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À LA BRUNANTE CONTES ET RÉCITS

À LA BRUNANTE : CONTES ET RÉCITS - Bibebook

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<strong>À</strong> la brunante : contes et récits<br />

Chapitre II<br />

son rang tout près de moi, me dit d’aussi loin qu’il l’aperçut :<br />

— Tiens ! Ursule Trépanier, des Éboulements ! Tu ne connais pas ces<br />

gens-là toi, mais ils sont tous taillés comme cela dans la famille ; robustes,<br />

vifs, bien plantés, honnêtes comme l’épée du roi, et pas poltrons du tout<br />

en face du travail.<br />

La petite arrivait à nous.<br />

Sans mot dire, elle se mit à faner.<br />

Moi, je continuai à repasser ma faux, tout en examinant la jeune fille<br />

du coin de l’œil, et il me semblait qu’un parfum tout nouveau sortait de<br />

dessous les levées que retournait si gentiment sa fourche. Le croiras-tu<br />

Mathurin ? une femme me faisait peur alors ; j’étais timide, elle aussi, et<br />

nous ne nous serions probablement jamais parlé, si le soleil n’avait pas<br />

été si étouffant ce jour-là.<br />

<strong>À</strong> force de remuer les bras, les sueurs coulaient du front ; il faisait<br />

chaud plein la prairie, et comme j’avais emporté un bidon d’eau fraîche,<br />

ce fut Ursule qui me dit la première :<br />

— Me permettriez-vous d’en prendre une goutte, monsieur ?<br />

— Certainement mademoiselle, lui dis-je tout gauchement, et pourtant<br />

rien qu’à l’entendre me demander cela, je lui aurais donné mon cœur.<br />

Elle but à longs traits ; puis, comme l’herbe était fraîche et que le canon<br />

de midi venait de tirer à la ville, nous nous assîmes sur le foin nouvellement<br />

coupé, et petit à petit nous commençâmes à causer tout en cassant<br />

une croûte de pain de ménage.<br />

Depuis lors, je la vis chaque jour une petite demi-heure, et cela, tranquillement<br />

sans lui dire une parole d’amour ; entre nous, il n’en était guère<br />

besoin ; rien qu’à se regarder dans les yeux, on se comprenait.<br />

Mais les mauvaises langues causèrent pour nous ; et, un soir que j’étais<br />

assis sur le perron de la porte, songeant à Ursule, ma mère qui filait près<br />

de la huche me dit assez brusquement :<br />

— Édouard, tu fais parler de toi avec la petite Trépanier.<br />

Je soupirai, sans rien dire ; que veux-tu qu’on fasse, Mathurin, quand<br />

c’est la mère qui parle ?<br />

Elle continua :<br />

— Oui, tu te compromets, et, ce qui est pis encore, car un garçon s’en<br />

retire toujours, tu la compromets aussi. La mère Sauviatte, en m’appor-<br />

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