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Messages de I à VI Format A 4

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FRANCK LOZAC’H

M E S S A G E S


MESSAGES I

2


Qui est Salomon ? Qui suis-je ?

Sur ta noble montagne, sous le soleil de gloire

Le lys est finement tissé par le Seigneur.

Je médite dans l'ombre, oint ignoré de tous.

Sur le métier encore, je remets mon ouvrage.

Poème de David

Au plus haut dans l'azur se dresse le palais.

Des figurines d'or sur des marbres d'ébène

Serpentent les colonnes ciselées et sculptées.

Au balcon accoudée la beauté idéale

Pénétrée de soleil soupire et se prélasse.

Sa délicate main caresse avec saveur

Les cordes d'une lyre. Un son mélodieux

S'évade tristement vers l'oreille du prince,

Le vent emporte l'air frotté de notes douces.

Sur l'étendue d'un lac une nef égarée

Caresse doucement le clapotis craintif

D'une vague chétive.

3


Les belles courtisanes

Dans la cour du palais dansent en souriant.

Les flûtes, les tambours accompagnent les rires.

Le peuple est invité à la fête royale.

Il s'écrie "Longue paix, longue paix à mon Sire."

Les Empereurs du ciel viennent me saluer.

Les poètes sublimes sur des nuages clairs

Descendent m'écouter : "Poursuivez, poursuivez,

Quelle belle facture ! Demain vous reviendrez.

Et vivez près de nous. Que notre majesté

Bénie par tant de Dieux laissent un nom éternel."

4


Ô mon sublime amant

Ô mon sublime amant, je veux te dévoiler

Mes coquillages d'or sous la gaze écarlate.

Mes frais pieds carminés sont de superbes mains

Fines et délicates, charmantes à embrasser...

Non, je dois te maudire, car tu ne m'aimes pas.

À demi tu succombes, à demi tu me joues.

Si je suis une fleur précoce du printemps

Mon seizième pétale est pour mon doux mari

Qui brûle de m'aimer... encore je le repousse

Et pourtant m'abandonne à son coeur inconstant.

La lumière est éteinte. De la croisée tendue

Le triste paysage d'une lune scintille

Et semble regarder les ébats des amants.

Glissée sous cette soie, les yeux noyés, la peur

S'est emparée de moi. Je m'étends sur la couche.

La mince couverture est un faible rempart.

5


Ô mon beau compagnon, soyez toute douceur...

La lune est presque bleue et nous contemple encore.

Tes cheveux emmêlés

Tes cheveux emmêlés roulent sur ton peignoir

Et je te vois, soleil, ô blondeur éblouie.

Peux-tu savoir combien je pense à nos extases ?

Vois un peu ma ceinture, tu ne vois que cela.

Je vais tuer ce coq, le chasser de la nuit.

Que la nuit dure encore sans le retour de l'aube,

Que jamais le matin n'ose dire : me voilà

Levez-vous les amants, quittez le nid d'amour.

Il monte sur l'ânon

Il monte sur l'ânon sans menacer la bête,

Il cueille dans sa main un rameau d'olivier.

6


Paysage chinois de nuit, sur la rivière.

L'îlot est entouré de ses brumes légères

Le bateau lentement s'éloigne du rivage

L'opulente campagne regorge de verdure

Le ciel est lie-de-vin et s'approche des arbres

Là-bas le voyageur sur le fleuve tranquille

Éprouve quelque émoi devant l'immensité

Une lune blafarde semble s'offrir aux hommes

Donnant sa nudité dans un bain de brouillard

7


Apprenti malhabile

Apprenti malhabile en mes premiers écrits,

Le bon génie d'autrui me fut souvent une aide.

Sachant bien ma faiblesse et mon souffle débile

Je n'osais espérer quelques charmants lauriers.

Me voilà à présent encombré de mémoire.

J'atteins mes quarante ans, je poétise encore.

Je n'ai pu accéder à une renommée,

Et le travail offert est toujours méprisé...

Le poète est amer : il n'est pas reconnu.

Il lisse des brocards dans le ciel nuageux,

Sa manière est un art ignoré de la masse...

Sur la terre les talents ne sont pas à manquer.

Le génie est plus rare, qui peut le percevoir.

Moi, je m'en vais mourir sans regret sans rancœur.

8


Une interrogation sur la Renommée

Je te vois à présent gratter ta barbe blanche

Tu sembles fatigué de mille ans de travaux.

Te voilà inconnu dans cette Capitale,

Tu es seul, ignoré, plongé dans ta disgrâce...

Les nuages s'en vont emportés par le temps.

Le poète voyage et fait le tour du monde.

Te voilà revenu sur le seuil de tes pas.

Une triste douleur a envahi ta chair.

Que vas-tu invoquer la Justice du ciel ?

On te maudit encore, on délaisse tes œuvres.

Toi qui auras voulu graver une humble trace,

Il te faut la payer d'une vie de misère...

9


Une interrogation sur la mort

La mort dévastatrice m'arrache un ami.

Un à un ils s'en vont pour le ciel inconnu.

J'avale des sanglots, je pleure amèrement.

Pour ce lointain exil, y a-t-il un espoir ?

Mes amis, l'autre nuit, sont apparus en rêve.

Ceci témoigne bien que je n'oublierai pas

Le passé, la jeunesse et la belle santé

Qui encombraient nos rires et nos adolescences.

Vous voilà aujourd'hui prisonniers de la mort.

Imitant les oiseaux, êtes-vous remontés

Vers ces espaces clairs où la vie est meilleure,

Où la réalité est superbe et divine ?

Je crains qu'après la vie, il n'y ait rien du tout.

Qui peut se prévaloir d'être monté au ciel,

D'en être descendu ? Que l'esprit incrédule

Sait s'encombrer de doutes ! Qui connaît le voyage ?

10


La lune se couchait et inondait la chambre.

L'on pouvait deviner dans ses rayons blafards

Le visage d'un homme qui semblait appeler

Et qui me murmurait : "Ne crains rien. Tout est bien !"

11


Ami, écoute un peu

Ami, écoute un peu, conserve cette coupe.

Le souffle du printemps arrive en souriant,

Et les nouvelles fleurs parsèment le parterre.

La lune fraîche encore se couvre d'une étoffe.

Hier déjà s'est enfui emportant nos jeunesses.

Nous étions apprentis, nous ne savions écrire.

Mais voici qu'aujourd'hui les premiers cheveux blancs

Nous vieillissent parfois. Que savons-nous de plus ?

Que toujours à chercher, nous ne pouvons percer

Dans cette indifférence de poètes incompris.

Nos œuvres sont écrites. Qui voudrait regarder

Et s’émouvoir du peu que nous avons produit ?

12


Pensée d'angoisse

Le printemps s'en revient ? Pourtant je l'ignorais.

Je vais près des buissons d'hiver tout constellés

De baies rouges et de fruits. Hier le vent est entré

Dans la ville fileuse aux mille cheminées.

Les nuages s'envolent fuyant vers l'infini.

J'attends, Laure, j'attends, je me tourmente encore.

Ma 524 est belle

Ma 524 est belle, elle est blanche, elle brille

Je la touche du doigt et la caresse encore

Sa façon est superbe, je veux que s'y assoie

Cette splendide fille, ses cheveux sont bouclés.

13


Le nombril du poète

Le nombril du poète. Pourquoi tant se soucier d'autrui ?

Quel intérêt à cultiver l'amour des autres ?

Faut-il caresser la croupe du cheval pour recevoir un

coup de sabot de l'étalon ?

Moi, j'offre la voie. Voici mes livres. Ils sont à vous. Je

vous les donne. Vos fils les aimeront peut-être.

On dit de Baudelaire, de Verlaine, de Tristan Corbière,

qu'ils ont été des poètes maudits. Mais enfin leurs noms et leurs

œuvres sont venus jusqu'à nous, dégageant cette aura spéciale qui

confère l'immortalité. Qu'ils aient été des poètes incompris de leur

vivant, cela est certitude, mais leur génie est connu de nous tous

maintenant.

14


L'imagination

L'imagination consiste à tirer hors de la cervelle des

solutions nouvelles à des problèmes inconnus. Il faut donc trouver

des résultats, des finalités à des équations dont nous ignorons la

formule et la présentation.

Certains nous taxent d'imposteurs. D'autres prétendent

que nous avons compris. Compris quoi ? Compris pour qui ? Et

d'interminables années s'écoulent avec paresse, avec mépris, avec

le mépris du public, toujours indifférent à défendre notre cause.

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Le critique

- Dis-leur, toi ! Fais-leur comprendre ! Ils ne veulent rien

entendre. Ils prétendent se suffire de ce qu'ils possèdent. Ils

appellent richesse la médiocrité ridicule qu'ils détiennent entre

leurs mains. Pourtant, comme cela paraît peu ! Comme cela

semble insignifiant !

Deux bonnes années ont été nécessaires pour obtenir ce

résultat. Te rends-tu compte ! Et il faut lire ce pauvre petit recueil

qui tient entre mon index et mon pouce ? Je le regarde avec

dédain, ne sachant ce qu'il renferme, me doutant déjà que cela

doit correspondre à faible chose. Enfin ouvrons, et faisons la

critique aiguë ?

- Oui ! Est-ce du vers libre ? Vous prétendez compter

jusqu'à douze ! Ha ! La ! La ! Mais non, Monsieur, ce n'est pas de

la musique que cela ! ... Peu de poètes en connaissent la

signification.

Vous semblez jouer du tambour ou de la grosse caisse.

Ah ! Baudelaire et Verlaine ! Des musiciens, eux ! guère compris

en leur temps, mais des génies, eux ! tandis que vous... Oui, je ris.

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Un rire profond s'échappe de ma gorge. Non ! N'y voyez pas une

moquerie, j'use seulement de ma compétence certaine.

Comprenez-moi, je possède trente années d'expérience, et j'en ai

vu défiler des recueils entre mes doigts. Non ! À tout vous dire,

arrêtez, cessez toute activité de poète. Cela n'a pas de sens, toutes

vos phrases sont désordonnées, et puis ce style ! Quel style ! Non

! Des erreurs grossières à chaque structure.

Vous n'avez jamais songé à vous essayer à la

mathématique, aux sciences physiques, statistiques,

aéronautique... Non ? Pourtant vous eussiez pu, certainement

obtenir quelques bons résultats. Tandis que la poésie... La poésie,

c'est spécial. Il faut beaucoup de doigté, enfin il faut compter ses

pieds, il faut de la finesse, de la subtilité... pas facile...

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Quand la mort avide

Quand la mort avide et vicieuse viendra frapper le crâne

du poète possédé, quelle douleur ultime saurai-je lui offrir ?

Je jetterai à la face de cette salope une bassine

d'excréments, de vomis et d'urine, pour qu'elle s'en retourne le

visage buriné et l'haleine pourrie.

Et mon huile, et mon froment, mes oliviers, mes

grenadiers, je les placerai devant mes fils et mes filles pour qu'ils

les fassent fructifier et fructifier encore.

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C'est l'angoisse du poème

C'est l'angoisse du poème qui se répand dans la nuit, et

produit des formes d'écriture vers le ciel du papier blanc.

C'est l'angoisse de la sublimation qui cherche

désespérément dans le silence de la nuit, qui écoute l'éveil des

premières notes sifflées pour le vent de l'espoir.

C'est l'angoissante douleur qui même amours et plaisirs,

souffrances et jouissances dans la pensée du poète, c'est elle

encore qui décide de ce que sera la chanson.

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Je mettrai à ton cou

Je mettrai à ton cou un collier de perles pour symboliser

la jouissance de ta chair délicieuse.

Je couvrirai tes pieds d'étoiles comme des anneaux de

lumière ciselés et brillants.

La beauté idéale émane de ta personne, et te confère une

superbe renommée.

Cette grande admiration que j'ai pour toi, je la compose

par ce poème, je te l'apporte comme une offrande, et ton sourire

sublime me vient en récompense.

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Voici voltiger l'oiseau

Voici voltiger l'oiseau voleur de semailles qui dépose ses

graines et contemple de là-haut la pauvreté humaine.

Vois donc le sel de la sueur, cette sueur salée de peau,

qui s'exhale en gouttelettes de souffrance et de tristesse. Vois

donc la douleur de l'esclave, d'homme épuisé cherchant quelque

fraîcheur, fraîcheur apaisante d'eau et de bien-être. Oh ! Les sens

éreintés qu'on les baigne dans une vasque d'effluve claire !

Abaisse-toi et contemple de ton œil prophétique le

sinistre spectacle de l'homme souffrant.

Voici l'oiseau voltigeur, voleur de semailles...

Vois donc la force qui supplie et se fatigue, qui se

penche éreintée aux bords de sa détresse. Viendras-tu soulager

cette misère de chair ?

Que ses racines cessent ici de se prolonger dans la torride

terre ! Que son corps cesse de devenir humus ! Sa salive est sève

de mort ! Sa tête brûlée est écorce d'arbre ! Ah ! Coupez ses

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sinistres branches !

Ah ! Tranchez ses racines ! Oui, qu'il se meure d'extase

pour une libération prochaine !

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Le miel du poème

Pourquoi ai-je étudié seul ici,

ai-je étudié le miel du poème,

miel céleste aux parfums sublimés d'un idéal divin ?

Ô ma libre pensée, pourquoi avoir fleuri mon espoir

d'images de rêves ? Pour fuir l'angoisse et la peur de vivre ?

Artisans

Potier, sculpteur, hommes de chair de la matière, à la

recherche de la forme, pétrissez, malaxez la plastique de la

femme, et concevez encore.

23


Pensée

Ce n'est pas la première fois

Misérable espérance humaine

Que tu vois s'abolir ton avenir.

L'avenir ne peut surgir que du ciel.

Des envolées sublimes voltigent dans l'espace

Viennent se poser là sur le bord de ton toit.

Les dieux sont venus t'offrir un grain d'espoir.

Voilà le mot : un grain d'espoir.

Avec ton oeil sensible de voyant,

Tu observes l'horizon sans t'étonner.

Dans le grand livre de l'humanité,

Ton nom est-il mentionné ?

Ton nom ?

Quel nom ? Sera-ce de l'intelligence prophétique,

De la raison poétique ?

Moi, je t'appelle :

Perte, faiblesse, graine dans le vent.

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Les grands se sont abaissés pour devenir accessibles à

l'homme. L'homme ! Que doit-il faire ?

Il doit chanter pour que s'épuise en douces mélodies le

souffle de la nature agrémenté de notes.

Dans le soir tombant, à la lune incertaine, au milieu des

troupeaux de nuages et des brasses d'écumes, joue... joue avec

cette flûte bleue pour la brume légère, joue pour l'eau qui

vagabonde dans les prés assoiffés.

Tout a déjà été écrit. Que diront tes vers nouveaux ?

Seront-ce des choses anciennes proposées autrement ?

Ton espoir est entre tes mains. Conçois encore. Cherche

et exige une nouvelle clameur. Deviens le feu d'amour rayonnant

de mille flammèches, deviens le sang resplendissant d'un rouge

écarlate. Porte ta chair dans les lieux propices de l'univers.

Contemple le vrai ciel, contemple-toi.

25


Labyrinthe

J'étais dans une de ces recherches où l'espoir n'a pas de

moyens d'exister, où seuls l'impossible et le néant pénètrent. Mon

inquisition poétique était nulle, et je n'obtenais aucun résultat.

J'abandonnais ce terrain et laissais à d'autres ces étranges

servitudes. L'avenir de trouver m'était retiré. Pourtant quelquefois,

une brise illuminée venait caresser mon visage comme pour me

dire : Ne te désespère pas. Investis encore. Investis.

Je m'imposais à découvrir avec une force renouvelée,

avec une véhémence nouvelle. Je tentais encore de pénétrer des

secrets dont l'essentiel tenait dans de l'impalpable et de

l'inexpliqué.

Peu s'essaient à comprendre, à violer. Ils préfèrent

conquérir sans la peine. C'est parfois à la jeunesse de tenter dans

sa source d'accéder au delta.

cherche encore.

Qu'ai-je réellement compris ! Peu de chose, mais je

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Pénètre-la

Pénètre-la au plus profond de la chair. Impose-toi à

creuser. Peut-être y trouveras-tu la substance de l'esprit

subtilement cachée ?

*

Dans ta chair torturée, la réalité perverse te promet de

sublimes productions à extraire. L'imagination est au garde-àvous.

Le temps règle la cadence : éjecte, souffre, éjecte, souffre,

etc. L'ombre détestable enfonce les cent d'aiguilles dans les zones

douloureuses.

Tu n'en tires que cela de la malédiction ?

*

Pour qui souffrons-nous ? La grandeur du martyr réside

dans sa certitude de Dieu. Et après ?

*

27


Vie qui ne peux me permettre de produire, vie que le

temps mange goulûment, cependant je suis prêt à m'élancer audelà,

à rechercher la justification d'un dessein. Désigne-moi ma

part, ma suffisance d'œuvre et sa vérité.

*

Je n'ai pas vu de croix illuminer le front de ceux qui

allaient à la mort, mais un cercle de couleur de feu entourant leur

chair et les menait vers la porte inconnue.

*

L'insensibilité de la chair m'éloigne de la réalité perverse

où la femme m'appelait. Le rêve ne parvient pas à rafraîchir le

corps. Il faut qu'elle m'aime, qu'elle supplie pour imposer la

tentation de la vie. Mon avide spectacle est céleste, et je délaisse

la bassesse humaine.

*

On me fait violence pour m'interdire cette voix d'encre.

Ainsi cette main est frappée, détruite, constamment écrasée puis

28


semble renaître pour souffrir plus encore. Je suis dans la nécessité

d'écrire la vérité, je me dois de contrôler l'évidence.

29


L'homme s'exhale

L'homme s'exhale inexorablement.

L'homme dont la recherche interne est de comprendre. Il

se nourrit d'autrui, s'instruit de l'inconnu et tente par l'alchimique

effort de réduire, d'étendre, d'élever.

L'homme qui use de prémonitions, d'avenirs proches, se

plonge dans le passé, et se construit de l'intérieur.

Aux uns, l'insignifiance de la poésie. Aux autres la

sublimation du verbe.

Offrir cette création, orienter la lumière, pour qui ?

Nous tentons stupidement de plaire, mais la clé de la

métaphore est seulement accessible à l'élite.

Nous superposons des dimensions et des espaces les uns

sur les autres, nous franchissons des portes au-delà de l'audace et

pénétrons dans l'invisible. Mais qui pour nous suivre ?

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J'ai aimé ta chair

J'ai aimé ta chair creusée par l'orage, j'ai aimé ton visage

d'eau claire et limpide. Sur le miroir de tes yeux, une imagination

se concevait. J'ai déposé l'espoir sur tes mains de colombes.

Tu resteras toujours le chiffre de mon mystère.

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Quand tu m'imposes à chanter

Quand tu m'imposes à chanter, il semble que ma chair

doive hurler de honte ; j'observe le ciel, et des larmes trépignent

dans mes yeux.

Les crissements amers de l'injuste vie expriment en une

réelle dysharmonie le profond de ma pensée déçue, tandis que

mon adoration constante m'élève encore jusqu'à toi.

Éprouves-tu quelque plaisir à entendre cette voix ? Le

silence est plus pur que la bouche de l’oint, que la langue du

prophète.

Mon chant au plus haut exalté essaie de caresser le

délicat de ton oreille, mais désespérément je sais que je ne puis

t'atteindre.

Enivré de folie, j'oublie ce déchirement interne et je

t'appelle encore, toi qui es mon Seigneur.

32


Voilà l'instant de repos

Voilà l'instant de repos, permets que je m'assoie sur cette

pierre. Tous ces livres commencés, je les poursuivrai un peu plus

tard.

Éloigné de ta grandeur, mon esprit ne connaît ni paix ni

bien-être, et mon travail constamment imposé est une lourde

peine.

Voilà le dernier jour de l'hiver, et le soleil déjà caresse la

fenêtre de ses rayons.

N'est-ce point le moment de chercher le renouveau du

chant, et de te consacrer un hymne à la vie ?

33


Mon poème s'est défait

Mon poème s'est défait de son espoir. Je n'ai plus

d'avenir. Ma vanité va se cacher au plus profond de son silence,

dans l'inconnu d'autrui.

Du moins que cet absurde monologue humain atteigne la

haute sphère où mon Seigneur offre parfois une oreille attendrie.

34


Je m'endormis

Je m'endormis et délaissai son image avec le sommeil. Je

voulais la fuir, sachant qu'elle désirait me perturber.

Je chasserai la femme avec ses formes, je gommerai le

fantasme : parviendrai-je seulement à la faire disparaître ?

cœur.

Je jetterai ma chair avec son sexe, au plus loin de mon

Quand le jour deviendra limpide, j'atteindrai la fenêtre et

hurlerai au soleil levant.

Les oiseaux de violence condamneront mon acte, la

beauté luxueuse me cinglera le visage, la concupiscence et le désir

chercheront à me tuer.

Je me dois de foudroyer la recherche perverse de

l'homme, car je la sais trop bien. Cette pensée n'est pas comprise,

mes réflexions transpirent encore dans cette tête.

35


La mort est une aurore

La mort est une aurore comme une croix de haine.

L'esprit épanoui apprend à souffrir avec ses quelques piques et ses

nombreuses flèches. Le vent de la torture vient hurler à la porte.

La vieillesse s'achève, ma vie est une maison remplie de

paperasses et de livres anciens. Ma vie espère la délivrance avec

sa légèreté aérienne.

La voie est indiquée

La voie est indiquée, je ne la suivrai pas. Je refuse la

mer, son bleu turquoise et ses vagues blanchâtres. Je

n'emprunterai pas le chemin sur l'aile de l'oiseau, j'abandonne la

lumière aux étoiles. J'interroge ma raison : où portes-tu ton savoir

pour accéder à la connaissance de l'invisible et de ses mystères ?

36


Ainsi je dois rester

Ainsi je dois rester dans la maison ; le bureau est un

foyer de recherches où se déclenchent de pures harmonies, où

s'opposent la vérité et le mensonge. Je me fraye un chemin dans

ce circuit intense. Je marche dans cette chair, je parcours les

méandres de mon cœur. Je me plais à découvrir, à concevoir.

La pièce est claire, le chauffage est doux.

Je m'attache à cette table et j'obéis à cette force invisible

qui me dicte et m'indique où ne pas aller.

37


Je pris ta divine lampe

Je pris ta divine lampe et enfermé en moi-même, je

pensai : "Heureux, fils, heureux, je connais la voie."

éclatante de

Le ciel était plus pur quand je partis empruntant la route

lumière, je parlais en ma chair et disais : "Inspire-moi, ô

sublime puissance, mon feu intérieur s'éteint et va mourir".

38


Ils ignoraient le chemin

Ils ignoraient le chemin et prétendaient me diriger pour

le savant apprentissage, mais moi je possédais en prescience la

clé. Elle mène au fin fond de soi-même.

Je détenais suffisamment d'instinct pour te trouver dès

l'origine. Je comprenais sans le hasard.

Les espèces de poètes me rejetèrent comme un chien et

me crachèrent au visage comme un vagabond que l'on déteste.

J'étais hideux, je provoquais le dégoût. J'avais refusé de les

comprendre.

Rempli de certitude, je cherchai là, à l'intérieur quand tu

m'es apparu, trop pur peut-être. Et chaque jour, je te contemple

dans ma destinée.

39


L'insignifiance de l'acte

Lorsque je considérais l'insignifiance de mon acte, je me

sentais ridicule et méprisable comme un ver qui gigote au bout de

la ligne divine.

40


Le riche qui sommeille

Le riche qui sommeille en moi remplit ses mains

opulentes, et murmure le goût de l'avarice.

Ses désirs sont entendus dans l'idéal de lumière

accroupie ou rampante, dans le néant personnifié, rempli d'avenir

incertain.

Le goût de l'injustice se développe sur une mer de

désespoir ; un aigle de torture plane au-dessus de cette étendue

fangeuse.

Quand la nuit atteint le zénith pour le repu de l'Occident,

le riche s'éveille enfin et supplie : "Maudit je suis, parce que le

jour étincelant m'a encombré de ses nourritures, mon coffre est

plein !"

Il hurle encore : "Ô néant, ô lourdes ténèbres, vous êtes

ma conscience, détestables et ignobles moi qui vous connais trop

bien."

41


Tu m'as placé

Tu m'as placé dans l'âme de la victoire,

Pourtant je ne voulais ni me battre ni gagner.

Me comporterai-je comme un vainqueur quitte à

véritablement le devenir ? Pourtant je me plaisais dans mon

silence d'homme de la défaite.

Je construirai, je produirai, j'avancerai encore, et quand

j'aurai atteint mon idéal de rêve, quand j'aurai délaissé mes

nombreux désespoirs, je pourrai mourir enfin, dépouillé de toute

réussite.

42


Ô lumière

infamant !

Ô lumière, lumière luxuriante, détruis ce don stupide et

Certains se sont plus dans les feux épars à jouir de ce

déversement de fluide clair ; permets-moi de regagner l'ombre

silencieuse et studieuse.

Ô lumière, éloigne-moi de cette certitude inconnue de

l'homme ; emporte-moi sur les ailes du néant. Oui, que je plonge à

nouveau dans le magnifique rationnel.

Nul esprit sensé qui s'interroge ne se plaît à vivre dans ce

palais de cristal, dans ces murs d'images où l'impossible côtoie

l'absurde.

Plus d'une raison, alertée par ce message de conscience

m'arrache le coeur, me tire vers l'obscurité jusqu'en ses structures

profondes, jusqu'en ses bases enfouies.

Le savoir attentif a daigné poser son regard sur la chair

de mon poème. Il m'appelle faux trésor, perte certaine.

43


Que je devienne une conscience, ô lumière, la conscience

de leurs fluides clairs.

44


Ton parler est complexe

Ton parler est complexe, ô l'enfant, celui de tes disciples

sera plus accessible.

Mon ignorance est totale, je ne comprends pas l'origine

des étoiles, ni les gemmes de ta nature.

Ma conscience cherche à savoir. Elle est l'abeille qui

butine la fleur, insignifiance et légèreté. Ma raison creuse à

l'ombre des invisibles et des non-sens.

Tes paroles seront comme des certitudes d'un au-delà

vainqueur. Je me nourrirai de ta substance sublime, attendant la

mort bienheureuse.

45


Ordonne

Ordonne, et je produirai tous les poèmes pour nourrir de

substances légères les fleurs de ton jardin. Il y a les belles

épanouies et odorantes, les jeunes boutons à éclore, je les vois

bien.

Les jours s'encombrent d'une mémoire lourde de savoir,

les jours repus de ta splendeur éternelle ! J'aperçois les bergers

poètes qui échangent leur chant, envieux et jaloux, se tiraillant

encore. Laissons-les à leurs exploits de flûte champêtre...

Ordonne, et dans le silence de ma tombe solennelle je

concevrai encore. Une brise bercée de voix féminines caresse les

cyprès et les oliviers là-bas.

Le jardin répand ses effluves de fleurs et délicatement

vient enivrer l'âme de l'inspiré.

46


La conscience

Quand je considérais toute cette substance produite, au

centre de cette quantité, je me sentais ridicule et insignifiant, vidé

de toute capacité intellectuelle.

Je voulais à nouveau me nourrir de ma propre poétique.

Je recherchais peut-être une jeunesse éternelle, une sorte de

phénix de l'esprit - enfin je prétendais me comprendre.

À présent, je ne suis plus en moi-même ? Je suis un

évadé. Je parcours des espaces vierges sans pouvoir retenir le

temps.

47


Que puis-je espérer

Que puis-je espérer de ce bas monde ? Nulle récompense

ne m'est promise. Seule ta lumière me nourrit de ses rayons

superbes.

Que m'importe autrui ! Qui est mon guide ? Je délaisse le

frère, la femme et l'enfant. Ne suis-je pas digne de toi ?

Je poursuis cette voie que tu m'as indiquée, en espérant

que la mort m'arrache à la réalité terrestre. J'ai la certitude que la

quantité de biens à venir comblera ma toute puissante avidité

d'amour.

48


C'est toi que je déteste

C'est toi que je déteste ! C'est toi ! Et je veux te fuir. Je

ressens tant de haines. La violence et le sentiment d'horreur me

pénètrent jusqu'au profond de la chair.

Le jour explose et royalement excite dans son soleil ma

parole excédée : "Je te tuerai, cruellement avec vice et subtilité".

La folie a épousé la paix, et la force est témoin que ma

vengeance sera sublime, bondissante et ignoble, elle s'écrie :

"C'est toi que je déteste ! C'est toi que je déteste !"

Quand

de jouissance,

Quand la chair est tendre, repose sur moi dans un excès

Quand la mort se nourrit de bien-être, endors-toi dans un

murmure de saveurs.

49


En moi

En moi cette capacité qui ne connaît point de mesure ; et

semblable à la folie avide qui produit, j'insiste encore.

Me faut-il espérer la beauté stérile de la Muse asexuée

qui remplit d'aucun breuvage le vase absent ?

Non ! Enivre-moi encore ! Enivre-moi toujours !

Jusqu'au plus profond de l'être, et de là jaillira encore une

substance de rêve imprégnée de parfums et de fruits.

cruel ?

Il surgira peut-être un monstre de douleur, vicieux et

vie.

Enivre-moi encore, jusqu'au souffle final de ma funèbre

50


Toujours tu es soumis

Toujours tu es soumis à obéir au chant. Les fluides légers

caressent ta substance de rêve, je ne sais comment leur interdire

de te toucher.

Ce qui se conçoit en toi est un ordre trop puissant.

Quelle terrible douleur que cette union avec la flûte !

J'attends d'atteindre l'autre rivage où je serais dispensé de

m'essayer à la mélodie.

51


Liberté

Elle n'est pas venue. Elle aurait pu signifier l'espoir d'un

avenir, d'une aile blanche dans le crépuscule de la souffrance.

Elle fut torturée dans la chair du poète, agonisant et

hoquetant ses derniers râles pour un secours à jamais interdit.

Sa sainte beauté implorait du bourreau quelques

douceurs, mais la folie bestiale faisait souffrir plus fortement

encore.

Elle n'est pas venue, cygne ensanglanté col sur sa

blessure, absence de guide pour le poète incompris.

52


Cette nuit

Cette nuit, je l'ai voulue longue pour que ma maîtresse

vienne me nourrir de ses substances exquises.

J'ai rêvé de son profil furtif et impalpable à mes côtés,

d'une pureté angélique, superbe inspiratrice.

Le jour soudainement à point. J'embrassais confusément

les roses bleues de ce bouquet de femme.

Je suis aimé des morts, des dieux, je suis comblé dans ma

pauvreté produite. Chevauchez-moi, beauté incendiaire, à

l'haleine blonde comme un parfum ! Je ne chante pas le poème. Je

résous un exercice quand bien même je gémirai dans l'or rouge de

ta poitrine. As-tu compris ?

53


Es-tu ma chair ?

Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder au délire

de l'instant ? L'hypnose de mon désir convoite des formes lourdes.

Le temps pénètre dans ta substance superbe.

Es-tu ma chair ? La brise de la folie caresse l'étendue de

ton corps. Elle favorise la naissance de l'orgasme. La chair est

faite pour éterniser le présent et retenir sa fuite.

Cupidon s'élève et nous laisse épuisés sur le lit, ombres

éveillées, nourriture de nos lèvres. La nuit s'éloigne vers la

splendide aurore, là-bas.

Ma chair offerte pour retenir un instant immortel.

54


La nouvelle poésie

La nouvelle poésie se cherche sur les débris sanglants de

trois mille ans d'écriture. Qui inspire qui ? Qui inspire quoi ? Sur

le cercle de la terre se développent des tentatives nouvelles. Le

brassage sera mondial au-delà des cultures, des races et des degrés

de civilisation. Que chante la bouche qui prie, hurle ou aime !

Cette voix

Cette voix qui nous portait était bâton qui danse, légèreté

de femme, message et chemin. Pure et tourbillonnant dans ses

voilures claires, ses paroles charmeuses nous caressaient, nous

invitaient à passer les minces ruisseaux de déception et d'espoirs,

un pied sur les cailloux coupant, un oeil sur l'immensité des

cimes.

55


Devant mes impossibles obtentions

Devant mes impossibles obtentions de résultats poétiques

satisfaisants, prouvées par l'expérience, je vous supplie encore,

Forces sublimes et divines, immensités de puissance et de savoir,

et je m'interroge : "Comment puis-je mieux, au-delà du vice et de

la souffrance ?"

La galaxie explose ses cent milliards d'étoiles. Milliers

de soleils et nuits immenses parcourent et remplissent l'espace.

L'intelligence de l'homme est un infime résidu d'imbécillité. Ma

connaissance n'engendre que des larmes, et je tends vers la mort,

certitude d'avenir.

56


Ta production

Ta production n'a pas d'avenir, mais elle a un passé.

Celui d'avoir été en prescience de vérité. Mais demain est

incertain.

t'abaisse.

Il y a fatalité et retour au néant. Vois qui t'élève. Vois qui

Cette certitude d'impossibilité à te faire connaître n'est

pas une malédiction. Elle est la résultante d'une indifférence

totale. Tu es sans être.

Ton crédit chez les hommes est vain. Tu es lu par les

morts, par les immortels, par les dieux, et par toi-même. Cela

n'est-il pas suffisant ?

Quelle œuvre espères-tu ? Quelle place dans la hiérarchie

poétique ? Je prends la place zéro, je suis inconnu de tous, mais je

suis devant le un.

Voilà donc ton esprit !

57


Mystique

Tu m'avais soufflé par ta bouche me chassant de ton

sanctuaire comme un Étranger. J'étais devant toi, je n'étais plus un

homme, j'étais une forme d'esprit. J'étais nu de bagages,

n'emportant que la mémoire de mon existence.

Je suis redescendu. Me voilà chez les hommes dans

l'obligation d'accomplir l'œuvre.

La malédiction s'est abattue sur ma chair, elle a pris

possession de mon cerveau. Je suis le saint admiré et détesté,

celui que l'on caresse, celui que l'on domine. Je suis glorifié dans

la torture.

Les chemins de ma souffrance mènent vers le Fils.

Mon immense besoin est dans la quête du savoir, j'espère

par les cieux me gonfler d'apprentissage. Il faut se préparer à bien

mourir, c'est la seule certitude, et se plonger peut-être dans

l'immense néant.

Rempli d'espoir et d'anxiété, je courus vers l'instruction,

58


mais la possibilité de sagesse est nulle. Je rêve de m'en retourner

vers ton superbe accueil.

L’oint cherche le Père. J'ai pu contempler ta lumière.

59


Sois prête à concevoir

Sois prête à concevoir, ô ma cervelle, et prévois de

superbes inspirations. Laisse là-bas, au plus loin de toi ceux qui

cherchent à te retarder.

produis.

Tu as entendu l'appel dans l'éclair de la nuit, va, agis et

Le germe du Père est bouton qui fleurit, champ de roses

puis moissons éclatantes qui glorifient la lumière bienfaitrice.

Élève-toi ma chair, arrache-toi !

60


Elle m'enchaîne à la mort

Elle m'enchaîne à la mort cette entrave invisible. Elle

agresse ma chair, m'étrangle si j'essaie de m'en éloigner. Elle

persécute mon souffle, détruit mon chant.

Que ne puis-je l'arracher et la balancer au ciel cette

écharpe de douleurs, de stupidités du mal, de cruautés débiles !

Emporte-la, libère-moi, car j'ai honte de me présenter à

toi avec cette mémoire de bêtises. C'est le mariage du précieux et

de la pourriture, de l'élévation et du chienlit. Oui, libère-moi.

61


Lorsque je m'interroge

Lorsque je m'interroge sur ma production obtenue, je me

considère pareil au vers à soie, à la fois beau et fragile, utile pour

les rois et stupide pour le peuple.

Je me dois d'inventer une nouvelle texture avec pour

nom de code New York, London, c'est-à-dire Nylon. Je me crois

rempli d'esprit avec ce genre d'humour. La vérité est toutefois à

l'invention.

62


Femme

Femme qui poses ta bouche sur les lèvres du poète.

Je reconnais mon impuissance

Je reconnais mon impuissance. Je désire aller au-delà de

ma capacité, mais ma pauvre cervelle ne me propose que ces

fruits détestables. Je m'en nourris stupidement, conscient et aigri

de ma propre misère.

J'espère toujours par x, par y, par autrui trouver les

moyens d'extraire plus, de soutirer mieux. Mais que puis-je ?

63


Astres aux pensers lumineux

Astres aux pensers lumineux, clairs soleils flamboyants,

rutilants,

Astres d'étoiles baignées d'or,

Ceci est le fluide reliant l'éther à l'irréel, le poète

d'homme chargé d'ondes dans un néant cosmique.

Élévations inconnues

Nous parfumons la rose noire

Cueillie dans l'idéal de rêve

Et sillonnons des champs de fleurs évanouies,

Ailes voltigeant sur l'immense embrasement céleste.

64


Qu'est-ce qui nous élèverait ?

Qu'est-ce qui nous élèverait ? Quelle essence divine nous

implore d'exister ? Le poète est infiniment rien s'il ne revêt

l'identité d’oint. Le temps est un vulgaire paramètre utile aux

hommes. Qu'est-ce que le temps en prescience ? Ici-bas, nous

accomplissons des desseins ridicules pour rechercher la gloire

humaine. Seul et seulement importe le témoignage du Pur Esprit.

Le reste est misère.

À la verte lumière, le savoir est dans la certitude de Dieu.

Puis nous plongeons dans les ténèbres pour resurgir flamboyant

de pureté, poète et christ à la fois. Il y a travail de sainteté, de

souffrance, d'injustice. La torture nous purifie, nous nettoie de nos

résidus de péchés. Puis nous portons l'habit blanc.

65


J'ai vécu dedans

J'ai vécu dedans, imposant, éclaté comme un monstrueux

puzzle. Jamais l'heure n'est venue pour m'indiquer le départ. Je

restais dans les livres avec la mort.

La parole n'est pas dépourvue de sens. Le sens échappe à

la conscience et à sa raison. Mais elle sera comprise, plus tard.

Temps

Temps, toujours à mes côtés, je t'ai intégré à mon

principe d'existence comme une dimension. Jamais tu ne m'as

trahi. Tu es celui qui vit en secret auprès de moi.

66


Ceci est une certitude

Ceci est une certitude, je suis un instrument de tortures

imposé par la perfidie de l'au-delà entre l'horreur et la lumière,

entre l'obscurantisme moyenâgeux et l'idéal messianique. Le

terme final de l'épreuve sera ma mort.

Un jour, béni entre tous, la parole constamment

prononcée sera enfin entendue, et l'innocent libéré.

Poèmes ruinés, œuvre détruite. Où trouver la force pour

reconstruire ? Comment punir les bourreaux du saint ?

67


L'effrayante question

L'effrayante question sans cesse renouvelée : comment

être sans être ? Comment se déterminer avec un moi dévalorisé,

détruit, amoindri, ridiculisé par le mal ? Comment se prévaloir

d'être avec si peu ?

Et qui pourrait comprendre ce que je dis ?

Si du moins l'Esprit supérieur me concédait quelques

aides... Avec quelles substances divines pourrais-je concevoir ?

68


Verbes

Verbes de légèretés admises, concédez-moi quelques

suffrages incertains. J'ai l'impression de mourir avec roses subtiles

et jasmins.

Ne me croyez surtout pas le meilleur, je dois progresser

encore et accéder à l'âme supérieure. En suis-je capable ?

Parler et extraire ce qui doit être tiré parmi ces grands

invisibles de l'esprit.

Ma demeure est interdite. Elle gît profondément dans

l'inconnu de l'inconscient. Qui viendra me soulager de mes

douleurs ?

Cette pureté inguérissable, évanouie dans les nuages

flous, oui, descendra-t-elle se soigner chez nous hommes poètes

ou régnera-t-elle là-haut dans l'interdit ?

Faire le feu, et qu'éblouisse en explosion de couleurs

l'orgasme poétique.

69


N'as-tu donc pas compris ?

vient à jamais.

N'as-tu donc pas compris ? Tout jaillit de l'esprit. Il vient,

Quand sur moi est sa joie, l'intelligence croît.

Qu'est-ce qui nous suffirait ?

Qu'est-ce qui nous suffirait ? Que pourrions-nous désirer

? Quelque gloire future ? Quelque superbe éloge funèbre ? Le

temps est dans l'homme poète, le temps modifie son dessein

initial.

Le chemin menait où nous le divisions. Les brouillards

sont montés. L'œuvre est éclatante. Qui la comprendrait ? Le

poète ? Il s'ignore soi-même le plus souvent. Le critique ? Aura-til

le courage de lire ?

70


Malgré votre grandeur

Malgré votre grandeur, vous êtes descendus et vous

m'avez permis de vous contempler.

Je produisais cerné par le Mal, l'œuvre criait l'horreur de

l'injustice. Vous êtes descendus puis être remontés bien vite.

Grand nombre s'essaye encore au chant chez vous.

Certains sont des virtuoses, mais vous avez préféré honorer un

incapable.

71


La nuit s'écoulait

La nuit s'écoulait et j'implorais encore, les poings tendus,

quémandant toujours.

Tu refusais d'entendre mes paroles. Tour à tour mes

prières étaient mesurées et nourries d'abondance.

Veuille entendre la supplique d'un persécuté, daigne

libérer le torturé de ce joug terrifiant.

Brise la violence des violents. Ceci est le cri de mon

coeur. Enrichis cette main vide de mendiant, embrase la lampe du

guetteur poétique.

Encombre-moi de tes richesses dans cette immensité

désertique où je connaîtrais la place première du solitaire.

72


Tu m'as placé

l'humiliation.

Tu m'as placé parmi les vainqueurs.

Pourtant je ne voulais ni me battre, ni soumettre autrui à

sphérique,

Je m'élèverai dans l'éther jusqu'à atteindre la voûte

Je m'imposerai les armes de la victoire.

Je soumettrai tout ce qui vit, et quand j'aurai infligé des

échecs terrifiants aux perdants, alors je t'offrirai les reliefs et les

opimes de mes soumis.

Alors tu me retireras tout ce que je suis. Mon

dépouillement sera total.

73


Je m'élève

Je m'élève vers les hauteurs de la forme supérieure sans

nul espoir d'y atteindre une perle de perfection.

Je plonge dans le néant de moi-même, conscient de mon

impuissance d'accéder à quelque chose de purifié.

La compétence d'autrui est détestable. Je ne suis que

déchets et résidus de poèmes. Je me puis espérer que la mort qui

saura me délivrer de cette incapacité honteuse.

O suprême savoir, accorde-moi le droit de n'être plus.

Que mon sanglot arraché à ma certitude vienne vibrer contre ta

face extrême ! Et je pourrais m'endormir à jamais !

74


Il n'y a pas d'attente

Il n'y a pas d'attente. Je ne te cherche pas. Pas l'ombre de

ton ombre dans ma triste demeure. Ma maison est spacieuse, j'y

évolue avec facilité.

Toi, ton Saint Sanctuaire est purifié. Sans vraiment te

chercher, je me suis présenté à Toi.

J'émets une pensée sous le dôme céleste éclatant de

rouge et d'or consumé. Je me replie en moi-même, mon désir est

interne.

Je m'assoie sur le bord de ma raison, je regarde d'en haut

et il me semble que je vais tomber. Nul espoir de bonheur, nulle

image de femme douce.

Plonge mon esprit dans l'océan du savoir, instruis-le dans

la marée de la plénitude, oui que je sois en osmose avec l'éternel

jaillissement de l'univers.

75


Aurons-nous à bénir

Aurons-nous à bénir notre nouvel orgasme,

Ce bel espoir de chair de vie recommencée ?

Aurons-nous, parce que le désir exalté,

Imprimé dans nos corps, l'impose constamment ?

Cette force puissante nous porte vers la vie.

Notre mécanique amoureuse nous soumet à jouir

Aux banquets, aux bains. Nous transmettons l'espoir.

Encore nous voulons. Nous refusons d'être des

Solitaires, nous dépendons les uns des autres avec

Des sentiments d'extase.

Au plus haut, toujours droits,

Pénétrant des chairs rondes et ovales, énormes,

Nous sommes vicieux et perdons nos forces.

Aurons-nous encore à sublimer nos meilleurs fantasmes ?

76


Cent chairs de femmes

Cent chairs de femmes resplendissant ici

Éblouissant de fleurs parfumées et de musc

Se répandent sublimes dans l'âme ébahie

Superbes et irréelles par profusion d'images

Alanguies sur sofas et sur litières de roses

En cascades de corps de blondeurs amoncelées

Que je sais interdite d'extases, évanouies

À la lune halée d'images et de phosphores

Et moi de vertiges pris maîtrisant mes délires

Étonnante folie de fantasmes interdits

Pour l'adoration de peaux et de substances

Dans l'esprit inventif du poète amoureux

77


Toi, oui

Toi, oui, jamais plus, toi que j'ai délaissé

Toi dont le nom n'est plus lié à mon orgasme

Je ne puis t'invoquer, je te sais disparue

Impossible compagne dans l'éther interdit

Élevée dans la nuit, ta chair veut, elle hésite

Et sa beauté soudain est un rêve de pierre

Sublimée et sensuelle. D'en bas, je t'observe

De dessous, cible parfaite et saignement de femme.

L'espoir de mourir est oublié dans la lumière

Elle se nourrit d'air pur retenu trop longtemps

78


Janvier de frimas

Janvier de frimas, entends sous le glacier l'espoir du

premier vent cherchant à renaître.

Un vœu s'était égaré et sillonnait la campagne blanche,

fuyant l'absence de la saison macabre.

Saison de sommeil, de femme sans chair, préparez-vous.

Quel atroce vinaigre

Quel atroce vinaigre veux-tu me faire boire, ô divin, dans

cette écuelle de bois ?

cet espace ?

Est-ce là ton plaisir d'observer l'horreur s'accomplir dans

79


Sur la transparence des lacs

Sur la transparence des lacs

Tu vois sortir le soleil

Douce exaltation

D'un cercle rougeoyant

Tu te dresses vers la lune aérienne

Pour échapper au monde qui t'entoure.

Nulle beauté ne chevauche de nuage.

Rien autour de toi. Le glissement du temps

Fuit avec douceur.

Quelle présence insipide

S'éveillerait là, battement étrange à tes côtés ?

Tu perfores ton rêve. Tu observes ce soleil

De braises s'élever superbe.

Mais toi tu voudrais pénétrer ces lacs,

T'engouffrer au plus profond.

Embrasse les mélodies diverses

De cette claire matinée. Les monts

Alentour te répondent sans échos.

80


Tu circules maintenant, écrasant

Cette terre imprégnée de son rêve.

Le lac calme et lipide mêle sa

Salive à un courant marin.

Nulle femme ne te poursuit. Personne

Derrière ta première ombre. Ombre, ou

Lait de feu écrasé ?

Oui, tu es dans la forte solitude,

Tu ne penses qu'à toi,

Tu es redevenu ego.

Nul futur en ta chair, point de fils

Retourne à la terre, ignoré de tous

Adieu, va et meurs.

81


Présence spectrale

Présence spectrale

De l'inconnu

Souffles invisibles, incessants

Qui entend quoi ?

Que sont-ce ? ...

Mort céleste. Mort

D'esprits interdits,

De formes épaisses,

Fluidité des masses,

Prescience de l'âme,

Je crois savoir, non ! Je sais,

C'était il y a quinze secondes...

Tous contre moi, contre la chair mienne

Douce et purifiée.

Fantômes de l'au-delà

Vivants, à peser, à quantifier

En équation de certitude.

L'énigme est bien dans ce bureau.

82


Un autre espoir

Un autre espoir.

Fixez-moi la certitude,

Offrez-moi la clé.

L'œil interne scrute

Dans la luminosité de son rêve.

Donnez-moi le savoir,

Les délices de l'intelligence,

Alors que ma réalité

Est de m'enfuir dans le Néant.

Un nouvel avenir.

Vendez-moi la fortune,

La connaissance élevée.

Éloignez-moi de la honte,

De la médiocrité, de la bêtise

Afin que j'accède à l'Esprit

À la substance infinie.

Je plongerai dans le silence

Pour aimer le commencement

Et me nourrir de son mouvement.

83


Une autre compréhension

Dans la nourriture du Saint

Pour la splendeur de l'Alpha

Et la beauté de l'Oméga.

Moi et les Dieux

Et rien d'autre.

J'irai au-delà du seuil,

J'atteindrai le réel

Au-delà du permis

Dans l'éther sublime, oui.

Moi.

84


Dante, l'enfer, Chant I

Sur le milieu du chemin de notre vie

je me retrouvai par une forêt obscure,

car la droite voie était perdue.

Ah ! Dire ce qu'elle était est chose dure

cette forêt sauvage et âpre et forte

qui ranime dans la pensée la peur !

Elle est si amère que la mort, l'est à peine plus ;

mais pour parler du bien que j'y trouvai,

je dirai des autres choses que j'y ai vues.

85


Le poète, médiocre copiste

Le poète, médiocre copiste

Produit par autrui, par le livre autre.

Il n'y a pas de plaintes,

Il n'y a pas de souffrance.

Il élève une douleur inconnue.

Faut-il lui accorder les sentiments de ses lignes ?

Quelle poésie ? N'est-ce pas dédoublement

De langage, de chant, de jeu de mots ?

N'est-ce pas transplantation de syllabes

Et pépinières d'images, emploi de la couleur,

Du symbolisme et de musique ?

Ô magicien de la phrase, phrase encore comme femme

Ou fugue lointaine, explique-nous encore.

Oui, essayer des syllabes sonores,

Et les mêler, les malaxer pour qu'elles explosent

Qu'elles s'associent et se repoussent.

86


Toi, encore une fois

Toi, encore une fois, pourrais-je t'invoquer ?

Dans l'idéal de chair, je quémande ton nom.

Je te sais disparue, ô sublime compagne.

Le soir est déchiré et je supplie ton corps.

Danseuse en chevelure, tourbillonnant toujours

Comme masse légère de jeune nudité

A soudain voltigé dans mon âme en détresse

Avec des touches roses d'habits à retirer.

La nuit est toute proche. Envahie par les ombres

Nue sur son beau printemps, éclose dans son sang

Elle bondit hélas et se métamorphose,

Surgit et disparaît sous la claire ténèbre

Toute resplendissante de feux intermittents

Puis s'enfuit à jamais pour un vrai désespoir.

87


Lors s'élèvera le chant

Lors s'élèvera le chant de l'arbre

Entendu en une pure élévation,

Et le silence régna

À la recherche d'un beau commencement,

D'une pensée future pourvue de palmes,

De légèretés aériennes et d'idéale de roses.

Dans la forêt limpide de tout bruit,

S'éleva le chant comme de subtiles notes

Aiguës et fines, comme souffle byzantin,

Comme cristal de Venise

Qu'imposait aux hôtes le silence,

L'épais silence du respect.

Alors sublime Orphée, tu fis naître

Le son qui caresse l'oreille des dieux

Et l'obscur devint lumière

La nuit, soleil de blondeur

Et les dieux te construisirent un Temple.

88


Moi superbe et divin

Moi superbe et divin, à la bouche chantante !

Tourbillonnez essaim de Bacchantes aimées,

Et j'élève le cri, je domine l'espace,

Et j'offre le poème sublime et l'admire.

De beauté confondue, oui, j'ai l'art de séduire !

Venez toutes à moi, élancez-vous encore.

Enivrées de folie, de rondes et d'espoir,

Je saurai vous toucher par le bois de la lyre.

Or prises de vengeance, la violence abonde.

Effondré sous leur chair, j'agonise et supplie

Et cherche à respirer, mais déjà je me meurs...

Ô terribles femelles à la haine maudite,

Acharnez-vous encore, voilà, je ne suis plus !

La nature m'a trahi, j'étouffe sous la masse.

89


Jaune, jaune, jaune

J'étais dans cette pièce, stupide, tournant avec obsession,

cherchant et cherchant encore, cherchant le moyen d'ajouter, de

produire plus, de produire mieux. Je voulais gagner mon combat

contre la productivité sud asiatique, j'avais la certitude qu'étant

Européen - donc pourvu d'intelligence et nourri d'une civilisation

prestigieuse - je pouvais obtenir un résultat similaire à celui d'un

jaune. Je prétendais qu'il m'était possible en usant de raison, de

découvertes et d'inventions de parvenir à un bien de

consommation de haute qualité, de High Tech. Je trouvais ridicule

voire aberrant d'être dans l'obligation d'acheter sa calculatrice

Texas Instruments, d'écouter une FM Samsung, de posséder un

décodeur Made in China. Non, cela était inadmissible. Mais

comment faire ? Comment s'y prendre pour concevoir des

produits industriels à coût salarial insignifiant, ou mieux encore

leur vendre des biens de meilleure qualité à un prix défiant toute

concurrence ? Je cherchais, et pourtant je ne trouvais pas.

90


Ne me détruis pas

Ne me détruis pas

Aide-moi à être

Permets-moi de me réaliser

d'assumer un semblant d'œuvre

de produire une infinie parcelle de toi.

Donne-moi le droit d'obtenir

ce qu'il me faut

ce qu'il m'est nécessaire pour être.

Veuille me construire avec ta patience

avec ton souffle

avec ta gratuité

avec ta divinité.

Apparais-moi encore, apparaissez-moi

Lumière de lumière, lumière.

Descend parle, tourne-toi, repars, éloigne-toi, va.

91


Dans le cri de l'espoir

Dans le cri de l'espoir, derrière cette forêt d'yeux

étincelants, tu m'appelles et me supplies de te libérer. Tu regardes

vers la porte du ciel, la porte illuminée et splendide.

Tu es toujours aussi belle dans ta robe bleu émeraude où

scintillent des milliers d'éclats lumineux. Tu es debout sur le

nuage mousseux qui te sert de couche. Tes mains semblent

translucides, presque pures mais elles saignent abondamment.

Que crains-tu ? Pourquoi pleures-tu ? Viens, viens. Élève

toi. Rejoins-moi. Je te tire, je t'appelle. Oui, là-haut, je suis.

Fils.

Tu ne reconnais donc pas ma voix ? Monte, je suis le

92


Écrasé sur mon lit

Écrasé sur mon lit, j'appelle le lourd sommeil, le

sommeil de la tonne. Je renverse ma tête en arrière et j'essaie de

rejeter toutes les images filantes qui circulent, se cognent, se

projettent sur les parois de mon crâne. "L'imaginaire produit

encore, pensais-je. Veuille le convaincre d'en cesser là, de

t'endormir sans association aucune, sans effets de fusion, ou de

condensations." Mais cette diabolique cervelle n'en fait qu'à sa

raison, et carambole, et tamponne encore.

Alors j'appelle le fossoyeur de la nuit et lui demande de

jeter de grandes pelletées de charbon noir là devant mes yeux

pour n'y voir que du néant, relaxant, décontractant, enivrant, et

enfin endormant.

93


Le mal

Je suis venu ici pour te torturer, pour te faire

abominablement souffrir dans cette chambre qui est tienne.

Je suis le vice et la cruauté du monde, et Dieu m'a remis

le pouvoir de détruire. J'ai la puissance de Satan. Mon père est le

Diable et j'aime faire le mal.

À toute heure, à tout instant, je pénètre dans la chair,

j'enfonce des aiguilles dans le corps. Je suis de la pourriture, je

suis une ordure, je suis du vomi de chien. Tel est le pouvoir que

Dieu m'offre.

94


Solitaire

Tu ne m'as pas donné ma femme - personne ne gît à mes

côtés, tu ne m'as pas fait respirer le calice de la femme.

Moi, je retournerai à Dieu, fiancé éternel débordant

d'avenir, je m'en irai Christ inconnu de chair et de beauté.

En toi est la clarté

En toi est la clarté qui jaillit de l'ombre, en toi est l'espoir

de libérer l'homme.

Qu'ils viennent se nourrir dans ta maison ! Offre-leur ce

que tu possèdes ! Tu es là pour eux. Souviens-t'en. Qu'ils croquent

le grain de sève et de vie !

Ton sang coule dans le gouffre de la mort. Tout ce que tu

possèdes te semble perdu. Fais preuve de générosité et de dons

seigneuriaux. Donne, donne encore.

À toi te reviendra une partie du ciel. Donne aux hommes

puisque Dieu t'a donné !

95


Qui est-il cet homme ?

ma chair ?

Qui est-il cet homme sublime ? Et inconnu qui pénètre

Je l'ai aimé mais je n'ai pu le posséder.

Puis je l'ai méprisé, délaissé... J'ai parfois consacré

quelques heures à glorifier sa pseudo grandeur ... Oui, j'ai tenté de

chanter son immortalité.

"Je ne veux pas de toi.", criait-il à la femme sans idéale

beauté, sans capacité à émouvoir, à fasciner. Elle bondissait de lit

en lit, défaisant ses habits pour se rendre désirable, elle espérait

vainement crédibiliser quelques endroits de chair.

Il lui banda les yeux, l'attacha, la fouetta pour la faire

jouir dans la douleur. Elle insista encore, et se soumit dans un

superbe désespoir.

chair ?

Qui est-il cet homme sublime et inconnu qui pénètre ma

96


Cent sources

Cent sources de femmes gémissent ici.

Voilà ce que j'ai pu aimer,

Voilà ce que j'ai pu boire ?

Est-ce dérisoire ?

Ce n'était que cela ?

J'espère plus forte jouissance encore.

97


Oui, jeune fille encore

Oui, jeune fille encore et de surgir d'un bond

Pour ce plaisir de chair uni au chant du cygne

En voiles de printemps, ainsi de resplendir

Si pure, aérienne dans mon lit de sommeil,

De se répandre en moi, toutes confusions.

Est-ce masse de rêve que ce plaisir d'aimer ?

Ce lointain impalpable caressé de blondeur

Par mystère enveloppe et pénètre mon corps.

Elle semble planer au-dessus de la vasque

Par la forme du lit, et sa présence est sûre.

Suis-je éveillé alors ? Car vois, je ne dors point.

Mais serait-ce fantasme fourni par le désir ?

Ton soupir me dévore et je sens ton effluve

Voltiger près de moi... Oui, jeune fille encore.

98


La pensée intérieure

La pensée intérieure s'ouvre et telle une corolle et un

bouquet d'idées remplis de vertiges et d'images resplendit tout à

coup sous ce vaste dôme :

Pyramides bleues, cyclones d'espoir, fluides lumineux

qui jaillissent comme des boules multicolores,

Tournesol voltigeant, œil d'extase enivré de folies très

légères,

Puissances de sonorités, chambres de notes, monologues

aigus et incompris,

Souffles, raisons exquises enrubannées de douceurs

adorables,

Tourbillons, vapeurs rousses qui s'élèvent dans la nuit de

jade,

Envolées de lumières, ailes claires tachetées de blanc,

Je m'endormis, j'inventais mon sommeil, je contemplais

la nuit se draper de signes lumineux :

Femmes vivantes, bracelets de chair et de flammes, îles

ardentes qui respirent les parfums aériens,

Sources élégantes, chevelures floues et vaporeuses, bras

99


de mouvances là-bas dans l'interdit, derrière la porte de sang.

Pourtant j'attendais stupidement qu'une présence

féminine s'en vint.

Rien que le silence énorme éclatant sous un soleil

invisible d'ombre, de néant.

Il n’y avait nul espoir de changement. Qui pouvait venir ?

J'entendis une rumeur de pieds bruyants circuler dans les ruelles de

l'esprit.

Parle-moi, ô fille. Est-ce toi ? Fille de l'agonie ? Tu n'as

pas de voix ?

Il y a du sang, il y a des pieds déchiquetés, souffrants sur

les ronces, des habits déchirés,

Il y a ta chevelure d'or.

N'y a-t-il pas de bouleversantes femmes qui

tourbillonnent sur l'herbe sacrée, dans l'essaim vert et les feuilles

d'or ?

Je crois entendre des cris là-bas de femmes claires qui

circulent vers l'aube chantante.

Non, il n'y a pas de mort, il y a la vie au bord de cette

100


source aveuglée pourtant.

La beauté est difficile à voir. Je la cherche près de la

source, loin des ruelles. Elle brillera peut-être dans la nuit

immortelle.

Me voilà à présent assis sous l'arbre de tourmaline,

quémandant quelques explications, tandis que de superbes vierges

s'offrent voilées de mousseline.

Mais quelle importance ? Pour quelle utilité ? En moimême

se construit cette géométrie interdite de poète, cette volonté

mathématique de chiffres et d'invisibles structures. Hélas, Hélas !

Ce n'est qu'un mirage.

Voici la nuit saignante avec ses tessons de vers, ses corps

de poignards dans la rose écartelée, voici la nuit avec cette fille de

fleur qui hurle, et son sang gicle et se répand sur sa robe blanche.

Voici la nuit avec ses lumières de laser coupantes, avec

son silex moderne et ses invisibles douleurs,

Voici la nuit qui arrache, qui écorche,

101


supplie.

Le poète souffre, hurle, plonge dans la poussière et

Faut-il ramper ? Faut-il gémir ?

Quelles possibilités nouvelles pour que l'esprit inventif

s'élève plus pur encore, pour que flammes et incendies irradient

l'intérieur du crâne, pour que source et images viennent féconder

l'univers spéculatif ?

102


Parfois je ressens

Parfois je ressens un immense désarroi, moi qui suis un

habitant de cette terre. Je ressens une peur foudroyante

comparable à celle qu'éprouve l'arbre devant l'ouragan. Mon cœur

effrayé brûle du feu ; et tout ce qui me semblait granit et marbre

dans mon corps se transforme en laves incandescentes.

Je frémis, pâle, défait, je hurle. Je me sens entouré d'un

vol sinistre d'aigles noirs qui tourbillonnent sous ma voûte

embrasée. Horreur ! Deuils ! Guerres ! Horribles souffrances, et

ce n'est certes pas le visage apaisant d'une femme me souriant qui

saurait adoucir cette conscience.

103


Temps difficile

Que ces temps sont difficilement supportables ! Ma

cervelle conçoit dans cet espace limité, borné par la raison. Il n'y a

pas d'imprévu ! Il n'y a pas d'inattendu ! C'est un vide sinistre

livré à des esprits errants. De faibles notions viennent parfois se

caramboler pour tenter de former des paragraphes, puis des

chapitres, et enfin des livres.

Voici encore un morceau qui se conçoit sous la dictée de

l'inconnu, de la pensée invisible, qui se conçoit associé au temps,

- le temps épouvantable ; morceau qui retournera dans son gouffre

béant !

Et l'inspiration semble fuir, après être venue pieds nus

marcher dans mon âme, laissant ce fragment stupide et inachevé.

Restera-t-il la trace d'un pied délicat et bien fait ? Sera-ce

l'empreinte d'un monstre nourri d'horreur et de colère ?

104


Je vis la Mort

Je vis la Mort vicieuse et tortionnaire. Elle était là près

de moi, au fond de ma chambre sinistre. La nuit était épaisse,

seule une lumière blafarde éclairait faiblement le bureau. La Mort

était accompagnée d'un ensemble de cadavres, spectres

blanchâtres et difformes.

Et la Mort me dit : "Je t'appelle pour l'horreur. Je t'amène

à la souffrance. Viens avec moi. Voici du sang, des crimes, et ta

crucifixion. Voici du vomi de chien, des excréments nauséabonds

- prends, te dis-je, prends. Voici des sorcières, des femmes

horribles - viens, et suis-moi."

suffiront."

Et je lui répondis : "Assez ! Assez ! Mes images de poète

Mais la Mort reprit : "Je suis venue te torturer. Je t'amène

à la tombe, à travers l'angoisse et le feu caverneux."

Et dès lors, je plonge vers le gouffre macabre de

l'horreur, accroché à l'immonde femme à la faux.

105


Un esprit de génie

Un esprit de génie qui conçoit prend des risques. Ses

rumeurs et ses chocs l'éloignent du commun des mortels. Il est un

incompris. On le fuit, on l'évite, mais parfois l'on peut être ébloui.

L'homme pense, évalue, transforme. Et cette tête pleine

est immense et difforme. Il s'abaisse parfois et cause avec les plus

humbles de la pluie. Mais c'est un souffle puissant qui mugit en

son crâne.

106


Ô Nietzsche, oui

Ô Nietzsche, oui, les poètes caquettent et sont femelles

en chaleur et femmelettes. Très peu ont de l'esprit. Trop émotifs

peut-être.

Dans l'immense néant où le poète s'abandonne, il peut

parfois jaillir, à force de songer, des révélations sublimes ou

ténébreuses.

Tout permet d'accéder à la vérité, au but final, et de

l'amas de pierres peut naître la solide construction. La brume

dispersée, laisse parfois apparaître le palais. La pure certitude se

conçoit dans des masses de brouillard et resplendit lentement.

Le Verbe se nourrit de sa blanche substance. Il est le

frère de Dieu. Lui seul peut nous instruire. Et ainsi l'on accède au

savoir élevé.

Parmi l'ombre terrible et l'horreur de son vice, un poète

inspiré atteint la lumière et contemple souvent les sphères

merveilleuses qui trônent dans l'espace.

107


Me voici à présent

Me voici à présent vivant dans l'invisible, vivant dans

une substance que l'on dit impalpable. Et l'air que je respire, nul

ne peut le voir, excepté Dieu peut-être. Je suis devenu une Ombre,

j’ai épousé une forme qui flotte vaguement, difficile d'aspect,

délétère, que l'on prétend saisir, et qui pourtant échappe. Voilà, je

suis dans l'univers des morts, et cela n'est pas un songe.

J'ai l'étrange impression qu'un œil me fixe ou m'observe.

Je semble voir, mais ceci est relatif, dans un brouillard éclairé une

ombre curieuse qui me cherche et fuit, dans un comportement

bizarre.

Oui, cela semble agiter des linceuls ou tirer des chaînes,

cela semble fourmiller, s'exciter comme des tourbillons légers.

Est-ce un monde de spectres ? La pensée hésite et cherche, ne sait

et doute. Est-ce un lieu de perdition ? Un bagne ? Une tombe ?

Ils vont et se déplacent, murmurant des soupirs ou

gémissant avec douceur. Qui sont-ils ? Quel est cet antre ?

Expliquez-moi ces sinistres visions ? Mon âme délire-t-elle ?

Mais où suis-je ?

108


Ils vont dans cet espace incompris, dans ce lieu morne et

fétide. Ils semblent danser dans ce brouillard d'éclairs où se

combinent d'étonnantes compositions !

Le vent les emporte, le vent amoncelle sur leur front des

étoffes de nuages. Je les vois vaguement comme des sphères

vaporeuses. Ils glissent, virevoltent puis s'élèvent emportés,

lancés dans les airs. Je crois les apercevoir dans ces brouillards

infinis.

Des tourbillons ayant des formes circulaires tentent de

les englober, et les avaler comme une avalanche de neige. Sont-ils

coupables de crimes et d'horreur ? Paient-ils de noirs châtiments ?

Où sont les misérables ? Sont-ils punis, rattrapés par leur

passé ? Hurlent-ils ? Supplient-ils, implorent-ils pour les fautes

d'hier ? Qui pourrait pardonner ? Qui saurait oublier ?

109


Je suis à ma table de travail

Je suis à ma table de travail et je ne sais qu'écrire. Ma

cervelle semble épuisée, il faudrait que je lui permette de

récupérer quelque peu.

Il est deux heures quarante-six à l'horloge de ma chaîne

SAMSUNG, je suis en position TURNER, et j'entends les bandes

stupides que passe France-Info pour meubler le programme.

Je regarde la télévision, je suis positionné sur la chaîne

EUROTICA où une femme fait une fellation, c'est un canal

pornographique X.

Devant mes yeux, un livre de Fernando Pessoa, Le

Gardeur de troupeaux, page 103. Je ne sais quoi en penser.

Toujours est-il que cela me plaît. Et voilà pour la critique !

À présent, il est trois heures et quart, et j'ignore si ce que

je viens d'écrire peut s'appeler poème. Cela me semble prose,

fade, et facile. Tout y est liquide et glisse aisément sur la feuille

de papier. Ce n'est certes pas de cette sorte que je parviendrai à

obtenir un résultat heureux dans le domaine poétique.

110


Tu dors

Tu dors dans une forêt de feu. La mer lèche ses lèvres

humides, la mer de topaze scintille au firmament de la nuit.

Lorsque tes yeux s'envolent, les nuages bondissent et construisent

d'étonnantes figures.

Contre ta hanche, la fille supplie. Il y a autour de ta

personne des lances étincelantes, des bijoux de chairs blondes. Il

y a de la fumée aussi qui regagne les nuages.

Tu habites donc cette forêt de feu. Il y a des regards

braqués qui pénètrent ton corps, et leurs aiguilles invisibles te font

abominablement souffrir.

Un seul chemin mène à ta chaumière. Il faut passer par le

toit. Et toujours la même question lancinante frappe ta voûte

étoilée : "Pourquoi ? Pourquoi ?"

Il y a des couteaux. Qui est hache ? Tout prédispose à ton

innocence. Et cette affreuse coupe que l'on te fait boire à petites

gorgées, la refuseras-tu, ô Christ de l'inconnu ?

111


Dans ton lieu interdit, tu décides du poème. Ta méthode

est certaine. Elle permet d'accéder à la meilleure des places. Tu es

en clarté. Oui, produis jusqu'au dernier jour.

112


Toujours cette incapacité

Toujours cette incapacité à obtenir un texte satisfaisant.

Le ridicule a épousé la médiocrité et je danse, je danse ! Je suis

convié au mariage...

Quand comprendrai-je enfin que tout cela n'était que

bêtise et insignifiance ? Mais pourquoi ai-je insisté ? J'espérais

peut-être qu'une illumination allait consteller ma cervelle de

rayons zébrés ?

Il me faut reconnaître cette impuissance à extraire un

morceau conçu pleinement avec finesse et intelligence, avec

touches exquises ou eaux fortes, avec brise aérienne et orages

ténébreux.

C'est vouloir et ne pas pouvoir. C'est tenter d'obtenir et

pourtant constater un détestable échec, un sinistre résultat.

On reprend une autre feuille, on se concentre, on respire

fortement, on appelle à l'aide la sublime inspiration, et on se jette. On

produit les premiers mots, on poursuit alors. Et quels résultats ? Ho !

Profondes détresses ! etc

113


S'il te faut rester

S'il te faut rester, enfuis-toi dans ta chair, au plus profond

de ton néant. Là, est un arbre. Ses fruits abondent. Ils te

nourriront, te permettront de croître.

désaltérer.

Les fruits sont des mets succulents. Apprends à te

Travaille avec les Dieux

Travaille avec les dieux, conçois encore. Toi, tu es

ridicule. Ta masse pensante est insignifiante. Implore, peut-être te

feront-ils l'aumône d'une pitance !

114


Blanche

Tu étais claire !

Belle est la pureté.

Tu t'enfuis, t'élevant au-delà de ton âme

Dans une parabole d'extase

Pour bannir à jamais la sombre réalité

Tu étais claire bien que nul ne comprît

Ton élévation

Dans la nuit même, tu étais le chemin de lumière

Nudité, pureté sans défense

Seins blancs, haleine douce

En paix dans ton monde à présent

Seul Dieu te souffla son amour

Nul homme jamais ne te prit

Sois l'hostie, tu es, sois

Tu étais claire !

115


Conseil à une future sainte

Méfie-toi des loups

Ils apparaissent dans la nuit

Nul pasteur ne te protégera.

Les loups sont sanglants

Il n'y a pas de battues.

L'avenir est un feu qui purifie.

D'un pas allègre,

Va sur la montagne.

Les prophètes annoncent l'avenir.

Déshabille-toi

Mets-toi nue de beauté, de clair idéal

D'innocence de chair

Rends ton sang transparent.

Aime-Le, aime-Les.

Attends. Remonte.

Sois pure et élève-toi.

116


Ainsi tu t'en retournes

Ainsi tu t'en retournes à ta disposition première, et tu

veux produire en usant de l'absurde ! Le non-sens de la jeunesse

t'excite encore ?

Moi, je te propose de délaisser cette source stupide

d'inspiration, et je dois te convaincre d'écrire en te projetant vers

l'avenir. L'avenir ? Qu'en penses-tu ?

De la sorte, tu pourras prétendre t'élever, monter un à un

les barreaux de Jacob.

Fils de rien, ridicule cervelle issue du Néant, tu

sublimeras la gigantesque création de Dieu. Le soleil t'éclairera de

sa lumière, et tu joueras au prophète.

Mais ne mens pas. Que l'immortalité soit inscrite sur ta

page blanche, et ton Seigneur t'aimera.

117


Quelle raison

Quelle raison nous pousse à écrire ? Quel besoin de

l'esprit ? Nous n'avons rien appris, ou si peu. Que savons-nous ?

Quels ignorants ne sommes-nous pas ! Qui ose se comparer à qui

? Dieu regarde les fourmis, et l'une dit : "Je suis plus intelligente

que toi». A rire tout cela, à rire !

Et moi, moi qui suis un Dieu, j'ai produit cent milliards

de galaxies. Et je ne te parle pas de la masse marquante...

Du ridicule et de l'insignifiant.

118


Que me faut-il donc écrire

Que me faut-il donc écrire à présent, puisque tous les

poèmes ont été refusés par maints éditeurs de droite, de gauche,

éditeurs classiques, surréalistes, spatialistes etc. Que faut-il

inventer pour plaire à ces messieurs ?

Ah ! Difficile de satisfaire à leur demande ! Mais quelle

est la demande en vérité ? N'est-il pas plus sage de produire pour

le CD ROM, pour la bibliothèque interactive, pour la mémoire sur

disquette d'ordinateur ? Ne faut-il pas penser autrement l'œuvre, à

concevoir, à élaborer ? L'œuvre ? Dois-je m'en référer aux

structures d'accueil présentes, aux maisons qui impriment et

publient quelques rares feuillets ?

Je poursuis ma tâche et je tente de travailler sérieusement

sans espoir d'éditeur, donc sans possibilité réelle de lecteurs. Mais

à l'œuvre, toutefois !

Être sans être, être sans paraître.

119


Voilà

Voilà une fille belle, fleur ouverte offrant sa large vulve

à la langue rapide de l'amant expérimenté.

Comment pourrais-je me suffire du ridicule de cette

œuvre ? Cela me semble peu, peu hélas !

Se produit toujours

Se produit toujours dans les premiers cris : feu écrasant

le sang. Abomination de la vie. Se répétera encore : tortures et

cruautés mêlées. Nous naissons dans l'horreur et disparaissons

dans la monstruosité de la nuit.

120


Dans l'entonnoir du vertige

Dans l'entonnoir du vertige, nous nous sentons absorbés

par le Néant. Nous sommes éblouis par la beauté des formes

sphériques, fruits explosés dans leur sublime maturité. Jaillissent

des volumes, des rondeurs divines commandées par le génie de la

nature.

Nous engendrerons d'autres prétendants. Nous finirons

pourriture de vers, n'ayant pu nous immortaliser.

121


L'ennemi, nous détruisant

L'ennemi, nous détruisant, amoindrissait nos forces, nos

aptitudes. Il inventait la douleur, lui donnait une couleur, et la

servait de manière constante. Conséquences : pertes de produits,

d'énergies intellectuelles, dont la décision venait de l'autre espace,

là-bas.

Rebelle à la poésie d'autrui, à la démarche relationnelle,

quelle puissance de la providence serait venue me secourir ? Ô

espoirs de jeunesse implorés jusque dans la vieillesse, et jamais

satisfaits !

Tendrement

Tendrement s'étire la fille, quand le soleil la caresse. Ô

matinée d'extase, alanguie et dormeuse, elle gémit. Les rayons

tièdes la lèchent mollement. Le feu s'élève, s'enfuit, loin de la

croisée, la fille se rendort.

122


Qui donc ?

Sommes-nous une volonté de produire, ou sommes-nous

l'instrument d'une puissance supérieure, invisible à l’œil aiguisé

mais pourtant réel, entre le divin et l'inspiration ?

Une nuit, sublime et purifiée, nous accéderons peut-être

à l'étonnante révélation.

Verbe d'orages raisonneurs

Verbe d'orages raisonneurs qui pense en noirceurs

d'idées, qui gronde en soi-même, va-t-il éclater dans ma cervelle

splendide, sera-t-il violence, ou en figures inconnues disparaîtra-til

dans le ciel ouaté ?

123


Qui me comprendrait ?

Qui me comprendrait ? À quelles raisons, chercherait-on

à me comprendre ? Pourquoi ? Je suis seul chez les hommes, et je

suis incompris des esprits. Quel espoir reste-t-il ? Et les Dieux

disent : non, nous refusons cette méthode.

Le sommeil est nécessaire pour laver la mémoire, comme

l'on bat un jeu de cartes pour obtenir une nouvelle donne.

Il a enfin compris que le produit poétique ne pouvait pas

s'obtenir dans l'oisiveté et dans la nonchalance, mais qu'il fallait

travailler à temps plein et extraire le suc que sa cervelle voulait

bien lui accorder.

Nous nous sommes alanguis longuement sur le chemin.

Une femme claire et blême indiquait la voie qui ne menait nulle

part. Il fallait puiser au fond de soi-même, dissiper les brumes

épaisses, éloigner les brouillards aveuglants. La pensée entière se

faisait sexuelle, et le poète aurait suivi des sorcières.

Seule, la science peut instruire l'homme. La poésie le

nourrit de chimères et de mensonges, de faiblesses certaines. Au

déchirement final, qui de l'homme de science ou du poète

détiendra la vérité ?

124


hélas !

Lumière d'ombre, éclats stupides de vérités mensongères,

Il n'y a pas de liberté. Le poète est l'esclave de l'ombre

invisible qui frappe et fait hurler de douleurs. La souffrance

génère de la production, elle est le thème majeur de l'œuvre à

extraire.

Pourquoi croire en l'éternelle justice ? Qui voudra

indemniser ? Acceptera-t-Il de rendre ? Prendra-t-Il en

considération la montagne de poèmes perdus ? On espère, on

attend bêtement.

Plus il sait, plus il comprend la médiocrité de la

discipline poétique, son ridicule, son inutilité. Plus il sait, plus il

comprend la science, sa beauté, son idéale de perfection, sa

certitude !

Le désir de travail parvient-il toutefois à relever le défi

de la décadence ? Il se dédaigne, se méprise, mais a-t-il

réellement tort ?

125


Ô la verte pensée

Ô la verte pensée dans une cervelle qui n'a pas encore

donné. Quel mélange crasseux ! Quels sangs impurs à laver !

Quand donc, nourri de pureté céleste, parviendrai-je dans

la transparente couleur, à m'élever et à trouver des sources qui

bondissent là et là-bas, en moi ?

On se console toutefois lorsqu'on ne parvient pas à

atteindre un impossible terrestre, chair féminine envolée dans un

tourbillon d'images.

Certains nous laissent des œuvres pourries, d'autres des

textes de durée immortelle. Difficile en Alpha de prétendre savoir

ce qui est, ce qui sera et même ce qui était.

Et là-haut, en Oméga ?

126


Deux corps encastrés

Deux corps encastrés

Construits l'un dans l'autre

Comme deux immeubles

Deux corps encastrés

De pierres élaborés

Sur la place du lit

Deux corps encastrés

Sont parfois mouvances, sables

Enfouis, recouverts

L'un par l'autre

Deux corps encastrés

Sont parfois architectures,

Musées, silences, éternels

Sur la place du lit

Deux corps encastrés

Sont poussières qui tombent

Dans le vide du temps

127


À peine sortie de l'aurore

À peine sortie de l'aurore, nouvellement purifiée, nue,

elle s'élève dans les airs cristallins. Sur ses seins, brillent des

diamants de rêves, des parures serties d'opale. Sa texture de chair

claire, douce comme la rosée est un délice à regarder, est un

plaisir à lécher tendrement. Autour de sa beauté impossible, un

albâtre offre ses larges ailes comme deux étendards protecteurs.

Ses deux pieds baignent dans une eau plate, et lentement sont

caressés par l'impossible mouvement. Elle vient de l'interdit, de

l'impossible à concevoir. Elle se nourrit d'extase et d'encens.

J'ignore sa silhouette, je la suppose tout au plus. Elle est toutefois

mon idéale de compagne qui dort à mes côtés.

Tourbillons

Dans l'aurore constellée, s'évadent et s'envolent des

oiseaux qui saignent. Une fille inconnue apparaît éclatante d'idéal

de chair, soleil flamboyant dans les rousseurs du printemps. Sa

silhouette s'impose et veut participer au poème, veut

m'accompagner dans mon délire. Elle offre une bouche sensuelle

et tente de prononcer les premiers mots. Elle crie dans le silence

128


de ma recherche. Elle vient, s'approche, et je crois entendre

s'élever des sonorités insensées, inconnues jusqu'alors.

Sa bouche ovale est une source d'où jaillissent des

syllabes audacieuses, des propositions de bruits nouveaux. Je

désire saisir, capter,... comprendre. Alors elle se volatilise.

Curieux, Non ?

Ô fille entrevue dans la folie de mon furtif, que ne vienstu

vivre dans mon ombre, dans ma nuit rebelle et créatrice !

Certaines nuits

Certaines nuits, je suis assailli de présences curieuses. Ce

sont des sortes de morts descendus de je ne sais quelles

cheminées invisibles du plafond. Je subis alors des haleines

glacées qui m'entourent et me ceignent d'un fluide imperceptible.

Ils perturbent, ils détruisent, ils agressent ma cervelle et

m'interdisent de produire sérieusement. Mais comment les chasser ?

Avec quels pouvoirs, avec quelle force psychique leur imposer de fuir

et de disparaître à tout jamais ?

129


On a beau

On a beau leur expliquer leur ridicule, leur incapacité à

assimiler, à comprendre ; on a beau tenter de les élever, de les

instruire... pour qui, pour quoi ? Alors c'est la même médiocrité,

la même honte... Une effrayante décadence, une chute dans le trou

des enfers...

On leur dit : cessez de vous y prendre de cette sorte,

changez de méthode. Vous voyez bien que cela ne mène à rien...

ils insistent toutefois.

Mais comment les aider ? Comment convaincre un

troupeau de moutons de ne pas tomber dans le précipice ? Ils y

vont gaiement certains du chemin à emprunter...

130


Perçus dans l'esprit

Perçus dans l'esprit

Des sons curieux, incompatibles,

Bruits plutôt que phrasés, parlés

Et assourdissant la pensée,

Échos perturbateurs et monotones

Que la conscience offre puis cache,

Et enfin détruit, efface.

Sans s'associer, ils se répondent.

Les uns accrochés mollement aux autres,

Ils sont syllabes cacophoniques,

Expressions indistinctes.

Là, au fond de la cervelle

Les sons résonnent

Et veulent voir le jour,

Puis hésitent, se refusent pour disparaître.

Le poète chemine, attrape et tente

De saisir l'instant.

131


À peine se sont-ils offerts

Subrepticement, qu'il marche

Dans son âme, précipice, miroirs

Et sources renouvelés de mots inconnus.

132


Je fuis

Je fuis ce moi-même,

Je m'envole loin de cette phrase décadente,

Concept et proposition d'autrefois.

Les mots s'assemblent mal,

S'intègrent mal les uns dans les autres.

Et le réservoir de sonorités, de syllabes

Où je plonge mon esprit

Est lavé de coups douteux,

De solutions discutables.

Je voudrais creuser

Aller au plus profond de la terre, de ce moi

Aux racines des synapses

Dans l'inconnu du langage.

Devant mon frontispice, il y a les volets

De la conscience, toujours en éveil

Constamment en attente,

Possédant une patience de prisonnier.

Il y a l'intérieur,

133


La pensée associée à la vitesse.

Qu'espèrent-elles ? Que peuvent-elles ?

Le langage désire,

Le langage parie et refuse.

Je rentre encore en moi-même,

J'apparais là tout au fond.

Je suis spectre, hallucinations,

Gaze inconnue et

Volonté délétère.

Là encore est le vide

Avec ces doutes, son écriture fantoche,

Ses incertitudes,

Ses images ridicules et détestables,

Ses risques.

Je nage dans les images

Et l'oeil retourné veut puiser dans la mémoire,

Puis des cloches, des sons,

Cela semble une rumeur et des crissements,

Cela semble vouloir parler,

Est-ce prodige ? Est-ce gain ?

134


Oui, je suis dedans, je vis à l'intérieur

Est-ce l'œil de la conscience ?

Puis le silence, le vrai silence

Silen

rien.

135


Le lac de mots

Ma mémoire ? Une réserve,

Un réservoir sans fond, ni dimension

Aux contours indéterminés, vagues et abstraits.

L'œil est à l'intérieur, il observe,

Tente de comprendre cette masse lourde et épaisse

Où nagent parfois des résidus de mots.

J'apprends à me débattre, je devrais faire Christ

Et marcher sur moi-même.

Donc je dois aller du point A au point B

Sur ce lac stupide de mots

Sans couler, sans me noyer.

J'observe ces syllabes confuses qui grouillent

Comme des vers sur une plaie sanglante.

Ce lac est ébullitions épais et flasque.

Des sons comme des bulles d'ombres ou ocres

Sautent ici et bas, et se gonflent pour éclater.

Je vais puiser dans cet amas indescriptible

Pour en extraire des signes.

136


Je vais m'en gargariser.

Non, l'eau de ce lac ne se boit pas.

Alors qu'en faire de tous ces mots ?

Les quérir avec une épuisette

Et les assembler pour obtenir un poème ?

137


Le bruit

Le bruit de cette rue

Résonne

puis le bruit

Le bruit encore

Je marche dans mon crâne

Je ne connais

Que l'opacité de ma raison

Nulle aurore

Nulle aurore,

Toujours dans la nuit roide

Je retire les bandages de mes yeux

Je vois les spectres de la mort

Danser leur ronde infernale

138


Ni feu ni braise

Ni feu ni braise sanglante

non, mais

Un esprit lavé comme soie

Qui se volatilise

dans l'éclair de la nuit.

Un cristal de femme

Crisse ou se déchire

Sur des objets nuptiaux

La belle répand

Dans les yeux de ses hommes

Des fluides enivrants

Ils hurlent puis s'enfuient

Vers l'aurore salvatrice

Ils crient de plaisir

Pour mourir à tout jamais

139


Terre labourée

Terre labourée,

Le printemps s'enfonça en elle

Herses dans la chair

Et tourne et retourne

Comment

Comment produire

comment extraire

Poussé par le temps,

par les autres

À la recherche de cette stabilité interne

140


Femme bleue

Femme bleue dans les airs

Seule, idéalisée, impossible

battements.

La pensée cherche

Le cœur espère

Brûlante d'immobilité

D'extase bouillonnante tourbillonnante

Elle s'élève sans pleurer

Parmi les hautes fleurs de fille.

Elle est

Éclatante dans la lumière du jour

Vaste espace que sillonnent des mots clairs

Elle s'épanouit devant mes yeux,

Bondit sublime d'irréel

Je conçois mon éternelle,

La vois très nettement

J'évolue dans mon imaginaire.

141


Pas une ombre à qui parler

Pas une ombre à qui parler

Pour me comprendre

Je suis seul

Qui pourrait communiquer ?

Alors j'écris, j'accumule.

La page blanche est ma compagne

Toujours offerte mais silencieuse,

Je la caresse, elle aime.

142


Ma chair nue

Ma chair nue t'observe

Te lit, te pense

D'idées sublimes, de désirs

La chambre d'orgasmes

est offerte constamment

Tes formes idéalisées,

Recréées,

Ton visage maquillé

de mensonges, d'espoirs

Tes habits noirs,

Ton costume de fille,

De femme

Dans le tourbillon du lit

La lumière qui cache,

Qui montre, qui suggère

La spirale des folies.

Ma raison contre ton sexe

143


Éclate et oublie

Étoilée sous ta chaleur,

Sous des extases mouillées, enivrantes

Ma raison se répand

Dans ton corps, elle s'enlace,

Se glisse en toi

Le temps explose, file

Et disparaît, miroirs des horloges affolés

Festin de chairs, tu pénètres mes interdits

J'aime ta fièvre,

Je plonge dans ton obscur

Je lèche ton ombre

Parmi les caresses, bleu est ton corps

Tu bondis désirant l'impossible

Constellant ta pensée d'interrogations,

D'audaces et de vices,

De risques et de hontes.

Ta lèvre se tord, supplie

144


Tu couvres mon front de salive chaude

Ton corps prie mon ombre de chair

En saccades, tu balances

Tes contorsions de femme me regardent,

M'implorent d'aller au précipice des orgasmes,

Ta silhouette est souveraine

Tu exploses et deviens cendres

Langue amoureuse qui lèche

Ta chair insoucieuse

Chevelure qui ondoie, qui se plie

Tes seins blonds sont des écumes de rêves

Ô grandes heures d'effluves,

De chaleurs orageuses

Vin tiède répandu sur la peau

Ivresse de grappes belles

Ô soleil qui bois à mes rayons vermeils.

145


Espace

Espace

Espace mien

Qui voltige, tourbillonne

Se pense, s'engendre et jamais ne cesse

Au plus profond de ma chair,

Est-ce un monde

Qui conçoit, qui écrit ?

Qu'est-ce ?

J'ai enterré le soleil

J'ai enterré le soleil

La ville plane sur son halo de lumières.

146


Poésie vaine

Dans l'espace insignifiant

Ma poésie est vaine

Ma gloire est sans avenir

Le temps s'effeuille d'heure en heure

de jour en jour.

Les mots s'envolent et fuient

Échos sans certitude

Se dissipent et disparaissent

Vibrations occultes dans l'indifférence

Tout glisse et s'écoule

pour finir et mourir

Tel est mon avenir,

Tel est notre avenir

Et je le partage avec tant d'hommes.

147


L'ennemie

Le présent est mon ennemi

Je suis RIEN

Et ce que j'ai n'est pas ce que je vaux,

Comme faire ?

Comment se déterminer avec un MOI

Non représentatif de sa véritable valeur ?

Comment être avec ce peu,

avec cela ?

AUTRUI ne peut comprendre

autrui me juge avec ce que je lui

propose, et ce résultat n'est pas le mien.

Comment être sans être ?

Comment se reconnaître avec ce qui l'on n'est pas ?

Comment assurer autrui que ce moi est Faux ?

Il n'en a que faire...

148


Je lis

Je lis, du moins j'essaie

Coule ta lumière dans mon oeil torve

Les couleurs, les constructions délétères

s'animent tout à coup

Elles s'enflent, gonflent, s'élèvent

pour retomber à l'état de mots,

de caractères qui servent

à transmettre l'écrit

Je lis encore,

Défile le mouvement

Le langage s'éclaire, battements de vie

dans mon âme sinistre

Un monde apparaît pour devenir visible

Apprends à imaginer, à concevoir,

Maîtrise l'instantané

Les mots fondent puis se liquéfient

Ils tourbillonnent, se volatilisent

Il faut s'en retourner

149


à l'état premier

Privés de raison

De sens, de logique

la pensée disparaît

L'écriture est supportée par le poème de l'autre

C'est donc autrui qui décide

et conduit l'action

Le néant de moi-même

les instruments des poètes

Je suis par vous

que suis-je sans vous ?

Je prends, j'exploite, je tire

Je suppose un dessein que j'efface

Que peut l'esprit, mon esprit ?

Est-ce mémoire ? Est-ce réservoir de sons ?

J'offre une bouche ovale

pour en extirper du bruit contrôlé

150


nuit avec écho,

nuit perturbée et immense d'attente

d'approches et d'espoirs

L'écrit du poète pose l'interrogation

de son utilité

La trace du signe indique le chemin

à emprunter tout de même

Encore espace à deux dimensions

plan et jeu de la forme

Sont-ce des feux lumineux,

des astres fluorescents

des pensées, des graines d'esprit ?

Il faut se nier jusqu'à la mort

disparaître enfin

sur cette immobilité de syllabes

qui jamais ne sera lue.

151


La jeune fille

La jeune fille sublime et inconnue traverse la raison, se

perd dans mon esprit, et confuse, alerte ou libertine cherche un

endroit pour se cacher.

Pourquoi désire-t-elle couvrir sa nudité quand nul, à

l'exception de mon œil interne, ne peut l'observer. Subrepticement

elle s'empare de mon silence, et tente de s'en vêtir comme d'un

pagne.

Je la vois, je ris de sa gène et je lui offre quelques légers

brouillards confus de la raison dont elle s'habille rapidement. La

voilà qui sourit, qui s'esclaffe et offre un premier chant à mes

oreilles caressées.

Elle évolue dans une attitude d'un pas de deux, sensible

et légère. Mais il est des actions, des gestes et des comportements

que je ne puis comprendre. L'ensemble parfois me semble

incohérent, saugrenu et irresponsable. Je m'en amuse pourtant...

Elle circule à présent dans les méandres de l'interdit, se

glisse, semble fuir et disparaître pour revenir nourrie de fantasmes

152


nouveaux, de possibilités audacieuses... Voilà donc sa culture !

Voilà ce qu'elle reçoit et ingurgite sur le chemin du risque...

Mais oui ! Tout à coup, je comprends : elle quitte mon

âme, jaillit par mes yeux, bondit sur le sol et se dimensionne,

comme par un effet magique, en quelques instants, à l'échelle de

la femme - là devant mon regard ! Sa nature humaine m'étonne,

mais je m'engaillardis, la saisis par la hanche et la fait

tourbillonner sur elle-même afin que le personnage puisse renaître

et se comporter comme ma raison l'avait imaginée.

Jour perdu

Jour perdu, jour interdit, je déteste le temps qui est mon

ennemi. Toi, le temps est ton fils. Tu le maîtrises, tu le domines.

De la parcelle infime à l'éternelle constance, tu possèdes tous les

instants, toutes les fractions.

153


Accolés l'un à l'autre

Accolés l'un à l'autre, encastrés dans la chair, nos deux

corps sont un, mais nos âmes sont séparées.

Nous nous plaisons à jouir bêtement, à souffrir, à palper,

à lécher. Je suis assaut, je fonds sur toi. Je ne puis saisir l'instant,

le faire durer en dépit de ce désir.

Éclatons comme du verre brisé et regagnons nos

sommeils légitimes, toi dans ta satisfaction, moi dans ma terrible

quête d'idéal poétique.

Sur ma main brûlante

Sur ma main brûlante sur ma chair j'ai cru hurler,

espérant tourbillonner dans des folies nuptiales. Suant toute la

nuit, j'insistais encore.

Résidus ordinaires d'orgasmes oubliés, vous êtes instants

à retenir, fuites dans le temps et l'espace à enfermer comme des

alcools délétères.

154


Le dégoût

Il s'était considéré inapte et incapable, à la limite du déchet

et de la médiocrité.

Mais quand on lui précisait : "Observez, enfin vous êtes !",

il répondait avec dédain : "Je suis qui ? Je ne suis que cela ?" Il

attendait encore et espérait se mieux considérer. Cela était en vain,

car il avait atteint un certain sommet, une certaine crête.

155


Dans la pensée obscure

Dans la pensée obscure de ma raison défaite, il m'oublie, il

se cache comme un serpent de verre qui apparaît, qui disparaît.

Enfoui en moi - je connais pourtant son nom - il est là

timoré, fourbe, vicieux et parfois sexuel - il attend pour sortir que la

nuit commence (il faut déterminer par quels moyens l'inspiration

poétique, sa sœur, conception absurde etc. se manifeste.)

Eh oui, enfoui en moi, soupirant, noir comme le charbon

dans ma cervelle stupide, la tête toute fécondée d'espoirs nouveaux,

j'attends, l'éveil du souffle de vie...

Qui est-il ? Où est-il ? Pourtant je sais qu'il se terre.

J'entends même les premiers suintements de syllabes prononcées.

(Quand tu es absent, je me crois libre. Le suis-je réellement ?)

J'attends comme l'enfant. Je m'angoisse de cet instant. Je

déteste ce moment construit sur l'éphémère et sur l'insignifiant.

Puis sonal, sonnerie en quelque lieu de délice, du coeur de

ma cité (- vérité d'image comprise ou refusée par le lecteur ?)

156


L'obsession Baudelairienne travaille les âmes poétiques ... Tu vois,

je ne dormais pas, j'espérais, j'attendais seulement.

Je prends donc ce support de poésie en forme de rose de

Pasolini, pour tenter de produire, mais que puis-je ?

Agacé, dans la pensée sombre, j'emprunte quelques mots,

quelques idées. Je ne les couche pas en italique. Puis comme une

muse qui s'épanouit : "Est-il satisfait de ce que tu obtiens ?

Poursuis... continue ..."

Concept ridicule par le travail d'autrui

Médiocre moi-même qui cherche toutefois

Concept rêvé par la pure intelligence

Que je ne possède pas, que jamais

Je ne posséderai.

Forêts de lettres, masses touffues d'images,

Comme je cherche pour ne rien découvrir !

Je n'ai que cela ? Hélas ! Hélas ! Toutes ces pertes que je

subis comme je voudrais les récupérer et travailler sérieusement.

Être comblé de bons résultats, et non pas de cette abjecte stupidité !

157


Quelle idée de suffisance ! En qui puis-je espérer ?

Mes recherches poétiques ? À quelles raisons ? Vers quel

avenir ? C'est encore un prétexte de faiblesse, de ridicule et

d'insignifiance.

Peu et très mal, - très faible. Rien, rien et rien.

158


Maintenant

Maintenant que la violence impose sa destruction, te laisse

des résidus d'œuvre, que vas-tu exploiter ?

Maintenant que les apparences de résultats trompent l'œil

du critique et du lecteur, ce qui te reste est donc ce que tu es ?

L'aumône

Il se considère volé, ridicule, stupide, dans la médiocrité de

sa discipline. Il espère un geste de compréhension de l'au-delà, une

aumône divine.

Voudront-ils le combler d'abondance noble et sublime ?

159


Conscience

Mon bureau est un désert de savoir. Nulle compétence.

Tout à la médiocrité. Quand m'apprendras-tu ?

Je suis Rien. Le néant est mon espace. J'y agonise pour

disparaître à tout jamais.

L'insignifiance de l'homme, la petitesse de sa cervelle. Il lui

reste le rire. C'est un don de Dieu que le rire.

L'ennemi

L'ennemi me détruisant, inflige constamment un supplice

dont il est le bourreau et le vicieux tortionnaire, éternel boucher des

sains glorifiés. Cruautés physiques et morales proviennent de la

force mauvaise qui étend son atroce pouvoir sur l'innocence belle.

160


Douleurs

Entends la souffrance exhalée

C'est un cri sanctifié

Le sang hurle sur la face du Christ

Sur les braises acides

Les clous sont enfoncés dans la chair

Les épines labourent et tailladent

Le pauvre corps

L'espace se tait

Les dieux sont silencieux

Les étoiles constatent mais

ne savent que répondre.

Il supplie encore

Le poitrail et le ventre arrachés

Labourés de coups de fouet

Son ombre est un espoir

Dans le soleil sanglant

161


Écrire

Il y a l'espoir d'écrire

D'obtenir un produit nouveau, pur

différent

autrement

Il frappe la cervelle

tambourine à la porte de l'oeil

et veut sortir

Il ouvre

passion du poème

soleil interne

Le poète écoute, laisse faire

mais s'épuise, veut en cesser,

veut dormir.

Entre la poussée et la retenue

l'esprit balance, doute

Il y a recherche de vertige, de délire,

de folies

162


puis le silence, la perte, le ridicule,

le refus

mauvais sperme éjaculé après le coït.

163


Inspiration

Environné de vide

Tremblement immense de ma certitude

Grands souffles impalpables

J'espère obtenir le poème

Je pense

cela semble se construire

Les choses de syllabes viennent s'offrir

J'avance doucement

dans cette spéculation de l'esprit

J'avance pieds illuminés de phosphore

ou de néant.

Je poursuis ce murmure qui m'indigne

la marche de la logique

de la folie.

J'enroule un tourbillon d'images

à présent je propose quelques signes

à ma critique boudeuse.

Ce ne sont qu'éléments fantasques

164


sur le chemin de mes pensées

Sont-ce les miennes, d'abord, ces pensées ?

J'exploite autrui,

il y a emploi, réminiscences, emprunts

condensation, symbolique...

Je travaille avec qui ?

Avec des hommes ? Avec des Dieux ?

Je voudrais concevoir avec les Lumières...

165


La dominante

La Poésie devint alors dominante. Elle s'imposa. La

puissance du poète commença à produire.

Le névrosé essayait de proposer un concept à travers sa

folie contrôlée. La Mort lui glissait à l'oreille : "Oui, tu es dans le

Futur. Décide de l'attaque pour gagner le Présent. Que t'importe la

méthode ! Le but est de vaincre. Tu sais ce que tu vaux. Fais

exploser la vérité."

tels propos ?

Je refusais d'entendre. Quel sens pouvais-je donner à de

166


Pourquoi travailler si faiblement ?

Pourquoi travailler si faiblement ? Les moyens mis à mon

service sont stupides et détestables. Voilà ce que je puis. N'est-ce

point ridicule ? Je cherche encore, tu vois, mais je ne trouve pas.

Qui appelle ? C'est encore moi qui supplie ou quémande.

Quel trésor ? Quel gaspillage ? Rien, te dis-je, mon travail est néant.

167


Je cours

Je cours d'une pensée à l'autre

(reliée par quel lieu visible ou invisible ?)

Une trouvaille, une solution explosée, explosant, proposée

à la raison dominante qui dit "Oui", qui dit "Peut-être", et qui

accepte enfin avec sa moue particulière.

Alors j'ouvre la bouche et je pousse sur de l'air qui au

contact de mes cordes vocales et de la glotte favorisent la

prononciation d'un sens. Voilà j'ai dit, j'ai parlé, et j'assume ma

phrase, ma remarque si stupide soit-elle.

Il rêve de folies perverses, de solutions insoupçonnées,

d'évolutions certaines, de décadences détestables. Il avance perdu

dans son dictionnaire des mots, accolant l'autorisé à l'interdit,

l'extravagant à l'insignifiant.

168


Je ne suis pas ce qu'Il voulait

Je ne suis pas ce qu'Il voulait,

ce qu'Il aurait voulu,

ce qu'Il avait pensé.

Aussi Il m'a fait maudire, détester, haïr, rater

Il me fallait faire poète avec emphase,

conviction, sensibilité et copinage

Il me fallait rencontrer, croiser, voir, discuter etc.

et tenter de convaincre...

Je suis peu, je suis ce que je puis avec insuffisances, mes

faiblesses, mes pertes, mes volontés de pouvoir, mes impuissances

d'homme.

Je hurle avec ma voix, mais qui m'écoute ?

169


Est-il des messages

Est-il des messages,

des communications, des signes émis ?

Oui, dans l'espace. Un mélange cosmique

De renvois, de réponses, d'appels, de supplications.

Pensées, planètes, atomes, la matière, tout

S'échange, se chevauche, se combine.

L'univers parle. Nous lui répondons.

Étoiles, lumières, pulsions électriques,

Nous sommes un signifié, un signifiant,

Seuil et uni à tous, à tout

Présents dans le vide, dans le plein.

Seule la voix de Dieu importe

Le reste est méprisable, inutile.

170


Je cherchais

Je cherchais constamment excitant la raison, implorant

l'esprit de pouvoir mieux. J'allais en moi-même supplier une

aumône d'inspiration qui refusait de jaillir pour éclabousser la page

claire de solutions rares et d'impossibles coups.

Mon lit solitaire

Mon lit solitaire est un lieu de débauches où le fantasme se

nourrit de l'image. Nulle femme ne vient y poser sa tête.

Je suis resté pour conserver le présent qui lentement

s'écoulait. Je l'observais seconde après seconde.

Sa main

Sa main brûlait d'espoir, espoir rapidement déçu. Il dut se

résigner à se suffire de son jeu. Pourtant l'obstination le fortifiait

comme un front de diamants.

171


Ma jeunesse

Ma jeunesse ne fut qu'une médiocrité de comportements,

qu'une incapacité à élever une âme secondaire. J'ai commis la bêtise

de m'essayer à une discipline inutile, ridicule et sans fond. Que

d'années perdues pour de si piètres résultats ! Il eut été plus

raisonnable de travailler assidûment la saine mathématique et de

délaisser tout cet assemblage de chimères et de songe-creux.

En nous est la misère

En nous est la misère, la pauvreté, la crasse et la bêtise.

Tout le travail consiste à se purifier, à s'élever pour atteindre

l'excellence.

Maison mentale. Nettoyer, balayer et beaucoup de Javel.

L'Oint reçoit le souffle de Dieu en lui.

172


Nuit, souffrance d’Oint

Nuit, souffrance d’Oint.

Et les murs de la chambre mémorisent les cris et les

déchirements que le poète ne peut écrire.

Le toit veut couvrir les hurlements qui tentent d'atteindre la

puissance des cieux.

Tout est présence d'ombres : le poète est maudit.

L'extérieur est détestable, seul l'oeil interne permet d'y voir clair,

avec un peu plus de lucidité.

Plonge au plus profond, saisis l'instant, la lumière dans ce

qui semble caché.

173


Qui l'entendit ?

Qui l'entendit hurler au ciel ?

Nul ne voulut crier à l'injustice, se détacher

De l'insoutenable et le porter dans un blanc linceul.

Ils attendent. Quoi ? Que les affres de l'horreur

Accomplissent leur ignoble besogne de douleur

Et de cruauté.

174


Énigme soufflée

Le vent lèche vicieux les chairs des femmes

Avec raison,

Je dors moi dans un ouragan de colère,

D'injustice,

Je tremble de haine, de passion,

D'horreur.

Son souffle s'unit au mien,

Nous nous fortifions dans le délire.

La fin du péché est espérée.

Est-ce raisonnable ?

Est-ce certitude ?

L'air claque dans ma chambre

Et ne sais que répondre.

175


La soie en écrin

La soie en écrin s'amoncelle,

Souffle tourbillonnant éclairé ;

Les légèretés fugaces imperceptibles

Fuient là-bas.

Les lignes de sperme iront féconder

Des chairs d'extase.

Des blancs, d'autres transparences,

De nouvelles puretés, par l'analogie,

L'image se déplace.

C'est simple comme une mémoire

De phrase musicale. Etc.

176


Endormi en chair de femme

Endormi en chair de femme

Mordu par la bouche blanche

Épanoui en soleil de blondeur

Douce exaltation du plaisir

Dans ton bel espoir de jouissance

Je me languis et je me perds

Nous éclatons en orgasme

Nuée de corps voltigeant

Ta folie n'a rien de sûr

O pluies d'images et de sueur

Qu'un lit pour nous cacher

Qu'une barque qui tangue

Comme des zones actives

Dedans et au-dessus

Baignés dans les brumes du vent

En jaillissement d'incendies

C'était en chair heureuse

Élevée en plainte délicieuse

177


Je frottai et travaillai

Contre les rondeurs des hanches

Fleurs et parfums aimés.

178


Blues (1)

Valérie, Valérie,

Me tiendrais-tu compagnie

Quand j's'rai un vieux poète oublié de tous,

Aigri et détesté

Quand j'n'aurai plus l'espoir d'être un jour édité

Fini, achevé, oublié,

Comme un poème à la mémoire fanée ?

(1) Great thank to Patrick Verbeke

179


Démonia

I

Elle plisse les yeux. Elle est claire, naïveté, nudité, supplice

de désir, dans l'attente.

Sa chair implore l'orgasme. Elle voudrait que toutes mes

fibres lui offrent la folie d'exploser.

Elle demande le fouet, la douleur rectale, dorsale, elle

pince ses lèvres, se fait chienne, lèche les pieds, l'anus, le sexe. Elle

crie, rampe, veut séduire, elle désire être frappée, humiliée, mais

que puis-je ? Je la domine, je la prends, je cherche le point

maximum, je l'écoute attentif. Je suis seul. On devrait être cinq à la

foutre.

Que peut l'orgasme ? Que peut le sexe ? Jusqu'où fait-il

aller ? N'est-ce pas plutôt dans l'éclatement interne, de la cervelle

éblouie ?

180


II

Dans l'espace hurle la femme, de jouissance, de souffrance,

de supplication, folie de chair que je ne puis dominer, bouche

baveuse implorant et quémandant des sexes à engouffrer, zone

rectales offertes au plug, à la prothèse, au manche de fouet.

III

Encore au pied, à la soumission, à la chair battue, humiliée,

aimée, chauffée par les lanières, pour le plaisir.

181


Il y a la chair fébrile

Il y a la chair fébrile

quémandant l'orgasme

Qui offre sa poitrine

La chevelure est claire

c'est bien

Tu es vêtue de nudité

Soleil dont je me délecte

le temps s'oublie.

Sur un océan de draps

comme vagues bleutées

tu es sirène d'ange

entre houle, flux et reflux

souplesse et résistance

tu balances le mat de chair

pour le délire et le vertige.

182


Plus fluide qu'extase

Plus fluide qu'extase

ma pensée glisse, fuit, réapparaît

en moi-même,

et veut se fixer entre les yeux

au centre de la raison

pouvoir de la conscience,

prétend-elle.

183


Obéissance

Excite-moi, trouve, permets-moi d'accéder à un effort

nouveau non pas dans le répétitif d'hier, mais dans l'originalité, dans

l'invention de la Muse imaginative !

Alors je cours à droite, je vole à gauche plus zélé qu'un

merle à la recherche de quelque nourriture pour sa petite famille,

bondissant comme de la prêtraille prête à obéir par l'amour du

Christ à la hiérarchie ecclésiastique... Je bondis ! C'est cela ! Je

bondis !

184


Glorifié sur son séant

Glorifié sur son séant, le jour s'impose

Statue blanche élevée,

Dominant et royal

Il y a certitude de grandeur, d'élévation,

d'exaltation,

Cette vérité est belle

Comme fille épanouie

Là-bas la mer lèche, et va à l'assaut

de la côte comme femme qui embrasse

le pubis d'une autre femme,

doucement, régulièrement

en salive d'écume

Puis se fait araignée blanche

Le soleil chaud et lourd

Exalte sa couronne d'or

Et se répand au-dessus de la mer.

185


Durée

Le présent est éternel

Constante est ma douleur

Elle est là depuis l'origine de mon écriture

Le Souffle vient à passer,

Elle dure encore

La souffrance est sans âge

Dans la Lumière, ai-je quelque espoir ?

Cris et plaintes se superposent

dans la nuit du jour

dans le jour de minuit

Éclate la prière

Qui entend ?

le présent est éternel

Constante est ma douleur.

186


Tout en soi-même

Tout en soi-même, il a cherché

Souhaitant extraire,

Ou pénétrer au plus profond,

Désirant se délecter

De sa propre substance

Il pensait s'endormir

Dans l'ombre immense de sa chair

Reposer dans un lieu de bien-être et de quiétude

Le temps disparaissait

Inutile d'angoisse et de crainte

Son être s'épuisait

En secondes lourdes de jouissance

Son être était apaisé

L'âme était dans le corps

Le corps était dans l'âme

L'esprit voulait-il revivre ?

187


La raison se dresser, penser

Et encore exploser

Beauté transparente d'idéale ?

Dans l'inconnu où naît l'impalpable

Où commence l'insignifiant,

Le grain de sens s'écoulait

Pour aller se baigner dans sa source claire.

188


Les yeux hurlent

Les yeux hurlent, les mains arrachent

des lambeaux d'espoirs quémandés en prières

Il suffirait de peu

pour qu'un miracle libère

le torturé, le persécuté

L'ombre entoure de son lierre invisible

le saint en attente

sa vacillante carcasse

hurle sous la douleur de Satan

Ô double foyer de lumière,

entendras-tu ?

En bas là parmi le troupeau de bipèdes

Il y a saignement...

Chez les hommes, nul vulgaire ne croit

Comment voir, toucher des formes délétères

Épées enfoncées dans la chair ?

189


Douleurs

Je ne le pourrai pas ! Quel sens alors donnerai-je à cette

œuvre faussée, transpercée d'aiguilles, battues et fouettée par la

mort, qui chaque jour renaît de sa douleur, et transpirent les affres

du condamné ?

Ainsi, à chaque seconde, comme saignements blancs et

invisibles, de mes plaies de sanctifié abonde la pureté de l'innocent.

La haine vient et nous luttons, moi Christ inconnu, elle

brigand ou voleur de part et d'autre de ma chair. Elle s'agrippe,

s'incruste et m'agresse.

C'est le sang noirâtre dans l'extase du béatifié. Encore.

C'est le hurlement du torturé dans la lumière divine.

L'avenir grec et romain

S'épanouit pourtant

Le bassin méditerranéen

Me nourrit de culture - je poursuis -

190


Mots

Mots, impossibilités d'associations, de combinaisons

défuntes, tirés de la cervelle féconde, tentatives difficiles du

langage, entre les bons coups et les risques insolites, solutions

accumulées sur la page stérile, qui veulent s'enchaîner les uns aux

autres.

On cherche, on s'épuise, on croit découvrir et cela semble

peu, cela semble ridicule. Mais comment penser autrement ?

Trouver d'autres exigences.

Insistance de cette raison où éclatent des offres poétiques.

Cervelle nourrie de laitance d'autrui après avoir malaxé ce vrac de

syllabes.

Puis cette armée de substantifs, pronoms, verbes dans ordre

et désordre, petits soldats obéissants ou cavaliers solitaires.

191


Mots extraits

Mots extraits, tirés de quelque néant, là tout proche, qui

semble éloigné pourtant. Combinaisons audacieuses ou insolites qui

se croisent ou s'encastrent en une phrase parfois. Les solutions

s'enchaînent, semblent former une ronde organisée par la main du

poète. Ainsi se conçoit l'acte sublimé dans sa petitesse, dans sa

grandeur aussi.

C'est geste solitaire d'une plume habile qui prétend animer

un dialogue interne.

Tu organises un songe et tu veux y régner.

Accède à l'impossible.

Nourris-toi de la chair sublime du poème.

192


Les civilisations

Les civilisations sont des germes. L'Histoire se meurt, tout

est ridicule, excepté Dieu. Le Temps lui appartient. L'avenir est làbas.

La science est la belle certitude vraie, instrument de

propreté, de vérité. Le reste est chimères, niaiseries de poète. Qui est

athée est fou.

Ceux qui croient en une option d'avenir comme couronne

de triomphe sont les grands gagnants. Ils ne connaîtront nulle

surprise au jour de la mort.

193


Le jour répand

Le jour répand sa chair transparente. Je me baigne dans la

lumière légère. J'aspire, je souffle, rythmes lents, rythmes courts. Je

suis un battement qui vit.

J'occupe l'espace à présent. Je voltige sur mon corps et je

prétends atteindre le soleil. Sa lumière me brûle l'épiderme.

Splendeur d'une envolée, j'atteins l'orgasme. Observe-moi monter.

Dis-moi qui je suis à présent.

194


Espoir que je détruis

Espoir que je détruis

Le Néant m'aspire

Où la fille s'ouvre

Je suis, ne suis pas

La pensée m'élève

Vers les cieux, éternel

Nul autre que moi

N'a subi cette loi

L'aigle royal et noir

M'emporte dans ses serres

Moi messie maudit

Nulle chair dans ma chair

Sur la couche chaude,

Moite de fantasmes pervers

195


Aigre et dévêtu

Je plonge dans mes recherches

Pour le poème futur

Endors-toi en ton âme

Où la raison excelle

Ô coeur vert d'avenir !

Ô la sève exaltante !

Par la mort qui t'observe,

Tu es le vainqueur.

196


M E S S A G E S II

197


Tu peux hurler

Tu peux hurler, personne ne daigne t'entendre. Tu es un

chien dans le caveau de l'indifférence.

Puisses-tu te rassasier de ta propre substance, de ta

connaissance éternelle et infinie qui gît là au fond de toi.

Mettre charrue avant paire de bœufs, puis exciter

l'animal avec l'aiguillon en l'accusant de ne point avancer.

La condamnation tyrannique de l'au-delà. La foudre

s'abat sur la maison et torture le sacrifié pour les délices de la

cruauté.

La rosée n'a aucune durée, elle disparaît aux premiers

rayons. La pluie bénit.

198


Nous sommes des résidus de chiens méprisables et

inutiles. Nous ne provoquons pas même la pitié. On nous

conseille de faire autre chose, de cesser de produire de telles

aberrations. C'est le : "Jette-toi, t'es nul !"

Le soir apporte son flot d'inspiration. La nuit est chargée

de pulsions invisibles, nourrissantes et sublimes. Il faut apprendre

à capter.

L'oiseau de sang chante mal. Il hurle, puis se meurt. Qui

a cherché à l'entendre ? Vous seules, feuilles attentives, écoutez

son délire.

Un zonal avertit constamment le poète à obéissance : "Il

faut produire, nourrir le livre de substances nouvelles, le fortifier,

lui donner croissance."

199


Encore

Maintenant que l'esprit a charrié ses tonnes de vomis, de

pourritures nauséabondes, maintenant que vous vous êtes repus de

mes délices stupides, de mes souffrances détestables, que puis-je

vous inventer ?

Je cherche encore à transformer le mensonge, à feindre à

des réalités insoutenables, etc.

200


Une idée vraie

Une idée vraie m'éveille, m'éclaire, s'unit à ma raison

pour former un couple de certitude, de vérité peut-être...

Du moins il y a doute, car l'esprit s'impose, propose sa

loi avec ses principes, son fonctionnement. Il y a jugement,

volonté de peser, de balancer, puis choix.

Mais tout cela se produit en un instant imperceptible, à la

vitesse inouïe du phosphore, qui cogite là dans cette espèce de

conscience qui veille sur la mémoire.

Alors qui dit vrai ? Qui détient la certitude ?

Dois-je raturer, rejeter ou reprendre lentement marche

sur marche, step by step ?

Ou fondre désespérément et laisser la rumeur embrasser

le cerveau qui attend ?

201


Assailli

Toutes les nuits, je suis assailli d'étonnantes présences. Je

les sais m'effleurer invisibles et impalpables. Je m'amuse alors à

communiquer, à échanger quelques propos. Sur ma droite, une

sorte de fantôme débile ; sur ma gauche, son frère d'instinct,

hélas. Ce sont des masses volatiles et pesantes, agressives et

violentes. Je ne puis les chasser, je les subis, je les supporte, je les

tire comme des boulets.

La haine m'enveloppe, me frappe de toutes parts.

202


Les deux maîtresses

La nonchalance d'esprit s'évade mollement. Sa libre

indépendance évasive et nue s'élève par ronds successifs pour

atteindre une mémoire de souvenirs, de confusions, quand tout à

coup la rigueur intellectuelle décide d'une obéissance, d'un

principe de loi, d'une obligation de raisons.

lucidité ?

Vers laquelle de ces deux femmes, vais-je tendre ma

203


Je lis Paul

Je lis Paul. Je caresse le papier. Comme je voudrais

valoir plus ce que je vaux ! Comme je voudrais être au-dessus de

moi-même !

Je suis peu, et je ne suis que cela ! Misère !

*

Je ne vois pas la mer, je dois la penser, l'imaginer, dans

sa forme flasque, avec sa couverture agressive puis dormante.

Mais où la respirer ? Comment l'entendre ?

204


Surgissent

Surgissent

Des spectres royaux

Couleur d'ambre.

C'est instant interdit

Peut-il se saisir,

A-t-il quelque durée ?

Le silence de l'astre mort

Est repu de mémoire.

Il plonge sa lumière laiteuse

Et lèche abondamment

Les vestiges invisibles de mon âme.

Lune de femme, pensée enfouie,

Le sang rimé coule de ma bouche.

Les blessures se répandent en cascades

Dans ma cervelle effarouchée.

La nuit ne dort pas,

Elle conçoit le fruit par son imaginaire.

205


Beauté, je te propose le poème

Beauté, je te propose le poème dans l'expectative du

gain. Observe-moi, je ne suis que misère. Donne-moi l'espoir de

te séduire vers la couleur acide du chant. Je te déçois ?

Qu'importe ! Je poursuis.

La qualité du texte m'horripile. Debout scrute et analyse

la raison, maîtresse de l'élève poète.

Le ciel est sang, le soleil est espoir. La lune est presque

bleue, là-bas, lointaine. La fusion engendre le poème, la

combinaison favorise le mélange des couleurs. Alchimiste de la

nature, je dois composer.

grâce.

Notre désir retenait la chair jusqu'à lui faire implorer

Un tourbillon d'oiseaux apporte la fraîcheur du poème, et

voltige obéissant à ma voix.

Tiens mon espoir tendu comme une offrande, porte-moi

vers les échelons supérieurs, ô l'Inassouvie. Le désir de gagner, la

206


folie d'engendrer me porte encore. Le livre blanc est à remplir.

Travaillons.

Trop consciente de sa petitesse, de son insuffisance,

coeur bariolé, vitrail de poète, la pensée cherche à se détacher de

sa certitude de perte. C'est un noir soleil qui gît à mes côtés. Il

illumine de son néant ma vérité. Ai-je quelque espoir, ailleurs, làbas

? Aurai-je un avenir ?

207


Femmes décoiffées

Femmes décoiffées

Épanouissement de roses

dans la clairière céleste

Voltigez tourbillonnez

danses nuptiales de papillons bleus

Luxe de blondeurs, envolez-vous

Vous êtes emportées par le vent.

208


Poète

Il inventa un pur visage

poudré d'ombre et de lueurs carmin.

Il s'exila derrière l'impossible mémoire

détruisant sa face réelle

refusant le reflet vrai du miroir sacré.

Il s'imprégna de mensonges,

d'idéal transfiguré

puis les rides sillonnèrent les traits de sa face

il s'exécuta, on l'immortalisa.

209


Mon avenir

Mon avenir est-il certitude ?

Qu'est-ce à dire de l'immortalité ?

Les mots s'accrochent, les pages se succèdent,

Je suis vivant reconnu par les Dieux et les morts,

Je suis une parenthèse dans l'univers des ombres.

Qui a lu, qui lira ?

Terre de souffrance

Terre de souffrance

visage de douleur

couronne d'échecs, de haine, de faisandeur

Poète percé,

humilié

la mort l'observe.

210


Parler avec soi-même

Par la fente on observe

L'instantané passer

Comme des particules en suspension

Dans un rai de lumière.

Il y a l'imperceptible presque,

L'inaudible, l'improbable et le doute

Qui s'entrecroisent, se juxtaposent

Et tentent de cohabiter.

Au-dedans, il y a des sortes de tentacules

Légères, invisibles et silencieuses.

Elles prélèvent délicatement les propositions offertes.

À l'extrémité de leurs doigts sont des yeux

D'une acuité visuelle extrême,

Ils touchent, voient et palpent,

refusent ou prennent.

A quelles raisons, décident-ils ces doigts ?

Qui ponctionne, qui retire ou exploite ?

211


À l'extérieur, on peut supposer

Qu'il y a un front, sorte de muraille,

D'épaisse Carcassonne. Mais dedans ?

Là des idées changent de formes

Sont acheminées, transmises

Par un dialogue intérieur,

Par une activité électrique encore inconnue.

D'autres d'espèce chimique

S'évaporent, disparaissent pour s'associer ailleurs.

C'est donc échos, lumière déversée,

Brassages d'images, fluidité de désirs,

Maîtrise temporelle, échappée de seconde

Segments, fragments de bouts, de propositions,

Associations contrôlées, libérées.

L'esprit extrait des mots, des groupements.

Qui fusionne, qui combine ?

Les ressemblances épousent l'analogie

Et le contraire se juxtapose rapidement.

212


Le mensonge tire son origine de la vérité,

La vérité tend vers la sagesse poétique.

Parler longtemps avec soi mène à quelque chose.

213


Nuit

Nuit

Comme un front rempli de torpeurs

De lumières sombres, d'accidents éblouissants.

S'éloignent, s'entrecroisent les feux

Et les phosphores dans les miroirs de la raison.

Encore la sainteté avec pureté d'ailes blanches,

Avec écrasement et douleurs infinies.

Le ciel ouvre les murs

Et apparaissent les Dieux, Beauté et Beauté.

Retours au travail, en soi, par autrui,

Par Eux, par la blancheur spirituelle.

214


Par toi

À Octavio Paz

Bleu fuyant en rafales claires

souffles d'air

L'esprit tourbillonne

s'élève irrésistiblement

et embrasse l'air cristallin.

Parmi les hauteurs de l'estime,

ai-je quelque valeur ?

Je suis dans l'ignorance du savoir

possédant un pactole de syllabes.

Ma pensée soulevée

dévale les collines de l'évidence.

J'habite une bulle de mots.

215


Je suis sans être

Je suis sans être, épanouissement de mon néant,

plénitude de mon vide.

Puis je plonge dans ce lac de pensées

Où grouillent confusément les perceptions du langage,

Où les grondements entendus

Par l'alchimique opération

Se transforment en cristal de musique.

Apparaissent les vagues successives d'analogie,

Images dérisoires ou sublimes symboliques.

Les concepts et leurs contraires participent

À la construction du raisonnement.

Les symétries, les parallèles

S'entrecroisent et s'imposent.

Jusqu'à l'effacement final

Pour la mort du poème.

216


L'écho

Je suis infiniment rien,

Je plonge dans le néant.

Au-dedans de moi-même,

Je perçois un lac de mensonges.

Le vertige porte mes pas.

J'écoute une parole conçue et pensée

Par l'imaginaire, par la raison, par la folie.

Les mots pensent pour moi,

Je suis l'écho qui projette une rumeur.

217


Visage

Visage tailladé,

Le temps l'éprouva avec ses armes.

Puretés des traits : autrefois, hier.

Su quel versant de la face,

Stigmates et rides profondes ?

Douleurs de la mémoire,

La souffrance s'incruste,

Et dure jusqu'à la mort.

Effrayante cicatrice,

Le temps pénètre en soi

Et croît jusqu'au souffle final.

218


Constance

Le présent est douleur

La chair est usée par la souffrance

Ils sont là depuis l'origine

La nuit vient à tomber, ils sont là

éternels

De cruauté, de vice, d'ignominie

Constants dans le Mal

en horreurs de tortionnaires.

Éclatent

Les hurlements de l'innocent

Le prince est percé d'aiguilles

La nuit implore, pour qui ? Pour quoi ?

Le présent est douleur.

219


Le miel du poème

Plus pure

Que cette transparence de sainte

Entre mes doigts, l'hostie du Fils,

Ma nourriture céleste.

Par l'élévation,

Par la transformation de l'esprit de chair

En blancheur de corps.

Je suis né pour apprendre à mourir,

À partir pour là-bas, plus loin.

220


La chaleur

La chaleur écrase la saison

Le juillet éblouissant

Jeune couronne d'été

Agonise de fatigue,

Alourdi par la masse pesante du soleil.

Nul désir de chair

Les entrailles brûlent mais supplient la glace

La lumière se répand dans ton corps

Tu es ouverte comme une fleur.

La braise se précipite en toi

Le feu gronde, tu implores

Tu resplendis d'extase

Offrant tes seins vainqueurs.

221


Aubes claires et bleues

Aubes claires et bleues

suspendues de rosée

miroitant sur les éclairs de neige.

Amours de cristal enflammées

de topaze, de flammes comme des fluides

qui circulent lentement dans l'éther.

Vols d'oiseaux qui déchirent

l'infini azuré

battements de soieries

légèretés caressées

dans l'idéal du ciel

tourbillonnez encore

pour l'espoir du poète etc.

222


Dans la plaine chimérique

Dans la plaine chimérique de la poésie, j'ai écouté

l'espoir se poser. Là, humilié et stupide, j'étais une pensée verte

dessinant une route. Elle naviguait à travers la mort et atteignait

son but. Avenir tracé dans l'air inconnu.

223


La tempête

La tempête arrache des lambeaux

Je prie la foudre entre les yeux

La folie du vent m'emporte dans l'horreur

Tout est dévasté

là au coeur de la pensée.

Le souffle enveloppe

les spasmes de la raison.

Il faut éteindre le feu

qui brûle le cerveau.

Je me consume sans passion.

224


Vagabond

Je me suis aventuré sur les bords de la raison, moi poète

stupide, illuminé, nourri de chimères et de folies dangereuses.

La rumeur

Entends le souffle de l'espace,

C'est la rumeur pour le bel été !

La quantité, le temps

Qu'est-ce qui me suffirait ? Quelle quantité ? Quelle

limite ? Que me donnera Dieu ? N'a-t-il pas suffisamment autorisé

de ponctions, de prélèvements injustement subis ?

Le temps n'est pas sur mon côté, patient et lourd, de

secondes chargé. Il est l'ennemi de Baudelaire, celui qui

constamment répète : "Souviens-toi, souviens-toi."

225


Jeunesse

Innocence du savoir

certitude d'une vérité

il faut apprendre

accumuler

gagner du temps

avoir en point de mire la mort,

la mort constante,

comme une araignée prête à saisir

à prendre

à détruire la vie.

Ne pas se tromper,

Aller très vite

Et vaincre.

Vers quel avenir ?

226


Antagonistes

L'esprit purifie

la chair convoite

étrange couple antagoniste

sérénité de la profondeur

tourments de la passion

L'esprit s'abaisse, la chair s'élève

Le point d'accord

est la raison de la jouissance

le plaisir de la sagesse.

227


Gain économique

Produire

Produire

constamment et sans cesse

Produire et mieux

À coups bas, à coût réduit

dans la transparence du génie

Toujours ajouter sur le savoir

sur la compétence

sur la certitude

sur la vérité.

228


L'homme supplie

L'homme supplie inexorablement,

L'homme dont l'esprit grandi par l'imagination s'épuise à

extraire, cherche à se délivrer par la pensée, source et

jaillissement.

L'homme qui s'élève dans sa croyance, qui accède à la

construction interne, à l'architecture souveraine.

À lui, la certitude dans la venue du Verbe.

Accumuler encore dans la surabondance de la création,

fouetter le sang des neurones pour tirer encore du suc, de la

connaissance, de la lumière.

Je porte au doigt l'anneau de voyance et au poignet le

bracelet de vérité.

Dans la conscience de ma médiocrité, l'œuvre est

détestable, à bannir constamment.

229


Limite

Je sais trop bien où se limitent mes insuffisances, claire

certitude de ma vraie conscience. Le soleil noir resplendit dans

ma chair. Au plus profond de moi, il y a immense visibilité.

Question

Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder à la

jouissance ? La violence du mal te réduit à la douleur. Le temps

de la prière est inutile.

Es-tu ma chair ?

230


Sanctification

Une nuit, j'apportais ma Félicité, apparence parfumée

d'oiseaux insaisissables ! Nul ne me dictait le mouvement ailé que

ta main agitée caressait sur mes tempes humides. Dans les

souffles du désir, les éclairs du ciel s'étaient soulevés, et la

jouissance obtenue semblait alchimie d'orgasme.

Je tourbillonnais sur moi-même et compris enfin le

langage des sens. Mes folies d'agneau blanc s'élevaient vers

l'innocence. L'haleine pure buvait le consentement idéal.

On me remit l'anneau de clarté et de transparence. Je le

porte à mon doigt tel un diadème éternel entre le feu intérieur et la

constante élévation. Je me place nettement, je suis l'Époux

nouveau. Je redescends lentement parmi mes frères.

Salut à celui qui atteint ce principe spirituel, qui marche

à ses côtés. Il passera par le creuset du feu.

231


Renouveau

À présent, enfuis-toi bien loin, ma probabilité d'échec,

dans la distance de l'inconnu.

Le vent ailé vient à détruire l'injustice.

Ma violence tourbillonne et soulève ses feuilles.

Tout me séduit : je comprends enfin.

L'été est lourd de distance à la source.

La merveille ensoleillée est une aura poétique.

Je suis semblable à toi.

Au bord de mon vertige, je prononce ton nom,

J'embrasse mon idéal d'existence.

Enveloppé d'extase, ceinturé de vapeur,

J'accède à ma renaissance.

Dans ma durée certaine,

Je prie le renouveau,

J'implore l'image par l'Esprit et la Présence.

232


La beauté d'Hélène

Je voltigeais dans le souffle de l'air, refusant la station,

ignorant le refuge où se concevait la femme. Des tourbillons épars

portaient dans leur poussière la chevelure royale d'Hélène. Sa

beauté s'imprégnait d'idéale de roses. Sa silhouette impossible

allait boire aux fontaines.

La brume neigeuse enveloppait son corps dans la

transparence inouïe de lumière messianique. Je m'évanouis puis

m'éloignais de cette persévérance sphérique, sublimation de son

image charnelle.

233


Envole-toi !

Maintenant que tu as sacré le printemps de ta jeunesse,

entre dans l'avenir de ta cendre, moissonne la gerbe d'or à

l'horizon cristallin, offre le don, restitue-le pour ceux qui

t'entourèrent dès ta naissance.

puissant et sage.

Que le Dieu te fortifie, toi roc de diamant, au front

Ta bouche hurle et s'indigne ? Ta voix porte le savoir et la

vérité ? Ton esprit de certitude cherche une nouvelle innocence ?

Envole-toi !

234


Grands esprits

I

Et vous, grands esprits qui vous nourrissez dans de plus

hauts savoirs, vous abaisserez-vous quelque jour dans les lueurs

du Cercle, au milieu de la certitude humaine construite sur la

chimère poétique ?

Remplie de songe, notre pensée sur le versant du déclin :

l'image belle et naïve comme une aube de fille sainte pour le

mépris des hommes, l'image constamment renouvelée comme une

recomposition de la ligne et du déplacement : libre dans son

nouveau concept pour l'esprit et pour la chair de l'homme, l'image

comme une nourriture de l'intellect...

La mémoire funèbre du poète ne voltigera plus autour du

sinistre monument ; l'éternité vivante encombrée de lourdes

palmes glorifiera son âme inconnue... Utopique ! Mes lèvres

prononcent de fausses paroles.

Est-ce sourire de raison qu'offre le visage ? ... "Cela ne

se peut ! Cela ne se peut !". La fille Muse est fête en mes songes

235


comme fiancée gracieuse, fiancée blanche jamais lue et ignorée

de tous.

Répands-toi, ô brise claire, mon avenir ! Que ma ferveur

me porte ! Que ma ferveur me porte !

II

Et cette fille chez les esprits supérieurs :

"Poésies ! Poésies ! Pensées errantes sur des images

circulaires, surgies de l'inconnu, par le souffle hautement aérien,

la phrase s'exile et s'offre belle de nourriture..."

D'autres filles dans les escarpements de la raison

invoquent des certitudes.

III

Souffles offerts par la fille Muse :

"Triste amertume ! Triste amertume ! Où se répand le

236


parfum exhalé du ciboire ? Où puis-je respirer le chrême de

l'esprit nouveau ? Enfouie à tout jamais, l'image ne saurait être

renouvelée ! De la pensée obscure, jaillirait-il quelque essence

purifiée ?

Et vous, sœurs de l'absolu, sur quel homme se pencher ?

Filles, belles de chair, à qui proposer le plaisir ?"

- Nous ignorons ! Nous ignorons ! Qui épanouit nos

songes comme un soupir aérien ? Qui distribue le son parfait à

l'oreille câline ? Cherchons.

Nous nous sommes promenées sur le cercle en chair de

femme, sensibles à l'appel. Vers les pensées fugaces de l'éveil,

pour les premiers essais de la raison. Nous avons dansé et marché,

faisant ronde riante.

237


La soumise

Plaintes de femmes dans le mugissement du plaisir, râles

de femmes dans l'orgasme de la nuit, qu'il est doux d'entendre

femmes pleurer d'extase, de voir le bonheur versé sur les larmes

de l'amante !

Toi, le Dominateur qui prends et qui exiges, observe ton

esclave suppliante et comblée.

Soupirs de femmes mêlés de chevelure et de salive, amas

de chair fraîche, quémandant une ivresse, douceur plaintive, ô

mon délice, quel corps allongé fut plus aimé ?

Mon maître, mon sublime supplice, vois, je t'implore

encore, moi femme soumise et dominée !

Femme suis prise et à prendre en tout endroit où me

pousse ma convoitise, à la recherche de l'Amant. Qu'il piétine,

qu'il meurtrisse sans offenser, sans blesser ! La chair est offerte, le

corps s'ouvre, nulle gène, nulle honte. A toi, prends-moi avec

décence, prends-moi.

238


Oui, moi, soumise à ta puissance de cheval fougueux,

implorant tes saillies et tes reprises en ma chair ! Oui, toi, mille

foudres explosant d'orgasmes et de sel liquide !

Ô maître qui commandes et ordonnes, tu sais trop bien

l'usage des larmes, des plaintes de jouissances ! Pourras-tu apaiser

ces lieux à dilater, à soumettre et à prendre ? Vois, je t'implore.

J'implore ta langue, ton souffle chaud, consacre-moi à ton

supplice telle une offrande royale.

Frapperas-tu, Maître divin ? Espoir du délice, chair à

prendre. Délivre mon impatience, je ne puis implorer plus

longtemps.

Tu frapperas, promets-le ! Avec puissance, ta réponse

sera forte. Parle-moi, ô mon tyran. Et avec plus de prise,

m'assailles et m'enveloppes.

Tu frapperas, ô mon despote ! Entends hurler l'esclave

qui pousse un grand cri déchiré de femelle à sevrer. Le corps

s'écroule et veut être comblé. Par-delà l'interdit, pénètre-moi

encore. Que j'explose radieuse, illuminée !

239


Toi, mon Dieu, viole-moi par le délice du viol, arrache à

ma raison le hurlement de la femme dilatée. Emporte-moi là-bas

où la raison divague et nourris-moi encore d'images à transformer.

240


Paroles certifiées

Paroles certifiées de la Muse expressive :

Ô sublime amertume ! Que d'aigreurs tournées et

retournées dans le fond de ma gorge ! La plus belle des femmes

vit dans l'adversité ! Elle n'est point reconnue, et sa chair

splendide est méprisée de tous !

Pourtant certains hommes, amateurs du beau, ont dit :

"Nous l'avons vue, superbe et voilée. Nous savons qui elle est,

longue et grande, à la hanche féconde. Sur son visage, coule le

Chrême."

Hélas, elle en est à se mépriser, à se dénigrer, ne sachant

plaire, ne pouvant séduire la tribu des savants. Ce ne sont que des

vieillards édentés et tordus qui se prévalent de déterminer le beau !

Ô Mère des Muses, je t'implore dans un songe et te viens

demander quelque justice !

La honte pend à mes flancs comme un sceau d'injustice,

la bouche perverse d'autrui est une plaie aux lèvres fausses ! Ha !

241


Comprendre ! Me comprendre !

242


Conflit interne

Point d'étonnement : tout est faiblesse,

Médiocrité, résignation

Le poème se fait verbe avec petitesse.

Pauvre secret de l'ignorant,

Vide secret sans espoir à l'intérieur.

Les mots n'existent pas, et je le sais

Le Latin, ignore, le Grec, ignore

La grammaire, la structure, l'analyse,

Tout cela est galimatias,

Mélange ridicule nullement pensé

Le "Rien" produit, mais quoi ?

Et l'autre dit : J'habite ce poème

Il prononce des sons

Il vibre avec ses échos

N'y a-t-il point paysage de structures,

Infini de mots là-bas dans le lointain ?

Mes yeux s'en nourrissent,

Mes oreilles reçoivent leur accord.

Ils explosent dans ma chair,

Dans les lieux du langage,

243


Ils voltigent et s'évadent

Écoutez-les un peu.

244


Les démons

Est-il des espoirs ? Non,

La chair est transpercée par la mort ;

Telle est mon existence. Dans l'air invisible

S'agitent des démons.

Avalanches d'appels, de supplications - rien.

L'espace produit se nie

Par sa souffrance même.

Ô violence, en prescience d'existence,

Tandis que l'esprit ne possédait

Nulle capacité aucune !

245


Conscience

Maintenant que les espoirs trompeurs, les miroirs de

mensonges se sont épanouis dans nos âmes, nos certitudes

d'autrefois deviennent les fondements de notre pensée. Papillons

fouettés par le vice imposteur, agenouillés et suppliants, nous

quémandons le droit à la vérité. Durant un temps immense, nous

avons cru à nos chimères poétiques, nous avons léché le sang des

muses dominatrices, et enfin la raison nous a éclairés de sa

gigantesque lumière. Voici la mort brutale, et nous croupissons

sous l'humus de nos misères encore emportés dans la fausseté

poudreuse de nos folies de songes creux.

246


Mon lit

Mon lit est un lieu de torture. Nulle femme n'y repose en

paix. Comment voudrais-tu y jouir, bel amour ?

Je me suis enfui, je reviendrai pourtant.

jamais.

J'inventerai un profond sommeil pour t'endormir à tout

247


Fils, Fils

Fils, Fils qui tiens très haut le cri de ta naissance,

l'assemblée est en marche vers le Père ! Vigne écrasée, vin

répandu pour toute chair, espoir éternel d'un meilleur, oui,

élévation vers la grandeur, vois je te rends hommage, et cela est

peu !

Toi, l'homme parfait, tu me purifies, maître puissant. Et

tant de souffle m'emporte, tant de vérités m'apparaissent sur la

voile tendue de ma certitude ! Mon esprit s'offre, mon cœur

s'ouvre frais comme vierge à aimer. Il y a saveur de sel et de

souffle mêlés, il y a sang de douleur aussi.

248


Les poétesses sont venues

Les poétesses sont venues, porteuses de sublimes

sacrements. Se sont offertes aux aspirants dans leur quête de

nudité et d'idéale de saveur. Ont souri de leur bouche belle,

offrant leur chair de filles rares. Et la pureté de leur déplacement,

la légèreté de leur marche étaient fruits que l'on vénère, parades

que l'on admire : "Nous sommes filles du ciel, et voici nos chairs,

voici nos chevelures, voici nos cuisses. Nos ouvertures sont

propices aux passions et aux drames. Voici, prenez !"

Elles riaient de leurs dents superbes, elles évoluaient et

tournoyaient, fabuleuses et immortelles. Elles éloignaient l'ombre

noire et voulaient glorifier l'écrit.

Elles jouaient encore, et certains hommes tentaient de

mêler leurs voix aux sonorités cristallines : "Ah ! Nous avions

mieux espéré du mâle assoiffé de perfection ! Offrons nos

poitrines, accordons-leur nos croupes sinueuses. Sur nos fronts,

que sauront-ils composer ? Ô mère superbe, qui donc faut-il aider,

qui doit accéder à la perfection de nos larmes ? Nous faudra-t-il

249


sur la scène théâtrale accéder au tragique de nos dires, exalter le

divin de nos souffles pour honorer le héros, suppliant la mort sans

espoir de conquête ?"

250


Le veilleur

Je suis seul et n'ai nul souci de femme, de miel de

femme, d'ivresse de salive mêlée au rire. Je somnole ou vigile,

attends la venue des Dieux.

Point d'amour, point de poses lascives aux images de

songe. J'écoute s'épuiser la nuit, je l'entends lentement se déchirer

pour disparaître.

Point d'amertume dans leur folie du rêve. Voici le souffle

clair porteur de l'ondée matinale. La fraîcheur s'élève.

J'attends. Qu'ai-je vu ? J'ai voulu aspirer ce mélange

d'herbe et de saints chrêmes. J'ai vu se dilater les parfums aériens

caressant la narine palpitante,

J'étais à la recherche de la vendange prospère, point

foulée, mais mystique qui enivre dans la chair même de l'être son

exaltation céleste.

lune basse.

La lune semble plus rouge là-bas dans le ciel bigarré, la

251


Celui qui veille encore espère l'aube laiteuse, visage de

fille vierge dans l'éternel renouveau.

Je veillerai ce soir encore, de quoi aurai-je souci ?

252


Les femmes aussi sont venues

I

Les femmes aussi sont venues aux bords des fenêtres, les

bras remplis de livres blancs.

"Ces livres purs, ces pensées encerclées, qu'en ont-ils faits ?

Où sera leur avenir ? Vers quelle issue fatale ? Leur limite, quelle

est-elle ? L'avons-nous embrassée de notre regard impérial ?

Conception supérieure, vous mentez ! Poètes, vous êtes

des traîtres ! O substance ! Faiblesse de médiocres, bouquets

arrachés et brûlés ! Le vent réveille les Parques, la plume

emportera l'essence de vos noms anodins !

La fleur est sans arôme, la lecture illisible aux portes de

la raison. Une immense tristesse envahit nos visages. Nous ne

savons en qui espérer."

La Mère était parmi nous. Nulle n'osait l'appeler. Et la

foule de femmes s'éloignait des terrasses de marbre.

253


"Se peut-il, se peut-il que pas un avec l'astre divin à sa

porte ne puisse nous prendre et nous exalter ?

Tout l'aveu de notre chair dans l'intime de la transe

quémandait en vain. Et cette exaltation accompagnait des cris de

rage dans un corps jamais possédé !

Un soir d'incertitude nous promenant à travers le parc de

l'oubli, nous avons vu le Maître, bel homme campé sur ses pieds.

Et nous voici soudain du côté de son miroir. Nous espérons le

voir croître.

Femmes très pures, passerons par la fenêtre, les bras

remplis de livres ? Quelles seront nos issues ?"

II

"Hélas ! Hélas ! Notre cri est un cri de détresse ! Qui

donc servirons-nous ? Quel sera notre Maître ? Nous visitons de

chambre en chambre, avec la lampe vacillante le lieu parfait où

resplendira le savoir, et nous cherchons encore.

254


Pour quel maître de pensée, pour quel esprit à

l'intelligence nouvelle possédant l'art de l'image ? Où est Celui ?

... Nous ne pouvons attendre. Nous sommes suppliantes,

murmurantes et désirons obéir.

Perception différente à la consonance libérée, qu'il nous

saisisse et nous touche un peu partout, nous domine et nous aime

! Qu'il fusionne tout le savoir du siècle et veuille y ajouter !

Ha ! Cette attente est vaine par le souffle de l'esprit, par

le génie pensant au loin sur le calme des eaux !

S'offre nul espoir pour les Livres de vie. Nous avons trop

cru pouvoir le trouver, nous filles d'extase, servantes de l'intellect

! Nous implorerons encore les bras couronnés vers l'Azur.

chercherons."

Nous chercherons grandeur d'homme, nous

255


Trouverai-je ?

Syntaxe de l'intelligence ! Ô pure combinaison sans nul

délire. Si proche est la pensée où la raison s'illumine !

Sous le front qui conçoit, un souffle de femme se

méprend ; point de fille-chair dans la savante nuit !

Trouverai-je en ce clair silence sous ce grand hêtre

suprême nourri de phosphore et d'éclairs de certitude ? Trouveraije

?

Oui, toi excitée de vitesse, sans précisions, hélas ! Es-tu

prompte à tressaillir, à bondir sur l'autre versant de ta raison ? Toi

de légèreté et de blancheur conçue ? Toi dont la jeunesse

cérébrale s'accompagne de force, toi élevée dans le souffle du

Parfait...

Tu rêves de dominer le trône de ton âme et de t'unir avec

une sublime princesse à la connaissance prophétique !

256


Veux-tu te taire ! Tu t'en retournes encore à la perception

féminine, nard d'épouse, senteurs d'essence dans la brume

aérienne !

Constamment gisant sur ses pieds nus parsemés de

coquillages et de rondeurs exquises...

257


1695

L'amour-propre

Un lion, pour bien gouverner

Voulu apprendre la morale

Jugeant cet exercice, ma foi, indispensable

Pour l'usage des siens dans la gent animale.

Il appela le singe, doué d'intelligence

Subtil et raffiné, en tout point connaisseur

Qui illico donna la première leçon

À son maître régent.

"Grand roi, pour imposer

Avec belle sagesse sa puissance aux manants,

Il faut se dévêtir de l'habit saugrenu

Qu'on appelle amour-propre, il vous faut le quitter

Au plus tôt sur-le-champ,

Et lui bien préférer le zèle de l'État.

L'amour-propre est le père, est l'auteur des défauts

Qu'on remarque aisément chez les bas animaux.

258


Vous devez, mon seigneur, quitter ce sentiment.

La chose n'y paraît, elle n'est pas petite.

Il y faut de l'usure pour en venir à bout.

À jamais disparue, votre auguste personne

Délaissera toujours le fat et le niais,

Et n'admettra jamais l'injuste ridicule."

"Pouvez-vous, je vous prie, m'éclairer d'un exemple

Car je voudrais comprendre ce que vous exprimez."

Interrogea le roi.

Toute espèce, dit le singe, toute profession

Estime sa valeur au surplus de toute autre,

Persifle et se prévaut de hautes qualités

Et sait en peut de mots juger de la suivante :

"Ne me ressemble pas, et n'a rien qui ne vaut !"

Elle qualifie ses sœurs de belles ignorantes,

Et se glose et se rit en semblables discours.

Suivez-moi à la trace, je raconte l'histoire

De deux ânes stupides se louant tour à tour,

L'un disant à son frère le nez dans la mangeoire :

259


"Concevez, s'il vous peut, le vil comportement

De l'homme, cet imbécile qui nous prétend stupides !

Il est vil, alourdi par sa masse de graisse

Et se moque de nous imitant notre rire.

Mais nous savons parler, nous possédons un art

Et pouvons dépasser d'excellents orateurs.

Entendez-moi parler, admirez ma manière,

Je puis facilement pousser des notes claires."

Je vous prie, Majesté, d'entendre ce discours.

Car la prétention donne du ridicule

Aux gens de compagnie.

Délaissez l'amour-propre

Côtoyez que très peu les princes de l'Europe,

Et donnez votre temps aux choses de État.

260


Pur midi

Pur midi :

Des flammes et des essences de flammes jaunes

Agressent les arbres et les pins du jardin.

Dans le ciel, quelques tourterelles

Réclament à boire, et viennent

Cendrées et délicates se poser sur le bassin.

La chaleur bombarde la tête, l'écrase

Et lui dit : Va-t’en, va te cacher,

Ici il y a danger.

Ombre belle :

Le noir soleil de mon écriture

Brille entre les quatre murs. Il y a

Respiration et fraîcheur d'haleine, il y a.

Je produis avec des éléments qui ne sont pas vides,

J'appelle des noms embrumés

Miroir de mon indifférence,

Inaptes encore à s'associer,

À devenir phrases.

261


Mais la pensée n'est pas vacante

Quelque chose émerge, s'élève dans cet espace

Est-ce encore ce soleil d'ombre ?

Le temps pèse les secondes les unes derrière les autres,

Avec constance, poids de sérénité.

Dépêchons-nous.

262


Les deux valets

Deux valets cheminaient portant tous deux des bourses,

L'une était en argent et l'autre était en or.

Arriva une troupe venue les dépouiller.

Les coquins plus nombreux savaient pourtant se battre,

Mais la foi et l'honneur étaient des qualités

Dont pouvait se flatter le laquais à la bourse

Garnie de pièces d'or, tandis que le second

Était prêt à s'enfuir comme un vol d'étourneaux.

Le premier est gaillard et pare les attaques

Et se défend encore contre six à la fois.

Devant tant de puissance, les voleurs prirent peur.

Sans demander leur reste, les voilà disparus.

Et le second laquais, honorant le courage

De ce nouveau héros, dégrafa sa ceinture

Et lui offrit son bien : "Ô mon ami, dit-il,

Serai-je ta moitié ? Suis-je digne de toi ?

Je ne suis qu'un couard, prêt à me faire voler.

Je crains trop pour ma vie, je ne puis honorer

Et garder la fortune que m'a remis le maître.

263


Là elle t'appartient. Vois, je te la remets.

Tu sauras mieux que moi protéger tout son bien."

264


Le nobliau breton

Un cul-terreux breton dans quelque librairie

Avait su retrouver trace de ses ancêtres

Cherchant je ne sais où, ouvrant un vieil ouvrage

D'armoiries et blasons où figurait son nom.

"Mais c'est’y vrai, ma foi ! je suis de la noblesse

Au plus bas chevalier, je puis être baron,

Comte ou duc, pourquoi pas ? Je ne suis pas si bas.

Moi qui me lamentais avec mes origines

Mais j'ai un nom en ac ! Ceci vaut, je le sais."

Plus haut, un Dieu, au ciel, grand juge par le cœur

Qui courbe devant lui les rois et les monarques

Un jour se décida à descendre du ciel

Et répandit en lui son chrême messianique.

Il en fit son élu, le fit prophétiser

Et lui montra encore de plus puissants prodiges

Par l'ardeur de l'Esprit qui vit à ses côtés.

265


Vérité, vérité, mais que peut-on penser

Du cul-terreux breton par les dieux tant aimé ?

266


Le veilleur

Sur l'immense échiquier

Se déplacent des étoiles,

Immense hymen lactescent,

De semence divine,

Lueurs diurnes où scintillent

De petites pointes lumineuses.

Plus loin, une lune blanchâtre attend.

Dans l'œil voltigent des signaux,

Des graines de lumière

Comme des messages de diamant.

Le cristal s'éteint,

Le cristal s'allume,

Une sorte de miroir renvoie l'éclat.

Nulle fille à l'acuité sublime

Ne vient perturber la conscience.

L'esprit cherche des prophéties, là-bas

Le futur se nourrit d'insignifiances

267


De presque rien,

Le futile côtoie l'évènement.

Est-ce catastrophe, annonce, certitude ?

Il n'y a pas à penser,

Il faut prendre.

Le veilleur aveugle sa raison

Pour ne pas interférer,

Il nie sa logique,

Il refuse d'analyser, de sonder,

Il reçoit uniquement, tel un médium de vérité.

Les messages sont des lettres.

Elles viennent à lui dans l'ordre

Serrées, sans ponctuation.

Il les prend, les sépare, les coupe,

Il ne réorganise pas.

Il s'assoit en son centre

Limité à la recherche du cercle parfait,

De Dieu, du Saint.

La bouche s'ouvre,

Elle attend la nourriture céleste

268


Tandis que les vivants dorment.

Elle attend et crie : j'ai faim.

269


Le critique averti

"Je vous dis que je sais, j'ai de l'expérience.

Je puis à tout venant démontrer mon savoir.

Ce n'est pas de la sorte

Non, ce n'est pas ainsi

Que l'on s'essaie aux phrases,

Il les faut mieux tourner.

Mais pourquoi doutez-vous, je vous dis que je sais.

Je puis vous le prouver, appréciez mon tour.

J'ai de belle façon d'exprimer mon poème.

Oui, je suis votre maître,

Vous êtes mon élève.

Je donne la leçon, voyez ma connaissance."

Celui-là est petit, et pourtant joue les grands.

Laissons du moins à Dieu de juger entre tous.

270


Le château d'enfance

Toutes les nuits, je suis entouré d'ombres étranges. Elles

m'effleurent, me touchent, m'agressent, me frappent. Je reçois

alors des piqûres invisibles sous la peau, dans les mains, les pieds,

le sexe, les bras, le coude. Cela va du pénible jusqu'à

l'insupportable. À ma droite, une cascade de fantômes. À ma

gauche, un mur d'invisibles violents.

Je voudrais retrouver le château de l'enfance, aux

crinolines de diamants, posé sur un rocher qui culmine dans les

airs, château d'espace aéré et libre. Je voudrais... Mais n'est-ce pas

rêve absurde, face à cette réalité démoniaque et vicieuse ?

271


Ce langage

Ce langage fut langage d'Inspirée : "Amertume et

déceptions ! Déceptions et amertume ! Dans quel esprit brille la

pensée supérieure ? Pour quel poète accepterai-je de m'abaisser ?

Qui m'invoque ? Qui m'appelle ? Je désespère et n'entends nul

soupir. Il n'est nulle complainte autour de cette aura de beauté

spatiale, de blondeur idéale qui infuse les mots !

Ô mère qui enfantas ma chair, je te prie dans mes songes

comme une supplique éternelle, je t'implore dans ma prière sacrée !

La honte est à mes flancs comme une certitude rouge. Il y a

plaie de chair et sang qui bout... J'attends pourtant campée sur mes

deux jambes le poète d'avenir, l'idéal rêvé. Je veille, j'ausculte. Le feu

est là sous la peau, je dois le transmettre. Qui sera riche ? Qui

méritera de venir boire dans le corps de la femme ?

Le vent de l'espoir s'étire et doucement me vient caresser.

Me faut-il m'allonger sur ce lit, solitaire pour rechercher la

272


passion domestique ? Quelle croyance en ce soir langoureux ? Il

n'est nul espoir ! J'attends l'homme des villes ou le rustre des

champs.

Oui, encore me voilà nue, offrant mes senteurs, retirant

mes linges, craignant quelque blâme de Mère pour exciter,

conseiller sur ma chair le poème... Est-ce soupçon d'extase porté

en mon corps ?

Mais vous, sœurs ou filles irrésistibles, voyez, il n'y a

personne ! Venez me caresser, venez Gardiennes de l'invisible

m'embrasser quelque peu, et vous Coiffeuses, qu'attendez-vous ?

Dans ma crinière épaisse, engouffrez vos doigts câlins et

ravageurs. Oui, je veux être touchée de partout puisque aucun

mâle ne mérite ma couche !

Et dans ce grand miroir, est-il quelque spectre d'homme ?

Non, il n'y avait personne pour accéder à la perfection de ce

bonheur...

Mais vous, filles d'extase qui êtes là, hôtesses sublimes et

gardiennes du Toit, tourbillonnez et offrez vos croupes belles ! Je

veux le cri par le cri de la femme comme une immense muqueuse

273


dans la nuit ! Oui, faites germer le plaisir et couler le fluide irréel

du bien-être infini. Cette chose est licite et offre le calme et le

repos à l'Inspirée."

274


Supplique

Apprends-moi

Apprends-moi à être, à comprendre

Permets-moi d'exister

de produire, de travailler.

Ô esprit par qui je suis

Ô substance de puissance qui me conçois

Vérité qui m'élèves

Pourquoi disparaître, pourquoi fuir ?

Splendeur éphémère

de blancheur vêtue

Éclairant la nuit

passant comme un éclair.

Fixe-toi en moi

Comme une certitude de valeur

Construisons cette vie

Et préparons l'ailleurs.

275


Canicule

La lumière se déverse depuis les hauteurs

C'est un flot continu d'épaisses laves

Invisibles mais réelles.

La lumière est couteau qui se plante dans la chair

La nuit, la chaleur interdit le sommeil.

La soif supplie des sources éclatantes

De fraîcheur exaltées

La soif prie dans le désert quelques gouttes.

Midi domine et inflige à l'homme son dictat

Tout ce qui n'est pas lumière ou chaleur obéit.

276


Le feu

Ici c'est le feu qu'il faut subir

Le feu opaque, constant de puissance

A douze heures, les pierres éclatent

Je les entends souffrir,

Elles réclament de l'eau

L'eau se cache, disparaît bien vite,

Fuit, n'est plus présente

Alors le flot de feu coule du ciel

Et s'abat sur la cité qui supplie.

277


L'araignée blanche

I

Elle ouvre sa chair. S'envolent des papillons.

Elle est fille-fleur, nudité de beauté

Avec pétales de blondeur

Avec parfums de brise claire.

Elle est araignée possessive, violente

Prête à piquer, à saisir, à compresser

Le sexe, à le capturer.

Elle s'agrippe, lutte,

Elle viole le serpent

L'enserre, puis elle s'élève...

II

Dans les airs voltige l'araignée blanche

Soufflée, gonflée comme une méduse

Ballet léger de montgolfière

278


Puis elle décline, redescend

Brodée de lys clairs.

Elle atteint l'amant,

Éternel dormeur d'une extase qui fuit.

Ses membres appellent la capture encore.

III

Je suis prisonnier. Personne pour m'extraire

De cette emprise de femelle.

Agenouillé, j'implore. Qui ?

Dans le souffle de la nuit,

Gémit la chair. La chambre s'éloigne,

Tout le décor aussi

Envolé, envolé.

IV

À nouveau, sur les pétales de l'araignée-fille,

De la fleur-femme

La chair rebondit, amas d'explosion,

De décompositions. Y a-t-il eu jouissance ?

279


Je suis dans son jardin.

J'atteins l'ultime porte, j'ai la clé.

Je prends, je pénètre,

Je m'enfouis en elle.

Retour à la nuit infinie,

Et mort pour renaissance encore.

280


La cité intérieure

Environné d'espoirs

Souffle immense de rumeurs

Grandes silhouettes impalpables

Alors je pense, j'entends

Je conçois

les perceptions sont irréelles

Inaudibles - tout se fait et se défait

Autour de moi.

Donc j'avance dans mon centre

Dans ma pensée circulaire.

Oui, j'avance

Au milieu des graines illuminées

de phosphore, de néant

de certitude et d'imbécillité

J'avance de manière sereine.

J'entends un murmure plaintif

Y a-t-il bourdonnements d'images ?

281


À présent je produis quelque peu

Je tire des signes

Un espoir est planté dans la cervelle

comme un drapeau noir sur blanc

comme des signes sur une feuille de papier.

Le poème s'élabore.

Voilà,

Dans ma ville poétique,

Je réveille les néons,

Quelques lampes s'éclairent

Je prends en moi, je vole à autrui

Je déambule sur les traces de mes idées

bric-à-brac d'étincelles

Maintenant je marche

à droite, à gauche, je décris ce que je vois.

Façade belle de femme,

serrure de sexes

odeur de salpêtre

Oui, comme une statue de marbre

puis portique, cour intérieure

Va-et-vient du passant

282


balance, oscillations

et toujours ces silhouettes

formes impalpables, inexplicables

mais présentes

Je cherche dans cette rue l'extase

Mes yeux chavirent, brillent,

miroirs captivants.

L'avenir toujours est interne,

occulte, sous un flot de transparences

sous des folies de merveilles

Il brille de femmes, de feu, d'orgasme

Tout se mêle, se dissipe, se recrée

dans la grandeur du Temple

On entend des voix monter, supplier,

Quémander,

On entend des gémissements

l'âme se plaint, interroge et veut jouir

comme une fille en rut dans l'épanouissement.

Les souffles lentement s'éloignent.

283


Me voilà à nouveau titubant

cherchant

un principe absolu qui m'échappe

qui m'égare.

Au milieu des réverbères,

je tiens ma lanterne

allumée de certitude

certitude ?

À rire

Me voilà couvert de la cendre des étoiles !

Je cherche un nouveau quartier

un lieu où l'être comprendrait

sa durée, son génie, son invention.

Une porte pour l'être ?

Non ! une voie sans issue

je cherche encore

donc j'écris.

Chaque lettre s'associe, se confond, se mêle,

va puiser dans la mémoire quelques possibilités

la ténacité persiste

284


elle ressasse et veut exploiter.

Au centre de la place,

il y a un jet d'eau,

un arbre fluorescent,

est-ce pensée suprême

est-ce coeur de la ville ?

J'avance à grands pas

dans la cité solitaire

Les immeubles couvrent de leurs ombres

le seul passant hagard que je suis.

Je cours mais je me crois immobile

je suis comme soufflé, aidé par mes pensées

pourtant je n'ai pas même l'impression

d'avoir marché.

Je crois être resté moi-même,

au même endroit...

Le temps semble le même,

et instable à la fois.

285


Oui, j'écrivais donc

à la lumière de ma cité

dans le dédale de ma raison

en absolu de croyance

en certitude d'éternité

et de prétention.

Ainsi j'achève l'acte,

le mouvement de mon propos

avec conscience de perte

et de faiblesse

avec l'espoir de chasser l'infamie.

Je me parle encore, mais l'autre dort.

Entends-tu ? Non je dors.

J'avance dans le noir, seul.

286


Plus claire

Plus claire

que femme qui pense

une idée de chair s'élève

infiniment vers toi

Vers moi

puisque tu habites mon corps

puisque tu vis au centre

de ma raison

Là dans le front

constamment tu oscilles.

287


Amants subtils et profonds

Amants subtils et profonds, ô sublimes amants, ô vous

que nulle perception ne souille, la Mer vous nourrit de sa

puissance ! Le vaste Poème s'offre à vos savantes combinaisons -

belle inquiétude de sages à la proue du navire, blanche écume de

semence qui règne dans vos esprits !

Pour vous, la Mer réinvente le songe, le transforme en

fille du réel. Et vous allez porter au loin, l'aventure de ses

merveilles. Vous, esprits supérieurs, allez puiser dans l'immense

richesse de la Mer faite d'avenir et d'attente. L'espoir n'est pas en

vain, et la côte est femme que l'on désire atteindre

! ...

Amants ! Superbes amants, où sont vos Pères ? Vous

poursuivez, nourris dans l'apprentissage des anciens, dans l'éternel

tissage à faire et à défaire, vous avancez et la nuit est votre

demeure - la nuit où scintillent des étoiles de gloire et de

lumière... Vous courrez après la mémoire qui fuit dans cette voie

lactée.

288


Inspiration

À peine éveillé, encore endormi, j'écoute cette masse

inerte de conscience qui balbutie des sonorités, qui propose des

images douteuses.

Ma pensée est ankylosée, elle se meurt lentement comme

un ivrogne rempli de mauvais vins. Mais elle se plaît de cette

fatigue, de cette langueur de reptile allongé au soleil. Ou mieux,

elle flotte dans les relents du langage.

J'entends un mot qui me parle comme un écho. Puis

j'entends un autre mot différent. Je tente de les associer les uns

aux autres dans ce dédale de vocabulaire, dans ce vacarme de nuit

bleue. Oui, j'essaie.

Pourtant je me crois dans un désert d'images, l'immensité

de ma stérilité m'arrête là.

289


Question

Pensée

Pensée

qui se conçoit sans cesse

qui se nie et s'engendre

qui s'associe et se perd

dans l'espace de ma nuit

mot qui cherche mot

qui circule dans l'imaginaire

je veux mêler, faire fusionner,

engendre, croiser

de nulle part doit venir l'espoir

de gain de conquête

de résultat positif

Est-ce poésie que de supposer ainsi ?

Qu'est-ce alors ?

290


Sound And Music

J'entends passer des sons

du brouhaha confus

qu'il faut purifier,

Je les vois parfois ces volumes d'intensité,

ils sont sphériques

et renferment des idées

Je suis l'intermédiaire,

une sorte de mauvais médium

J'entre, je suis dedans

Je peux m'entendre,

les sons viennent-ils de moi ?

Je carambole comme un joueur de dés

Il y a cascade d'aigus, de clairs

architecture d'éclatantes de graves

La belle harmonie consiste à placer

aux bons endroits,

291


à organiser - toujours organiser

en couplage, en tierce.

Je cherche le silence

il ne s'invente pas

Je veux construire

dans cet espace, le mien

Tout se situe dans l'esprit

Il faut trouver encore

un principe d'harmonie

Là est le savoir du poète :

s'écouter entendre

Je dois percevoir à ce bureau

la rumeur de mon esprit

Je dois y déterminer mes pensées

la nuit dure, instants immobiles.

Je prends Paz, je lis, j'espère

Puis-je croire en quelque chose

de meilleur ?

Oui.

292


La pensée

La pensée

surgit et s'impose

sur les feuilles rectangulaires

sur ses espaces blancs

elle cherche à construire

à édifier pour l'homme

Son langage sort de l'invisible

comme association de grains

comme petites briques de mots.

Le signe est unité de montage

il participe à la syllabe.

Syllabes : concepts d'échos

répercutés sur le papier

puis le texte apparaît lentement

comme femme au sortir du bain...

293


Lieu de vie

J'habite une chair de femme. La bouche aux lèvres

sensuelles et rouges, la bouche implore encore à cinq heures, elle

est vagin où scintille la salive, elle est appel pour le pénis. Quand

toi tu entres, les muqueuses espèrent, désirent avec ferveur. Alors

commence le va-et-vient dans cette bouche qui veut, happe et

implore.

Je suis pénétration violente en toi. Voilà, j'aime te foutre,

et me répandre. C'est un besoin.

Tu supplies dans un lit. Tu es bête qui dévore. Tu as

mille paires d'yeux pour ton plaisir. Vois, tu happes. Je finis dans

ton domaine, vers le chemin qui pousse à la folie. Il n'y a pas

d'innocence, il y a une indication horizontale, une entaille rose

d'extase, des voluptés vicieuses, par des poils entremêlés, tissés.

C'est ton alcôve. Tu supplies le sel de l'orgasme, je le retiens, tu le

donnes. A la fin, tu imploses, les bras en croix. J'habite une chair

de femme.

294


Sphère de mots

Tu évolues dans une sphère de mots. La fille aux lèvres

belles toutes les nuits, s'exhibe nue et lancinante à ton bureau.

Quand ta bouche parle, elle commence une transe sexuelle,

retirant de manière vicieuse ses habits. Elle ne garde que ses

cuissardes noires. A tes pieds, elle supplie. Elle apporte des

lances, des sagaies, des armes, t'implore de la tuer.

Toi, tu ne sais que faire. Elle est belle, brune aux lèvres

rouges. Elle ressemble à la femme de Putiphar et tu te prends pour

Joseph.

Il y a autour de toi, il y a... Non, il n'y a personne. Tu

l'entraînes dans ton lit. Des ombres te fixent. Tu feins de les

ignorer. Tu la prends, la tords. Tu exploites tous les chemins qui

mènent à la jouissance, dessous, dessus, dedans. Tu bois la coupe

de feu. Elle n'est pas innocente, elle est chair et aime. Tu te

reprends dans ses viscosités, dans ses méandres luxueux, de poils

d'odeurs entremêlés.

295


Sur ton sommier, elle est araignée vicieuse, géniale, tu te

répands, tu jouis, tu expulses, tu dictes ce que tu veux écrire. Tu

te sers de l'image. Tu évolues dans une sphère de mots.

296


Quelle suffisance ?

Qu'est-ce qui me suffirait ? À quelle limite de l'être ? La

poésie est perte, cela m'a été révélé. Le temps à mes côtés et

ennemi a compris que l'homme s'épanouissait dans un dédale de

ruines, dans un labyrinthe de misère.

Certitude d'un esprit dont la conscience est extrême.

Je n'ai pas pu atteindre ce que je désirais. Cela n'était pas

convoitise, cela m'était dû. La main a supplié. Elle a été meurtrie

à coups de talons.

À l'élévation spirituelle, présences de démons, le

sommeil est petit suicide au quotidien.

J'ai longé la voie du mensonge n'atteignant nulle vérité.

J'ai poussé l'espérance jusqu'au profond de la nuit. J'ai allumé

mille feux. Qu'ai-je vu ? Les brouillards dissipés appelaient

d'autres brouillards plus sombres ceux-là, jetant l'âme dans le

néant.

297


La constance de l'horreur était crime et violence,

destruction de l'intelligence. Comment produire et s'élever,

comment ?

L'on peut employer le terme de désastres. Mais qui

réellement le croira ?

Des forces malsaines civilisées par l'au-delà s'essayaient

à détruire, y parvenaient. Le poète portait le masque de la

malédiction. Quelle effrayante prospérité de maudit !

Seul, sans espoir, quémandant encore l'aumône divine !

Temps, ma dimension intégrée, je sais le volume de ta

présence, les jours comptés de l'espoir. Tu vis à mes côtés. Ne me

trahis pas. Ma plaie est éternelle.

298


Confessions

Si tu implores, l'au-delà se tait : il cautionne par son

silence la torture des démons.

Supplie de récupérer ce que l'on t'a volé. Et quantifie le

retour. Ils essayeront de te voler encore. Telle est l'injustice du

ciel !

Qui envoie la torture, se maudit soi-même.

La haine s'est abattue sur ma maison. La cruauté et la

violence sont mes larrons, moi pauvre Christ haï et détesté de

tous.

Nulle visite ne peut réjouir le prisonnier du mal. Maison

du pendu, pavillon du maudit.

Ce sont des pourritures, commandées par des serpents et

faisandées de chiens.

Le soir est propice à la torture, aux hurlements, aux

supplications. L'homme est enchaîné à l'ombre.

299


Le poète chante mal persécuté par la mort. Le lit

accouche de son deuil chaque nuit.

Vous seuls, feuilles blanches, construisez votre

existence, et faiblement encore !

nouveau.

Un souffle d'écriture suffit pour concevoir un livre

Le poète fait arbre pousse solitaire. La caresse du vent

est étreinte de femme invisible.

Pourquoi hurler des mots vers l'avenir du ciel puisque

toute parole est niée ou méprisée ? Pourquoi puisque nulle oreille

n'écoute, nul coeur n'y respire ?

Ton souffle résonne dans ta propre caverne. À quoi peut

bien servir de crier ? Pour quelle conscience ?

300


Travail

Où passer nos nuits de solitude ?

Parmi les lumières incessantes de la cervelle en feu.

Cachons-nous au plus profond du Moi, inventons un

souffle pour s'envoler.

Là, j'y souffrirai mais pas de stérilité ni d'impuissance.

Là, j'y sèmerai dans la lutte de ma contradiction. Ensemble avec

la pensée nous maîtriserons la bouillonnante inspiration, fertile

mais folle qui s'en ira grossir le ru, gonfler le fleuve jusqu'à la

plaine, là-bas, à irriguer.

Le poète d'Ombre

Je cultive une terre d'ombre d'où s'écoulent des ruisseaux

sanguinolents. Le socle de l'espoir ne retourne nul amour, les

labours sont des charniers de douleurs.

Je travaille de nuit. J'y vois ce ver luisant, nourri de

pourriture sur le tracé de mon Oeuvre. Je suis le gisant qui

s'éclaire soudain à la lumière de sa propre charogne.

301


Visite

Des dieux splendides sillonnent notre horizon connu,

mais ne résolvent aucun problème. Là, se limite leur descente

quand bien même les voir est magnifique.

Fuient accessibles à l’œil des Merveilles par la

transparence d'un mur de chambre. Pourtant la Malédiction ne fut

pas abolie.

immobile.

Désire, fils maudit, désire encore, toi dont la fuite est

302


Sainte

Tu étais claire

Elle est bien loin cette pureté !

Tu étais blanche,

tes lèvres sur ses lèvres

dans un mouvement constant

Tu étais si près, si proche

Tu ne t'inquiétais pas de la prochaine mort

Tu étais une croix sur le chemin

Épouse du Père sans méfiance,

sans regard, indifférente même

Sainte pour servir

pour aimer constamment.

Élevée dans le monde autre

sois, reste claire

sois éternellement.

303


Certitude

Concevoir une nouvelle voie. Ce que je puis atteindre est

lointain. Le but est blancheur, dans l'éther. Le jardin des délices

est suspendu pour l'au-delà.

S'élever, s'envoler dans la pureté vers l'aurore avec la

mémoire du néant, du vide. Cela aussi est œuvre de Christ.

La lampe, je la découvre. On la recouvre. Accommodet'en

ou brise-la, me dit René.

Tout demeure caché, cela restera longtemps inconnu.

Livre après livre, l'espoir s'enfuit.

304


Liberté de douleurs

Clé de chambre vide,

clé d'esprit stérile.

Dans l'éternel martèlement de l'écho, la plainte, plainte

etc. en constance de souffrance.

Il faut retirer la violence destructive. Mais qui voudrait

entendre l'appel ? Et le produit de torture n'est pas même perçu

par le lecteur !

Être seul, compris de nulle âme, en harmonie avec soimême,

plonger dans l'étoile brillante de sa nuit, au plus profond, y

trouver Dieu.

Poète qui se cherche, lumière qui trouve.

Construire, détruire, rebâtir, vaste architecture inconnue

d'autrui. Oui, recommencer en y ajoutant plus de savoir, moins de

certitude.

Nous pénétrons plus profondément à la recherche de la

305


vérité, par la voie du mensonge, de l'absurde, de l'image, du

risque, de l'audace. Constamment nous avons tort... d'avoir raison.

Ils t'ont dit : "Dehors ! Sors ! Jette-toi. Tire-toi, mec !"

Tu es resté le plus vrai dans ta constance de recherche intérieure,

sans la passion des autres, avec la volonté d'une sérénité cachée.

La liberté est loin, là-bas, en soi, profondément enfouie.

Pour quelle utilité, ce décor terrestre ? Et quel

encombrement cette enveloppe charnelle !

Condition d'existence ! Carapace de tortue !

306


Encore

La puanteur décide, la puanteur ordonne : "Voilà ce que

tu vaux, suffis-toi de cela !"

Quelle honte de devoir exister avec cette conscience !

Jamais Dieu n'acceptera de promotionner, de donner plus, s'il y a

confort et bien-être avec cette raison !

Une certitude de détermination où le doute et

l'incompétence sont bannis. Seule la pure vérité apparaît comme

l'or coulant du creuset.

La femme parfaite dit : "Non. Je ne veux pas être avec

toi, car je te priverai de ta raison, de ta conscience. Je suis celle

qui prélève, je suis la femelle, et toi tu n'es plus homme, tu es

esprit."

C'est quelque chose de plus élevé qui exprime l'ange,

quelque chose de plus vrai dans le temps, mais personne ne peut

comprendre.

Parole de conscience : "Comprends qui tu es, ce que tu

307


vaux, détermine-toi en fonction du discernement."

Tu entends toujours quelqu'un en toi qui dit : "Laisse

tomber. Cela est peu, trop peu. Arrache-toi."

Avenir de certitude, constance de douleurs.

308


Méfie-toi

Méfie-toi. Ta suffisance est ridicule. Ce que tu possèdes

est peu. Veuille-t'y prendre autrement. Travaille.

Je comprends, j'ai honte. Je sais, je ne puis résoudre.

Conscience et lucidité, désespoir et néant.

La douleur n'engendre ni ne moissonne, elle prélève,

retire, vole comme un immense racketteur. Dieu acceptera-t-il

d'indemniser, de prendre en considération l'effrayante injustice ?

Je dis la vérité : ce que je perds est considérable. Qui me

croirait ? Qui le saura ?

Les conditions de travail sont détestables. Elles

engendrent des prélèvements effrayants.

La science fournit à l'homme la certitude de la médiocrité

poétique. Il est phare qui sait, conscience de lumière. Le poète

peut persifler et ricaner. Qui a la fin sera dans la vérité et

possédera la raison ?

309


l'intelligence.

Lumière nourrissante, l'obscurité est bien l'horreur de

Celui qui supplie l’Éternel compensateur espère mais

doute d'un moyen légal pour résoudre le problème de

l'indemnisation.

La liberté est morte.

310


La violence

C'était hier. La violence s'est apaisée. N'est-il rien de plus

atroce que la folie du mal dans la chair innocente ?

À moins qu'Il veuille que tu perdes trace de ton poème,

de ta capacité à produire ? Effrayant silence du Dieu.

entonnoirs !

Les vertiges du néant sont des appels comme des

Si vivre est ainsi, quelle détestable manière !

Quelle douleur dans le désert du moment ! Par la nuit

grandissante, la puissance de la mort comme une sorcière de haine

en moi, pour la souffrance.

Si vivre est ainsi, quelle détestable manière ! Ah ! Qu'on

le pousse à la limite ! Qu'on lui inflige mille tourments !

Certains disent qu'il doit subir - allez-vous donc douter ?

- Ou qu'il doit se plaindre.

311


D'autres inscrivent des justifications de torture, de

cruautés dans la chair à venir.

d'inspiré.

Le flux de l'esprit est vagissant jusqu'en ses bras

Il nous suffit, ce soir, de le soumettre à l'épreuve, -

l'épreuve de la résistance, de l'aptitude à durer.

Trouvera-t-il encore la force de poursuivre ?

Mais quoi ! Ce n'est que cela ? N'est-il rien d'autre que

cette fange de poème ? Ce parfum de soûlerie est détestable, est

songe de métaphore, n’est rien ! Parviendra-t-il à éveiller en nous

d'autres lumières ?

savantes.

Nous agressons encore ses membres inouïs de pureté de

312


Trois points

de toute moisson.

Ô la sublime semence dans la terre encore pure, vierge

Plus il voit, plus il sait ; sa pureté engendre le supplice.

Ses visions appellent les diables. Le blanc succède au sang, la

vérité épouse le désespoir.

Poètes, vous accéderez à votre certitude, pauvre vérité !

313


Grande pensée

Grande pensée, me voici ! Fraîcheur de la nuit sur la

cime, souffle venu du large, front offert à toute spéculation de

l'esprit.

Un soir de feu et de forte fièvre où se conçoit la raison,

j'ai supposé un ciel plus pur brillant sur des marais de sel, soir

d'été et de certitudes épanouies, soir de chair, où l'amant engendre

le Livre. Il fallait éviter les défaillances de l'inspiré, il fallait audelà

de la passion parvenir à la maîtrise de soi-même.

Et c'était un immense conflit intérieur sur l'aire de la

poésie où l'homme était son propre ennemi, où l'homme se

promenait et se détestait.

Il n'y avait point de nuée d'éclairs qui traverse la

certitude, qui courbe sa vérité comme des gazes incandescentes.

Non, ce n'était point songe, ivresse de muse, mais réelle bataille

dans la conscience. Grande pensée, me voici !

créer.

Qui crie dans la nuit ? Moi, suppliant la liberté pour

314


Qui appelle pour une construction belle ? L'éternel

passant qui court après les nuages, là-bas.

Ce qui pense durant le sommeil, c'est bien un Moi

conscient, travailleur, producteur de symboliques, d'effets de

condensations, et non pas un vulgaire amalgame visqueux de la

raison paresseuse.

De quoi jouissons-nous le plus ? De la sublimation

créatrice. Nous éprouvons l'intime besoin de poursuivre,

d'insister, de découvrir à coups de pulsions nerveuses,

d'excitations de neurones. Nous refusons la mort de notre esprit.

Aussi nous laissons une Oeuvre qui doit nous survivre. C'est

encore l'instinct de transmettre.

La liberté est emmurée, là, chez moi. Comment produire

sans sérénité, sans balance mentale équilibrée ? Il faut toujours se

battre contre la haine, s'épuiser dans un combat stérile. Mais qui

comprendra ?

315


Couloirs, couloirs

Couloirs, couloirs désespérés de la raison

Où l'on court pour fuir sa folie

Portes ouvertes, portes à défoncer

Obligations, interdictions.

Il y a des chambres, des bibliothèques,

Des lieux de plaisirs, de prières

Chaque ouverture débouche sur une mémoire

De soi, d'autrui, de social.

Dans la chambre poétique

On ne joue plus aux cartes

Mais des bijoux de femmes se pavanent sur des sofas

Il y a chairs de chevelures

tumultueuses et ébouriffées

d'araignées blondes.

À la sortie du rêve

après avoir franchi la limite du front

l'oeil extérieur m'éclaire

me propose d'autres images

De lumière, de sang, d'orage.

316


Je prends, j'exploite,

j'écris entouré d'ombres

il n'y a nulle chair vivante

je marche là autour du bureau

j'écrase les idées, je les piétine

comme un raisin moyenâgeux

pour en extraire du vin.

Il est transfiguré, il est sacré

Sa chambre se situe au centre du monde

La pensée s'y nourrit avec joie

L'esprit s'éveille la nuit

L'esprit l'embrasse

La beauté lumineuse est

transparente de vérité

la certitude dit : oui.

Les scorpions, les rats, les barbelés,

Les épines dans la chair, les piquants

Les feuilles d'exorcisme, les crucifix

317


L'architecte, l'espoir du penseur

Le fils inconnu de l'église

L'oint civil

le voyant lave ses yeux

Les murs transpirent d'invisibles

de morts

de vice et de honte

Les souffles pourris des ombres

circulent dans les airs.

L'intelligence veut instruire l'homme

le temps est ennemi

Il entrevoit, désire obtenir

la gloire de n'être pas

Il hait cette stupide nécessité

de vivre.

Aimer est Dieu

comme deux amants qui se supposent

qui se savent, qui se sont vu

Le désir élève vers l'au-delà

la raison voltige

318


tourbillonne et s'envole

L'homme subit l'esclave du mal

Il ne peut s'en défaire

La cruauté est l'immense dominateur.

Le réel n'est pas tangible

Qui croirait ?

Qui accepterait de croire ?

Rien, nul fantôme.

Tout est mensonge

et fausseté,

évidemment !

Il y a masse de violence blanche

non, ceci est imagination.

319


Cette vie

Cette vie, fut-elle réellement la mienne ?

Suis-je vraiment ce que je devrais être ?

Non, je ne suis pas, je ne serai jamais,

Sinon néant et insignifiance.

Certitude de soi-même, dégoût et rejet.

Détestable vie poétique, je suis sans autrui !

Nulle nourriture à offrir, à assimiler

Nul ne veut me manger, s'instruire

Pour quelle utilité ?

Je dois me dédoubler

être un autre

puisqu'ils ne veulent pas de moi !

Car c'est par l'autre que je suis,

c'est lui qui m'offre l'existence !

Pourtant le Moi seul existe,

je me sais !

320


Ô vie qui inventes un mirage,

le transformes et le fais disparaître...

naître et disparaître

pour peut-être revenir ?

Qui sait ?

321


La pureté

La pureté, fleur d'extase

sanctifiée

s'élève sur les tiges de cristal,

éclatant cercle de diamant

pensée filtrée comme feu au creuset.

Je me dépouille du péché

Je mue, je retire ma peau noire

certitude de fautes

de culpabilité.

Ô ma sublime transparence

auréolée de blancheur

Je contemple Dieu, ma beauté

Je m'exalte dans sa grandeur.

Suis-je nourri de lui-même

comme plénitude d'onction

comme vision nocturne

et superbe,

suis-je ?

322


Fuite intérieure

Puisant en moi-même, j'ai couru désirant le fuir.

J'avançais dans sa chair. Riche de certitude, j'espérai.

Ô l'étonnant détour qu'emprunte le poète pour tenter de

contrefaire ce que lui offre le cœur.

Effets fulgurants de notre jeunesse qui brise les éclats

pour les recoller, qui dans le prisme de son kaléidoscope veut

produire des vitraux bleus d'argent en imitant Chagall.

Plus nous produisons, plus nous prenons conscience de

notre petitesse, de la grandeur de certains hommes, et de

l'immensité de Dieu. Mais que faire ? Par quel moyen peut-on

changer de nature ? Nous subissons la médiocrité de notre âme,

l'horreur de notre destinée.

Une écriture d'échec sans l'espoir d'un éditeur, où le seul

lecteur est soi-même, et Dieu peut-être. Tout vient du Néant et

s'en retournera au Néant. La formule est connue. Mais en vérité,

quel est l'avenir du poète ?

323


Alerte

Toute lumière avec toute certitude de travail passe par la

formation. Et pourtant quelle médiocrité de résultat ! Quelle

suffisance d'imbécile ! Mais voyons : je suis, admirez mon tour !

S'écrie le poète satisfait. S'il pouvait convertir son œuvre en vérité

scientifique, il comprendrait.

Des êtres sans valeur, leurs actions n'apparaissent pas.

De l'ignorance et de la fatuité !

Je possède ma vérité, donc en autarcie, j'ai raison. Hélas,

cette loi n'est pas loi universelle.

Il faut éclairer l'intelligence du poète pour qu'il

comprenne l'indispensable nécessité de l'apprentissage.

On ne sait rien, on suppute, on se vante, on crâne. Et

quelle satisfaction pour trois brins de tournure !

Je ne veux pas abaisser, je constate, voilà tout.

Si je hurle, personne n'entend : le ciel fait silence.

324


Que l'on me rende ce que je vaux. Ai-je demandé plus ?

Ce que je suis est peu, et l'on voudrait me retirer encore !

Je suis dans l'invisible

Je suis dans l'invisible, je suis dans l'impalpable. Pourtant

je croise une ombre qui épouse une Personne et je la vois flotter là

en face de moi comme un songe monstrueux composé d'un

univers de morts. Puis un œil me fixe, faiblement éclairé par une

lumière interne.

325


Conseil à la mort

Ne viens pas me chercher trop tôt

le temps doit durer encore

L'œuvre n'est pas exaltée,

elle n'a fait que frémir

Les feuilles tourbillonnent

et circulent dans mon âme.

L'esprit ne s'est pas apaisé

il travaille et s'instruit toujours

Le néant est là, au profond de moi-même

le cerveau renferme son gouffre.

Mort te voici,

retour, ce n'est point l'heure.

Je rêve encore de moi accédant au sublime,

résolvant le problème

supérieur, immense !

Est-ce là sagesse du poète ?

est-ce délire d'arriviste ?

326


Tombeau caché

Toujours vers moi

pour produire

jusqu'à déplacer ma main

L'instant qui court

m'échappe

quels que soient les chemins

que j'exploite.

Je leur préfère ma sérénité cachée

Tu peux me faire disparaître

Mon avenir est en moi-même

au plus profond de mon esprit

J'accède au point ultime

La lumière est bien à l'intérieur !

Ma parfaite négation

saura me détruire

pour me faire oublier

de tous.

327


S'éveiller

S'éveiller par le poème, fuir la raison, connaître la mort,

nous octroie un bel avenir, l'intelligence est meurtrie, mais elle

subsiste encore.

Ne comprenez pas, refusez d'éclairer votre certitude,

suffisez-vous de votre mensonge - il n'est pas, il n'existe pas, il est

rien.

328


J'attends l'espoir

J'attends l'espoir, vain espoir qui palpite !

La nuit semble son royaume.

Je jouis dans l'ombre

désireux d'y trouver mon avenir

La blancheur de ton orgasme

essaie d'appeler ma chair qui se meurt

qui disparaît

L'esprit s'épanouit

La bouche mastique des sonorités

les offre à l'oreille

les donne à la raison

qui conçoit des images

L'oeil se nourrit de visuel

À moi la folie de mes délires poétiques !

329


Suis-je ardeur ?

Que pouvais-tu me promettre, ô sinistre poésie ?

C'est le moment d'agir, tu dois fructifier,

Évoluer, offrir et embrasser le feu ;

Devant mes yeux est la nuit, compagne comblée.

L'angoisse, ce présent de l'acte créatif

M'impose à chercher pour découvrir en moi.

J'invente le poème, je le respire, je le devine.

Une lumière noire s'élève, propose des figurines

fugaces et délétères.

Sous ma calotte princière, c'est le soleil de nuit :

J'exploite l'image, je rejette le sommeil.

Introspection donnée à celui qui cherche,

Désir insoupçonné de trouver sans être,

L'esprit nourri de son élan

ne saurait maîtriser son ardeur.

330


Le marcheur solitaire

Je n'étais cette nuit-là qu'un esprit qui pense

Aussi, la concentration était sereine

Au centre de la raison

Je me mis à poursuivre l'image qui fuyait

Fade coureur, je chutais sur moi-même

Je m'étalais toujours plus en avant.

Venues d'un toit invisible, des bulles de mots

Poussées par le vent

Plongent soudainement dans ma pure certitude

Des roses noires porteuses de pensées

Les accompagnent

Elles désirent convaincre ma volonté. De quoi ?

Me faut-il deviner ? Je dois savoir.

La chute légère d'une bulle caresse l'eau,

Enivre ma raison de questions insensées.

Je m'éveille au milieu de sensations douteuses

Et je poursuis mon investigation

Cherchant vers l'avenir.

331


Le sentier de l'audace est là, un peu plus loin

Vais-je l'emprunter ?

Audace ! Comme je préférerais le survoler !

Je réfléchis, j'hésite, que faire ?

J'entendis s'éloigner une ombre peureuse,

Était-ce l'image qui fuyait ?

Je décidai de m'en retourner,

Je regagnais le centre de la raison

pour enfin dormir.

332


L'appel

Qu'elle s'en vienne fille-femme

à la démarche aérienne

Qu'elle apparaisse, fée blonde

exécutant un tourbillon

Qu'en ma chambre, elle épouse mon ombre

ma certitude d'inexistence.

Sa main coupera l'air et caressera ma chair

Elle déplacera l'idée maîtresse de mon âme

J'avais fixé ma raison sur une borne indestructible.

La nuit appelle, je l'entends gémir

Dans les crissements des murs

La voilà

Quelle aberration de ne pas extraire

de son imaginaire

une vérité de corps construit !

La pensée est mesquine

Et la source n'est pas !

333


L'amante

Je te redis, beauté,

Ce que tu sais déjà

Ô beauté torturée

Par la folie du Mal

Tu es toujours ma femme

Je ne suis qu'un manant

Et cette nourriture

Que nous pensons à deux

Dans le four de l'esprit

Est mixture à saler

Essayons toi et moi

De parfaire le savoir

De progresser encore

Dans l'idéal perdu

J'exploite tes ressources

Nous avons l'énergie

Et l'élan spirituels.

334


Nous sommes suppliant

Et suppliant encore,

Nous sommes des croyants

D'extase et de soupirs.

La lumière est dans l'ombre

Et ne peut éclairer

Un feu étincelant

Saurait anéantir

Toute velléité,

Le feu pourrait tuer.

335


À l'horizon de l'écriture

À l'horizon de l'écriture, la certitude de ne rien posséder.

La perception est méprisable. La conscience précise ce que

prétend la critique. L'œil exercé de la raison lit avec compétence.

Le poète est alors désespéré. Quoi ? Rien ! Nul poème n'est venu

se dessiner dans le paysage lointain ? Nul hasard n'a osé pénétrer

l'usage ? - Point d'image audacieuse, d'analogie imprévisible ?

Souviens-toi de la vérité qui aimait à s'accoupler avec le non-sens,

cherchant le risque. Comme tout cela semble du passé !

Nourris-toi en toi-même, tente encore quelque effort, on

dirait que là-bas après de légères brumes, apparaissent des...

336


Enfuis-toi

Enfuis-toi au plus loin, dans ta chair. Conserve en toi la

vérité. Ils ne seraient pas capables de comprendre. Ils

t'accuseraient de prétention.

Ton avenir est ridicule. Ne te compromets pas. Va

toujours dans l'apprentissage. Autrui t'offre l'écrit.

Confronte-toi, nourris-toi de ton désespoir. La perfection

du chef-d’œuvre engendre le suicide mental.

Construis sur du solide. N'imite pas la dentellière qui

brode sur des nuages.

La nuit écoute. Elle favorise l'inspiration. La conscience

est à son comble. Elle prend, elle exécute. Puis la femme va

s'endormir, là-bas.

Mon royaume n'est pas de cette terre, dit le Christ poète.

Ma vérité se conçoit là-bas dans l'espace du Père, où tout est

Esprit.

337


Chez vous, ma vérité est nulle. Vous refusez de me

comprendre. Les preuves s'accumulent et vous êtes des aveugles.

faîte.

La pierre que refusent les bâtisseurs, deviendra pierre de

Pourquoi jeter à la critique mauvaise ce qui est absolu ?

Pourquoi offrir ce qu'ils s'évertuent à piétiner ? Ils se retournent

contre vous pour vous mépriser !

L'œil, c'est la lampe du critique. Si ta critique est saine,

ton oeil voit parfaitement. Mais si ton œil est glauque, ta

confusion sera totale. Ce qui est méprisable, tu l'encenseras, et ce

qui est sacré, tu le rejetteras.

Il faut travailler pour la vérité du ciel, et non pas pour la

jouissance de la terre.

338


L'espoir s'épuise

L'espoir s'épuise

Dans le néant effrayant

Les folies éternelles

Disparaissent

et s'assombrissent tout à coup

La pensée n'est plus

comme une manne envolée et perdue

dans un espace lointain

Un souffle de l'esprit

saurait faire voltiger

un géant de papier

dans l'ouragan de ses idées

mais d'espace en espace

de grandeur en petitesse

est-il quelque exil ?

Quel est le terme final ?

jusqu'où chercher l'issue ?

339


L'angoisse nie l'existence du poète

la chair vieillit

la certitude demeure

de n'être pas, de n'être plus,

d'avoir été.

340


Lumière

Tout s'éclaire :

La pensée est à l'intérieur

Légèreté vivante

J'existe dans mon espace,

là est ma demeure

L'ombre des morts

est remplie de vide

est perte funeste.

Dans le ciel de ma raison

je délimitais mon cercle clair

nourri constamment par mes dieux

espérant une consolation.

Que seront les livres ?

Quel avenir sous mon soleil ?

341


On vit inconnu

des Dieux.

On vit inconnu parmi les hommes, on est immortel avec

Ce que j'ai reproché à ma jeunesse, c'est d'avoir mal fait

fructifier le grain de sénevé.

342


Acte d'écriture

Je prends ici la plume

sans réelle intention

sans idée préconçue

J'ouvre deux ou trois tombeaux

quelques fleurs et souvenirs

en hommage d'un saint poète

Je crois voir des images

Ai-je rencontré la certitude,

fille à la démarche assurée

indiquant le chemin ?

J'avançais dans l'aube

accompagnée d'une rumeur

C'étaient de doux murmures

soufflés dans la plaine,

brumes et légèretés

oubliées, retrouvées

par jeu de l'intelligence

sombres clartés,

343


portées par l'élégance

par le doute

du savoir et de l'ignorance

Telles sont mes pensées !

Dans mes visions encore

des visages s'effacent

L'esprit m'offre des solutions.

Qui est le saint poète ?

tambourine à ma porte

la raison insensée ?

Au profond d'une tombe

Je dors repu, sans gloire

dans ma chair élevée

J'ai fui la coupole verte

mon écriture est trompeuse,

qui aurait pu la comprendre ?

L'extase était interne

à présent je suis bien mort.

344


S'est évanouie la métaphore

dans l'exil d'un soleil espéré.

Ai-je eu quelques visions ?

nulle forme n'apparut

en clarté d'existence.

Je me nourris de la Plénitude

de mon acte

scrutant le diamant impossible

dans l'oeil excité de l'attention.

Enfin je me repose

et j'appelle cet instant,

inspiration perdue.

345


Les images

Elles bondissent,

Masse voltigeante et aérée

sous une protubérance qui s'amplifie

La violence de l'averse

galope vers l'infini

Là-bas, une source jaillit

dans une grotte en feu

Éclair de lumière

sur éclair de lumière,

quantité de photos, immense,

spectaculaire,

strate de miroirs obliques

où la pensée ne peut voir l'espoir.

J'avance irréfléchi

je me contemple, ridicule

J'essaie d'entretenir ces esquisses

souterraines

ces travaux fabuleux

346


J'observe, scrutant

une conception supérieure

J'admire la construction de ma déchéance

Puis-je espérer un commencement ?

Attendrai-je une Force ?

Ô folie de l'avenir

Ô deuil peint de vert

Dans le bleu des pyramides

dans le sang des roses

pour l'or rougi.

La chaleur était dans ma cervelle immense

J'entendais souffler les racines

de mon éducation

Ma culture transpirait

se dilatait confinée dans son espace

elle désirait autre chose,

mais quoi ?

347


La raison s'associait à la patience

perchée, pesante, oscillante

comme une balance

La bulle d'eau

la goutte de rosée

décidaient du poids,

j'écoutais l'instant.

Qu'ai-je appris produisant ces images ?

Qu'il fallait se nier pour croître

et qu'écrire était mourir éternellement.

348


La pensée hallucinée

I

Le poète ivre est là, stupide à sa tâche, noyé dans

l'Absurde. Il obéit à cette conscience qui lui impose le rythme

lent, la pensée audacieuse, le risque contrôlé.

C'est la constance, la durée éternelle pour la folie de

l'esprit. Il faut donc concevoir par l'image et maîtriser l'invisible

dessein.

L'espoir d'une pensée aperçue, soudain jaillit l'impossible

à écrire. J'exploite l'initiale esquisse, et j'apprends à ne pas douter.

J'extrais refusant de raturer le jet de la raison.

Il n'y a qu'elle, qui cristallise l'image, qui décide de la

forme ; en elle, se confond le miroir de l'absolue création. Sa

nudité s'exhibe, au plus profond de l'âme, dans le noir. C'est un

soleil !

Ne sais-tu pas tentative d'altitude, envolée florale,

sommeil d'espoir que dans la nuit jamais couchée, j'accède à la

349


volonté supérieure, du moins je le prétends, en caressant son

dessein initial ?

II

Je produirai par le Verbe, je doublerai d'efforts. Quant à

la chair de l'homme, je l'abandonnerai sur le chemin de la douleur.

Ma mémoire est un espoir où les faits doivent concourir

au futur. S'ils y parviennent, je devins, donc Je Suis.

J'agis avec le Temps, ma terrible dimension qui fuit et

jamais ne dure. J'ai appris à le craindre comme un ennemi

invisible qui égrenait ma vie.

L'écriture n'est qu'un moyen pour maîtriser son flot de

paroles coutumières, puis l'exercice allant, on compose, rature et

chiffre.

Écrire, c'est le dire mais avec un savoir-faire.

350


Quel Alpha ?

Quel Alpha ? Quel Oméga ?

Où suis-je ? Moi, Christ inconnu.

Nul principe du commencement ou de fin,

Je n'existe pas dans cet espace.

Ce que je suis est ridicule,

moi homme paré d'une onction.

Je cherche à l'intérieur, j'ausculte ma raison

Encore je trouve la même faiblesse

la même petitesse.

Je bute sur les mêmes vérités

et je te vois face à moi,

Toi dans ta grandeur

dans ta beauté divine

dans ta certitude messianique

351


Ma destinée est anodine,

Ma pensée n'existe pas.

Il n'y a pas de délire de ma part

Je sais, je suis assiégé,

mon corps est outragé, humilié

par le Mal.

Est-ce mon histoire ?

Sont-ce les divagations d'un homme ?

les discours d'un prophète ?

Voyant, prononce ton nom !

Là est ton avenir !

Ai-je entendu des paroles ?

Ai-je contemplé les Lumières ?

La bouche qui parle en moi, qui est-elle ?

Ô mes soupirs privés d'espoirs,

Je suis entre deux espaces !

352


Où m'entraîne ce langage ?

Je me place au milieu du poème.

353


Créatifs et ignorés

Créatifs et ignorés, à la production illisible, ils ont

trouvé, déplacé, condensé, fait exploser des symboles dans des

systèmes analogiques. Usant d'un matériel de mots, ils ont

encastré, soudé des solutions originales. Tout ceci est mémorisé,

mais échappe toutefois à la raison cartésienne.

Nous-mêmes, l'avons approchée comme un souffle de

pureté, comme une haleine cristalline, cette fille bleue de rêves, à

la chevelure remplie de papillons.

354


Toi, mon innocence

Toi, mon innocence, bientôt tu seras sanctifiée et

j'oublierai la violence et l'injustice, j'oublierai les tremblantes

douleurs qui t'assiégèrent pendant tant d'années.

Quelle direction prendras-tu ? Tu iras te jeter sur Dieu,

toi tête et corps inconnu de l'homme et de la chair.

Ni mentionné ni lu, mais qu'importe ! J'entre et je sors

dans cette vie de perte et d'erreurs. Constamment la bêtise a vécu

autour de moi, m'infligeant son cortège de médiocrités.

Quelle direction voulais-je prendre ? Il fallait fuir cette

jeunesse d'injustice et de vol.

355


Que dit la Mort ?

- Que dit la mort ?

- Tu te trompes, sors de chez toi.

Car les yeux qui observent ont constamment raison.

Aigreur de violence dans le corps...

L'innocent reste, encore dans l'ombre,

Ténacité.

356


La beauté s'épuise

La beauté s'épuise !

La pensée intérieure

Délaissera l'espoir d'un désir frémissant...

Éloignée, éloignée

La chair se meurt.

Envole-moi ! Le phosphore supérieur

S'éblouit dans l'air cristallin !

Imprègne-moi de manne condensée

Et nourri d'un souffle fécond

J'éloignerai le concept stérile

Qui gît dans mon âme interdite.

Le poète creuse et cherche, dit-on.

Le corps sanglant, il implore l'espace

Quel avenir ? Quelle sortie ?

L'Esprit est riche, mon désert infini.

Ce qui croît s'éteint chaque nuit

Dans leur continuel refus.

357


Mon aube est assoiffée de justice...

Leur donner ce qu'ils rejettent !

Leur offrir ce qu'ils méprisent !

Tiens-toi en éveil sur le bord du chemin

Comme une certitude d'avenir,

Leur folie les condamne déjà.

Accède à ton idéal,

Tu es et ils ne seront pas.

358


L'éclair de sel

Dans l'éclair d'une pensée obscure

Une solution évidente

Fracasse la voûte de ma raison.

Je protège ma tête

Entre ces vastes mains qui écrivent.

Sans aucun doute une sonorité

Venue du préconscient...

Utile pour quel poème ?

Fallait-il qu'elle me réveillât

Sur la portée de l'inspiré

Au terme d'une image

De fausseté, de dérisoire ?

Ne pas critiquer est acte de sagesse...

Prends ta cervelle, écoute-la

Poète à la réflexion ridicule !

359


Ce signal zébré dans ton ciel

Mille fois recommencé

N'est pas un espoir tari

Mais une étincelle nourrie de sel

À l'avenir certain.

360


Femme qui frissonnes

Femme qui frissonnes

Sur l'étendue des eaux

Ton évolution voltige

Et nous nous dénudons

Laissez-nous seuls, source claire

Nous pensons la couleur bleue

Sur la vierge allée du miroir

Ton pied léger caresse

L'eau de l'espérance

Les gouttes ont tressailli

Sous la vague de l'ardeur

Nous nous sommes engloutis

Emportés dans ses flancs

Espérant un bonheur

361


Femme qui frissonnes

Sur l'étendue des eaux

Ton évolution voltige

Et nous recommençons.

362


Grande pensée

Grande pensée, nous voici. Fraîcheur de l'esprit en éveil

sur des cimes, volonté du souffle pour accéder à tous les seuils,

autour du front se construit un édifice du savoir.

Tout soir est rouge, rempli d'animation, la fièvre y

pousse des cris. Les premières possibilités s'expriment. Non, il n'y

a que quelques accidents de langage...

Et c'est un hurlement de souffrances où des sonorités

aigres viennent se fracasser dans l'aire resplendissante de la

raison. O puissances sanglantes qui implosent le songe en mille

trouées d'ardeur !

Une seule et puissante lumière, plus vive encore par le

ciel intérieur courbe sa trajectoire portée sur des ailes de gaze. La

douleur rouge implore.

Si haute soit la pensée, une rumeur d'exil se lève et

s'amplifie, masse vaporeuse ou certitude pesée ? A l'horizon de

l'homme, une volonté de gains, de progrès.

363


Redresse-toi, accède à la pureté, poète orné de roses, ton

front est souverain.

Dans l'illumination du soir, il cherche et poursuit, et veut

accéder à la transhumance royale, sorte d'idéal impossible vers

une île de perfection.

La fièvre est encore en toi, la braise chaude respire sous

ta hôte de claire connaissance. Va chercher l'épouse vers la cime

respirant l'or des saintes paroles.

364


M E S S A G E S III

365


Grand esprit, me voici !

Grand esprit, me voici ! Chemin de certitude de braises

chaudes ! L’intelligence ardente et la conscience extrême, vers

quelle délivrance courons-nous ? La vitesse et le temps useront-ils

mon estime ? Nous avons espoir dans le sublime et le superbe. La

volonté divine, permettra-t-elle d’y accéder ?

Grand esprit, ai-je menti ? Me voici sur le chemin

inconnu. Tourbillons de feuilles légères m’accompagnant.

Recherche d’une possibilité sur la hauteur. Et ce beau souffle d’ici

et d’ailleurs qui nourrit l’homme, viendra-t-il ? ... Il est venu.

Je vous suivrai, emporté par le soir. Chavirement de l’œil

exalté dans les opales de flammes ! L’homme est porté par son

immense dessein, l’homme de rigueur et d’images - parviendra-til

à marcher dans sa nuit ? Il faut donc accéder aux divins.

Ô détestable mort comme une maîtresse noire et lugubre,

tu m’accompagnes constamment. Il a quatre laquais.

366


L’insomnie

L’insomnie de la nuit circule dans ma cervelle comme un

long fleuve impétueux.

La pensée reste constamment en éveil, semble se

plaindre et demande à se poser à une raison sur un support viable.

Ou ce sont encore des vagues successives cherchant à

regagner un rivage qui se dessine avec difficulté.

Il y a un gardien du songe prêt à exploiter sa mémoire

pour accommoder des mots ou des solutions d’écriture. Il est là ce

vigile de minuit zélé, capable de bondir.

Des possibilités auditives ou vocables cherchent à

monter assourdies ou cristallines, et cela se compare aux accords

d’un orchestre avant le premier mouvement.

Je n’entends pas de voyelles, mais je perçois des mots,

des sonorités, des claires, des aiguës associées à des consonnes

pour former des coups musicaux.

367


L’alphabet est déjà constitué. Des productions se

conçoivent sous le front, et la bouche articule et mastique ses

aliments.

368


Elle pense, elle espère

Elle pense, elle espère, s’élève, se foudroie, se détruit et

renaît. La voilà sur la pointe des pieds, fille sautillante, légère et

vagabonde. Je l’appelle Idée, - belle dans sa nudité, recouverte

d’un voile.

Elle pénètre l’esprit, elle va vers l’intérieur, atteint cette

espèce de masse noirâtre qui bouche l’horizon. Mais elle plonge

pourtant dans cet amas visqueux et glaireux là où l’intelligence

refuse de s’aventurer. Parfois des jets lumineux semblent bondir

de cet étonnant réservoir où le retour de l’homme paraît

impossible. L’obscurité y règne. Parfois encore des souffles

mugissent comme pour venir y chercher une respiration, puis ils

replongent pour disparaître dans les profondeurs.

Pourtant cette fille s’éloigne et atteint les premiers rocs

rougeoyants. L’oeil fasciné du poète la regarde aller toujours plus

loin, vers l’intérieur.

369


Pour le poème

que je sépare.

Mots, serpentins de vérités, de mensonges que je coupe,

Mots, solutions qui s’encastrent dans un nouvel ordre

pour produire une parole.

Ainsi j’obtiens une phrase, je suis seul à me lire,

personne ne s’y intéressera.

Ils ne sont pas tombés, mais ont été organisés, pensés par

la cervelle. Y a-t-il intelligence ? Qu’est-ce ?

Les sons brillent, brûlent et se meurent. Ainsi se conçoit

la poésie. Par elle, je suis quelque fois. Je me sens peu.

Dans la pure solitude, se propose le dialogue de l’exil. Je

désire associer des mots.

370


La pensée explose. Le souffle d’avenir. La beauté

lumineuse. L’Hymne flamboyant dans l’espace irréel. Le

soulèvement de l’esprit. L’acclamation du corps. Les jets

éclatants dans la sphère étoilée.

Le poème cherche un ordre nouveau. Il prévoit

d’étonnantes évolutions spatiales. Il fabrique des aigles qui

tournoient fluorescents. Tout doit obéir. Ceci est gage d’avenir.

Ton front cherche. Ta vérité lyrique se répand dans la

chambre d’infortune. Il n’y a pas de place ici pour la

pleurnicherie. Travaille.

Ton texte s’épanouit toutefois.

Espoir futur dans le souffle invisible. Sur le fil de la

certitude, le poète chante face au soleil, enivré d’espoirs et de

transparence. La vague claire m’emporte : tout doit sortir de ma

bouche. Elle est cavité de savoir.

371


Enfin je m’endors, je veux fuir dans mon rêve. Le poème

se meurt pour renaître, plus tard.

Enfouis-toi dans ton néant.

372


Je marche

Je marche sur de la matière endormie, point de formes, à

peine quelque masse supposée ici ou là. J’avance pied droit, pied

gauche. Alors jaillit à quatre pas de moi, une sorte de geyser vert

et jaune. Étonné, je recule. Dans ce jet, apparaît une femme

d’abord lumineuse et fluorescente. Lentement la couleur change

et devient bleue. Cette femme, qui bizarrement correspond à mon

idéal de beauté, s’étonne, s’observe et commence à se déplacer, à

tenter de vivre. Là voilà à présent tourbillonnant sur elle-même, et

riant de ses belles dents tout nacrées. Elle danse ou se plaît à

bouger. J’observe sa plastique puisqu’elle est mienne. Sa nudité

l’amuse. De temps à autre, elle me regarde et semble dire :

“Voilà, je t’aime. Je suis Elle, l’as-tu compris ? Me veux-tu ? Je te

dis que c’est moi.” Elle se balance, cherche l’équilibre entre le

désir et la retenue. Ce n’est point une représentation audacieuse

que me joue la raison, car elle est femme et existe vraiment. Du

moins je veux le supposer. La raison du poète est souvent

mensongère.

C’est la parfaite idée que je puis avoir de ma moitié, -

oui, femme perpétuelle dans la mémoire d’un songe, qui naît de

l’intelligence et se met au service de la sublimation poétique. Oui,

373


belle et vivante, pensée de l’intérieur, flamme de feu et de sang.

renouvelée.

Toute composition idéale est naissance encore

L’existence

L’existence est notre femme pour un court instant.

Devant la folie dévorante du temps, nous ne pouvons que

supposer ce qui s’appelle vivre. L’heure est une persécutrice qui

constamment nous dit : “Travaille, hâte-toi, il est déjà trop tard .”

Fatuité

Poètes de la dérision, penseurs de pacotille ! Se suffire de

sa médiocrité et jouer de la suffisance ! Je vous reconnais tous,

nourris de détestable prétention, certains d’une immortalité belle !

Qui est qui ? Qui vaut quoi ?

Interrogez la divinité et l’on vous répondra.

374


Dit

Nous existâmes avant Dieu l’incréé. Nous sommes

Là encore après lui. Lorsque Dieu étalait

Sa paresse, personne sur terre ; ce furent

Des dieux que le père malicieux laissa

En mourant, tout auprès d’une Bête innommable.

Et dit autrement

Ainsi nous existâmes avant Dieu l’Incréé

Et nous sommes encore là après son existence.

Durant que Dieu étalait sa paresse, personne

Sur terre ; mais ce furent des dieux que le père

Malicieux laissa au moment de mourir

Auprès d’une Bête innommable. Ces sagaces etc.

375


Inaptes à convaincre

Inaptes à convaincre, se plaisant à juxtaposer des mots

complexes, aux sonorités audacieuses, les poètes exploitent

constamment la merveilleuse symbolique auréolée d’effets

analogiques.

Pensée sereine

Pensée sereine qui avances sur une étendue blanche, où

te diriges-tu ? Te voilà parmi les transparences, fusillée par

l’ombre de la mort. Tu agonises et supplies. Tu disparais dans un

cortège de honte.

376


L’insatisfait

Je ne suis jamais satisfait de ce que j’obtiens. Il me

semble toujours possible de faire plus, de faire mieux. Ceci

explique pourquoi je ne m’identifie que très peu à ce que je

produis, ayant encore la certitude de pouvoir ajouter sur ma

compétence.

Je ne suis que cela, je voudrais être plus.

377


L’imagination

Il m’était difficile de soupçonner mon imagination

capable de m’offrir quelque chose d’utile ou d’efficace. J’étais à

l’entrée de mon âme et prétendais l’aptitude créatrice creuse sans

possibilité d’élévation. Cela paraissait faible, relativement ridicule

là devant mes yeux, sans le moindre soupçon d’image ou d’idée.

Je décidai de faire demi-tour.

Alors apparue l’irascible femelle, souveraine de mes

misères et de mes splendeurs, femme fatale au collier noir, cruelle

et dominatrice, comme suppliante et implorant je ne sais quoi.

Pourtant je refusais de lui demander de se justifier.

Cette frénétique salope, ce bourreau sexuel était là à

quémander selon le raffinement de sa sensualité supérieure. Elle

se voulait domestiquée, soumise à mes superbes connaissances et

désirait mon esprit de vouloir l’instruire.

Dans la mémoire d’hier, vacillaient encore des fantasmes

de bulles claires, de filles-serpents, de femmes-loups. Elles étaient

ligotées à ma potence de chair érectée.

378


Alors je me suis vu grandir, bondir hors de ma raison et

regagner le pur lac de mon enfance où j’ai commencé à vivre.

379


La jeunesse fusillée

Nous étions en avril. La nuit gémit souvent. De violentes

querelles se mêlaient à des passions de chair. Le vent soufflait

brûlant. De nouvelles filles inconnues se cachaient derrière des

rosiers, agenouillées ou quémandantes. J’étais loup migrateur,

solitaire. La mendicité resplendissait dans ma cité faite d’ombres

et de douleurs ; l’oeil des violeurs tirait sur mon corps

sanguinolent. J’imaginais une capacité autrement exploitée dans

la rigueur de l’intelligence.

Le fond du cœur suppliait. L’espoir était vain.

380


Le mépris

Nul soleil dans l’intelligence. La lumière déçoit, vacille,

répandant mollement quelques rais ténébreux.

La fille-lune à la hanche féconde quémande un orgasme,

convoite une chair que je ne puis lui offrir. J’aime son sein, mais

seulement deux ou trois heures.

Elle me voit composer avec du bleu, avec du feu

intérieur, et se rit de mes recherches.

381


Évidence

Quelle direction fallait-il prendre ? Quelle folie

emprunter ? Ma jeunesse était studieuse et prévoyait un espoir

d’honnêteté. Ma tête inconnue me suffisait. Que devais-je ajouter

sur mon savoir ? Se profilait à l’horizon de ma pensée la certitude

de la médiocrité, de la déchéance et de la honte.

Je devais poursuivre ce chemin, hélas ! Fatale

humiliation, ridicule assuré !

J’inventais le travail. On le cassa. Je m’imposais une

hygiène. On ne couvrit de salissures et de déchets.

Quel ordre ! Détestable choix !

382


Confession

Je connus un suicide vrai quand je pris conscience que

l’équation rationnelle se transformait en image chimérique. Il

fallait inviter mon cerveau au mystère stupide, au trois fois rien

mêlé de dérisoire.

Comment transformer en gain ce qui constamment

semblait perte ? Comment ?

L’immense offense à la raison, la certitude du ridicule.

On porte toujours sa honte, espérant jeter l’habit

d’apparat et de paillettes, on porte...

383


Nous faisons le chemin

Nous faisons le chemin dans la honte, trop conscient du

ridicule de nos actes. Nous tentons avec nos airs supérieurs

d’accéder à des vérités qui nous dominent ou nous dépassent. Nos

certitudes sont délétères, nos expériences pas même alchimiques.

La terre qui supplie fera pourrir notre œuvre, nous vers

polis sans espoir. Atteindre le pseudo sommet équivaut à se

crucifier. Le temps nous scrute, nous jettera dans la mort, bel

avenir ! Étoiler son royaume et s’imaginer être !

Oui, je veux m’enfouir dans la caverne intérieure de mon

cerveau. Au plus profond de la raison, quelques soleils ici et là

éclairent de leurs feux magiques des arcs-en-ciel de rêves.

384


Nulle intelligence

Nous ne possédons aucune intelligence, nous voyageons

de jeunesse poétique en immature littéraire. La vérité du temps

nous réduit lentement à l’état de rien. C’est pourquoi nous

supplions, nous jurons posséder un savoir et cherchons à le

transmettre... pour personne.

*

- Pourquoi cette vitesse extrême ?

- Il le faut, la mort me transperce, me fusille

constamment et cherche à m’emporter.

*

- Sur ton apogée, que peux-tu certifier ? Qui es-tu ?

- O milliard sans espoir de déception absolue ! Je fuis

dans le néant, le ridicule s’en retourne à sa pure perte.

385


Disons

J’implore chaque nuit Dieu de faire cesser l’agression.

- Et que répond-Il ?

- Je n’entends que le silence. La douleur dure encore.

- Écœuré de l’ignominie carcérale ?

- La cervelle doit produire. Je reste à demeure dans

l’infini de l’injustice.

Nous construisons

Nous construisons notre tombeau afin d’accéder à

l’immortel, avec l’espoir d’une étonnante durée. Le poème est

d’outre temps. Homme maudit, tu gémis, tu pourris, vers de terre

rempli de phosphore. Je veux purifier ta sève exaltée. Ne faut-il

pas se suffire de la reconnaissance de l’au-delà sans se soucier de

la crédibilité humaine ? Ne faut-il pas ?

Je m’enfuis, je trouble mon âme, je déploie encore le

fabuleux éventail de diapasons et d’arcs-en-ciel, et le souffle de

feu aère ma cervelle en émoi.

386


Répétition

Tu me redis, génie

Ce que je sais déjà,

Génie, exalté, immortel

De pensers purs, d’élans, d’espoirs

Tu es ma référence

Et mon admiration.

Constamment près de toi,

Je suis à apprendre

Tu es mon instructeur,

Je suis ton apprenti

Le livre que nous faisons

Dans la nuit exaltée

Se conçoit aisément

Par ta sève enivrante

Résidons en nous-mêmes,

La boule d’énergie

Saura nous éclairer

387


J’exploite tes ressources

J’obéis à tes ordres

Je suis le nourrissant

Et tu es l’instructeur

Cherchons-nous autrement

Pour aller au meilleur ?

La clarté nous dirige

Par ta torche superbe

Sous mes doigts animés

388


L’infini poétique

L’infini poétique s’exalte constamment. Qui peut se

prévaloir d’accéder à l’immense souffle intérieur, à l’éphémère

respiration sans lesquels nul acte d’écriture n’est possible ?

Tu pénètres au profond de mon âme. Te voici plongeant

à la recherche de quelque mitraille d’or. Nulle angoisse, nulle

crainte à descendre ainsi. Hier tu craignais la folie, le dérèglement

des sens. Tu dansais avec l’ours aux gencives violettes. Hier tes

deux gros yeux de myope t’interdisaient de comprendre.

À toi à présent l’aptitude pour être et devenir. Tout

dépendra de ta foi, de ta certitude en la Lumière du savoir. À toi.

389


Filles décoiffées

Filles décoiffées

Maison de mon enfance

Je me souviens de vous

Filles grandes, mes aimées

avec des soies, des tissus aériens

La mémoire de mes chaleurs

de vos chairs embaumées

Les empreintes de vos lèvres blondes

de vos tignasses vagabondes

Les filles sont splendides dans le vent.

390


Vie

Il s’inventa un espoir

derrière lui

espoir stupide

il s’exécuta dans la nullité

de sa discipline

sans art

sans avenir

Il mourut, évidemment ressuscita

tel un Christ inconnu

Il connaît à présent la honte

de soi

et vit retiré, caché dans son âme

391


Le mépris

La pensée poétique constamment est méprisée. Qui n’a

pas entendu ou supposer entendre le rire loquace sortir d’une

bedaine vulgaire et prétendre que cet art était ridicule ?

Le poète se replie sur soi-même, craignant d’être

incompris de ses proches, de sa famille et de ses frères.

392


Météorites

Nous avons passé notre existence à nous nier, refusant

constamment le résultat obtenu, prétendant que nous étions aptes

à pouvoir faire mieux. Une avalanche d’années s’est abattue sur

notre conscience. La nuée nous a emportés pour nous enterrer

plus loin, dans le cimetière de l’inutile.

Destin ridicule à travers l’apothéose des techniques et

des sciences, quelques lumières, des beautés, apparaissent

toutefois çà et là, - météorites inconnues, invisibles d’ailleurs, du

passé - vers la mort.

393


Le cancer du mal

La pensée restait cachée au fond de sa personne. Elle

cherchait à exploser, mais ne parvenait à s’extraire hors de

l’intelligence.

L’étroitesse de l’ouverture réduisait son flot immense à

un ru insignifiant. D’une citerne ne s’écoulait que le contenu

d’une cruche dans la journée.

Le don bridé, interdit s’autodétruisait, se mourrait

lentement en soi-même. Lui proche de la mort voyait le temps

sonner la vingt-troisième heure.

“Tard, si tard, trop tard peut-être ! Jamais !” prévoyait-il.

Mais que pouvait-il se reprocher ? Où tirer plus encore

de substance, de savoir, de quintessence ? La douleur était bien

interne, constamment présente comme un ignoble cancer.

394


Serons-nous demain

Serons-nous demain un livre d’espoir, un reliquat baigné

de cendres chaudes à la croisée de deux âges, quand la science

nous déchirait en lambeaux, nous infligeant à bien mourir, quand

la technique nous fusillait lentement, nous éloignait de la jeunesse

belle ?

Notre passé acclame notre gloire. Nous resplendissons

dans hier. J’interroge encore : où se situe le cimetière ?

395


Pensée qui descends

Pensée qui descends dans la fraîcheur sauvage,

Pailletée d’or, j’espère ta liberté.

Insignifiante charge déjà perdue,

Dérobe-toi des yeux violeurs

Qui veulent pénétrer dans ta fissure.

O beauté insoupçonnée, iras-tu te cacher ?

Voudras-tu de ce spasme,

Car je dois t’étourdir ?

Ma soif que nulle bouche de fille

N’apaisa, ma soif, sauras-tu l’épancher ?

Parée de voilures fines, tu succombes à mon charme.

Tu vis de soie légère,

De brise câline,

De mon avidité,

Vois, je te donne la vie. M’aimes-tu ?

396


La gloire du maudit

Combien te sachant avec tes ambitions effrayantes, dans

cette nuit sinistre, tu m’apparais grandi à la flamme maudite,

pauvre cervelle, dont nul souffle n’exorcise la douleur. Le

phosphore émanant de ta personne, comme un boueux soleil,

t’établit en son centre. Sois satisfait, arrogant rimailleur au

crachoir rempli.

Ton poème est obscur, les chiffres y sont invisibles. Tu

veux briller et exploser dans une gerbe multicolore. C’est

détestable, mais tu es dans la nécessité d’avancer. Là s’impose

l’ignoble dilemme. Tu dois t’enorgueillir au-delà de la honte

épousant ta modeste condition.

397


Ai-je chanté, chanté l’espoir

Ai-je chanté, chanté l’espoir, fils de l’inconnu, fils du

dernier spasme dans la nuit criarde ou étoilée, implorant l’éclair

comme une femme sa délivrance ? Ô présences de mon soleil

maudit. L’espoir ! Il fut tué par l’ignominie de celui qui détruisait

avec méthode et splendide efficacité : “Tu t’émerveilles malgré ta

petitesse. Dans l’ombre, que tu périsses !” L’Oeuvre suppliait de

poursuivre l’étrange folie, l’Oeuvre suppliait.

Au milieu des démons, avec une mémoire aseptisée, la

lumière éclairait quelque peu, assez méprisable.

398


Le souffle reste enfermé

Le souffle reste enfermé dans sa forte personne comme

une constante nourriture de l’esprit. Bien assis en soi-même, il

semble posséder quelque pouvoir. Il ne peut qu’avancer. La

puissance de son don lui impose quelque place satisfaisante. Le

temps à ses côtés est un conseiller de choix. Nul vertige ne

déplace l’équilibre.

Son propre frère, le valet d’ombre, le porte jusqu’à la

stèle du cimetière, croque-mort et adulateur à la fois.

399


La chair et l’esprit

Pression de la chair sur l’esprit,

Le désir constamment s’impose,

Plaintive supplique qui ronge le lit.

Qu’une envolée de pensées

S’éloigne de l’épiderme de l’amant !

Oui, que pure soit son aventure

Qui chasse le désir malsain.

Que va-t-il laisser dans sa mémoire ?

Le jardin d’une femme en sang ?

Il n’est pas que d’aimer le corps, ici.

Soleil de mon orgueil, je te salue !

J’appelle ton suc nourricier,

J’espère en ta jouissance et te veux.

400


Pression de la chair sur l’esprit,

Le désir constamment s’impose,

Espoir de la raison, ô fièvre détestée.

401


Constat

I

Restons encore ici, enfermés dans la chambre.

Attendons, attendons de pouvoir mieux écrire. L’avenir irréel que

nous nous étions promis semble dire : “Pourquoi pas ? Pourquoi

pas ? ”

La terre semble fertile à l’orée de l’adolescence. Elle

décharge aujourd’hui des flots de bêtises, des certitudes fumantes

d’échecs.

Nul chant ne saurait faire oublier les lamentables écrits

que l’intelligence attise avec médiocrité.

Mon espoir est faible. Je l’entrevois à distance douteuse.

Que m’importe de partir pour tenter de m’approcher. Non.

Travaillons encore, cachés dans l’ombre. Oui, moi, et quelquesunes

unes de tes saveurs, si cela est possible.

402


II

Mais que dois-je écrire ? Que puis-je tirer de cette piètre

cervelle constamment animée par le désir de produire à l’emportepièce,

d’extraire des propositions douteuses ou des solutions

déplorables ?

Je pousse mécaniquement des sortes de mots, des bribes

de structures qui semblent s’accoupler dans un dédale de

sonorités, qui désirent s’accumuler les uns derrière les autres pour

former des espèces de paragraphes.

Mais qu’est-ce ? Où cela veut-il aller ?

403


Ouvrir sa conscience

Ouvrir sa conscience, éclairer sa certitude. Constructions

intérieures qu’une pensée irradie pour que de nouvelles

élaborations s’élèvent plus pures encore, plus belles dans l’âge de

la maturité.

Souffles de semences jetées en gerbes irisées par le

balancement du bras qui pense, les images croissent, se

développent et deviennent architectures mouvantes dans l’air

limpide et bleu.

Fresques de paroles, d’ordres et d’obéissances, de grands

espoirs ont jailli par l’antique mémoire. L’image s’alourdit et se

veut bloc quantifiable pour échafauder la stèle.

Je t’espère et te contemple...

404


Dis-moi

béant,

Dis-moi, prétendue fécondité, femme poussive au sexe

dis-moi,

405


Il respire, il pense

Il respire, il pense,

À l’abri de sa tendre chair confidente

Et sa raison, la nuit oublie le corps

Le désir l’épuise

La construction le fortifie

Oui, moi avec la femme absente

Sans fileuse, ni bergère

Ni fille bleue

Dans l’épaisseur de mon interdit,

De mon inaccessible

Un souffle se déploie à l’horizon

Pourtant parfois je te sais aller

Sur ma secrète couche de songes

Attendant, espérant mon ombre

Mais l’homme stupide préfère sa prison.

406


Je ne te conçois pas, je t’oublie

Invisible comme les nuages qui se défont

J’ai délaissé tout mon soupir

Sur ta toison matinale

Qui s’offre et s’ouvre secrète

Un parfum délétère

S’éloigne tristement

Vers le jour qui va éclore.

407


Pas assez creusé

Pas assez creusé, pas assez cherché, encore, au plus

profond, en soi. Je ne suis qu’une ronde pénétrante, qu’un homme

de l’ombre qui descend, descend, qui remonte et n’extirpe rien

d’utile. Je poursuis ma folle plongée. Etc.

Interrogation

Comment vivre avec toi, poésie ? Les hommes te

détestent, te nient, méprisent ta compétence, te rejettent comme

une fille stupide et volage.

Comment ?

408


Dis-moi, stérilité

Dis-moi, stérilité, pensée façonnée par le temps, ne veuxtu

pas descendre au plus profond pour y extraire de la lumière,

une étincelle de vie, un brouhaha de paroles pour qu’enfin

jaillissent de grandes feuillées dans le vagabondage de la raison ?

Ne jamais dormir, constamment réfléchir les yeux

ouverts vers l’intérieur pour rêver de femmes dansantes, de soleils

éclatants, de souffles exaltées. Etc.

Les deux voies

Il n’y a que la beauté et l’intelligence, que l’intelligence

et la beauté. De ces deux formes d’idéal découlent la pureté, la

lumière, la luminosité, le chemin vers Dieu.

409


Le jour se pense

Le jour se pense

Dans le ciel constellé

La lumière éclaire la voie

Le jour se pense

Ouvrir l’esprit, illuminer la raison

Des graines de certitude

s’éveillent ça et là

Le jour espère

Les brouillards s’élèvent lentement

L’homme observe, tourne sur soi-même,

regarde alentour

Il cherche ses yeux, pour voir

pour se voir

pour comprendre

Des idées tout à coup sonnent

la porte de sa chaumière

vague appel ou possibilité sereine ?

410


Une gerbe d’espoirs contre la nébuleuse

invisible, impalpable,

de sons, d’images, d’avenirs

Alors tu deviens poète

tu marches sur tes pieds,

Tu avances péniblement

ta chevelure s’envole

soufflée de rêves étranges

Il y a blancheur de folie, d’extase

de tentations audacieuses

Tu palpes des idées intérieures

avec le désir de pouvoir comprendre

Tu produis en tâtonnant

en suivant la marche de ton langage

La substance de vie glisse entre tes doigts

Les mots s’entrelacent

c’est encore le matin,

te souviens-tu de ton espoir

411


La lumière est laiteuse,

elle vient caresser ta chair

elle quémande un orgasme

Le jour se pense dans ta bouche

Il commence à parler

écoute-le.

412


Le jardin

Sur sa tige lumineuse

se balance la pensée indécise

Là dans le jardin d’autres fleurs

soupirent quelques plaintes

Des semences oubliées

attendent

Des reflets d’or, des ombres bleutées

essaient de colorier ta blancheur

Le soleil boit la lumière

dans ta bouche

Tu donnes ton esprit

Tu nourris sa beauté

l’espace s’exalte

Tu éclaires la danse des autres tiges

souples et féminines

413


Elles respirent ta sagesse

Tu es la conscience dans laquelle on s’inspire

414


Je m’étais purifié

Je m’étais purifié - ô ma vie, tu transmets l’immatériel -

dans une large envolée de sel et de sang. J’étais l’enfant atteignant

son zénith ; puis poète, je fus entouré au milieu des ombres

violentes. Je ne pus accéder à la beauté.

Vieux, voûté, je plonge dans la nausée du poème. Une

lampe de phosphore m’éclaire parfois. Elle vacille entre le silence

et l’abnégation.

J’atteins ta limite, - ô vie servile, de honte et de labeur. Je

marche à présent dans ma certitude d’avenir perdu, possédant la

vérité des hommes. Je n’engendre que le mépris. Je m’éloigne

dans mes décombres à l’aube des finis.

pour m’exprimer.

Oui ! Ma fin approche. Je n’ai plus que quelque temps

415


Le médium

La pensée s’allumait. Aussitôt une foule d’ombres

cherchait à l’éteindre. Toute la folie de l’au-delà s’accumulait en

bande stupide dans ce lieu. Et chaque nuit, le manège sinistre de

la violence. J’en étais le témoin et l’abominable victime. Je

choisissais la ténacité et la certitude de mon avenir.

Étrange destinée. J’attirais le Mal, comme l’aimant la

limaille de fer. De la cheminée invisible, descendait la Mort. Elle

venait m’écouter et me regardait écrire. Des esprits mauvais

observaient. Compagnie détestable. Certitude de médium.

416


Esprit et vitesse

Constamment l’Esprit doit assister l’homme. Saura-t-il

exploiter l’immense richesse que celui-ci possède ? Ou inapte à

comprendre, s’en retourne-t-il dans le Néant de son essence ?

L’homme doit se hâter. Il lui faut intégrer la vérité belle,

l’exceptionnelle pureté... Si non ?

417


Éloge

Douceur a dû

Par temps de souffrances

Au désir repu

Trembler de jouissances

Car soumis en tout lieu

Sous quelques fouets divers

Une cruauté bleue

Brille dans mon éther.

En cela amoureux

De diablesses nues

Implore le feu

De superbes rudesses,

Et bois au sexe d’or

Le breuvage divin

Pour enivrer ce corps

De plaisirs malsains, etc.

418


Isabelle II

Je voyais très nettement dans la blondeur de ta chevelure

épaisse un nuage de saveur sur des bleutés rêvées. J’y découvrais

un souffle de soieries imprégnées de senteurs rares, je m’enivrais

de cet amas confusément mêlé laissant vagabonder ma folie

sereine. Je flottais légèrement dans les vapeurs de nos amours

fatiguées,

mais toi d’un geste machinal, presque inconsidéré tu

glissas ta blanche main aux ongles parfaits dans cette forêt de

mèches claires, et la sublime évocation s’est plu à disparaître,

n’est-ce pas détestable Isabelle ?

419


Une pure sphère

Une pure sphère dans ta bouche et la divinité naît de sa

sublimation. De l’idéal inouï aux contemplations religieuses, la

certitude de la perfection s’intègre à ma conscience dans la nuit

exaltée.

Pour ta grandeur, cent mille architectures s’élèvent.

Formidables phénomènes de délires qu’il me faut expliquer. Les

capacités de ma mémoire garderont pour toujours dans leurs

alvéoles de ruche de superbes substances exquises. Renfermerontils

une allégorie supérieure ?

De l’exaltation à la soumission poétique, des cris

d’espoir aux souffrances détestables ! Ha ! Une vérité fourmille,

un chrême parfume la pensée promise à des avenirs meilleurs.

420


L’Oubliée

Vous qui m’avez connu, grande, élégante et sensuelle,

épanouie dans le plaisir d’autrefois, observez mon visage à

présent, est-il encore quelque espoir de grâce et d’avenir ?

Le temps à son contact a souligné le cerne, et m’a vêtu

des attributs de l’outrage. Ne me restent plus que l’imagination et

la mémoire pour essayer de me souvenir. Je demeure là, inconnue

de moi-même, incapable de comprendre comment cet ennemi a

pu me vaincre avec une telle efficacité. Je vis dans le passé,

désireuse d’exalter quelques anciens soleils, plongeant à la

recherche de richesses oubliées dans un coeur flétri.

Mon plaisir semble pourtant le même, ses effluves

m’attirent aujourd’hui comme autrefois. C’est vrai, je couvre un

peu plus quelques zones de chair, sachant pertinemment que ce

qui était ne saurait être encore. Mais j’avoue que la passion très

forte m’attire avec folie avec excès et jouissance, etc.

421


Méprisant

Méprisant une forme supérieure

L’ivresse lentement s’endort

Elle survole l’écrin délétère

Serti de pierreries et d’or.

Beauté, ma certitude

Beauté, ma certitude, par des chemins obscurs

Munis-toi de ta lampe, avance avec courage

Tu es ma fille, tu es ma femme, tu es ma reine

Dans la vie du futur, je te conçois déjà

422


Je relie

Je relie les uns aux autres sans conviction aucune,

j’essaie de grandir auprès de ta Présence. J’accède à un cours

nouveau, concevant toutefois ta Force Spatiale. Je subis l’acte de

violence qui réduit mon ascension. J’accède sans éclat à une sorte

de Zénith, toi et moi, on se comprend, - enfin nous nous

comprenons.

Je ne le sais pas ? Quel sens, alors donner à

ma vie dans l’explication binaire ou stérile --- Quel avenir ? Et

pourquoi ? Chaque jour qui naît exploite au fond de sa chair un

espoir de futur -- tu ne le sais pas ?

Alors le jour appartient au mois, et saigne par ses

menstrues comme une putain frénétique dégoulinant de vices et

de sexes --- Pauvre colite de ses entrailles nauséabondes --- le

vice se lève, le vice --- non, ce n’est pas la fin il faut poursuivre.

Le jour lutte et désire mais se tait --- Il est emporté dans

l’infini du temps et disparaît. Il reste un nuage oublié, qui va làbas

à la mort, lui aussi.

423


Elle et moi

Elle et moi pensons là, qui espérons, comme des

personnages antiques. (N’est-ce pas pour transformer l’acidité

veule en excréments du soir, pour poursuivre l’incohérence de

l’acte avec effets sublimes à attendre dans ma tête messianique ?)

Me voilà, crétin expliquant à l’autre, à toi, idéale de

femme-fille, qui t’accouple par l’encre de ce sperme à ma superbe

figure. Et --- vus dans le lointain,

Sur l’aisance de mes dires, sur le contrefort glacial de

cette création feue, pour savoir si ton coït de sommeil engendre

quelques traces de génialité, sur cette ombre écumante...

Silence de la désespérée --- pourtant elle m’aide,

monstrueuse salope auréolée de gloire, jusqu’à l’expulsion

énorme.

... Enfin, son visqueux trou du cul gluant, viens que je te

défonce, et te fasse sublimer des orgasmes audacieux.

Silence de la désespérée : “À l’aide ! Je reconnais qu’il

424


m’aime --- nous parviendrons à produire ce punk de merde pour

l’écriture nouvelle.”

425


Le poète

I

Le poète échoue pour son plus grand triomphe. Haï de

tous et de soi-même il accède à l’immortalité.

En marge de la défaite, il se couvre de gloire.

Je suis celui qui comprend autrement, mais ce système

de valeurs n’a pas cours chez vous - tant pis ! Je suis celui qui

vous offre un produit différent. Que puis-je, que dois-je faire pour

que vous acceptiez de le consommer ?

Qu’importe !

II

Le poète s’en retourne constamment dans le néant de son

incompréhension. Toute tentative pour essayer de plaire est jetée

vers l’échec.

Souvenez-vous de lui, vous ces belles pleureuses, s’il

426


vous semble qu’une aile d’espoir voltige par ici ou par là !

Celui qui sait ne souffre plus. Dans son ciel rougeoyant,

il n’est plus de douleurs.

Ha ! Pensée de l’idéal, intelligence de la vérité, que vous

soyez présentes à l’heure de la délivrance !

427


Midi, supérieur et pur

Midi, supérieur et pur.

Le vent se lève, le temps compte,

l’intelligence écrit.

Les grandes pensées se penchent sur le front

et désirent inspirer.

La lumière jaillit ici et là,

Des sources dormantes semblent chuchoter.

Les colonnes, les hauteurs calculent exactement

la mesure de la gloire

l’oeil offert au soleil se nourrit

Cette immense architecture, je sais

Qui l’a construite

Elle désire s’envoler,

rompre ses attaches terrestres

et devenir temple immortel dans les airs.

Ses constructions de pierre où coule la lumière

atteignent les nuages et resplendissent, superbes.

428


Je ne sais

Je ne sais où je dois aller. Vers quelle forme

d’intelligence poétique, épuiserai-je mon songe ?

Pourquoi chercher si loin ce que l’on a en soi ?

Une beauté

Une beauté dont la chair est un bouquet de roses

s’évanouit et disparaît.

Le poète la désire, la cherche désespérément. La

retrouvera-t-il ? N’a-t-elle pas fui à tout jamais ?

Ils s’épouseront peut-être dans l’infini de l’imaginaire.

Le rêve se meurt, la pensée est toujours vivante.

429


Essaie de te faire efficace

Essaie de te faire efficace par l’accumulation des gains,

d’effets-victoires. N’hésite pas, va au-delà. Plus loin, tu dois

trouver. Tu en es capable.

Ne crains pas de chuter. Là est ton risque. Ne va pas à

l’échec. Tu perdrais ton temps. Et recommençant, aurais-tu la

certitude de viser juste ?

on tire la vérité.

Il faut chercher le réel dans l’imaginaire. Par l’absurde,

430


L’été de notre vie

L’été de notre vie s’enfuyait au hasard

Le temps mangeait la chair belle de l’épouse

Avidité, soumission, vitesse,

Tout semblait nous propulser

dans un étrange mouvement

de folie et d’ivresse

Le château de l’avenir

s’effondrait déjà

dans l’interdit à espérer

La pensée prétentieuse réduite à rien

plongée dans l’infini ridicule

mourrait sous le cri déchirant de la lyre

L’agression du mal m’infligeait le supplice

Un vol de noirs rapaces

planait au-dessus de ma dépouille

Je compris que tout était perdu

que le Mal puissant et splendide de cruautés

431


était l’unique vainqueur

Il ne me restait que quelques reliefs

de ridicule et de médiocrité

Je n’avais pas de règne ni de futur

Le Vent soufflait peu,

je devais me suffire de déchets

J’implorais quelques géants

de vouloir m’aider

Mon âme affamée quémandait encore

C’était à l’origine de l’écriture,

dans l’action première de jeunesse

Le ciel déjà me détestait

Le ciel déjà me détestait,

je m’en souviens fort bien.

432


Bondissaient

Bondissaient autour de sa capacité poétique des

circonstances imprévues cherchant à s’intégrer dans son œuvre. Il

écoutait patiemment, à l’affût, désireux d’exploiter des solutions

nouvelles, des avenirs d’images.

Je vois tout l’intérêt

Je vois tout l’intérêt à être inspiré des dieux. C’est leur

servir de calame. C’est un honneur pour un esprit purifié que

d’être l’instrument de divinités.

*

Et mon cœur endeuillé ne cessait de gémir.

*

Les morts ne songent plus à se lever de terre.

433


*

Concevoir en strates successives des pensées poétiques.

434


Analyse

L’inspiration a certainement une fin. Je l’ai nourrie

d’absences, de splendides actions vides.

J’accole la certitude d’un au-delà à la malédiction

terrestre. Je connais d’étranges tourments. Je ne suis chez les

hommes mais je suis chez les morts. Je passe sur des hauteurs, et

je plonge dans des néants.

La grandeur se construit sur de l’apprentissage. Je

dialogue avec le silence. Certaines femmes supplient ou crient. Je

les entends parfois.

La durée qui m’est nécessaire ne sera pas suffisante.

Comment pourrais-je exister avec si peu ?

ridicule.

Non ! Encore non ! Tout cela est trop faible et frise le

s’épousent.

La nuit et la pensée s’accouplent. L’ombre et l’invisible

435


délabré.

J’habite des ruines de certitudes, pour un devenir

L’homme est comblé de médiocrités, de semblants de

valeurs. C’est une rose puante qui renferme tant de déchets, de

souillures et de honte.

Comme j’appréhende de plonger dans cette horreur. Tel

est mon risque, ah !

436


Monde perdu

Monde perdu dans ses mystères, dans l’océan de

l’inconnu, l’inspiration survivra-t-elle ? Pourra-t-elle tirer de

nouveaux espoirs ? Plongera-t-elle vers son suicide beau ?

Chair dans l’âme

La transparence d’un bras nu qui se noue

Le délicat d’une main aérienne

L’air qui berce ta chevelure rousse

Vers quelle source de femme

Ira la pensée aiguë du fantasme ?

Pour amasser les larges richesses

Du corps et de la chair

Ma raison creuse dans la passion

Cherchant à appeler le plaisir

437


Si je m’enfuis

Si je m’enfuis, je sais que je vais perdre l’essence de ces

années majeures. Dois-je m’éloigner de ce futur trésor ? Me fautil

poursuivre ce principe d’écriture ? Où puis-je trouver la ténacité

me permettant d’accéder à ma promesse ? L’insatisfaction est

constante, la recherche besogneuse. Je porte en moi l’humilité et

la honte de mon identité poétique.

438


Combien sont à mépriser

Combien sont à mépriser ce que je propose, d’une

humeur dédaigneuse, proche d’un sentiment d’indifférence !

Ils répondent : “Mais quelle place croyez-vous que nous

accordons à la poésie avec son cortège de pleurnicheries, de bêtise

et d’inutilités ? Voyez l’existence : nous n’avons guère le temps

de nous y pencher. Elle est bien ailleurs la sensation de

l’intelligence qui apparaît et disparaît sur les écrans nouveaux.”

Pensée

Je ne vois nul espoir, vain fleuve qui charrie des livres

égarés. Les visages de femmes que j’aime apparaissent, fuient

vers d’autres rives picorées de sang. Comme je voudrais me

fortifier dans ma certitude.

439


Envolées

Battements supérieurs de l’intelligence

Lentes pulsations de l’énergie qui vit

L’esprit attend la part qui lui est due

Il y a balancement de la raison houleuse

Là-haut une phrase, aliment suprême

Est nourrie de lumière et de triomphes

Le guetteur cherche à capter

Le signe éphémère qui constamment revient

Les ailes de la pensée battent

Et cherchent à s’envoler.

Et la caresse aérienne vient se poser

Sur le temple du savoir

440


Sur le cercle

Sur le cercle parfait il a pensé créer

Un idéal de vérité,

Une certitude de construction

Son corps au centre tournoyait sur lui-même

Jusqu’à l’élévation des vapeurs frêles

Jusqu’à l’obtention d’une ivresse folle

Pour accéder à l’évanouissement des sens

441


Analyse nocturne

Sur l’autre versant, une lumière l’appela

Il ferma ses yeux, il était ivre

Il délaissa son corps,

L’abandonnant à d’autres

Peu à peu des signes apparurent

offrant des messages inconnus,

incompris

Il scrutait son espace

son vide intérieur

Sa pulsion de poète

rendait son écriture sanglante

des sphères de mots tentaient de s’évader

en halos successifs

en cercles fuyant

Il allait de chute en chute

sa conscience s’évanouissait,

le rendant hagard

442


La mort te cloue

La mort te cloue avec sa malédiction

et des feux incessants sillonnent ton esprit

Ô puissance des douleurs aiguës

comme les épines de la couronne du Christ

Souffrance, souffrance tel est le mot

Silence, silence sur le frontispice

de l’architecture divine

Dix mille nuits de torture

ont construit ta destinée

Les hommes s’étonnent et nient cette vérité

c’est l’incroyable indifférence

et le ciel est de pierre

Ils exigent des preuves

que je ne peux leur offrir

jamais ils ne mangeront le pain de la mort

le pain du mal

443


Tout n’est que douleurs

Le vent de l’Esprit s’est une fois souvenu

La nuit éclairait vaguement

la pensée intérieure.

Le poète était debout,

nul Dieu ne s’est arrêté

mais s’en est retourné prompt et rapide

L’homme, pense, du moins il s’essaie

donc il danse

sur un tapis d’aiguilles

focalisant uniquement son attention

sur sa douleur

Il s’enfuit, non, il erre,

il vole au-dessus du labyrinthe

Ses pieds s’élèvent ensanglantés encore

donc il danse

il tourbillonne dans le cyclone

des vies humaines

444


Profondément vers toi

Profondément vers toi

je me déplace.

Mes dieux se dédoublent,

pourtant je me sens seul.

Chair soumise à la souffrance,

chair pénétrée d’aiguilles invisibles,

embrassant l’étendue impossible

de l’immense génie

et sa beauté féconde.

Puis s’efface à regret

ma pensée sur le souffle de vie

jusqu’à l’ultime éclat venu

de l’inconnu,

de moi,

de rien

vers le néant.

445


Offrandes

S’écartent les cuisses,

se tendent les reins

s’offre la poitrine

les muscles de la femme supplient

pour quelle jouissance extatique

le corps quémandera-t-il encore ?

Coulées de baves dans le cou

fluides des sexes qui parlent, appellent,

et implorent

Assauts de chairs, vers quelles fuites

Halètements, gémissements encore

au plus profond des entrailles

dans la zone de folie

à hauteur aphrodisiaque,

organique,

de jouissance ?

446


Le vent rouge

Le vent rouge s’élève

d’un coup de flamme

Avalanches, tourbillons des lianes invisibles

il est emporté

le stratège de la nuit

flanqué de sa lumière intérieure

Le vent rouge est fumant

il s’est écrasé

dans la suie du ridicule

le poète aux bras arrachés

incapable de voler.

447


M E S S A G E S IV

448


Quelle trouée d’azur

Quelle trouée d’azur

s’est déchirée pour atteindre la foudre

quand ma chair hurlante

implorait la mort

de ses cris sanglants ?

449


Finir seul

Finir seul

en résolvant le problème

de l’inconnu

du banni

sans source ni extase

dans la parfaite contemplation du moi

admirant son triomphe

avec la cruauté du mal

être sans être, sans l’autre

se chercher et se comprendre

se savoir

pour accéder à sa gloire unique

voilà

450


Conscience

Toutes les fulgurantes plaies

sont enfouies dans les chimères de la vérité

La constance du mal sur le mal,

où est-elle ?

Dans la chambre cruelle

où le néant confirme la vérité

où la négation chevauche le mensonge

Le plein est nourri de vide

d’absence d’être

Il n’y a nulle apesanteur

dans l’enfer de l’écriture

L’espace existe là-bas, plus loin

ici c’est le silence au coeur de la nuit

Le temps compte, goutte-à-goutte

Mes échos intérieurs éternisent

ma certitude

451


le “je suis” qui me semble banal

Tout s’en retourne

à sa profondeur stérile

à son puits vide d’espoirs

Des ondes pourtant semblent circuler

fumer pour là-haut

l’air emporte quelques bribes

qui germent, s’envolent

et s’enivrent d’avenir

Ô dentelles de papier

vous sillonnez vers le futur.

452


Nourriture messianique

Autour de ma pensée

la certitude tourne

s’impose en absolue vérité

Ce souffle que je respire

se compose de particules électrifiées, vraies

comme une pluie de uns et de zéros

Je me nourris, je m’enrichis

j’avale le pain invisible

composé de corpuscules

lumineux et phosphorescents

J’aspire au miracle divin

dans la prison de verre où je vis

Mon cri atteindra-t-il la voûte circulaire ?

vivrai-je éloigné de la mort violente ?

Je mesure ma faiblesse

ma médiocrité

453


le ridicule de mon travail

Je voudrais déchirer cette honte

que je porte

accéder à quelque chose élevé

le puis-je ?

Autour de ma pensée

la certitude tourne

s’impose en absolue vérité

454


Le sel

Cercles constants

où flotte ma pensée

Anneaux en fuite vers l’infini

ceintures de lumières dénouées

Le pied se pose sur le rebord du cristal

la substance claire s’élève doucement

au coeur de la certitude obscure

se découvre une jetée d’angoisse

teintée d’arôme amer

les lèvres amoureuses

appellent le Sel de l’Esprit

455


Sel

Sel

face à la pureté du Père

Il vient, admet et repart

là-haut, remonte

dans la perfection circulaire

lumineuse

J’aspire au baiser soufflant sur or purifié

beauté de grandeur claire

dans la certitude extrême

tachant de comprendre l’inexprimable

l’indéchiffré

je cherche exalté par la vision

456


Fille d’orgasme

Après le souffle envolé

de battements imperceptibles

et d’écumes assoiffées

Je respire les dentelles bleues

Je bois dans une gorge d’ivresse

Et toi, féerie d’émeraude

Avec parfum se dégagent

Tu t’agenouilles

Implorant la sève

exaltée de ma chair

457


Le peintre

Le soleil dort sur mon épaule

là-bas, des feuilles agitent

des sortes de doigts,

spatules marron et clair

Tout semble tournoyer

pour un automne gracieux

Des flux d’air en cascades

accrochent la lumière,

semblent bondir

puis s’enlacent autour des troncs

Le poids de l’air s’écrase sur les rais crayeux

l’épais soleil finit sa course

or rouge et fatigué

Le temps désire retenir sa fuite

458


Certaines filles dans le jardin public

s’envolent, robes trouées

avec des sexes roux

L’espace vide est une bulle qui fuit

Le jardin semble gras de personnes

J’écrase devant mes yeux

des couleurs rouges et ocre

parmi ces constances dérivées de verts

L’eau retombe sur l’eau

La lumière chaude s’alourdit

comme une femme pleine

J’ai besoin d’arrêter le mouvement

qui fuit

À présent je vois une fille

je la prends, la retourne

je lui retire son linge,

oui, non, je ne sais ...

je la jette, elle n’est d’aucune utilité

459


Mon paysage évolue quelque peu

ma main de peintre pense

et veut faire éclore

Je produis de la pluie

elle est rose

et se répand lentement

Quel avenir pour mon tableau ?

Ce sont des lianes qui enlacent d’autres lianes !

J’ai donc un soleil sur mon épaule

des feuilles qui s’agitent

un automne gracieux

des flux d’airs, des filles dans le jardin public

un monticule de personnes,

de la verdure

des jets d’eau

et cette belle lumière chaude

si difficile à peindre

N’est-ce pas langage que tout cela ?

460


J’écris

J’écris sur un bureau Louis-Philippe, en utilisant un stylo

à bille noir, qui obéit tristement sans capacités réelles pour

comprendre. Le sperme noir m’assume quelques jouissances

cérébrales, du moins je le prétends, alors je produis. Est-ce un

besoin ? Une envie, une nécessité ? ... Une lampe au-dessus de ma

tête avec une ampoule circulaire m’éclaire de sa divinité. Les

mots tapissent la feuille blanche comme des signes dansants ou

accrochés les uns aux autres dans une impossible continuité. La

main droite réfléchit, hésite, se retient, puis s’anime par quelque

délire, la voilà qui s’éveille et veut agir ... Pour obtenir quel

résultat ? Mon bras n’est pas une contrainte, je le vois mais le nie.

Il ne peut me gêner pour accomplir cet acte curieux. La nuit. C’est

toujours la nuit. J’écris et tire les rideaux. Je m’enferme. Personne

ne peut me voir. Je reste là dans la pièce, caché, à l’abri de tous.

Le mur d’en face, c’est une vitre orange. Sur la droite, le Christ,

bible à la main, me regarde ... me surveille. Étrange confident qui

m’aime, du moins c’est mon Dieu. Et ce soir, c’est la fatigue qui

l’emporte, étonnante fatigue qui vous porte vers le lit.

461


Si je vais au lit, je ne dors pas. Je réfléchis. Mes yeux se

tournent vers l’intérieur. Tous les objets ont disparu, du moins

leur utilité est vacante.

462


Finalité

Tout ce qui se meurt dans la nuit

Sexes, vieillards, beauté,

Dioptases, comètes, vierges,

Se meurt pour une autre vie

Dans le grand esprit de la réincarnation

Allume-moi

Je m’éclaire de mille faveurs

J’accède à ma propre évolution

Nul besoin pour moi de renaître

Tourbillonnez astres, nébuleuses, cœurs de femmes

Je tends vers le repos

Je vais disparaître là-bas

pour un sublime sommeil

463


Besoin d’écrire

La nuit m’enveloppe de sa chair opaque. Avec son grand

manteau sombre, l’atmosphère s’alourdit. La lune se déplace

lentement. Je reçois le temps, je le capte et le renvoie. Puis-je

m’interroger ? J’espère de nouvelles écritures. Je suis femme, et

ma matrice est dilatée par de nombreuses grossesses. Je désire

encore, mais la volonté ne saurait suffire.

Le chant peut commencer

Des couteaux immenses sont plantés dans le paysage.

Leur lame étincelante m’observe comme des yeux scrutateurs. Le

ciel s’allume de millions d’yeux. Partout, des particules de cristal

clignotent. Je suis planté dans la terre. Toi, tu m’observes. Je

prends ton regard dans le mien. La lumière s’illumine de sa

connaissance. La pensée se nourrit de savoir. Le chant peut

commencer.

464


L’oiseau transparent

Pensée sereine qui se déploie dans un pays de blancheur

parmi des pics de glace, les lames de feu aiguisent leurs couteaux

enflammés. Toi, tu es accompagnée de ton clair murmure que nul

ne saurait entendre. Vers quelle certitude t’élèves-tu ?

La construction de ton espace s’échafaude sur de

l’illusoire. Tes limites inconnues jamais ne seront sillonnées. Tu

proposes d’étonnantes questions à la supériorité, ta sagesse te

permet d’y répondre.

Constamment la lumière te dirige vers la vérité. Tu

accèdes à la pureté et contournes les collines de verre. Encore tu

t’allèges pour te couvrir de transparence. Te voilà dans la

profusion de ton sillage, et pourtant tu vas disparaître comme une

trace qui s’efface à tout jamais.

465


Le désir de produire

Ma haine, l’hiver arrache quelques cris stupides, filles

soumises et persécutions sur femmes très silencieuses. Éloignées

du bonheur, dans la cruauté facile. J’exploite quelques images

pour tenter d’exprimer mon dégoût, mon refus, mon

incompréhension. Replié en moi-même, j’essaie de supposer,

d’échafauder. Mais le Rien l’emporte. La pensée insiste et désire

produire.

466


J’exploite une blessure

J’exploite une blessure

Telle est ma matière première

la bouche parle avec excès

avec emphase

triche, prétend ...

actrice italienne

J’ouvre donc des cicatrices

c’est une histoire

c’est l’histoire de l’autre

d’autrui

Que je m’approprie, que je transforme,

Que j’intègre

La poésie délire encore

467


Une pensée de vieillard

Avec difficulté, avec langueur, mon esprit cherche à se

frayer une voie dans les escarpements de la raison. Depuis des

années, l’esprit s’use, s’escrime à avancer dans ce labyrinthe

obscur pour accéder à une lumière, plus loin, là-bas, où l’air

semble clair. Et maintenant que ma vieillesse tremble sur ses

pieds mal assurés, j’ai décidé de me coucher là sur cette borne.

J’observe l’horizon qui s’éteint derrière moi. Trop d’obstacles me

bouchent la vue. Je doute de ce que j’ai fait, et ne crois plus en ce

qui sera.

468


Interrogation

Je m’allonge sur mon lit et tache de comprendre.

Jusqu’où puis-je aller ? Quelles sont mes limites ? Mes yeux

scrutent l’intérieur et tentent de toucher quelque certitude au

milieu d’objets morts ou de poèmes jaunis. Je ne possède aucune

pesanteur et je sillonne les zones d’ombres, les fontaines

lumineuses, les façades phosphorescentes. Je suis le poète

immobile, et défilent des femmes, des spectres immortels, des

Dieux sublimes. Pourquoi ?

Je reste allongé. La nuit succède à la nuit. J’étais mort. À

présent je suis vivant. Nulle question n’a été élucidée.

469


Persécution

C’est une douleur qui pénètre dans la chair ; ce sont des

aiguilles enfoncées sous la peau, invisibles à l’oeil de l’homme,

mais réelles dans le corps de l’innocent. Il faudrait fuir, se libérer.

Mais comment échapper à Satan, au Diable, à ses émules ?

Les armes dérisoires

Étendu,

Pierre tombale dans le lit des amours

Yeux sanglants

Sourire de saint

Tu conçois encore

et tu penses t’élever

Ton impatience jamais n’est apaisée,

tu ne peux dormir

Avec ton phosphore,

tu espères brûler la nuit

Le poète combat avec des armes dérisoires

470


La pensée épanouie

La pensée épanouie s’écrase, énorme goutte

d’eau, de raisin chargée

de senteurs lourdes et mûres

La tête vacille à droite, à gauche

et la main accélère pour exécuter les ordres.

Il y a semences, richesses, moissons

comètes, oiseaux, soleils

Dans la paume du poète

l’intelligence brille un instant

puis s’endort sous le poids de son ombre

comme un corps épuisé

cherchant à se nourrir d’une autre lumière.

471


Lanières tendues

Lanières tendues sur des arpèges

Oiseaux posés sur des fils comme des notes

tout à coup vibre une étincelle zébrée

dans l’horizon négatif

Des sommets comme des rasoirs

se profilent vers l’avenir, là-haut

L’ambroisie se mêle au vin

pour des douceurs exquises

nappée de nuages savants inventifs

à comprendre

472


I

J’ouvre l’œil intérieur

Apparaît la femme

errante et nue

bondissante et dansante

Elle lutte avec le tigre

s’éprend du taureau

supplie le serpent

Des agneaux s’enfuient là-bas dans la brume.

II

Le ciel condamne la bestiale.

Une sainte approche vêtue de pureté,

c’est une pluie de soie dans le miroir invisible

Mille éclats explosent

Hurle la pécheresse

473


qui se tord dans le feu

et retourne à la poussière.

474


Probabilité poétique

Tu t’essaies à des possibilités sur des éléments dont

j’invente les combinaisons.

Je dois saisir du délétère, de l’invisible, savoir augmenter

la chance pour tendre vers des trésors.

Ma pensée réfléchit : vers quel jet de dé ? Tout est

rigueur sur le chemin tracé par de fuyants nuages. Le vent de

l’inspiré éloigne le doute. J’essaie d’abolir toute subtilité

insignifiante sachant pertinemment le risque de cette méthode.

Je calcule la distance exacte qui me sépare de la vérité, je

la pèse et j’en tire l’écriture pour toi, - avec ou sans technique.

Observe : ma folie est raisonnée.

475


Fils de l’insignifiant

Fils de l’insignifiant, ô souvenirs dérisoires - je dois

pourtant avec constance, avec soins attentifs, vous laver, vous

purifier, prendre votre chair puante et l’élever vers l’extase des

roses aériennes. Est-ce réellement possible ?

Un rêve

Un rêve et son risque, point d’éveil, encore l’horreur. Il

supplie, il dort. Un seul vœu, - la fin, s’enfuyant, s’éloignant - le

poète s’inspire, soupire. Pourtant il s’échappe avec son cervelet

sur des chairs de femmes, de filles sensuelles ou vicieuses - que

sais-je ? - Des sexes encore. Le voilà, apaisé. Le voilà, il dort.

L’œil interne fait défiler des images. Le poète s’éveille, abolit

l’exil. Et s’éveille en lui-même, enfin.

476


Commencement

Je n'étais qu’un froid glacial, qu’une honte repliée sur

soi-même, conscient de sa médiocrité et de son inutilité - tels

furent mes débuts.

Aujourd’hui, je prends des Dieux, j’exploite le feu des

poètes - je souffle sur des cendres, les yeux tournés vers les

Parfaits.

Analyse

Produire : pour certains, niaiserie pseudo romantique où

s’expriment des pleurnicheries, des jérémiades, des fausses

douleurs. Toute la cuvée des revues littéraires y baigne. Les

femmes sont gagnantes. Quelle faiblesse !

Pour nous : capacité intellectuelle, instrument évolutif,

support des génies, où la potentialité supérieure impose sa

suprématie.

477


Expression écrite

Vaste peuple d’images nourries de faibles pensées où

parfois semble jaillir un feu bleu bordé d’or. Les flammes

constamment jaillissent.

Mon ciel bigarré de sang, lavé d’étoiles fuyantes, à

capter, à capturer, s’élève et semble chaque jour un peu plus

inaccessible.

Rien ne saurait m’apaiser : livres sur livres, colère, folie,

beauté vierge, - c’est encore la même rage, la même violence

d’expression.

478


Écriture

I

Un souffle, une respiration

Fuite de syllabes

Dans le silence de l’intelligence

La pensée bondit et se fracasse contre le front

Une puissance de langage ...

Recherche de maîtrise,

recherche encore

Ce fleuve d’impuretés

où se mêlent l’ordure et le sublime

Ce fleuve roule et charrie

des ondes tumultueuses

ce fleuve espère

Les signes, les syllabes,

eau et sang

se diluent dans l’immense courant

de la pensée

479


Oui, moi, je navigue

radeau sur des boues

à la recherche de la source

emporté vers l’océan

toujours en partance

loin des rêves du temps

480


II

Le langage et le silence

sont frères de l’absolu,

l’un parle, l’autre est emmuré, autiste

Penser pour écrire

l’un et l’autre agissent et travaillent

Chaque nuit, encore et encore

Ils construisent sur du néant d’images

jusqu’à l’élaboration

par la lumière, transparence d’opales,

de certitudes, de miroitements

Ils construisent

481


III

Des morts dans ces décennies d’amertume

parmi le langage

qui attend

espère

suppose

L’esprit communique avec la conscience

environné de présences impalpables

insensées pour la certitude rationnelle

et pourtant ...

Sous les silences, bondit la violence

qui enfonce dans la chair ses aiguilles

la raison scientifique se rit

de la sensibilité

482


IV

Emmuré en soi-même

pour accéder à l’éblouissement

Je conçois de l’intérieur

Je produis des pensées

Je capte des couleurs

Des sonorités aiguës ou violentes

s’accrochent aux parois des oreilles

Les signes d’abord amorphes et volatils

se cristallisent

dans la réserve de mots

Bouche d’intelligence

qui ne malaxe que du mensonge

Luminosité qui éclaire les caractères

de l’inutilité.

483


Oui, l’ensemble se combine

pour éclater en splendeur

de pacotille

de ridicule

de poésie

Je fuis mon ombre

j’avance dans la certitude

au milieu de forêts fantomatiques

évitant les constructions invisibles du souffle

D’autres éléments défilent

Je les embrasse en tâtonnant

Sont-ce des vérités ?

Sont-ce des images ?

Dans cet espace personnel,

je ne fais que penser.

484


V

Le coeur de ma vie :

l’esprit - sans splendeur

faible et incertain

tourbillons d’images

médiocres sans la science

dépassé dans sa conception

nourri de bêtise et de délétère

se cache honteux et méprisable

La pensée voudrait et ne peut

voltigeant de mot en structure

de syllabes en phrase

Je fabrique des oiseaux

dont je n’ai pas besoin

je dresse un arbre

que j’efface des yeux

Je regarde couler la source

Qui glisse sur ton sexe

485


Je me love entre tes seins

je fabrique encore de l’éphémère

par la femme, la nature, l’invisible

J’impose aux syllabes de s’aimer

de cohabiter dans leur contradiction

j’associe le réel à l’interdit

Ce ne sont que des mots

Qui les transformera en images ?

Sans la voix, qu’est le poème ?

C’est un assemblage de langage

Qui tangue dans le silence

conçu de l’intérieur

offert aux lèvres

pour enchanter l’oreille

L’esprit existe sans le corps

le corps disparaîtra

La pensée transparente

est bien le centre de ma vie

486


La pensée nue

s’habille de syllabes,

de mots, de sons

C’est une femme, c’est une conscience

un éblouissement de braises

qui veut accéder au regard d’autrui.

487


Pensées souveraines

Pensées souveraines

Déployées sur mon front

Par des certitudes poétiques

Se construit l’écriture

Les doigts agrippent le calame

Obéissant encore

Obéissant et disciplinés

Le mot poursuit le mot

L’accompagne, le devance,

L’entrecroise

La main questionne l’œil :

Produire ou attendre ?

Des spectres d’images

Commencent à apparaître

Par la féerie créatrice

488


La feuille lourde exige une sœur pure

La page remplace la page

L’oeil intérieur contrôle

Phare toujours ouvert

Cherche en toi,

La nuit s’illumine de mystères !

Pensées souveraines

Déployées sur mon front

489


Filles dévêtues

Filles dévêtues

dans des chambres immenses

Il y a grand nombre de filles belles

pourpres et cristallines

sur des papillons de soie envolés

Des spectres de chevelures tourbillonnent

lumineux et phosphorescents

dans la blondeur des cendres

les filles s’emportent prises d’extase

par le vent de l’ivresse

490


La phrase

Je fuis cette phrase insipide

j’en cherche une autre

Les mots apparaissent çà et là

dans des clignements d’yeux

Ils essayent de briller

pour que je les capture,

les saisisse papillons de fortune

Puis ce sont des flux et reflux de syllabes

accompagnés de sonorités bizarres,

aiguës, agressives

Tout se situe dans le front

la pensée s’y répand

elle essaie constamment d’accorder

le signe d’encre avec l’idée

l’imperceptible se mêle au perçu

le pressenti à l’insoupçonné

491


L’écriture se conçoit

le langage balbutie,

hésite,

et propose d’étonnants babillages

Je cherche à converser avec moi-même

Je navigue bêtement baigné de doutes

La vérité n’existe pas

L’image, l’inspiration, les chiffres :

Tout est trompeur

Jusqu’à ce bruit sourd,

sorti d’une sorte de chaos

qui bourdonne dans ma cervelle

J’espère encore

observateur à l’oeil inversé

obtenir une autre phrase

de qualité cette fois

492


Oubliés

Oubliés dans l’âme,

ces mots inconnus,

figures fugaces que dessine la pensée

Ce sont des idées, des bouts de structures, des phrases

que l’on efface d’un trait

que l’on rejette,

critique virulent

La mémoire suppose puis détruit

ces enlacements de lettres

ces lettres menottées les unes aux autres

par l’encre noire

On souffle sur les mots qui disparaissent

Une conscience plane sur ces tas de ruines

survole et scrute le paysage intérieur

Une lumière caverneuse éclaire faiblement

quelques traces d’espoirs

Le poète écrit

493


Psy

L’intelligence ! Quelle intelligence ?

Puiser au fond de la mémoire

où baigne une mare de mots

Les mots fabriquent des personnages, des situations,

produisent du fictif

Extirper au plus loin des solutions à supposer,

à prétendre etc.

494


Les pensées, ces fleurs

Je pénètre dans l’âme

qui ouvre

Sur le jardin poétique

Les pensées semées

ici et là

s’élèvent et tournoient sur des tiges invisibles

Elles se balancent à droite, à gauche

tombent et se meurent

Elles essaient de tenir sur cette page

pour produire quelque arôme

parfumé de charme, enivré de liberté

de délicat et de subtil

Elles ondulent en mouvement imprégné

de grâce et de douceur,

se ploient et se déploient lentement

tourbillons légers

ballets de fleurs

495


Elles sont le poème

que nous ne parviendrons jamais à écrire

Les paroles parfaites qui échappent à l’inspiré

Elles sont cet autre chose

imperceptible et irréel

Elles sont ce que la plume nous conseille de dire

ce délétère, ce soupçon évadé

à jamais enfui.

496


La femme, cette ennemie

Je m’élève malgré toi

malgré ta présence

de femme insatiable

malgré cette débauche de chair

inutile, mangeuse de temps

Ton corps est l’ennemi sur mon corps

est un combat stupide,

accouplement de l’instant

Au dehors, au-dedans de moi

est l’Esprit

qui construit ma pensée

qui produit l’Oeuvre

Je marche accompagnée d’une douleur

J’avance mal, stupidement parfois

J’espère un avenir

Mon présent constamment est mort

n’existe pas

n’existera jamais

497


Je me veux marée d’images,

encore renouvelée

éternelle et constante

du spectacle infini

498


Le doute

Je saute d’une pensée à l’autre prétendant mal exploiter

ma capacité intellectuelle, me jugeant apte à obtenir un résultat

supérieur.

J’insiste encore, avec conviction, avec certitude. Ma

potentialité est bien vivante, palpable, sereine et violente, excitée

et balancée - j’attends.

Le mot en pleine gueule change de sens, il se vrille,

s’entortille, se combine. Il est opération chimique, instant de

transformation, d’adaptation. Que dit-il associé autrement ? Il est

mélange de couleurs sur la palette du poète. Il perd de son

intensité, s’adoucit, au contraire se fortifie parfois.

L’énergie du cerveau impose à produire - il achète l’or

du soleil, l’échange contre de la lumière - il se jette dans l’ombre

et habille des fantômes - il couche la lune dans le silence de

l’aurore.

La tête capte l’image fascinante,

veut l’offrir à la plume servile et obéissante,

499


toujours déçue, cherchant encore

Elle agit, écrit

prétendant savoir s’y prendre

pour obtenir un meilleur produit

La tête refuse cette feuille

et se projette vers l’avenir

vers le poème nouveau

de la prochaine heure

de la prochaine journée

vers demain

500


Désirs

Être sans être

dans la parfaite plénitude du Moi

avec stabilité de sagesse

avec beauté intérieure de savoir

avec maîtrise du langage

entouré de Néant

mais nourris de mots

de structures vraies

édifié dans sa demeure

Habiter le sanctuaire d’un Dieu

pour sanctifier son discours

pour l’habiller d’images pures

et produire de la symétrie lumineuse

pour sa conscience et sa mémoire

enfin se donner le pouvoir

et agir sur soi, sur l’homme,

le visible, l’invisible,

la matière

501


Éblouissements de nuit

Éblouissements de nuit

nous voyons sous l’invisible

des traces de vérités phosphorescentes

Tout se situe à l’intérieur

nous y montons, y descendons

cherchons encore

La pensée coupante tel le diamant

pourfend la chair,

la déteste,

détruit le corps

Le temps, éclair ou éternité

s’immobilise dans l’âme du poète

qui est violence, qui est colère

foudre jaillissant des yeux

502


Idole se détruisant,

admirant son génie

contemplé de personne

méprisé de tous,

Toi qui te vois et t’observes

priant ton propre soleil

lion et force rugissante,

es-tu lumière ? Scintillements imperceptibles ?

as-tu rencontré d’autres soleils ?

Certitudes de minuit

nous prions ensemble

dans l’ardeur et le feu du savoir

L’esprit nourrit sa pensée

de gerbes fluorescentes

La lumière embrasse des présences

pour disparaître oubliée

dans une forêt de syllabes et de phrases

503


Ouverture sur fenêtre

Inutile et insignifiant

bercé par l’ivresse

envolé

dans une rumeur de sonorités claires

j’ouvre la fenêtre

et j’entends l’émeute d’oiseaux

pigmentation noire et verte

dans les épaisses broussailles.

504


Une existence d’effacement

Être sans être

dans un parfait silence

dans l’épanouissement du néant

au-delà du principe temporel

dans l’éternelle immobilité de la seconde

où se développent, vivent,

naissent et disparaissent

des bulles de syllabes,

sublimes confusions de langage

C’est encore la construction d’images

pour le vide intérieur

où la symétrie côtoie le déséquilibre

où la mémoire bondit constamment

C’est le soleil noir sans aurore

ni crépuscule

sans éclipse ni clarté

C’est exister dans un monde d’effacement

505


La cité intérieure

À la lumière de ma certitude,

la nuit pénètre dans ma demeure

sa forme blanchâtre caresse

les constructions invisibles

Je descends au plus profond du silence

essayant dans l’opacité de l’avenir

d’accéder à quelque délire

L’ensemble des signes souhaite

élaborer un poème

Des architectures sont en mouvement

sur les structures de la pensée

La puissance de l’esprit

échafaude leur montage

Un refus de la conscience les atomise

en un laps de temps insignifiant

506


Des briques sur des briques

flottent, se posent, s’installent

Un ciment vulgaire grossier de et de ou

par ses propriétés grammaticales

cherche à solidifier l’ensemble

J’erre donc sur un liquide épais

compressant les images

pour en extraire une essence

Je pénètre l’âme des poètes,

j’en tire leur génie

je m’applique à les imiter

avec plus ou moins d’aptitude

Je flotte sur leur catafalque de gloire

ma richesse est délétère

faite de vibrations émotives

Rien ne résiste,

tout s’envole, s’enfuit,

nuages ... nuages

507


Constamment, incessamment,

se croisent et s’entrecroisent

dans le miroir de l’invention

des figures inouïes

L’ensemble participe

à l’édification de l’œuvre

Est-ce œuvre ? Monticule de livres ?

Cela se situe dans le front

c’est un hymne de syllabes

qui mugit sa puissance ou son délire infini

Vapeurs, tourbillons, nuées, chevauchées et fuites,

voilà ce qui se passe

dans la cité intérieure

508


Je suis rien

Je suis rien

infiniment peu,

perdu, ignoré, oublié

Je pénètre en moi

avec des yeux nombreux qui regardent tout dedans

Le dialogue est mental

je cours dans ma chair

Les mots me pèsent

je les pense aussi

Je vis là au fond, caché, à l’abri de tous

Je forme une ombre qui gît à jamais

509


L’écriture poétique

Nous n’avons pas fait preuve de faiblesse. Notre initial

dessein était le meilleur ; encore détestés et refusés. Nul réchappé

de poème ici ou là. Notre potentialité littéraire était certitude que

tous ont niée.

Comme on purifie l’épaisseur brumeuse de la Muse,

élever la grandeur de ses livres. Quel lecteur ? Aucun lecteur.

Nous nous retrouvons dans la splendide solitude,

humiliés par autrui, vivant avec le vers, rencontrant quelque trace

de vipère sur le sol aride.

Observez cette médiocrité, considérez ce poète !

Vraiment, je n’en ai rien que faire ! Je le méprise !

La poésie splendide s’élève inlassablement,

exceptionnelle mais incomprise. Le temps est nul, n’est d’aucun

secours.

Je produis pour moi, pour le Ciel. Chez l’homme, je

n’existe pas, jamais je n’existerai. J’en ai la certitude.

510


Le revers du poème, - son interminable solitude, son

rejet, son exclusion. Écrire pour jamais. Une richesse intérieure,

constamment bafouée par autrui.

511


Je sais mille espoirs

Je sais mille espoirs et le mien seul c’est moi sur une

table encombrée de livres

main nerveuse écrivant pensée pénétrante imprégnée dans la

feuille

soudain explose en braises de mots chauds

dictant à

mon corps

par le pouvoir de l’oeil

J’ai plongé dans mille encres d’écriture bu des

hectolitres d’eau claire

condamnant ma jeunesse au supplice poétique bourrés

d’étamines

observant mes vieilles fleurs séchées

qui constellèrent ma tête

Oui, il est un avenir

dans un monde

d’indifférence la passion, la force, l’énergie y cohabitent

oui

512


je l’ai bien su

j’espère encore

Être vivant en tout temps

avec sa vérité,

513


À présent

À présent rouille sur ton encre rouge

On t’a assez lu !

Ton cœur a trois francs cinquante

Va s’arrêter de battre

À présent, oui tu peux t’endormir

Et mort, et mort, et fin

L’inutile évadé de son corps

Assiette de vers pour les survivants

Humus et os, et rien !

Oeuvre oubliée, stupide, rejetée bas

Homme que l’on efface

En retirant le souffle de vie

Oeuvre de douleur et d’espoir

d’espoir ? Quel espoir ?

Décès

514


Nervures du temps

Nervures du temps

Zébrées, excitées ailleurs

versant dans nos chairs

Éblouissant notre vie

d’une maison ailleurs

puis vers l’espoir

pour l’éblouir

cela est l’avenir : oui, orgasmes de fête

éclatant vers demain

Lumière du plus clair et tout encore

est-ce accession au rêve ?

C’étaient des années ...

C’étaient des années de production intensive

L’avenir était certitude par le don prophétique

Constamment la capacité intellectuelle concevait

d’espoir

C’étaient des années inconnues, pourtant gonflées

Qui filaient lentement dans l’infini du sablier

515


Les mois de puissance cérébrale,

de jeunesse active

s’accumulaient les uns derrière les autres

Eux, dans leur opacité et leur brouillard de rêves

Ne voyaient pas, ne voyaient rien

Ils méprisaient l’effort

Ils ne comprenaient pas,

Ou voulaient ne pas comprendre

Le temps vieillissait entre tes doigts

516


Habillé, délaissant ...

Habillé délaissant allégé de juillet

dans l’éclair mais les bruits sourds

des filles exquises de rien de beauté

J ’écoutais l’hymne bizarre écla

té la douceur de la chair lubidu

neux vent d’azur rare

Le désir conduit à cet orgasme

De miel sirupeux d’odeurs aigres

Lit des ouvertures de feu et de

gémissements

Ton désir éclatait sous le dôme

de l’orage jaillir

517


Petite vie

Petite vie insignifiante petite médiocrité de poète

inconnu petit bel espoir qui me flatte œuvre,

œuvre, et recherches encore toujours

Malheur sur malheur et résistance à la réussite, au crédit

autrui, autrui mais il n’y a que moi que

m’importe, s’il me reste Dieu ! Dieu, ma beauté !

mes Dieux, mes merveilles !

Sans ou avec du vin légèrement ivre, à la recherche

de la fortune regardant le passé de jeunesse, orienté vers

l’avenir

Le presque rien, l’inconnu incapable de produire du

hasard de chance la perte, perte des mots de bouts

de phrase de rien , vraiment petite vie

518


Alors le temps ...

Alors le temps est ennemi, est ami avec lequel il faut

composer, toujours présent si près comme une grosse goutte

invisible qui s’ajoute sur la goutte la fait disparaître et

prend sa place

Moi, je prétends à ma luminosité, à ma certitude

intérieure, et dans ce bleu très pur, je vois l’éclair éternel et

sublime oui, je vois

Je vis avec le temps où se noircit lentement la jeunesse et

la vieillesse rieuse m’offre ses bras

le blanc semble

s’enfuir le noir est éblouissant

Je ne serai jamais

mes yeux le savent

je me tourne vers la mort qui m’accueille dans une explosion de

bonheur

519


Segments

Le poème détesté du peuple, du poète lui-même se cache

honteux dans le tiroir, ô richesse inconnue !

Avant d’exploser en syllabes, en mots et structures, de

combien de manières ont été conçus et pensés ces vingt-six petits

signes de l’alphabet ?

Ajouter, ajouter encore ... pour s’asseoir sur une

montagne de livres ? Produire est chose aisée. Les fulgurants rais

lumineux qui sillonnent la tête, l’étonnante force qui jaillit des

orbites, et malgré le constat d’échec d’autrui la quantité qui

s’accumule, qui s’accumule ...

Comment débarrasser le Saint des émules de Satan ?

Seule la mort libère l’innocent, seule la mort.

La pensée prophétique, - elle m’a regardé, m’a offert son

savoir. Ai-je su aimer cette splendide maîtresse ? Elle était d’une

pureté parfaite.

520


Il n’y a pas d’issue

Je suis accroupi et nu au milieu de mon cercle que je

délimite avec l’aura de mes pensées.

Dans la pureté de ma nudité, mes yeux sont tournés vers

l’intérieur - je me nourris de mon passé, j’habite un présent, puisje

concevoir pour l’avenir ?

Je me replie, m’enferme dans la chair, je veux écrire.

Les idées sont éloignées, il y a des brumes de nuages làbas.

Au centre du paysage, un immense trou. J’y jette mon esprit.

Au fond une étendue d’eau. La nourriture de la mémoire s’y est

déversée.

Tout est irréel, onirique ou virtuel. C’est un possible que

j’invente ! Que personne ne lira, que Dieu connaît.

La vérité refuse d’ouvrir la porte, le possible tourne et

tourne sur soi-même comme une toupie qui cherche.

521


Où suis-je ? Où en étais-je ?

J’espère encore, supposant mon futur. Il n’y a pas

d’issue. Cela va disparaître. Je le sais bien.

522


Éclats sonores !

Éclats sonores ! fragments col lages !

Que du Cerveau cerclé d’esprit oeil d’intérieur

me viennent ces nouveautés d’écri tures

Espérant le Sel clair le même

Le beau la substance dans ma bouche

Pour l’avenir de ma pensée oui, ma demeure

Je respire la brise d’élé va t

i on, en poussant les signes libé rés

Vers l’avenir

Tout est permis pourtant je hais ces é

Ces risques bri

sés de futur

cl ats

523


J’écris ...

J’écris (Il éclair là-haut) vous

Dans l’ombre chrême ma chair

Phosphore par la nuit je élever

Et cette évidence non connue

Je fournis insi gni fiant d’admi

ration je est-ce et c’est moi encore

Scrutant l’avenir pro pro phécie exact

Je par transparence en pensée lumineuse

Qui comprend qui moi seul toujours

Et mes Dieux, Merveille

524


Intérieur

Un bahut alléchant et vierge

La certitude du meuble bas

Des tableaux qui se déhanchent là-bas

L’œil déplace le réel, l’attire, le colle

Le transforme

Mais encore,

Le vase s’écrase en pyramide

Les tringles sont des cubes

Les mouches marchent, volent en ligne droite

J’habite une sphère

Je me porte vers les fenêtres

Et j’aboie

525


La beauté s’éloigne

La beauté s’éloigne, fuit la ville et s’extirpe hors des

couleurs qu’elle semblait imprégner. La voilà donc fuyante,

invincible pourtant, splendide parfois, là voilà.

J’ai cherché à la capturer, à la soumettre à ma volonté,

mais glissant comme l’eau de source, comme un papillon bleu,

elle s’est libérée, dilapidée jusqu’à disparaître.

526


Il n’y a pas d’issue

Je suis accroupi et nu au milieu de mon cercle que je

délimite avec l’aura de mes pensées.

Dans la pureté de ma nudité, mes yeux sont tournés vers

l’intérieur - je me nourris de mon passé, j’habite un présent, puisje

concevoir pour l’avenir ?

Je me replie, m’enferme dans la chair, je veux écrire.

Les idées sont éloignées, il y a des brumes de nuages làbas.

Au centre du paysage, un immense trou. J’y jette mon esprit.

Au fond une étendue d’eau. La nourriture de la mémoire s’y est

déversée.

Tout est irréel, onirique ou virtuel. C’est un possible que

j’invente ! Que personne ne lira, que Dieu connaît.

La vérité refuse d’ouvrir la porte, le possible tourne et

tourne sur soi-même comme une toupie qui cherche.

Où suis-je ? Où en étais-je ?

527


J’espère encore, supposant mon futur. Il n’y a pas

d’issue. Cela va disparaître. Je le sais bien.

528


Les yeux lumineux

Mon éternelle espérance les yeux lumineux

Seul éclairé par les Dieux je veille

Ignorés de tous de tous ceux qui dorment

Offert à l’espace du silence

À l’hégémonie du Souffle

Incompris de la masse

Lucidité verticale je sais tendre

Vers moi la pensée supérieure des Innommables

Le tumulte purifié de la certitude

Est langage de ballet aérien

Que d’énigmes incomprises !

Jamais le moindre crédit chez l’homme

Nulle retombée des livres à vivre pourtant

Je verse la substance du poème

Accumulation de vérités

529


Trésor obscur

Diamanté de feux

Encore la rumeur à produire

Paroles d’avenir

de demain de jamais peut-être

530


Personne, répondait le silence

Sera-ce demain ? Dans un temps inconnu ?

Nulle certitude, nul battement, rien

On entendait, on espérait, quoi ? Rien

J’étais entouré d’évidence

Nulle colère, - de la conscience seulement

Je m’engouffrais dans mes propres ténèbres

J’étais avec personne,

Personne, répondait le silence

Je survolais le néant de ma condition :

J’étais poète

531


Il y a quatre lustres

Il y a quatre lustres

Le début du chaos,

L’horreur, l’inexplicable.

De ce mal naquit l’œuvre

Dans ma cervelle.

Vinrent les coups,

Les aiguilles, les procès,

- Violences répétées du Mal.

S’avancèrent les Dieux

Dans leur silence, indifférents à la cause

Du torturé - ordonnateurs, à l’origine ?

Que sais-je !

J’ai vu et entendu dans les sphères élevées

Où se répand la lumière

Où s’éternise la vérité.

532


Toujours et toujours pour jamais

L’ombre de violence encore,

Sans futur sans espoir !

La haine est porteuse de haine,

Le feu des chiens sanguinolents grandit.

Qui pourrait libérer le persécuté,

L’éloigner de l’Empire des tortionnaires ?

La mort peut-être,

La mort certainement.

533


Ici se meurt

Ici se meurt un monde inconnu

rejeté par tous

La certitude plonge dans le néant :

Tu es perte, tu t’en retourneras à rien

réponse sans éclat de refus

Autrui me hait

ne veut de mes écrits

les méprise les rejette

Autrui m’insulte

Les mots s’écrasent sur le papier

Ma nuit est lumineuse de connaissances :

au coeur de l’avenir

un catafalque de cendres sans gloire

534


Cette fille est une traîtresse

qui a feint de m’aimer, et m’a rejeté

comme un pitre incapable

Au centre, il y a la haine

la mort, ma fin, mon échec

J’en ai assez de me repaître de mes reliefs,

De me lamenter sur mes recueils

De prétendre, d’avoir la certitude, de savoir ...

J’en ai assez

Fuir mon enfer

Déchirer mes habits de misère

Me délivrer de l’inutile

Tuer les fils de ma honte

Comment les convaincre, leur dire, leur jurer ?

Essayer ailleurs, ... ailleurs ...

Jamais peut-être !

Nullité rejet oubli

535


Espère avenir de misère,

Qu’une aube multicolore t’éclaire !

Que disparaisse la malédiction

Le silence règne en despote

Je m’en retourne au néant

et tel est mon triomphe !

536


Toi

Tu n’es rien pour personne

Je t’appelle Inconnu,

Car tu n’existes pas.

Tu es poète obscur scellé derrière un masque.

Mais qui viendrait y voir ? Qui voudrait te comprendre ?

C’est le même refus et le refus encore,

Tu t’en retourneras en cendre et en fumée.

Mais toi, es-tu un tout ? Tu es l’ombre d’un homme

Oublié, ignoré qui se meurt dans le noir.

Toi, toujours, tu as fui vers l’azur incompris

Devançant les aurores, chargé de crépuscules.

Et je t’appelle encore et je t’espère en vain

Au milieu des murmures ...

Oui, j’offre cette oreille qui entend le Néant

Et ne distingue rien.

537


Tu vis dans le silence

Je te parle toujours, mais tu n’existes pas.

Jamais tu n’as été, jamais tu ne seras.

538


Vie d’écrivain

I

Les yeux la mort l’horreur la nuit

Silence médiocrité fatigue douleurs

Oeuvre Dieux certitude tout est clair

Faiblesse des sens ignominie de l’orgasme

Déchets de la passion avenir de la pensée

Le bureau, la chambre, les couteaux, le lit

La vitesse du temps, l’intelligence des yeux,

Le retour vers l’esprit, la pureté

Les lumières silencieuses, les lumières

La constance de présence violente, agressive

La perfection du savoir, le savoir supérieur

La volonté élevée, vers quel sinistre ?

Vers quelle incompréhension ? Qui comprendrait ?

Ici-bas suis-je faiblesse, bêtise, honte ?

Personne aujourd’hui, nul dans demain, nul

539


Perception sublime, intéressée pour l’au-delà

Encore pour demain, pour demain encore

II

Ma vie est immortelle, ma vie

L’histoire de ma mort

Constamment dans la chambre,

De la chambre au bureau

Dormir, souffrir, produire, écrire,

Seul face aux cadavres, aux chiens

Triompher seul, en autarcie, - le Triomphe !

Quelle compétence réelle, reconnue ? Nulle compétence.

Faut-il aller aux fêtes de l’ignorance

Où personne ne sait rien ? Faut-il ?

J’invente un espace - il devient réel

Mes Dieux y règnent

Je devais quitter mon corps, me perdre, fuir

540


J’attends, j’espère, j’invente

Pour personne, pour moi, je ne sais

Toujours et jamais, et jamais encore

Exact.

541


Dialogue Poétique

I

La nuit est passée

Par où ?

Elle repassera

Tu es resté dans l’ombre

À espérer encore

Les Immortels sont venus

Et je sais le pourquoi

Je supplie au-dedans

Je suis seul à m’entendre

La blancheur s’agrippe au visage

L’ombre vieillit. Quel est mon avenir ?

Qu’attendre du passé ?

Je me nourris d’hier

542


Qui est mensonge ? L’autre est un frère,

Le même, sosie, étrange

Dans ce silence clair,

La chair plonge dans le vide

L’œil cherche à comprendre

Le son cristallin

S’habille de lumière

Et désire son soleil

II

Tout ce néant d’extase

Par ce trou rectal

Je reste encore dedans

L’éblouissement intérieur

Tu pénètres dans ta chair

543


La fable et le poème

Le stupide et l’impensable

Se côtoient vivent

Et se reproduisent

Tu composes dans ma tête

Et me promets un futur,

... De rien, certainement

Mon ombre construit

Avec du délétère

La feuille purifiée,

Salie par la vomissure

De l’artiste

Rêveuse, crasseuse

Tu produis dans les épines,

Est-ce Christ ?

La critique est médiocre

544


Je suis dans l’infortune

Le Moi est splendide

Incompris, inconnu

La nourriture de l’intelligence

La transformation

Les déchets

III

L’encre de l’égérie

L’indifférence

Les perceptions inconnues

Le triomphe de l’au-delà

545


Tu le savais

Tu le savais en prescience

Médiocre médium

Chargé de trois raisons

Et caressant toujours

L’inépuisable lyre

Tu feignais de croire

En un bel horizon

Tu insistais encore

Poursuivant l’exercice

Cherchant dans l’écriture

Un nouvel avenir

Le temps a aboli

Cette sève éternelle

Te voilà inconnu,

Haï ou méprisé

Mais tu travailles vailles

Du moins pour ta personne

546


Tu produis en toi-même

Pour accéder à l’œuvre

547


Quel sublime triomphe

Quel sublime triomphe, quel superbe trophée,

Glorifiant l’esprit nourri de l’intérieur !

Un échec ? Quel échec ? Cet ensemble est splendide.

Il n’est pas dérisoire, il construit la raison.

Vous ressemblez aux hommes qui cherchent les honneurs

Et de belles caresses pour flatter leur orgueil.

Ainsi vous jugez l’autre d’après une apparence.

Vous prétendez savoir ce qu’il faut encenser,

Ce qu’il faut mépriser, et votre certitude

Est une référence. Je vous laisse penser

Vous concédant le droit de critiquer ainsi.

Oui, je le sais trop bien que toujours inconnu

Que jamais édité, je ne peux espérer

Un jour rivaliser avec votre génie.

548


De ta mort, on se rit

De ta mort on se rit

C’est moi qui ai construit ta vie de rien, de merde

Toujours plus près de toi - je suis à produire

Ton regard m’observe - apprends à lire

Tes livres par accumulation de certitude

De vérités, d’ignorance, de mensonges

Superbe est la survie, là-bas, plus loin

Le sais-tu ? Tu le sais.

Patience de un sur un, de signe avec signe,

Avec, encore, pour plus de

Génie que l’on nie

Sous la menace effrayante de la critique

Qui efface, jette, brûle sans explication

Par sa conviction fausse molle sans avenir

549


Retour

L’Estérel. Le barrage, le figuier

L’eau filante à travers les souches

Les bulles légères des sources d’antan

Puis le vignoble, le raisin clair

Dans la dernière chaleur d’octobre

L’ancienne chute d’un poème 79, le Moût

Par cette lourde après-midi d’oublis

De gros nuages bleus comme des poings s’éloignent

La menthe scintille et teinte dans les verres d’enfance

Les souffles figurent l’ivresse,

Offrent la valse et font danser

Nous remontons la pente fatigante

Je refais cette route, je reviens

Je cours vers le passé pour retenir le temps

550


J’entrais

J’entrais dans l’avenir comme un siècle qui marche

Les espoirs s’élevaient sur un Moi immortel

Je pensais prophéties, je parlais avec Dieu

D’Israël, de son Fils, et de Jérusalem

L’aurore était troublée et mes coqs chantaient mal

Nuit et jour il fallait aller les secouer

Par le mur transparent j’accédais à l’Esprit

Beautés des solitudes ! constamment tourmenté

Par les forces malsaines, j’implorai le suicide

Idéal pour les ombres qui s’agitaient sans cesse

Je buvais de cette eau qui purifie la chair

A la gourde du Christ moi, j’étais assoiffé

Je priais la justice de vouloir mieux paraître

Je prétendais encore connaître cette fin

551


Je suis clair

Je suis clair, pur, dans la joie, je m’élève

Constamment sur mes rêves

J’accède au printemps d’avenir

Je rejette l’hiver mort

Je passe par la fenêtre vers l’aurore

Mon bien, mon beau, ma femme transparente

Je déplace les portes, les ouvertures, je sais

La nuit est sale de noir, d’ombres, de charbon

Ma figure est éblouissante

Je déclare des symphonies comme hier, ô mon frère

Je t’ai pourtant oublié

Je délaisse l’habit du silence, je conduis

L’harmonie, je voyage, je nage

Je suis clair, pur, dans l’ombre, on me crucifie

552


Deux demi sonnets

I

Germes de l’espoir, peu foisonneront

Sur la chair des morts répandue là

Dans ma mémoire qui déverse ses flots

De rimes, de coups et combinaisons

Alors exploseront en fluides de lumière

Des évènements possibles d’insignifiants,

De risques, de doutes pour l’avenir

II

Je cherche cette bonne chaude chaleur

De braises poétiques moi qui suis en septembre

Je me nourris de cette conscience verte d’autrefois

Mes muscles sont grippés l’esprit chante mal

Cette vaste lumière est ampoule désuète

Odeurs des fleurs feues et desséchées

La vigne l’horloge les cernes et la mort

553


La licorne

Et chacun se déçoit dans sa tour impossible

Observant son nectar s’évanouir au ciel

Accusant sa licorne de pouvoir pénétrer

Un peu mieux cette chair offerte à son orgasme

On se plaint à genoux, on implore le supplice

Du blanc buttoir sexuel qui pénètre le corps

Lui apprenant à jouir par le bel orifice

Qui procure à l’esprit le bonheur de la mort

Puis s’éloigne la muse dans la grande nuit bleue

Qui nous laisse pantois malheureux comme Orphée

Songeant à quelque espoir, à quelque rêve vieux.

Nu dans la transparence d’un exil inconnu

On espère le retour des filles libertines

Assoiffées de soleil, de génie et de feu.

554


Verse-sang

Verse-sang encore toi pur et saint

Aspirant quelque air divin

Toi rimailleur par Roubaud est-ce spacialisme ?

non

sur cette page la mort écoute

couverte de blancs à salir

main plate collée à la feuille

front huileux, exalté d’espérances

avec ces piqûres, ces aiguilles de maudit

dans la chair

Jamais nuit n’est sereine

mais le matin n’existe pas

au réveil, il est toujours midi

Je secoue le coq à cinq heures

je l’appelle Jérémie - il veille, il guette,

il a l’intelligence

555


Jardin, quiétude, voisins, rien, donc quiétude

Musique, écrans, piles de livres et piles

femmes ? Peu : quelques-unes unes puis

une, deux - une

La petite a des cheveux jaunes

Verse-sang es-tu pur, es-tu saint ?

556


Tu es mort

Tu es mort dans la mort et mort encore

Le mal moisit tes jours, le mal ronge ta vie,

Se nourrit de ton énergie, prend, prend

Comme la sangsue

Ton triomphe n’est pas illusoire,

Il est du dedans, pour l’intérieur

Toi, tu vas à la fête de ta mémoire

Certifiant ta réussite

Tu renonces à crédibiliser ce langage

Les Dieux pourtant l’ont reconnu

Au fond est le bilan splendide, ignoré, tant pis !

Est-ce ta raison de vivre ?

Faut aller dans la fosse, s’endormir tout au fond,

C’est là qu’on dure, n’est-ce pas ? Allez z’ou !

557


Soleil éclair ...

Soleil éclair soleil de sang

Je me nourris grassement

De ces chaudes cordes qui tombent d’en haut

Soleil de feu éclaté explosant

Nous t’implorons nuitamment

Dans les soupirs d’orgasmes

Fumée de poids pour des délires

Dans ce flamboyant éphémère

De recherches, de constances, d’encore

Absence tant aimée de solitude

D’exploits uniques, de rêves

Infiniment interdits, de mensonges, que sais-je ?

558


Refus

Est : “Collapse et temps d’hier circlair

Abandon bidonnant de vernis

Basse escale invitant l’avenir”

... Et fuite de la logique vers l’éther

Mais comment ? Comment autrement

Sans l’absurde avec le vrai, l’idéal, etc.

Est-ce possible ? J’essaie - mais quoi !

Est donc : “Concentré d’invectives avec

L’azur, lézard ailé, battant faible écume”

Non ! Ceci est trop - il faut en cesser là

Et prétendre obtenir par l’intelligence

La combinaison, la fusion, la jeunesse, le savoir

Une production d’écriture autrement supérieure

559


Du soufre

Du soufre rouge se repose ici pour penser :

L’horizon interdit d’avenir poétique

Malgré ce lac où s’ébattent des filles

Ce vent de souffle aperçu et réel

Qui vivait là-bas, plus haut - mais vivait

L’espoir éclaté de mort en mort,

Pourtant il y avait l’œuvre réelle et belle, n’est-ce pas ?

Pourtant ces Dieux, et l’esprit s’allumait

Il y avait l’horreur certaine du tortionnaire,

Cette folie du mal qui rongeait, rongeait

La nuit écoute le travail s’accomplir

Le poète assidu à sa table propose encore

Des manières de douleurs, de femmes, de chant

Pour s’écraser dans son néant de faiblesse

560


Une fille

Une fille virtuelle

Parmi les trois dimensions d’une pensée spectrale

Présence impalpable, apparition de certitude

Je vois cette évidence de beauté blonde

Je la poursuis à travers mon chemin sexuel

Je la saisis par la chair, elle m’échappe

Dans cet espace, d’autres filles errantes

Des reflets, des images possibles, impossibles

561


Ta mort m’ensanglante

Ta mort m’ensanglante

La nuit appelle le noir corbeau

Les fluides aériens se retirent de la chair

J’implore la lumière, j’invoque

Ce qui s’enfuit, ce qui est délétère

Tu es concentrée, tu vis dans ton vice

Tu te nourris de sperme,

Tu bois ma salive

Tes images sont images de tortures, de cruauté

Tu veux soumettre le jour

Voilà ta peine de dominante

J’essaie de t’arracher de ton ombre

Mais tel est ton désir de garce

De salope irradiée d’orgasmes

562


Il s’endormit

Il s’endormit dans son silence nu collé à sa nuit

Il espérait la source la lumière physique, d’avenir

Il épousa l’ignorance qu’il cloua comme un Christ

Haineux et violent

Ne voulait le secourir

nulle assemblée, nulle messe

Il hurlait en solitaire

Quelles masses de pureté seraient venues le libérer ?

Ses mains étaient percées

L’espoir lui imposait à être ce qu’il est :

Un veilleur inconnu hurlant vers le matin

563


Ce n’est pas la douleur

Ce n’est pas la douleur qui pénètre la chair

Avec d’horribles cris avec éclats de vers

Ces longs élancements

irradiée d’orgasme

jaillirait ma semence

Mais encore la douleur

Comment écrivez-vous ? En début de journée ?

Ainsi vous commencez réfléchissant sur l’œuvre ?

Moi, c’est petit, petit, voilà mes trois cents lignes.

Ma fois, la poésie ne nourrit que l’élite ...

Etcetera, tera.

Je me prétends limace,

Poète ridicule volant dans mes alcools :

Nous, toujours eux et moi personnes de cette sorte

Cherchant la vraie valeur. Imitons la science ?

564


Et le temps qui s’assoie, le plaisir éphémère,

Le retour, le retour dans la belle Énéide

Oui, oui, qu’en pensez-vous ?

Je cherche à mieux paraître.

565


Fragment de ciel

I

Ce fragment de ciel,

s’éteint nerveusement.

la poésie

Là-bas, il y a la source nourrie de lumière.

Encore des vérités d’écriture, de formes inconnues,

anonymes, de jeunesse, de vieillesse, - à oublier, qui s’en iront

mourir - (C’était à prévoir)

Vêtues de leur mieux, incomprises pourtant.

Mauvaise étoile, sale lune, blafarde et inutile. Rien ne

scintille, rien ne brille, tout semble mort.

566


II

Sous ce fragment de ciel, est suspendue une fille

accrochée par ces mamelles

éclatantes de

douleurs la marée baveuse, laiteuse remonte vers elle

irrésistiblement.

analytique]

[Je sais

ainsi je poursuis

étrange composition sans symbolique

C’était donc le monde, le mien

refusé

monde unitaire où je courais, marchais, dormais (etc.)

construisant avec des accidents de langage,

des débris éclatants sans génie, sans lumière,

travail de rien - disaient-ils, disaient-ils

et s’ils avaient raison ?

Je me jette, j’insiste, j’espère

de nouveaux espaces de liberté

Je déverse ma rage accumulant, accumulant encore

Pour qui ?

567


III

Sur ce fragment de ciel, l’agression noire pluie de

grêlons spectrale le poème râle, lutte pour survivre,

“ je ne veux point mourir - je dois survivre

Bien sûr qu’ils existent - vous ne les voyez pas ?

Vous ne les voyez pas ? N’ai-je pas lutté pour produire, moi ? ”

IV

Une nouvelle vague

constellée de clous, de couteaux etc.

auréolée de plumes

Me voici tout à coup avec mes quatre laquais qui rôdent

et agressent

dans des vêtements invisibles

rempli d’aigreurs et de haine

ainsi ça recommence

et ce lieu parfait pour ma solitude

quelle

568


solitude ? entourée d’ombres, d’invisibles à occire

reprends le mouvement à produire

je

redescendue

Oui, ici, encore, avec toute l’innocence d’une créature

La chair est bafouée ? La chair ? Mais je le sais !

(confession, pour qui ?)

Ce n’est que du sang blanc, qu’ignorance ne voit

Je poursuis : encore seul, avec mes Dieux

sur ma terre déchirante, ceint d’ombres

pour finir rampant, vieux vers détesté

je m’enfonce dans le rien

V

Tu le sais, toi qui pénètres dans le vent dépouillé de

toute espérance

sans lecture d’un littéraire

nulle compréhension

569


bravant le suicide, - et pour cause !

accoupler ?

Est-ce récitatif que ces morceaux de formes à coller, à

Encore, j’écris :

je fus donc prophète, inconnu,

irréel aux hommes, saint et oint, mais qui le croirait ?

J’existe et ma solitude est sublime

mon avenir est désespérant

Il y a encore ce fragment de ciel

VI

L’âme est ignorée : elle triomphe dans sa défaite elle se

glorifie - a-t-elle raison ?

570


Pierre

Pierre éclatée sur les herbes silencieuses

écla tée

La chair s’étend paisible et dort

plus personne

n’égrène l’avenir vers l’au-delà pourtant

lui poète enfin triomphe etc...

d’aventure, de vérités, de certitudes

sans elle, avec ses Dieux

de quoi remplir le sarcophage

ou de rouiller jusqu’à n’en plus finir

571


Encore se taisaient

Encore se taisaient

encore sur les écrans,

j’avançais.

J’avançais vers New York le visage sur l’écran

J’écoutais et comprenais eux se taisaient - ciel et

Dieux

J’inventais recréant l’espace, le construisant

Utopie, chimères, poésie

Je glissais ma carte et apparaissaient des femmes nues

vulgaires putains à 490 Francs l’abonnement annuel

D’Adult Channel, d’Eurotica etc.

Travel

Je franchissais l’océan - le grand vers les Caraïbes,

D’algues, de sel, de filles, de Travel, d’impossibles jets

de Trips, d’envolées touristiques

La zapeuse 69, 70, 72, NBC, BBC world, EBN, - il y a

constances de changements pour éviter l’Adverstising, la pub,

quoi ! Je devenais instable...

572


Le matin du prophète

temporel !

Que ne puis-je avancer d’être moi, d’aller outre dans l’état

Déciderai-je prophète de concevoir pour l’avenir ? Qui

donc me pousserait à penser pour plus tard, à reprendre mes

espoirs et mes futurs ? À produire des vérités comme rêves

vivants, et pareil à celui qui veut se purifier abandonner

l’enveloppe détestable de sa vie passée ?

À présent j’analyse ce vrai matin d’exil, attiré par l’heure

du zénith, cherchant à atteindre sa splendeur. C’est la gerbe de

l’arc, le parcours du parfait. Le songe, le sommeil sont oubliés.

Tout s’irradie en certitude de puissance. Il faut revêtir la nudité

d’habits éclatants pour attirer le peuple, pour le rendre accessible

à la nouvelle émotion etc.

573


L’âme se nourrit

L’âme se nourrit de sources claires, d’envolées

délicieuses. Cet azur est remarquable. Ce lourd soleil est bon pour

moissonner toute récolte renouvelée, tout avenir de certitude

poétique. Il annonce un espoir de gains, de cuivres, de feuilles,

d’honneurs. Il monte sublime et incandescent chassant la nuit

honteuse.

Il dissipe l’épaisse charge brumeuse. Il chasse les

stupides jugements des humains et participe à la production

d’actions mentales... Que de vérités apparaissent aussitôt ! Quel

infini langage s’ébat, se développe et s’élève ! Les procédés

employés par l’intelligence sont éclairés de lumineux éclairs

pensants !

574


Analyse

Constamment illisible par les yeux qui me nient

Proche, tâchant d’atteindre l’idéal poétique

À distance, éloigné d’autrui,

Exécuté par la puissance d’œuvre

Refusé par les novices

J’invente peu, j’imite mal

Je bois grassement le produit qui me nourrit

Je n’ai nulle densité,

J’analyse voilà tout.

L’avenir est par l’algèbre de Stéphane.

575


Traces de mémoire

Ces constantes et fluorescentes traces de mémoire sont

des lumières de reconnaissance, des phares intermittents du passé,

de l’autrefois. Nous captons, par moments les messages, nous

lisons dans les yeux de notre spectre des pensées, mais prétendons

comprendre l’avenir.

La poésie est une immense humilité dans un triomphe de

solitaire, avec désespoir, avec non-être. Elle est impérissable par

son génie immortel ; elle est ridicule par son incapacité à plaire.

C’est une Beauté, Beauté inaccessible, méprisée, adulée,

incomprise. Elle offre son luxe dérisoire. Elle veut avertir, peu

possèdent des yeux pour voir.

***

Travaille pour les Dieux et tâche de progresser.

576


Plainte d’automne

fatigue

Pensée d’automne, lente descente derrière les peupliers

recherches de quiétude dans ce gris bleu chargé de

d’espoir toutefois

Souffles poussifs sur les crêtes des forêts chevelues

Espace encore, espace d’écriture pour une écriture

Je ne plonge plus dans l’image délicieuse de l’enfance

où paraissent çà et là des silhouettes connues

mensonge.

J’ouvre l’almanach de l’imaginaire et j’invente du

Souviens-toi de cette lumière qui s’élançait vers l’azur ?

... Oui, je reviens

Je murmure cette lourde poésie d’hier

- Entends-moi.

Non, je dois me taire. Ces mots ne sont qu’insignifiance,

que transparence de sens inutile.

577


Je déchire lentement les secrets de mon âme, mais je ne

puis entendre cette claire musique qui accompagnait l’élan de ma

jeunesse.

Encore cette saison, je m’obscurcis, je vieillis et je

disparais sans laisser de mémoire, hélas !

578


Pourtant

Pourtant, beaucoup de recherches, d’organisation, de

volonté productive dans cette tête.

Peu de place pour le cœur - le sentiment suivra, je dis -

nourrisson géant.

Il me faut comprendre, prendre à l’extérieur - je suis un

Dans cet espace, j’essaie de rassembler l’incohérent.

l’insignifiant.

L’indifférence de l’autre m’écrase, me réduit à de

disparaître.

Je contemple encore ce miroir et j’y vois mon image

Je repose sur l’oubli, telle est ma certitude.

579


L’esprit humain

L’esprit humain à tout moment risque la destruction.

Peut lui arriver la sortie hors de la chair, la rapide mort qui le

projette vers son avenir ou vers l’oubli éternel.

Tu t’élèves en creusant. Te voici Saint, inconnu,

immortel peut-être. La recherche de la séduction, la volonté de

plaire n’ont plus aucun intérêt maintenant : on sait qui est qui, qui

vaut quoi ! La caresse littéraire n’a plus cours. Le zèle n’est plus à

récompenser.

Toi, seras-tu une façon d’être, appréciée de tes suivants,

qui pleureront ton exil ? Dépenseront-ils leur foi en toi ? Iront-ils

réchauffer ta mémoire près de ce bon vieux sarcophage glacé ?

580


Avec la constance d’ombre

Avec la constance d’ombre sur mon aile droite, j’ai

produit, gêné, dérangé, bloqué. À la recherche de l’œuvre

essentielle, espérant pour là-bas, sachant qu’ici... enfin !

Je n’avais aucune certitude terrestre, - l’approbation était

nulle. Je ne me sentais pas offensé. Je comprenais l’impossibilité

mariée à l’interdit.

Peu soucieux de certifier la vocation, l’âge m’éloignait

de l’irréelle... de l’invisible réussite. Les propositions les plus

élaborées, savamment pensées étaient rejetées comme des formes

primaires et inutiles.

Je vivais avec un homme qui n’avait plus d’espoir. Nous

courrions sans douter, certains du chemin à accomplir.

581


Vaste labyrinthe

L’âme est un vaste labyrinthe où des pieds sonores

courent et circulent. Je les écoute caché dans l’ombre. Je les

espère comme des talons aiguilles de femme, et ne vient : qui estelle

? Est-ce ?

C’est bien dans l’âme une étrange confusion de sons,

d’ivresse, d’espoirs et d’imagination fantasmatique.

582


Jeunesse et règne et fin

Ineffable certitude

Qui me prétend maudit

Tu es constamment devant mes yeux

Jamais et jamais

L’espoir d’être compris, d’être lu

J’ai épousé la Muse,

Fille belle et féconde

Aux enfants méconnus

Que supportons-nous ?

Un constant mépris

Tout jaillit en nous

En forme heureuse, malheureuse :

Jeunesse et règne et fin

583


***

La pensée sue ses buées verbales

584


Toi et moi

Tu ne sais toujours pas qui je suis. Et c’est pourquoi ta

réaction épidermique veut que tu me méprises, me jugeant sur une

apparence. Mais je ne t’accuse pas - je constate - voilà. Moi, je

prétends me connaître, je m’apparais autrement. En constance de

vérité, je me hais, je m’accuse d’être peu et de valoir beaucoup

plus. Alors je tente avec la substance des syllabes de produire des

solutions nouvelles, que personne ne lira évidemment et qui, si

elles étaient lues, seraient condamnées, exécutées comme de

vulgaires propositions stupides.

Tout ceci doit t’apparaître bizarre, n’est-ce pas ? Je

cherche à t’expliquer ce que je ressens avec cette vérité d’écriture,

avec ces montagnes de combinaisons qui s’accumulent, s’effacent

et renaissent. Mais tu n’en as que faire. Tu penses déjà à autre

chose. À moi par exemple ?

585


I

La bouche est harmonieuse

Elle obéit à la cervelle

Qui lui impose d’agir

Splendide, splendide et pourtant

Interdite

L’espace d’écriture coule

Par la salive

Il jouit de la langue

Il balise la feuille à noircir

La fille belle qui pousse

L’inspiration tourbillonne dans le vent

Une idée cherche, veut et se retire

Sur mes lèvres

586


II

J’exploite autrui

Je prends Bernard Noël

Est-ce référence ? Avenir ?

Ce vrai est peut-être faux

Qu’exprime l’écriture ?

L’immense déception de l’avenir

La chute et le trou

Mais tu lis, produis

Par ce soleil intérieur

Capturant l’exil,

du moins t’y essayant.

L’écriture s’enroule

Dans les délices du risque

De l’audace, de la tentative

Toute combinaison engendre le doute

J’accommode des accidents

de langage

l’ensemble est architecture

587


III

Je n’aime pas, je pense.

Si penser est un geste,

je touche les choses

j’embrasse ton sourire

je caresse ta langue

Je pose des marques visibles

sur ta chair qui n’existe pas

tu vois, j’invente un rêve

puis tu apparais

Je fête ta naissance

dessinant tes formes

que j’efface pour oublier

L’éclair du poème est intermittent

il est sans devenir

passé pour durer

Je crée donc une distance temporelle

588


IV

Pourtant je suis replié dans ma chair

Je tue le moi

pour le faire renaître

Offre-moi encore l’inventif

Je veux me nourrir de tes aliments

à pieds mêlés

à bouches, à seins, à sexes partagés

Tu es moi, te dis-je

L’un contre l’autre

Je garde le toucher

de ton imaginaire

V

Le soleil dessine un arc,

élabore une parabole

j’explore le cercle

et je pense au Parfait

589


Telle est ma petitesse

Je suis peu

Voilà une tête qui fait des bulles

jaunes et chaudes

mon savoir est ridicule

Je reviens dans ma bouche

J’appelle ma langue

s’échappe la vérité

Je me vois nu, faible, et médiocre

à capturer des frissons

à supposer une construction

à travailler du délétère

590


VI

Je vibre sur une émotion

Je vais contre l’usage

éblouissant, inutile

La pensée se couche, honteuse

sans résultat ni réussite

Mes yeux se portent vers le passé

le vide s’agrandit

j’y habite

Je me pénètre encore

dans ce volume d’espace invisible

J’y crée de la matière

voilà les mots

je recommence agitant le miroir

sachant encore que le tout

ira dormir dans un Néant

591


Beauté, je te délaisse

Beauté, je te délaisse

L’amour court

La pensée reste

Je ne veux que du moi

L’oeil obscur désire

la chair du poème

Je m’active sous ce crâne

Enterre-moi

Pour que je sois

Immortel

La pensée s’active

Refuse la mort

Et produit encore

Ni feux ni ombre

Ne se contredisent

Dans le cercueil ou au bureau

592


Les opposants s’épousent

Dans le présent du futur

L’œuvre y gagne-t-elle ?

Qui est le tu ?

En moi-même ! Je suis l’autre !

Qui le croirait ?

Il déplace le présent

Le voici parlant

Dictant du futur

Sa bouche est divine

Il porte la ceinture

L’œil est pénétrant

Il s’adresse à l’invisible

Il se figure de l’espace

Cherchant la vérité

Le cœur épuré

La chair passée au creuset

Ses habits de clarté

593


Et l’histoire de son peuple

Qu’il pousse vers l’avenir

Lui indiquant la Loi

Sur son lit de douleurs

Le corps déteste le corps

Je l’entends gémir

L’ombre le persécute

Il balbutie des lèvres

Pour personne pour l’absence

Un éclair le déchire

Apparaissent les Dieux

Par le mur transparent

Ô mes superbes Amours

Que le Savoir m’instruise

Que le Génie m’éclaire

Le mur se referme

Le Mal est encore là

Et la souffrance aussi

594


L’air s’élève

Et sur le sol

L’éclair de vie s’enfuit

L’orage de violence

Éclate dans ma mémoire

Jaillit hors de ma bouche

Tire sur mes membres

En quelque image disgracieuse

Que je m’impose à répéter

La vérité

Issue d’un beau mensonge

Sereine et audacieuse

Par le faux

Obtient l’exactitude

D’un conflit intérieur

Insignifiant fut le triangle

Constellé de sperme

Auréolé de poils et de senteurs

595


Une histoire lamentable

Qui cherchait en ce lieu

Un passage éblouissant

Des hurlements fabriqués

Pour déchirer l’azur

Dans l’impensable chair

Celles qui s’agenouillaient

Quémandant l’orgasme

Gémissaient sous le fouet

Et là dans ma hauteur

De dominant pervers

J’inventais un théâtre

L’éblouissante recherche

Éclate dans le silence

De la nuit souveraine

Tout se situe à l’intérieur

Le je exulte

Le moi se cambre

596


Il y a lutte d’esprit

Se boule et roule, et quoi ?

Se sépare et se juge

S’observe du regard

S’échange des propos

Animés de critique

Cherche à se combiner

Pour voltiger ensemble

Pour le jeu du poème

Chaque pensée

Engendre une pensée

Miroir et tombeau

Tant de feux inutiles

Dans l’avenir interrompu

Nourris de leur passé

Chaque image

Engendre une image

Création et chair

597


Un poète concevant

N’étant que cela

Que mort future

Construit en délétère

Pour le secret du rien

Éblouissant et inconnu

Tout vient du Néant

La fertilité retourne à la mort

Fuyant vers l’avenir

La pensée s’éclabousse

Sur la page blanche

Les lignes nerveuses

S’organisent,

Forment des ressorts

Rude tension dans la nuit

Le sperme noir pénètre

L’espace vierge

Couché, à prendre

598


L’accouplement est visible

Pourquoi produire ?

Vers quel espoir ?

Tout jaillit pour l’avenir

Ce qui était n’est déjà plus

Ce qui sera existe

L’œil perce plus loin, là-bas

Il se projette vers l’avant

Il espère

Les choses sont prévues

Quel est l’étonnement à les concevoir ?

Est ce qui doit être

La substance future

Est soufflée dans le temps

Le prophète apprend

Alors tout s’accomplit

Il faut réaliser

Ce qu’Il avait pensé

599


Je m’élance, j’accomplis une distance

Je mesure le résultat obtenu

L’énergie de vie est enfermée

Dans une sphère qui détermine la limite

Je puis aisément atteindre son centre

Mes yeux se cognent aux parois invisibles

L’au-delà est aveugle

Et tâtonne en reculant

Ma tête est constellée d’incertitude

Où est l’outil pour arpenter ?

600


Entre le je suis

Et le je serai

Le poète pense

C’est l’espoir

La certitude

C’est l’avenir

J’ouvre ton œuvre

Pour y voir

Un futur

Mais le temps s’effondre

Il s’écroule sur toi

La nuit tu espères

Tu prétends être

Pour t’en retourner

Dans l’insignifiance du jour

601


Je me nourris de rien

Le rien est là

Qui déteste l’infini

Je pénètre en moi-même

J’exploite mon œil intérieur

Le jour est dedans

Je plonge dans mon regard

Le vrai est tout au fond

Dessous il y a de l’or

Des mots émergent

Glauque troupeau incohérent

Je les range, je les compte

Devant eux, le poète

Le gardien de leur sens

La voix et l’émotion

602


La nuit s’épanouit en elle-même

Comme une immense femme noire

Dans une chaleur rose

Le temps aspire la durée,

Avale les secondes

Qui fuient vers l’avenir

Vivre c’est passer

Mourir est exister

Je veille pour devenir

Dans ma mémoire

Les souvenirs se déplacent

Entre le flou et le précis

J’accompagne mon Oeuvre

Le parcours d’un homme

À enterrer, à oublier

603


Non, je ne peux pas dire

Tu es en moi ce que tu es

Visage et âme unis

L’injustice règne

L’œil dedans dehors

Vise, analyse et sait

Le temps consacre l’avenir

L’oint devient immortel

De toi à moi : qui suis-je ?

L’absolue vérité

Construit sa pensée

Avec intelligence avec

Pour ce réel d’exactitude

De faux, que sais-je,

Il interroge sa forme

604


Je suis, serai-je ?

Accoudé à ma table d’écrivain,

Quel est mon avenir ?

Poète enfermé dans une cage ensoleillée

Pour la folie verbale,

Le désir est au Seigneur

605


***

La mémoire écrase le souvenir

Le cercle cherche une étendue

La terre regarde d’un côté

Le sexe féminin est affamé

La nuit s’enivre à la dérive

Le poète scrute et attend

Le passé est le déterminant

L’origine, le point de départ

Qui a été et n’est plus

J’habite la bulle du présent

Sombre et noirâtre

Replié et caché

J’y invente le clair, sa lumière

Je prétends me projeter

Vers un avenir

606


Toi, tu diras : en ce temps

Tu étais et ne savais

Mais le passé a fui

Nul souvenir fugace

Ne comble les instants

Que j’essaie de capter

Les mots s’appellent

Les signes pénètrent dans les signes

Les signes

La tête découvre ses secrets

Offre ce qui est enfermé

Soupière en ébullition

Elle malaxe de l’invisible

Prélève à la dérobée

Quelques pensées légères

L’idée est à saisir

Au milieu du magma

Elle est la flèche

607


L’horizon est couvert d’encre noire

Il se répand sur le papier

Il conçoit le monde

Le mot fabrique le mot

Engendre et conçoit

Le sens s’éloigne

Il y a recherche de pureté,

Il faut être bien né

Le temps lave le sang

Le moi dit : possible,

Non, peut-être, à voir

Il chasse, il exécute, il tue

La lumière plonge

Aspirée par le vide

Dans un espace vivant

608


Intérieur, extérieur

S’organisent des formes

Élaborées pour un devenir

609


J’écoute

J’écoute mourir entre mes jambes

La femme, vagues mortes, marée échouée

Évanouie et somnolente

Les yeux dorment de lassitude

L’illusion est infinie.

Oeil

Oeil replié en soi-même

D’éclairs, de feu et de phosphore

610


Voici

Voici l’écume de la mémoire

La vapeur claire mollement infinie

Caresses et filles savantes vers l’azur

Cerclées de robes fumantes et d’avenir

La haine est dans le corps

La chair est en feu

Tout est cruauté

Le sexe est mort

La pensée fuit

Dans la nuit

Nulle possibilité

De jaillissement

J’ai épousé la médiocrité

611


Dans mon état de purifié

J’accède au néant

Mon devenir est difficile

Je tète à la poitrine noire

Du sang de béatifié

Tu vois : je m’élève

612


La plaie est à l’intérieur

Qui la verrait ? Qui ?

Le sang charrie de la douleur

La chair ne sert qu’à souffrir

Elle frémit sous l’extase

Sans le plaisir de l’autre

On fabrique des images

Histoire de fuir un peu

Les relents de la mort

Masse blanchâtre, ceinture

De clair invisible

Qui donc pourrait voir ?

Persécution mentale,

À toute heure, encore

J’habite avec la mort

613


La nuit

La nuit durant laquelle les femmes bleues voltigent

autour des pages lourdes et repues d’écriture, agenouillées,

priantes vers l’aube exaltée d’avenir,... d’avenir.

Le feu s’exhale autour des cuisses débordantes de luxe,

de richesse, de jouissance - ô touffe superbe et noire - ô chair

d’homme, sexe d’homme suppliant une errance infinie, de mort.

La certitude de la mort. Son corollaire : l’immortalité, le

futur vrai. La vitesse terrestre est l’ennemie.

Le poème n’a pas à se justifier. Sa réalité autarcique lui

est suffisante. Il existe dans son système fermé.

Que celui qui veuille l’aimer, le trouve !

614


Espérer, avenir ?

Que pouvons-nous espérer ? Quel est notre avenir ? La

science vorace et dominatrice nous sommet au ridicule de notre

art. Nos grossesses poétiques avortent, nous portons la honte de

cette discipline. Nous n’amusons même plus les premiers. Que

reste-t-il pour le futur ?

Je poursuis toutefois le jeu abrutissant des mots, je

poursuis encore. Jusqu’à quand ?

615


MESSAGES

V

616


Le risque, l’audace

Le risque

l’audace

ces mots-là renferment des idéaux

Ainsi je vais trop loin

La quiétude souveraine

jouit du passé

se protège de tout aléa

Chaque tentative

est un espoir

dont la valeur est inconnue

Accumulation

productivité

et rien ne saurait suffire

alors pourquoi ?

617


Espérer peut-être recommencer

pour obtenir un autre développement

une autre finitude

Ou changer pour être comme avant

On insiste

On reconsidère la limite

Puis toi si fine, si claire,

toi Marie

dans un drap oublié

Écrire c’est encore

réorganiser un ordre

c’est penser autrement

Mais pourquoi ? Pourquoi ?

La vie produit des pensées qu’elle efface

sur son parcours

Le réel court vers le futur proche

618


et semble oublier

le passé immédiat

Parler d’absolu,

c’est employer un terme difficile

c’est spéculer avec du matériel inconnu,

délétère

Le risque

l’audace

ces mots-là renferment des idéaux

619


Retourne d’où tu t’en viens.

Jamais

quand bien même

des possibilités extrêmes

infaillibles

réelles dans le futur

certifiées par un Dieu

Jamais

Moi, Moi, désespéré

trahi, haï

combinant, cherchant, certifiant

Jamais nourri par des génies

le leur

produisant avec désespoir

avec moult moyens

J’avance poussé par le Mal

redressant mon envol

bondissant, hors et jaillissant

620


Moi, oui,

très à l’intérieur de l’écume,

soulèvement, enfoui dans la profondeur d’un cauchemar

boiteux, à la Poe,

Néant, béant d’une chambre maudite

refusant l’adaptation à l’autre, aux autres

à autrui,

Perché et maître reconnaissant le Nombre

le même,

limité dans son extrême

à un double-six de syllabes

ou de pieds

J’hésite, je veux et ne peux pas

en maniaque, métromaniaque

poursuivre l’essai

dans ces calculs nouveaux

621


je combine encore

J’espère être pour l’Esprit mien

dans le triomphe de ma tempête

fabriquant le secret

inconnu à l’homme

emporte, emporte-moi nef

bouillonnant d’une splendide tête

pour des contrées nouvelles

J’intègre la probabilité nulle

de gains, de crédit, d’avenir terrestre

Nourri de démons ridicules

désireux de les chasser

La mer ! La mer !

rejetant la femme

fantôme d’espoir, passé

illusion d’orgasme

622


hantée de blondeur née

de chair bleu turquoise

Oui, solitaire et tel

prince amer de l’exil

dans l’éblouissement pléthorique

frère du dérisoire

J’avance

possédé par l’oeil fatidique

Poète expiatoire du ciel

bouc innocent et incompris,

de la seigneuriale divinité

Lucide mais feignant

gonflé de certitude et

allant en soi-même,

Moi

Avec conscience, sans vertige

par temps de souffrance

sur mon rock

cherchant la production immense

623


Existera-t-il

autrement que poète virtuel et céleste

commencera-t-il

constamment nié

Du moins Il s’illumine

Maudit, maudit

par cent aiguilles dans la chair

portant la honte et le ridicule

de la vaine profession

Ce serait...

mais Christ choit

dans l’écume sinistre de l’insignifiant

se souvenant pourtant

de quelque rare baume émané

par la Force

Il travaille sans délire

pour remplir son gouffre

624


Je dis : Rien n’aura lieu

mais élévation d’absence toutefois

fondée non sur l’espoir

L’acte est plein de certitudes... est-ce ?

Je réponds : oui

sans perfection réelle,

nourri d’absence

excepté pour l’au-delà peut-être

hors d’intérêt

pour toute vérité humaine

mais cherchant encore

construisant avec moi-même

Pour Orion, éloigné, si proche des Pléiades de feux,

d’apprentissage, que sais-je

donc

Une constellation de livres

625


née pour s’en retourner dans l’espace inconnu

pour accéder à cette pierre de faite

rejetée de tous

La divine parole était un coup de dé

626


Dès

Dès qu’il en prit conscience

À coups de pensées déployées

Il développa sa méthode

la sienne, oui.

Il produisit comme on s’accouple

Mécanique de fauve érotique

Sa certitude accéda à de l’inconnu

Ses fluides, ses spatules de l’esprit

Touchèrent d’autres envies

d’autres femmes de poèmes

Mais le Ciel condamna

fabriqua de la haine

l’aigle blanc eut la chair torturée.

627


Non-sens

Fériale

À l’honneur des pierres

Gratte mes petites marques

Femme

Je ne dois pas me servir

Des marques qui t’ensevelissent

Fériale

Développe l’extraordinaire

Loi des petites pierres

Femme,

Où tu es, je ne suis pas

Méfie-toi

J’irai jusqu’au bout de l’impossible

L’interdit est mon avenir

628


Un papillon de rêve

Un papillon de rêve danse dans une tête

Ô vol, ô légèreté d’aile

Je te vois chavirer

Te voilà renverser dans l’ivresse,

Oeil emporté par le vent

Cherchant ton amoureuse.

629


Délivre-moi

Délivre-moi

la fraîcheur m’enveloppe à demi

L’épouse du poète maudit

Penchée

Tournante, tournoyante, envolée

Elle se déplace dans ses jours néfastes

Elle dort sur des clous, des brisures de verres

Elle a froid, elle est brûlante

La voilà crucifiée au milieu des ombres

Fille du fakir, princesse de la douleur

Elle cherche des étincelles

Son époux est misérable

630


Magnétique attrait

Constante privation

Éphémère et sainte

Je nourris son supplice

Ô ma beauté interdite

Pourquoi m’as-tu suivi ?

631


Qui accepta

I

Qui accepta de l’entendre ?

Nul pour s’abaisser, pour écouter gémir les longs

déchirements, nul

Alors attendre, attendre la mort, car la délivrance, la

délivrance...

C’était constance de cruauté,

Dans la nuit qui frappait ?

Sa douleur était sainte

Avec bénédiction divine ses mains couraient

Écrasées d’aiguilles, saignant un sang blanc,

Invisible

Lui à l’écart, maudit et purifié

Espérait toutefois

632


Il

Il suppliait, implorait :

Tu es dans une forêt d’épines

Qui te suivrait ?

Pieds, mains, sexe blessé

Nulle chance, seulement de la haine

Cruelle et bête

Le temps comptait, la vitesse n’avançait pas

Ô bien-aimé, est-ce la douleur ?

L’état poétique se forge sur ton front

Le ciel est fou ! Qu’il cesse !

Le ciel est...

Il suppliait encore.

633


Moi et Moi

1

- J’ai compris, je savais ce que poésie valait

J’avais l’intelligence du logicien

Il s’agit de la conscience

- Je t’annule, je te hais,

Je te méprise toi qui sais

2

Chercheur dans ta vérité exacte

Creuse encore

Toute la lumière éclaire ta certitude

634


Analyse, solution

Le vers explose

Je connais sa valeur

Anodin, inutile, en dessous

De gloire en festivités, ils s’appellent : Triomphe

Par faible création

Supposant l’audace

Immunisés dans la bêtise

Il faut : solitude et travail

travail et solitude

En avant, supposant, espérant

Pour quel avenir ? Hélas !

635


À personne

Je ne lègue à personne

Ma part de poèmes, de rythmes

Qui s’élaborent dans mon désert

Enfermé en moi-même

Au plus profond de l’exil

Nourri d’imaginaire

Sans contradiction, mais sachant

Évidence immuable

L’organisation de l’homme est facile

Collectionneur d’images, de sons, d’invisible

Proposant des fréquences,

Je fomente dans mon âme fertile.

636


Il est temps

Dans sa main brûlante, s’envolent

Des papillons, des tourterelles, des filles claires

Descendus pour être caressés

Sa main messianique fascine, attire, convainc

Il est temps d’entrer

D’entrer pour savoir

Pour séparer l’illusoire du réel

le futur de l’absurde

Il est temps

637


L’exactitude poétique

La Lumière descend, annonciatrice des moissons

Et se console de la haine voulue

C’est de te nuire

c’est l’ennemi destructeur

Aiguilles sous les aisselles

Dans la vérité inconnue

aiguilles

La soie

La soie ensanglantée

L’orage dans le front

La nudité belle

Vrai - l’ensemble est cohérent

Il n’y a pas de magie

Seras-tu apte - dis-le ?

638


La constante recherche

Par l’interdit à pénétrer

Je t’ai longtemps cherchée

espérant longtemps

J’ai plongé dans ton regard de femme

de fille

de muse

désireux d’union parfaite

Était-ce réellement sensé ?

639


What’s a shame !

Violence tu me traites comme un chien

Comme une foule d’excréments

Sur une existence productive

De semence divine

La haine exécute le poète désarmé

Agile et véloce, le voilà tortue centenaire

Si Satan quittait les murs du pavillon

Quel splendide matin d’avenir !

Horreur pour la médiocrité de la discipline

Quelle honte !

640


Ténacité

Critiquant, critiquant et sachant

Le réel contenu obtenu

La médiocrité en moi

De l’acte poétique dépassé et ridicule

Derechef travaillant, travaillant

Éclairé de science et de vérités

Donc honteux et caché

Innocent, agressé, virulent d’exactitudes

Proposant des solutions autres,

Refusées par le ciel,

Implorant encore pour rien,

Oui, lui - mais quand ?

jusques à quand ?

641


***

La pensée transpire son savoir

642


A JAD WIO

Par l’étroitesse de l’ouverture

Je fais glisser la fermeture

Je me conseille un doigt, l’index

Qui délicat cherche ton sexe

Tu es la reine de la torture

Et avec toi toujours durent

Les pulsions les plus secrètes

Dans un torride tête-à-tête

Je suis le prince de l’évasion

Fuyant, suppliant ton bien-être

Qu’en tout au fond tu me pénètres

Par ta perverse soumission

Inonde-moi, inonde-moi d’amour

Fais balancer tes seins si lourds

Que germe en moi ton bas plaisir

Entre souffrance et bleus soupirs

643


Le va, le vient

Le rituel éternel de deux chairs

Le passage, la trouée

Les langues roulées

Les regards

En tête-à-tête

Puis les rudes coups

Portés dans le ventre

La pensée s’écrase

Dans l’apothéose des corps

L’âme redescend

Constellée d’orgasmes

Redescend

644


La mémoire aime l’oubli

Le souvenir fuit

Là-bas dans l’ombre

La pensée est brisures de cercles

De moins en moins parfaits

Qui s’évadent vers l’infini perdu

De dérive en dérive

La nuit couvre le jour

Carnassière et dévastatrice

La tête est lourde de songes

Le sommeil s’épanouit

Éblouissant en longs soupirs

645


Exécutée

La liberté exécutée par le mal

Par l’émule de Satan,

Existe-t-il quelque espoir d’avenir autre ?

Le jour couvre le jour

Agressif, violent, inouï

Le temps rejoint la mort qui dure,

Nul ne le croira.

646


Où est ta fuite ?

Où est ta fuite,

ton refus

ta honte ?

Cette question est posée par un poète

qui se replie en soi-même

Tant que l’homme produit,

il vit tout au fond

très loin

à l’intérieur

De chaque poème naît un espoir

construit par l’alphabet

d’un ordre - désordre

La pensée s’épanouit derrière le visage

La pensée construit

pour imprimer du délétère

647


Chacun sa vie

Chacun sa vie

Dans la vie

Accumulation de sueurs

De sueurs poétiques

Pour qui ?

La main caresse le vent

Le soupèse

Le porte pour qu’il fuit,

Là-bas, là-bas

L’oeil est à l’intérieur

Il navigue

Sur le marécage livide

De l’intelligence

648


Tu parles seul

Autrui t’entend

Dialogue de nettoyage

Purifiant l’esprit

Pour écrire

À quoi sert de vivre ?

A perdre son temps

De dormir pour toujours

Le souvenir menteur

D’une mémoire truqueuse

Mais de bonne foi

Toi prédisant,

Cherchant l’avenir

C’était hier

649


Souvenirs

Souvenirs

Vous versez l’oubli

sans futur

Délavées les pensées

Disparaissent

Peu à peu

Ainsi s’écoule le temps

À travers notre mémoire

De clair-obscur

Tout s’efface

Dans l’oubli menteur

Notre regard intérieur

Masque le mensonge

Nos yeux se nourrissent

De vaines images

Encombrées de poussière

650


***

La sève coule sur la corne d’or

La sève ou semence divine

651


Perchée, éclatante d’extase, la voilà ivre, remplie de folie

- courant, courant à travers les mots et les possibilités d’écriture -

la voilà encore, cette fille étonnamment bigarrée, grandie à la sève

de l’espoir.

Mais est-ce réellement raisonnable de la supposer apte à

extraire encore quelques recherches de déséquilibre ? Quelques

tentatives audacieuses ?

Depuis déjà longtemps, j’avais délaissé sa chair ronde et

blonde comme une pomme sexuelle. Je lui avais préféré la rigueur

classique d’une Phèdre splendide, d’une Andromaque soumise ou

d’une Iphigénie sacrifiée.

652


I

Sublime, ô sublime

Je t’apporte ma chair

Veux-tu du moi en toi

Je t’ai trop aimé, dis-tu

Je suis lasse du va du vient

Je suis lasse

L’amour est un prétexte

Le sexe une banalité

II

Beauté, beauté

Je t’apporte ma chair

Voudrais-tu du Moi ?

Je suis plus que toi

653


Vivre ne sert à rien

Vivre est inutile

L’Esprit peut-être

Ou l’oeil intérieur ?

654


***

Voilà, voilà encore cette impossible recherche,

désespérée, désespérante, au plus profond du moi scrutant et

intérieur, désireuse d’obtenir un splendide résultat. A-t-elle

quelques moyens ? Pourra-t-elle se prévaloir de pénétrer

l’immense conscience que le poète suppose posséder ?

L’esprit attend cette formidable décharge de la cervelle,

cet élan de vie intellectuelle permettant d’accéder au Poème.

Et quel est son futur, à ce poème ? Quel avenir, lui déjà à

jeter dans les tiroirs de l’oubli, dans la satisfaction personnelle

mais stupide ? Car le poète est imbu de son Moi, il se gargarise de

sa propre substance. Il possède la certitude de sa capacité... Il ne

saurait en démordre.

655


***

Quelque chose d’infiniment ridicule qui doit s’ajouter sur

une perception presque blanche, inconnue ou livide.

L’oeil se balade, spécule, cherche, l’oeil au fond de luimême.

Négligemment attendant, espérant un Je suis dérisoire.

intérieur

Et c’est ce rien qui se propose, à la vue de mon visible -

Cette pensée, et voilà - n’est-ce donc que cela ?

656


Le jaune, le vert hurlent

L’Esprit attend

Une vague lueur

Tout est à découvrir

À combiner

Même l’insignifiant

Peut permettre de croire

En quelque chose à écrire

Alors du noir

C’est la raison de l’exécutant

Qui marque de pauvres mots

La lèvre prononce

Des résidus de syllabes

La main exécute

Obéissante, soumise

Faut-il se plaindre ?

Le poète caresse du papier.

657


La femme insecte

Je sortis de mon cauchemar, couvert de sueurs glacées,

j’allumais rapidement la lampe de chevet et vis, face à moi, à

quelques mètres du lit cette étonnante fille cruelle avec des ailes

de papillon qui m’observait dans une fixité étrange. Les ailes

commençaient à tournoyer dans une sorte de ballet bizarre,

difficile à décrire. La lumière jaunissante de la pièce éclairait çà et

là dans un jeu d’ombre la femme-insecte venue pour me faire

jouir ou souffrir. Je bondis hors du lit, nu, en érection et

m’approchais d’elle. Ma respiration était saccadée, j’étais

pantelant, frémissant et angoissé, mais attiré irrésistiblement par

cette curieuse femelle. De son regard métal, elle m’obligea à

m’agenouiller. J’obéis lentement et plongeais mon visage contre

son buisson noir et brillant. Je buvais crispé l’odeur acide et molle

de ses lubrifications vaginales. Je passais ma langue avec

dextérité dans la fente humide de son sexe et me concentrais

pleinement sur son petit bouton rose gonflé de sang.

D’une voix légère et claire, elle me demande :

- Où avez-vous appris à faire çà ?

- Constamment je le fais. C’est une manière de rendre

658


hommage au lieu qui m’a vu naître...

Puis je me relevais. Avec délicatesse, je lui fis faire un

demi-tour sur elle-même, et je pus admirer l’étrange conception

de sa chair féminine. Au-dessus du fessier, à la hauteur du creux

des reins, l’on pouvait observer une touffe épaisse de poils.

J’écartais délicatement cette zone unique, et vis un deuxième sexe

comportant une autre fente, des lèvres plus larges et au milieu des

lèvres, un sexe d’enfant de quatre à cinq centimètres de long, en

position repos. Il s’agissait du second clitoris, volumineux cette

fois et totalement adapté à la langue et aux muqueuses internes de

l’homme. Je m’efforçais de lui faire une sorte de fellation délicate

et subtile, lapant doucement cette zone sensible. Ses ailes se

mirent à frémir et je l’entendis de sa voix cristalline gémir avec

plaisir.

- Oui, encore, bien lentement. Oui, oui, que j’aime ! ...

Cette délicate caresse dura pendant un long moment, puis

la sachant sur le point de jouir, je décidais de pénétrer cette touffe

noire chargée de muqueuses et d’odeurs vaginales Mon sexe

toujours en érection se glissa aisément dans cette ouverture

secrète. Le pénis y était emprisonné comme dans une cachette

659


sûre et délicieuse. Je sentis monter en moi la sève de l’orgasme, je

décidais de l’accompagner en saccadant de manière plus forte le

coulissement intime, je poussais des petits soupirs qui se mêlaient

à des grognements légers. Ne pouvant plus me retenir, je laissais

exploser mon pénis dans sa chair en feu et donnais de violentes

saccades de sperme dans le bas de ses reins. L’éblouissement était

total, et je perdis connaissance sous l’effet de la jouissance

dévastatrice. Quand j’ouvris les yeux, la femme-insecte avait

disparu. Je regagnai mon lit pour m’y réveiller quelques heures

plus tard.

660


Peuple d’images

Peuple d’images, de mauvaises pensées nourries de

perceptions insignifiantes, faiblement extraites de la cervelle ! Il

cherche avec difficulté depuis des semaines, et la tête est lourde

de bêtises, d’incapacités, de ralentissements. Terre aride, terre

desséchée par son soleil ! Considérant un ciel toujours plus haut !

L’énergie est dans la chair de moins en moins exaltée, le sang se

liquéfie.

Rien ne saurait y faire - nulle recherche n’engendre

d’étincelle, ou de perception nouvelle utile. Les mots gisent là

comme des petites fourmis recroquevillées, les pattes en l’air,

attendant le fossoyeur. Tout s’en retournera à la tombe misérable

et inconnue. Puis-je me repaître de mes restes ? Un espoir ? Quel

espoir ? Je vis seul, dans l’ombre de moi-même, affairé à ce

devenir étrange. Aussi je me recharge respirant le passé, comme

un souffle venu des profondeurs que j’aspire pour lui rendre la vie

avec son cortège d’images, de syllabes d’autrefois, comme une

résurrection de squelettes dans le cimetière de Jérémie !

Je devrais être Moi, une Parole parfaite dans une bouche

purifiée, mais l’oubli d’autrui constelle ma certitude de vides,

661


d’indifférence, d’intérêts insignifiants, hélas !

Tout ce que je n’ai pas écrit ou dit, l’inspiration l’a pensé

dans une phrase éternelle enrubannant l’univers sans fin et sans

raison.

662


Hors la chair

Il y a le voyage hors la chair,

par le passage étroit

La sortie, la montée, l’extase,

Il y a cessation de la durée et connaissance

de l’avenir, survivance d’esprit,

savoir, faux savoir, expectative

Je glisse dans la nuit, j’échappe au monde

C’est ainsi que j’atteins l’Idéal

663


Un corps et une âme

Un corps et une âme partageaient une chair

L’ombre du néant s’étalait sur le corps

Le Néant était le possible du lendemain

Le monde était inclus dans d’autres mondes

indépendants les uns des autres, s’ignorant mais réels

Phénomène d’inclusion, d’intégration,

de l’un dans l’autre comme des poupées russes,

comme un atome dans un microbe,

comme un microbe dans un flux sanguin,

comme un flux sanguin dans un homme,

comme un homme dans un système solaire,

comme le soleil dans une galaxie,

et la galaxie dans l’univers.

Mais le visible et l’invisible, et ailleurs ?

664


Quand la chair se meurt, l’esprit quitte le corps

et accède à l’au-delà.

665


Plus que vide

L’au-delà : ce que tu peux dire

chaque parole est rien charge de rien

inexistante dans l’insignifiant

tu cries ? rien

tu implores ? rien

résidu infiniment ridicule de rien

de merde

pour le silence d’indifférence

oubliée, à gommer dans la fuite du temps

Mais le corps se dédouble

corps entouré d’ombres

tête pleine d’espaces vides

de gouttes de peu de neurones

faiblement électrifiés

indénombrables, infinis dans le fini

666


ta parole première, dernière - la même

a été dite et s’oubliera

première ignorée

ensevelie

enterrée

dans ton néant

tu es

et tu disparais

667


Monde élevé

Monde élevé, lumières claires, tendances hautes

La pensée tournoie dans sa circulaire certitude

J’enferme l’œil à l’intérieur

Je détermine l’évidence, la réalité mienne

dans l’énergie de l’intelligence

avec la durée, par l’Esprit

Monde ailleurs opaque

Mais de transparence vraie

Indifférent, voire inutile

Obscur, sale et noir

La dimension du Moi

Exalte la vérité

J’accomplis l’image

Ainsi j’écris

668


Dans le monde

Être dans le monde pur

Chaque certitude, abstraite, réelle

sans substitution, sans faiblesse

monde idéal

Les hommes se détachent d’eux-mêmes, s’envolent

Le monde autre, pour quelle perfection ?

Les couleurs se meurent

jusqu’à l’obtention du blanc idéal

669


Morceaux

I

L’existence

Quelques décennies terrestres

Un peu de sang, beaucoup d’eau

Mais l’avenir est là-bas

Le visible disparaît

La clarté est dans la nuit

Les signes eux resteront inconnus

Je suis lu par l’obscur

Les Morts me connaissent

Fortes nuits, nuits productives

J’écoute ma puissance

L’intelligence veut, peut-elle ?

J’ai soif d’attendre

D’espérer la parole

J’invoque le Vent.

C’est pourtant le désert

670


Sur cette page stérile

- Que veux-tu ?

- L’idéal à obtenir.

- Qui es-tu ?

- Je suis ce que j’écris, hélas !

À la recherche d’un or

D’un immortel, d’une pierre, que sais-je !

- Les Dieux, aident-ils ?

- Parfois.

La perception invoque l’idée

Porte-flamme des mots

J’obtiens des choses,

Magma incertain

Qu’est-ce ? Ils disent : poème

Après tout ! ... Suis-je désabusé ?

Chaque mot contient une émotion

En synergie avec un autre mot

J’encastre, je mêle, j’emmêle

671


J’abolis la distance

Le poème se perd dans mes yeux

II

La langue s’appauvrit

Les hommes pensent,

Penchés sur leurs terminaux

La machine a de la mémoire

L’intelligence est mentale

Les mains servent à pianoter,

- Jusqu’à quand ?

Jusqu’au pouvoir de la parole

J’attends son retour

672


III

Le feu doit purifier

Pour qu’apparaisse ta vérité nue

L’argent de l’art ?

La poésie est une indifférence

Avec le temps

Le gros mangeur de secondes

673


IV

Pour ne pas décevoir

Ne rien faire

L’aurore est une bouche

Qui pose des questions

Si la passion s’en mêle

La raison est dans l’abus

Le moi veut s’approcher du toi

Quand il l’attend,

Il en cherche un Autre

L’homme seul communique avec Dieu

La mise à l’écart

Est acte de pureté

674


V

De plus en plus de morts me connaissent

L’invisible agit sur ma chair

L’artiste intègre de la pensée dans la matière

L’ouvrier aussi

L’ouvrier disparaît

Tout devient service

675


Que peux-tu ?

Je suis peu, mon vers, que peux-tu ?

te supposant apte à construire quelque chose

l’accumulation de mots, de verbes, d’idées

à travers

à travers

Est-ce cela l’espoir sans chiffres, sans fractions, sans

comparaisons des grandeurs ?

Alors cultures : européenne, mondiale, italienne et

grecque vers des littéraires, des artistes,

sans techniques appliquées, sans la science hélas !

Tu dois polir du langage, lire des traductions avec

honnêteté comprendre, peser, évaluer l’autre, autrui pour quelques

lettrés de mauvaise composition jouant les suffisants, les

supérieurs, les sachants - quoi ? Tant pis !

Tout est gratuité pour un ensemble limité de lecteurs.

Ce n’est donc que cela ? Moi qui ai tant risqué !

676


***

L’esprit supplie l’Intelligence

677


Un frisson

Un frisson d’estime

Non, cela est trop peu

Qu’avez-vous pu comprendre ?

Vous ne saviez pas décoder

Subtil objet sonore

Des mots en synergie

Des complexes à organiser

Tu es ma fugue

Ma fille lointaine

Tu es agité

En toi-même

Marcheur immobile

Le temps efface

Ce que tu as inscrit

Le temps se dilue dans l’espace

678


Savoir purifier sa tête

Jeter les détritus

Y construire avec

De la mémoire

679


Qui

Qui

et ce mot espéré,

qui comprendra ?

J’exploite une douleur

une longue plainte sanglante

tous ignorent mon savoir

c’est une fuite vers le futur

plus loin, le vent incertain de l’espoir

680


Es-tu ?

Es-tu prophète du vingtième

sans luxe, avec sainteté ?

Ce sera le refus sans contrepartie

l’immense mépris sans un geste

l’indifférence de l’homme

ta pure réalité est dans la solitude

Mais l’âme prétend que c’était impossible

ainsi elle se défend

prétend que ...

a-t-elle raison ?

Esprit de faiblesse et d’insignifiance,

débordant de naïveté

681


Morceaux de vie

Les livres

les écrits

l’Oeuvre

la pureté du Moi cherchant l’idéal Divin

la conception du Parfait

Les productions à obtenir

la préparation pour un ailleurs

le Mal

la lampe intérieure

l’intelligence

l’Esprit

Les aiguilles dans la chair

la douleur

La place, la hiérarchie

le petit Christ

la couronne d’épines,

le langage

682


Quelques filles exactement

soleil - sexe - plage - soleil

683


Monde fuyant

Monde fuyant vers un autre monde

pourquoi ?

monde virtuel de mensonges

d’applications d’imaginaires

de définitions ludiques, instructives

et mon calcul devient complexe

Monde infini face à moi

de demain

de mon fils

de ses fils

se connectant, mon beau futur

je dis : oui, et j’espère

D’avenir, de demain

fabriquant d’autres mondes etc.

684


Autre monde

I

Le temps accompagne la ligne vraie

qui va d’hier à demain

le temps s’incruste sur la ligne

ou encore j’associe l’espace du temps

mas je conserve mon principe bidimensionnel d’écrivain-

je travaille avec mon instrument

j’avance donc sur une droite que je noircis

papier

Chaque monde est inclus dans un monde où le temps

varie, le monde est donc un ensemble d’espaces pénétrant les uns

dans les autres

Le monde passé n’est plus, ne se répétera jamais mais

Demain est déjà connu par la Force-Dieu

Hier pourrait-il revenir ? Hier ne sera plus. Ce qui a été

est mort, et s’en retourne au Néant

685


certainement.

Néant d’espoir, d’ailleurs, de là-bas peut-être ...

II

Il y a la distance à franchir, le passage par la porte étroite

puis la révélation

et c’est l’incertitude, l’ignorance totale

car nul homme n’a vu et n’est vivant

Alors ? Quel but ? Quelle finalité ?

Demain, je devrai m’admettre avec ce que je suis, de vol,

d’injustice, d’ignominie,

de cruauté, de bêtise, de lâcheté

vérité suffisante de honte, de réalité,

finie

686


Un endroit

Il y a un endroit où le vrai se veut certitude

sans contradiction sans dialectique

le peut-être s’abolit

le conditionnel est effacé

On possède le vrai comme d’autres le mal ou le bien,

comme d’autres

Est-ce lieu du Parfait ?

Vu la porte céleste du lieu

porte invisible

existe l’Éternel

Je pourrais soutenir que tout était là

Quelque chose, quelqu’un

687


Quel avenir

Quel avenir après cette vie ?

Tu te sais immortel vrai, inconnu des hommes pénétrant

le tombeau de l’indifférence

mais poussé par l’élan de survie

Hier, tu étais dans une chair, enfermé dans un corps de

vices, de non-vices, de transmissions sexuelles, d’espèces, etc.

Tu étais pensées de peu, de rien, de médiocrité, tu n’as

jamais cru, - tu te voyais perte, inutile, etc.

De ton futur, de ton identité, - de cela, tu n’en as que

faire. C’est l’immense oubli pour ta cervelle féconde, c’est une

sorte de j’enfoutisme. As-tu raison ?

Voudront-ils te restituer dans leurs souvenirs ? Qui, - ils

? Ceux qui t’ont lu ou refusé. Voudront-ils ?

Quelle en serait l’utilité ?

688


Toi tu te soucies de ton passé,

sans songer à ton futur

Tu n’es pas même dans une idée de survivance,

mais de réelle certitude Divine.

Pourquoi s’inquiéter ?

Ne plus être chez l’homme ! Qu’importe !

puisque tu seras là-haut avec d’autres esprits

avec toi-même

que sais-je !

Je te pense pour que tu amasses avec le Fils

et cela est suffisant

689


Le monde sera

Le monde sera ce qu’il doit être

en son lieu, en son temps réel

en son possible, à sa façon

comme une tête pensée par un Dieu

côtoyant d’autres têtes

La mienne petite et insignifiante

perchée sur un corps

avec une autre tête, la sienne,

belle ou moitié, la sienne

collée

De l’immensité à l’infiniment petit

tout est su, pesé

et toi toutefois

toi vivant et si peu pourtant

toi

690


Non pas un monde, mais des mondes

Non pas un monde, mais des mondes

inclus, s’ignorant dans des espaces

où le temps varie

où le temps décide de l’existence

avec un catalyseur

un instrument de passage

de convertibilité

pourtant incapables de communiquer les uns les autres,

interdits d’accéder à du franchissable

Passer d’un monde à l’autre c’est mourir

Là-bas, j’étais mort je suis redevenu vivant

Là-bas, c’est la connaissance du futur

donc un autre monde

Là-bas, je serai

ici, je n’existe pas

Être ici est impossible

691


mourir ce n’est pas être

mais c’est s’en retourner à son néant

Je sais ma survie

Je ne recherchai ni consolation

ni espoir d’avenir pourtant

692


Un autre monde

Un autre monde, certainement

avec des perceptions plus pures, plus vraies

où l’oeil est perçant

Un monde parfait d’avenir, de passé,

de conscience exacte

de certitude

Un monde supérieur, éternel

régénéré

nourri de sa propre substance

où le temps est aboli,

ou intégré, du moins compris

Voilà pour l’hypothèse

est-ce possible ?

Monde pensé par des Verbes

d’éblouissements internes

Je dis : est-ce possible ?

693


Le possible

Le possible en ce monde

et dans les autres mondes leurs possibles propres

ce qui est possible ici peut l’être là-bas

Mais l’impossible

comme de diviser par zéro

comme de se projeter dans le passé

de connaître son avenir

L’impossible est préférable

est challenge

est résistance

J’accède à l’impossibilité d’être

suis-je moi ?

694


Rappel

C’est donc une déformation de l’espace-temps

Une déformation qui induit une déviation

des rayons lumineux,

qui modifie la position apparente

des objets célestes

Quand je crois voir l’étoile en E,

en vérité elle est en E’.

La déviation des rayons lumineux

par la présence de ces masses

est un outil remarquable

pour détecter la présence de ces masses

mêmes invisibles.

Quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf pour cent

De la matière de l’Univers est invisible

Pourquoi ?

Car la dynamique des étoiles, des galaxies,

Donc sur la loi de la gravitation

conduit à des valeurs de 10 à 100 fois supérieures

695


À la quantité de matières visibles

(étoile, gaz, poussières ...).

On y voit l’indice qu’une grande part

De la matière est sombre

(la matière « noire »)

Puis-je y intégrer la vérité

D’un autre espace inclus dans cet espace,

Le nôtre,

Où l’esprit y est maître,

Où la pensée domine,

Où l’avenir nous attend ?

L’homme de science spéculera-t-il

Sur la vie après la vie ?

Sur la possibilité d’un Dieu créateur ?

696


Par la main

J’appelle la fille

Qui glisse hors de l’esprit

Toujours en moi

Est un avenir

Que j’ignore

Encore de l’ombre

Encerclé d’ombres

Vers quelle lumière ?

Je glisse dans l’espace

J’apprends à fuir

En constance d’immobilité

Accablé de morts

Accédant à la pureté

Du moins à sa recherche

697


Vient la pureté du songe

Composé par l’ange

Ébouriffé de cheveux fins et clairs

Je souffle sur l’image

J’accroche quelques mots

Battements d’une idée

C’est capter un présent

Qui sans cesse s’enfuit

Par légèreté de vent

Balancements encore

Comme le poids d’un saule

Qui dit oui, qui dit non

La pensée s’étire

Veut et se retient

Et doutera toujours.

698


De pas n’importe quoi

Pour produire cette forme

Du doute et cherche

Avec l’élan

L’unique est parfois facile

Son sens perd donc de sa valeur

Ma nuit est aléatoire

De risques, d’espoirs

De logique floue

Constellée de possibles

Tu possèdes peu

Lettres et chiffres infiniment

Sans notes

Et trop faible

Pour exécuter les ordures

Les charognes de Satan

699


Sous le crâne prétends-tu

Et dans l’ovale de ma bouche

Avec la main au calame

L’oeil dicte sa pensée

Il veut, veut, veut

Pour construire

La jetée dans l’esprit

Le souffle combinatoire

J’exploite un risque

Des traces refusées par autrui

Sur le papier

C’est l’âne de l’instant

Dans ton avenir déjà

L’espoir d’obtenir

Un produit meilleur

700


Un élan de vie

L’origine s’écoule

Avec du sperme

De toi à moi

Un seul lien

Puis la séparation

L’érection molle

Annihile tout espoir

D’un futur

Je reste avec le Seul

La circulation du sang

M’irrigue en autarcie

Je porte mon squelette

Je vais de moi à lui

Et l’esprit s’irradie

701


J’espère être

J’espère être autrement être

Non pas une apparence mais un suis

Véritable à moi-même pour aujourd’hui

Et pour demain

Le corps démis de l’âme

Qu’il déguisait faussement

Pour une nature d’Autrui

En absence de vérité

Le temps compte

Maintenant et toujours

Le temps amasse derrière soi

Le présent n’existe pas

L’élan pousse vers le futur

En exploitant un passé

L’onde de choc en cercles

Concentriques, évasifs

D’appels vers le futur

D’oublis vers le passé

702


En pointillés imperceptibles

De lointain de là-bas

L’onde de choc

Le matin pour l’un

Le soir pour l’autre

La constance d’éternité pour Dieu

703


La pensée vieillit

D’intelligence en intelligence

D’esprit nouveau en certitude d’avenir

De génération en génération

Tu espérais obtenir plus,

Mieux, autrement

Tu espérais

À présent, c’est la fin.

As-tu compris que l’ennemi

Était le temps ?

L’appétit d’écrire

Amuse les Dieux

Aller de la vie à la mort

De la mort à la mort

Pour finir ce que jamais

L’on aurait dû commencer

Être rien, infiniment,

Éternellement rien

704


Qu’est-ce que la vérité

Quand tout est changeable,

Quand rien n’est fixé ?

705


En attendant le procès

Lui, corps purifié,

Lui, bracelet d’oint en or,

il produit dans l’ombre sans compagne ou peu :

« Le Mal s’agite, s’agite. »

Il est vivant encore

mais cherche sa survivance :

« Quelle belle mort, quelle ! »

puis les chiens, le Mal, la violence

un espoir par le temps, le travail, les Dieux

Les voleurs, les tortionnaires, la pourriture

Les fils de Pétain, la Milice

à quand le procès ?

J’attends le procès

dans son vide d’inconnu

de tant pis

etc.

706


Orgueil

Ô puissance de soi-même

Les effigies, statues, images de murs

tomberont, eux pourtant vrais glorieux

car je les nomme et les sais

Qu’on me défende des chiens qui mordent

chiens invisibles mais tenaces

moi cherchant encore vers ou cendres de livres

sur mémoire de jeunesse

Tu hurles à la consternation

c’est un, un qu’il faut arriver dans son espace

Non, je n’ai point plaisir c’est déception

descendant les oboles ?

sont venus les Dieux

707


Le Chemin

Quelle frontière mettre entre la vie et la mort ?

Certains morceaux de vie sont vides, bêtes, à gommer.

Est-ce réellement supportable d’être soi ?

Et cette échappée hors du corps, pour quand ?

Avec retour, familles, anciens et Futur ?

Pour une perception du pénétrable

Quel changement, quelle adaptation ?

On fait du oui, oui

oui, oui,

Évidemment, vous avez raison. on craint

708


Pour qu’il monde, suffisamment lumière, baigné

d’ombres, fuyant vers l’éternité ?

Ainsi j’indique le Chemin. Qui me croira ?

709


Le suicide beau

Non vain est le suicide beau

Auréolé d’orgasmes

Éblouissant de Néant

De retour à jamais

Dans l’antre de l’inconnu

Il gît là, puissant et immortel

Refusant à tout jamais

La gloire d’être pour n’être pas

Il explose en grandeurs d’éternité

Détruisant l’action livide et stérile

À accomplir dans l’interdit

Et dans l’autorité d’un Dieu

Qu’il ne connaît pas

Non vain est le suicide beau

Il s’en retourne à sa pure vérité

710


Te voilà réel et bel

N’ayant jamais voulu exister.

711


*

L’impossible d’atteindre l’autre - le supérieur

Et dans sa nullité, des possibles faibles

de troisième zone

ridicules en somme

Je suis peu

serai-je autrement ailleurs ?

Je dis la vérité serai-je cru ?

Le possible paraît insignifiant - petit

J’exploite mon ridicule cela est ?

Je me tais

incompris des autres

réellement haï

Maudit peut-être

712


Et pour quel espoir

Vers quel avenir plus haut ?

713


*

Mémoire : course dans l’oubli

par le temps qui passe

entre réel et infini

au plus profond du moi fuyant la souffrance

et ce souvenir qui dure, qui résiste

et cherche à demeurer

quand je veux le gommer

Mémoire : comme femme qui capture les pensées

tisseuse de mensonges et de vérités

comme fille qui remplit des ballons blancs

chargés d’images, de sons,

de vibrations émotives

Le temps accompagne sa seconde

d’une variable de densité

où l’émotion et la sensibilité

se transforment

pour se fixer autrement

714


« On se suffira, pensait-il de ce résultat ...

Je caresse de l’orgueil, n’est-il point un paon ? »

Alors la Haine descend,

viole, extirpe, arrache,

s’agglutine

La souffrance est ma femme

Je vais de peu à rien

par la certitude de la science

de la vérité étalon

Convertir ma valeur

équivaut à vendre du papier de singe

Ma raison suffoque, je plonge dans le réel

J’y cherche quelques espoirs

Puis, tout se disperse, et je reste

dans le silence sans force,

715


conscient de ma médiocrité

Je retourne à l’origine

716


*

Il y a un non-vouloir, qui engendre de la stérilité. Le

mouvement se meurt et l’élan disparaît. L’on va de peu à peu, et

de peu à rien.

Comme un sexe qui débande, une femme qui se courbe,

des cheveux qui blanchissent, se détruit, s’éteint, l’inspiré qui

n’intéresse personne.

Le ciel, lui constamment se souvient, intégrant autrement

le temps dans le trajet de l’existence éternelle ou du moins infinie.

La mémoire des heures, elle, oublie.

La trace des grands par l’utilité ou le scandale, par la

naissance, chacun peut s’en souvenir.

Puis l’oiseau lance sa trace directionnelle vers l’Azur,

l’avenir, le futur. Nul ne s’en soucie prétendant que tout cela est

image poétique. Pourtant l’oiseau indique le chemin de l’au-delà,

indique la direction à suivre.

717


Il s’agit donc d’attendre l’avenir, et de s’y préparer, de

construire sa personnalité pour ce futur. Alors survient ce qui doit

arriver.

Toute mort appelle une autre vie. À la croisée de

l’existence l’un fuit, l’autre s’en vient. Dans l’espace, se joue

donc un principe réciproque en sens inversé.

Je plonge dans le Livre pour y chercher la vérité. Je

m’épuise à comprendre et ne sais jamais rien. Je veux découvrir

ce que personne n’a pu encore entrevoir.

718


*

Idéale d’idée

J’apporte ma raison

Voudrais-tu d’elle

Du moins, est-ce du moi,

Comme toi ...

Je cherche dis-tu

Mais trouver, ne prouve rien

Trouver est autarcique,

Dans un espace clos

Où l’oeil du poète

Se lave dans sa source

C’est donc une pensée seule

Libre dans son système

Qui tourne sur son cercle

Pour revenir derrière le moi

719


Rien n’est périssable

Tout est pour la durée,

La mienne, oui

Je carambole une syntaxe

De peu, fragile, à respirer

Qui espère atteindre

Le plus souvent : déception,

Dégoût, rejet, etc.

Le désir est une amertume

Dans la sagesse de mon corps

Je suis pur, pur

J’admire la beauté,

J’efface le désir

Que pourrais-je savoir ici ?

Je vérifie de l’intérieur

Le doute s’accompagne d’un vide

Sans certitude.

720


*

Écrire ? Oui ! Mais quoi ? J’en suis encore à chercher, à

caramboler, à refuser toutes les propositions anciennes qui

s’offrent à mon esprit, espérant je ne sais quoi, - une sorte de

production nouvelle, accompagnée d’idées rares ... d’idées rares

?... Non ... Tout cela est trop faible ! Trop simpliste ... Alors ? ...

Alors ... je cherche. Je tourne confusément comme une cage dans

son ours, comme un petit spermato autour de son ovule final. But

extrême - etc. Donc je délire par Higelin, par Moi-même, par peu.

721


Tranche de vie

Le possible

Le parfois

L’imperceptible fuite du présent

Le vide derrière soi,

L’immense gouffre

D’où l’on ne revient jamais

Puis le hasard, qui n’existe pas

Donc tout cela dans le crâne

Devant le front, l’action :

« Allez ! A toi ! »

Un passage que jamais etc.

La beauté inaccessible

Comme l’argent d’ailleurs

Le travail, l’écriture

722


« Allez ! Produis, puis

Lèche, suce, pénètre. Allez !

Espère l’esprit qui s’envole,

... rock and roll !

723


Le temps s’interroge :

Mon présent

Est-il bien placé ?

Si le présent

À son écho,

C’est qu’il possède

L’image de son propre frère.

Goutte sur goutte,

Seconde sur seconde

J’oublie pour intégrer

Ou mémoriser autre chose

Il faut oublier

L’oubli est nécessaire

J’efface, je trace

J’efface des traces

Serai-je

puisque je me gomme ?

724


La nuit attend

Comme un veilleur le jour

Attend

Le temps donne 6, 8, 10 heures

À la nuit

Tu cherches de l’intérieur

Jusqu’au lever de la page

Tu prends des lettres,

Tu y ajoutes de l’élan

C’est ton désir

Impatient, tu appelles le son

Porteur de souvenirs fuyants

La bouche, corolle ovale

Veut penser encore

Tu souffles sur des idées

C’est ton espoir

725


Évidence

Il n’y a aucun sens humain

à tenir cela pour la vérité

Quand bien même cette réalité autarcique

serait confirmée par la Grandeur de Dieu

Cela ne vaut que de l’intérieur

mais ne possède aucune certitude universelle

Suis-je l’autre, moi ?

Que disent mes sœurs, mes frères,

que disent-ils réellement ?

Je ne sais peu, battement de vide

dans le silence de l’infiniment rien.

726


Constat

Au-delà de ce que tu peux faire

chaque signe, chaque lettre, de rien, de peu

Coups faibles par écriture de néant

espérant vainement pour ta médiocrité

Tu dénombres des gouttes, pour qui ?

Premier, dernier, qui es-tu ?

Premier par en dessous, dernier pour l’œil d’autrui

Et tout cela forme ta vie !

727


Pour l’autre monde

Être dans l’autre monde

Chaque futur, chaque temps su et connu

Ce qui sera a été

Monde intemporel

Sans grâce, de vérité, de damnation

Être là-bas, comme ici on ne peut

on ne doit

on n’est pas

728


La survivance

Quel avenir, quelle identité future ? Le sais-tu ?

Oui, tu le sais.

Tu es cette pierre tombale,

Ce catafalque sans gloire chargé de livres

Là sera ton nom

Vivant, tu n’étais rien, méprisé, rejeté

Comme un être insignifiant

De nullité, de honte disaient-ils

Et ton corps contenait ton âme

A l’intérieur, y grouillait la pensée

Ton corps est mort qui es-tu, aujourd’hui ?

Il te faut donc laisser une œuvre satisfaisante

Qui plaise, qui suscite quelque intérêt

729


À moins que .... quoi ?

À moins qu’il n’y ait point de survivance

Chaque fois que j’y pense, c’est le Néant.

730


Le chemin

pesante ?

Quelle frontière entre le corps et l’esprit ?

Et comment puis-je sortir de cette chair si lourde, si

Le sais-tu ?

Quel avenir, à présent ?

Dans les faiblesses de ton identité,

De la nature que l’on t’a imposé,

Au mépris de l’honnêteté,

Le ciel, oui, pourquoi ?

Si cela était vrai,

Si, une fois, une seule,

tu avais raison ?

731


Parfois, parfois

Parfois le soleil, parfois la terre avec ses inutilités de

choix d’écriture, de possibilités à extraire, ses manques d’audace.

Cela dépend de l’aptitude du poète, n’est-ce pas ? Cela dépend.

Sometimes the sun, sometimes the earth with its

inutilities of writing’s choice, with its possibilities to dig up, out

of risks. May be the poet’s capacity, may be not.

Il n’y a plus d’angoisse. Le jour est clair, rempli de

sérénité et de sagesse. J’en suis à produire pour exprimer ma force

et mon aptitude. Tout autour de moi semble en paix : il y a

d’abord cette lumière chaude et lourde, apaisante qui délimite ma

pensée. Puis ce silence de bien-être où l’esprit heureux pourrait y

trouver du ravissement. Je suis rempli d’une quiétude et d’une

tranquillité abondante. Il n’y a nulle résistance dans cette

conscience : la stabilité y demeure et son balancement est parfait.

Puis je vois ou j’entends, - du moins je perçois cette

montée de l’activité cérébrale. J’ai l’étrange certitude de ne

pouvoir la diriger, de la savoir m’échapper. Je m’impose, j’exige

que cette pensée se soumette à mon autorité. Une intensité de

732


lumière intérieure monte pour éclater en principe phosphorescent.

La lumière me heurte, je ne puis m’opposer. Elle existe et

s’installe.

À présent, il fait nuit. Cela est fort sombre. Pouvais-je ne

pas céder ? La force était ancrée au plus profond du Moi, et

jaillissant çà et là semblait impossible à maîtriser et à contrôler.

J’étais un étranger en moi-même, inapte à décider, subissant un

acte de faible violence. Qu’ai-je connu ?

Tu veux fermer les yeux pour y voir, pour voir l’intérieur

de ton esprit. C’est un vaste horizon, une immense terre de

recherches et d’investigations. Oui, baisse tes paupières. Regarde

pour le dedans. Là sont les mots, les souvenirs et les puzzles qui

te permettront de construire des images.

Ainsi tu veux t’observer. Plonge dans cette étonnante

aptitude ou capacité cérébrale. Impose-toi un commencement.

Veuille découvrir quelque essence claire, légère ou libertine.

Pense à une force belle ou nouvelle. Va au plus loin de cette

infinité, expectative d’un labyrinthe ou d’une combinaison de jeu

d’échecs. En vérité, spécule.

733


Tes mains s’agitent, tes jambes s’étirent. Déjà, tu cours

en toi-même. Qu’y a-t-il à voir, à faire ? Alors cherche. Encore. À

présent, il faut travailler. C’est l’instant de la sublimation, de la

forte découverte qui devra engendrer de la satisfaction.

Le temps s’écoule. L’esprit est déçu. Te voilà retourné à

ton état premier de paresse, de dégoût et d’indifférence. Que tirestu

de cette expérience ? Que prétendais-tu obtenir avec cette

capacité ? Telle est ta réflexion. Quelques instants se sont passés,

et il ne reste rien. Ou plutôt, il reste cette feuille noircie avec de

vils caractères inutiles et stupides.

734


I

C’était une faible possibilité, imperceptible, à peine

réelle, presque insignifiante à tirer d’un rien, d’un Néant. L’Esprit

injectait en soi-même de la pénétration, allait sans trop savoir, en

prétendant qu’il y avait ... quoi ? Ce bruissement, ce battement de

papillon d’aile. En vérité, c’était une force élémentaire d’intuition.

Il fallait toutefois que cette perception reposât sur quelque chose

de concret pour que l’intelligence prétende y déceler un soupçon.

II

Non, il n’y a pas de doute. Il y a un individu qui avance

avec certitude, avec sa certitude. Qui refuse de passer par un

chemin déjà emprunté, qui ne considère nulle faiblesse, nulle

erreur en soi-même. Où sont les désastres ? Les pertes infinies,

irrécupérables ?

Donc, ce petit bonhomme ridicule et prétentieux poursuit

sa route, pénètre une obscurité inouïe. Il refuse de voir la ténèbre

qui l’enveloppe. Il va de semence en fleurs, de récolte en

moissons, d’accumulations en germe et assure son cycle poétique,

735


de vie, de mort et d’avenir.

Il avance en posant des bornes de certitude, en jetant sur

le sol des petits cubes de vérité. « Belle nuit, nuit réelle où je jette

toute ma saveur et toute mon aptitude, poursuis avec moi cette

course splendide ! »

III

Dans la nuit, la Lumière t’instruit, t’apprend. Toi, tu

guettes, tu scrutes. Elle te nourrit de ses sucs splendides, de ses

substances inouïes. Elle est ce que tu espères. Que me donneraistu

pour accéder à du progrès, pour fuir la torpeur cérébrale dans

laquelle tu gis aujourd’hui ! Tu veux monter, mais comment ?

IV

Que comptes-tu peser, toiser dans ces ténèbres ? Que

prétends-tu savoir ? Car tu travailles à délimiter l’espace de ces

formes, à cerner l’impalpable.

736


I

Chercher à communiquer avec sa pensée, préciser

l’abstrait, percevoir cette insoupçonnée, voilà bien des moyens

pour accéder à la sublimation du Moi ! Ainsi je désirais et des

formes légères ou délétères peu à peu s’offraient à ma conscience.

Le presque rien devenait possible, le je-ne-sais-quoi ... voulait

apparaître. J’arrangeais, je déplaçais, je combinais des solutions

entre elles, futiles et insignifiantes espérant obtenir des

propositions heureuses.

II

C’étaient des êtres d’une richesse inouïe, tous distincts

les uns des autres dans lesquels je souhaitais me nourrir. Ils

représentaient des personnalités différentes, chacune possédant sa

vérité. Je devais extraire et combiner, ou mélanger leurs écrits. Je

voulais prélever et comprendre.

737


III

Un mot, une légèreté, un imperceptible battement dans

l’air, - et cela pour enclencher un mouvement, ou pour déterminer

le la et l’envoyer.

Sont-ce vraiment des hasards, ces solutions offertes ?

N’y a-t-il pas analyse invisible de l’esprit et choix donné ?

Cette oisiveté, était-ce réellement un moment d’attente ?

Quelque chose travaillait, là-bas derrière. Oui, quelque chose.

IV

Mes après-midi étaient stupides. J’attendais autre chose

de mon aptitude poétique, et je prétendais ma cervelle capable de

m’offrir des solutions supérieures. La réflexion était accomplie, je

demandais à présent de l’action. La force d’autrui m’étonnait.

J’ignorai comment m’y prendre pour accéder à la compétence des

superbes littéraires. Je voulais tout changer en moi. Était-ce

raisonnable ? Pourquoi ?

738


I

Je la veux étendue, et forte, d’aspect puissant. Je veux

produire par sa substance, par son génie, par son aptitude. Abolir

le hasard, et m’élever dans sa conscience. Personne ne saura me

distinguer. Qu’importe.

II

Pourquoi, pourquoi continuer à produire autant ? Pour

qui ? Toi, tu te complais dans cette sorte de ténèbres spéciales et

vicieuses. Tu te répands dans l’obscurité de ta propre négation. Tu

construis des formes d’angoisse et tu prétends y discerner un

dessein. La masse épaisse de l’ombre t’ensevelit. Tu vas t’en

retourner dans l’infiniment rien - dans ton toi-même en vérité.

Comprends-tu que l’ombre n’est d’aucune inutilité ? Il

n’y a pas apprentissage ou formation. L’épaisseur ? Tes sens sont

trompeurs. Pourtant je sais l’immense volonté qui est en toi, qui te

pousse à chercher la certitude.

739


Thora

Répond, redit, explique, symbolise

La certitude de la Loi à répandre ainsi

La vérité éternelle par Lui, eux, El, Moïse

740


Coup de fouet

Coup de fouet

la distance lanières de plaisirs

de toi à moi

par le bruit sec qui jouit

Ton cri de encore

qui n’est pas douleur

mais stimulation

Lucide et nue

je concentre ton orgasme

je le retarde

il explose

et la saccade succède à la saccade

de spasmes, d’amour

de bien-être répandu dans ta chair.

741


Paroi la mort

Paroi la mort nous envenime

Est de l’autre côté des murs

Ce mur impénétrable mais

Existant de réel sans dureté

Qui longe tout ce que nous longeons

Elle exige emmurante enrubannée

Qui mémorise et accompagne nos défilés nos pierres

L’écho vient rebondir sur le mur doucereux

L’au-delà est ici les pierres parlent

Doublure en muraille où nous échangeons

Prisonniers qui s’entendent par ce qui les isole.

(Remise de Michel Deguy)

742


Pensées claires

Pensées claires, lumières élevées, éclats

L’éblouissement tourbillonne sur soi-même

Je pénètre l’esprit, j’observe l’équilibre

De la justice, de la saine vérité,

Je prétends aller au-delà

L’air est pur, éternel et splendide

Constructions parfaites dans la transparence

sans risque

Constances du présent sans étonnement, sans possible,

Extases du séjour que le bien-être répand

Enfin là

743


I

Rien de plus étonnant que cette durée. Toi tu désires

produire encore, tu voudrais canaliser. Tout semble bourdonner

dans cette citadelle de l’intellect. Te voilà composé de bruits,

d’accords indistincts, de sonorités douteuses. Tu espères organiser

cette étonnante contradiction. Tu es à l’écoute de l’instant.

II

Ma fenêtre restait fermée. Elle était couverte par de

tristes rideaux orange qui me bouchaient une bien maigre

ouverture.

744


La pensée, la profondeur, l’éclatement

En synergie d’actions

Se combinant, s’accouplant

Pour la sublimation du Moi

Tout ce que tu perçois

Enfoui en vibrations infiniment faibles

Tout ce qui t’apparaît

En images délétères ou symboliques

Produit des accidents de langage

Dans un capharnaüm harmonieux

Harmonieux ? Tumultueux et violent, oui !

Pénétrant en soi-même,

Tournant les yeux vers l’intérieur

Plongeant dans ces formes sensibles

L’esprit qui veille construit sa pensée

745


Ailleurs

Il y a un lieu, ailleurs

Pas trop loin d’ici.

Ailleurs existe donc,

Vous devez le chercher.

Ils disent : « Nous n’avons pas trouvé,

Mais nous avons cherché ».

Toi, tu attends vainement

Espérant je ne sais quoi

De futur, d’avenir.

Il te faut y aller

En oubliant le temps

Qui veut s’éterniser.

Que la mort m’emporte,

Qu’elle extirpe mon âme

Abolissant mon corps.

746


Cette trace de mensonge sur le poème nu,

pourquoi retenir cette durée fausse, pourquoi ?

Tu ne pourras pas dire : c’est toi,

c’est à toi puisque cela n’existe pas

Alors tu le fabriques, l’animes

tu exiges de lui un semblant d’existence

Il était à produire dans la mémoire,

le voilà jeté hors de toi

par ton imaginaire poétique

Après ce noir obscur, c’est l’éblouissement,

... de l’inutilité, de la dérision.

Car observe : le voilà faible et tremblant,

inutile et stupide, simulacre de douleur,

de mensonges bloqué dans cet espace blanc

de limite, de certitude ...

747


Et voilà bien la preuve que le mensonge,

que le dérisoire engendre de la vérité, celle d’être !

Il n’y a plus de doute, il y a vérité

et vie hors de la tête

Que demander de plus ?

748


Naissance du poème

Mémoire : immortalité de moi-même,

pensée constante qui cherche une vérité

perceptions si difficiles si impalpables,

pourrons-nous concevoir quelque chose ?

Mémoire qui répand dans ma chair

quelque essence d’avenir

ton souvenir possède-t-il un vrai futur ?

L’esprit construit, avec son passé, avec sa certitude, et

son avenir. L’esprit forme une voix d’espoir, le non-sens lui

appartient, il navigue dans son idéal de folie,

alors dans son espace, se crée un impossible d’écriture

qu’on appelle poème - explose en rimes dérisoires le produit

noirci de son écriture douteuse.

749


Idem

Mémoire : immortalité de moi-même pensée constante

qui cherche une vérité. Perceptions si difficiles si impalpables,

pourrons-nous concevoir quelque chose ?

Mémoire qui répand dans ma chair quelque essence

d’avenir, ton souvenir possède-t-il un vrai futur ?

L’esprit construit, avec son passé, avec sa certitude, et

son avenir. L’esprit forme une voix d’espoir, le non-sens lui

appartient, il navigue dans son idéal de folie,

alors dans son espace, se crée un impossible d’écriture

qu’on appelle poème - explose en rimes dérisoires le produit

noirci de son écriture douteuse.

750


I

Par la fenêtre, nulle ouverture

mais de l’intérieur

Fenêtre ouverte, fenêtre non

il faut donc passer par le mur

Le soir toujours le soir avec soi

Le grand agitateur de l’esprit

l’emportement dans l’immense brouillard noir

pour la lumière

alors du fond

du fond de soi

extirpe, tire, exploite, prélève

impose à la cervelle d’obtenir mieux, plus

751


Voilà l’image, la voix, les mots

les premières formes

une sorte de lumière

c’est ça : travaille

II

La conscience, et l’immense vérité en soi

de dérisoire, de rien

d’écrits de faiblesses, de néant

de craintes d’avenir

Temps de certitude,

où le mal déroge le droit

où le travail est peu, est faible

Les yeux, la glace, les feux incessants échangés

qu’attend Dieu ? Qu’attend-il ?

752


III

Fuyant un toi-même qui déjà écrit

Double multiple par personnalité autre

Pensant binaire et soi

Allant vers le rien avec une alarme que l’autre tient

L’un rêve et sa conscience produit

Qui est unique ?

IV

La mémoire cherche à lier,

enquête, associe

La chair est insignifiante

Elle pénalise l’esprit

753


La pensée s’exalte dans l’accompli

Le plaisir est inutile

754


Toujours plus

Avec le peu

Avec le faible

Et l’insignifiant

Trop de haine,

Trop de chiffres

Les signes,

Une fois,

Trois fois comptés

Les mains s’activent

Prétendent penser

Les mains construisent

Bâtissent avec des mots

Est-ce une œuvre ?

Est-ce l’Oeuvre ?

L’être produit

Dans le souffle

De la nuit

Qui gouverne

755


Dans l’espace refusé

Le progrès est ignoré

756


En toi

Ce qui est au plus profond de toi

est inconnu

Le souffle dort-il

caché en soi ?

757


I

Encore soumise par la droiture du cercle

Éclairer l’oblique le vent qui dépèce

Fluide et claire sous l’évidence du sang

Le bel orgasme la foudre stérile

Le notre oui par ta beauté sombre et lumière

Asservie quémandante vers l’éblouissement

Observer ton silence tes hurlements lascifs

L’éveil sublime tout tendue

Sous la main du fouet amour dis-tu

Ta face me supplie contre ma chair et heureuse

758


II

Jamais l’orgasme le sexe n’a pas d’yeux

Plongeant dans l’ouverture tendu, mou, voilé etc.

Implore la jouissance en ces lieux d’ombre

Folie d’ivresse pas petite mort pas

Sou la gement sous la fille ou femme

Encore la nuit, encore joyeuse nue de rires

D’aimer, étirant, étalant molle de chair, de peau

S’écoule en amas rose avec tremblements frêles

Bien d’être, bien or renaître len tement

Pour toujours, oui, oui friande de plaisir

759


III

Brouillons d’écume par l’écrit

Avec écueils de mots de syllabes naufragés

D’éternelles attentes priant le Vent, le Grand

Chassant la brume ô soleil de minuit

Le mien, oui toujours en moi est-ce nuit légère ?

Signe sur signe d’accumulations d’accords

D’accords faux ? avec le temps, ma lumière

Frottant la tête pour obtenir frottant pour

Notes et poèmes infiniment lavés dans la mer

760


IV

Analyse durant l’état de veille analyse

Face à l’immensité capte quelques lumières

Pense, pense encore induction, déduction

Je rejette le style sans forme par le fond

Je m’entortille sur le vers inu tile

Étalé dans l’aube laiteuse j’espère encore

761


Rien et maudit

Depuis longtemps tu n’es rien

Âme parfois immortelle mais inconnue de tous

Pourtant je te hais je te sais depuis longtemps

J’exige de toi plus qu’une parution

Je te hais à la chaîne des poèmes

Encore à changer, à refaire, à produire

Par décadence, par progrès de science,

Par médiocrité, par vérité de peu, de rien

Je te hais en exigeant de toi du travail

Pour gagner et perdre - perdre plus que gagner

Ce Moi doit valoir plus écris, écris

Maintenant pourquoi ? Pour toi ? Tu es maudit

Une question trois réponses de poète

qui pète en l’air, et rien.

762


I

Du clair penser

Extrait de substance mienne.

Au sortir de l’esprit,

L’élan de la mémoire,

Son parcours avec le temps.

La matière :

Les lettres, ses fils - les signes.

À la recherche du possible,

De l’audace, du risque.

Plus loin, toujours en soi.

S’éblouir dans l’orgasme

Du poème qui croît

Se questionner avec

Gerbes ou pétales

Moi, encore

Nourri de silence

763


Sur le bord du rêve, tombant

Ressuscitant

Avec front soucieux

À nul, lisible

Pour la fabuleuse compréhension

Intérieure.

764


II

Toi, donc, quelles évidences ?

Toujours refus, rejet toujours

L’esprit, le cœur, la raison,

Où se situe le siège ?

Le Conseiller Secret,

Un moi-même inconnu,

Caché-là, avec sa femme,

La Conscience

L’oubli éternel, dit-il

La ténèbre à vide

Est-ce ?

765


III

Passé à travers une vie insignifiante

Et mort, mort

Avec le parcours de la langue

Sans corps de femme à ses côtés

Le Moi s’épuise, angoisse, s’éteint

La nuit est dans tes yeux

Le vécu dérive sur la mémoire qui oublie

Implorant ciel pour du changeable

Contre l’effrayante médiocrité

Toi sans espoir, visage de honte

Qui produis signes et lettres,

Encore :

Du clair penser

Extrait de substance mienne.

766


I

Exprime-toi, extrais quelques mots

quelques sonorités

Produis du Oui, produis du Non

Numérise ta pensée

Va au-delà du sens,

Exploite l’ombre

Exploiter l’ombre ?

L’invisible, le non su

aller au plus profond

dans le Minuit avec son soleil

Plonger plus loin

pour le vivant fugace,

imperceptible

Un moi réel qui s’emplit d’ombre

767


II

Vois, tu plonges, tu es de l’intérieur

Là où tu te tiens apparais la vérité,

Ta vérité

Tu es ce que tu cherches

Purifie-toi, fais scintiller l’idéal

Que deviendras-tu ?

un inutile méconnaissable

dans l’embrassement explosif

des mots qui forment des poèmes.

768


MAC

Tu vis dans la haine,

dans la cruauté

et la torture

Tu n’as pas besoin d’une maîtresse dominatrice

Tu rêves d’un sourire riche espérant l’amoureuse

la généreuse

la vicieuse

Elle t’appelle, t’implore, obéit

prends, suce, recrute,

travaille pour toi

et t’aime ...

Pourtant tu n’as pas le temps de lui

consacrer un instant

Tu la méprises

La fais jouir

Tu l’aimes comme une chienne

comme une belle

Tu l’aimes

769


Qu’a-t-il en soi ?

Si peu, rien. Des possibles,

Des appels à la mémoire.

N’était-ce donc que cela ?

Il cherche encore,

Celui lui semble faible.

Il plongera au fond

Certain d’y découvrir

Un idéal d’esprit.

Pourra-t-il supporter

Les délires de son Être ?

Nul ne veut s’attarder

A lire quelques essais.

S’est-il du moins grandi

À l’ombre de ses maîtres ?

Une interrogation

Et son espoir a fui

770


M E S S A G E S VI

771


Vie avec

Rapide, active, attentive, pleine d’espoir

Vie avec clartés, énigmes,

Audaces intérieures, donc élans

En soi pour se fuir, pour échapper

Aptitude des fuyants

des craintifs

des spéculatifs

Aptitude

772


De chair

De chair quand tu descends dans l’ombre

La pensée bien faite sur les choses rationnelles

L’esprit avance avec sa certitude :

Le nu est parfait, sa peau à dévorer

Ici et là,

Ici bas pour la reproduction,

l’appel physique,

le besoin

On s’abreuve aux sources sexuelles

le lit, les poils, les odeurs,

les sécrétions, l’haleine, le lit

On spécule sur ses désirs

en sur quantité de possibilités citadines,

le pénis vibre

la vulve coule

Il se passe peu, presque rien ou rien

773


Enfouies les racines

Enfouies les racines

À l’intérieur. Sur le bord des lèvres,

Le murmuré, le poussé,

Exil au plus profond :

L’esprit cherche ce qu’il y a,

ce qu’il croît.

Plongée qui n’en finit pas.

Oui, la mienne, encore,

Dans l’errance maîtrisée

Sur l’aile de l’Esprit.

Il faut produire de la parole.

L’inspi, l’inspi offre, espère,

Une fuite par le haut.

À tisser, à construire

Perception fragile,

774


C’est encore de la plainte inaudible,

Pour une ligne de sillage sur le papier.

Obscurcir ? Quoi ?

dans l’oubli du néant, on y songe

on y songe

Pensées brisées, basculées, tordues

et bondissantes

dans l’orgueil de l’espace intime

Donc c’est l’appel du souffle

il faut mémoriser,

inscrire cette perception

avec souffrance - il faut

Mes yeux, orifices de l’écriture

Gavés d’ombres lisent ce fini

et le méprisent.

775


On tue celui qui sait

On tue celui qui sait, on détruit celui dont la langue est

une certitude ; le jeu vrai est humilié, jeté dans la fosse du néant -

qui s’en ira extraire du peu, qui cherchera son propre lecteur, qui

se fabrique un auteur, lui scribe avec poèmes, risques, audaces et.

le fou construit des discours, et ce sont des épées de langage.

Présent sur sa place, gerboyant dans son forum, lui, avec

valeur épidermique, avec oscillations futures s’emploie à des

possibles infiniment rien.

Lui : détresse, recherches, abandon, encore.

776


Qui croire ?

De la mort découle la pensée de l’après-mort. C’est

encore rechercher un possible, une tentative de pari à jouer. Est-ce

tentative imaginaire ou situation d’avenir probable ?

l’avenir.

On pense dans le présent et la pensée se ramifie pour

On dit : “ Le monde commence, là-bas... ” Le monde ici

n’est pas. Le quantifiable n’est pas, et l’impalpable est... difficile,

surtout pour un être doté de sens concrets et de sensibilité faible

d’intégrer ces vérités.

C’est donc une sorte de survie de présent à finir pour

tendre vers l’au-delà. Il faut pourtant transmettre la vie dite inutile

chez les hommes, tandis que la vraie vie est ailleurs - seconde

difficulté.

On raye donc la notion de “ meilleur des mondes ”, car il

y a l’autre, dit supérieur, plus intéressant, plus vivant.

777


Les choses dépendent de nous par notre travail, nos

actions, quand bien même la grâce serait appliquée. Les choses

dépendent de nous.

Nous balançons entre le savoir et l’insoupçonné, et sa

synthèse objective se veut d’être réelle. C’est encore une fuite, la

fuite du monde vrai qui unissait, croissait, associait pour accéder

au monde virtuel, d’avenir douteux. Qui croire ?

778


Nous sommes en-vivants

Nous sommes en-vivants, vivants de faiblesse, de

médiocrité, de peu. Le passé détermine notre avenir. Nos

échangeons notre passé pour de l’avenir. Perceptions passées,

actions passées sont à l’origine de notre futur. Nous sommes

toujours plus nombreux à pousser l’élan de vie, à produire des

gestes inconnus. Le retour sur le disparu nous offre un semblant

d’expérience.

779


AU SECOURS

Haine contre haine

Avec perte, avec vol

Les tortionnaires sont là,

Les ordures sont là.

Qui voudrait rendre, qui ?

Je les entends, je les sens, les vois,

Ces chiens de pute

Ces puanteurs de merde

L’ignominie, qui pourrait comprendre, qui ?

On croira à de la folie,

On prétendra, et nul ne saura

C’était ta vie !

Mais non ! Cela n’était pas ma vie !

À la recherche de la libération,

Du remboursement, de la justice,

De la vengeance violente et terrible

780


À la recherche.

Au secours.

781


TRASH

Là-bas, là-bas l’éternité pense

Mais oublie les rats poétiques

Cachés dans les cavernes de la honte.

Tout s’en retournera au cimetière du rien.

L’injustice se nourrit de pus, d’ordures,

De vomis, de chiens crevés,

L’injustice se nourrit.

Tout est détruit, la cruauté règne

Avec moqueries et ruses, et jouissances.

Odeurs d’urines malfaisantes, poubelles,

Cadavres, décompositions de chair,

Assiettes de vers,

Ignominies démentes : l’horreur !

Chambre de pendu que l’on débarrassera,

Viol et vol et encore, et encore !

782


Personne n’a lu, personne ne lira.

Il reste un rat cloué au linteau du pavillon.

783


Compris

Compris :

masse inerte / certitude de faiblesse

ou encore

quantité stupide / avec volonté aléatoire

de gain toutefois,

sans la science.

Ou encore

conscience sans la femme, mais conscience

on sait d’où - de la critique

visage blanc, à l’intérieur, de pureté

Alors : tentative pour vérifier

il revient dans son espace

S’imprègne de l’histoire des anciens,

Veut-il s’orienter vers les poètes

Il y a la faim pour des écritures riches

Certes la famine - et l’espoir de récupérer

784


Poésie est obscure, illisible, ennuyeuse

ce sont des fleurs, des Dieux, des paysages

mais des documents, des œuvres peu ou point

Cela est faible, que faire ?

Le poète veut et ne peut pas

il témoigne de son impuissance

la crise est bien au-dedans

éblouissante de vérités

Le poème s’enfuit

Mais le poème s’enfuit, s’envole, tourbillonne,

s’accroche à sa femme, qui pénètre l’espace verbeux à grande

vitesse, là où l’intervalle entre les mots s’appelle blanc. On

arrache des lettres comme des carottes prises au-dedans avec une

intensité cérébrale maximale pour les jeter au-dehors ; il faut

trouver des passages dans un milieu cahotant espace raréfié - c’est

encore soi avec soi pour du possible à raconter.

785


Chacun s’assure

Chacun s’assure dans ses contradictions

pour plonger et se reconnaître

Chacun s’éveille avec ses illusions

cherchant son meilleur et évite le pire

Tu fixes des tentatives

et tu t’envoles sur une émotion

Je m’essaie à produire du faux

J’y parviens parfois, il m’instruit

786


Inventant un retour

Impossibilité à distinguer

le réel de son miroir

le simple est poursuivi par son double

l’orientation est aléatoire

On tourne, revient, plonge

fluide incessant dans la cavité interne

On s’enfuit, cherchant à capter un espoir

L’oscillation est hasardeuse

On penche, dérive, inventant un retour

787


L’après

cette envolée

D’âge, pour quel âge, oui, cette séparation, ce départ,

Avec la chair délaissée sous la terre ?

Je remonte pour la rencontre, l’après

où la vérité est certitude,

où le conditionnel disparaît

la Grâce !

Je suis cadavre mort, mais esprit ardent

Je ne fais que confirmer ce qui était pensé, et voilà pour

Et cette vie qui disparaît pour renaître

ou pour affirmer Dieu, peut-être ? ...

On vit donc par le Ciel, - et c’est la certitude

On a tant besoin d’aimer, de croire

que pas sous terre, trop froid...

En s’élevant il suffit de se dire :

Christ, où est Christ ?

788


À la vérité d’apparaître

pour chose belle, subtile,

purifiée

En moi, pour l’explication

des images,

des sentiments

pour

à vous : mais si, mais si

vous y entrerez

L’amour y est ?

quel amour ?

Un séjour bien sympathique

et le contact y est courtois

789


Ainsi hurle-t-il

Ainsi hurle-t-il : va vers la science

rejette la chimère

capte en plein vol la gravité et la vitesse

délaisse l’habit d’images

forge-toi une certitude

avance sur la vérité

L’ordre est à la rigueur, avec des

irrationnels ? des cercles qui n’ont pas

de surfaces finies ?

C’est donc une forme de connaissance

à parfaire

Les espaces sont des années

dans lesquels je construis un passé exact

790


Le je suppose, le je sais

Entre le je suppose

Et le je sais

Quel prophète bat en moi ?

C’est l’espoir

De vérité

C’est la nuit

Lumineuse

C’est l’éblouissement !

La pensée se construit

Amasse, certifie

Le temps se bonifie

Dans l’avenir

Pour une fois !

Lui l’immense ennemi

791


Ami du vin, du prophète,

Du poète

Et des taux d’intérêt...

792


Nous luttons contre l’usure du temps

Nous luttons contre l’usure du temps

avec des moyens dérisoires

nos combats sont insignifiants

Le temps nous poursuit

sans jamais s’arrêter

Les gamines amusantes,

s’éloignent d’un quelconque intérêt sexuel

Leurs Jeans déchirés, les cheveux rouges

ou bleus

leur danse, leur percing

hier - oui, hier, la même chose

mais autrement

Ma tête est saupoudrée de sucre

cela cerne ma coiffe

et me confère une première sagesse

793


Secouer le silence, le provoquer

volonté et tentative

tout ce rituel à l’intérieur, tout

Un souffle bleu caresse ma certitude

J’avance dans un labyrinthe de couloirs

et de portes factices,

que j’ouvre, pousse, et referme

L’espace est à créer

le critique destructeur

chassera les illusions

Il y a des traces, des appels, des ordres et des désirs

dans ce complexe imaginaire

le symbole équilibre le vertige

Il faut pénétrer l’inconnu

aller vers l’avant

sans penser en arrière

794


Madame

1

- Je ne suis pas un lieu,

Je suis un interdit, dites-vous

Non jamais. Non jamais.

- Et bien, restez-en à cela.

Suffisez-vous de votre rien. Après tout, ce n’est pas

si mal, ce n’est pas ridicule de dire : “Non” !

2

Le pillage de mon cerveau,

son remplissage,

ses méthodes, ses techniques, son culturisme

795


3

Entre vos cuisses, il y a la foudre, la nuit explosante. Le

passage est en vous, sans issue. De naissance en mort, vous

épuisez la chair, la nourrissez, la faites jouir et souffrir. Allons audelà

des imaginaires.

4

Vos lilas, vos soies ; se peut-il que vous baisiez ? Se

peut-il ? D’aube en aube, de soleils en éclats. J’exploserais dans

votre blessure. Je vous pendrais à mon sexe.

796


Excitant et stupide

Rien de plus excitant que cette inspiration, rien de

stupide parfois. L’on cherche à capturer une forme délétère, on y

accroche des perceptions, des sentiments, des couleurs. Puis les

mots se remplissent d’interdits, de codifications, de règles et

d’harmonie. Alors ce sont les premiers doutes, les nécessités de

ratures, les refus. Car il faut ordonner le désordre et se bien

gouverner ou tenir fortement la barre. Penser l’écrit est le plus

souvent détestable. On y perd sa liberté.

797


Recherches de distances

Recherches de distances,

ce sont les mémoires d’une même oscillation

d’un imperceptible à définir

sans connaître exactement l’origine

ce sont des tentatives

des volontés de savoir

des pénétrations très à l’intérieur

Des miroirs de plus en plus petits

pour une sorte de calcul infinitésimal

de décomposition de substantifs

de prélèvements de verbes

Il faut aboutir dans le profond du Moi

pour y extraire, - quoi ?

798


1

D’éclats percuté, d’éclats éblouissants

pour une vision obstruée de l’extérieur

mais vivante en

D’images bariolées, d’images voltigeantes

compressées, agglomérées

indiscernables, à décanter

Les yeux plongent

au plus profond du Moi

2

Il y a montée, jaillissement

immense exaltation puis inquiétude

volonté de maîtriser l’action,

de contenir le verbe

L’esprit peut-il ? Du moins, il s’y essaie.

S’imposer d’ignobles coexistences

799


de combinaisons audacieuses et grotesques,

de solutions fantaisistes ou absurdes

Mais comment faire ? Comment ?

800


3

Ce sont encore des pulsions nocturnes

des mâchoires qui se déforment

pour laisser passer du son

des évidences, des prudences,

des approches qui tâtonnent

Je ne sais jamais

du moins personne ne lira

Je dois m’en référer à ma propre certitude,

Qui ira vérifier ?

Cette logique n’existe pas

Il y a un lecteur unique - voilà !

801


Mémoire

Mémoire : vaste splendeur intérieure

amas d’êtres, réels et d’images infinies

où s’intensifie le sentiment

J’oublie parfois la souffrance

Le souvenir se cache, revient,

se transforme, gomme ses apparences,

se nourrit de vérités erronées,

- ce qui l’arrange

Je ne puis décider de mes souvenirs.

Le temps éloigne la certitude

mêle du pur à de l’impur

Le temps construit sur du délétère

égrène, efface

fabrique du mensonge

qui jure dire l’exactitude

Mémoire

802


En toi

Ce qui est en toi est le chrême

nul ne le sait

tous te mépriseraient

Les armes de l’Oint

Les armes de l’Oint, - le chrême, la lumière, l’Esprit, le

double Esprit, etc.

Les faiblesses de l’Oint, - la présence du Mal, les

aiguilles, l’intelligence, l’ignorance, sa nature,

Sa vraie potentialité est dans la certitude du Fils

éternelle, constante, céleste, forte et splendide.

803


Obsession consiste

Déchirure intérieure

de douleurs inconnues

au plus profond du non-Moi,

cachée peut-être

mais perçue, suc,

par la sensibilité

par la vibration émotionnelle

du poète qui pense

Plus loin dans les dédales de l’âme

à jamais invisibles

des images échappées,

fuyantes, effrayées

L’obsession du producteur

consiste à faire remonter le fugace,

l’imperceptible, l’oublié

dans la nuit noire et marécageuse,

l’obsession consiste...

804


I

Plongeant en toi-même

Au plus profond du Sahara

De stérilité, d’aridité

Fuyant pourtant ton ombre de médiocrité

fantasque et insignifiante

Ce que tu peux penser te concernant

Est bien la vérité cruelle

Ce n’est pas un modèle unique

de critique détestable

Il y a la lumière du dedans brillante et blanche

qui sait hélas

805


II

Lumière intérieure de vérités

de certitudes

préceptes lointains d’où la pensée tire

quelque essence

Oui, tout là-bas

dans la cavité interdite

avec miroir et torche

pour y remonter de subtils indices poétiques

raréfiés par un air inexistant

Enfin Moi qui tente et espère

806


III

Ce qui est en toi d’inconnus

d’actes futurs

puis ton probable, ton répétitif

ton progrès, ton peu, Toi

dans le Souffle espéré

avec son signifiant

Cette quête épileptique

d’un cerveau en constance de mouvements

comprenant son nul,

sa faiblesse

son médiocre

Toi en vérité

mais quelles sont tes limites

tes objectifs

ton désir, ta volonté ?

807


L’esprit avance

L’esprit avance. Le jour est presque clair. Où en suis-je,

où puis-je aller ? Je dois me supporter ou tenter de spéculer avec

du matériel délétère. La confusion est dans cette tête. La lumière

qui la définit, est parfois ténébreuse, occulte, délimitant l’extrême

à atteindre. Je ne vois que du vide, et bien sûr, il me faut le

remplir. Je me reconnais, - oui, c’est moi, dans cet espace virtuel

de possibles, d’inexistants et de probables.

Je m’épanouis accompagné de cette curieuse lumière et

j’organise le déplacement des objets. Je désire maîtriser mes

mouvements. Je m’y essaie plutôt mal : tout semble s’activer si

vite, et la pensée s’enfuit. Rien ne me sera donné. Je m’étais

pourtant promis quelque triomphe obscur d’inconnu à satisfaire.

La nuit est tombée. Tu ne plongeras pas dans ce

précipice où le vertige excite ton possible. Tu en prends du plaisir

à déplacer l’effroi et la crainte du Néant. Tu avais autrefois glissé

là tout au fond, tu y avais remonté ton absence, une souffrance

inconnue, une certitude de faiblesse. Tu sais à présent ce que tu as

fait.

808


La lumière insistait

La lumière insistait et cherchait éternelle et superbe à

éclairer mes pauvres yeux gisant dans l’ombre. Je voulais

échapper à la pensée grise et terne qui constamment pénétrait mon

esprit. Je croyais voir des possibilités suprêmes d’intelligence

autre. Je n’étais qu’un pantin articulé courant désespérément dans

cette chair intime.

Tout mon mal résidait dans les limites de mon aptitude.

Je n’avais en moi qu’une médiocrité détestable bloquant toute

recherche de progrès. Je voulais changer cette durée qui rongeait

mon avenir.

809


Les objets

Les objets conservent leur pouvoir émotionnel ; dans leur

forme, se situe une charge de sensibilité qu’ignore la vérité

mathématique. Quand je prononce le mot “ Azur ”, qu’engendre

l’appel ? Chacun y voit à sa manière l’évocation de son suprême.

Quand j’écris 3,72 X 2,14 = 7,9608, on me répond : Ha ! Bon !

Ou bien sûr - cela et rien de plus.

810


Pourquoi Moi ?

Cette inspiration insignifiante

d’objets inutiles, de produits stupides,

de médiocrité à transcrire,

est-ce donc cela ?

Pourquoi faire cette chose lamentable et honteuse,

de pacotilles et d’imbécillités ?

Car il n’y a pas à dire,

Poésie égale perte,

Poésie est en dessous est derrière

Tandis que la civilisation avance

Alors pourquoi Moi ?

811


La science du poème

La science du poème existe-t-elle ?

L’ombre de l’ignorance s’abattait sur la conscience

Le produit obtenu était insignifiant

Mais l’ombre, les dieux se satisfaisaient

de l’insignifiance poétique

Et le tout était mièvre, dépassé,

nié par l’ensemble qui savait

Il n’y avait nul espoir de progrès

L’ombre du Mal et les Dieux raisonnaient

de même sorte, pourquoi ?

812


Cherche à savoir

Cherche à savoir

à comprendre

Cela engendre une immense exaltation intérieure

Poursuis la vérité, si elle ne te ment pas

La volonté harcèle l’esprit

Y persécute l’âme

L’âme se prétend immortelle

qu’en sait-elle, répond l’écho ?

813


Nul ne fut plus hanté

Nul ne fut plus hanté ni obstiné - cherchant

désespérément les traces de son Idéal, ayant mis toute sa capacité

cérébrale au service de cette éphémère interdite, impossible à

saisir ; exploitant à merveille les flux d’activités intellectuelles

pour mieux posséder ses instants ; il était homme à femmes,

homme affamé de vérités énergiques et de certitudes universelles.

Il fallait pénétrer, chercher, contourner l’obstacle,

déterminer le silence, repousser les limites où buttent les âmes des

poètes, où viennent se fracasser les aptitudes incapables de

produire au-delà, incapables d’atteindre une sorte de finalité

sublimée et divine.

Lui, donc, force bafouée, reniée, détruite, méprisée, lui

aux confins de soi-même, désireux de renaître de sa propre

énergie, sachant l’invisible, prêt à l’affronter et le comprendre,

détestant la violence, entre le précipice et la bourrasque,

l’avalanche et la profondeur, veut accéder à son immortalité.

814


Cependant ils refusaient

Cependant ils refusaient, rejetaient par paquets de poste,

par montagnes de poèmes retournés, - c’est vous qui devez payer

le renvoi disaient-ils - certains de ma médiocrité, de mon

incapacité à écrire, à leur plaire.

comprendre ?

Avaient-ils réellement pris le temps de lire, de relire, de

Ils refusaient par grappes, par quantité totale d’éditeurs

spécialisés dans l’édition poétique.

C’était une incroyable façon de me régénérer, de me

permettre d’aller puiser en moi-même de nouvelles sources de

production, de plus audacieux élans d’écrire.

815


Au poète

Il y a donc de longs jours à attendre, toi qui dédaignes la

louange, qui méprises la certitude de ta valeur. Le temps se

disloque pour un futur bizarre et audacieux, le temps.

Tu es debout mortifiant le vent, tu l’appelles comme une

nourriture de l’âme. Les spasmes de l’invention te permettront-ils

d’aller au-delà et de trouver ? Toi tu te renies, et te rejettes

comme un pantin ridicule.

Et ce n’est que cela ! Ce n’est que cela ! Plonge dans ton

superbe gisement, et veuille y remonter ta magnifique substance,

ô joyau spirituel, intelligence belle !

816


La nuit, je pénètre

La nuit, je pénètre l’épaisse broussaille où s’endort mon

sommeil. Du charbon plein les yeux, j’avance en tâtonnant pour

atteindre une sorte de labyrinthe où s’irriguent constamment les

sources de la douleur et du Mal réunis. Je me calfeutre dans cette

espèce de buissons d’épines pour essayer d’y prendre quelque

repos. Des torches flamboyantes illuminent parfois cet univers

marécageux où je vois d’autres poètes qui y croupissent avec

leurs âmes. Certains implorent et me supplient de les délivrer de

ce lieu impossible. Quelques fois, il semble que le jour veut

poindre dans leurs yeux de misère.

Ho ! Lieu sordide, nuit de l’extrême, s’engouffrer dans

ton vertige pour y disparaître à tout jamais, pour fuir dans l’infini

de l’oubli, et aller de peu à peu, et de peu à plus rien comme un

mouvement qui s’arrête ! L’espérance est dans la mort qui annule

la vérité de la naissance.

817


J’ai espéré

J’ai espéré, comme un esprit replié en soi-même désire

accéder à un monde intérieur. Je l’ai appelé, parfois j’ai cru

l’entrevoir, mais en vérité, ce fut une terrible déception. La poésie

était mièvre.

Cela paraissait si peu, si faible pour être montré.

Les yeux orientés vers l’avenir d’un progrès, d’un mieux

improbable, les yeux.

Je prétendais malgré le Mal accéder à quelque chose de

différent, de nouveau. Je ne savais exactement comment

m’exprimer pour expliquer cela.

Le Mal interrompait la volonté du travail, décidait de la

violence pour interdire l’accès à de la formation. On imagine

aisément les conséquences catastrophiques qu’ont pu entraîner de

tels concepts. Mais que faire ?

L’impalpable, l’évanoui sans cesse disparaissaient.

818


Où en suis-je ? Qu’est-ce que cela vaut ? Faut-il

travailler plus ? Autrement ? Comment agir ?

Tout s’agitait dans la mémoire. Je compris qu’il fallait

implorer le miracle... et Dieu fit descendre Satan.

de l’homme.

J’ai espéré... désireux de déplacer le conflit à l’intérieur

819


La fuite

Ton visage disparaît. Tout se dégrade, s’encrasse, se

décompose et veut s’enfuir. Tes dents sur le bord de tes lèvres

boivent l’écume du plaisir pourtant ; tes yeux appellent, implorent

un idéal de chair invisible, ton corps est un décor en mouvement.

Toi, de loin, impalpable mais réelle dans cette étrange

mémoire du temps, s’éloigne la silhouette de ta beauté.

La vie consume.

820


Lui s’éloigne

Lui s’éloigne d’une démarche incertaine, fuyant sa

propre image, tentant encore de capter ces possibilités

chimériques ; il mesure en songeant à sa pure dimension.

Les constructions aléatoires entourées de brouillards

blêmes circulent autour de lui, au-delà du temps. Nul secret ne se

cache dans son âme. Il ne sait où aller, étrange incertitude parmi

les souffles lumineux. Un vent rougi par l’haleine des Dieux

indique parfois le chemin à suivre.

Lui, à l’analyse douteuse, désire savoir, prétend

comprendre. Le long des berges, c’est un déplacement circulaire

pour une vision lointaine du promeneur.

Y aura-t-il un étonnant reflux de la masse et du volume

d’eau proposée ? La pensée riche et pleine jamais ne le saura.

821


Beaucoup de vent, l’œil sur le papier

Beaucoup de vent

en grande quantité, nécessaire

et ce cri qui pourfend le ciel

qui appelle

encore ce lieu d’écriture

cette table

ces parfums mièvres, de senteurs fades

sur des lignes d’écriture

attentes, espoirs, attentes

à toute heure, cherchant toujours

l’oeil sur le papier

822


Elle reviendra

Une nuit, elle reviendra bleue et irréelle

Voici qu’elle reviendra par ici, là

Elle pénétrera l’espace, elle sera à toi

Nulle absence mais de blondeur chevelue

Fascinante et sublime

dans cet horizon circulaire

d’images floues

823


Le coq

de femme claire

De la nuit s’endort, de la nuit - quoi ? Une chair frileuse

(Encore une lancée intérieure)

l’air cristallin

et voltigent, s’épanouissent des brassées d’oiseaux dans

(Soudain pour l’âme, soudain)

- le mien, si -

un manteau d’épines malgré les flèches vertes de l’esprit

Il se couronne pourtant,

du moins essaie, se prétendant faible

Le coq aux aguets

d’intelligence de phosphore

à l’écoute de l’Esprit.

824


En lui

Chaque fois qu’il pense, il s’use

dans des règles désuètes

chaque fois qu’il spécule, il doute

Jaloux de sa foi,

de sa certitude scientifique

alors il s’évade

sur des corps d’oiseaux

sur des chairs de femmes

chaque foi qu’il exige du temps

une quelconque obéissance,

l’autre ironise, la pensée l’encercle

la rigueur le désespère

tout se même et s’emmêle

La vérité se rit de la sagesse

qu’il prétend posséder

Il faut donc maîtriser

825


Accède

Accède à une possibilité nouvelle d’éclatement, ne peut

fuir l’anonymat, détient l’unique clé de la pensée ailée, circule à

travers le torrent de boues, d’idées impures, évite le précipice et

cherche l’océan

où l’interdit s’efface, où la volonté de savoir jaillit audelà

de la morale, où le “ non ” disparaît.

Imagine

Imagine l’espace poétique vierge

à combler

Conçois de nouvelles évidences

sans leurre sans mensonges

Agite l’ombre et qu’apparaisse

la fille dans le miroir,

elle qui attend le poète disponible

le vent s’inquiète de la direction des signes

et du plan à noircir

826


Vivante mais irréelle

Vivante mais irréelle,

là presque bleue

La fille est splendide

elle s’efface doucement

dans la lucidité de la conscience

827


Jouissance/souffrance

Comme il y eut jouissance, il y eut souffrance

Les chairs tourmentées imploraient le plaisir

Le derme pénétré s’ouvrait plus encore

Les zones pubiennes soudain tendues

De sécrétions vers la source

Jambes repliées, pieds crispés,

Ô rythmes des amantes

et bouches qui happent

dans un feu passionnant éblouissant d’orgasmes

828


Souffle d’extase

Souffle d’extase comme espoir insoupçonné

Je puise dans ton invisible

pour y chercher quelque saveur

si proche de l’appel

autour de ma certitude

la substance coule

Quelle analyse exacte proposer de mon énergie ?

829


Le temps / l’inspiration

Les jours s’épuisent, les jours s’épuisent

Il est temps de produire le temps

Sur une ligne de prières

Le visage idéal d’Ophélie vers les flots

Cascades d’éclats et d’assonances

pour l’espoir mélodique

donnant un sens au poème

D’où tirerons-nous les nouveaux sucs,

les substances claires

filantes et belles ?

D’où ?

830


La pensée en folie

La pensée en folie

en spasmes erratiques

éclaire de son risque

un idéal de conformisme

puis l’esprit s’immobilise

la main tremblante écoute, attend

il y a vibrations suantes, exaltées

qui retiennent le doute ou l’amplifient

La respiration accompagne

la recherche de l’instant

quelqu’un entre en moi-même.

831


L’homme lucide

Réelle certitude, conscience vraie,

au plus haut, en lui

l’homme lucide,

mais seul

nul ne veut entendre

alors que faire ?

produire, produire, malgré la mort,

malgré le silence des Dieux

qui possèdent la vérité

832


La défaite

Sur la berge invisible,

recherches du pur midi

Volonté de stabilité interne

de quiétude parfaite

abolition du délire

La limite est réelle :

Je concède ma défaite

Que puis-je ?

Quel avenir pour un assiégé ?

Marges, écarts, faiblesses,

ô science

science et moi, de peu,

de rien

Je ne saurais être...

833


Songe à l’écart

Ce n’est point de la rêverie que la chose vient, mais c’est

bien d’un effort de conscience, d’une volonté de pousser vers

l’avant. Alors l’on fait surgir quelques spectres de mots qui

explosent les uns contre les autres. L’esprit chevauche des lignes

invisibles à travers la vitesse et le temps. Une main agrippe une

sorte de calame et produit ou invente des paysages audacieux.

Qu’es-tu allé chercher là ? Qu’es-tu... ?

Que cela te revienne, et songe à l’écart qui te sépare

d’autrui, de l’autre là-bas...

Ainsi ton âme est à mieux faire.

834


Nous reviendrons

Nous reviendrons nous justifier, espérant encore

convaincre nos proches de la valeur réelle de nos écrits. Au soleil

de la mort, crucifiés, suppliant, nous tenterons de séduire dans les

derniers relents du désespoir.

C’étaient pourtant des jaillissements de feu, des flux de

sèves exaltés, au-delà des ténèbres pour éblouir nos filles dans la

folle transe de la vie.

835


Grand esprit

I

Grand esprit, est-ce à moi de songer ? De brasser du

dedans des souffles aériens ? Il est temps de créer, d’agir de

l’intérieur,

pour accéder aux sublimes délires, et offrir de la

constance au travail.

II

... Lui encore, la main contre la tempe espère une

inspiration plus belle et rêve en soi-même : “ Je comprendrai, je

décide d’aller outre, oui je veux l’orgueil de ma raison ”, et la

plèbe à ses pieds, se prétendant, se supposant. Là dans l’exil du

soir, le long de son immense parcours, il s’éclaire. Le paysage

s’agite. Que trouvera-t-il ?

Lui encore, cherchant à prendre mesure de son estime,

spéculant sur autrui, comparant.

836


III

Grand esprit, vous regrettez... l’espoir était plus vaste, et

le site à construire plus haut encore. Le site d’outre-mer et

d’outre-avenir élaboré sur la pensée d’ici bas, permettra-t-il de

supposer un au-delà meilleur ?

Il faut être à hauteur de sphères divines, mais cette

hauteur n’est point pour l’homme. Alors la violence de l’océan

pousse sur ses radeaux désabusés ces milliers de poèmes

naufragés, oubliés, sans futur.

Conçois ailleurs. Ta soif est éternelle et ne saurait être

apaisée. L’esprit happe l’eau offerte comme oiseau sillonnant

l’étendue.

Est-il mot pour exprimer ce que l’esprit regrette ?

837


IV

Grand esprit, vous pensez : route de certitude, de vérité

et d’excellence. L’intelligence ardente, l’âme élevée, vers quelles

puissances du ciel, s’élèveront-elles ? La durée construit votre

avenir.

faiblesse.

Nous avons commerce avec la médiocrité. Telle est notre

Grand esprit, vous voici : sur vos routes éternelles

d’immensité, d’élévation. Plus haut encore atteignant le labeur

extrême de pureté admise.

V

Ceux qui furent au plus haut ne dirent point la vérité,

mais laissèrent la marche des morts sur la terre des vivants.

838


Nous invoquons

dans nos prières.

Nous invoquons la sublime sagesse, nous l’implorons

Inouïe est notre ignorance, immense notre faiblesse, ô toi

juge-nous avec pitié. Accorde-nous quelque élévation, purifienous.

À toi, ta grandeur, ta certitude, et ta vérité ; à nous, la

honte, la médiocrité, le ridicule.

Qui donne conseil ? Qui prétend savoir ? Moi sans

peuple, sans élite et sans masse, moi sans régence ni tutelle, de

naissance pauvre, conscient de ma petitesse... pour quel titre ?

Lequel ?

Dans tes habits de luxe, tu prétends discourir et tenir

haute la parole. Tu n’es qu’homme et prétention d’homme, taistoi.

839


Au cœur de soi-même

Aux jeunes poètes

Au cœur de soi-même, nuit claire, claire encore et la

nuée, voltigeant par mégarde ici et là pour la source du poème,

dans la pensée béante et superbe.

La puissance du vent, la bise allègre, les vallées et les

monts, les risques et les audaces, la certitude défaille dans la

vérité du printemps.

Rapidement, lestement, il veut, il cherche, jeune homme

de haute stature, il accède à son combat.

Les forces bouillonnent en lui, il suppute, oscille, il

déplace les bornes du savoir, rejette les limites de la vérité.

Sans Bacchus, sans fumées délétères, à la recherche

d’une croissance infinie, l’intelligence se développe dans un ordre

logique espérant comprendre autrement, mieux peut-être ! ...

Le temps est sur sa droite, il va œuvrer - développant ses

dons, - du moins s’y essayant.

840


Sucs princiers

Aller ! Tirer en soi-même de nouveaux sucs princiers,

concevoir autrement d’étonnantes propositions poétiques, enfin se

prétendre capable d’avancer vers la création !

Moi, si faible, stupide, dans l’impossibilité d’ajouter sur

l’idée, ou inapte à faire évoluer la forme, - mais comment ?

Alors je prends dans le passé - j’ouvre Hölderlin, je relis

Perse - et je me trouve entre du Romantisme et du Lyrisme - donc

je jette - ne sachant comment les exploiter.

Je m’énerve, j’attaque Deguy - moderne, n’est-ce pas ?

Et puis rien, ou peu - cela me semble inutile.

J’exploite Poèmes II chez Gallimard, puis Poèmes 60-70,

et rien, ou presque. Vraiment, je ne vois pas comment m’y

prendre.

Je pense à Hugo, je vois les Collections Bouquins placés

dans mon armoire en hauteur, et je me dis : comment faire Hugo ?

Comment l’atteindre ? Paff ! Pas facile, hein ?

841


Ton avenir

Ton avenir m’échappe,

difficile à saisir, ô Dieu.

À la recherche du pénétrant,

l’esprit cherche ce qui sauve.

En soi, dans cette sorte de ténèbres

frémissant d’angoisse,

avançant péniblement

lançant des cordes, élaborant des ponts

pour passer au-dessus de l’abîme.

Résistance à intégrer le Temps

dans la parfaite solitude

avec cette volonté de trouver.

C’est encore pousser des portes sur l’étendue

d’eaux nouvelles,

de perceptions inconnues.

Je dois passer par là

pour essayer de comprendre ! ...

842


Et j’implorais... désirant m’élever

cherchant à y parvenir, conscient que le tout

se situait à l’intérieur,

Il y avait par effets romantiques :

crépuscule, vols d’oiseaux,

forêts remplies d’ombres,

source éclatante et fraîche,

du soleil, des parfums matinaux,

des cimes embaumées, et des fleurs, je suppose.

Ainsi l’œil était ébloui,

J’avançais.

Le problème était de concevoir

Des possibilités nouvelles,

Des sortes de larges avenues

d’espace d’écriture,

Puis d’imaginer un jardin

Rempli de lumière

843


Hautes pensées

De très hautes pensées ont jailli

offertes par la tête du Père

Seront-ce de grandes âmes chez les hommes ?

Élite, quelle élite ?

J’espère, je ne sais, serai-je ?

J’ai tendu mes regards vers le Parfait

Beautés, je vous ai dédié mon poème

Était-ce un possible de satisfecit ?

Il est que je cherche

Le joyau, la race, l’extrême

Moi, l’ignorant en ma demeure

Que puis-je espérer ?

844


Soir d’ignorance

Soir d’ignorance

d’imbécillités et de bêtise ambulante

quelle médiocrité autour de moi,

J’ai l’intensité d’une force inconnue invisible et

pourtant puissante comme autrefois époque où je marchais

en moi-même avide d’intelligence pénétrant les espaces

inexplorés de ma première jeunesse remplis d’espoirs lugubres

constellée de lumières fluorescentes la pensée gravitait autour

de moi

Dieux, mes Dieux

et quelle certitude où j’espère

allégrement comme un esprit léger embraser un Moi puissant

Ils étaient tapis dans l’ombre obscure avec présences de

violences occultes accédant à la chair, l’humiliant, l’abêtissant

aiguilles affûtées

Puis une graine de semence comme une parcelle d’avenir

malgré le fardeau du mal et je voulais aller au fond la

violence m’a pétrifié, frustré, interdit

845


Le Vouloir était fort

et fécond plongeaient dans la profondeur

les choses associées à l’actif agité

Les femmes n’étaient que rêves de chair insoupçonnées

et inutiles c’est pourtant ces femmes qui ponctionnent le temps

et transforment le travail en plaisir délétère, éphémère, enfui ;.

À présent je gémis conscient de mon impuissance

crispant les poings cherchant à imaginer l’écrit d’exception

de perfection inaccessible

J’ai récolté des soupirs au milieu de sources s’y exhale

parfois un écho lointain d’oublis, d’espoirs avec résonances

faibles faibles

Y surnagent des possibilités poétiques semblant s’aimer

Ô baisers aériens avec serments avec discours

Puis j’accède à cette extraordinaire beauté qui règne dans

la plénitude absolue

avec été resplendissant d’orgasmes

Dieux, mes Dieux

et quelle certitude où j’espère

allégrement comme un esprit léger embrasser un Moi puissant

846


Cette inspiration offerte d’en haut qui illumine ma

solitude intérieure, qui déplace les bornes de mes rêves et me

permet

Oui, friction d’idées de têtes pleines, doublement

élaborées, avec poussées de volonté de savoir pour le livre

nouveau !

847


Le poison

Je sais bien que tout cela vaut peu et que le style

employé est de faible valeur

Ce genre d’écriture syllabique ennuyeux et répétitif ne

saurait apporter le moindre intérêt à quelconque esprit élevé

Pourtant, inlassablement, bêtement peut-être, la capacité

créative essaie de s’imposer, de proposer de nouvelles formes...

À rire ! À rire ! N’est-ce pas ?

Cela n’est rien,... comparez avec la science, avec

l’intelligence technique, comparez...

C’est une calamité que cette poésie ! Cela pervertit l’âme

avec des foutaises et des niaiseries quand la raison a besoin de

rigueur et de discipline.

Sur quelques airs anciens, le produit semblait meilleur...

Mais à présent, ce sont des enfantillages, de réelles pertes - oui,

voilà : ce sont des mesquineries.

848


Basez-vous sur la vérité, donnez des certitudes à vos

enfants, à vos adolescents.

Le poème ne serait être un cadeau,

C’est un poison.

849


Grèce, Elytis, etc.

I

Tanguait la pensée penchée sur de grands avenirs tu

croyais voir s’évanouissaient d’espoirs impossibles toi, ton

élan pour les hauteurs

Tu étouffais, interdit d’actions, bridé

Une salve de haines retentissait chez toi

Le ciel était violent, violeur et injuste

II

Tu cherchais rempli d’amertume, de pauvreté poétique

que te restait-il ? A implorer

Le Vent encore accessible rarement

discontinuer

et moi dans le sommeil

puis travaillant sans

Oui, moi sur les lignes invisibles avec vin, huile, île

850


d’Éole, Grèce, Elytis, utilisant roses, fioles, essence et femmes

851


Vie

Ainsi je travaille pour un rien impalpable dont je n’ai que

très peu reçu

fussent quelques graines de lumière

En vérité j’ai produit.

À l’ombre d’autrui obsédé par le Temps

J’ai tâché de progresser

Enveloppé dans les livres des Anciens

Cherchant à imiter

L’adolescence avec

des juillets qui croulaient à coups de triques

Célébrant encore le Génie de la Pléiade

Avec apprentissage, volonté, désir, puissance

Des rouges, des jaunes sur des vapeurs d’aquarelles, etc.

En attendant le fatal instant de Dieu

Sous ce soleil noir avec prisons de barreaux et de vers

Et au loin là-bas comme un rêve de femme impossible

852


Confession

N’ayant pas connu l’amour , ayant séjourné des lustres

au plus profond des solitudes, j’ai appris à construire ma propre

personnalité

À présent je prétends comprendre

J’enchaîne des livres les uns aux autres

dernier semble décliner le suivant se lève quelque peu

quand le

Raison ?

Je m’observe me critique et me nie. Ai-je tort ?

Point d’obscurité point de difficulté à comprendre

j’oublie la beauté brune d’Hélène et m’oriente vers la vérité

électronique

Mais j’emporte encore des broderies diverses, des coupes

de vins, des oiseaux blafards dans des cieux cristallins.

853


Derviche tourneur

Je tournais sur moi-même comme un Derviche tourneur

Espérant atteindre quelque ivresse de l’esprit

Enrubannée dans le soleil et les étoiles

Et je ne voyais pas

cette fille d’élévation extrême

qui voltigeait autour de moi

comme un oiseau sensuel

et de beauté inouïe

854


Après une longue errance

Après une longue errance dans la médiocrité de la

discipline j’ai cherché à progresser à quantifier les pertes à

trouver des solutions pour accroître le gain

Je savais qu’il me fallait du temps, du travail, de

l’abnégation et cette immense solitude pour produire grandement

Aucun souffle ne montait réellement de moi, j’avais

conscience du rien et de l’incroyable faiblesse. J’étais désespéré

par la plus infime solution de grâce

Ne flamboyait aucune essence d’avenir point de

poudroiement divin au-dessus de ma tête pour compenser quelque

peu les immenses vols du Mal

Nulle transe prophétique ou chimérique permettant

d’accéder à quelque saveur supé-

rieure...

Je me sentais ruiné, accablé, maudit

855


J’aspirais à gagner une sorte de hauteur, mais ne

parvenais à expliquer réellement ce à quoi je songeais

C’est ça : je cherchais la rare beauté accompagnée

d’oiseaux, une fille splendide voltigeant dans le vent

Je la voyais ou croyais la voir

Entourée de gerbes multicolores, de lumières inouïes,

avec jambes blanches et longues, et son superbe sourire nacré qui

remonte sur ses lèvres comme une écume de bonheur

J’ai réellement cru que cette fille allait me permettre de

résoudre l’immense difficulté dans laquelle mon âme s’était mise

856


Oui, plongeant

Oui, plongeant

pour troubler ce vif argent de sa mémoire

il jetait ses yeux dans son Moi intime

atteignant cette cible parfaite

pensée là-bas si loin en recherche de perfection

il filait sur sa lancée

Désireux d’obtenir son spirituel, il s’immobilisa dans son

propre cercle, puis tournoya - pourquoi ?

splendeur

L’âme roulait pour enfin s’irradie contemplant sa

Ceci est l’impossible d’un rêve évanoui

857


À Camus

I

Contre la fenêtre éclairée,

le matin rit de toutes ses dents bleues et

blanches ; sur le balcon étincelant

s’agitent doucement les rideaux de la chambre.

Des jeunes filles, les bras longs et chargés étendent

quelque linge. Plus loin, là-bas, un homme

la tête dans la lucarne, lunettes à la main, regarde.

Ô matin clair, scintillements d’émaux vers la mer

Perle latine, de lys et de lueurs,

Ô toi, Méditerranée.

II

Midi sur la mer immobile et chaleureuse

me prend et me comprend, un silence, un sourire,

858


Ici, là

I

Ici là quelque chose doit bien exister

Ici n’importe quoi du peu mais quelque chose

géo

Gratter, gratter

géologue

au-dedans avec ongles sales, gratter

Oui, trouver

Mais comment construire autrement

II

La vérité semblait présente à mes côtés elle

s’exprimait avec des mots écrits et voulait m’envoyer quelques

messages

C’était une sorte de femme en lévitation, des brumes

légères se dispersaient ici et là autour de sa personne

859


Elle m’appelait de son si beau regard,

mais je feignais de l’ignorer

car je grattais grattais

C’est vrai : que peut une femme ?

La femme est contrainte, gêne, perte de temps etc.

Je n’ai jamais voulu l’écouter

860


III

Vivre en soi avec des choix de mots à la manière de

Racine, pourquoi pas ! purifiés, simplifiés, limités, à l’écoute

d’une voix surnaturelle qui viendrait de l’intérieur

Ou encore

une sorte de paroxysme de l’écriture

construire vision sur vision pour atteindre

Souffle en soi un vent artistique, créatif, inventif peutêtre

!

Ici, là, dedans élaborant la forme autre, nouvelle, je

délivre toutefois amoureux de l’inouï percevant des ondes

bizarres, équivoques, accouplées à ma langue ah !

cherche encore

Tant qu’en définitive - oui - quoi ? - Qu’importe ! Je

... sachant que je ne peux y parvenir

861


Au plus profond du Moi

Au plus profond du Moi ainsi je m’enfonce seul,

seul, sans personne pour m’accompagner

Nulle beauté bleue

le soleil est de l’intérieur

si soleil, il y a

Tout se cache dans le front

Si je trouve j’accède au triomphe,

nul ne le saura

tant pis dit-il et tant mieux

d’honnêteté ?

La justice soufflera-t-elle comme une tempête

Je me plante dans des sables blancs, d’une finesse

absolue et parfaite

je puis m’extraire quand bon me semble

Où est ma force ? Je ne suis que faiblesse

862


Si du moins je pouvais construire un chemin invisible sur

une sorte d’immense jeu d’échecs

car demain c’est ma mort, c’est ma fin

En moi toujours cette pensée répétitive :

se poser

la splendide trace où quelques oiseaux hagards viennent

Constante est cette certitude dans son esprit.

863


Mes mains purifiées

bénir ?

Mes mains purifiées par l’injustice, ne veux-tu pas les

Mes visions splendides d’halluciné, à qui les offrirai-je ?

Que peut-on ajouter sur le Fils ?

encore.

Ma terre connaît bien des souffrances et l’âme produit

certainement.

Je me souviens de cette jeunesse qui pouvait mieux, plus

Je crains de commettre des erreurs.

Tu m’as soumis à des chiens, à des ordures, à des porcs,

à des pourritures pour que ma pensée resplendisse d’ignominies,

et telle est ta jouissance !

Tu as mis tant de haine et de cruauté dans mon sang que

mon épreuve m’éloigne du ciel

864


longtemps ?

Suis-je suffisamment éprouvé ? Me faut-il subir plus

J’accède au saint corps dans une magnifique enveloppe

blanche, - le poète se sanctifie !

Hommes et fils d’hommes, dois-je redouter l’avenir ?

Quelle sera mon appartenance ?

Voilà, je m’emporte vers un nouvel espace.

Concevez-vous hommes bas sur cette terre, mes rêves

indéchiffrables ? Je vous les offre. Telles étaient mes pensées.

865


I

Ainsi dans ce sublime minuit, éloigné du sommeil,

la volonté s’agite, appelle et supplie

Je bataille ferme avec cette piètre cervelle, les yeux au-

Je m’y essaie accablé d’obscurité

dedans

II

Nulle richesse à donner. Tout est pauvreté, tout est

médiocrité. Cela est faible, et pour quelle production ? Ceci n’est

pas railler, mais comparez ! Comparez avec la science.

Celui-là prend l’air supérieur et veut se couvrir de gloire.

Mais pour quelle réussite en vérité ? Les autres ont foi en leurs

écrits.

J’ai dû prêcher sur des pierres sèches.

866


À la recherche du Non-signifiant

C’est dans cette boîte de cervelle

qu’il te faut puiser et extraire

regarde bien à l’intérieur

il y a d’éblouissantes semences

des jaillissements de germes

des champs d’expectative à explorer

des terres et des terres favorisées par la pluie

jamais encore piétinées ou caressées

conscience

sublimations hypothétiques dans l’obscur de ta

fuite, élévations, puits qui jaillit

Je veux prendre le silence pour y planter quelques

possibilités de son, de langage pour y jeter des graines d’avenir.

J’ai besoin du syllabaire secret d’odyssées Elytis

867


“Brave, écrit-il, maintenant tu sais me lire.”

Non-signifiant.

Je dois donc travailler, puiser, plonger pour y capter le

868


Le Temple

Je décidais donc de me construire un Temple éphémère

ou immortel, un espace dans lequel reposerait mon âme.

O temple de moi-même, éternel édifice

Rare construction plongeant au précipice

D’un néant inconnu, enfoui dans le Moi

J’y puise un mendiant, un apôtre et un roi.

la pensée volage.

La pure lumière venait s’y écraser, amante insatisfaite de

Ici une sorte d’accouplement devait s’opérer dans une

vérité de songe, dans un idéal chimérique.

La parole du poète comme un écho s’apprêtait à retentir

dans cette pièce immense.

Tant de mémoire des auteurs disparus, tans de fantômes

rôdant pour un idéal d’écriture,

génies fortunés que j’invoquais et suppliais.

869


Des variables de sonorités semblaient courir ou percuter

le vaste dôme serein et puissant.

Je caressais des statues de femmes d’une beauté inouïe et

j’accédais au vertige de la contemplation fabuleuse - c’était une

sorte d’orgasme cérébral quand la perfection esthétique atteint son

paroxysme.

Puis là-bas, dans un halo concentrique composé de

lumière éparse, elle, presque bleue au souffle clair constellé d’or,

s’avance et s’assoie sur les dalles de mon Temple.

gloire.

Elle, au plus près de la conscience certifiant la fuite de la

En face, l’homme de l’indifférence détestant la volupté,

niant sa puissance virile, refusant de respirer la chaude toison de

son entrecuisse.

Je préférais me servir de l’écritoire pour y transcrire les

limites de l’Azur, pour accéder aux oiseaux au-delà de mon

Temple, par degrés infinis.

870


D/Dd

Divergence / distance intellect

c’étaient des résidus possibles

des espoirs, des attentes

dans une brassée d’inspiration

C’était une tentative vaine baignée de tourments

accouplement de mots

qui n’engendrait que des pertes

Ombre et critique d’ombre

pour

RIEN

871


Cascades

Cascades de femmes claires sur ma chair affolée, je vois

descendre des désordres de beautés dans l’impossible

accouplement d’étreintes et de baisers.

J’appelle l’orgasme interdit, le galop des désirs

inassouvis, l’éblouissement du plaisir - je voltige.

Étonnement lucide et emporté dans le souffle de

l’imaginaire, je suspends ma raison et m’emporte dans l’idéal

poétique.

872


Le puits

Ainsi je me courbai pour pénétrer en moi

Un immense puits pour y chercher quelque substance

J’en ignorai la profondeur

Contradiction

la main gauche

Qui tenait l’échec dans la main droite et la victoire dans

pour le ciel

Ainsi était sans être, médiocrité pour la terre et gloire

Et cette constante opposition à gérer, à intégrer

873


Feux

Ose dans la lumière, et telle la première heure

Les lèvres balbutient d’étranges espoirs

Semences, bulbes, apothéoses,

Chrême, charme, sang d’émeraude

Encore je prétends, je suppose

Et telle supérieure, nul ne peut y accéder...

874


Il pense, je l’aide

parvenu

Certains soirs il pense et je l’aide à produire ce qui lui est

Cette production de lui à moi est brève

En tous lieux, est-ce une forme d’amour ?

Tout doit remonter vers la pensée

Je le sais, du moins je le crois

l’inspiration plonge au plus profond

la semence des génies est sublime espérance

Dieu peut-il nous diriger dans cette diversité ?

875


Brisures

I

Deux images d’autrefois, une paresse langoureuse

Me voici allongé sur le sable

II

Encore cette jeune fille une pour évoquer produire

extraire je l’appelle lui demande de m’aider

876


III

Recherchant la plus infime lettre

pour produire quelque peu

de mon miroir s’écoulent ou suintent

deux trois syllabes

encore cette nuit,

cette volonté

Applique-toi, comprends, pénètre

car il faut progresser

La mort n’avance pas au ralenti

tu ramperas dans le tunnel

puis éclateront les scènes de la vie

obéis, travaille, tais-toi et crains

877


IV

Sur la berge invisible,

putréfaction du Midi

lèvres pourries balbutiant des stupidités

espérances exterminées

rafales d’agression en moi

tourbillons de haine

basses limites détestables

878


Il y a montée

Il y a montée de sève exaltée

perception d’éblouissement

volonté d’accéder au Verbe

Mais l’action se ralentit,

s’exprime pauvrement

se meurt de désuétude

Il y a ces invendables additionnels

d’ennuis, d’idioties

de ricanements

la honte me coûte cher

879


Je suis ce que je pense

Je suis

ce que je pense

L’amas de livre derrière moi

symbolique comme la multiplication des pains.

Visibilité faible de la discipline

échanges légers entre amis

entre riens

préférant les choses de la raison

à l’éphémère soupçon

buvant dans l’espace

exploitant le legs

il faut s’adapter aux autres

percevoir les secrets

croître dans la fertilité

880


Avec le temps qui vieillit

Je déplie le passé

On a fixé le centre - je le déplace

puits en moi avec mémoire

avec plaies

Je suis peu, dites-vous ?

qui sait...

881


Tu ne parles

Tu ne parles qu’en proposant des faiblesses, des inutilités

sans germes, sans raretés, - tu souilles ma page. Quelle

symbolique ? Quelles paraboles ?

Il te faut la raison de l’expression, en évinçant

Alexandre, tu as besoin de penser avec certitude tout en faisant

redémarrer la machine à images.

Tu te construis une liste de livres pour l’hypothèse et le

miroir, évoluant dans ta souffrance. Ta volonté inachevée, te

permettra-t-elle d’accéder à quelque chose de suffisant ? Séparetoi

de la stupidité, de l’imbécillité qui gisent en toi.

Je ne suis plus rien, prétend-elle

L’on me fait la cour en fin de semaine

Traîtrise, abandon - peu, en vérité.

Mon âme oubliée, vais-je refaire ma façon ?

Mon âme tombe, beauté poudrée d’autrefois

Ou momie oubliée de tous - qu’ai-je à espérer ?

Vous êtes belle, écrit Deguy

882


Penche-toi que j’encule il faut lui dire

Loin, plus loin dans l’audace, dans le risque

De longues années à penser ensemble

Constamment à mes côtés, oui travaillons

Je crois en la mort de ton astre

Car tout est faiblesse et de moins en moins

Vous disparaissez se réjouir sur rien

883


Fiole mallarméenne

Fiole mallarméenne échappée par mensonge

d’un retour vers le passé éternel

exploitant l’ancien jeu désuet - je me crois -

cherchant les initiales F L

en signe de freinage sur les avirons

puis pénétrant un jardin impressionniste

à la Manet, à la Monet

par ce savant mélange

désirant du Phréatique

à la frontière, sur mon néant

Ou me projetant dans mes humeurs bibliques

884


Dans l’alibi

dans l’alibi

de l’audace,

du n’importe quoi

po sitions ato misées

pareilles à un électron satellite

me parvinrent des possi

hésitantes

possibilités

avec détresses psychologiques

anxiogènes et poétiques

Surmonter le silence qu’elles engendrent

885


Une immense fatigue

Une immense fatigue, un besoin de repos dans un vide

qui plonge indéfiniment pour aller y puiser quelque substance

d’intelligence

de nouveauté

Concevant encore un paysage de mots par

la magie de l’extraction

- sorte de puzzle, en vérité

886


Qui ?

Qui frappe aux portes de l’intime ?

Qui supplie, implore et gémit ?

maison ?

Qui est-elle, celle-ci, chatte avec patte sur la vitre de la

Pour quelle plongeante solitude, ai-je dessiné les abîmes

de mes interdits, les abysses de mes ténèbres ?

Et folle, tu voudrais m’accompagner ?

887


Oeuvre et existence

Dans la nécessité l’esprit de toujours progresser

De tendre vers son avenir de perfection

Il n’y a pas à choisir entre œuvre et existence

Il y a Oeuvre, tout simplement

Car il faut chasser sa ténèbre

sa médiocrité,

sa honte

Des traces, des marques ? Pourquoi ?

J’appelle cela la prétention

Cette gloriole humaine est ridicule

Il faut rejeter les honneurs

- je sais : ils vous tombent dessus

mais c’est encore du zèle

du temps perdu

et après il y aura les remords de la nuit

888


Les deux messies

Ni effroi ni crainte

Mais guère d’espoir

L’homme élu n’y croit pas

S’il croit c’est en son sauveur,

Le vrai Christ

Y a-t-il deux Christs ?

L’un religieux, l’autre civil ?

Peut-on être Christ

Sans être Juif ?

Dérision de l’être humain

Grandeur de la divinité

889


La légèreté d’un souffle

La légèreté d’un souffle. De grandes ailes s’affolent

Et tourbillonnent autour de la fille déesse,

Dont la chair est splendide. Sa poitrine s’émeut,

Ses deux seins comme des grappes orange

Se dressent et sursautent.

Oui, elle dévêtue, de magnifique naissance

S’emporterait-elle au-delà de la gloire ?

Comment ce corps d’idéale merveille

Épousera-t-il l’invisible immortalité ?

Des frissons s’émotionnent sur l’épiderme délicat.

Elle n’est qu’indifférence et mépris,

Cette splendeur de fille déesse au-delà des éthers !

C’est entre deux consciences

Que l’esprit invente

Que s’opposent, s’agressent

Et s’associent

Capacités et aptitudes entremêlées

Bien et mal peut-être.

890


Entre deux balancements

La pensée hésite

Certitudes contraires

De l’ombre et de la clarté

Corps et coeur,

Chair et esprit

891


Avec mon sang

Avec mon sang

Avec mon squelette, je marche

Des vents rouges m’emportent

Des décombres, des ruines me guident

Accompagné de solitude,

je marche

Au-delà du temps

Oui, exclu de tous et de toutes

Enveloppé par le mal dans un sac d’épines

Comme un maudit, je danse faussement

J’exige la paix, éclate la haine

dans ma demeure, sur mon chemin,

ici, là-bas

J’éjacule mes faiblesses

Est-ce cela ma vengeance ?

Je construis sur des espaces

nouveaux et inconnus

892


Et m’écoute écrire

Dans cette avalanche de livres

En vain, je produis

dans un secteur de pertes

et de médiocrités

Je creuse dans le sable

pour y extraire nul grain

Ce qui reste en moi-même

Est perte, est peu

Que puis-je faire ?

Je suis banni

nulle étincelle, nulle soie

nul frisson d’estime

Je cache mon visage

Je me préfère dans la ténèbre

le dialogue improvisé

Saccages, décombres

893


et honte avec boursouflements

d’écriture

Ainsi exclu dans ma chair

Voici les poèmes de médiocrités

mon sang, mon combat

l’idéale

Il y a l’amour de soi

la haine de soi

la volonté de mieux produire Hypnose

Ma femme s’appelle personne lente descente

Mes écrits refusent d’être lus pour y chercher

de perfection.

Quelle bêtise !

La force, l’action constantes

fabriquant du verbe

La beauté est endormie

dans l’ignorance de sa pureté

Elle s’imagine, suppose

mais à tort.

894


Coulent des livres ensanglantés de haine

de douleurs, de ridicule, d’insignifiant,

d’humiliation

Bariolé d’étincelles

phosphorescentes et incandescentes

Comment s’épanouir dans le cercle de lumière ?

Mais le front est vide

rien qu’une faible voix

qu’un murmure qui doucement

gémit

Nulle extase d’écriture

Seulement des faiblesses

frère ?

Ne plus y croire

Avoir la certitude de sa médiocrité

Chercher jusqu’au délire

Qui méprise son

Accéder au vertige Du peu, d’estime ?

Est-ce un frère ?

895


Fuir les fausses têtes couronnées

qui grandissent leurs ombres

alanguis sur des lits d’extase

Quelle est ma certitude ?

... pour y enfouir

son ombre

Un champ de déshonneur dans la honte

où l’on creuse son trou de la poésie ?...

pour se cacher

J’ai dit la vérité

Qui m’a cru ?

J’ai dit : comparer, vérifier

Qui pèse quoi ? Avez-vous lu ?

Voyez la science, la technique

Le temps accentue ma certitude, ce que j’écris est vrai

Ils se partagent

la chair des suppliciés

Horreur, massacre, et

Bourreaux,

qui le croirait ?

896


Personne évidemment.

Allez, plus loin dans l’exil

au profond de toi-même

pensées, ville de langages

de perception, d’insignifiants

Allez encore

interroge les profondeurs

extrais les racines

Scie ton crâne

comme une boîte à idées

Tu y trouveras peut-être d’étonnantes certitudes

dedans se trouve la substance de livres

Car c’est ta stupidité qui est à bannir

à chasser

Et nous, nous lisons ta production

avec un oeil moqueur

Tu as du sang, un assassin, de la souffrance, écris-tu ?

897


tout cela prête à rire

Que vaux-tu ? Rien

de peu..

Chaque lettre, chaque signe est une insignifiance, paroles

Chez toi, tout est faible

c’est de la médiocrité

et je connais ta place

Ton encre court de faiblesse en inutilité

et je sais ce que je dis

Ta place est derrière

ton encre s’oubliera

898


On lèche, on crache, on suinte

On lèche, on crache, on suinte

On se tord de douleurs

On supplie l’extase

On torture, on tue, on extermine

On implore, on supplie, on délire

Dans la trace de l’existence, de l’histoire

De vie dérisoire, inutile,

Particule ridicule

Infiniment peu

Qui rêve de vivre mieux

On crève cadavre de merde

On ne fait que perdre

899


Des vierges

Des vierges infiniment perverses

M’offrent le serpent à boire

La texture de peau est belle

À voir à prendre à lécher

Des vierges dans des rêves illusoires

Quémandent un plaisir détourné

Par-derrière l’image interdite

De rites, de vices, d’excréments

Blancs et purs, élaborés, soignés

De douleurs, d’extases, d’excès

D’ivresses, alanguies, endormies, éternelles

900


Dans la vitrine

Dans la vitrine, la pierre multiple

oui, moi, moi encore

Les petites quantités qui accumulées semblent

représenter des tonnes

L’oppression des tortionnaires, les pourritures de chiens

Travaille, nettoyer, construire

Tant à penser...

Il me faudra des mois, des années certainement,

si j’y parviens

C’est se donner beaucoup d’ouvrages,

c’est nécessaire pour exister

prétendu que

La conscience qui était en moi a détesté, a rejeté, a

Aujourd’hui tout me semble insignifiant

901


la faiblesse est en moi

Je regarde par la fenêtre cet hiver blanc

à 13° et ces trois heures d’ensoleillement quotidien

Aujourd’hui produire me semble peu

le médiocre surnage

exemple !

Avance Mimosa, annonce janvier - le 15 - le 8 par

Nous sommes le 29 décembre, Messages VI s’achève, je

pense à Résonances, titre du nouveau recueil 97.

On verra bien - le problème est de gérer, d’informatiser

170 bouquins à passer encore.

902


MESSAGES

903


TABLE DES MATIÈRES

MESSAGES I

Quelle trouée d’azur

Finir seul

Conscience

Nourriture messianique

Le sel

Sel

Fille d’orgasme

Le peintre

J’écris

Finalité

Besoin d’écrire

Le chant peut commencer

L’oiseau transparent

Le désir de produire

J’exploite une blessure

Une pensée de vieillard

904


Interrogation

Persécution

Les armes dérisoires

La pensée épanouie

Lanières tendues

I

II

Probabilité poétique

Fils de l’insignifiant

Un rêve

Commencement

Analyse

Expression écrite

Écriture I

II

III

IV

V

Pensées souveraines

Filles dévêtues

La phrase

905


Oubliés

Psy

Les pensées, ces fleurs

La femme, cette ennemie

Le doute

Désirs

Éblouissements de nuit

Ouverture sur fenêtre

Une existence d’effacement

La cité intérieure

Je suis rien

L’écriture poétique

Je sais mille espoirs

À présent

Nervures du temps

C’étaient des années...

Habillé, délaissant...

Petite vie

Alors le temps...

Segments

Il n’y a pas d’issue

Éclats sonores !

J’écris...

906


Intérieur

La beauté s’éloigne

Pensées de colère chaude

Les yeux lumineux

Personne, répondait le silence

Il y a quatre lustres

Ici se meurt

Toi

Vie d’écrivain I

II

Dialogue Poétique I

II

III

Tu le savais

Quel sublime triomphe

De ta mort, on se rit

Retour

J’entrais

Je suis clair

Deux demi sonnets I

II

La licorne

Verse-sang

907


Tu es mort

Soleil éclair...

Refus

Du soufre

Une fille

Ta mort m’ensanglante

Il s’endormit

Ce n’est pas la douleur

Fragment de ciel I

II

III

IV

V

VI

Pierre

Encore se taisaient

Le matin du prophète

L’âme se nourrit

Analyse

Traces de mémoire

Plainte d’automne

Pourtant

908


L’esprit humain

Avec la constance d’ombre

Vaste labyrinthe

Jeunesse et règne et fin

Toi et moi

I

II

III

IV

V

VI

Beauté, je te délaisse

La nuit

Espérer, Avenir ?

909


MESSAGES II

Tu peux hurler

Encore

Une idée vraie

Assailli

Les deux maîtresses

Je lis Paul

Surgissent

Beauté, je te propose le poème

Femmes décoiffées

Poète

Mon avenir

Terre de souffrance

Parler avec soi-même

Nuit

Par toi

Je suis sans être

L'écho

Visage

Constance

Le miel du poème

910


La chaleur

Aubes claires et bleues

Dans la plaine chimérique

La tempête

Vagabond

La rumeur

La quantité, le temps

Jeunesse

Antagonistes

Gain économique

L'homme supplie

Limite

Question

Sanctification

Renouveau

La beauté d'Hélène

Envole-toi !

Grands esprits - I

II

III

La soumise

Paroles certifiées

Conflit interne

911


Les démons

Conscience

Mon lit

Fils, fils

Les poétesses sont venues

Le veilleur

Les femmes aussi sont venues I

II

Trouverais-je ?

1695 - L'amour-propre

Pur midi

Les deux valets

Le nobliau breton

Le veilleur

Le critique averti

Le château d'enfance

Ce langage

Supplique

Canicule

Le feu

912


L'araignée I

II

III

IV

La cité intérieure

Plus claire

Amants subtils et profonds

Inspiration

Question

Sound And Music

La pensée

Lieu de vie

Sphère de mots

Quelle suffisance ?

Confessions

Travail

Le poète d'ombre

Visite

Sainte

Certitude

Liberté de douleurs

Encore

Méfie-toi

913


La violence

Trois points

Grande pensée

Couloirs, couloirs

Cette vie

La pureté

Fuite intérieure

Alerte

Je suis dans l'invisible

Conseil à la mort

Tombeau caché

S'éveiller

J'attends l'espoir

Suis-je ardeur ?

Le marcheur solitaire

L'appel

L'amante

À l'horizon de l'écriture

Enfuis-toi

L'espoir s'épuise

Lumière

On vit inconnu

Acte d'écriture

914


Les images

La pensée hallucinée I

II

Quel Alpha ?

Créatifs et ignorés

Toi, mon innocence

Que dit la Mort ?

La beauté s'épuise

L'éclair de sel

Femme qui frissonnes

Grande pensée

915


MESSAGES III

Grand esprit, me voici

L’insomnie

Pour le poème

Je marche

L’existence

Fatuité

Dit

Et dit autrement

Inaptes à convaincre

Pensée sereine

L’insatisfait

L’imagination

La jeunesse fusillée

Le mépris

Évidence

Confession

Nous faisons le chemin

916


Nulle intelligence

Disons

Nous construisons

Répétition

L’infini poétique

Filles décoiffées

Vie

Le mépris

Météorites

Le cancer du mal

Serons-nous demain

Pensée qui descends

La gloire du maudit

Ai-je chanté, chanté l’espoir

Le souffle reste enfermé

La chair et l’esprit

Constat

Ouvrir sa conscience

Dis-moi

Il respire, il pense

Pas assez creusé

Interrogation

Dis-moi, stérilité

917


Les deux voies

Le jour se pense

Le jardin

Je m’étais purifié

Le médium

Esprit et vitesse

Éloge

Isabelle II

Une pure sphère

L’oubliée

Méprisant

Beauté, ma certitude

Je relie

Elle et moi

Le poète

Midi, supérieur et pur

Je ne sais

Une beauté

Essaie de te faire efficace

L’été de notre vie

Bondissaient

Je vois tout l’intérêt

Analyse

918


Monde perdu

Chair dans l’âme

Si je m’enfuis

Combien sont à mépriser

Pensée

Envolées

Sur le cercle

Analyse nocturne

La mort te cloue

Profondément vers toi

Offrandes

Le vent rouge

919


MESSAGES IV

Quelle trouée d’azur

Finir seul

Conscience

Nourriture messianique

Le sel

Sel

Fille d’orgasme

Le peintre

J’écris

Finalité

Besoin d’écrire

Le chant peut commencer

L’oiseau transparent

Le désir de produire

J’exploite une blessure

Une pensée de vieillard

Interrogation

Persécution

Les armes dérisoires

920


La pensée épanouie

Lanières tendues

I

II

Probabilité poétique

Fils de l’insignifiant

Un rêve

Commencement

Analyse

Expression écrite

Écriture I

II

III

IV

V

Pensées souveraines

Filles dévêtues

La phrase

Oubliés

Psy

Les pensées, ces fleurs

La femme, cette ennemie

Le doute

921


Désirs

Éblouissements de nuit

Ouverture sur fenêtre

Une existence d’effacement

La cité intérieure

Je suis rien

L’écriture poétique

Je sais mille espoirs

À présent

Nervures du temps

C’étaient des années...

Habillé, délaissant...

Petite vie

Alors le temps...

Segments

Il n’y a pas d’issue

Éclats sonores !

J’écris...

Intérieur

La beauté s’éloigne

Pensées de colère chaude

Les yeux lumineux

Personne, répondait le silence

922


Il y a quatre lustres

Ici se meurt

Toi

Vie d’écrivain I

II

Dialogue Poétique I

II

III

Tu le savais

Quel sublime triomphe

De ta mort, on se rit

Retour

J’entrais

Je suis clair

Deux demi sonnets I

II

La licorne

Verse-sang

Tu es mort

Soleil éclair...

Refus

Du soufre

923


Une fille

Ta mort m’ensanglante

Il s’endormit

Ce n’est pas la douleur

Fragment de ciel

I

II

III

IV

V

VI

Pierre

Encore se taisaient

Le matin du prophète

L’âme se nourrit

Analyse

Traces de mémoire

Plainte d’automne

Pourtant

L’esprit humain

Avec la constance d’ombre

Vaste labyrinthe

924


Jeunesse et règne et fin

Toi et moi

I

II

III

IV

V

VI

Beauté, je te délaisse

La nuit

Espérer, Avenir ?

925


MESSAGES V

Le risque, l’audace

Retourne d’où tu t’en viens

Dès

Non-sens

Un papillon de rêve

Délivre-moi

L’épouse du poète maudit

Qui accepta

Il

Moi et Moi 1 - 2

Analyse et solution

À personne

Il est temps

L’exactitude poétique

La soie

La constante recherche

What’s a shame !

Ténacité

926


A JAD WIO

Exécutée

Où est ta fuite ?

Chacun sa vie

Souvenirs

I

II

La femme insecte

Peuple d’images

Hors la chair

Un corps et une âme

Plus que vide

Monde élevé

Dans le monde

Morceaux

I

II

III

IV

V

Que peux-tu ?

Un frisson

Qui

927


Es-tu ?

Morceaux de vie

Monde fuyant

Autre monde

I

II

Un endroit

Quel avenir

Le monde sera

Non pas un monde, mais des mondes

Un autre monde

Le possible

Rappel

J’espère être

En attendant le procès

Orgueil

Le chemin

Le suicide beau

Tranche de vie

Évidence

Constat

Pour l’autre monde

La survivance

928


Le chemin

Parfois, parfois

I

II

III

IV

I

II

III

IV

I

II

Thora

Coup de fouet

Paroi la mort

Pensées claires

I

II

Ailleurs

Naissance du poème

Idem

I

II

929


III

IV

En toi

I

II

III

IV

Rien et maudit

I

II

III

I

II

MAC

930


MESSAGES VI

Vie avec

De chair

Enfouies les racines

On tue celui qui sait

Qui croire ?

Nous sommes en-vivants

AU SECOURS

TRASH

Compris

Le poème s’enfuit

Chacun s’assure

Inventant un retour

L’après

Ainsi hurle-t-il

Le je suppose, Le je sais

Nous luttons contre l’usure du temps

931


Madame 1

2

3

4

Excitant le stupide

Recherches de distances

1

2

3

Mémoire

En toi

Les armes de l’Oint

Obsession consiste

I

II

III

L’esprit avance

La lumière insistait

Les objets

932


Pourquoi Moi ?

La science du poème

Cherche à savoir

Nul ne fut plus hanté

Cependant ils refusaient

Au poète

Le nuit, je pénètre

J’ai espéré

La fuite

Lui s’éloigne

Beaucoup de vent, l’œil sur le papier

Elle reviendra

Le coq

En lui

Accède

Imagine

Vivante mais irréelle

Jouissance/souffrance

Souffle d’extase

Le temps/l’inspiration

La pensée en folie

L’homme lucide

La défaite

933


Songe à l'écart

Nous reviendrons

Grand esprit

I

II

III

IV

V

Nous invoquons

Au cœur de soi-même

Sucs princiers

Ton avenir

Hautes pensées

Soir d’ignorance

Le poison

Grèce, Elytis, etc. I

II

Vie

Confession

Derviche tourneur

Après une longue errance

Oui, plongeant

934


À Camus I

II

Ici, là

I

II

III

Au plus profond du Moi

Mes mains purifiées

I

II

À la recherche du Non-signifiant

Le temple

D/Dd

Cascades

Le puits

Contradiction

Feux

Il pense, je l’aide

Brisures

I

II

III

IV

935


Il y a montée

Je suis ce que je pense

Tu ne parles

Fiole mallarméenne

Une immense fatigue

Qui ?

Œuvre et existence

Les deux messies

La légèreté d’un souffle

Avec mon sang

On lèche, on crache, on suinte

Des vierges

Dans la vitrine

936

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