelles et ornent les chiens-assis, les fenêtres<br />

à pignon et celles des combles, qui surplombent<br />

des galeries à colombage. On se croirait dans un<br />

conte de fées avec des bâtiments en pain d’épice.<br />

En visitant l’édifice, nous découvrons l’impressionnante<br />

richesse de la salle des Pôvres, où les<br />

malades et les indigents dormaient à quatre ou<br />

cinq dans un lit. Au fond de la salle se trouve la<br />

chapelle, installée là pour que les malades puissent<br />

assister à la messe sans quitter leur lit. <strong>La</strong> visite se<br />

poursuit par la cuisine, la pharmacie, une vitrine<br />

d’instruments médicaux à l’aspect diabolique,<br />

et se termine par le magnifique polyptyque du<br />

Jugement dernier, peint par l’artiste flamand<br />

SourCe<br />

TRAVELLER<br />

Sydney, Australie<br />

www.traveller.com.au<br />

<strong>La</strong>ncé en 2008, Traveller est un site<br />

sur les voyages conçu avant tout<br />

pour un lectorat australien. On<br />

y trouve des articles et des guides<br />

classés par destinations. Traveller<br />

affirme privilégier les lieux de rêve,<br />

comme la côte occidentale<br />

de l’Australie ou la Côte d’Azur<br />

en France. Ce site appartient<br />

au groupe de presse Fairfax Media,<br />

qui possède également<br />

les quotidiens The Sydney Morning<br />

Herald et The Age. Traveller<br />

est l’extension des suppléments<br />

du week-end de ces titres.


IV. CAHIER SPÉCIAL Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

troqué son short réglementaire pour un pantalon<br />

de jogging, acte “portant atteinte à la tradition et au<br />

sérieux de ce sport”, à en croire certains commentaires.<br />

Souvenez-vous, il s’agit ici de ping-pong.<br />

L’association, une<br />

passion française<br />

Expatrié dans le village d’Arnay-le-Duc, en Côte-d’Or, un ancien<br />

écrivain politique américain a fait l’expérience de la pratique<br />

du sport en club. Dans son blog, Mark Lilienthal se gausse du goût<br />

“typiquement français” pour ces “usines à paperasse”.<br />

—French Orbit (extraits) Arnay-le-Duc<br />

Les Français adorent les clubs (non, pas les<br />

sandwichs). Ils adorent former des groupes<br />

(et se coller à votre nez pour vous parler).<br />

Ils en créent à tire-larigot pour satisfaire ce penchant.<br />

Vous voulez rassembler des gens pour discuter<br />

de photographie ? Le mieux est alors de<br />

créer un club avec son règlement, ses élections,<br />

son organigramme, ses comptes-rendus, ses frais<br />

d’inscription et sa stratégie d’avenir.<br />

Dans ma commune d’Arnay-le-Duc, 1 700 âmes,<br />

on trouve des clubs de handball, de chasse, de<br />

randonnée, d’histoire locale, de musique municipale,<br />

de foot, d’art, de judo, de tennis, de donneurs<br />

de sang, de cyclisme, de danse et de parents<br />

d’élèves de l’école primaire.<br />

Tous ces clubs, amicales et associations sont<br />

enregistrés auprès de l’administration locale.<br />

Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que, finalement,<br />

il est difficile de pratiquer une de ces activités<br />

tout seul. <strong>La</strong> chasse, par exemple, n’est autorisée<br />

qu’en groupe. Je vous mets au défi d’expliquer à<br />

un chasseur texan qu’il ne peut chasser que le<br />

dimanche, qu’il doit – évidemment – s’inscrire<br />

à un club, informer le journal local des zones<br />

où il se trouvera et à quelle heure, veiller à ce<br />

que tous ses compagnons se présentent avec<br />

les équipements de sécurité obligatoires et, ah<br />

oui, payer plusieurs centaines de dollars pour<br />

son permis de chasse (au Texas, un permis de<br />

chasse coûte 25 dollars, j’ai vérifié). A première<br />

vue, ces différences semblent superficielles,<br />

mais à la réflexion j’y vois le signe de profondes<br />

divergences culturelles. Les Français aiment<br />

ces usines à paperasses, ils aiment appliquer<br />

les règlements. Je ne vais pas parler pour les<br />

300 millions d’Américains, mais je peux vous<br />

assurer que si j’avais envie d’aider à organiser<br />

la prochaine collecte de sang, je ne rejoindrais<br />

aucune association.<br />

Mais maintenant, je vis en France. Aussi, quand<br />

mon ami Eric, président du club de tennis de table<br />

de <strong>La</strong>canche (plus exactement l’Association sportive<br />

de tennis de table de <strong>La</strong>canche, désignée par<br />

le formidable sigle ASTTL), m’a proposé de venir<br />

jouer un jeudi, j’ai dit oui.<br />

Un soir que nous dînions chez lui avec des amis,<br />

Eric nous fit part d’un récent scandale dénoncé<br />

sur un réseau social : un membre de son club avait<br />

Un convoi<br />

de 2CV à<br />

Chaumot,<br />

dans l’Yonne.<br />

“Balle de courtoisie”. Quelques recherches<br />

m’apprirent que mon ami président ne plaisantait<br />

pas. Quelques mois auparavant, il avait déclaré<br />

dans [Le Bien public] que “seuls les jeunes sérieusement<br />

intéressés par la pratique du ping-pong seraient<br />

acceptés”. Cette découverte me plongea dans une<br />

brève crise de confiance. Je commençais à douter<br />

de moi. Et à raison. J’ai pris une telle raclée lors de<br />

mon premier match que je me suis senti obligé de<br />

souligner que la dernière fois que j’avais touché<br />

une raquette de ping-pong il y avait une vingtaine<br />

de bières sur la table.<br />

J’ai ensuite affronté le président du club en<br />

simple pour un match amical. Alors que je menais<br />

le premier jeu 10-8, un jeune blanc-bec a cru bon<br />

d’informer mon adversaire que je jouais mieux<br />

que lui. Je m’arrêtai, balle en main, prêt à servir,<br />

et dis en anglais au gamin : “Un de mes amis m’a<br />

appris le concept de ‘balle de courtoisie’ au golf.<br />

C’est ce que tu fais quand quelqu’un paie ton entrée<br />

sur le green et que tu ne l’achèves pas avec 20 coups<br />

d’avance… même si tu le peux. Voilà une balle de<br />

courtoisie ping-pong.” Je ne dirais pas que je me<br />

suis laissé battre, mais enfin le président est sorti<br />

vainqueur par 12 points à 10.<br />

Ce fut une soirée fort sympathique. Deux heures<br />

et demie de ping-pong, interrompues de pauses<br />

cigarettes, de petits verres de vin pétillant et – plus<br />

souvent – de séances de signatures pour que M. le<br />

président remplisse son office et mette son club<br />

en parfaite conformité avec la loi. L’équipe avait<br />

en effet dû déclarer forfait pour le premier match<br />

de la saison car seul un joueur sur quatre avait pu<br />

présenter un certificat médical le déclarant “apte<br />

à la pratique du tennis de table”. Le club, avec ses<br />

2 000 euros de fonds, s’était en outre assuré les<br />

services d’un nouveau trésorier, opération qui<br />

nécessitait la signature de nombreux documents<br />

en trois exemplaires. J’étais le seul surpris.<br />

A la fin de la soirée, je trouvai néanmoins du<br />

réconfort dans les paroles d’un autre joueur :<br />

“Tu joues bien, me dit-il. Tu as de bons gestes.” Je<br />

rentrai donc chez moi en promettant de revenir<br />

(mais toujours sans certificat médical).<br />

— Mark Lilienthal<br />

Publié le 12 décembre 2014<br />

SouRCE<br />

FRENCH ORBIT<br />

Arnay-le-Duc, France<br />

Blog en anglais<br />

frenchorbit.blogspot.fr<br />

Après avoir écrit les discours<br />

du gouverneur démocrate du<br />

Massachusetts, Mark Lilienthal<br />

quitte les Etats-Unis en 2013<br />

pour le village d’Arnay-le-Duc,<br />

en Côte-d’Or. Il ouvre son blog<br />

French Orbit en février 2014.<br />

Il y raconte sa nouvelle vie en<br />

<strong>Bourgogne</strong> et sa passion<br />

pour la gastronomie de la région.


Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

BOURGOGNE. V<br />

Guédelon :<br />

un rêve<br />

médiéval<br />

Dans l’Yonne, en pleine forêt,<br />

bénévoles et archéologues<br />

construisent un château<br />

du XIII e siècle avec les moyens<br />

de l’époque. Un succès touristique<br />

qui repose sur une fiction “ad hoc”.<br />

—The Guardian (extraits) Londres<br />

Au cœur de la forêt bourguignonne, l’Histoire<br />

se construit jour après jour. Des<br />

tailleurs de pierre transforment des<br />

blocs de grès grâce à des outils fabriqués avec<br />

les moyens du bord par des forgerons en tablier<br />

de cuir. Les pierres sont transportées dans des<br />

charrettes par des chevaux et les murs montés<br />

par des maçons vêtus de sarraus grâce à une<br />

roue en bois reliée à un treuil capable de soulever<br />

1 tonne en huit minutes.<br />

[Selon le scénario imaginé], le chantier a lieu<br />

en l’an de grâce 1245 et Guilbert Courtenay,<br />

également appelé Guilbert de Guédelon, un<br />

personnage inventé pour l’occasion, a hâte de<br />

pouvoir rentrer dans ses murs : un modeste château<br />

adapté à sa condition sociale de petit seigneur<br />

et de chevalier qui a réussi à s’attirer les<br />

bonnes grâces du roi.<br />

Guédelon est une aventure historique et archéologique<br />

unique, dont le but est de construire un<br />

château avec les matériaux disponibles sur<br />

place, en utilisant des outils et des techniques<br />

médiévaux. Contrairement aux archéologues<br />

classiques, qui exhument les trésors de l’Histoire,<br />

les “œuvriers” de Guédelon les créent de<br />

toutes pièces.<br />

Et c’est cette magie d’un voyage dans le temps,<br />

huit siècles en arrière, qui attire 300 000 visiteurs<br />

par an ainsi que des centaines de bénévoles<br />

pour la construction.<br />

Quand le projet a été lancé, il y a seize ans, il<br />

fallait poser des jalons historiques bien précis.<br />

L’année retenue est alors 1229, date à laquelle<br />

Louis IX, le futur Saint Louis, est roi de France,<br />

mais encore trop jeune pour régner. Selon le scénario<br />

proposé, la régente, Blanche de Castille,<br />

apprend que Courtenay s’est distingué dans les<br />

Des bénévoles<br />

sur le chantier<br />

du château<br />

de Guédelon,<br />

en septembre.<br />

batailles contre la rébellion des grands barons.<br />

Elle décide alors de lui octroyer la permission de<br />

se faire construire un château. Reflet du statut<br />

social de Courtenay, cette demeure reste de<br />

proportions modestes, sans douves ni extravagances<br />

architecturales.<br />

Sur le chantier médiéval, le présent de référence<br />

est donc celui du Moyen Age. <strong>La</strong> guerre<br />

de Cent Ans (1337-1453) n’aura lieu que dans un<br />

siècle, mais c’est pourtant une Anglaise, Sarah<br />

Preston, qui fait office de guide. “Tout doit être<br />

en rapport avec le XIII e siècle. C’est un questionnement<br />

permanent. Puisque Guilbert de Guédelon<br />

est un petit seigneur sans grande fortune, comment<br />

fait-il pour construire son château ? A-t-il les<br />

moyens de se payer un pont-levis qui implique de<br />

couper 57 arbres et de planter 66 énormes clous en<br />

fer ? Eh bien, la réponse est non.” Pour Maryline<br />

Martin, directrice du chantier, “c’est une réussite<br />

à tous les niveaux, sur le plan humain, scientifique,<br />

archéologique et touristique”. Mais n’allez<br />

surtout pas comparer Guédelon à une sorte de<br />

Disneyland moyenâgeux. “C’est une réaction<br />

typiquement française. Quand quelque chose a du<br />

succès, les gens disent que c’est démago, que c’est<br />

encore un parc à thème. Nous ne sommes pas du<br />

tout d’accord : Guédelon est un chantier médiéval.<br />

Nous utilisons des chevaux, de la pierre, du bois,<br />

de l’eau, et s’il pleut nous conseillons aux visiteurs<br />

de venir en bottes. Ici, c’est le Moyen-Age : il n’y a<br />

pas de chemins bien pavés et bien lisses.”<br />

Et d’ajouter : “Il ne s’agit pas seulement de<br />

faire comme si nous étions à l’époque médiévale,<br />

c’est un projet archéologique très sérieux. En décodant<br />

le XIII e siècle, nous aidons les gens à mieux<br />

le comprendre.”<br />

—Kim Willsher<br />

Publié le 27 août 2014<br />

1965 - 2015<br />

50 ANS<br />

QUE VOUS ÊTES AU BON ENDROIT !<br />

bourgogne.france3.fr


VI.<br />

CAHIER SPÉCIAL<br />

Un chardonnay<br />

à la milanaise<br />

Un architecte italien a tout plaqué pour s’installer dans un cadre<br />

idyllique au cœur du Mâconnais et y produire son vin. Un breuvage<br />

qu’il exporte désormais dans son pays d’origine.<br />

—Diario del Web Biella<br />

De Fuissé<br />

Les moines l’avaient compris, c’est ici, ici<br />

même. Sans quoi pourquoi auraient-ils<br />

enclos chaque parcelle par des murets ?<br />

Pour boire du chardonnay, vous pouvez aller<br />

dans n’importe quel pays du monde, mais au lieu<br />

d’entreprendre un grand voyage il vous suffira<br />

de faire 200 kilomètres pour déguster et découvrir<br />

la quintessence du chardonnay hors de son<br />

petit royaume de la côte de Beaune. Ici, dans le<br />

Mâconnais, on le retrouve dans toute sa richesse,<br />

avec tout l’éclat d’un fruit mûri sous un climat plus<br />

chaud que celui de la côte de Beaune, espiègle et<br />

gourmand comme un gâteau à la crème. Plonger<br />

le nez dans un meursault ou humer un pouillyfuissé<br />

sont certes des expériences fort différentes,<br />

mais si, une fois n’est pas coutume, on cherche<br />

à privilégier le cépage sur le terroir, il n’est pas<br />

besoin d’aller bien loin.<br />

Les ingrédients d’un épisode de la série “J’ai<br />

tout quitté pour aller vivre à la campagne” sont<br />

déjà en place, parfaitement dosés et prêts à être<br />

assemblés : d’abord, la grande demeure rurale<br />

semi-monastique nichée dans les collines qui<br />

dissimulent également les charmants villages<br />

de Pouilly, Fuissé et Chaintré, sur les premières<br />

hauteurs cernant la ville de Mâcon. Puis le paysage<br />

onduleux de vignobles s’étirant à perte de<br />

vue sur des pentes dont le gradient indique qu’ici<br />

la fatigue et la sueur sont les uniques compagnes<br />

quotidiennes du vigneron sous la chaleur estivale<br />

ou le gel de l’hiver. Et enfin le personnage poétique<br />

de l’architecte milanais qui a tout plaqué et<br />

qui, par passion et par amour, a accepté de repartir<br />

de zéro. <strong>La</strong> famille idéale, celle du célèbre spot<br />

publicitaire [des années 1990] pour les biscuits<br />

Mulino Bianco, avec en prime une touche d’internationalisme<br />

: Claire Gazeau, l’épouse de Fabio<br />

Montrasi, et les enfants qui déboulent en courant<br />

14 254 €<br />

dans la grande cuisine pour mordre dans une tartine<br />

de confiture avant de retourner jouer avec<br />

les chiens dans les champs et les vignes.<br />

Dans ces conditions, avec le temps et l’expérience,<br />

c’est presque spontanément que l’on<br />

cherche à ajouter du naturel à la nature, à associer<br />

une philosophie rigoureuse (à la Rudolf Steiner) au<br />

travail à accomplir pour remplir la cave, en fin de<br />

saison, de raisins à petits grains dignes de donner<br />

un pouilly-fuissé de haute tenue. Les efforts du<br />

vigneron tendent vers un unique objectif : reproduire<br />

dans le verre, année après année, le profil<br />

exact de chaque expression des différentes parcelles<br />

qui composent le bouquet de son domaine<br />

(de près de 6 hectares), entièrement planté de<br />

chardonnay. Comme nous le savons, ce n’est pas<br />

chose facile, car le terroir du Mâconnais n’est<br />

pas le plus adapté pour donner le meilleur d’un<br />

cépage aussi exubérant. Mais en une quinzaine<br />

d’années les vins de Claire et Fabio Montrasi se<br />

sont peu à peu imposés sur le marché et auprès<br />

d’une critique capable d’apprécier le travail et le<br />

soin infini apportés à la vigne. Il est sans aucun<br />

doute plus gratifiant d’être vigneron qu’architecte<br />

milanais, de donner naissance chaque année à<br />

un vin au fruit pur et solidement charpenté, en<br />

fonction des différentes expositions et des millésimes,<br />

plutôt que de faire sortir de terre un<br />

énième gratte-ciel.<br />

Que manque-t-il à cette alchimie ? Ou, plus<br />

exactement, que manquait-il ? Un importateur<br />

italien disposé à distribuer en Italie un vin élevé<br />

en <strong>Bourgogne</strong> par un Milanais. C’est chose faite<br />

depuis quelques années, puisque le pouilly-fuissé<br />

du Château des Rontets est désormais commercialisé<br />

en Italie par Sarzi Amadè, grand négociant<br />

milanais particulièrement attaché à la qualité de<br />

sa sélection. L’histoire raconte que Fabio Montrasi,<br />

arrivé à Milan la veille de son rendez-vous décisif<br />

avec Nicola Sarzi Amadè, a appelé le marchand<br />

pour lui demander à quelle heure il pouvait le rencontrer<br />

le lendemain matin. “Les architectes, je ne<br />

sais pas, mais nous, les marchands milanais, nous<br />

commençons notre journée très tôt, lui a lancé le<br />

marchand. A 7 heures et demie, ça vous convient ?”<br />

A quoi Fabio a rétorqué : “Les architectes, je ne sais<br />

pas, mais nous, les vignerons du Mâconnais, nous<br />

commençons notre journée très tôt… A 7 heures et<br />

demie, ce sera parfait.”<br />

—Roberto Mostini<br />

Publié le 15 décembre 2014<br />

C’est la cote atteinte pour un richebourg grand<br />

cru au mois d’août, peu après l’inscription<br />

des climats des vignobles de <strong>Bourgogne</strong><br />

et de Champagne au Patrimoine mondial<br />

de l’Unesco. Un acquéreur a déboursé<br />

la modique somme de 14 254 euros<br />

pour acheter une bouteille de richebourg<br />

grand cru, un côte-de-nuits créé par Henri Jayer,<br />

indique le Japan Times. Pour mémoire,<br />

le site Wine-Searcher, qui établit<br />

chaque année le classement des 50 vins<br />

les plus chers du monde, a classé cette année<br />

40 vins de <strong>Bourgogne</strong> à son palmarès.<br />

Les vendanges à<br />

Bâtard-Montrachet.


<strong>Bourgogne</strong>. VII<br />

Charmant<br />

village<br />

accueille<br />

migrants<br />

Pour désengorger Calais,<br />

la ville de Pouilly-en-Auxois,<br />

en Côte-d’Or, a accueilli<br />

60 demandeurs d’asile en février.<br />

Une cohabitation tranquille,<br />

racontait en mai ce journaliste<br />

suisse.<br />

—Le Temps Genève<br />

Certains connaissent Pouilly-en-Auxois<br />

pour sa gougère (pâte à choux au fromage)<br />

et son petit-thoreylien (vin de<br />

<strong>Bourgogne</strong>), d’autres pour son paisible canal et<br />

ses maisons d’hôte situées non loin des illustres<br />

Hospices de Beaune. <strong>La</strong> bourgade (1 550 âmes),<br />

à 40 kilomètres de Dijon, est en passe d’accéder<br />

à une nouvelle notoriété.<br />

Une soixantaine de demandeurs d’asile venant<br />

majoritairement de la Corne de l’Afrique ont<br />

emménagé depuis février dans l’ancienne caserne<br />

de gendarmerie, bâtiment de quatre étages à l’architecture<br />

pour le moins brute mais qui ravit les<br />

nouveaux résidents. Ils erraient cet hiver dans les<br />

rues de Calais, dormant le jour au mieux sous des<br />

tentes, épiant la nuit la remorque du poids lourd<br />

qui les conduirait clandestinement vers l’eldorado<br />

britannique, se faisant au passage rudoyer<br />

par une police des frontières “à cran”.<br />

Le ministère de l’Intérieur a décidé de désengorger<br />

Calais, ville de long transit étouffée par<br />

la misère du monde, en dispersant les volontaires<br />

sur l’ensemble du territoire. Vingt départements<br />

ont été identifiés, dont la Côte-d’Or.<br />

“J’imagine qu’à Paris, un haut fonctionnaire a<br />

posé le doigt sur une carte et a dit, en voyant que<br />

le bâtiment de la maréchaussée était vide : là, il y a<br />

Après l’installation<br />

des réfugiés, 25 villageois<br />

ont proposé spontanément<br />

de les aider<br />

de la place”, ironise Bernard Milloir, maire sans<br />

étiquette de Pouilly-en-Auxois, homme jovial<br />

d’un optimisme à toute épreuve. “<strong>La</strong> sous-préfète<br />

m’a dit le 29 décembre que 80 migrants allaient<br />

arriver dans les deux mois ! J’ai réuni le conseil<br />

municipal et on a fait un rapide calcul : ils allaient<br />

représenter 5 % de la population !”<br />

Peur sur le village ? “Pas à ce point, mais de<br />

grosses inquiétudes, répond le maire. Les gens<br />

regardent la télé et ils savent qu’à Calais il y a souvent<br />

des heurts entre les ethnies ou les nationalités.<br />

Et puis il y a eu le 7 janvier et Charlie, les amalgames<br />

entre islam et terrorisme. Alors ces genslà<br />

dans notre campagne…”<br />

Le 4 février, les 22 premiers migrants (éthiopiens,<br />

érythréens, soudanais, congolais) arrivent<br />

en loques, brisés par les longs mois de périple<br />

à travers mer et terres, les nuits de veille dans<br />

les fossés calaisiens. Bernard Milloir montre<br />

l’exemple en termes d’hospitalité. Il va chercher<br />

des migrants avec sa voiture et les emmène au<br />

Château de Chailly (4 étoiles) à l’occasion de la<br />

Chandeleur, qui traditionnellement réunit les<br />

notables locaux. Cet épisode des crêpes agite<br />

la blogosphère nationaliste, qui invite les habitants<br />

de Pouilly-en-Auxois à prendre leur carte<br />

au Front national (FN).<br />

Mais ceux-ci réagissent de tout autre manière.<br />

Comme en témoigne Marie-Jo Bourcier, qui dirige<br />

le service social de la commune : “Peu après l’installation<br />

des demandeurs d’asile, 25 villageois se sont<br />

présentés spontanément pour offrir leurs services,<br />

donner des cours de français par exemple. Ensuite,<br />

des gens ont récupéré de vieux vélos, un mécano<br />

les a retapés et ils ont été offerts aux migrants. Nos<br />

équipes de foot leur ont ouvert leurs séances d’entraînement.<br />

Une partie de la population s’est mobilisée.”<br />

Bernard Milloir complète : “Et un monsieur conduit<br />

les croyants le vendredi à la mosquée de Beaune.”<br />

Bons clients. [En mai], les réfugiés ont intégré<br />

le décor. Ils se font discrets, aucun incident<br />

n’a été à déplorer et on s’est habitué, sur<br />

le coup de 17 heures, à les voir débouler à bicyclette<br />

place de la Libération, avec leurs cabas.<br />

Les commerçants se frottent les mains car ces<br />

messieurs achètent beaucoup et local. “De gros<br />

mangeurs de pain”, se félicite une boulangère.<br />

<strong>La</strong> gérante de la supérette estime de son<br />

côté que cette clientèle est en train de remonter<br />

son chiffre d’affaires. Ils perçoivent chacun<br />

11,45 euros par jour à titre d’allocation temporaire<br />

d’attente. Une aide qui en irrite certains dans<br />

le village, comme ceux dont les vieux parents<br />

touchent une retraite inférieure à 450 euros<br />

par mois “alors qu’ils ont travaillé toute leur vie”.<br />

Bernard Milloir n’ignore pas cette précarité<br />

silencieuse qui gagne de plus en plus les campagnes<br />

françaises, “mais on ne peut tout de même<br />

pas laisser ces gens mourir de faim chez nous”,<br />

argue-t-il. Il poursuit : “Les habitants sont des<br />

employés ou des ouvriers aux salaires maigres, ils<br />

n’ont pas fait beaucoup d’études, n’ont pas beaucoup<br />

de culture, mais ils ont du bon sens. Une très<br />

large majorité a choisi d’accepter ces étrangers.”<br />

Le 12 avril, venus de Chalon-sur-Saône, des<br />

militants du Parti de la France, présidé par<br />

Carl <strong>La</strong>ng, un transfuge du FN, distribuent des<br />

tracts xénophobes dans le village et organisent<br />

un apéritif saucisson devant l’ancienne gendarmerie.<br />

Les travailleurs sociaux du centre d’accueil<br />

découvrent leurs pneus crevés. En réponse,<br />

150 Polliens (le nom des habitants) rejoignent<br />

les réfugiés dans leur foyer autour d’un repas<br />

républicain. “On a craint le pire, des provocations,<br />

mais tout s’est bien passé, les réfugiés ont<br />

même cuisiné notre traditionnelle gougère”, se<br />

souvient Bernard Milloir.<br />

→ VIII


VIII. CAHIER SPÉCIAL BOURGOGNE Courrier international — n o 1301 du 8 au 14 octobre 2015<br />

VII ← Danielle Malas, jeune préretraitée de<br />

la Banque postale, faisait partie des convives.<br />

On la retrouve au centre social. Tandis que des<br />

dames s’adonnent au cartonnage et à la couture,<br />

Danielle enseigne à un jeune Africain les<br />

rudiments du français. “Je tente de lui expliquer<br />

qu’il faut rouler à vélo à droite et non à gauche,<br />

parce que beaucoup de réfugiés ne connaissent pas<br />

notre code de la route. C’est une leçon de français<br />

très utile.” Pourquoi s’être portée volontaire ?<br />

“J’ai lu les livres de Pierre Rabhi [promoteur de<br />

l’agroécologie et initiateur du mouvement Colibris<br />

“Cet homme m’a raconté<br />

qu’il a voyagé sept mois<br />

pour sauver sa peau. On ne<br />

prend pas autant de risques<br />

juste pour bénéficier du RSA”<br />

prônant la ‘sobriété heureuse’] et c’est ma part de<br />

colibri avec mon petit bec”, dit-elle joliment. “Je<br />

fais un peu à mon niveau pour venir en aide. Ces<br />

gens sont des victimes. Ce jeune homme m’a raconté<br />

qu’il a voyagé sept mois pour sauver sa peau. On ne<br />

prend pas autant de risques juste pour venir bénéficier<br />

du RSA. Chez nous, la vie s’est rétrécie, quand<br />

un jeune dégotte un travail au McDo, les familles<br />

parlent de réussite. Ces étrangers prouvent que la<br />

volonté de s’en sortir peut mener loin.”<br />

A Thoisy-le-Désert, au lieu-dit Le Calvaire,<br />

à 3 kilomètres de Pouilly, vit Henri Fagottet,<br />

homme lui aussi sensible au malheur des<br />

autres. Il est éleveur à la retraite, son fils s’occupe<br />

aujourd’hui des 400 vaches charolaises.<br />

Dimanche [24 mai], Henri a convié à sa table<br />

trois jeunes Ethiopiens. “Un repas de famille<br />

avec mon fils, ma bru, ma fille, mon gendre, mes<br />

petits-enfants et ces garçons. On a mangé du poulet<br />

et des frites et on a beaucoup parlé”, résume-t-il.<br />

Henri connaît l’Ethiopie. Il raconte : “Un voisin,<br />

un ancien maire, avait jumelé sa ville de la banlieue<br />

parisienne avec une ville éthiopienne. Un jour, je lui ai<br />

dit : ‘Si je te donne 10 euros, ils vont aller là-bas ?’<br />

Il m’a dit oui. L’année suivante, j’ai fait une collecte et<br />

on a donné 300 euros à un village qui s’appelle Fadji.<br />

Tous les ans, la somme grossissait.”<br />

En 2007, Henri va pour la première fois à<br />

Fadji et voit que l’argent a contribué à la rénovation<br />

de l’école et à la vaccination du bétail. Il<br />

monte une amicale rurale franco-éthiopienne.<br />

Il y retourne en 2009 et en 2014. L’école est<br />

désormais pourvue en électricité et en eau et les<br />

agriculteurs se sont organisés en coopérative.<br />

“On doit accueillir ces gens comme des hommes,<br />

ne pas les rejeter à la mer. Les recevoir à ma table<br />

est un non-événement. On a mangé, on a visité la<br />

ferme et maintenant ils appellent le dimanche pour<br />

demander des nouvelles de la famille.”<br />

—Christian Lecomte<br />

Publié le 26 mai<br />

Repères<br />

CHRONOLOGIE<br />

29 décembre 2014 —<br />

Sur décision de l’Etat, la Côte-d’Or<br />

s’engage à créer des places d’accueil<br />

temporaire. <strong>La</strong> sous-préfète annonce<br />

l’arrivée de 80 migrants dans<br />

la commune de Pouilly-en-Auxois.<br />

Ils viennent de Calais.<br />

4 février 2015 —<br />

22 migrants originaires de la Corne<br />

de l’Afrique (Congolais, Soudanais,<br />

Ethiopiens et Erythréens) s’installent<br />

dans les locaux d’une ancienne<br />

gendarmerie.<br />

12 avril 2015 —<br />

Des militants d’extrême droite,<br />

venus de Chalon, distribuent<br />

des tracts xénophobes et<br />

organisent un apéritif saucisson<br />

devant le centre d’hébergement.<br />

30 septembre 2015 —<br />

80 migrants vivent dans la commune<br />

en attendant la régularisation<br />

de leur situation.<br />

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