CINÉMA LUX
programme199
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Saul majeur<br />
Depuis les attaques de Jacques Rivette et Serge Daney contre le travelling de Kapo - film de Pontecorvo fondamental dans<br />
l’histoire de la représentation de la Shoah surtout pour l’encre qu’il a fait couler - puis celles de Claude Lanzmann contre La<br />
Vie est belle et La Liste de Schindler, on sait qu’on ne figure pas si facilement la machine de mort nazie. Riche du monumental<br />
Shoah de Lanzman ou du montage des images de l’horreur dans les Histoire(s) du cinéma de Godard, on peut même<br />
s’interroger sur ce que le cinéma a encore à «gagner» à filmer l’Holocauste. Parce qu’elles résistent à leur esthétisation, les<br />
images des camps jouent le rôle de pierre de touche pour une règle absolue : c’est la manière dont les choses sont filmées qui<br />
constitue la signification de ce qui est filmé. Au feuilleton des polémiques, rajoutons une histoire d’œilletons. D’abord, celui<br />
d’Amen, de Costa-Gavras, où, dans une scène d’anthologie, Gerstein, entraîné par ses collègues SS, découvre par le trou d’un<br />
œil optique l’inimaginable horreur de la crémation dans les chambres à gaz. Par un jeu de gros plans alternés sur les regards<br />
des SS jouissant silencieusement de l’horreur puis la réaction de Gerstein, puissamment évocatrice face à l’immontrable,<br />
le Mal trouve un mode de représentation à l’écran particulièrement parlant : un sentiment de profond malaise, un retour à<br />
l’animalité, le péché de l’humanité, l’Ennemi intérieur. Il s’oppose en cela à l’œilleton de Spielberg, dans cette scène de La<br />
Liste de Schindler où l’on voit, à travers ce même orifice, un groupe de femmes, aussitôt arrivées à Auschwitz, enfermées dans<br />
une salle de douche. Plan scandaleusement voyeuriste qui ne peut figurer qu’un «regard de nazi». Lorsque le cinéma tente<br />
d’aborder la Shoah, deux points de vue s’opposent : celui du tolérable – comme chez Pontecorvo, Spielberg ou Benigni – et<br />
celui de l’intolérable – Nuit et brouillard bien sûr. Le premier c’est le récit de la rédemption, de la survie, tandis que le deuxième<br />
c’est celui de l’irréparable, du désastre sans retour possible. C’est bien là que se situe Le Fils de Saul. La déambulation<br />
ininterrompue de Saul dans le camp nous conduit à explorer la topographie d’Auschwitz (rampe d’accès, vestiaire, chambre<br />
à gaz, crematorium, infirmerie) et à «assister» aux différentes étapes du processus industriel d’extermination (arrivée des<br />
convois, déshabillage et récupération des objets de valeur, gazage, nettoyage des chambres à gaz, destruction des corps dans<br />
les crématoires…). Mais, jamais ce n’est «voyeur» car le réalisateur restreint drastiquement son «langage» filmique (prise de<br />
vue avec un objectif unique, plans-séquences qui limitent les possibilités de montage…) et contraint avec la même rigueur<br />
la vision du regardeur (format carré souvent obstrué par la nuque de Saul, absence de profondeur de champ…). A ce titre, il<br />
offre une véritable leçon d’éthique cinématographique. En rejetant la représentation de l’horreur dans le flou, le hors champ et<br />
le sonore - qui contraste singulièrement avec le hiératisme silencieux auquel nous habituent les documentaires – il fait de ce<br />
film une plongée organique et sensorielle dans l’usine de mort qu’a été Auschwitz, salutaire et indispensable car elle renfonce<br />
sans aucun doute notre capacité de «perception», d’«éprouvement», sinon d’entendement.<br />
À L’AFFICHE<br />
jeune public<br />
S sortie nationale<br />
E exclusivité<br />
3D film en 3D<br />
vidéoclub<br />
sélection cannes 2015<br />
audiodescription<br />
sous-titrage sourds<br />
et malentendants à<br />
certaines séances