lecridescorps_parjustinemothe
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LE
CRI
DES
CORPS
L’appel à la révolution contraceptive
Un film documentaire de 90 minutes
écrit et réalisé
par Justine Mothe
1
2
LE SOMMAIRE
LE PITCH_______________________5
LA NAISSANCE___________________6
L’INTENTION____________________8
LE TRAITEMENT__________________12
LA PIÈCE MIROIR________________14
LE SIÈGE_______________________16
LA CELLULE_____________________18
LE DISPOSITIF NARRATIF_________20
LA FRESQUE_____________________21
LA DIRECTION ARTISTIQUE________22
LE SCÉNARIO____________________26
LES PROTAGONISTES______________46
LE MOODBOARD___________________50
LES ANNEXES____________________56
LA BIO_________________________60
3
« La Science du contrôle des naissances nous a donné
un pouvoir que nous ne devons pas rejeter ; il faut
seulement l’appliquer d’une manière convenable. »
Dr.David, Évêque de Liverpool.
The Birth Control movement in England, Londres (1930)
« L’Humanité n’est pas une simple espèce
naturelle : elle ne cherche pas à se maintenir
en tant qu’espèce ; son projet n’est pas la
stagnation : c’est à se dépasser qu’elle tend. »
Le Deuxième Sexe (1949)
Simone de Beauvoir
4
LE PITCH
L e
Cri
d e s
Corps
est le filmmanifeste
des femmes
qui s’érigent
contre le système
contraceptif
h o r m o n a l
contemporain : pilule,
patch, anneau vaginal,
implant,injection
intramusculaire, autant
de dispositifs chimiques dont
les femmes ne veulent plus. En
cause, une charge mentale et
économique aux effets secondaires
physiques,psychologiques,
émotionnels, qui les empêchent de
disposer librement d’elles-mêmes.
Et une machine médicale qui, depuis
les années 60, n’a pas évolué sur ses
méthodes en matière de contraception.
Alliée de choix dans la progression des acquis
féministes d’autrefois, elle est aujourd’hui un
adversaire sourd aux aspirations des femmes : celles
notamment de changer radicalement de paradigme
contraceptif. Sans jamais remettre en question
leurs droits fondamentaux, ce paradigme s’inscrit en
réalité dans la continuité des luttes de celles qui les
ont durement gagnées. Pour s’affranchir d’une conception
encore patriarcale de la contraception et abolir enfin les
inégalités entre les genres. Pour bousculer les interactions
sociales, culturelles et sexuelles entre les femmes et les
hommes et ainsi faire émerger un nouveau corps révolutionnaire.
5
LA NAISSANCE
L'idée d’un documentaire germe
dans ma tête à la suite d'une
endométrectomie réalisée en 2018 à
la Clinique Belharra de Bayonne. Lors
de l'entretien post-opératoire, le
Dr. Mathilde Doublier me préconise
d'arrêter la pilule et de souscrire
à un nouveau moyen contraceptif. Le
Dr. Doublier me pose alors cette
question essentielle qui va tout
bousculer : « Comment sont vos
règles ? » Il s'agissait d'évaluer
la régularité, l'abondance, la
durée, l’éventualité d’un syndrome
prémenstruel.
À cette question, je suis incapable
de répondre. Sous pilule depuis
l'âge de 15 ans, je réalise alors
que je ne connais pas mon corps,
ses réflexes hormonaux naturels et
les cycles qui lui sont propres. En
concertation avec ma gynécologue,
nous décidons de réaliser une
expérimentation : en me tenant
à l'écart de tout rapport sexuel
fécondant, je suis tenue d'observer
mes cycles naturels sur une durée
de trois mois - sans me soustraire
à un quelconque contraceptif
hormonal - pour décider in fine de
la méthode contraceptive qui me
sera la plus adaptée. À cet instant
précis et de manière fulgurante,
une exaltation singulière s’empare
de moi. À peine sortie du cabinet
du Dr. Doublier, je me sens déjà
hors champs, à la fois libre et
vulnérable dans une zone indéfinie,
celle du vide contraceptif. Mais je
comprends très vite que ce moment
de trouble est en réalité une
transition vers une purge de toute
substance chimique contraceptive,
une étape fondamentale pour enfin
savoir qui je suis “à l’état pur”.
Je me sépare ainsi de mon premier
corps. En un sens, je dis adieu à
ma chaire d'adolescente. Je laisse
sur le seuil mes balbutiements
charnels sous ordonnance et referme
la porte. Avant ce pacte audacieux
et ses préludes, je me refusais à
toute pratique alternative à la
pilule contraceptive, considérant
qu’il s’agissait d’un affront aux
années de luttes féministes initiées
par mes aînées pour l'obtenir. En
prenant la pilule, quelque part, je
portais en moi une forme d'héritage
politique.
Ce rendez-vous, en réalité loin de
m’isoler, me conduit à me connecter
aux autres femmes pour savoir si
ma situation leur fait écho et à
m’interroger plus largement sur
notre réalité commune. Me vient
alors l'idée de lancer un appel à
témoignages(ci à droite).
Mon enquête se précise. Qui sont
les femmes qui arrêtent la pilule ?
Sont-elles nombreuses ? Pourquoi
le font-elle ? Quels sont leur
parcours ? En deux jours, je reçois
plus d’une centaine de récits, longs,
colériques, parfois désespérés... À
travers eux, des histoires sensorielles
jaillissent : humeurs troubles, désir
éteint, effets secondaires multiples,
sensation d’impuissance, consultations
et examens par milliers, puis retour à
la prise de la pilule par précaution...
Longtemps tus ou minorés au nom
de l’émancipation sexuelle, les
effets secondaires et indésirables
des contraceptifs hormonaux sont
aujourd’hui largement pointés du doigt
et devenus intolérables. Tout comme les
risques sanitaires qu’ils comportent.
De ces paroles de femmes, émane aussi
la critique du corps pharmaco-médical,
à l’origine de ce traitement de masse,
qui s’obstine, malgré les appels
aux changements, à perpétuer une
6
tradition contraceptive hormonale
et chimique qu’il a lui même
instituée. C’est donc une poudrière
qui m’arrive en pleine face. Les
témoignages traduisent un besoin
viscéral d’expression. Toutes ces
femmes m’encouragent alors à mettre
le sujet sur la table. Au-delà de
la diversité de leurs expériences
et de leur vécu, je comprends que
nous convergeons vers un seul et
même désir : retrouver notre corps
libéré de toute emprise chimique.
L’important pour moi, c’est donc
que mon documentaire incarne une
prise de parole, sans tabous,
sans clichés, sans préjugés, sans
fantasmes.
Le Cri des Corps est ainsi le film
de ces femmes qui veulent être
entendues pour faire surgir enfin une
vérité jusqu’alors inaudible : celle
de l’assujettissement d’un genre à
la contraception hormonale et à son
contrôle.
7
L’INTENTION
8
« Tu prends quoi toi ? » Il
est intéressant de constater
que cette question « Tu prends
quoi, toi ? » est très connotée.
Généralement, on l’emploie pour les
drogues ou les addictions. Cette
interrogation ouvre en réalité
aussi à la plus grande conversation
féminine du monde. Elle parle de
la contraception. Intime, banale,
triviale, elle résonne dans les
cafés, dans les espaces publics,
elle surgit des conversations
entre pair.es. Elle est une clé
de cryptage féminine, elle nous
rassemble, nous rend semblables
les unes aux autres, en bref, elle
est la sororité incarnée. Pattern
devenu culturellement normé, la
contraception régit nos pratiques
et nos rites. Socialement, elle
conditionne notre façon d’habiter
notre corps et de le connecter
aux autres. La contraception
est devenue une sorte de centre
gravitationnel qui unit les femmes
autour d’une quête perpétuelle : la
libre disposition de soi.
La contraception est une lutte
historique, empreinte d’une forte
mémoire politique. Durement acquise
par nos grand-mères, programmée
pour nos mères, elle est notre
plus grand garde-fou depuis notre
première interaction à caractère
sexuel. À elle seule, la pilule,
ultime symbole contraceptif, est
même « l’une des plus grandes révolutions
depuis le Néolithique » nous déclare
la philosophe féministe Elisabeth
Badinter. Dans cette grande bataille
organisée contre notre puissance
biologique créatrice, lui devonsnous
notre liberté tout entière ?
Que sommes-nous sans elle ? Comment
les femmes de notre époque se
positionnent-elles à l’égard de
l’histoire de leur émancipation ?
Des questions ô combien légitimes car
si l’on qualifie encore aujourd’hui
cette odyssée d’ « émancipatrice »,
la contraception, tel qu’elle est
pensée et appliquée, n’a jamais
été aussi remise en question. Un
système se réorganise et les corps
aspirent, tel un serpent qui mue,
à faire peau neuve. La pilule
contraceptive est l’exemple criant
de cette nouvelle ère qui s’annonce.
S’il reste le contraceptif n°1
en France, il est passé de 45%
d’utilisatrices en 2010 à 37% en 2018
selon l’étude Ifop : « Contraception :
pourquoi les femmes délaissent la pilule ? »
publiée à l’occasion de la journée
mondiale de la contraception du 26
septembre 2018. En avril 2019, une
autre étude, réalisée par l’OMS
dans 36 pays, révèle aussi que « les
deux tiers des femmes sexuellement
actives qui souhaitent retarder ou
limiter la maternité ont cessé de
recourir à la contraception par
crainte d’effets secondaires, en
raison de problèmes de santé ou de
sous‐estimation de la probabilité
de tomber enceinte (...) ».
Retombées des scandales sanitaires,
mouvement pro naturel, méfiance
envers les hormones, une chose
est sûre, la contraception n’est
pas une préoccupation ordinaire.
Elle fait aujourd’hui polémique.
Ses posologies, compositions
chimiques, modes d’emploi, effets
secondaires, méthodes en font un
objet politique au sens où elle
pénètre la matrice hormonale et
sociale féminine. Il m’a donc fallu
un certain temps pour comprendre
véritablement l’ampleur du sujet sur
lequel je m’apprêtais à travailler.
Je sentais en moi une indignation.
Mais laquelle ? Celle d’être une
femme. Mais encore ? Celle d’être
une femme et d’être constamment
rappelée à cette injonction. Qu’estce
qu’être une femme aujourd’hui ? Je
me suis interrogée cent fois, mille
fois, avec beaucoup de passion.
En tant qu’objet dont les femmes
se saisissent pour transgresser
et redéfinir les règles du jeu, de
nouveau, la contraception hormonale
m’est alors apparu comme une
évidence pour dénoncer une énième
domination exercée sur le corps des
femmes.
FAIRE PARLER LE CORPS DES
FEMMES
Si les moyens contraceptifs hormonaux
sont aujourd’hui rejetés par les
femmes, c’est qu’ils incarnent la
différence de traitement entre les
genres. À ce jour, aucun système
contraceptif hormonal masculin
concluant n’a été pensé à une
échelle qui soit similaire à celles
conçue pour les femmes. Les raisons
invoquées : des effets secondaires
indésirables ; fatigue, acné, maux
de tête, trouble de la libido et de
l’érection. Le summum de l’ironie
alors que les femmes souffrent de
ces mêmes effets depuis plus de
soixante ans.
Ce paradoxe est donc une clé de
compréhension absolument fondamentale
car il met en évidence les inégalités
morales, sociales et économiques
des genres face à un dispositif
contraceptif qui se veut sciemment
et exclusivement réservé aux femmes.
Une émanation directe du patriarcat
: avec l’instauration des méthodes
contraceptives hormonales féminines
dans les années 1960, c’est encore
une grâce offerte au genre masculin
qui s’acquitte de la charge
mentale, physique et économique
que représente la contraception.
Il sort ainsi définitivement du
cadre des préoccupations qui y sont
liées : médicalement « gérées »,
les femmes interagissent avec un
nouvel intermédiaire, le corps
médical. Ce nouveau rapport femmepatiente
/ corps médical remplace la
relation femme / homme dans l’exercice
patriarcal de la contraception en
France. Un constat d’autant plus
saisissant surtout quand il est
mis en perspective avec la cote
de popularité explosive d’antan de
la pilule contraceptive. En 1967,
lorsqu’elle est légiférée, la France
est en pleine croissance économique
et vit les derniers balbutiements
de ses Trente Glorieuses (1945-
1973).
La pilule incarne alors plus que
jamais cette époque où le progrès
scientifique est mis à la disposition
de la société de consommation de
masse. Rendue accessible à toutes
les femmes, elle est gratuite grâce
à la Sécurité Sociale. Quintessence
d’un monde en mutation, la pilule
est l’utopie de cette époque qui
nous précède. L’utopie d’une société
riche, productive, compétitive
et confortable. On parle d’une
invention « magique », « fantastique »
qui va libérer les femmes du joug de
la grossesse non-désirée.
Politiquement, elle prépare le
terreau favorable à l’obtention de
l’IVG qui sera légalisée en 1975
en France, soit sept ans après la
pilule contraceptive. Les femmes
se sentent libres, émancipées, la
contraception hormonale est un totem
autour duquel elles organisent leur
révolution culturelle et sexuelle
en plein mai 68. Mais en 2020, cette
utopie des seventies se perçoit
comme une dystopie engendrée
par un sentiment d’aliénation
et d’injustice des femmes face à
leur genre - puisque le système
contraceptif hormonal pour les
9
hommes n’existe toujours pas - à
l’origine même d’une relecture de
l’histoire.
Aujourd’hui, avec le recul, elles
prennent conscience du subterfuge
patriarcal dans lequel le système
contraceptif les ont enfermées. Les
luttes féministes impliquées dans
la libre disposition du corps des
femmes au cours des années 1970
sont loin d’être acquises : la
force patriarcale a muté et domine
encore.
En tant que substance exogène chimique
diffusée sans interruption, sous
ordonnance et supervision médicale,
la contraception hormonale exerce
aujourd’hui une emprise sur les
femmes, un contrôle, une dépendance
à un système qu’on pourrait qualifier
de “biopatriarcal” en référence au
concept de « biopolitique » développé
par Michel Foucault au milieu des
années 1970. il s’agit d’une forme
d’exercice du pouvoir qui porte,
non plus sur les territoires mais
sur la vie des individus, sur des
populations. Or, qui sont les
forces dominantes qui gouvernent
encore le corps des femmes ? Qui
demeure aujourd’hui sourd à leurs
revendications de s’extraire d’un
schéma contraceptif de masse ? Qui
est responsable des inégalités de
traitements contraceptifs entre
les genres ?
chimique au nom du bien commun.
Ainsi, je souhaite faire sortir les
femmes de leur ghetto contraceptif
pour les mettre au premier plan et
faire émerger les enjeux auxquels
nous devons faire face en matière
d’égalité des genres.
Le besoin criant d’empathie et
d’émancipation sont à l’évidence,
le salut du Cri des Corps qui
s’empoigne d’un sujet dont personne
ne veut réellement parler tant il
s’inscrit dans une logique qui nous
semble indestructible. Tant il
résonne au-delà de la seule sphère
des femmes et du cadre médical dans
lequel elles évoluent.
Un sujet porte-étendard d’une
génération en mouvement.
Un film-manifeste qui défend
l’idée de la parité contraceptive
en dénonçant les inégalités de
traitement contraceptif subies par
la condition féminine.
Premier interlocuteur des femmes en
matière de contraception, le corps
médical, boosté par le lobby des
industries pharmaceutiques, incarne
donc encore aujourd’hui bel et
bien ce biopouvoir à l’échelle des
genres, cette force biopatriarcale.
Ce film souhaite raconter pourquoi et
comment un genre tout entier (celui
des femmes) est devenu tributaire
d’un programme de contraception
10
La contraception hormonale chimique
devient l’élément central d’un storytelling
dont les femmes se saisissent pour
démystifier le sujet, briser l’omerta et
l’ouvrir à la société toute entière.
11
LE TRAITEMENT
À ce cri de liberté revendiqué s’alliera une réalisation singulière et
conceptuelle que je souhaite aux frontières de l’expérimental. Devenue
un sujet banal, un acquis dont on ne parle plus, la contraception a
pourtant bien été, à sa genèse, un immense terrain de jeu expérimental
et idéologique pour les scientifiques et les intellectuels dès le début
du siècle dernier. Ainsi, comme le film appelle à une refonte du système
contraceptif, il semble pertinent de créer un nouveau terrain de jeu
formel pour redonner à ce sujet sa dimension extra-ordinaire originelle.
Je souhaite attirer, absorber et capturer l’obsession de la problématique
en un lieu imaginaire, fixe, stable. Un univers propice à faire du Cri des
corps une expérience sociale inédite. C’est pourquoi je souhaite créer un
décor en studio unique qui fasse sens avec mon sujet.
DÉCOR
J’ai ainsi choisi pour créer ce décor de faire pleinement référence à
l’installation « The Dinner Party » réalisée au milieu des années 70
par l’artiste subversive américaine Judith Chicago. Elle s’est emparée
à l’époque de la forme géométrique du triangle pour en faire un symbole
d’égalité et un puissant totem féministe sachant que, dès l’antiquité, le
triangle incarnait déjà ce symbole de la femme et de l’utérus. Ces formes
m’ont profondément inspirées et c’est grâce à cela que je suis parvenue à
concevoir mon décor. « The Dinner Party » m’a immédiatement saisie pour
conférer une puissance visuelle à mon propos.
Dans cette mesure, je souhaite réaliser un décor triangulaire à échelle
réelle. Ce décor sera découpé en trois zones intérieures pour créer des
espaces distincts et immersifs et y installer trois groupes de protagonistes
qui vont participer à cette expérience sociale et cinématographique :
LA PIÈCE MIROIR
l’espace des femmes
en présence de la communauté des femmes
LE SIÈGE
l’espace de la science
en présence de la communauté médicale
LA CELLULE
l’espace des futurs possibles
en présence de la communauté de la recherche féministe et queer
12
Telles des dimensions qui explorent un seul et même thème, nos trois
espaces matérialiseront la contraception sous trois réalités distinctes
qui, interconnectées, formeront le récit du film. Soit la formulation d’une
nouvelle équation possible de la contraception.
Ces trois espaces seront ainsi conçus pour recueillir la parole de nos
intervenants. Ils sont donc des territoires imaginaires, des univers
artificiels au sein desquels ils seront conditionnés à livrer leur vérité.
Ce « triptyque » permettra de faire avancer le récit grâce au télescopage
des différents témoignages pour les faire s’entrechoquer et ainsi mettre
en exergue les paradoxes, les oppositions, les résistances liés à notre
sujet.
Le choix de cette structure géométrique et mathématique n’est en rien
anodin : concevoir des volumes identiques pour des protagonistes aux rôles
antagonistes va équilibrer la radicalité des idées qui sont développées
tout au long du Cri des corps. Le corps médical ne doit pas être diabolisé
mais plutôt entendu au même titre que les autres corps. Chaque « cri » a son
importance fondamentale dans l’élaboration de la révolution contraceptive.
À chaque groupe , une mise en scène particulière sera privilégiée afin de
distinguer sa fonction dans le film.
The Dinner Party (1974-1979), Judith Chicago
13
14
Elle est la dimension des femmes, un
espace radical réservé à la parole
indignée, celle qui osera briser l’omerta
sur les conséquences engendrées par la
contraception : effets secondaires,
répercussions sociales, économiques
et traumatiques. À l’intérieur de ce
cadre, les protagonistes sont des
volontaires qui racontent leur(s)
histoire(s). Une dizaine de femmes
représentatives de l’ensemble des méthodes
contraceptives hormonales chimiques (pilule,
DIU, implants...). Des anonymes et des
figures emblématiques de notre époque.
Chaque femme sera convoquée
individuellement dans cet espace afin
que toutes les conditions soient
réunies pour qu’elles soient
en confiance. Ici, elles
vont pouvoir se libérer,
se décharger de
leurs souffrances.
L’objectif :
construire une
histoire commune
qui résonnera
au-delà de leur
individualité.
Le miroir,
en tant
qu’allégorie de
leur intérieur,
de leur charge
mentale, de leur
intimité et de
leur isolement
m’est apparu comme
un dispositif
pertinent pour
matérialiser l’idée que
nos femmes sont à la fois
uniques et multiples. Chacune
d’entre elles se reflète dans les
autres.
Référence visuelle
15
16
= Définition
Sens 3 : Lieu où réside une administration.
Sens 4 : Endroit où commence un phénomène
Elle est la dimension de « l’institution
contraceptive », composée de ceux qui pensent
le système actuel, de ceux qui représentent
la science et la haute administration de
la santé. Ainsi, une sélection (5 à 8
personnes maximum) de professionnels issus
d’institutions, organismes professionnels
et associations (tels que l’OMS, la Haute
Autorité de la Santé, le Syndicat national
des gynécologues obstétriciens de France,
l’Agence nationale de sécurité du médicament
et des produits de santé, l’Institut National
de Prévention et d’Éducation pour la Santé)
siègeront tour à tour et répondront aux
questions qui concernent la médicalisation
et la féminisation de la contraception et de
façon plus large, à toutes les problématiques
liées à l’éthique contraceptive en
France comme à l’échelle internationale.
Au même titre que La Pièce Miroir conditionne
les femmes à s’exprimer sur la contraception
chimique qu’elles rejettent, Le Siège
conditionne cet échantillon de la gouvernance
médicale à fournir un état des lieux du
système contraceptif tel qu’il a été instauré.
En partant des fondations idéologiques,
militantes et politiques contraceptionnelles
(Margaret Sanger, concept du birth control,
puis loi Neuwirth etc, luttes pro-IVG...),
Le Siège est le lieu de l’idéologie
contraceptive dominante, telle qu’elle a
été construite et qui empêche actuellement
la réforme des institutions contraceptives.
Le Siège est donc l’expression de la
domination biopatriarcale qui enjoint les
femmes à être dépossédées de leurs corps,
physiquement comme moralement au regard de
la norme contraceptive hormonale actuelle.
Ici, il s’agira de confronter les
responsables des politiques de santé aux
impensés de la parité contraceptive et de les
inviter à faire de nouvelles propositions.
17
18
La troisième dimension qui complète
ce triptyque est l’espace des
futures possibles, des réflexions
propres à la parité contraceptive
et à la société post-patriarcale.
Espace d’éclairage, il nous offre
une lecture critique et déconstruit
les mythes et les moeurs qui freinent
tout changement. On l’appellera la
CELLULE. Le terme de « cellule » pour
qualifier cet espace n’est évidemment
en rien anodin, il évoque la dimension
biologique intrinsèquement liée à notre
préoccupation centrale : le corps des
femmes. La cellule — du latin cellula —
est l’unité biologique structurelle
et fonctionnelle fondamentale de
tous les êtres vivants connus.
C’est la plus petite unité vivante
capable de se reproduire de façon
autonome. L’image de la cellule est
une façon forte de nous ancrer dans
un univers organique et vivant. Le
terme cellule fut inventé par le
naturaliste anglais Robert Hooke
en 1665, il provient du latin
cellula en référence aux petites
chambres occupées par les moines
dans les monastères. Aujourd’hui,
il est devenu un terme du langage
courant à travers la cellule de
recherche ou encore la cellule
d’investigation. Des fonctions
qui font écho au principe de notre
cellule que l’on souhaite comme
un espace d’expérimentation, de
recherche sociale et d’investigation
féministe et queer. Les intellectuel.
le.s, écrivain.e.s, universitaires,
artistes de cette cellule
incarnent une pensée novatrice,
la construction d’un nouvel idéal
contraceptif synonyme de progrès
social. Ils.elles iront au-delà
du solutionnisme scientifique (LE
SIÈGE) et de la colère (LA PIÈCE
MIROIR) pour conduire à une prise
de conscience collective et à une
refonte du système contraceptif.
Ainsi, elles.ils contextualiseront - de
manière historique, anthropologique et
philosophique - le système contraceptif
tel qu’il a été mis en place, décrypteront
la norme contraceptive remise en
question par les femmes aujourd’hui,
évoqueront les futurs souhaitables,
imagineront de nouveaux scénarios
contraceptifs, redéfiniront les contours
de la bioéthique pour aller plus loin,
apporteront un nouveau souffle queer
loin de l’expression de la morale qui
subsiste encore à travers ce dispositif.
La cellule sera une dimension créative
et inspirante.
Elle va transformer la problématique
de la contraception en un point
de départ vers une nouvelle
conception des équilibres entre les
genres, puis aller au-delà de la
question des genres pour aborder la
question du sens de nos innovations
techno-scientifiques au regard de
l’émancipation du corps humain.
Elle abrite celles et ceux qui
imaginent et dessinent un nouveau
modèle pour demain. La cellule est
cet espoir.
Tour à tour, nous récolterons le
fruit de la parole des intervenants.
Ils interviendront individuellement
pour créer une attention unique
autour de leurs propos.
Nous compterons par exemple parmi
eux.elles, le philosophe transgenre
Paul B. Preciado, la philosophe
Claire Grino (autrice de l’article
« La pilule : biologisation de
la contraception et régulation
sociale »), la journaliste
féministe Lauren Bastide (La Poudre
podcast), la sociologue Christine
Delphy (chercheuse du CNRS depuis
1966 dans le domaine des études
féministes et des études du genre
et membre fondatrice du Mouvement
de Libération des Femmes (MLF)),
l’essayiste Mona Chollet (Sorcières,
la puissance invaincue des femmes,
Zones 2018) et plus encore... (cf.
Protagonistes).
19
LE DISPOSITIF NARRATIF
J’envisage un vrai parti-pris narratif
avec une voix-off qui sera la mienne. Au
dialogue virtuel entre mes trois groupes
de protagonistes se mêlera ainsi ma
voix pour faire avancer le récit et lui
conférer un rythme haletant. Une manière
d’installer un ping pong à la fois visuel
et rhétorique pour mettre en scène les
points communs et les points de rupture
entre mes intervenants. Ma voix sera donc là
pour donner une ponctuation à la narration
inter-protagonistes. Je souhaite néanmoins
l’utiliser avec parcimonie afin de ne pas
perturber à l’excès les télescopages de mon
récit.
Une séquence indépendante viendra percuter
mon récit et le nourrir : il s’agit d’un
collage mural réalisé par toutes les femmes
de la pièce miroir sur les trois parois
extérieures de mon décor. Une fresque que j’ai
conçue et qui sera filmée in extenso. Cette
démarche active s’inscrit dans l’intention
militante de mon film puisqu’elle illustrera
cet appel que je lance à la révolution
contraceptive.
Croquis de la fresque esquissé par Justine Mothe
Il sera réalisé dans un second temps par l’artiste
Charlotte Delarue (cf. Moodboard)
20
LA FRESQUE
On y voit des visages qui se succèdent. Leurs bouches sont grandes
ouvertes. Cette expression faciale évoque ainsi le cri qu’on
retrouve dans le titre du film. A l’intérieur de leurs bouches
mécaniquement décontractée, une pilule contraceptive (symbole
ultime de notre sujet) est visible au centre de la cavité. Les
yeux sont vides car ils traduisent l’état hypnotique dans lequel
sont les femmes sous contraceptifs chimiques.
La fresque emprunte ses traits et ses formes au design de
l’itération, de la répétition. Son effet de clonage renvoie à
l’idée d’un usage de masse de la contraception chimique. De manière
plus spécifique, l’illustration dépeint l’idée d’un front commun
entre les femmes qui font entendre leur voix et leur colère
collective en ouvrant littéralement la bouche. Ce dessin est aussi
une critique : à travers l’alignement militaire des visages, il
dénonce l’injonction biopatriarcale à laquelle sont soumises les
femmes sous contraceptifs chimiques.
Il s’agira ainsi de suivre tout le processus du collage en action,
affiche par affiche. Ces séquences serviront de respirations, d’interludes
à l’intérieur de mon récit mais aussi d’éléments « dramaturgiques »
à part entière puisque l’illustration ne sera dévoilée, dans son
entièreté, qu’à la toute fin de mon film.
En construisant cette fresque et en menant ce travail artistique,
Le Cri des Corps se fait l’incubateur d’une oeuvre critique et
avant-gardiste sur l’expérience physique et politique des femmes
de notre siècle. Cette séquence lui permet aussi de se munir d’une
source d’image exclusive et originale.
21
LA DIRECTION ARTISTIQUE
Le Cri des Corps s’inspire de la science-fiction
pour réaliser un film de science non-fiction.
Il est donc une ode à l’exploration narrative
et visuelle. Doté d’une esthétique futuriste,
saturée, fantastique, à la frontière du
surréalisme, il se nourrit du registre graphique
engendré par la science-fiction dystopique. Le
Cri des Corps puise ses influences des mondes
conceptualisés de George Orwell dans 1984,
d’Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes, de
Stanley Kubrick avec 2001, l’Odyssée de l’espace,
de Terry Gilliam avec Brazil, d’Andrew Niccol
avec Bienvenue à Gattaca.
Ces références aux codes de la science-fiction
(littéraire, graphique, cinématographique)
inscrivent Le Cri des Corps dans un registre
plus que jamais post-humaniste. En effet, le
post-humanisme est un courant de pensée né à la
fin du XXe siècle, issu notamment des champs de la
science-fiction, de l’art contemporain et de la
philosophie, qui traite du rapport de l’humain
aux technologies (biotechnologies incluses) et
du changement radical et inéluctable que ce lien
a provoqué ou risque de provoquer à l’avenir.
Selon cette conception, la science aurait modifié
la condition humaine et serait capable de la
modifier encore au point que l’humanité serait
à un tournant radical de son histoire, voire à
la fin de son histoire. Le Cri des Corps incarne
donc cette idée d’humanité en transformation
à travers le dispositif de la contraception
chimique hormonale féminine.
Emprunter cet univers esthétique et culturel,
c’est vouloir entraîner une prise de conscience
du monde dans lequel nous sommes qui n’est en
rien de la science- fiction. Pour ce faire,
nous embarquerons le spectateur dans un voyage
grâce à une mécanique visuelle franche qui le
fera passer d’une dimension à une autre, d’une
réalité à une autre. Une odyssée qui traversera
les corps, au sens propre comme au sens figuré :
le corps des femmes, le corps biopatriarcal et
celui des éclaireur.reuse.s destinés à imaginer
le futur contraceptif.
22
A) PRISES DE VUE :
Chacun des protagonistes (issus des trois dimensions c’est à dire pièce
miroir, siège et cellule) bénéficiera des mêmes prises de vue :
- Un travelling avant introduira l’intervenant.e en tant qu’élément central
et expérimental de chaque dimension. Il nous permettra de renforcer l’idée
d’immersion progressive.
- Deux valeurs plans seront favorisées (large et serrée) pour les entretiens.
Le cadre de chacun des espaces sera extrêmement soigné et identique : il
s’agira de filmer chaque entrevue (hors séquence collage) en symétrie, en
perspective et point de fuite qui converge vers le fond. Une signature
- largement empruntée à Stanley Kubrick (ainsi qu’à Wes Anderson) - qui
donne une tension stricte et une focalisation de précision.
Pour appuyer cette dynamique et garder
cette direction de cadre interrogatoire,
les protagonistes seront tous au centre
et filmés face caméra. J’utiliserai
une lentille Fisheye qui donnera
aux différents cadres cet effet
de bulle et d’entretien in
vitro tant désiré à travers
le concept des dimensions
multiples (sociale, politique et
artistique).
MATÉRIEL ENVISAGÉ :
Camera : DXL Camera (Panavision)
Format : Anamorphique, 8K 6:5 Mode
Lens : Panavision Primo Prime Lenses, (+ Fisheye Lense )
23
Carlota Guerrero, commissionnée par le magazine Allure (2018)
B) LUMIÈRE :
La lumière sera un élément important de mon
dispositif visuel afin de mettre en valeur mes
protagonistes et les cadres dans lesquels ils
évoluent. Je souhaiterais ainsi obtenir une lumière
laiteuse, vaporeuse pour conférer au documentaire
une certaine aura.
Elle suggérera une nouvelle énergie, l’éclosion
d’un nouveau monde, celui de la féminité et de la
créativité. La vision simple et transcendante des
corps humains que propose la photographe espagnole
Carlota Guerrero, à travers le travail de sa
lumière, me paraît être une direction pertinente
pour révéler les femmes dans leur processus
d’émancipation. De plus, cette lumière atténuera,
selon moi, le caractère anxiogène du sujet de la
contraception chimique et apportera une ambiance
solaire au film.
24
C) BANDE ORIGINALE ET TRAME SONORE :
Autre parti pris dans la réalisation, l’attention apportée à la musique. Elle
doit participer pleinement à l’identité du film. De style électronique, elle
sera une signature forte qui collera au récit sans l’étouffer ou simplement
l’illustrer. Je souhaite ainsi travailler avec les artistes Guillaume
Malaret et Owlle (cf. Moodboard) qui créeront pour mon documentaire un
univers sonore en résonance et en cohérence avec l’approche expérimentale
du Cri des Corps.
25
LE SCÉNARIO
N.B : Les verbatims de ce scénario sont en grande partie issus des
témoignages recueillis lors de mon enquête lancée sur les réseaux sociaux
(cf. Genèse).
26
GÉNÉRIQUE
OUVERTURE
1)[Séquence où j’apparais au centre de chacun des espaces de l’installation,
seule, droite, face caméra. Des travellings avant dévoilent successivement
la pièce miroir, puis le siège, puis la cellule. Enfin, une prise de vue en
hauteur expose l’installation globale dans laquelle ce film documentaire
expérimental en huis-clos va se dérouler. Sur ces images, je livre, avec
ma voix-off, la genèse du film : une histoire personnelle à la portée
collective.]
Voix-off :
« Comment sont vos règles ? » : À cette question posée par ma
gynécologue, je fus incapable de répondre. Sous pilule depuis l’âge
de 15 ans, je réalisais que je ne connaissais pas mon corps, ses
réflexes hormonaux naturels et les cycles qui lui étaient propres.
Ce constat invita mon médecin à me proposer une expérimentation… Je
devais maintenant me tenir à l’écart de tout rapport sexuel fécondant
et observer mes cycles naturels pendant trois mois, évidemment
sans contraceptif hormonal. L’objectif : trouver in fine, ma méthode
contraceptive. Un nouveau monde s’ouvrait à moi, un monde vertigineux : je
me suis sentie hors champs, à la fois libre et vulnérable dans
une zone indéfinie, celle du vide contraceptif. J’avais très vite
compris que ce moment de trouble était en réalité une transition
vers une purge de toute substance chimique contraceptive, une étape
fondamentale pour enfin savoir qui j’étais à l’état originel. En un
sens, je disais adieu à ma chaire d’adolescente. Je laissais sur le
seuil mes balbutiements charnels sous ordonnance et je refermais la
porte, notamment celle de mes anciennes croyances : avant ce pacte
audacieux, je me refusais à toute pratique alternative à la pilule
contraceptive, considérant qu’il s’agissait d’un affront aux années
de luttes féministes initiées par mes aînées pour l’obtenir.
En prenant la pilule, quelque part, je portais en moi une forme
d’héritage politique. »
2) Télescopage avec un montage d’images d’archives :
EXTRAIT : L’héritage politique (à partir de 0’35)
Nous sommes tout à coup projetés en 1957 : le visage de Mike Wallace,
présentateur de l’émission “The Mike Wallace Interview” apparaît alors.
Il présente son invitée : Margaret Sanger, pionnière de la contraception
aux États-Unis, fondatrice du Planning familial américain et personnalité
féministe rebelle du siècle dernier emprisonnée 8 fois en raison de ses
prises de position en faveur du contrôle des naissances :
Mike Wallace
« Ce soir, nous allons raconter l’histoire de la femme qui a
violé les conventions pour diriger le mouvement de contrôle
des naissances en Amérique. Vous la voyez derrière moi. Elle
s’appelle Mme Margaret Sanger, elle a ouvert la première
clinique de contrôle des naissances aux États-Unis en 1916
alors que le contrôle des naissances était un gros mot. La
police l’a jetée en prison comme ils devaient le faire sept
fois de plus au cours de sa croisade, une croisade qui fait
toujours face à l’opposition raisonnée mais inaltérable de
l’Église catholique romaine (...). Vous l’entendrez répondre
à l’accusation selon laquelle le contrôle des naissances
est un péché (...) Les opinions de mes invités ne sont pas
nécessairement les miennes, celles de la station ou de mon
commanditaire, Philip Morris Incorporated, mais que vous soyez
d’accord ou non, nous pensons que la pluralité des opinions
doit être respectée (...). »
EXTRAIT SUPPLÉMENTAIRE :
Un portrait de Margaret Sanger apparaît et sur cette image, nous entendons
sa voix. Nous utilisons un extrait audio de son célèbre discours “This
I Believe”, prononcé en 1953 sur la radio publique nationale américaine
face au journaliste Edward R. Murrow. Elle défend alors le contrôle des
naissances comme un principe révolutionnaire et absolu qui conduira à
ériger le système contraceptionnel de nos temps modernes
Margaret Sanger
« J’ai commencé mon combat il y a une quarantaine d’années.
Les femmes et les mères que je voulais aider, voulaient aussi
m’aider; elles aussi voulaient s’engager au-delà de leurs cas
personnels, en mettant au monde des enfants en bonne santé et
en les élevant pour qu’ils deviennent des citoyens heureux
et utiles. Je pense qu’il était de mon devoir de placer la
maternité à un niveau plus élevé que l’esclavage et l’accident.
J’étais convaincue que nous devions prendre soin des femmes,
leur tendre la main pour les sortir de leur désespoir. »
Voix-off :
« Margaret Sanger, qui brise alors tous les codes et incarne une
figure d’émancipation et d’avant-garde est celle qui va bâtir un nouveau
monde aussi puissant que les piliers puritains auxquels elle fait
face. En tant que mère de la pilule contraceptive, imaginait-elle,
un siècle plus tard, que nous puissions nous détourner volontairement
d’un système qu’elle avait érigé pour nous libérer ? »
ÉCRAN NOIR
27
CHAPITRE I : LA GENÈSE
Les femmes racontent la genèse de leur histoire corporelle, de leur vie
sexuelle et contraceptive.
INT. LA PIÈCE MIROIR
[En images, présentation de l’ensemble des femmes qui incarnent le cri à
l’origine du projet. Des visages fixes, regard face caméra, s’enchaînent
les uns après les autres.]
Les témoignages s’entremêlent.
Nous rentrons in media res dans l’intimité de ces femmes : elles décrivent
comment elles ont été confrontées à la transformation de leur corps
passant du stade de l’enfant à celui d’adulte sexué. C’est l’éclosion d’un
nouveau « moi » pour chacune d’entre elles. Elles parlent de l’apparition
des règles et des premiers rapports sexuels.
Une transformation plus ou moins brutale mais qui suscite chez toutes de
nombreuses interrogations.
Après la découverte de leur « nouveau corps », vient le moment des
premières interactions sociales autour de ce qu’elles vivent : discussions
avec leur familles, avec leur(s) partenaire(s), leurs ami.e.s, à l’école.
Elles se rendent compte que leur sexualité ne rime pas totalement avec
leur liberté. On leur parle désormais de la nécessité à avoir recours à
la contraception.
Le sujet est désormais sur la table. Voici le temps des premières
confrontations au monde médical, celles qui vont déterminer le premier
moyen contraceptif qui leur seront prescrits : la pilule contraceptive
en majorité mais aussi de manière plus marginale les autres dispositifs
notamment le stérilet.
INT. LA CELLULE
[En images, les visages de la communauté de la recherche féministe et
queer apparaissent et s’entremêlent.]
Une fênetre historique revient sur les fondements biopolitiques qui ont
permis de bâtir cet héritage de la contraception :
Cécile Thomé
« Jamais la pilule contraceptive ne perdra son aura de conquête
féministe. Pour les militantes des années 1970, c’était une
avancée formidable. »
28
Claire Grino
« À l’époque de la légalisation de la contraception - que
l’hétérosexualité féminine puisse s’affranchir de la
reproduction dans une culture patriarcale possèdait clairement
un caractère révolutionnaire. Les femmes de l’époque évoquaient
leurs immenses joies de pouvoir contrôler leurs corps et
leurs fertilités. La joie aussi de ne plus avoir recours à
l’avortement – clandestin qui plus est – grâce à la pilule
contraceptive. La science est le meilleur allié du féminisme
moderne. Les femmes pratiquent leurs sexualités sans encombre.»
Cécile Thomé
« Des femmes de 70 ans racontent que c’était tellement génial
d’y avoir accès que le reste n’était pas grave.»
Voix-off :
« Mais déjà en 1969, certaines voix s’élevaient contre la pilule : voici
l’introduction du Docteur Hugh J. David à l’ouvrage de la journaliste
scientifique Barbara Seaman, The Doctors’ Case Against the Pill « Ce
soir, des millions de femmes dans le monde entier (huit millions aux
seuls Etats-Unis) vont se livrer au rituel du coucher en brossant
leurs dents et en prenant la pilule. En dormant, les puissantes
hormones de la pilule vont entrer dans leur circulation sanguine et
se répandre dans tout leur corps, produisant des changements dans
presque chaque organe et chaque fonction de l’organisme » »
Claire Grino
« La plus grande révolution induite par le dispositif de la pilule
contraceptive est ceci : la pilule fut le premier médicament
prescrit à des personnes non-malades. Il fut également le
premier moyen contraceptif physiologique. Et tout cela est
intrinsèquement lié à la vocation sociale de la pilule : le
contrôle des naissances, comme en témoigne l’histoire de sa
mise au point en mobilisant chimistes organiques, biologistes,
gynécologues, psychologues, sexologues, philanthropes,
réformateurs sociaux, féministes et eugénistes. Bienvenue dans
l’ère de la biologisation de la contraception, car avant cette
heure toute particulière, la maitrise de la fécondité était
jugée de manière extérieure à la juridiction de la biologie.
C’est dorénavant le cas avec la pilule. Elle implique désormais
les processus vitaux de l’organisme. »
INT. LA PIÈCE MIROIR
La contraception hormonale confère aux femmes une nouvelle contenance
physiologique: leurs corps muent, s’apaisent, se sentent augmentés etc.
Pour certaines, il s’agit d’une démarche qui participe à l’empowerment de
leur corps.
Pour d’autres, elle devient l’élément déclencheur d’une expérience négative
aussi bien physique que psychologique. Sans compter la prise de conscience
politique qu’elle va faire naître sur les inégalités de genre.
INTER-SÉQUENCE : LA FRESQUE
EXT. INSTALLATION
[En images, nous retrouvons la communauté des femmes devant les murs
blancs extérieurs du décor : chacune, à son tour, se saisit d’outils
(seaux de colle, pinceaux, affiches) qui vont leur permettre d’aller coller
les éléments de la fresque. On alterne les gros plans et plans larges
29
de sorte à comprendre que toutes ces femmes participent à une action
artistique commune qui va être dévoilée au fur et à mesure du film.]
CHAPITRE II : LE RÉVEIL
Les effets secondaires au premier plan
La communauté des femmes reprend la parole et fait un retour d’expériences
physiques et psychologiques, passées ou présentes, de la contraception
hormonale chimique :
Chloé
« Je me sentais essoufflée et je transpirais plus. »
Inès
« Je n’ai plus de libido. »
Alice
« J’ai des maux de têtes en permanence. »
Adèle
« J’étais éteinte, à côté de moi. »
Cyrielle
« C’est un poid physique et mental. »
Zélie
« Les effets secondaires ont été réels et ont eu de vraies
répercussions dans ma vie personnelle et professionnelle. »
INT. LE SIÈGE
[sur les images des protagonistes]
Les protagonistes répliquent en réaffirmant d’une part l’efficacité de la
contraception hormonales et d’autre part, le rôle salvateur de la science
et de la médecine pour les femmes :
Haute Autorité de la Santé
« Il faut que les femmes se rendent compte de la situation. Les
effets secondaires doivent être minorés eu égard aux bénéfices
que ces méthodes contraceptives hormonales apportent. Elles
inhibent ainsi les fonctions reproductives féminines pour que
les femmes puissent ne plus avoir au-dessus d’elles cette épée
de Damoclès que représente la grossesse non-désirée. »
Santé publique France
« Il faut pouvoir admettre que le corps médical et la science
sont bien des alliés des femmes dans ce domaine et non pas
des ennemis ! Nous souhaitons accompagner et protéger les
femmes contre ces dérives qui les conduisent à se mettre
involontairement en danger. La science détient des solutions
évidentes qu’il ne faut pas rejeter en masse. »
30
Voix-off
« Malgré tous ces effets secondaires exprimés, la société entière -
le corps médical, les médias, les institutions - reste sourde à la
condition de ces femmes.»
INT. LA CELLULE
À l’écoute de ces retours d’expériences et de vécus, le philosophe transgenre
espagnol Paul B. Preciado et de la philosophe Claire Grino traduisent
l’idée d’une société entière organisée autour d’un système contraceptif
tellement puissant qu’il est devenu immuable :
Paul B. Preciado
« La pilule est l’emblème de ce nouveau type de gouvernement
des vivants, bien installé depuis les années 1970. Il
incarne le régime pharmacopornographique. Les œstrogènes et
la progestérone sont les molécules les plus produites et
distribuées de toute l’histoire de l’industrie pharmaceutique
avec l’invention de la pilule contraceptive. »
INT. PIÈCE MIROIR
La communauté des femmes exprime alors la mécanique de surveillance dans
laquelle elle se sent prise au piège et la tendance moralisatrice de
la relation patiente / praticien.ne par rapport à leur prise en charge
contraceptive :
Sila
« Il y a cette sensation de n’être jamais vraiment écoutée
sur les incertitudes que j’ai. Il faut toujours faire vite et
ne pas trop poser de questions sur les effets secondaires ou
sur les alternatives possibles. C’est à nous d’écouter et de
prendre nos prédispositions sur la question contraceptive. »
Justine
« En tant que femme, je me sentais comme l’objet d’un protocole
précis auquel je devais me plier. Je rentrais dans une case
de la grille de la contraception telle qu’elle est appliquée
par le corps médical : je ne voulais pas avoir d’enfant tout
de suite et j’étais sexuellement active. »
Chloé
« Je me sens toujours jugée. Il faut que tout soit en fonction
de la vie qu’on mène alors que ce n’est pas si simple que cela :
consommation de tabac, consommation d’alcool, hygiène de vie
globale… Tout y passe y compris la sensation de devoir incarner
cette créature parfaite déconnectée de la vie moderne. »
Deenah
« Ce lien “sous ordonnance” dit tout. Sans ordonnance, nous ne
pouvons rien faire. »
Perle
« En plus d’être une énorme charge mentale, c’est une charge
31
économique si le contraceptif prescrit n’est pas remboursé
par la Sécurité sociale dans sa totalité. Ce qui a été mon
cas où je me suis vue débourser 40 euros par trimestre pour
ma pilule donc quand on est étudiante c’est une dépense non
négligeable. »
Aya
« Entendre que l’avortement n’est pas un moyen de contraception
de la part d’un gynécologue a quelque chose d’extrêmement
agaçant. Il y a une morale derrière cette phrase. Elle consiste
à nous culpabiliser une fois de plus dans les choix individuels
que nous faisons. La contraception hormonale est un garde-fou
de l’IVG. S’en détourner, c’est prendre plus de risque d’avoir
recours à l’avortement et ça, mon médecin me l’a bien fait
comprendre. »
EXT. INSTALLATION
[Les femmes encerclent les murs extérieurs de l’installation : elles
commencent à coller les premières affiches de la fresque.]
Voix-off
« C’est bien la traduction d’un certain rapport de domination entre
le corps médical et ces femmes que j’entends ici. Ce contrôle, il
s’opère finalement en les infantilisant. Elles sont comme empêchées
d’appréhender leur contraception librement alors même qu’elle
représente un levier de discrimination. »
INT. PIÈCE MIROIR
Alice
« A quel moment on commence à évoquer le fait que nous
endossons pour tout le monde ce poid de la contraception ? La
contraception hormonale chimique existe pour les femmes mais
pas pour les hommes. Il y a là une véritable injustice de genre
que nous subissons. »
Deenah
« Quand nous sommes sorties la première fois de la pharmacie
avec ma première plaquette de pilule contraceptive, je me
souviens que ma mère m’ait demandé de rester discrète sur ce
sujet, il ne fallait pas que mon père l’apprenne, c’était une
affaire de femmes. »
Agatha
« Il est de toute façon assez dingue de voir le malaise que
suscite ce sujet en société lorsque les femmes s’expriment
sur leurs pratiques : les hommes cis perdent complèment pied
ou alors se sentent mis à l’écart. Ce système nous éloigne
les uns des autres alors qu’il a été conçu initialement pour
faciliter les rapports hétérosexuels. Le monde marche sur la
tête. »
32
INT. LA CELLULE
[Travelling avant, côté, puis gros plan sur le visage de l’intervenante]
La communauté de la recherche queer et féministe entre alors en jeu pour
donner le contexte historique qui explique les raisons de ce désamour
contemporain entre ces femmes et le corps médical :
Voix-off
« Cécile Ventola, Docteure en santé publique et sociologue à l’Institut
national d’études démographiques (INED) montre à quel point la
science et la médecine s’inscrivent dans l’histoire patriarcale
de notre société et sont ipso facto responsables du traitement
inégalitaire entre les genres en matière de contraception. »
Cécile Ventola
« Historiquement, les recherches sur la reproduction se
sont focalisées sur le corps féminin. La gynécologie est
née au XIXe siècle et il s’agissait alors de démontrer des
différences biologiques très importantes entre les corps
féminins et masculins, et notamment la « faiblesse naturelle
» du corps féminin pour justifier leur exclusion des sphères de
pouvoir.
Les recherches sur les hormones se sont développées dans les
années 1930 et se sont davantage concentrées sur les thérapies
destinées aux femmes. Quand la pilule contraceptive a été
élaborée dans les années 1950, il y avait plus de connaissances
disponibles sur le fonctionnement reproductif féminin que sur
celui du corps masculin. Il faut aussi prendre en compte le
fait que pendant longtemps la recherche a été faite par des
hommes. Mais aussi que l’élaboration de la pilule hormonale
a été financée par des féministes (Margaret Sanger) qui se
sont mobilisées pour qu’une méthode efficace et indépendante
de l’acte sexuel existe. Il n’y a jamais eu de revendication
équivalente de la part des hommes. »
[Travelling avant, côté, puis gros plan sur le visage de l’intervenante.]
Voix-off
« La philosophe Claire Grino introduit pour sa part l’idée d’une
“norme contraceptive” mise en place à travers la contraception
chimique et notamment la pilule contraceptive par le corps
médical. »
Claire Grino
« Dès les années 1980, la pilule devient le moyen de
contraception le plus populaire en France. Une « norme
contraceptive française » s’établit : les femmes utilisent
le préservatif au début de leur vie sexuelle, la pilule
lorsqu’elles sont en relation stable, puis le stérilet (ou DIU,
dispositif intra-utérin) lorsqu’elles ont le nombre d’enfants
qu’elles désirent. Un schéma toujours d’actualité. Avec la
pilule, les hommes sortent du cadre des préoccupations liées
à la contraception et les femmes assument la charge mentale
associée à la contraception et interfèrent à ce sujet avec un
33
nouvel intermédiaire : le corps médical. »
[Travelling avant, côté, puis gros plan sur le visage de l’intervenante.]
Voix-off
« Cécile Ventola pousse encore plus loin la réflexion en introduisant
l’idée d’un glissement fracassant d’un patriarcat à un autre : elle
suggère ainsi qu’au rapport de domination homme/femme s’est substitué
progressivement un rapport de domination patiente/prescripteur.rices
de santé qu’on pourrait qualifier de “biopatriarcal. »
Cécile Ventola
« En France, à partir du moment où la contraception est devenue
médicale (dans le courant des années 1960), elle est devenue
une affaire entre les femmes et leur médecin, et non plus
une affaire de couple. La diffusion des méthodes médicales a
fait basculer la prévention des grossesses dans les tâches
traditionnellement attribuées aux femmes au même titre que le
soin apporté aux enfants. »
INT. LE SIÈGE
Un membre du siège reconnait l’implication des institutions dans la
perpétuation des inégalités entre les genres :
34
Dr. Natalia Kanem (UNFPA)
« Le milieu des années 90 a vu deux événements marquants
dans les efforts mondiaux pour faire progresser l’égalité des
sexes et la santé et les droits en matière de procréation. En
1994, la Conférence internationale des Nations Unies sur la
population et le développement au Caire, en Égypte, a créé
un changement de paradigme, en sortant la contraception du
contexte du contrôle de la population et dans le contexte
plus large de la santé et des droits sexuels et reproductifs.
L’année suivante, la quatrième Conférence mondiale des Nations
Unies sur les femmes: action pour l’égalité, le développement
et la paix, tenue à Beijing, a marqué un tournant important dans
la promotion de l’égalité des sexes, en fixant des objectifs
stratégiques pour la promotion de la femme et, surtout, en
soulignant l’importance des déterminants sociaux dans la
compréhension de la santé des femmes.
Les conférences du Caire et de Beijing ont fondamentalement changé
la réflexion sur le développement, aboutissant à un consensus
mondial sur le fait que la santé et les droits en matière de
procréation sont essentiels, non seulement pour améliorer les
résultats en matière de santé procréative, mais aussi pour
réaliser des améliorations plus larges en matière de santé,
d’éducation et de résultats économiques. Aussi, l’égalité des
femmes est une condition préalable pour assurer le bien-être
et la prospérité de tous: La participation pleine et égale des
femmes à la vie civile, culturelle, économique, politique et
sociale, aux niveaux national, régional et international, et
l’éradication des toutes les formes de discrimination fondée
sur le sexe sont des objectifs prioritaires de la communauté
INT. LA CELLULE
internationale. Les progrès vers ces objectifs ont été plus
lents que prévu.»
Cécile Ventola
« Certains projets de développement de la pilule masculine ont été
abandonnés dès les années 1980 précisément à cause de l’impact de la
prise d’hormones sur la libido masculine alors que les recherches
pour comprendre le lien entre hormones et libido féminine n’ont été
entreprises qu’à partir de 2005. »
[Suite de la séquence de collage de la fresque par la communauté des
femmes : elles poursuivent leur oeuvre en silence mais toujours de manière
déterminée. Chacune a un rôle dans l’édifice de ce collage à vocation
contestataire.]
Voix-off
« Les femmes rejettent cette idée de la contraception inégalitaire,
enfin conscientes d’être assujetties à un management hormonal artificiel
qui les opprime. »
INT. LA PIÈCE MIROIR
Alice
« Je me sentais dépossédée de mon corps. »
Agatha
« Quelque part, on obéit à un ordre et à une norme contraceptive,
sans se poser de véritable question sur l’impact de la prise
d’hormones sur nos corps à court terme, comme à long terme.»
Sila
« On me dit qu’il existe de multiples façons d’avoir recours
à la contraception mais c’est faux. Il y a vraiment quelque
chose qui s’impose à moi. »
Perle
« Entre la pilule contraceptive, le stérilet, l’implant,
l’anneau… il existe effectivement une panoplie de dispositifs
mais je sais que je vais toujours arriver à un moment où il
va falloir que je change de méthode parce qu’elle ne convient
plus à mon corps qui évolue constamment, dont les besoins
changent avec l’âge. Alors il faut souscrire de nouveau à une
autre méthode, à un autre dispositif. Nous ne sommes que ça :
une succession de tests de dispositifs extérieurs et chimiques
sur nos corps. »
INT. LA CELLULE
Les protagonistes donnent des éléments supplémentaires qui alimentent la
prise de conscience progressive des femmes témoins : la vision masculine
et hétéronormée de la contraception.
35
36
Claire Grino
« La prise d’œstrogènes consolide certaines qualifications
attachées traditionnellement aux femmes, puisqu’elle a
tendance à diminuer leur libido et contribue à standardiser
les esthétismes. Et pour preuve : elle sert aussi pour le
traitement de l’acné mais aussi pour la diminution de la
pilosité et l’augmentation mammaire. »
Christine Delphy
« Je dénonce deux présupposés qui sous-tendent l’idée reçue
selon laquelle la contraception moderne, chimique, serait
synonyme de libération sexuelle : cela laisse croire d’abord
que la contraception est une nouveauté historique, ensuite
et plus fondamentalement que sexualité et procréation sont
naturellement liées et qu’il faudrait un effort humain pour
les dissocier. La sexualité se présente et se pratique
majoritairement sous la forme de l’hétérosexualité et selon
des rapports fécondants. La contraception chimique ne libère
pas les femmes de leurs destins biologiques. Elle facilite la
sexualité des hommes. »
Juliet Drouar
« Depuis les années 50, les femmes sont nourries aux hormones.
L’état corporel d’une femme cisgenre (genre assigné à la
naissance) est autant modifié par la pharmacopée que le mien,
celui d’une personne dite “trans”, l’est par la testostérone
que je m’injecte. Simplement, la transition physique d’une femme
cis, produite par la prise d’œstrogènes et de progestérone se
fait dans le sens de la féminité et par conséquent n’est pas
relevée, n’est pas vue. Finalement, les femmes cis et moi, on
transitionne autant, mais on transgresse ou pas. »
INT. PIÈCE MIROIR
Les femmes racontent maintenant comment et pourquoi elles ont pris la
décision d’arrêter leur méthode contraceptive chimique.
Alice
« J’ai arrêté la pilule en octobre 2017. J’avais déjà fait
une fausse couche sous pilule et depuis je n’avais plus mes
règles. J’ai donc décidé d’arrêter.»
Deenah
« J’ai arrêté le stérilet hormonal en 2016 après 12 ans de
traitement ininterrompu, j’avais besoin de faire une pause. »
Perle
« Après des années sans trouver de véritables solutions pérennes
et sans conséquences pour ma santé et mon corps, j’ai fait
retirer mon implant hormonal il y maintenant six mois. »
INT. LE SIÈGE
Le cri collectif de nos femmes témoins n’en est encore qu’à ses prémices
et c’est alors que nous entendons maintenant des protagonistes du
corps biomédical qui viennent percuter de plein fouet les choix de
ces femmes :
Odile Buisson
(Gynécologue obstétricienne et membre du Syndicat national
des gynécologues obstétriciens de France)
Elle s’oppose aux revendications portées par la communauté
des femmes
« Conservatrices, rétro-féministes, narcissiques, cette
génération de femmes est en train de sacraliser le corps et
de se tourner vers un naturalisme dangereux pour les droits
des femmes.»
David Elia et Anne de Kervasdoué, gynécologues et auteurs
de la tribune « Retour à la nature, nouvelle soumission des
femmes » (Libération, 4 juin 2018) poursuivent et évoquent
la rupture historique que ces femmes incarnent par rapport à
leurs aînées
« Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Ce qui
était hier pour les unes un progrès devient pour les autres un
danger. Les victoires des premières féministes se transforment
en défaites, et un nombre croissant de femmes conteste les
bienfaits de la médecine. Là où leurs aînées ne voyaient
que délivrance et libération, leurs plus jeunes sœurs ne
perçoivent que des dangers et rejettent tout ce qui ne paraît
pas « naturel ». Ainsi les conquêtes de la décennie 1965-1975
sont-elles remises en cause. »
[Les premiers visages de LA FRESQUE apparaissent]
Voix-off
« Les femmes qui se détournent des hormones chimiques dites féminines
se donnent donc aussi l’opportunité de s’ouvrir à d’autres identités
possibles, d’autres genres, car finalement, à travers la contraception
hormonale, le corps médical ne laisse pas aux femmes d’autres choix
que celui d’être « femme ». L’exercice de sa domination s’illustre
aussi à travers cette organisation binaire des genres : d’un côté
les hommes et de l’autre, les femmes. »
INTER-SÉQUENCE : LA FRESQUE
CHAPITRE III : L’ÉMANCIPATION
INT. LA PIÈCE MIROIR
Après le réveil, vient le temps de l’émancipation. Au-delà de dénoncer
cette norme contraceptive à laquelle elles n’adhèrent plus, les femmes
vont s’en affranchir pour retrouver leur liberté. C’est ce qu’elles vont
nous raconter.
[[EXT. INSTALLATION] en images, nous voyons, chacune des femmes dans leur
37
action respective, coller les affiches de la fresque répétant des gestes
identiques à la chaîne avec une intensité et un tempo croissants.]
Voix-off
« Après la colère, l’émancipation : ces femmes ont décidé aujourd’hui
de vivre leur vie sans aucune contraception chimique hormonale. Un
bouleversement synonyme de liberté retrouvée. »
Agatha
« J’ai senti comme une nouvelle force intérieure en décidant
de tourner le dos à ces années de subterfuge contraceptif.
C’est une nouvelle ère : je m’éduque et pratique l’autogestion
contraceptive. »
Justine
« Je me suis rendue compte que je ne connaissais rien de
mon corps, ni de mes cycles puisque mon corps fonctionnait
artificiellement. Je m’ouvre aujourd’hui à des méthodes de
contraception naturelle et sans hormones que je considère
bien plus frugales et résilientes pour le corps et donc en
adéquation avec ma biologie. J’ai troqué les effets secondaires
de la pilule contre les effets secondaires provoqués par les
cycles naturels : tous les mois, je sens mes règles arriver,
j’ai des lourdeurs dans le ventre, une sensation de fatigue,
je sens que mon corps travaille. J’ai fait le choix de porter
ces douleurs et de les accepter. »
Chloé
« Non seulement je n’ai plus aucune migraine ni d’humeurs
changeantes - j’avais oublié que cela été possible - mais
en plus j’ai la sensation que j’accomplis un geste politique
puisque je ne finance plus les labos pharmaceutiques dont les
intérêts visiblement n’ont rien à voir avec ma santé. »
[En images : Gros plans des visages des femmes de la PIÈCE MIROIR]
Voix-off
« Ces femmes représentent en fait une tendance actuelle
globale : Selon une étude de l’OMS réalisée en 2019 dans
36 pays, les deux tiers des femmes sexuellement actives qui
souhaitent retarder ou limiter la maternité ont cessé de
recourir à la contraception par crainte d’effets secondaires,
en raison de problèmes de santé ou de sous‐estimation de la
probabilité de tomber enceinte. »
INT. LA CELLULE
38
Le philosophe Paul.B Preciado explique ce besoin d’émancipation.
Selon lui, il s’agit, pour ces femmes de reprendre le contrôle
de leur corps et de briser l’emprise du corps médical sur
elles.
« La génération qui se dresse contre la contraception hormonale
chimique n’est pas une génération conservatrice, bien au
contraire. Elle souhaite s’affranchir des modèles précédents
pour déstabiliser l’ordre contraceptif établi. C’est une sorte
de rébellion biopolitique pour reprendre le terme de Michel
Foucault. »
[En images : reprise de la création de la fresque]
Voix-off
« En fait, c’est comme si le combat initié dans les 60’s et 70’s en
faveur de la pilule contraceptive, du contrôle des naissances et de
la libération des corps des femmes connaissait « son deuxième âge »
à travers l’abandon de cette même contraception hormonale. »
INT. LE SIÈGE
La professeur Dominique Le Guludec, Présidente de la Haute
Autorité de la Santé, formule un appel à la prudence au nom de
la santé des femmes
« Je suis inquiète de voir que le nombre de femmes qui arrêtent
la pilule par exemple est en constante augmentation : à bien des
égards, la conception hormonale chimique peut être un traitement
avantageux pour certaines femmes. Plusieurs études suggèrent
que les femmes sous pilule combinée risqueraient moins d’être
atteintes d’un cancer de l’ovaire ou de l’endomètre. Cet effet
bénéfique se renforce avec la durée d’utilisation : une étude
britannique indique que la prise d’une pilule pendant 5 ans
réduirait de 25 % le risque d’avoir un cancer de l’endomètre
avant 75 ans. »
Catherine de SALINS, Présidente de l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé va plus loin.
Elle met en exergue un rapport bénéfices-risques en faveur des
contraceptifs oraux.
« L’agence européenne du médicament a confirmé fin 2013 le
rapport bénéfices-risques pour toutes les pilules. Dans le
même sens, une étude anglaise qui a suivi 46000 femmes pendant
quarante ans, a montré en 2007 que la mortalité des femmes qui
prennent la pilule est inférieure à celles qui n’en prennent
pas. Ces femmes ont eu moins de risques de décès par cancer,
maladies cardiaques ou accident vasculaire cérébral. »
[En images, alternance de plans sur les visages des protagonistes du SIÈGE
et des visages des protagonistes de la PIÈCE MIROIR afin de mettre en
tension visuellement les deux groupes aux discours opposés.]
Voix-off
« Mais les risques existent et ils sont bien réels : selon un
rapport diffusé par l’Agence du médicament (ANSM) et qui porte
sur les années 2000 à 2011, chaque année, en moyenne, 2 529
accidents thromboemboliques veineux et « vingt décès prématurés
» de femmes sont provoqués par la prise de la pilule contraceptive
toutes générations confondues. Plus récemment en 2020, le Centre
international de recherche sur le cancer affirme que les contraceptifs
39
oraux estroprogestatifs augmentent le risque de cancer du sein, du
col de l’utérus et du foie.
Des données qui justifient cette rupture historique envers la
contraception hormonale chimique. »
INTER-SÉQUENCE : LA FRESQUE
40
CHAPITRE IV: L’APPEL AU CHANGEMENT
INT. LA PIÈCE MIROIR
Appel à une nouvelle lecture de la contraception dans laquelle les hommes
et les femmes seraient engagés dans un processus commun et égalitaire :
Aya
« Il faut une nouvelle éducation de l’approche du corps des
femmes ! Dire stop aux hormones, c’est reprendre le pouvoir
sur le rapport de domination qui est ancré corporellement
entre les hommes et les femmes. »
Sharon
« Je constate que mes partenaires sexuels s’adaptent et
comprennent qu’ils ont aussi un rôle à jouer dans l’équilibre
contraceptif. Ensemble, on trouve d’autres méthodes mais aussi
d’autres façons de faire l’amour et de prendre du plaisir. »
Chloé
« Quelque soit nos préférences, nos attirances et nos choix
sexuels, on veut s’écouter, on veut se comprendre, être dans un
consentement mutuel. C’est ça la responsabilité contraceptive.
»
Sila
« Nous avons de nouvelles responsabilités et de nouvelles
façons d’interagir avec les autres. C’est une modification de
posture par rapport à la sexualité qui amorce une nouvelle
révolution sexuelle. »
[En images, vue en plongée des femmes encerclant l’installation pour
recouvrir les murs de leur fresque. Une prise de hauteur destinée à se
rendre compte de ce qu’elles font, à apprécier l’oeuvre qu’elles réalisent
ensemble]
Voix-off
« Imaginer un monde où les femmes refuseraient de souscrire à la
contraception hormonale chimique, telle qu’elle existe aujourd’hui,
ferait trembler tout l’échiquier des droits des femmes jusqu’au
temple sacré de l’interruption volontaire de grossesse, tant instable
et fragile.
La contraception hormonale semble indiscutable tant elle représente
l’un des maillons constituant de cette chaîne institutionnelle qui
milite à la libre disposition de nos corps.
Alors comment refonder la culture de la contraception sans mettre en
péril les droits des femmes ? »
INT. PIÈCE MIROIR
Si elles appellent à une refonte du système, elles manifestent néanmoins
des craintes quant à la protection de leurs droits fondamentaux.
Perle
« Je voudrais pouvoir vivre sans me polluer, sans souffrir et
sans avoir constamment la peur de tomber enceinte. C’est une
équation difficile à résoudre quand on est une femme. »
Aya
« J’ai fait le choix de me détourner de la contraception
hormonale. Pour autant, il faut que chaque femme puisse y
avoir accès. »
Zélie
« Me battre contre la contraception hormonale c’est aussi me
battre pour l’accès inconditionnel à l’IVG. La révolution
contraceptive à laquelle j’appelle est aussi une révolution
qui réaffirme le droit à pouvoir disposer de son corps et avoir
recours à l’avortement dans n’importe quelle situation.»
[En images, suite de la séquence de la création de LA FRESQUE]
Voix-off
« Dans ce contexte fragile, dans cette poudrière politique, remettre
en question la légitimité de l’existence d’un dispositif progressiste
et révolutionnaire comme celui de la contraception hormonale est
subversif et risqué. Les femmes sont culpabilisées dans leur choix de
rejeter ce modèle contraceptif majoritaire mais en le faisant, elles
déstabilisent un système de moeurs vieux de 60 ans qui promettait la
liberté de leurs corps. »
INT. LA CELLULE
La révolution contraceptive se déroule dans un contexte explosif où les
droits des femmes et tout particulièrement le droit à l’avortement sont
soumis à une menace permanente.
La journaliste, activiste et écrivaine féministe Lauren Bastide
rappelle les reculs sur le droit à l’avortement dans le monde
« Le 45ème Président des Etats-Unis Donald Trump a supprimé les
subventions accordées aux ONG en charge de l’avortement et de
la contraception aux Etats-Unis. En 2019, 16 États Américains
ont réformé leur législation sur l’avortement et au total,
des lois restrictives ont été adoptées dans pas moins de 28
Etats sur 50. En Argentine, la loi n’autorise l’avortement que
dans des cas spécifiques. En Italie, des études prouvent que
plus de 50% des médecins refusent de pratiquer l’IVG au nom de
leur clause de conscience. Les scores importants des partis
d’extrême droite aux élections européennes font craindre pour
41
INT. LE SIÈGE
INT. LA CELLULE
la survie des droits des femmes. »
Dr. Natalia Kanem met en garde sur la remise en question du
système contraceptif hormonal car contraception et avortement
sont pour lui les deux faces d’une même pièce
« Ces deux piliers que représentent la contraception et
l’avortement reposent sur une construction historique qui a
marqué la libéralisation sexuelle et culturelle des femmes
durant les années 1960 et 1970. Ébranler le système contraceptif
d’aujourd’hui, c’est prendre le risque d’ébranler l’IVG dès
demain. Ils sont indissociables et nous devons les préserver
au nom du droit des femmes. »
La sociologue Christine Delphy avance les moyens mis à
disposition des femmes et de la société pour changer le système
« Il est possible d’avancer sans reculer. Pour se faire, il
faut repenser le débat contraceptif et déconstruire les schémas
culturels qui bordent nos conceptions encore aujourd’hui
largement stéréotypées. Les dispositifs existants - qu’ils
soient hormonaux ou naturels - doivent être accompagnés d’une
évolution des mentalités qui peine encore à considérer qu’il
existe bel et bien une injustice de genre aujourd’hui appuyée
par le système de la contraception chimique hormonale féminine.
Les luttes intersectionnelles féministes et queers ainsi que
l’éducation à la sexualité sont les meilleures armes. »
La militante Juliet Drouar va plus loin en faisant des hormones
elles-mêmes une substance fondamentale à l’avènement d’une
conception disruptive qui permettrait une refonte du système
contraceptif
« Une pilule micro-dosée en testostérone pour les femmes cis/
une pilule micro-dosée en œstrogène et progestérone pour les
hommes cis seraient des outils opérationnels et subversifs
pour redévelopper les corporalités effacées, lutter contre la
différenciation des corps qui fonde le patriarcat.
Il est temps de poser d’autres hypothèses sur l’origine de
l’humanité que celles véhiculées par les mythes scientifiques
et religieux selon laquelle l’humain commence avec un mâle et
une femelle, et un mode unique de reproduction sexuée. Pour
penser et actionner une société basée sur la solidarité, la
coopération et non la domination, il est intéressant de penser
une humanité originelle avec une variété de corporalités
inclassables selon deux catégories et des modes de reproduction
sexuée/asexuée pluriels. Le temps est une boucle, ni une
flèche: penser le passé, c’est penser notre avenir. »
42
INT. LE SIÈGE
Posture de remise en question, d’écoute et prise de conscience.
Organisation Mondiale de la Santé
« Un changement a bien lieu et il existe bel et bien une
révolution contraceptive qui est aujourd’hui en cours et à
laquelle on doit pouvoir répondre. Il faut que l’ensemble des
acteurs de la contraception et y compris le corps médical en
prenne conscience et écoute de nouveau les femmes. »
INT. LA PIÈCE MIROIR
Les unes après les autres, les femmes déclament alors leur manifeste de
la révolution contraceptive
Sharon
« REMETTONS EN QUESTION L’ÉTHIQUE MÉDICALE DE LA CONTRACEPTION.»
Sila
« LUTTONS POUR LA PARITÉ CONTRACEPTIVE. »
Perle
« ELEVONS LA CONSCIENCE FÉMINISTE ET QUEER DE LA SOCIÉTÉ. »
Adèle
« ARRÊTONS LA NORMALISATION DE LA CONTRACEPTION CHIMIQUE.»
Chloé
« INCLUONS LES HOMMES DANS LE DISPOSITIF CONTRACEPTIF. »
Zélie
« PRÔNONS UNE NOUVELLE APPROCHE DU CORPS DE LA FEMME. »
Justine
« LA SOLUTION NE SONT PAS TANT LES OUTILS ET LES MÉTHODES
QU’UNE PRISE DE CONSCIENCE GÉNÉRALE ET GLOBALE. »
INTER-SÉQUENCE : LA FRESQUE
[Voici la dernière séquence de notre film où nous assistons à la concrétisation
du collage des femmes sur les parois de l’installation. On aperçoit alors
la fresque dans sa totalité : les visages dessinés et collés par les
femmes sont un message puissant, la révélation d’une condition féminine
astreinte à un traitement systématique et dépossédant, qui ose montrer
enfin la réalité à laquelle elle est soumise. Ces bouches ouvertes nous
aspirent, nous captivent, nous invitent à les scruter. Un travelling
arrière nous permet de voir nos colleuses, présentes devant la fresque
qu’elles viennent d’exécuter : certaines sont allongées, d’autres assises,
d’autres debout. Elles sont libres de leurs mouvements et des postures
qu’elles souhaitent adopter.]
FIN DU COLLAGE DE LA FRESQUE RÉALISÉE PAR LA COMMUNAUTÉ DES FEMMES.
43
Conclusion
[JE VIENS REJOINDRE CES FEMMES]
Voix-off
« Cette matrice, cette puissance, cette énergie qui font de nous ces créatures
à trois têtes. Nous sommes les Cerbères de la fécondité. Des gardiennes
postrées aux portes de l’Enfer. Nous ne dormons jamais, réveillées constamment
par l’annonce des menaces qui approchent le berceau de nos possibilités. Nous
montons la garde, inlassablement, pour protéger cet espace qui, nommé Enfer,
n’est en vérité que le lieu de l’expression du vivant. Loin des diables et des
anges, qui n’existent pas, qui n’existeront jamais. Nous sommes ces créatures
que l’avenir forme constamment aux milles postures. Oui, notre histoire
est une interminable performance. Le revers de la grâce absolue. Celle que
nous batissons avec pour seule armure, les mots qui guérissent: le soin,
la coopération, l’inclusion, la solidarité, la résilience, la tolérance, la
considération, la liberté, le respect, l’empathie et tout l’amour.»
ÉCRAN NOIR
ARCHIVES
[Court extrait en IN]
Margaret Sanger a bouleversé l’Histoire des femmes à jamais
Citations (sur un carton)
« Le mouvement qu’elle a lancé deviendra, dans cent ans, le plus influent
de tous les temps . Quand l’histoire de notre civilisation sera écrite, ce
sera une histoire biologique, et Margaret Sanger en sera l’héroïne. »
Herbert George Wells, historien (1931)
GÉNÉRIQUE
44
45
LES PROTAGONISTES
LA COMMUNAUTÉ DE LA SCIENCE
(INSTALLÉE DANS LE DÉCOR DIT « LE SIÈGE »)
Israël NISAND
Gynécologue obstétricien & Président
Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français
Anne de Kervasdoué
(ou David Elia)
Gynécologues et auteurs de la tribune
« Retour à la nature, nouvelle soumission des femmes »
Odile Buisson
Gynécologue obstétricienne
Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France
Ian Askew
Directeur
Department of Sexual and Reproductive Health and Research
Organisation mondiale de la Santé
Dr. Natalia Kanem
Directrice exécutive
UNFPA
Agence directrice des Nations Unies en
charge des questions de santé sexuelle
et reproductive
46
Crédits Nathalie Kessayr pour le New Yors Times
Pr Dominique Le Guludec
Médecin et Présidente
Haute Autorité de la Santé
Mme Marie-Caroline Bonnet Galzy
Présidente
Agence nationale de santé publique
Catherine de Salins
Présidente
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
LA COMMUNAUTÉ DE LA RECHERCHE FÉMINISTE & QUEER
(INSTALLÉE DANS LE DÉCOR DE « LA CELLULE »)
Paul B. Preciado
Philosophe espagnole
Auteur de Testo Junkie, sexe drogue et
biopolitique (2008), Un appartement sur
Uranus (2019), Je suis un monstre qui vous
parle (2020)
Crédits Léa Crespi pour Libération
Claire Grino
Philosophe (University of California)
« Corps, genre et nouvelles technologies biomédicales : reconfiguration
antinaturalistes au sein des théories féministes » (Thèse)
Article : « La pilule : biologisation de la contraception et régulation
sociale »
Cornelia Möser
Docteure en études de genre, chargée de recherche au CNRS au laboratoire
Cresppa et au centre Marc Bloch à Berlin
Cécile Thomé
Docteur en sociologie à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur
les enjeux sociaux (IRIS)
Thèse : « La sexualité aux temps de la contraception. Genre, désir et
plaisir dans les rapports hétérosexuels (France, années 1960-années
2010) »
Thématiques de recherche : Contraception, corps, sexualité, genre,
émotions, santé.
Christine Delphy
Sociologue française et militante féministe. Chercheuse du CNRS depuis
1966 dans le domaine des études féministes et des études du genre.
Membre fondatrice du Mouvement de Libération des Femmes (MLF)
47
Cécile Ventola
Docteure en santé publique et sociologue
l’Institut national d’études démographiques (INED)
Lauren Bastide
Journaliste, féministe française
Fondatrice du podcast La Poudre
Lila Meghraoua
Journaliste spécialiste des questions féministes et queer
Usbek & Rica, le média qui explore le futur
Juliet Drouar
Essayiste, militant.e féministe et queer
LA COMMUNAUTÉ DES FEMMES
(INSTALLÉE DANS LE DÉCOR DE « LA PIÈCE MIROIR »)
Il s’agit d’une communauté de femmes constituée au fil des rencontres
faites ses dernières années en développant le projet du Cri des
corps. Chacune de ces femmes m’a inspirée par son expérience de la
contraception chimique et son interprétation personnelle du phénomène.
Cette communauté de femmes est plurielle et compte des profils variés, en
âge comme en opinions. Les protagonistes de cette communauté incarneront
les différentes étapes du parcours contraceptif vécu par les femmes.
48
Les profils envisagés
Raphaelle a 18 ans, elle prend la pilule contraceptive et en est
satisfaite. Elle y trouve aussi des intérêts particuliers au-delà de
l’aspect contraceptif : elle n’a plus d’acné sur le visage, sa poitrine
est plus ronde et elle a moins de douleurs de règles.
Perle a 28 ans et a eu recours à l’ensemble des moyens contracteptifs
hormonaux disponibles. Tous lui ont posé problème.
Agatha a 34 ans, elle est maman d’un enfant et pratique l’autogestion
contraceptive et sans hormones depuis sa dernière grossesse.
Chloé a 28 ans, elle est créatrice dans le prêt-à-porter, elle souhaite
se détacher des hormones contraceptives mais n’a pas encore trouvé la
méthode qui lui convient.
Zélie a 20 ans, elle a pris la pilule pendant 8 mois puis a tout stoppé
après s’être sentie dépressive depuis plusieurs semaines après le début
du traitement.
Deenah a 41 ans, elle est archéologue. Elle observe ses cycles
menstruels et pratique le retrait depuis 10 ans après une série
d’épisodes douloureux entre stérilet aux hormones et pilule
contraceptive.
Sharon a 25 ans, elle est réalisatrice à Paris, elle n’a jamais pris de
contraceptifs hormonaux car a toujours été dans la méfiance vis-à-vis
d’eux. Elle est active sexuellement et n’a jamais eu recours à l’IVG.
Sila est étudiante aux Beaux-Art, elle a 19 ans, elle est militante
féministe. Elle est en rupture avec le corps médical et la contraception
hormonale qu’elle considère comme une substance qui aliène les femmes.
Alice est coiffeuse à Bordeaux, elle a 26 ans. Elle est lassée de
l’inefficacité de la contraception hormonale après plusieurs échecs de
prises de pilules contraceptives différentes.
Aya est architecte stagiaire, elle a 23 ans, elle croit en l’avenir des
méthodes naturelles et à une contraception qui sera paritaire. Elle n’a
jamais voulu prendre de contraception hormonale ni de DIU.
Cyrielle Naval est médecin généraliste, elle a 33 ans. Elle a éprouvé
trop d’expériences personnelles et physiques négatives à cause de la
contraception hormonale et plus particulièrement de la pilule.
Ines a 29 ans, elle est chief hapiness officer, lesbienne et elle souffre
du syndrome prè-menstruel. Pour calmer ses douleurs, son médecin lui
a préconisé de prendre la pilule. Après un an de prise, elle a décidé
d’arrêter et de trouver des méthodes alternatives au traitement de ses
douleurs car la pilule lui occasionnait des effets secondaires beaucoup
trop lourds : maux de tête, dépression, fatigue chronique.
Adèle a 34 ans, elle est assistante de direction. Atteinte de troubles
hormonaux, elle prenait un traitement hormonal nommé Lutéran depuis 10
ans qui est aussi prescrit comme contraceptif. Comme pointé du doigts
par L’ANSM, les femmes ont un sur-risque de développer un méningiome
en utilisant le Lutéran. En état de rejet et de choc, Adèle a alors
entrepris de tout arrêter et tente aujourd’hui de gérer des troubles
hormonaux ainsi que sa contraception sans avoir recours aux traitements
hormonaux. Une situation difficile où elle se sent profondément
marginalisée.
Pour porter davantage la voix de ces anonymes nous entendrons aussi
celle de femmes artistes et engagées :
Justine Mauvin aka Sibu Manaï, est féministe et autrice compositrice
interprète. Elle considère la contraception naturelle comme une pratique
en adéquation avec ses aspirations écologiques.
(38k de followers sur Instagram)
Gilone, autrice compositrice interprête, danseuse classique et modèle
engagée autour de l’émancipation corporelle.
(20,2k de followers sur Instagram)
Sofia Fanego, artiste et modèle. Elle aborde dans ses travaux artistiques
49
50
LE MOODBOARD
51
52
53
LA TYPOGRAPHIE
Le travail de la typographie est
à la fois ultra futuriste, fluide
et tranchant. Il doit synthétiser
l’univers du Cri des Corps.
Il porte un certain caractère
révolutionnaire, émancipateur et
joyeux.
Exemple pour le titre du film : la
typographie sera stylistiquement
très prononcée et très engagée.
Elle devra attiser la curiosité,
exprimer une modernité futuriste
et sulfureuse. Mes références
typographiques se tournent vers
l’artiste parisien Marc Armand donc
le travail illustre cette recherche
post-moderne en graphisme.
COLLABORATIONS
ARTISTIQUES
GUILLAUME MALARET
le designer sonore
“Artiste sonore, compositeur,
sound-designer, DJ, directeur de
maison de disques et programmateur
de concerts né à Toulouse en 1993. Il
réside actuellement dans le village
de Puydaniel en Haute-Garonne.
Il co-fonde et dirige la maison de
disques vinyles Le Cabanon avec Pierre
Relaño et Clovis Lemée, dédiée aux
pratiques des musiques électroniques
expérimentales d’aujourd’hui.
Il programme des événements
pour des salles de concerts,
galeries d’arts, clubs, festivals,
plateforme en ligne et ainsi que
des tournées pour de nombreux
artistes. Il se produit pour Les
Siestes Électroniques (FR), Centre
George Pompidou (FR), Supersense
Festival, Arts Centre Melbourne
(AUS), musée MacVal (Villejuif, FR),
galerie Sainte- Catherine (Rodez,
FR), SILO, Espace Barré, Parsimony
(Paris, FR), The Lot Radio (US) ...
Il collabore régulièrement avec
des musiciens, poètes, écrivains,
plasticiens, dans les domaines que
sont le cinéma, l’art contemporain,
le théâtre et la radio.
Intentions sonores pour
Le Cri des Corps :
Utilisation de trois type de sons :
- Les larsens (feedbacks entre
microphone et enceinte)
- Les basses fréquences (capté avec
un micro-contact)
- Un synthétiseur (accords, modulations)
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L’artiste Owlle sera la compositrice officielle de
la musique de générique du Cri des Corps
55
LES ANNEXES
LES RÉFÉRENCES
Films & documentaires
Mrs. America
(Hulu, 2020)
Fiction qui retrace la conquête de l’Equal Right Amendment. Série
politique sur l’indispensable agilité stratégique que requiert une
carrière militante féministe.
Conservatrices et progressistes autour du féminisme
(Vice,2020)
Débat intelligent qui rassemble les différents visages du féminisme aux
Etats-Unis pour les inviter à débattre sur ce qu’est le féminisme.
Contraception : 50 ans de méfiance envers la pilule
(France Culture, 2018)
L’Histoire française de la pilule contraceptive.
The strange truth about the pill
(BBC Future, 2018)
Dossier intéressant qui évoque la sociologie puissante des hormones.
Delphine et Carole, lutte féministe pour la représentation des femmes
(ARTE, 2019)
Feminists: What Were They Thinking?
(Netflix, 2020)
Discussion intime et politique en compagnie de personnalités américaines
qui - à partir de leurs expériences individuelles - racontent leur
époque (tout particulièrement les seventies) et leurs aspirations. Troublante
ressemblance avec les préoccupations et revendications féministes
actuelles.
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Unrest
Netflix (2020)
Documentaire sur le syndrome de la fatigue chronique
ESSAIS (ART ET FÉMINISME)
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LA BIO
Journaliste de formation (Institut des Sciences de l’Information
et de la Communication à Bordeaux Montaigne) et adepte de
l’anticipation, Justine Mothe travaille en cabinet de
prospective avant de rejoindre l’équipe du média qui explore
le futur Usbek & Rica en 2017. En 2018, elle collabore avec
Arte sur la série « Dezoom » de Simon Bouisson et Ludovic Zuili
en tant de datajournaliste et cheffe édito. La même année, elle
rencontre l’autrice-réalisatrice Aurore Aubin pour qui elle
travaille en tant qu’assistante réalisatrice édito sur son film
documentaire sulfureux À la recherche du premier boulard (OCS).
Alors qu’elle s’ouvre à la possibilité de la réalisation,
elle signe la même année dans l’agence New Madison en tant
que mannequin professionnelle. Ses collaborations artistiques
avec l’artiste photographe Mélanie Bordas Aubiès en tant que
modèle et performeuse (What is your Wanderlust exposé chez
0fr (Mars 2020, Paris), Blazing (2019), Visions of Justine
(2018)) parachèvent sa détermination à créer et à incarner
des travaux qui l’engagent corporellement et politiquement.
À travers le Le Cri des Corps elle souhaite réaliser un film
manifeste qui met en scène les luttes d’émancipation féministe
et queer ainsi que la nécéssité de bâtir une société basée
sur l’empathie. Elle souhaite se saisir de l’art visuel pour
participer à la révolution des corps en cours et ainsi faire
émerger autrement le sujet de la contraception chimique.
60