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<strong>Un</strong> <strong>coucher</strong> de <strong>soleil</strong><br />
<strong>à</strong> <strong>Port</strong> <strong>Louis</strong><br />
EPISODE 3
En rentrant chez elle après une agréable journée<br />
auprès de son Dada, Tia sauve une fleur, trouvée<br />
sur le bord <strong>du</strong> chemin. Elle décide de la baptiser<br />
Aïna - qui signifie Vie en malgache.<br />
Émue par l’histoire de son amie, Tia va tout faire<br />
pour l’aider <strong>à</strong> retrouver sa famille. Heureusement,<br />
elle sait compter sur l’aide et les connaissances<br />
infinies de Vié Gran Mama, la gentille sorcière de<br />
la Vallée des Couleurs.<br />
Cette dernière leur donne un précieux indice :<br />
les deux fillettes doivent se rendre<br />
<strong>à</strong> <strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong> afin de rencontrer<br />
le vieux baobab qui saura<br />
les renseigner.
Les deux amies demandèrent <strong>à</strong> Cateau, l’exotique<br />
et rigolote perruche de Maurice, de les emmener <strong>à</strong><br />
<strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong>. Confortablement installées dans le vert<br />
plumage de leur camarade, Tia et Aïna profitaient<br />
d’un panorama magnifique tandis que Cateau volait<br />
<strong>à</strong> tire-d’aile vers la capitale.<br />
- Mesdemoiselles, préparez-vous pour l’atterrissage.<br />
Nous arrivons <strong>à</strong> <strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong> dans une dizaine de<br />
minutes.<br />
- Paré, commandant ! Nous sommes prêtes ! Tu<br />
te souviens de nous déposer dans le jardin <strong>du</strong> Musée<br />
d’Histoire Naturelle ?
Les vastes éten<strong>du</strong>es champêtres avaient laissé place<br />
aux bâtiments de la ville. Aux anciennes et typiques<br />
maisons de l’époque coloniale se mêlaient d’immenses<br />
buildings blancs, roses ou crème ; les façades colorées<br />
des échoppes <strong>du</strong> quartier chinois côtoyaient la vieille<br />
mosquée Jummah, témoin de l’histoire de l’île Maurice.<br />
- Merci, Cateau, pour ce voyage exceptionnel, chantonna<br />
Tia en frottant sa joue contre le doux plumage.<br />
Asseyant son amie au creux de son bras, elle se dirigea<br />
vers le centre de la cour <strong>du</strong> Musée d’Histoire Naturelle.<br />
- Tiens, regarde, ne serait-ce pas cet arbre-l<strong>à</strong> ?
Tia désigna un arbre incroyable, bien différent de ceux<br />
qu’elle connaissait. Son tronc était énorme, en forme<br />
de bouteille. À la place de feuilles, il semblait avoir des<br />
racines sur la tête.<br />
- On dirait que vous avez le même coiffeur ! Tia<br />
taquinait son amie pour essayer de la dérider.<br />
Elles se rapprochèrent de l’arbre, intimidées par sa<br />
taille et sa prestance.<br />
- Monsieur ? La voix d’Aïna se faisait encore plus<br />
fluette que d’habitude<br />
- Monsieur, s’il vous plait, dit alors d’une voix plus<br />
forte Tia. Mais, elle aussi était très émue et impressionnée.<br />
- Il ne peut ni vous voir, ni vous entendre,<br />
entendirent Tia & Aïna.
Elles levèrent les yeux, <strong>à</strong> la recherche de leur interlocuteur.<br />
Elles virent une jeune chauve-souris, suspen<strong>du</strong>e<br />
<strong>à</strong> une branche, la tête en bas.<br />
- Mais… pourquoi ?<br />
- Il est tellement vieux. Savez-vous que vous avez<br />
devant vous Baobao, l’arbre le plus vieux de l’île Maurice<br />
? Malheureusement, le temps a fait qu’il est devenu<br />
aveugle, sourd et muet.<br />
Les yeux d’Aïna se remplirent de larmes. Fini, c’était<br />
fini, s’il ne pouvait plus communiquer, elle ne retrouverait<br />
jamais sa famille.<br />
Voyant la détresse des deux amies, la chauve-souris<br />
leur dit alors :<br />
- Avec le temps, Baobao et moi avons appris <strong>à</strong><br />
nous comprendre sans avoir <strong>à</strong> nous parler. Ça marchera<br />
peut-être aussi pour vous ? Allez, faites comme<br />
moi, appuyez-vous contre son écorce et ne dites rien.<br />
Écoutez votre cœur.<br />
Les deux amies obéirent de suite et se collèrent<br />
contre l’arbre, les bras écartés. <strong>Un</strong>e douce chaleur les<br />
envahit et elles fermèrent les yeux. La chauve-souris<br />
descendit de sa branche et s’installa sur l’épaule de<br />
Tia. Alors qu’elle semblait s’être endormie, elle s’agita<br />
soudain et s’envola <strong>à</strong> grands coups de « flap flap »<br />
pour se suspendre <strong>à</strong> nouveau quelques branches plus<br />
loin, la tête en bas.
Tia et Aïna s’écartèrent également de l’écorce rugueuse.<br />
Curieusement, alors que le brouhaha de la<br />
capitale était assourdissant en ce milieu de journée,<br />
elles avaient toutes les deux enten<strong>du</strong> le silencieux<br />
message <strong>du</strong> vieil arbre. C’était vers le vieux fort appelé<br />
La Citadelle, juchée sur une colline <strong>à</strong> l’extrémité<br />
de la ville qu’elle devait se diriger. L<strong>à</strong>-bas, elle trouverait<br />
un cordonnier qui saurait les guider dans leur<br />
quête.<br />
Tia et Aïna se tournèrent vers le vieil arbre.<br />
- Merci, mille mercis. Nous reviendrons te voir,<br />
Baobao, on te le promet. Prends soin de toi.
En route Tia et Aïna traversèrent le quartier chinois<br />
et sa farandole d’étroites rues pavées en s’émerveillant<br />
de tout : des lampions d’un rouge éclatant côtoyaient<br />
des têtes de dragon en céramique, des dorures<br />
décoraient les embrassures de portes,<br />
toute une explosion de couleurs<br />
dans une ambiance aussi<br />
désordonnée qu’exotique…<br />
Après une longue marche dans ces ruelles pittoresques,<br />
elles arrivèrent <strong>à</strong> la Citadelle au <strong>coucher</strong> <strong>du</strong> <strong>soleil</strong>. <strong>Un</strong><br />
vieux monsieur, très digne, était assis sur un rocher<br />
face <strong>à</strong> la mer admirant le magnifique spectacle <strong>du</strong> <strong>soleil</strong><br />
qui se couchait derrière la barrière de corail. Son visage<br />
était rempli de rides, comme seules les personnes<br />
qui ont beaucoup vécu savent en avoir. De ses mains<br />
agiles, il réparait une vieille, vieille paire de chaussures<br />
usées.<br />
- Oui, leur dit-il sans les regarder. Je suis cordonnier<br />
et j’aime mon métier. Alors, en attendant que les derniers<br />
rayons <strong>du</strong> <strong>soleil</strong> disparaissent, je continue mon travail.<br />
Mais, vous n’êtes pas l<strong>à</strong> pour m’écouter parler de semelles<br />
ni de lacets, je suppose. Je vous attendais. Vous êtes juste<br />
<strong>à</strong> l’heure.
Tia et Aïna se regardèrent, interloquées.<br />
- Vous nous attendiez ? Juste <strong>à</strong> l’heure… pour quoi<br />
faire ?<br />
- Oh oui, je vous attendais. Vié Gran Mama, Baobao<br />
et quelques autres dont Dada - oui Tia, ton Grandpère<br />
- et ses amis Pink, Gri Gri… se sont réunis en grand<br />
secret et m’ont mis dans la confidence sachant que votre<br />
détermination vous guiderait jusqu’<strong>à</strong> <strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong>, et enfin<br />
jusqu’<strong>à</strong> moi. De mémoire collective, il semble que les<br />
membres de ta famille venus <strong>à</strong> Maurice, il y a bien longtemps<br />
de cela, seraient tous partis pour l’ile voisine de<br />
Madagascar, sauf Baobao. S’ils se sont essentiellement<br />
installés sur la côte ouest, on peut toutefois en trouver un<br />
peu partout sur l’île : dans le sud, vers le nord… Madagascar<br />
est une grande ile, mais, <strong>à</strong> cœur vaillant, rien d’impossible<br />
!<br />
Vous les retrouverez, j’en<br />
suis sûr. Ce ne sera pas<br />
facile, mais cette cause vaut<br />
bien quelques efforts, non ?
<strong>Un</strong>e telle force se dégageait de ses propos que, pas un<br />
instant, Tia et Aïna ne doutèrent de réussir.<br />
- Vous voyez le bateau l<strong>à</strong>-bas ? C’est celui que<br />
vous devez prendre pour retrouver ceux que vous<br />
cherchez. Il quitte le port dans 30 minutes. Vous avez<br />
juste le temps d’y aller.<br />
- Bleu ! Appela-t-il, on embarque ces demoiselles<br />
pour le grand voyage !!<br />
Dans un bruissement d’ailes, une immense roussette<br />
noire apparut.<br />
- Bleu ? interrogea Tia<br />
- Oui, c’est de l’humour, une sorte de clin d’œil <strong>à</strong><br />
mon espèce, la roussette noire… répondit l’animal en<br />
souriant. Ni Rousse, ni Noire, Bleu tout simplement.<br />
Sans prendre le temps de réfléchir davantage, les<br />
deux amies sautèrent sur le dos de l’oiseau qui s’envola<br />
immédiatement.<br />
Per<strong>du</strong>es dans leurs pensées… pas un mot ne s’échappait<br />
de l’une ou de l’autre.<br />
- Et moi qui rêvais d’un grand voyage, se disait<br />
Tia. Me voil<strong>à</strong> embarquée pour la Grande Île. Je sais<br />
que mon Papa, Vent <strong>du</strong> Large, veillera sur nous <strong>du</strong>rant<br />
le voyage. Que Maman prendra soin de moi, de<br />
nous. Et que tous nos nouveaux amis et ceux <strong>à</strong> venir<br />
nous aideront <strong>à</strong> mener <strong>à</strong> bien cette mission.<br />
- Je vais enfin retrouver ma famille, pensait Aïna.<br />
Madagascar, terre des baobabs. La terre où vivent les<br />
miens. <strong>Un</strong>e terre pleine de promesses.
Bleu, la roussette noire, se posa sur le<br />
pont <strong>du</strong> navire et fit un clin d’œil au<br />
capitaine.<br />
Elle leva les yeux : dans le crépuscule, un superbe<br />
spectacle qu’elle n’oublierait jamais, un <strong>coucher</strong> de<br />
<strong>soleil</strong> sur <strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong>.<br />
- C’est bon, mon Capitaine, dit-elle<br />
avant de s’envoler en faisant des signes<br />
d’au revoir avec ses grandes ailes. Prends<br />
soin d’elles et bon voyage !<br />
Le bateau quittait lentement le port de<br />
<strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong>. Tia regardait son île qui<br />
s’éloignait petit <strong>à</strong> petit. Les plaines s’effacèrent<br />
d’abord et on ne vit bientôt<br />
plus que les sommets des montagnes de<br />
la chaine de Moka se découper dans le<br />
ciel rougeoyant.
Épisode 3<br />
<strong>Un</strong> <strong>coucher</strong> de <strong>soleil</strong> <strong>à</strong> <strong>Port</strong>-<strong>Louis</strong><br />
Collection automne-hiver 2014 – <strong>2015</strong>
www.tia-aina.com