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À LA BRUNANTE CONTES ET RÉCITS

À LA BRUNANTE : CONTES ET RÉCITS - Bibebook

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<strong>À</strong> la brunante : contes et récits<br />

Chapitre I<br />

pour une pâle Anglaise, qu’il avait regardée de trop près, et qui, dans un<br />

jour de déception, avait offert son cœur à Dieu ; aussi jura-t-il de ne pas<br />

s’approcher avant de bien connaître le terrain.<br />

Alice, de son côté, était trop femme pour ne pas s’apercevoir de<br />

l’impression qu’elle produisait sur son voisin ; et, fière de sa nouvelle<br />

conquête, elle le laissa tranquillement entrer dans la collection de papillons<br />

qu’elle se formait, se disant bien qu’une fois là, elle l’y retiendrait<br />

à loisir, et qu’elle pourrait se passer le mignon caprice de lui enfoncer<br />

comme aux autres, entre les deux ailes, son épingle de naturaliste –<br />

l’amour.<br />

Pendant un mois, Édouard fit ce que font tous les amoureux ; il se<br />

contenta d’aimer Alice de toute son âme de poète, se figurant qu’il était<br />

impossible pour elle d’en aimer un autre.<br />

MM. Meunier et Darlington, les deux autres prétendants, en croyaient<br />

autant, et Alice était on ne peut plus heureuse de les aimer à son aise tous<br />

les trois, car – toujours confidentiellement – elle les aimait éperdument,<br />

tant qu’elle les voyait assis près d’elle et lui contant fleurette, mais il ne<br />

fallait pas s’en aller. Autrement le vilain petit dieu de la fable courait au<br />

plus pressé, et décochait aussitôt sa flèche la plus aiguë à l’heureux remplaçant.<br />

Presque chaque jour, après-dîner, Édouard venait causer avec Alice.<br />

Ce qui au commencement n’avait été qu’une distraction était devenu un<br />

besoin pour lui ; car un jour, ayant voulu connaître par lui-même jusqu’à<br />

quel point l’amour peut faire tourner la tête, il s’était privé de converser<br />

avec sa voisine pendant deux journées, et il avait failli se fondre d’ennui<br />

et de migraine.<br />

Ce fut bien pis lorsque, dans un moment de retour sur lui-même, il<br />

s’aperçut que MM. Meunier et Darlington étaient aimés autant que lui. Il<br />

essaya pendant deux heures de se persuader le contraire. Inutile ; la triste<br />

réalité se dressait là devant lui. Il tenait d’un autre ami que M. Darlington<br />

était le fiancé de la voisine, et qu’en attendant, comme elle était bien<br />

convaincue qu’il serait son mari, Alice se permettait de lui préférer, pour<br />

le quart d’heure, M. Meunier.<br />

Pendant quarante-huit heures, Édouard se figura que l’amour d’Alice<br />

lui était chose parfaitement indifférente ; mais, hélas ! un soir le pauvre<br />

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