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FRANCK LOZAC’H
M E S S A G E S
MESSAGES I
2
Qui est Salomon ? Qui suis-je ?
Sur ta noble montagne, sous le soleil de gloire
Le lys est finement tissé par le Seigneur.
Je médite dans l'ombre, oint ignoré de tous.
Sur le métier encore, je remets mon ouvrage.
Poème de David
Au plus haut dans l'azur se dresse le palais.
Des figurines d'or sur des marbres d'ébène
Serpentent les colonnes ciselées et sculptées.
Au balcon accoudée la beauté idéale
Pénétrée de soleil soupire et se prélasse.
Sa délicate main caresse avec saveur
Les cordes d'une lyre. Un son mélodieux
S'évade tristement vers l'oreille du prince,
Le vent emporte l'air frotté de notes douces.
Sur l'étendue d'un lac une nef égarée
Caresse doucement le clapotis craintif
D'une vague chétive.
3
Les belles courtisanes
Dans la cour du palais dansent en souriant.
Les flûtes, les tambours accompagnent les rires.
Le peuple est invité à la fête royale.
Il s'écrie "Longue paix, longue paix à mon Sire."
Les Empereurs du ciel viennent me saluer.
Les poètes sublimes sur des nuages clairs
Descendent m'écouter : "Poursuivez, poursuivez,
Quelle belle facture ! Demain vous reviendrez.
Et vivez près de nous. Que notre majesté
Bénie par tant de Dieux laissent un nom éternel."
4
Ô mon sublime amant
Ô mon sublime amant, je veux te dévoiler
Mes coquillages d'or sous la gaze écarlate.
Mes frais pieds carminés sont de superbes mains
Fines et délicates, charmantes à embrasser...
Non, je dois te maudire, car tu ne m'aimes pas.
À demi tu succombes, à demi tu me joues.
Si je suis une fleur précoce du printemps
Mon seizième pétale est pour mon doux mari
Qui brûle de m'aimer... encore je le repousse
Et pourtant m'abandonne à son coeur inconstant.
La lumière est éteinte. De la croisée tendue
Le triste paysage d'une lune scintille
Et semble regarder les ébats des amants.
Glissée sous cette soie, les yeux noyés, la peur
S'est emparée de moi. Je m'étends sur la couche.
La mince couverture est un faible rempart.
5
Ô mon beau compagnon, soyez toute douceur...
La lune est presque bleue et nous contemple encore.
Tes cheveux emmêlés
Tes cheveux emmêlés roulent sur ton peignoir
Et je te vois, soleil, ô blondeur éblouie.
Peux-tu savoir combien je pense à nos extases ?
Vois un peu ma ceinture, tu ne vois que cela.
Je vais tuer ce coq, le chasser de la nuit.
Que la nuit dure encore sans le retour de l'aube,
Que jamais le matin n'ose dire : me voilà
Levez-vous les amants, quittez le nid d'amour.
Il monte sur l'ânon
Il monte sur l'ânon sans menacer la bête,
Il cueille dans sa main un rameau d'olivier.
6
Paysage chinois de nuit, sur la rivière.
L'îlot est entouré de ses brumes légères
Le bateau lentement s'éloigne du rivage
L'opulente campagne regorge de verdure
Le ciel est lie-de-vin et s'approche des arbres
Là-bas le voyageur sur le fleuve tranquille
Éprouve quelque émoi devant l'immensité
Une lune blafarde semble s'offrir aux hommes
Donnant sa nudité dans un bain de brouillard
7
Apprenti malhabile
Apprenti malhabile en mes premiers écrits,
Le bon génie d'autrui me fut souvent une aide.
Sachant bien ma faiblesse et mon souffle débile
Je n'osais espérer quelques charmants lauriers.
Me voilà à présent encombré de mémoire.
J'atteins mes quarante ans, je poétise encore.
Je n'ai pu accéder à une renommée,
Et le travail offert est toujours méprisé...
Le poète est amer : il n'est pas reconnu.
Il lisse des brocards dans le ciel nuageux,
Sa manière est un art ignoré de la masse...
Sur la terre les talents ne sont pas à manquer.
Le génie est plus rare, qui peut le percevoir.
Moi, je m'en vais mourir sans regret sans rancœur.
8
Une interrogation sur la Renommée
Je te vois à présent gratter ta barbe blanche
Tu sembles fatigué de mille ans de travaux.
Te voilà inconnu dans cette Capitale,
Tu es seul, ignoré, plongé dans ta disgrâce...
Les nuages s'en vont emportés par le temps.
Le poète voyage et fait le tour du monde.
Te voilà revenu sur le seuil de tes pas.
Une triste douleur a envahi ta chair.
Que vas-tu invoquer la Justice du ciel ?
On te maudit encore, on délaisse tes œuvres.
Toi qui auras voulu graver une humble trace,
Il te faut la payer d'une vie de misère...
9
Une interrogation sur la mort
La mort dévastatrice m'arrache un ami.
Un à un ils s'en vont pour le ciel inconnu.
J'avale des sanglots, je pleure amèrement.
Pour ce lointain exil, y a-t-il un espoir ?
Mes amis, l'autre nuit, sont apparus en rêve.
Ceci témoigne bien que je n'oublierai pas
Le passé, la jeunesse et la belle santé
Qui encombraient nos rires et nos adolescences.
Vous voilà aujourd'hui prisonniers de la mort.
Imitant les oiseaux, êtes-vous remontés
Vers ces espaces clairs où la vie est meilleure,
Où la réalité est superbe et divine ?
Je crains qu'après la vie, il n'y ait rien du tout.
Qui peut se prévaloir d'être monté au ciel,
D'en être descendu ? Que l'esprit incrédule
Sait s'encombrer de doutes ! Qui connaît le voyage ?
10
La lune se couchait et inondait la chambre.
L'on pouvait deviner dans ses rayons blafards
Le visage d'un homme qui semblait appeler
Et qui me murmurait : "Ne crains rien. Tout est bien !"
11
Ami, écoute un peu
Ami, écoute un peu, conserve cette coupe.
Le souffle du printemps arrive en souriant,
Et les nouvelles fleurs parsèment le parterre.
La lune fraîche encore se couvre d'une étoffe.
Hier déjà s'est enfui emportant nos jeunesses.
Nous étions apprentis, nous ne savions écrire.
Mais voici qu'aujourd'hui les premiers cheveux blancs
Nous vieillissent parfois. Que savons-nous de plus ?
Que toujours à chercher, nous ne pouvons percer
Dans cette indifférence de poètes incompris.
Nos œuvres sont écrites. Qui voudrait regarder
Et s’émouvoir du peu que nous avons produit ?
12
Pensée d'angoisse
Le printemps s'en revient ? Pourtant je l'ignorais.
Je vais près des buissons d'hiver tout constellés
De baies rouges et de fruits. Hier le vent est entré
Dans la ville fileuse aux mille cheminées.
Les nuages s'envolent fuyant vers l'infini.
J'attends, Laure, j'attends, je me tourmente encore.
Ma 524 est belle
Ma 524 est belle, elle est blanche, elle brille
Je la touche du doigt et la caresse encore
Sa façon est superbe, je veux que s'y assoie
Cette splendide fille, ses cheveux sont bouclés.
13
Le nombril du poète
Le nombril du poète. Pourquoi tant se soucier d'autrui ?
Quel intérêt à cultiver l'amour des autres ?
Faut-il caresser la croupe du cheval pour recevoir un
coup de sabot de l'étalon ?
Moi, j'offre la voie. Voici mes livres. Ils sont à vous. Je
vous les donne. Vos fils les aimeront peut-être.
On dit de Baudelaire, de Verlaine, de Tristan Corbière,
qu'ils ont été des poètes maudits. Mais enfin leurs noms et leurs
œuvres sont venus jusqu'à nous, dégageant cette aura spéciale qui
confère l'immortalité. Qu'ils aient été des poètes incompris de leur
vivant, cela est certitude, mais leur génie est connu de nous tous
maintenant.
14
L'imagination
L'imagination consiste à tirer hors de la cervelle des
solutions nouvelles à des problèmes inconnus. Il faut donc trouver
des résultats, des finalités à des équations dont nous ignorons la
formule et la présentation.
Certains nous taxent d'imposteurs. D'autres prétendent
que nous avons compris. Compris quoi ? Compris pour qui ? Et
d'interminables années s'écoulent avec paresse, avec mépris, avec
le mépris du public, toujours indifférent à défendre notre cause.
15
Le critique
- Dis-leur, toi ! Fais-leur comprendre ! Ils ne veulent rien
entendre. Ils prétendent se suffire de ce qu'ils possèdent. Ils
appellent richesse la médiocrité ridicule qu'ils détiennent entre
leurs mains. Pourtant, comme cela paraît peu ! Comme cela
semble insignifiant !
Deux bonnes années ont été nécessaires pour obtenir ce
résultat. Te rends-tu compte ! Et il faut lire ce pauvre petit recueil
qui tient entre mon index et mon pouce ? Je le regarde avec
dédain, ne sachant ce qu'il renferme, me doutant déjà que cela
doit correspondre à faible chose. Enfin ouvrons, et faisons la
critique aiguë ?
- Oui ! Est-ce du vers libre ? Vous prétendez compter
jusqu'à douze ! Ha ! La ! La ! Mais non, Monsieur, ce n'est pas de
la musique que cela ! ... Peu de poètes en connaissent la
signification.
Vous semblez jouer du tambour ou de la grosse caisse.
Ah ! Baudelaire et Verlaine ! Des musiciens, eux ! guère compris
en leur temps, mais des génies, eux ! tandis que vous... Oui, je ris.
16
Un rire profond s'échappe de ma gorge. Non ! N'y voyez pas une
moquerie, j'use seulement de ma compétence certaine.
Comprenez-moi, je possède trente années d'expérience, et j'en ai
vu défiler des recueils entre mes doigts. Non ! À tout vous dire,
arrêtez, cessez toute activité de poète. Cela n'a pas de sens, toutes
vos phrases sont désordonnées, et puis ce style ! Quel style ! Non
! Des erreurs grossières à chaque structure.
Vous n'avez jamais songé à vous essayer à la
mathématique, aux sciences physiques, statistiques,
aéronautique... Non ? Pourtant vous eussiez pu, certainement
obtenir quelques bons résultats. Tandis que la poésie... La poésie,
c'est spécial. Il faut beaucoup de doigté, enfin il faut compter ses
pieds, il faut de la finesse, de la subtilité... pas facile...
17
Quand la mort avide
Quand la mort avide et vicieuse viendra frapper le crâne
du poète possédé, quelle douleur ultime saurai-je lui offrir ?
Je jetterai à la face de cette salope une bassine
d'excréments, de vomis et d'urine, pour qu'elle s'en retourne le
visage buriné et l'haleine pourrie.
Et mon huile, et mon froment, mes oliviers, mes
grenadiers, je les placerai devant mes fils et mes filles pour qu'ils
les fassent fructifier et fructifier encore.
18
C'est l'angoisse du poème
C'est l'angoisse du poème qui se répand dans la nuit, et
produit des formes d'écriture vers le ciel du papier blanc.
C'est l'angoisse de la sublimation qui cherche
désespérément dans le silence de la nuit, qui écoute l'éveil des
premières notes sifflées pour le vent de l'espoir.
C'est l'angoissante douleur qui même amours et plaisirs,
souffrances et jouissances dans la pensée du poète, c'est elle
encore qui décide de ce que sera la chanson.
19
Je mettrai à ton cou
Je mettrai à ton cou un collier de perles pour symboliser
la jouissance de ta chair délicieuse.
Je couvrirai tes pieds d'étoiles comme des anneaux de
lumière ciselés et brillants.
La beauté idéale émane de ta personne, et te confère une
superbe renommée.
Cette grande admiration que j'ai pour toi, je la compose
par ce poème, je te l'apporte comme une offrande, et ton sourire
sublime me vient en récompense.
20
Voici voltiger l'oiseau
Voici voltiger l'oiseau voleur de semailles qui dépose ses
graines et contemple de là-haut la pauvreté humaine.
Vois donc le sel de la sueur, cette sueur salée de peau,
qui s'exhale en gouttelettes de souffrance et de tristesse. Vois
donc la douleur de l'esclave, d'homme épuisé cherchant quelque
fraîcheur, fraîcheur apaisante d'eau et de bien-être. Oh ! Les sens
éreintés qu'on les baigne dans une vasque d'effluve claire !
Abaisse-toi et contemple de ton œil prophétique le
sinistre spectacle de l'homme souffrant.
Voici l'oiseau voltigeur, voleur de semailles...
Vois donc la force qui supplie et se fatigue, qui se
penche éreintée aux bords de sa détresse. Viendras-tu soulager
cette misère de chair ?
Que ses racines cessent ici de se prolonger dans la torride
terre ! Que son corps cesse de devenir humus ! Sa salive est sève
de mort ! Sa tête brûlée est écorce d'arbre ! Ah ! Coupez ses
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sinistres branches !
Ah ! Tranchez ses racines ! Oui, qu'il se meure d'extase
pour une libération prochaine !
22
Le miel du poème
Pourquoi ai-je étudié seul ici,
ai-je étudié le miel du poème,
miel céleste aux parfums sublimés d'un idéal divin ?
Ô ma libre pensée, pourquoi avoir fleuri mon espoir
d'images de rêves ? Pour fuir l'angoisse et la peur de vivre ?
Artisans
Potier, sculpteur, hommes de chair de la matière, à la
recherche de la forme, pétrissez, malaxez la plastique de la
femme, et concevez encore.
23
Pensée
Ce n'est pas la première fois
Misérable espérance humaine
Que tu vois s'abolir ton avenir.
L'avenir ne peut surgir que du ciel.
Des envolées sublimes voltigent dans l'espace
Viennent se poser là sur le bord de ton toit.
Les dieux sont venus t'offrir un grain d'espoir.
Voilà le mot : un grain d'espoir.
Avec ton oeil sensible de voyant,
Tu observes l'horizon sans t'étonner.
Dans le grand livre de l'humanité,
Ton nom est-il mentionné ?
Ton nom ?
Quel nom ? Sera-ce de l'intelligence prophétique,
De la raison poétique ?
Moi, je t'appelle :
Perte, faiblesse, graine dans le vent.
24
Les grands se sont abaissés pour devenir accessibles à
l'homme. L'homme ! Que doit-il faire ?
Il doit chanter pour que s'épuise en douces mélodies le
souffle de la nature agrémenté de notes.
Dans le soir tombant, à la lune incertaine, au milieu des
troupeaux de nuages et des brasses d'écumes, joue... joue avec
cette flûte bleue pour la brume légère, joue pour l'eau qui
vagabonde dans les prés assoiffés.
Tout a déjà été écrit. Que diront tes vers nouveaux ?
Seront-ce des choses anciennes proposées autrement ?
Ton espoir est entre tes mains. Conçois encore. Cherche
et exige une nouvelle clameur. Deviens le feu d'amour rayonnant
de mille flammèches, deviens le sang resplendissant d'un rouge
écarlate. Porte ta chair dans les lieux propices de l'univers.
Contemple le vrai ciel, contemple-toi.
25
Labyrinthe
J'étais dans une de ces recherches où l'espoir n'a pas de
moyens d'exister, où seuls l'impossible et le néant pénètrent. Mon
inquisition poétique était nulle, et je n'obtenais aucun résultat.
J'abandonnais ce terrain et laissais à d'autres ces étranges
servitudes. L'avenir de trouver m'était retiré. Pourtant quelquefois,
une brise illuminée venait caresser mon visage comme pour me
dire : Ne te désespère pas. Investis encore. Investis.
Je m'imposais à découvrir avec une force renouvelée,
avec une véhémence nouvelle. Je tentais encore de pénétrer des
secrets dont l'essentiel tenait dans de l'impalpable et de
l'inexpliqué.
Peu s'essaient à comprendre, à violer. Ils préfèrent
conquérir sans la peine. C'est parfois à la jeunesse de tenter dans
sa source d'accéder au delta.
cherche encore.
Qu'ai-je réellement compris ! Peu de chose, mais je
26
Pénètre-la
Pénètre-la au plus profond de la chair. Impose-toi à
creuser. Peut-être y trouveras-tu la substance de l'esprit
subtilement cachée ?
*
Dans ta chair torturée, la réalité perverse te promet de
sublimes productions à extraire. L'imagination est au garde-àvous.
Le temps règle la cadence : éjecte, souffre, éjecte, souffre,
etc. L'ombre détestable enfonce les cent d'aiguilles dans les zones
douloureuses.
Tu n'en tires que cela de la malédiction ?
*
Pour qui souffrons-nous ? La grandeur du martyr réside
dans sa certitude de Dieu. Et après ?
*
27
Vie qui ne peux me permettre de produire, vie que le
temps mange goulûment, cependant je suis prêt à m'élancer audelà,
à rechercher la justification d'un dessein. Désigne-moi ma
part, ma suffisance d'œuvre et sa vérité.
*
Je n'ai pas vu de croix illuminer le front de ceux qui
allaient à la mort, mais un cercle de couleur de feu entourant leur
chair et les menait vers la porte inconnue.
*
L'insensibilité de la chair m'éloigne de la réalité perverse
où la femme m'appelait. Le rêve ne parvient pas à rafraîchir le
corps. Il faut qu'elle m'aime, qu'elle supplie pour imposer la
tentation de la vie. Mon avide spectacle est céleste, et je délaisse
la bassesse humaine.
*
On me fait violence pour m'interdire cette voix d'encre.
Ainsi cette main est frappée, détruite, constamment écrasée puis
28
semble renaître pour souffrir plus encore. Je suis dans la nécessité
d'écrire la vérité, je me dois de contrôler l'évidence.
29
L'homme s'exhale
L'homme s'exhale inexorablement.
L'homme dont la recherche interne est de comprendre. Il
se nourrit d'autrui, s'instruit de l'inconnu et tente par l'alchimique
effort de réduire, d'étendre, d'élever.
L'homme qui use de prémonitions, d'avenirs proches, se
plonge dans le passé, et se construit de l'intérieur.
Aux uns, l'insignifiance de la poésie. Aux autres la
sublimation du verbe.
Offrir cette création, orienter la lumière, pour qui ?
Nous tentons stupidement de plaire, mais la clé de la
métaphore est seulement accessible à l'élite.
Nous superposons des dimensions et des espaces les uns
sur les autres, nous franchissons des portes au-delà de l'audace et
pénétrons dans l'invisible. Mais qui pour nous suivre ?
30
J'ai aimé ta chair
J'ai aimé ta chair creusée par l'orage, j'ai aimé ton visage
d'eau claire et limpide. Sur le miroir de tes yeux, une imagination
se concevait. J'ai déposé l'espoir sur tes mains de colombes.
Tu resteras toujours le chiffre de mon mystère.
31
Quand tu m'imposes à chanter
Quand tu m'imposes à chanter, il semble que ma chair
doive hurler de honte ; j'observe le ciel, et des larmes trépignent
dans mes yeux.
Les crissements amers de l'injuste vie expriment en une
réelle dysharmonie le profond de ma pensée déçue, tandis que
mon adoration constante m'élève encore jusqu'à toi.
Éprouves-tu quelque plaisir à entendre cette voix ? Le
silence est plus pur que la bouche de l’oint, que la langue du
prophète.
Mon chant au plus haut exalté essaie de caresser le
délicat de ton oreille, mais désespérément je sais que je ne puis
t'atteindre.
Enivré de folie, j'oublie ce déchirement interne et je
t'appelle encore, toi qui es mon Seigneur.
32
Voilà l'instant de repos
Voilà l'instant de repos, permets que je m'assoie sur cette
pierre. Tous ces livres commencés, je les poursuivrai un peu plus
tard.
Éloigné de ta grandeur, mon esprit ne connaît ni paix ni
bien-être, et mon travail constamment imposé est une lourde
peine.
Voilà le dernier jour de l'hiver, et le soleil déjà caresse la
fenêtre de ses rayons.
N'est-ce point le moment de chercher le renouveau du
chant, et de te consacrer un hymne à la vie ?
33
Mon poème s'est défait
Mon poème s'est défait de son espoir. Je n'ai plus
d'avenir. Ma vanité va se cacher au plus profond de son silence,
dans l'inconnu d'autrui.
Du moins que cet absurde monologue humain atteigne la
haute sphère où mon Seigneur offre parfois une oreille attendrie.
34
Je m'endormis
Je m'endormis et délaissai son image avec le sommeil. Je
voulais la fuir, sachant qu'elle désirait me perturber.
Je chasserai la femme avec ses formes, je gommerai le
fantasme : parviendrai-je seulement à la faire disparaître ?
cœur.
Je jetterai ma chair avec son sexe, au plus loin de mon
Quand le jour deviendra limpide, j'atteindrai la fenêtre et
hurlerai au soleil levant.
Les oiseaux de violence condamneront mon acte, la
beauté luxueuse me cinglera le visage, la concupiscence et le désir
chercheront à me tuer.
Je me dois de foudroyer la recherche perverse de
l'homme, car je la sais trop bien. Cette pensée n'est pas comprise,
mes réflexions transpirent encore dans cette tête.
35
La mort est une aurore
La mort est une aurore comme une croix de haine.
L'esprit épanoui apprend à souffrir avec ses quelques piques et ses
nombreuses flèches. Le vent de la torture vient hurler à la porte.
La vieillesse s'achève, ma vie est une maison remplie de
paperasses et de livres anciens. Ma vie espère la délivrance avec
sa légèreté aérienne.
La voie est indiquée
La voie est indiquée, je ne la suivrai pas. Je refuse la
mer, son bleu turquoise et ses vagues blanchâtres. Je
n'emprunterai pas le chemin sur l'aile de l'oiseau, j'abandonne la
lumière aux étoiles. J'interroge ma raison : où portes-tu ton savoir
pour accéder à la connaissance de l'invisible et de ses mystères ?
36
Ainsi je dois rester
Ainsi je dois rester dans la maison ; le bureau est un
foyer de recherches où se déclenchent de pures harmonies, où
s'opposent la vérité et le mensonge. Je me fraye un chemin dans
ce circuit intense. Je marche dans cette chair, je parcours les
méandres de mon cœur. Je me plais à découvrir, à concevoir.
La pièce est claire, le chauffage est doux.
Je m'attache à cette table et j'obéis à cette force invisible
qui me dicte et m'indique où ne pas aller.
37
Je pris ta divine lampe
Je pris ta divine lampe et enfermé en moi-même, je
pensai : "Heureux, fils, heureux, je connais la voie."
éclatante de
Le ciel était plus pur quand je partis empruntant la route
lumière, je parlais en ma chair et disais : "Inspire-moi, ô
sublime puissance, mon feu intérieur s'éteint et va mourir".
38
Ils ignoraient le chemin
Ils ignoraient le chemin et prétendaient me diriger pour
le savant apprentissage, mais moi je possédais en prescience la
clé. Elle mène au fin fond de soi-même.
Je détenais suffisamment d'instinct pour te trouver dès
l'origine. Je comprenais sans le hasard.
Les espèces de poètes me rejetèrent comme un chien et
me crachèrent au visage comme un vagabond que l'on déteste.
J'étais hideux, je provoquais le dégoût. J'avais refusé de les
comprendre.
Rempli de certitude, je cherchai là, à l'intérieur quand tu
m'es apparu, trop pur peut-être. Et chaque jour, je te contemple
dans ma destinée.
39
L'insignifiance de l'acte
Lorsque je considérais l'insignifiance de mon acte, je me
sentais ridicule et méprisable comme un ver qui gigote au bout de
la ligne divine.
40
Le riche qui sommeille
Le riche qui sommeille en moi remplit ses mains
opulentes, et murmure le goût de l'avarice.
Ses désirs sont entendus dans l'idéal de lumière
accroupie ou rampante, dans le néant personnifié, rempli d'avenir
incertain.
Le goût de l'injustice se développe sur une mer de
désespoir ; un aigle de torture plane au-dessus de cette étendue
fangeuse.
Quand la nuit atteint le zénith pour le repu de l'Occident,
le riche s'éveille enfin et supplie : "Maudit je suis, parce que le
jour étincelant m'a encombré de ses nourritures, mon coffre est
plein !"
Il hurle encore : "Ô néant, ô lourdes ténèbres, vous êtes
ma conscience, détestables et ignobles moi qui vous connais trop
bien."
41
Tu m'as placé
Tu m'as placé dans l'âme de la victoire,
Pourtant je ne voulais ni me battre ni gagner.
Me comporterai-je comme un vainqueur quitte à
véritablement le devenir ? Pourtant je me plaisais dans mon
silence d'homme de la défaite.
Je construirai, je produirai, j'avancerai encore, et quand
j'aurai atteint mon idéal de rêve, quand j'aurai délaissé mes
nombreux désespoirs, je pourrai mourir enfin, dépouillé de toute
réussite.
42
Ô lumière
infamant !
Ô lumière, lumière luxuriante, détruis ce don stupide et
Certains se sont plus dans les feux épars à jouir de ce
déversement de fluide clair ; permets-moi de regagner l'ombre
silencieuse et studieuse.
Ô lumière, éloigne-moi de cette certitude inconnue de
l'homme ; emporte-moi sur les ailes du néant. Oui, que je plonge à
nouveau dans le magnifique rationnel.
Nul esprit sensé qui s'interroge ne se plaît à vivre dans ce
palais de cristal, dans ces murs d'images où l'impossible côtoie
l'absurde.
Plus d'une raison, alertée par ce message de conscience
m'arrache le coeur, me tire vers l'obscurité jusqu'en ses structures
profondes, jusqu'en ses bases enfouies.
Le savoir attentif a daigné poser son regard sur la chair
de mon poème. Il m'appelle faux trésor, perte certaine.
43
Que je devienne une conscience, ô lumière, la conscience
de leurs fluides clairs.
44
Ton parler est complexe
Ton parler est complexe, ô l'enfant, celui de tes disciples
sera plus accessible.
Mon ignorance est totale, je ne comprends pas l'origine
des étoiles, ni les gemmes de ta nature.
Ma conscience cherche à savoir. Elle est l'abeille qui
butine la fleur, insignifiance et légèreté. Ma raison creuse à
l'ombre des invisibles et des non-sens.
Tes paroles seront comme des certitudes d'un au-delà
vainqueur. Je me nourrirai de ta substance sublime, attendant la
mort bienheureuse.
45
Ordonne
Ordonne, et je produirai tous les poèmes pour nourrir de
substances légères les fleurs de ton jardin. Il y a les belles
épanouies et odorantes, les jeunes boutons à éclore, je les vois
bien.
Les jours s'encombrent d'une mémoire lourde de savoir,
les jours repus de ta splendeur éternelle ! J'aperçois les bergers
poètes qui échangent leur chant, envieux et jaloux, se tiraillant
encore. Laissons-les à leurs exploits de flûte champêtre...
Ordonne, et dans le silence de ma tombe solennelle je
concevrai encore. Une brise bercée de voix féminines caresse les
cyprès et les oliviers là-bas.
Le jardin répand ses effluves de fleurs et délicatement
vient enivrer l'âme de l'inspiré.
46
La conscience
Quand je considérais toute cette substance produite, au
centre de cette quantité, je me sentais ridicule et insignifiant, vidé
de toute capacité intellectuelle.
Je voulais à nouveau me nourrir de ma propre poétique.
Je recherchais peut-être une jeunesse éternelle, une sorte de
phénix de l'esprit - enfin je prétendais me comprendre.
À présent, je ne suis plus en moi-même ? Je suis un
évadé. Je parcours des espaces vierges sans pouvoir retenir le
temps.
47
Que puis-je espérer
Que puis-je espérer de ce bas monde ? Nulle récompense
ne m'est promise. Seule ta lumière me nourrit de ses rayons
superbes.
Que m'importe autrui ! Qui est mon guide ? Je délaisse le
frère, la femme et l'enfant. Ne suis-je pas digne de toi ?
Je poursuis cette voie que tu m'as indiquée, en espérant
que la mort m'arrache à la réalité terrestre. J'ai la certitude que la
quantité de biens à venir comblera ma toute puissante avidité
d'amour.
48
C'est toi que je déteste
C'est toi que je déteste ! C'est toi ! Et je veux te fuir. Je
ressens tant de haines. La violence et le sentiment d'horreur me
pénètrent jusqu'au profond de la chair.
Le jour explose et royalement excite dans son soleil ma
parole excédée : "Je te tuerai, cruellement avec vice et subtilité".
La folie a épousé la paix, et la force est témoin que ma
vengeance sera sublime, bondissante et ignoble, elle s'écrie :
"C'est toi que je déteste ! C'est toi que je déteste !"
Quand
de jouissance,
Quand la chair est tendre, repose sur moi dans un excès
Quand la mort se nourrit de bien-être, endors-toi dans un
murmure de saveurs.
49
En moi
En moi cette capacité qui ne connaît point de mesure ; et
semblable à la folie avide qui produit, j'insiste encore.
Me faut-il espérer la beauté stérile de la Muse asexuée
qui remplit d'aucun breuvage le vase absent ?
Non ! Enivre-moi encore ! Enivre-moi toujours !
Jusqu'au plus profond de l'être, et de là jaillira encore une
substance de rêve imprégnée de parfums et de fruits.
cruel ?
Il surgira peut-être un monstre de douleur, vicieux et
vie.
Enivre-moi encore, jusqu'au souffle final de ma funèbre
50
Toujours tu es soumis
Toujours tu es soumis à obéir au chant. Les fluides légers
caressent ta substance de rêve, je ne sais comment leur interdire
de te toucher.
Ce qui se conçoit en toi est un ordre trop puissant.
Quelle terrible douleur que cette union avec la flûte !
J'attends d'atteindre l'autre rivage où je serais dispensé de
m'essayer à la mélodie.
51
Liberté
Elle n'est pas venue. Elle aurait pu signifier l'espoir d'un
avenir, d'une aile blanche dans le crépuscule de la souffrance.
Elle fut torturée dans la chair du poète, agonisant et
hoquetant ses derniers râles pour un secours à jamais interdit.
Sa sainte beauté implorait du bourreau quelques
douceurs, mais la folie bestiale faisait souffrir plus fortement
encore.
Elle n'est pas venue, cygne ensanglanté col sur sa
blessure, absence de guide pour le poète incompris.
52
Cette nuit
Cette nuit, je l'ai voulue longue pour que ma maîtresse
vienne me nourrir de ses substances exquises.
J'ai rêvé de son profil furtif et impalpable à mes côtés,
d'une pureté angélique, superbe inspiratrice.
Le jour soudainement à point. J'embrassais confusément
les roses bleues de ce bouquet de femme.
Je suis aimé des morts, des dieux, je suis comblé dans ma
pauvreté produite. Chevauchez-moi, beauté incendiaire, à
l'haleine blonde comme un parfum ! Je ne chante pas le poème. Je
résous un exercice quand bien même je gémirai dans l'or rouge de
ta poitrine. As-tu compris ?
53
Es-tu ma chair ?
Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder au délire
de l'instant ? L'hypnose de mon désir convoite des formes lourdes.
Le temps pénètre dans ta substance superbe.
Es-tu ma chair ? La brise de la folie caresse l'étendue de
ton corps. Elle favorise la naissance de l'orgasme. La chair est
faite pour éterniser le présent et retenir sa fuite.
Cupidon s'élève et nous laisse épuisés sur le lit, ombres
éveillées, nourriture de nos lèvres. La nuit s'éloigne vers la
splendide aurore, là-bas.
Ma chair offerte pour retenir un instant immortel.
54
La nouvelle poésie
La nouvelle poésie se cherche sur les débris sanglants de
trois mille ans d'écriture. Qui inspire qui ? Qui inspire quoi ? Sur
le cercle de la terre se développent des tentatives nouvelles. Le
brassage sera mondial au-delà des cultures, des races et des degrés
de civilisation. Que chante la bouche qui prie, hurle ou aime !
Cette voix
Cette voix qui nous portait était bâton qui danse, légèreté
de femme, message et chemin. Pure et tourbillonnant dans ses
voilures claires, ses paroles charmeuses nous caressaient, nous
invitaient à passer les minces ruisseaux de déception et d'espoirs,
un pied sur les cailloux coupant, un oeil sur l'immensité des
cimes.
55
Devant mes impossibles obtentions
Devant mes impossibles obtentions de résultats poétiques
satisfaisants, prouvées par l'expérience, je vous supplie encore,
Forces sublimes et divines, immensités de puissance et de savoir,
et je m'interroge : "Comment puis-je mieux, au-delà du vice et de
la souffrance ?"
La galaxie explose ses cent milliards d'étoiles. Milliers
de soleils et nuits immenses parcourent et remplissent l'espace.
L'intelligence de l'homme est un infime résidu d'imbécillité. Ma
connaissance n'engendre que des larmes, et je tends vers la mort,
certitude d'avenir.
56
Ta production
Ta production n'a pas d'avenir, mais elle a un passé.
Celui d'avoir été en prescience de vérité. Mais demain est
incertain.
t'abaisse.
Il y a fatalité et retour au néant. Vois qui t'élève. Vois qui
Cette certitude d'impossibilité à te faire connaître n'est
pas une malédiction. Elle est la résultante d'une indifférence
totale. Tu es sans être.
Ton crédit chez les hommes est vain. Tu es lu par les
morts, par les immortels, par les dieux, et par toi-même. Cela
n'est-il pas suffisant ?
Quelle œuvre espères-tu ? Quelle place dans la hiérarchie
poétique ? Je prends la place zéro, je suis inconnu de tous, mais je
suis devant le un.
Voilà donc ton esprit !
57
Mystique
Tu m'avais soufflé par ta bouche me chassant de ton
sanctuaire comme un Étranger. J'étais devant toi, je n'étais plus un
homme, j'étais une forme d'esprit. J'étais nu de bagages,
n'emportant que la mémoire de mon existence.
Je suis redescendu. Me voilà chez les hommes dans
l'obligation d'accomplir l'œuvre.
La malédiction s'est abattue sur ma chair, elle a pris
possession de mon cerveau. Je suis le saint admiré et détesté,
celui que l'on caresse, celui que l'on domine. Je suis glorifié dans
la torture.
Les chemins de ma souffrance mènent vers le Fils.
Mon immense besoin est dans la quête du savoir, j'espère
par les cieux me gonfler d'apprentissage. Il faut se préparer à bien
mourir, c'est la seule certitude, et se plonger peut-être dans
l'immense néant.
Rempli d'espoir et d'anxiété, je courus vers l'instruction,
58
mais la possibilité de sagesse est nulle. Je rêve de m'en retourner
vers ton superbe accueil.
L’oint cherche le Père. J'ai pu contempler ta lumière.
59
Sois prête à concevoir
Sois prête à concevoir, ô ma cervelle, et prévois de
superbes inspirations. Laisse là-bas, au plus loin de toi ceux qui
cherchent à te retarder.
produis.
Tu as entendu l'appel dans l'éclair de la nuit, va, agis et
Le germe du Père est bouton qui fleurit, champ de roses
puis moissons éclatantes qui glorifient la lumière bienfaitrice.
Élève-toi ma chair, arrache-toi !
60
Elle m'enchaîne à la mort
Elle m'enchaîne à la mort cette entrave invisible. Elle
agresse ma chair, m'étrangle si j'essaie de m'en éloigner. Elle
persécute mon souffle, détruit mon chant.
Que ne puis-je l'arracher et la balancer au ciel cette
écharpe de douleurs, de stupidités du mal, de cruautés débiles !
Emporte-la, libère-moi, car j'ai honte de me présenter à
toi avec cette mémoire de bêtises. C'est le mariage du précieux et
de la pourriture, de l'élévation et du chienlit. Oui, libère-moi.
61
Lorsque je m'interroge
Lorsque je m'interroge sur ma production obtenue, je me
considère pareil au vers à soie, à la fois beau et fragile, utile pour
les rois et stupide pour le peuple.
Je me dois d'inventer une nouvelle texture avec pour
nom de code New York, London, c'est-à-dire Nylon. Je me crois
rempli d'esprit avec ce genre d'humour. La vérité est toutefois à
l'invention.
62
Femme
Femme qui poses ta bouche sur les lèvres du poète.
Je reconnais mon impuissance
Je reconnais mon impuissance. Je désire aller au-delà de
ma capacité, mais ma pauvre cervelle ne me propose que ces
fruits détestables. Je m'en nourris stupidement, conscient et aigri
de ma propre misère.
J'espère toujours par x, par y, par autrui trouver les
moyens d'extraire plus, de soutirer mieux. Mais que puis-je ?
63
Astres aux pensers lumineux
Astres aux pensers lumineux, clairs soleils flamboyants,
rutilants,
Astres d'étoiles baignées d'or,
Ceci est le fluide reliant l'éther à l'irréel, le poète
d'homme chargé d'ondes dans un néant cosmique.
Élévations inconnues
Nous parfumons la rose noire
Cueillie dans l'idéal de rêve
Et sillonnons des champs de fleurs évanouies,
Ailes voltigeant sur l'immense embrasement céleste.
64
Qu'est-ce qui nous élèverait ?
Qu'est-ce qui nous élèverait ? Quelle essence divine nous
implore d'exister ? Le poète est infiniment rien s'il ne revêt
l'identité d’oint. Le temps est un vulgaire paramètre utile aux
hommes. Qu'est-ce que le temps en prescience ? Ici-bas, nous
accomplissons des desseins ridicules pour rechercher la gloire
humaine. Seul et seulement importe le témoignage du Pur Esprit.
Le reste est misère.
À la verte lumière, le savoir est dans la certitude de Dieu.
Puis nous plongeons dans les ténèbres pour resurgir flamboyant
de pureté, poète et christ à la fois. Il y a travail de sainteté, de
souffrance, d'injustice. La torture nous purifie, nous nettoie de nos
résidus de péchés. Puis nous portons l'habit blanc.
65
J'ai vécu dedans
J'ai vécu dedans, imposant, éclaté comme un monstrueux
puzzle. Jamais l'heure n'est venue pour m'indiquer le départ. Je
restais dans les livres avec la mort.
La parole n'est pas dépourvue de sens. Le sens échappe à
la conscience et à sa raison. Mais elle sera comprise, plus tard.
Temps
Temps, toujours à mes côtés, je t'ai intégré à mon
principe d'existence comme une dimension. Jamais tu ne m'as
trahi. Tu es celui qui vit en secret auprès de moi.
66
Ceci est une certitude
Ceci est une certitude, je suis un instrument de tortures
imposé par la perfidie de l'au-delà entre l'horreur et la lumière,
entre l'obscurantisme moyenâgeux et l'idéal messianique. Le
terme final de l'épreuve sera ma mort.
Un jour, béni entre tous, la parole constamment
prononcée sera enfin entendue, et l'innocent libéré.
Poèmes ruinés, œuvre détruite. Où trouver la force pour
reconstruire ? Comment punir les bourreaux du saint ?
67
L'effrayante question
L'effrayante question sans cesse renouvelée : comment
être sans être ? Comment se déterminer avec un moi dévalorisé,
détruit, amoindri, ridiculisé par le mal ? Comment se prévaloir
d'être avec si peu ?
Et qui pourrait comprendre ce que je dis ?
Si du moins l'Esprit supérieur me concédait quelques
aides... Avec quelles substances divines pourrais-je concevoir ?
68
Verbes
Verbes de légèretés admises, concédez-moi quelques
suffrages incertains. J'ai l'impression de mourir avec roses subtiles
et jasmins.
Ne me croyez surtout pas le meilleur, je dois progresser
encore et accéder à l'âme supérieure. En suis-je capable ?
Parler et extraire ce qui doit être tiré parmi ces grands
invisibles de l'esprit.
Ma demeure est interdite. Elle gît profondément dans
l'inconnu de l'inconscient. Qui viendra me soulager de mes
douleurs ?
Cette pureté inguérissable, évanouie dans les nuages
flous, oui, descendra-t-elle se soigner chez nous hommes poètes
ou régnera-t-elle là-haut dans l'interdit ?
Faire le feu, et qu'éblouisse en explosion de couleurs
l'orgasme poétique.
69
N'as-tu donc pas compris ?
vient à jamais.
N'as-tu donc pas compris ? Tout jaillit de l'esprit. Il vient,
Quand sur moi est sa joie, l'intelligence croît.
Qu'est-ce qui nous suffirait ?
Qu'est-ce qui nous suffirait ? Que pourrions-nous désirer
? Quelque gloire future ? Quelque superbe éloge funèbre ? Le
temps est dans l'homme poète, le temps modifie son dessein
initial.
Le chemin menait où nous le divisions. Les brouillards
sont montés. L'œuvre est éclatante. Qui la comprendrait ? Le
poète ? Il s'ignore soi-même le plus souvent. Le critique ? Aura-til
le courage de lire ?
70
Malgré votre grandeur
Malgré votre grandeur, vous êtes descendus et vous
m'avez permis de vous contempler.
Je produisais cerné par le Mal, l'œuvre criait l'horreur de
l'injustice. Vous êtes descendus puis être remontés bien vite.
Grand nombre s'essaye encore au chant chez vous.
Certains sont des virtuoses, mais vous avez préféré honorer un
incapable.
71
La nuit s'écoulait
La nuit s'écoulait et j'implorais encore, les poings tendus,
quémandant toujours.
Tu refusais d'entendre mes paroles. Tour à tour mes
prières étaient mesurées et nourries d'abondance.
Veuille entendre la supplique d'un persécuté, daigne
libérer le torturé de ce joug terrifiant.
Brise la violence des violents. Ceci est le cri de mon
coeur. Enrichis cette main vide de mendiant, embrase la lampe du
guetteur poétique.
Encombre-moi de tes richesses dans cette immensité
désertique où je connaîtrais la place première du solitaire.
72
Tu m'as placé
l'humiliation.
Tu m'as placé parmi les vainqueurs.
Pourtant je ne voulais ni me battre, ni soumettre autrui à
sphérique,
Je m'élèverai dans l'éther jusqu'à atteindre la voûte
Je m'imposerai les armes de la victoire.
Je soumettrai tout ce qui vit, et quand j'aurai infligé des
échecs terrifiants aux perdants, alors je t'offrirai les reliefs et les
opimes de mes soumis.
Alors tu me retireras tout ce que je suis. Mon
dépouillement sera total.
73
Je m'élève
Je m'élève vers les hauteurs de la forme supérieure sans
nul espoir d'y atteindre une perle de perfection.
Je plonge dans le néant de moi-même, conscient de mon
impuissance d'accéder à quelque chose de purifié.
La compétence d'autrui est détestable. Je ne suis que
déchets et résidus de poèmes. Je me puis espérer que la mort qui
saura me délivrer de cette incapacité honteuse.
O suprême savoir, accorde-moi le droit de n'être plus.
Que mon sanglot arraché à ma certitude vienne vibrer contre ta
face extrême ! Et je pourrais m'endormir à jamais !
74
Il n'y a pas d'attente
Il n'y a pas d'attente. Je ne te cherche pas. Pas l'ombre de
ton ombre dans ma triste demeure. Ma maison est spacieuse, j'y
évolue avec facilité.
Toi, ton Saint Sanctuaire est purifié. Sans vraiment te
chercher, je me suis présenté à Toi.
J'émets une pensée sous le dôme céleste éclatant de
rouge et d'or consumé. Je me replie en moi-même, mon désir est
interne.
Je m'assoie sur le bord de ma raison, je regarde d'en haut
et il me semble que je vais tomber. Nul espoir de bonheur, nulle
image de femme douce.
Plonge mon esprit dans l'océan du savoir, instruis-le dans
la marée de la plénitude, oui que je sois en osmose avec l'éternel
jaillissement de l'univers.
75
Aurons-nous à bénir
Aurons-nous à bénir notre nouvel orgasme,
Ce bel espoir de chair de vie recommencée ?
Aurons-nous, parce que le désir exalté,
Imprimé dans nos corps, l'impose constamment ?
Cette force puissante nous porte vers la vie.
Notre mécanique amoureuse nous soumet à jouir
Aux banquets, aux bains. Nous transmettons l'espoir.
Encore nous voulons. Nous refusons d'être des
Solitaires, nous dépendons les uns des autres avec
Des sentiments d'extase.
Au plus haut, toujours droits,
Pénétrant des chairs rondes et ovales, énormes,
Nous sommes vicieux et perdons nos forces.
Aurons-nous encore à sublimer nos meilleurs fantasmes ?
76
Cent chairs de femmes
Cent chairs de femmes resplendissant ici
Éblouissant de fleurs parfumées et de musc
Se répandent sublimes dans l'âme ébahie
Superbes et irréelles par profusion d'images
Alanguies sur sofas et sur litières de roses
En cascades de corps de blondeurs amoncelées
Que je sais interdite d'extases, évanouies
À la lune halée d'images et de phosphores
Et moi de vertiges pris maîtrisant mes délires
Étonnante folie de fantasmes interdits
Pour l'adoration de peaux et de substances
Dans l'esprit inventif du poète amoureux
77
Toi, oui
Toi, oui, jamais plus, toi que j'ai délaissé
Toi dont le nom n'est plus lié à mon orgasme
Je ne puis t'invoquer, je te sais disparue
Impossible compagne dans l'éther interdit
Élevée dans la nuit, ta chair veut, elle hésite
Et sa beauté soudain est un rêve de pierre
Sublimée et sensuelle. D'en bas, je t'observe
De dessous, cible parfaite et saignement de femme.
L'espoir de mourir est oublié dans la lumière
Elle se nourrit d'air pur retenu trop longtemps
78
Janvier de frimas
Janvier de frimas, entends sous le glacier l'espoir du
premier vent cherchant à renaître.
Un vœu s'était égaré et sillonnait la campagne blanche,
fuyant l'absence de la saison macabre.
Saison de sommeil, de femme sans chair, préparez-vous.
Quel atroce vinaigre
Quel atroce vinaigre veux-tu me faire boire, ô divin, dans
cette écuelle de bois ?
cet espace ?
Est-ce là ton plaisir d'observer l'horreur s'accomplir dans
79
Sur la transparence des lacs
Sur la transparence des lacs
Tu vois sortir le soleil
Douce exaltation
D'un cercle rougeoyant
Tu te dresses vers la lune aérienne
Pour échapper au monde qui t'entoure.
Nulle beauté ne chevauche de nuage.
Rien autour de toi. Le glissement du temps
Fuit avec douceur.
Quelle présence insipide
S'éveillerait là, battement étrange à tes côtés ?
Tu perfores ton rêve. Tu observes ce soleil
De braises s'élever superbe.
Mais toi tu voudrais pénétrer ces lacs,
T'engouffrer au plus profond.
Embrasse les mélodies diverses
De cette claire matinée. Les monts
Alentour te répondent sans échos.
80
Tu circules maintenant, écrasant
Cette terre imprégnée de son rêve.
Le lac calme et lipide mêle sa
Salive à un courant marin.
Nulle femme ne te poursuit. Personne
Derrière ta première ombre. Ombre, ou
Lait de feu écrasé ?
Oui, tu es dans la forte solitude,
Tu ne penses qu'à toi,
Tu es redevenu ego.
Nul futur en ta chair, point de fils
Retourne à la terre, ignoré de tous
Adieu, va et meurs.
81
Présence spectrale
Présence spectrale
De l'inconnu
Souffles invisibles, incessants
Qui entend quoi ?
Que sont-ce ? ...
Mort céleste. Mort
D'esprits interdits,
De formes épaisses,
Fluidité des masses,
Prescience de l'âme,
Je crois savoir, non ! Je sais,
C'était il y a quinze secondes...
Tous contre moi, contre la chair mienne
Douce et purifiée.
Fantômes de l'au-delà
Vivants, à peser, à quantifier
En équation de certitude.
L'énigme est bien dans ce bureau.
82
Un autre espoir
Un autre espoir.
Fixez-moi la certitude,
Offrez-moi la clé.
L'œil interne scrute
Dans la luminosité de son rêve.
Donnez-moi le savoir,
Les délices de l'intelligence,
Alors que ma réalité
Est de m'enfuir dans le Néant.
Un nouvel avenir.
Vendez-moi la fortune,
La connaissance élevée.
Éloignez-moi de la honte,
De la médiocrité, de la bêtise
Afin que j'accède à l'Esprit
À la substance infinie.
Je plongerai dans le silence
Pour aimer le commencement
Et me nourrir de son mouvement.
83
Une autre compréhension
Dans la nourriture du Saint
Pour la splendeur de l'Alpha
Et la beauté de l'Oméga.
Moi et les Dieux
Et rien d'autre.
J'irai au-delà du seuil,
J'atteindrai le réel
Au-delà du permis
Dans l'éther sublime, oui.
Moi.
84
Dante, l'enfer, Chant I
Sur le milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure,
car la droite voie était perdue.
Ah ! Dire ce qu'elle était est chose dure
cette forêt sauvage et âpre et forte
qui ranime dans la pensée la peur !
Elle est si amère que la mort, l'est à peine plus ;
mais pour parler du bien que j'y trouvai,
je dirai des autres choses que j'y ai vues.
85
Le poète, médiocre copiste
Le poète, médiocre copiste
Produit par autrui, par le livre autre.
Il n'y a pas de plaintes,
Il n'y a pas de souffrance.
Il élève une douleur inconnue.
Faut-il lui accorder les sentiments de ses lignes ?
Quelle poésie ? N'est-ce pas dédoublement
De langage, de chant, de jeu de mots ?
N'est-ce pas transplantation de syllabes
Et pépinières d'images, emploi de la couleur,
Du symbolisme et de musique ?
Ô magicien de la phrase, phrase encore comme femme
Ou fugue lointaine, explique-nous encore.
Oui, essayer des syllabes sonores,
Et les mêler, les malaxer pour qu'elles explosent
Qu'elles s'associent et se repoussent.
86
Toi, encore une fois
Toi, encore une fois, pourrais-je t'invoquer ?
Dans l'idéal de chair, je quémande ton nom.
Je te sais disparue, ô sublime compagne.
Le soir est déchiré et je supplie ton corps.
Danseuse en chevelure, tourbillonnant toujours
Comme masse légère de jeune nudité
A soudain voltigé dans mon âme en détresse
Avec des touches roses d'habits à retirer.
La nuit est toute proche. Envahie par les ombres
Nue sur son beau printemps, éclose dans son sang
Elle bondit hélas et se métamorphose,
Surgit et disparaît sous la claire ténèbre
Toute resplendissante de feux intermittents
Puis s'enfuit à jamais pour un vrai désespoir.
87
Lors s'élèvera le chant
Lors s'élèvera le chant de l'arbre
Entendu en une pure élévation,
Et le silence régna
À la recherche d'un beau commencement,
D'une pensée future pourvue de palmes,
De légèretés aériennes et d'idéale de roses.
Dans la forêt limpide de tout bruit,
S'éleva le chant comme de subtiles notes
Aiguës et fines, comme souffle byzantin,
Comme cristal de Venise
Qu'imposait aux hôtes le silence,
L'épais silence du respect.
Alors sublime Orphée, tu fis naître
Le son qui caresse l'oreille des dieux
Et l'obscur devint lumière
La nuit, soleil de blondeur
Et les dieux te construisirent un Temple.
88
Moi superbe et divin
Moi superbe et divin, à la bouche chantante !
Tourbillonnez essaim de Bacchantes aimées,
Et j'élève le cri, je domine l'espace,
Et j'offre le poème sublime et l'admire.
De beauté confondue, oui, j'ai l'art de séduire !
Venez toutes à moi, élancez-vous encore.
Enivrées de folie, de rondes et d'espoir,
Je saurai vous toucher par le bois de la lyre.
Or prises de vengeance, la violence abonde.
Effondré sous leur chair, j'agonise et supplie
Et cherche à respirer, mais déjà je me meurs...
Ô terribles femelles à la haine maudite,
Acharnez-vous encore, voilà, je ne suis plus !
La nature m'a trahi, j'étouffe sous la masse.
89
Jaune, jaune, jaune
J'étais dans cette pièce, stupide, tournant avec obsession,
cherchant et cherchant encore, cherchant le moyen d'ajouter, de
produire plus, de produire mieux. Je voulais gagner mon combat
contre la productivité sud asiatique, j'avais la certitude qu'étant
Européen - donc pourvu d'intelligence et nourri d'une civilisation
prestigieuse - je pouvais obtenir un résultat similaire à celui d'un
jaune. Je prétendais qu'il m'était possible en usant de raison, de
découvertes et d'inventions de parvenir à un bien de
consommation de haute qualité, de High Tech. Je trouvais ridicule
voire aberrant d'être dans l'obligation d'acheter sa calculatrice
Texas Instruments, d'écouter une FM Samsung, de posséder un
décodeur Made in China. Non, cela était inadmissible. Mais
comment faire ? Comment s'y prendre pour concevoir des
produits industriels à coût salarial insignifiant, ou mieux encore
leur vendre des biens de meilleure qualité à un prix défiant toute
concurrence ? Je cherchais, et pourtant je ne trouvais pas.
90
Ne me détruis pas
Ne me détruis pas
Aide-moi à être
Permets-moi de me réaliser
d'assumer un semblant d'œuvre
de produire une infinie parcelle de toi.
Donne-moi le droit d'obtenir
ce qu'il me faut
ce qu'il m'est nécessaire pour être.
Veuille me construire avec ta patience
avec ton souffle
avec ta gratuité
avec ta divinité.
Apparais-moi encore, apparaissez-moi
Lumière de lumière, lumière.
Descend parle, tourne-toi, repars, éloigne-toi, va.
91
Dans le cri de l'espoir
Dans le cri de l'espoir, derrière cette forêt d'yeux
étincelants, tu m'appelles et me supplies de te libérer. Tu regardes
vers la porte du ciel, la porte illuminée et splendide.
Tu es toujours aussi belle dans ta robe bleu émeraude où
scintillent des milliers d'éclats lumineux. Tu es debout sur le
nuage mousseux qui te sert de couche. Tes mains semblent
translucides, presque pures mais elles saignent abondamment.
Que crains-tu ? Pourquoi pleures-tu ? Viens, viens. Élève
toi. Rejoins-moi. Je te tire, je t'appelle. Oui, là-haut, je suis.
Fils.
Tu ne reconnais donc pas ma voix ? Monte, je suis le
92
Écrasé sur mon lit
Écrasé sur mon lit, j'appelle le lourd sommeil, le
sommeil de la tonne. Je renverse ma tête en arrière et j'essaie de
rejeter toutes les images filantes qui circulent, se cognent, se
projettent sur les parois de mon crâne. "L'imaginaire produit
encore, pensais-je. Veuille le convaincre d'en cesser là, de
t'endormir sans association aucune, sans effets de fusion, ou de
condensations." Mais cette diabolique cervelle n'en fait qu'à sa
raison, et carambole, et tamponne encore.
Alors j'appelle le fossoyeur de la nuit et lui demande de
jeter de grandes pelletées de charbon noir là devant mes yeux
pour n'y voir que du néant, relaxant, décontractant, enivrant, et
enfin endormant.
93
Le mal
Je suis venu ici pour te torturer, pour te faire
abominablement souffrir dans cette chambre qui est tienne.
Je suis le vice et la cruauté du monde, et Dieu m'a remis
le pouvoir de détruire. J'ai la puissance de Satan. Mon père est le
Diable et j'aime faire le mal.
À toute heure, à tout instant, je pénètre dans la chair,
j'enfonce des aiguilles dans le corps. Je suis de la pourriture, je
suis une ordure, je suis du vomi de chien. Tel est le pouvoir que
Dieu m'offre.
94
Solitaire
Tu ne m'as pas donné ma femme - personne ne gît à mes
côtés, tu ne m'as pas fait respirer le calice de la femme.
Moi, je retournerai à Dieu, fiancé éternel débordant
d'avenir, je m'en irai Christ inconnu de chair et de beauté.
En toi est la clarté
En toi est la clarté qui jaillit de l'ombre, en toi est l'espoir
de libérer l'homme.
Qu'ils viennent se nourrir dans ta maison ! Offre-leur ce
que tu possèdes ! Tu es là pour eux. Souviens-t'en. Qu'ils croquent
le grain de sève et de vie !
Ton sang coule dans le gouffre de la mort. Tout ce que tu
possèdes te semble perdu. Fais preuve de générosité et de dons
seigneuriaux. Donne, donne encore.
À toi te reviendra une partie du ciel. Donne aux hommes
puisque Dieu t'a donné !
95
Qui est-il cet homme ?
ma chair ?
Qui est-il cet homme sublime ? Et inconnu qui pénètre
Je l'ai aimé mais je n'ai pu le posséder.
Puis je l'ai méprisé, délaissé... J'ai parfois consacré
quelques heures à glorifier sa pseudo grandeur ... Oui, j'ai tenté de
chanter son immortalité.
"Je ne veux pas de toi.", criait-il à la femme sans idéale
beauté, sans capacité à émouvoir, à fasciner. Elle bondissait de lit
en lit, défaisant ses habits pour se rendre désirable, elle espérait
vainement crédibiliser quelques endroits de chair.
Il lui banda les yeux, l'attacha, la fouetta pour la faire
jouir dans la douleur. Elle insista encore, et se soumit dans un
superbe désespoir.
chair ?
Qui est-il cet homme sublime et inconnu qui pénètre ma
96
Cent sources
Cent sources de femmes gémissent ici.
Voilà ce que j'ai pu aimer,
Voilà ce que j'ai pu boire ?
Est-ce dérisoire ?
Ce n'était que cela ?
J'espère plus forte jouissance encore.
97
Oui, jeune fille encore
Oui, jeune fille encore et de surgir d'un bond
Pour ce plaisir de chair uni au chant du cygne
En voiles de printemps, ainsi de resplendir
Si pure, aérienne dans mon lit de sommeil,
De se répandre en moi, toutes confusions.
Est-ce masse de rêve que ce plaisir d'aimer ?
Ce lointain impalpable caressé de blondeur
Par mystère enveloppe et pénètre mon corps.
Elle semble planer au-dessus de la vasque
Par la forme du lit, et sa présence est sûre.
Suis-je éveillé alors ? Car vois, je ne dors point.
Mais serait-ce fantasme fourni par le désir ?
Ton soupir me dévore et je sens ton effluve
Voltiger près de moi... Oui, jeune fille encore.
98
La pensée intérieure
La pensée intérieure s'ouvre et telle une corolle et un
bouquet d'idées remplis de vertiges et d'images resplendit tout à
coup sous ce vaste dôme :
Pyramides bleues, cyclones d'espoir, fluides lumineux
qui jaillissent comme des boules multicolores,
Tournesol voltigeant, œil d'extase enivré de folies très
légères,
Puissances de sonorités, chambres de notes, monologues
aigus et incompris,
Souffles, raisons exquises enrubannées de douceurs
adorables,
Tourbillons, vapeurs rousses qui s'élèvent dans la nuit de
jade,
Envolées de lumières, ailes claires tachetées de blanc,
Je m'endormis, j'inventais mon sommeil, je contemplais
la nuit se draper de signes lumineux :
Femmes vivantes, bracelets de chair et de flammes, îles
ardentes qui respirent les parfums aériens,
Sources élégantes, chevelures floues et vaporeuses, bras
99
de mouvances là-bas dans l'interdit, derrière la porte de sang.
Pourtant j'attendais stupidement qu'une présence
féminine s'en vint.
Rien que le silence énorme éclatant sous un soleil
invisible d'ombre, de néant.
Il n’y avait nul espoir de changement. Qui pouvait venir ?
J'entendis une rumeur de pieds bruyants circuler dans les ruelles de
l'esprit.
Parle-moi, ô fille. Est-ce toi ? Fille de l'agonie ? Tu n'as
pas de voix ?
Il y a du sang, il y a des pieds déchiquetés, souffrants sur
les ronces, des habits déchirés,
Il y a ta chevelure d'or.
N'y a-t-il pas de bouleversantes femmes qui
tourbillonnent sur l'herbe sacrée, dans l'essaim vert et les feuilles
d'or ?
Je crois entendre des cris là-bas de femmes claires qui
circulent vers l'aube chantante.
Non, il n'y a pas de mort, il y a la vie au bord de cette
100
source aveuglée pourtant.
La beauté est difficile à voir. Je la cherche près de la
source, loin des ruelles. Elle brillera peut-être dans la nuit
immortelle.
Me voilà à présent assis sous l'arbre de tourmaline,
quémandant quelques explications, tandis que de superbes vierges
s'offrent voilées de mousseline.
Mais quelle importance ? Pour quelle utilité ? En moimême
se construit cette géométrie interdite de poète, cette volonté
mathématique de chiffres et d'invisibles structures. Hélas, Hélas !
Ce n'est qu'un mirage.
Voici la nuit saignante avec ses tessons de vers, ses corps
de poignards dans la rose écartelée, voici la nuit avec cette fille de
fleur qui hurle, et son sang gicle et se répand sur sa robe blanche.
Voici la nuit avec ses lumières de laser coupantes, avec
son silex moderne et ses invisibles douleurs,
Voici la nuit qui arrache, qui écorche,
101
supplie.
Le poète souffre, hurle, plonge dans la poussière et
Faut-il ramper ? Faut-il gémir ?
Quelles possibilités nouvelles pour que l'esprit inventif
s'élève plus pur encore, pour que flammes et incendies irradient
l'intérieur du crâne, pour que source et images viennent féconder
l'univers spéculatif ?
102
Parfois je ressens
Parfois je ressens un immense désarroi, moi qui suis un
habitant de cette terre. Je ressens une peur foudroyante
comparable à celle qu'éprouve l'arbre devant l'ouragan. Mon cœur
effrayé brûle du feu ; et tout ce qui me semblait granit et marbre
dans mon corps se transforme en laves incandescentes.
Je frémis, pâle, défait, je hurle. Je me sens entouré d'un
vol sinistre d'aigles noirs qui tourbillonnent sous ma voûte
embrasée. Horreur ! Deuils ! Guerres ! Horribles souffrances, et
ce n'est certes pas le visage apaisant d'une femme me souriant qui
saurait adoucir cette conscience.
103
Temps difficile
Que ces temps sont difficilement supportables ! Ma
cervelle conçoit dans cet espace limité, borné par la raison. Il n'y a
pas d'imprévu ! Il n'y a pas d'inattendu ! C'est un vide sinistre
livré à des esprits errants. De faibles notions viennent parfois se
caramboler pour tenter de former des paragraphes, puis des
chapitres, et enfin des livres.
Voici encore un morceau qui se conçoit sous la dictée de
l'inconnu, de la pensée invisible, qui se conçoit associé au temps,
- le temps épouvantable ; morceau qui retournera dans son gouffre
béant !
Et l'inspiration semble fuir, après être venue pieds nus
marcher dans mon âme, laissant ce fragment stupide et inachevé.
Restera-t-il la trace d'un pied délicat et bien fait ? Sera-ce
l'empreinte d'un monstre nourri d'horreur et de colère ?
104
Je vis la Mort
Je vis la Mort vicieuse et tortionnaire. Elle était là près
de moi, au fond de ma chambre sinistre. La nuit était épaisse,
seule une lumière blafarde éclairait faiblement le bureau. La Mort
était accompagnée d'un ensemble de cadavres, spectres
blanchâtres et difformes.
Et la Mort me dit : "Je t'appelle pour l'horreur. Je t'amène
à la souffrance. Viens avec moi. Voici du sang, des crimes, et ta
crucifixion. Voici du vomi de chien, des excréments nauséabonds
- prends, te dis-je, prends. Voici des sorcières, des femmes
horribles - viens, et suis-moi."
suffiront."
Et je lui répondis : "Assez ! Assez ! Mes images de poète
Mais la Mort reprit : "Je suis venue te torturer. Je t'amène
à la tombe, à travers l'angoisse et le feu caverneux."
Et dès lors, je plonge vers le gouffre macabre de
l'horreur, accroché à l'immonde femme à la faux.
105
Un esprit de génie
Un esprit de génie qui conçoit prend des risques. Ses
rumeurs et ses chocs l'éloignent du commun des mortels. Il est un
incompris. On le fuit, on l'évite, mais parfois l'on peut être ébloui.
L'homme pense, évalue, transforme. Et cette tête pleine
est immense et difforme. Il s'abaisse parfois et cause avec les plus
humbles de la pluie. Mais c'est un souffle puissant qui mugit en
son crâne.
106
Ô Nietzsche, oui
Ô Nietzsche, oui, les poètes caquettent et sont femelles
en chaleur et femmelettes. Très peu ont de l'esprit. Trop émotifs
peut-être.
Dans l'immense néant où le poète s'abandonne, il peut
parfois jaillir, à force de songer, des révélations sublimes ou
ténébreuses.
Tout permet d'accéder à la vérité, au but final, et de
l'amas de pierres peut naître la solide construction. La brume
dispersée, laisse parfois apparaître le palais. La pure certitude se
conçoit dans des masses de brouillard et resplendit lentement.
Le Verbe se nourrit de sa blanche substance. Il est le
frère de Dieu. Lui seul peut nous instruire. Et ainsi l'on accède au
savoir élevé.
Parmi l'ombre terrible et l'horreur de son vice, un poète
inspiré atteint la lumière et contemple souvent les sphères
merveilleuses qui trônent dans l'espace.
107
Me voici à présent
Me voici à présent vivant dans l'invisible, vivant dans
une substance que l'on dit impalpable. Et l'air que je respire, nul
ne peut le voir, excepté Dieu peut-être. Je suis devenu une Ombre,
j’ai épousé une forme qui flotte vaguement, difficile d'aspect,
délétère, que l'on prétend saisir, et qui pourtant échappe. Voilà, je
suis dans l'univers des morts, et cela n'est pas un songe.
J'ai l'étrange impression qu'un œil me fixe ou m'observe.
Je semble voir, mais ceci est relatif, dans un brouillard éclairé une
ombre curieuse qui me cherche et fuit, dans un comportement
bizarre.
Oui, cela semble agiter des linceuls ou tirer des chaînes,
cela semble fourmiller, s'exciter comme des tourbillons légers.
Est-ce un monde de spectres ? La pensée hésite et cherche, ne sait
et doute. Est-ce un lieu de perdition ? Un bagne ? Une tombe ?
Ils vont et se déplacent, murmurant des soupirs ou
gémissant avec douceur. Qui sont-ils ? Quel est cet antre ?
Expliquez-moi ces sinistres visions ? Mon âme délire-t-elle ?
Mais où suis-je ?
108
Ils vont dans cet espace incompris, dans ce lieu morne et
fétide. Ils semblent danser dans ce brouillard d'éclairs où se
combinent d'étonnantes compositions !
Le vent les emporte, le vent amoncelle sur leur front des
étoffes de nuages. Je les vois vaguement comme des sphères
vaporeuses. Ils glissent, virevoltent puis s'élèvent emportés,
lancés dans les airs. Je crois les apercevoir dans ces brouillards
infinis.
Des tourbillons ayant des formes circulaires tentent de
les englober, et les avaler comme une avalanche de neige. Sont-ils
coupables de crimes et d'horreur ? Paient-ils de noirs châtiments ?
Où sont les misérables ? Sont-ils punis, rattrapés par leur
passé ? Hurlent-ils ? Supplient-ils, implorent-ils pour les fautes
d'hier ? Qui pourrait pardonner ? Qui saurait oublier ?
109
Je suis à ma table de travail
Je suis à ma table de travail et je ne sais qu'écrire. Ma
cervelle semble épuisée, il faudrait que je lui permette de
récupérer quelque peu.
Il est deux heures quarante-six à l'horloge de ma chaîne
SAMSUNG, je suis en position TURNER, et j'entends les bandes
stupides que passe France-Info pour meubler le programme.
Je regarde la télévision, je suis positionné sur la chaîne
EUROTICA où une femme fait une fellation, c'est un canal
pornographique X.
Devant mes yeux, un livre de Fernando Pessoa, Le
Gardeur de troupeaux, page 103. Je ne sais quoi en penser.
Toujours est-il que cela me plaît. Et voilà pour la critique !
À présent, il est trois heures et quart, et j'ignore si ce que
je viens d'écrire peut s'appeler poème. Cela me semble prose,
fade, et facile. Tout y est liquide et glisse aisément sur la feuille
de papier. Ce n'est certes pas de cette sorte que je parviendrai à
obtenir un résultat heureux dans le domaine poétique.
110
Tu dors
Tu dors dans une forêt de feu. La mer lèche ses lèvres
humides, la mer de topaze scintille au firmament de la nuit.
Lorsque tes yeux s'envolent, les nuages bondissent et construisent
d'étonnantes figures.
Contre ta hanche, la fille supplie. Il y a autour de ta
personne des lances étincelantes, des bijoux de chairs blondes. Il
y a de la fumée aussi qui regagne les nuages.
Tu habites donc cette forêt de feu. Il y a des regards
braqués qui pénètrent ton corps, et leurs aiguilles invisibles te font
abominablement souffrir.
Un seul chemin mène à ta chaumière. Il faut passer par le
toit. Et toujours la même question lancinante frappe ta voûte
étoilée : "Pourquoi ? Pourquoi ?"
Il y a des couteaux. Qui est hache ? Tout prédispose à ton
innocence. Et cette affreuse coupe que l'on te fait boire à petites
gorgées, la refuseras-tu, ô Christ de l'inconnu ?
111
Dans ton lieu interdit, tu décides du poème. Ta méthode
est certaine. Elle permet d'accéder à la meilleure des places. Tu es
en clarté. Oui, produis jusqu'au dernier jour.
112
Toujours cette incapacité
Toujours cette incapacité à obtenir un texte satisfaisant.
Le ridicule a épousé la médiocrité et je danse, je danse ! Je suis
convié au mariage...
Quand comprendrai-je enfin que tout cela n'était que
bêtise et insignifiance ? Mais pourquoi ai-je insisté ? J'espérais
peut-être qu'une illumination allait consteller ma cervelle de
rayons zébrés ?
Il me faut reconnaître cette impuissance à extraire un
morceau conçu pleinement avec finesse et intelligence, avec
touches exquises ou eaux fortes, avec brise aérienne et orages
ténébreux.
C'est vouloir et ne pas pouvoir. C'est tenter d'obtenir et
pourtant constater un détestable échec, un sinistre résultat.
On reprend une autre feuille, on se concentre, on respire
fortement, on appelle à l'aide la sublime inspiration, et on se jette. On
produit les premiers mots, on poursuit alors. Et quels résultats ? Ho !
Profondes détresses ! etc
113
S'il te faut rester
S'il te faut rester, enfuis-toi dans ta chair, au plus profond
de ton néant. Là, est un arbre. Ses fruits abondent. Ils te
nourriront, te permettront de croître.
désaltérer.
Les fruits sont des mets succulents. Apprends à te
Travaille avec les Dieux
Travaille avec les dieux, conçois encore. Toi, tu es
ridicule. Ta masse pensante est insignifiante. Implore, peut-être te
feront-ils l'aumône d'une pitance !
114
Blanche
Tu étais claire !
Belle est la pureté.
Tu t'enfuis, t'élevant au-delà de ton âme
Dans une parabole d'extase
Pour bannir à jamais la sombre réalité
Tu étais claire bien que nul ne comprît
Ton élévation
Dans la nuit même, tu étais le chemin de lumière
Nudité, pureté sans défense
Seins blancs, haleine douce
En paix dans ton monde à présent
Seul Dieu te souffla son amour
Nul homme jamais ne te prit
Sois l'hostie, tu es, sois
Tu étais claire !
115
Conseil à une future sainte
Méfie-toi des loups
Ils apparaissent dans la nuit
Nul pasteur ne te protégera.
Les loups sont sanglants
Il n'y a pas de battues.
L'avenir est un feu qui purifie.
D'un pas allègre,
Va sur la montagne.
Les prophètes annoncent l'avenir.
Déshabille-toi
Mets-toi nue de beauté, de clair idéal
D'innocence de chair
Rends ton sang transparent.
Aime-Le, aime-Les.
Attends. Remonte.
Sois pure et élève-toi.
116
Ainsi tu t'en retournes
Ainsi tu t'en retournes à ta disposition première, et tu
veux produire en usant de l'absurde ! Le non-sens de la jeunesse
t'excite encore ?
Moi, je te propose de délaisser cette source stupide
d'inspiration, et je dois te convaincre d'écrire en te projetant vers
l'avenir. L'avenir ? Qu'en penses-tu ?
De la sorte, tu pourras prétendre t'élever, monter un à un
les barreaux de Jacob.
Fils de rien, ridicule cervelle issue du Néant, tu
sublimeras la gigantesque création de Dieu. Le soleil t'éclairera de
sa lumière, et tu joueras au prophète.
Mais ne mens pas. Que l'immortalité soit inscrite sur ta
page blanche, et ton Seigneur t'aimera.
117
Quelle raison
Quelle raison nous pousse à écrire ? Quel besoin de
l'esprit ? Nous n'avons rien appris, ou si peu. Que savons-nous ?
Quels ignorants ne sommes-nous pas ! Qui ose se comparer à qui
? Dieu regarde les fourmis, et l'une dit : "Je suis plus intelligente
que toi». A rire tout cela, à rire !
Et moi, moi qui suis un Dieu, j'ai produit cent milliards
de galaxies. Et je ne te parle pas de la masse marquante...
Du ridicule et de l'insignifiant.
118
Que me faut-il donc écrire
Que me faut-il donc écrire à présent, puisque tous les
poèmes ont été refusés par maints éditeurs de droite, de gauche,
éditeurs classiques, surréalistes, spatialistes etc. Que faut-il
inventer pour plaire à ces messieurs ?
Ah ! Difficile de satisfaire à leur demande ! Mais quelle
est la demande en vérité ? N'est-il pas plus sage de produire pour
le CD ROM, pour la bibliothèque interactive, pour la mémoire sur
disquette d'ordinateur ? Ne faut-il pas penser autrement l'œuvre, à
concevoir, à élaborer ? L'œuvre ? Dois-je m'en référer aux
structures d'accueil présentes, aux maisons qui impriment et
publient quelques rares feuillets ?
Je poursuis ma tâche et je tente de travailler sérieusement
sans espoir d'éditeur, donc sans possibilité réelle de lecteurs. Mais
à l'œuvre, toutefois !
Être sans être, être sans paraître.
119
Voilà
Voilà une fille belle, fleur ouverte offrant sa large vulve
à la langue rapide de l'amant expérimenté.
Comment pourrais-je me suffire du ridicule de cette
œuvre ? Cela me semble peu, peu hélas !
Se produit toujours
Se produit toujours dans les premiers cris : feu écrasant
le sang. Abomination de la vie. Se répétera encore : tortures et
cruautés mêlées. Nous naissons dans l'horreur et disparaissons
dans la monstruosité de la nuit.
120
Dans l'entonnoir du vertige
Dans l'entonnoir du vertige, nous nous sentons absorbés
par le Néant. Nous sommes éblouis par la beauté des formes
sphériques, fruits explosés dans leur sublime maturité. Jaillissent
des volumes, des rondeurs divines commandées par le génie de la
nature.
Nous engendrerons d'autres prétendants. Nous finirons
pourriture de vers, n'ayant pu nous immortaliser.
121
L'ennemi, nous détruisant
L'ennemi, nous détruisant, amoindrissait nos forces, nos
aptitudes. Il inventait la douleur, lui donnait une couleur, et la
servait de manière constante. Conséquences : pertes de produits,
d'énergies intellectuelles, dont la décision venait de l'autre espace,
là-bas.
Rebelle à la poésie d'autrui, à la démarche relationnelle,
quelle puissance de la providence serait venue me secourir ? Ô
espoirs de jeunesse implorés jusque dans la vieillesse, et jamais
satisfaits !
Tendrement
Tendrement s'étire la fille, quand le soleil la caresse. Ô
matinée d'extase, alanguie et dormeuse, elle gémit. Les rayons
tièdes la lèchent mollement. Le feu s'élève, s'enfuit, loin de la
croisée, la fille se rendort.
122
Qui donc ?
Sommes-nous une volonté de produire, ou sommes-nous
l'instrument d'une puissance supérieure, invisible à l’œil aiguisé
mais pourtant réel, entre le divin et l'inspiration ?
Une nuit, sublime et purifiée, nous accéderons peut-être
à l'étonnante révélation.
Verbe d'orages raisonneurs
Verbe d'orages raisonneurs qui pense en noirceurs
d'idées, qui gronde en soi-même, va-t-il éclater dans ma cervelle
splendide, sera-t-il violence, ou en figures inconnues disparaîtra-til
dans le ciel ouaté ?
123
Qui me comprendrait ?
Qui me comprendrait ? À quelles raisons, chercherait-on
à me comprendre ? Pourquoi ? Je suis seul chez les hommes, et je
suis incompris des esprits. Quel espoir reste-t-il ? Et les Dieux
disent : non, nous refusons cette méthode.
Le sommeil est nécessaire pour laver la mémoire, comme
l'on bat un jeu de cartes pour obtenir une nouvelle donne.
Il a enfin compris que le produit poétique ne pouvait pas
s'obtenir dans l'oisiveté et dans la nonchalance, mais qu'il fallait
travailler à temps plein et extraire le suc que sa cervelle voulait
bien lui accorder.
Nous nous sommes alanguis longuement sur le chemin.
Une femme claire et blême indiquait la voie qui ne menait nulle
part. Il fallait puiser au fond de soi-même, dissiper les brumes
épaisses, éloigner les brouillards aveuglants. La pensée entière se
faisait sexuelle, et le poète aurait suivi des sorcières.
Seule, la science peut instruire l'homme. La poésie le
nourrit de chimères et de mensonges, de faiblesses certaines. Au
déchirement final, qui de l'homme de science ou du poète
détiendra la vérité ?
124
hélas !
Lumière d'ombre, éclats stupides de vérités mensongères,
Il n'y a pas de liberté. Le poète est l'esclave de l'ombre
invisible qui frappe et fait hurler de douleurs. La souffrance
génère de la production, elle est le thème majeur de l'œuvre à
extraire.
Pourquoi croire en l'éternelle justice ? Qui voudra
indemniser ? Acceptera-t-Il de rendre ? Prendra-t-Il en
considération la montagne de poèmes perdus ? On espère, on
attend bêtement.
Plus il sait, plus il comprend la médiocrité de la
discipline poétique, son ridicule, son inutilité. Plus il sait, plus il
comprend la science, sa beauté, son idéale de perfection, sa
certitude !
Le désir de travail parvient-il toutefois à relever le défi
de la décadence ? Il se dédaigne, se méprise, mais a-t-il
réellement tort ?
125
Ô la verte pensée
Ô la verte pensée dans une cervelle qui n'a pas encore
donné. Quel mélange crasseux ! Quels sangs impurs à laver !
Quand donc, nourri de pureté céleste, parviendrai-je dans
la transparente couleur, à m'élever et à trouver des sources qui
bondissent là et là-bas, en moi ?
On se console toutefois lorsqu'on ne parvient pas à
atteindre un impossible terrestre, chair féminine envolée dans un
tourbillon d'images.
Certains nous laissent des œuvres pourries, d'autres des
textes de durée immortelle. Difficile en Alpha de prétendre savoir
ce qui est, ce qui sera et même ce qui était.
Et là-haut, en Oméga ?
126
Deux corps encastrés
Deux corps encastrés
Construits l'un dans l'autre
Comme deux immeubles
Deux corps encastrés
De pierres élaborés
Sur la place du lit
Deux corps encastrés
Sont parfois mouvances, sables
Enfouis, recouverts
L'un par l'autre
Deux corps encastrés
Sont parfois architectures,
Musées, silences, éternels
Sur la place du lit
Deux corps encastrés
Sont poussières qui tombent
Dans le vide du temps
127
À peine sortie de l'aurore
À peine sortie de l'aurore, nouvellement purifiée, nue,
elle s'élève dans les airs cristallins. Sur ses seins, brillent des
diamants de rêves, des parures serties d'opale. Sa texture de chair
claire, douce comme la rosée est un délice à regarder, est un
plaisir à lécher tendrement. Autour de sa beauté impossible, un
albâtre offre ses larges ailes comme deux étendards protecteurs.
Ses deux pieds baignent dans une eau plate, et lentement sont
caressés par l'impossible mouvement. Elle vient de l'interdit, de
l'impossible à concevoir. Elle se nourrit d'extase et d'encens.
J'ignore sa silhouette, je la suppose tout au plus. Elle est toutefois
mon idéale de compagne qui dort à mes côtés.
Tourbillons
Dans l'aurore constellée, s'évadent et s'envolent des
oiseaux qui saignent. Une fille inconnue apparaît éclatante d'idéal
de chair, soleil flamboyant dans les rousseurs du printemps. Sa
silhouette s'impose et veut participer au poème, veut
m'accompagner dans mon délire. Elle offre une bouche sensuelle
et tente de prononcer les premiers mots. Elle crie dans le silence
128
de ma recherche. Elle vient, s'approche, et je crois entendre
s'élever des sonorités insensées, inconnues jusqu'alors.
Sa bouche ovale est une source d'où jaillissent des
syllabes audacieuses, des propositions de bruits nouveaux. Je
désire saisir, capter,... comprendre. Alors elle se volatilise.
Curieux, Non ?
Ô fille entrevue dans la folie de mon furtif, que ne vienstu
vivre dans mon ombre, dans ma nuit rebelle et créatrice !
Certaines nuits
Certaines nuits, je suis assailli de présences curieuses. Ce
sont des sortes de morts descendus de je ne sais quelles
cheminées invisibles du plafond. Je subis alors des haleines
glacées qui m'entourent et me ceignent d'un fluide imperceptible.
Ils perturbent, ils détruisent, ils agressent ma cervelle et
m'interdisent de produire sérieusement. Mais comment les chasser ?
Avec quels pouvoirs, avec quelle force psychique leur imposer de fuir
et de disparaître à tout jamais ?
129
On a beau
On a beau leur expliquer leur ridicule, leur incapacité à
assimiler, à comprendre ; on a beau tenter de les élever, de les
instruire... pour qui, pour quoi ? Alors c'est la même médiocrité,
la même honte... Une effrayante décadence, une chute dans le trou
des enfers...
On leur dit : cessez de vous y prendre de cette sorte,
changez de méthode. Vous voyez bien que cela ne mène à rien...
ils insistent toutefois.
Mais comment les aider ? Comment convaincre un
troupeau de moutons de ne pas tomber dans le précipice ? Ils y
vont gaiement certains du chemin à emprunter...
130
Perçus dans l'esprit
Perçus dans l'esprit
Des sons curieux, incompatibles,
Bruits plutôt que phrasés, parlés
Et assourdissant la pensée,
Échos perturbateurs et monotones
Que la conscience offre puis cache,
Et enfin détruit, efface.
Sans s'associer, ils se répondent.
Les uns accrochés mollement aux autres,
Ils sont syllabes cacophoniques,
Expressions indistinctes.
Là, au fond de la cervelle
Les sons résonnent
Et veulent voir le jour,
Puis hésitent, se refusent pour disparaître.
Le poète chemine, attrape et tente
De saisir l'instant.
131
À peine se sont-ils offerts
Subrepticement, qu'il marche
Dans son âme, précipice, miroirs
Et sources renouvelés de mots inconnus.
132
Je fuis
Je fuis ce moi-même,
Je m'envole loin de cette phrase décadente,
Concept et proposition d'autrefois.
Les mots s'assemblent mal,
S'intègrent mal les uns dans les autres.
Et le réservoir de sonorités, de syllabes
Où je plonge mon esprit
Est lavé de coups douteux,
De solutions discutables.
Je voudrais creuser
Aller au plus profond de la terre, de ce moi
Aux racines des synapses
Dans l'inconnu du langage.
Devant mon frontispice, il y a les volets
De la conscience, toujours en éveil
Constamment en attente,
Possédant une patience de prisonnier.
Il y a l'intérieur,
133
La pensée associée à la vitesse.
Qu'espèrent-elles ? Que peuvent-elles ?
Le langage désire,
Le langage parie et refuse.
Je rentre encore en moi-même,
J'apparais là tout au fond.
Je suis spectre, hallucinations,
Gaze inconnue et
Volonté délétère.
Là encore est le vide
Avec ces doutes, son écriture fantoche,
Ses incertitudes,
Ses images ridicules et détestables,
Ses risques.
Je nage dans les images
Et l'oeil retourné veut puiser dans la mémoire,
Puis des cloches, des sons,
Cela semble une rumeur et des crissements,
Cela semble vouloir parler,
Est-ce prodige ? Est-ce gain ?
134
Oui, je suis dedans, je vis à l'intérieur
Est-ce l'œil de la conscience ?
Puis le silence, le vrai silence
Silen
rien.
135
Le lac de mots
Ma mémoire ? Une réserve,
Un réservoir sans fond, ni dimension
Aux contours indéterminés, vagues et abstraits.
L'œil est à l'intérieur, il observe,
Tente de comprendre cette masse lourde et épaisse
Où nagent parfois des résidus de mots.
J'apprends à me débattre, je devrais faire Christ
Et marcher sur moi-même.
Donc je dois aller du point A au point B
Sur ce lac stupide de mots
Sans couler, sans me noyer.
J'observe ces syllabes confuses qui grouillent
Comme des vers sur une plaie sanglante.
Ce lac est ébullitions épais et flasque.
Des sons comme des bulles d'ombres ou ocres
Sautent ici et bas, et se gonflent pour éclater.
Je vais puiser dans cet amas indescriptible
Pour en extraire des signes.
136
Je vais m'en gargariser.
Non, l'eau de ce lac ne se boit pas.
Alors qu'en faire de tous ces mots ?
Les quérir avec une épuisette
Et les assembler pour obtenir un poème ?
137
Le bruit
Le bruit de cette rue
Résonne
puis le bruit
Le bruit encore
Je marche dans mon crâne
Je ne connais
Que l'opacité de ma raison
Nulle aurore
Nulle aurore,
Toujours dans la nuit roide
Je retire les bandages de mes yeux
Je vois les spectres de la mort
Danser leur ronde infernale
138
Ni feu ni braise
Ni feu ni braise sanglante
non, mais
Un esprit lavé comme soie
Qui se volatilise
dans l'éclair de la nuit.
Un cristal de femme
Crisse ou se déchire
Sur des objets nuptiaux
La belle répand
Dans les yeux de ses hommes
Des fluides enivrants
Ils hurlent puis s'enfuient
Vers l'aurore salvatrice
Ils crient de plaisir
Pour mourir à tout jamais
139
Terre labourée
Terre labourée,
Le printemps s'enfonça en elle
Herses dans la chair
Et tourne et retourne
Comment
Comment produire
comment extraire
Poussé par le temps,
par les autres
À la recherche de cette stabilité interne
140
Femme bleue
Femme bleue dans les airs
Seule, idéalisée, impossible
battements.
La pensée cherche
Le cœur espère
Brûlante d'immobilité
D'extase bouillonnante tourbillonnante
Elle s'élève sans pleurer
Parmi les hautes fleurs de fille.
Elle est
Éclatante dans la lumière du jour
Vaste espace que sillonnent des mots clairs
Elle s'épanouit devant mes yeux,
Bondit sublime d'irréel
Je conçois mon éternelle,
La vois très nettement
J'évolue dans mon imaginaire.
141
Pas une ombre à qui parler
Pas une ombre à qui parler
Pour me comprendre
Je suis seul
Qui pourrait communiquer ?
Alors j'écris, j'accumule.
La page blanche est ma compagne
Toujours offerte mais silencieuse,
Je la caresse, elle aime.
142
Ma chair nue
Ma chair nue t'observe
Te lit, te pense
D'idées sublimes, de désirs
La chambre d'orgasmes
est offerte constamment
Tes formes idéalisées,
Recréées,
Ton visage maquillé
de mensonges, d'espoirs
Tes habits noirs,
Ton costume de fille,
De femme
Dans le tourbillon du lit
La lumière qui cache,
Qui montre, qui suggère
La spirale des folies.
Ma raison contre ton sexe
143
Éclate et oublie
Étoilée sous ta chaleur,
Sous des extases mouillées, enivrantes
Ma raison se répand
Dans ton corps, elle s'enlace,
Se glisse en toi
Le temps explose, file
Et disparaît, miroirs des horloges affolés
Festin de chairs, tu pénètres mes interdits
J'aime ta fièvre,
Je plonge dans ton obscur
Je lèche ton ombre
Parmi les caresses, bleu est ton corps
Tu bondis désirant l'impossible
Constellant ta pensée d'interrogations,
D'audaces et de vices,
De risques et de hontes.
Ta lèvre se tord, supplie
144
Tu couvres mon front de salive chaude
Ton corps prie mon ombre de chair
En saccades, tu balances
Tes contorsions de femme me regardent,
M'implorent d'aller au précipice des orgasmes,
Ta silhouette est souveraine
Tu exploses et deviens cendres
Langue amoureuse qui lèche
Ta chair insoucieuse
Chevelure qui ondoie, qui se plie
Tes seins blonds sont des écumes de rêves
Ô grandes heures d'effluves,
De chaleurs orageuses
Vin tiède répandu sur la peau
Ivresse de grappes belles
Ô soleil qui bois à mes rayons vermeils.
145
Espace
Espace
Espace mien
Qui voltige, tourbillonne
Se pense, s'engendre et jamais ne cesse
Au plus profond de ma chair,
Est-ce un monde
Qui conçoit, qui écrit ?
Qu'est-ce ?
J'ai enterré le soleil
J'ai enterré le soleil
La ville plane sur son halo de lumières.
146
Poésie vaine
Dans l'espace insignifiant
Ma poésie est vaine
Ma gloire est sans avenir
Le temps s'effeuille d'heure en heure
de jour en jour.
Les mots s'envolent et fuient
Échos sans certitude
Se dissipent et disparaissent
Vibrations occultes dans l'indifférence
Tout glisse et s'écoule
pour finir et mourir
Tel est mon avenir,
Tel est notre avenir
Et je le partage avec tant d'hommes.
147
L'ennemie
Le présent est mon ennemi
Je suis RIEN
Et ce que j'ai n'est pas ce que je vaux,
Comme faire ?
Comment se déterminer avec un MOI
Non représentatif de sa véritable valeur ?
Comment être avec ce peu,
avec cela ?
AUTRUI ne peut comprendre
autrui me juge avec ce que je lui
propose, et ce résultat n'est pas le mien.
Comment être sans être ?
Comment se reconnaître avec ce qui l'on n'est pas ?
Comment assurer autrui que ce moi est Faux ?
Il n'en a que faire...
148
Je lis
Je lis, du moins j'essaie
Coule ta lumière dans mon oeil torve
Les couleurs, les constructions délétères
s'animent tout à coup
Elles s'enflent, gonflent, s'élèvent
pour retomber à l'état de mots,
de caractères qui servent
à transmettre l'écrit
Je lis encore,
Défile le mouvement
Le langage s'éclaire, battements de vie
dans mon âme sinistre
Un monde apparaît pour devenir visible
Apprends à imaginer, à concevoir,
Maîtrise l'instantané
Les mots fondent puis se liquéfient
Ils tourbillonnent, se volatilisent
Il faut s'en retourner
149
à l'état premier
Privés de raison
De sens, de logique
la pensée disparaît
L'écriture est supportée par le poème de l'autre
C'est donc autrui qui décide
et conduit l'action
Le néant de moi-même
les instruments des poètes
Je suis par vous
que suis-je sans vous ?
Je prends, j'exploite, je tire
Je suppose un dessein que j'efface
Que peut l'esprit, mon esprit ?
Est-ce mémoire ? Est-ce réservoir de sons ?
J'offre une bouche ovale
pour en extirper du bruit contrôlé
150
nuit avec écho,
nuit perturbée et immense d'attente
d'approches et d'espoirs
L'écrit du poète pose l'interrogation
de son utilité
La trace du signe indique le chemin
à emprunter tout de même
Encore espace à deux dimensions
plan et jeu de la forme
Sont-ce des feux lumineux,
des astres fluorescents
des pensées, des graines d'esprit ?
Il faut se nier jusqu'à la mort
disparaître enfin
sur cette immobilité de syllabes
qui jamais ne sera lue.
151
La jeune fille
La jeune fille sublime et inconnue traverse la raison, se
perd dans mon esprit, et confuse, alerte ou libertine cherche un
endroit pour se cacher.
Pourquoi désire-t-elle couvrir sa nudité quand nul, à
l'exception de mon œil interne, ne peut l'observer. Subrepticement
elle s'empare de mon silence, et tente de s'en vêtir comme d'un
pagne.
Je la vois, je ris de sa gène et je lui offre quelques légers
brouillards confus de la raison dont elle s'habille rapidement. La
voilà qui sourit, qui s'esclaffe et offre un premier chant à mes
oreilles caressées.
Elle évolue dans une attitude d'un pas de deux, sensible
et légère. Mais il est des actions, des gestes et des comportements
que je ne puis comprendre. L'ensemble parfois me semble
incohérent, saugrenu et irresponsable. Je m'en amuse pourtant...
Elle circule à présent dans les méandres de l'interdit, se
glisse, semble fuir et disparaître pour revenir nourrie de fantasmes
152
nouveaux, de possibilités audacieuses... Voilà donc sa culture !
Voilà ce qu'elle reçoit et ingurgite sur le chemin du risque...
Mais oui ! Tout à coup, je comprends : elle quitte mon
âme, jaillit par mes yeux, bondit sur le sol et se dimensionne,
comme par un effet magique, en quelques instants, à l'échelle de
la femme - là devant mon regard ! Sa nature humaine m'étonne,
mais je m'engaillardis, la saisis par la hanche et la fait
tourbillonner sur elle-même afin que le personnage puisse renaître
et se comporter comme ma raison l'avait imaginée.
Jour perdu
Jour perdu, jour interdit, je déteste le temps qui est mon
ennemi. Toi, le temps est ton fils. Tu le maîtrises, tu le domines.
De la parcelle infime à l'éternelle constance, tu possèdes tous les
instants, toutes les fractions.
153
Accolés l'un à l'autre
Accolés l'un à l'autre, encastrés dans la chair, nos deux
corps sont un, mais nos âmes sont séparées.
Nous nous plaisons à jouir bêtement, à souffrir, à palper,
à lécher. Je suis assaut, je fonds sur toi. Je ne puis saisir l'instant,
le faire durer en dépit de ce désir.
Éclatons comme du verre brisé et regagnons nos
sommeils légitimes, toi dans ta satisfaction, moi dans ma terrible
quête d'idéal poétique.
Sur ma main brûlante
Sur ma main brûlante sur ma chair j'ai cru hurler,
espérant tourbillonner dans des folies nuptiales. Suant toute la
nuit, j'insistais encore.
Résidus ordinaires d'orgasmes oubliés, vous êtes instants
à retenir, fuites dans le temps et l'espace à enfermer comme des
alcools délétères.
154
Le dégoût
Il s'était considéré inapte et incapable, à la limite du déchet
et de la médiocrité.
Mais quand on lui précisait : "Observez, enfin vous êtes !",
il répondait avec dédain : "Je suis qui ? Je ne suis que cela ?" Il
attendait encore et espérait se mieux considérer. Cela était en vain,
car il avait atteint un certain sommet, une certaine crête.
155
Dans la pensée obscure
Dans la pensée obscure de ma raison défaite, il m'oublie, il
se cache comme un serpent de verre qui apparaît, qui disparaît.
Enfoui en moi - je connais pourtant son nom - il est là
timoré, fourbe, vicieux et parfois sexuel - il attend pour sortir que la
nuit commence (il faut déterminer par quels moyens l'inspiration
poétique, sa sœur, conception absurde etc. se manifeste.)
Eh oui, enfoui en moi, soupirant, noir comme le charbon
dans ma cervelle stupide, la tête toute fécondée d'espoirs nouveaux,
j'attends, l'éveil du souffle de vie...
Qui est-il ? Où est-il ? Pourtant je sais qu'il se terre.
J'entends même les premiers suintements de syllabes prononcées.
(Quand tu es absent, je me crois libre. Le suis-je réellement ?)
J'attends comme l'enfant. Je m'angoisse de cet instant. Je
déteste ce moment construit sur l'éphémère et sur l'insignifiant.
Puis sonal, sonnerie en quelque lieu de délice, du coeur de
ma cité (- vérité d'image comprise ou refusée par le lecteur ?)
156
L'obsession Baudelairienne travaille les âmes poétiques ... Tu vois,
je ne dormais pas, j'espérais, j'attendais seulement.
Je prends donc ce support de poésie en forme de rose de
Pasolini, pour tenter de produire, mais que puis-je ?
Agacé, dans la pensée sombre, j'emprunte quelques mots,
quelques idées. Je ne les couche pas en italique. Puis comme une
muse qui s'épanouit : "Est-il satisfait de ce que tu obtiens ?
Poursuis... continue ..."
Concept ridicule par le travail d'autrui
Médiocre moi-même qui cherche toutefois
Concept rêvé par la pure intelligence
Que je ne possède pas, que jamais
Je ne posséderai.
Forêts de lettres, masses touffues d'images,
Comme je cherche pour ne rien découvrir !
Je n'ai que cela ? Hélas ! Hélas ! Toutes ces pertes que je
subis comme je voudrais les récupérer et travailler sérieusement.
Être comblé de bons résultats, et non pas de cette abjecte stupidité !
157
Quelle idée de suffisance ! En qui puis-je espérer ?
Mes recherches poétiques ? À quelles raisons ? Vers quel
avenir ? C'est encore un prétexte de faiblesse, de ridicule et
d'insignifiance.
Peu et très mal, - très faible. Rien, rien et rien.
158
Maintenant
Maintenant que la violence impose sa destruction, te laisse
des résidus d'œuvre, que vas-tu exploiter ?
Maintenant que les apparences de résultats trompent l'œil
du critique et du lecteur, ce qui te reste est donc ce que tu es ?
L'aumône
Il se considère volé, ridicule, stupide, dans la médiocrité de
sa discipline. Il espère un geste de compréhension de l'au-delà, une
aumône divine.
Voudront-ils le combler d'abondance noble et sublime ?
159
Conscience
Mon bureau est un désert de savoir. Nulle compétence.
Tout à la médiocrité. Quand m'apprendras-tu ?
Je suis Rien. Le néant est mon espace. J'y agonise pour
disparaître à tout jamais.
L'insignifiance de l'homme, la petitesse de sa cervelle. Il lui
reste le rire. C'est un don de Dieu que le rire.
L'ennemi
L'ennemi me détruisant, inflige constamment un supplice
dont il est le bourreau et le vicieux tortionnaire, éternel boucher des
sains glorifiés. Cruautés physiques et morales proviennent de la
force mauvaise qui étend son atroce pouvoir sur l'innocence belle.
160
Douleurs
Entends la souffrance exhalée
C'est un cri sanctifié
Le sang hurle sur la face du Christ
Sur les braises acides
Les clous sont enfoncés dans la chair
Les épines labourent et tailladent
Le pauvre corps
L'espace se tait
Les dieux sont silencieux
Les étoiles constatent mais
ne savent que répondre.
Il supplie encore
Le poitrail et le ventre arrachés
Labourés de coups de fouet
Son ombre est un espoir
Dans le soleil sanglant
161
Écrire
Il y a l'espoir d'écrire
D'obtenir un produit nouveau, pur
différent
autrement
Il frappe la cervelle
tambourine à la porte de l'oeil
et veut sortir
Il ouvre
passion du poème
soleil interne
Le poète écoute, laisse faire
mais s'épuise, veut en cesser,
veut dormir.
Entre la poussée et la retenue
l'esprit balance, doute
Il y a recherche de vertige, de délire,
de folies
162
puis le silence, la perte, le ridicule,
le refus
mauvais sperme éjaculé après le coït.
163
Inspiration
Environné de vide
Tremblement immense de ma certitude
Grands souffles impalpables
J'espère obtenir le poème
Je pense
cela semble se construire
Les choses de syllabes viennent s'offrir
J'avance doucement
dans cette spéculation de l'esprit
J'avance pieds illuminés de phosphore
ou de néant.
Je poursuis ce murmure qui m'indigne
la marche de la logique
de la folie.
J'enroule un tourbillon d'images
à présent je propose quelques signes
à ma critique boudeuse.
Ce ne sont qu'éléments fantasques
164
sur le chemin de mes pensées
Sont-ce les miennes, d'abord, ces pensées ?
J'exploite autrui,
il y a emploi, réminiscences, emprunts
condensation, symbolique...
Je travaille avec qui ?
Avec des hommes ? Avec des Dieux ?
Je voudrais concevoir avec les Lumières...
165
La dominante
La Poésie devint alors dominante. Elle s'imposa. La
puissance du poète commença à produire.
Le névrosé essayait de proposer un concept à travers sa
folie contrôlée. La Mort lui glissait à l'oreille : "Oui, tu es dans le
Futur. Décide de l'attaque pour gagner le Présent. Que t'importe la
méthode ! Le but est de vaincre. Tu sais ce que tu vaux. Fais
exploser la vérité."
tels propos ?
Je refusais d'entendre. Quel sens pouvais-je donner à de
166
Pourquoi travailler si faiblement ?
Pourquoi travailler si faiblement ? Les moyens mis à mon
service sont stupides et détestables. Voilà ce que je puis. N'est-ce
point ridicule ? Je cherche encore, tu vois, mais je ne trouve pas.
Qui appelle ? C'est encore moi qui supplie ou quémande.
Quel trésor ? Quel gaspillage ? Rien, te dis-je, mon travail est néant.
167
Je cours
Je cours d'une pensée à l'autre
(reliée par quel lieu visible ou invisible ?)
Une trouvaille, une solution explosée, explosant, proposée
à la raison dominante qui dit "Oui", qui dit "Peut-être", et qui
accepte enfin avec sa moue particulière.
Alors j'ouvre la bouche et je pousse sur de l'air qui au
contact de mes cordes vocales et de la glotte favorisent la
prononciation d'un sens. Voilà j'ai dit, j'ai parlé, et j'assume ma
phrase, ma remarque si stupide soit-elle.
Il rêve de folies perverses, de solutions insoupçonnées,
d'évolutions certaines, de décadences détestables. Il avance perdu
dans son dictionnaire des mots, accolant l'autorisé à l'interdit,
l'extravagant à l'insignifiant.
168
Je ne suis pas ce qu'Il voulait
Je ne suis pas ce qu'Il voulait,
ce qu'Il aurait voulu,
ce qu'Il avait pensé.
Aussi Il m'a fait maudire, détester, haïr, rater
Il me fallait faire poète avec emphase,
conviction, sensibilité et copinage
Il me fallait rencontrer, croiser, voir, discuter etc.
et tenter de convaincre...
Je suis peu, je suis ce que je puis avec insuffisances, mes
faiblesses, mes pertes, mes volontés de pouvoir, mes impuissances
d'homme.
Je hurle avec ma voix, mais qui m'écoute ?
169
Est-il des messages
Est-il des messages,
des communications, des signes émis ?
Oui, dans l'espace. Un mélange cosmique
De renvois, de réponses, d'appels, de supplications.
Pensées, planètes, atomes, la matière, tout
S'échange, se chevauche, se combine.
L'univers parle. Nous lui répondons.
Étoiles, lumières, pulsions électriques,
Nous sommes un signifié, un signifiant,
Seuil et uni à tous, à tout
Présents dans le vide, dans le plein.
Seule la voix de Dieu importe
Le reste est méprisable, inutile.
170
Je cherchais
Je cherchais constamment excitant la raison, implorant
l'esprit de pouvoir mieux. J'allais en moi-même supplier une
aumône d'inspiration qui refusait de jaillir pour éclabousser la page
claire de solutions rares et d'impossibles coups.
Mon lit solitaire
Mon lit solitaire est un lieu de débauches où le fantasme se
nourrit de l'image. Nulle femme ne vient y poser sa tête.
Je suis resté pour conserver le présent qui lentement
s'écoulait. Je l'observais seconde après seconde.
Sa main
Sa main brûlait d'espoir, espoir rapidement déçu. Il dut se
résigner à se suffire de son jeu. Pourtant l'obstination le fortifiait
comme un front de diamants.
171
Ma jeunesse
Ma jeunesse ne fut qu'une médiocrité de comportements,
qu'une incapacité à élever une âme secondaire. J'ai commis la bêtise
de m'essayer à une discipline inutile, ridicule et sans fond. Que
d'années perdues pour de si piètres résultats ! Il eut été plus
raisonnable de travailler assidûment la saine mathématique et de
délaisser tout cet assemblage de chimères et de songe-creux.
En nous est la misère
En nous est la misère, la pauvreté, la crasse et la bêtise.
Tout le travail consiste à se purifier, à s'élever pour atteindre
l'excellence.
Maison mentale. Nettoyer, balayer et beaucoup de Javel.
L'Oint reçoit le souffle de Dieu en lui.
172
Nuit, souffrance d’Oint
Nuit, souffrance d’Oint.
Et les murs de la chambre mémorisent les cris et les
déchirements que le poète ne peut écrire.
Le toit veut couvrir les hurlements qui tentent d'atteindre la
puissance des cieux.
Tout est présence d'ombres : le poète est maudit.
L'extérieur est détestable, seul l'oeil interne permet d'y voir clair,
avec un peu plus de lucidité.
Plonge au plus profond, saisis l'instant, la lumière dans ce
qui semble caché.
173
Qui l'entendit ?
Qui l'entendit hurler au ciel ?
Nul ne voulut crier à l'injustice, se détacher
De l'insoutenable et le porter dans un blanc linceul.
Ils attendent. Quoi ? Que les affres de l'horreur
Accomplissent leur ignoble besogne de douleur
Et de cruauté.
174
Énigme soufflée
Le vent lèche vicieux les chairs des femmes
Avec raison,
Je dors moi dans un ouragan de colère,
D'injustice,
Je tremble de haine, de passion,
D'horreur.
Son souffle s'unit au mien,
Nous nous fortifions dans le délire.
La fin du péché est espérée.
Est-ce raisonnable ?
Est-ce certitude ?
L'air claque dans ma chambre
Et ne sais que répondre.
175
La soie en écrin
La soie en écrin s'amoncelle,
Souffle tourbillonnant éclairé ;
Les légèretés fugaces imperceptibles
Fuient là-bas.
Les lignes de sperme iront féconder
Des chairs d'extase.
Des blancs, d'autres transparences,
De nouvelles puretés, par l'analogie,
L'image se déplace.
C'est simple comme une mémoire
De phrase musicale. Etc.
176
Endormi en chair de femme
Endormi en chair de femme
Mordu par la bouche blanche
Épanoui en soleil de blondeur
Douce exaltation du plaisir
Dans ton bel espoir de jouissance
Je me languis et je me perds
Nous éclatons en orgasme
Nuée de corps voltigeant
Ta folie n'a rien de sûr
O pluies d'images et de sueur
Qu'un lit pour nous cacher
Qu'une barque qui tangue
Comme des zones actives
Dedans et au-dessus
Baignés dans les brumes du vent
En jaillissement d'incendies
C'était en chair heureuse
Élevée en plainte délicieuse
177
Je frottai et travaillai
Contre les rondeurs des hanches
Fleurs et parfums aimés.
178
Blues (1)
Valérie, Valérie,
Me tiendrais-tu compagnie
Quand j's'rai un vieux poète oublié de tous,
Aigri et détesté
Quand j'n'aurai plus l'espoir d'être un jour édité
Fini, achevé, oublié,
Comme un poème à la mémoire fanée ?
(1) Great thank to Patrick Verbeke
179
Démonia
I
Elle plisse les yeux. Elle est claire, naïveté, nudité, supplice
de désir, dans l'attente.
Sa chair implore l'orgasme. Elle voudrait que toutes mes
fibres lui offrent la folie d'exploser.
Elle demande le fouet, la douleur rectale, dorsale, elle
pince ses lèvres, se fait chienne, lèche les pieds, l'anus, le sexe. Elle
crie, rampe, veut séduire, elle désire être frappée, humiliée, mais
que puis-je ? Je la domine, je la prends, je cherche le point
maximum, je l'écoute attentif. Je suis seul. On devrait être cinq à la
foutre.
Que peut l'orgasme ? Que peut le sexe ? Jusqu'où fait-il
aller ? N'est-ce pas plutôt dans l'éclatement interne, de la cervelle
éblouie ?
180
II
Dans l'espace hurle la femme, de jouissance, de souffrance,
de supplication, folie de chair que je ne puis dominer, bouche
baveuse implorant et quémandant des sexes à engouffrer, zone
rectales offertes au plug, à la prothèse, au manche de fouet.
III
Encore au pied, à la soumission, à la chair battue, humiliée,
aimée, chauffée par les lanières, pour le plaisir.
181
Il y a la chair fébrile
Il y a la chair fébrile
quémandant l'orgasme
Qui offre sa poitrine
La chevelure est claire
c'est bien
Tu es vêtue de nudité
Soleil dont je me délecte
le temps s'oublie.
Sur un océan de draps
comme vagues bleutées
tu es sirène d'ange
entre houle, flux et reflux
souplesse et résistance
tu balances le mat de chair
pour le délire et le vertige.
182
Plus fluide qu'extase
Plus fluide qu'extase
ma pensée glisse, fuit, réapparaît
en moi-même,
et veut se fixer entre les yeux
au centre de la raison
pouvoir de la conscience,
prétend-elle.
183
Obéissance
Excite-moi, trouve, permets-moi d'accéder à un effort
nouveau non pas dans le répétitif d'hier, mais dans l'originalité, dans
l'invention de la Muse imaginative !
Alors je cours à droite, je vole à gauche plus zélé qu'un
merle à la recherche de quelque nourriture pour sa petite famille,
bondissant comme de la prêtraille prête à obéir par l'amour du
Christ à la hiérarchie ecclésiastique... Je bondis ! C'est cela ! Je
bondis !
184
Glorifié sur son séant
Glorifié sur son séant, le jour s'impose
Statue blanche élevée,
Dominant et royal
Il y a certitude de grandeur, d'élévation,
d'exaltation,
Cette vérité est belle
Comme fille épanouie
Là-bas la mer lèche, et va à l'assaut
de la côte comme femme qui embrasse
le pubis d'une autre femme,
doucement, régulièrement
en salive d'écume
Puis se fait araignée blanche
Le soleil chaud et lourd
Exalte sa couronne d'or
Et se répand au-dessus de la mer.
185
Durée
Le présent est éternel
Constante est ma douleur
Elle est là depuis l'origine de mon écriture
Le Souffle vient à passer,
Elle dure encore
La souffrance est sans âge
Dans la Lumière, ai-je quelque espoir ?
Cris et plaintes se superposent
dans la nuit du jour
dans le jour de minuit
Éclate la prière
Qui entend ?
le présent est éternel
Constante est ma douleur.
186
Tout en soi-même
Tout en soi-même, il a cherché
Souhaitant extraire,
Ou pénétrer au plus profond,
Désirant se délecter
De sa propre substance
Il pensait s'endormir
Dans l'ombre immense de sa chair
Reposer dans un lieu de bien-être et de quiétude
Le temps disparaissait
Inutile d'angoisse et de crainte
Son être s'épuisait
En secondes lourdes de jouissance
Son être était apaisé
L'âme était dans le corps
Le corps était dans l'âme
L'esprit voulait-il revivre ?
187
La raison se dresser, penser
Et encore exploser
Beauté transparente d'idéale ?
Dans l'inconnu où naît l'impalpable
Où commence l'insignifiant,
Le grain de sens s'écoulait
Pour aller se baigner dans sa source claire.
188
Les yeux hurlent
Les yeux hurlent, les mains arrachent
des lambeaux d'espoirs quémandés en prières
Il suffirait de peu
pour qu'un miracle libère
le torturé, le persécuté
L'ombre entoure de son lierre invisible
le saint en attente
sa vacillante carcasse
hurle sous la douleur de Satan
Ô double foyer de lumière,
entendras-tu ?
En bas là parmi le troupeau de bipèdes
Il y a saignement...
Chez les hommes, nul vulgaire ne croit
Comment voir, toucher des formes délétères
Épées enfoncées dans la chair ?
189
Douleurs
Je ne le pourrai pas ! Quel sens alors donnerai-je à cette
œuvre faussée, transpercée d'aiguilles, battues et fouettée par la
mort, qui chaque jour renaît de sa douleur, et transpirent les affres
du condamné ?
Ainsi, à chaque seconde, comme saignements blancs et
invisibles, de mes plaies de sanctifié abonde la pureté de l'innocent.
La haine vient et nous luttons, moi Christ inconnu, elle
brigand ou voleur de part et d'autre de ma chair. Elle s'agrippe,
s'incruste et m'agresse.
C'est le sang noirâtre dans l'extase du béatifié. Encore.
C'est le hurlement du torturé dans la lumière divine.
L'avenir grec et romain
S'épanouit pourtant
Le bassin méditerranéen
Me nourrit de culture - je poursuis -
190
Mots
Mots, impossibilités d'associations, de combinaisons
défuntes, tirés de la cervelle féconde, tentatives difficiles du
langage, entre les bons coups et les risques insolites, solutions
accumulées sur la page stérile, qui veulent s'enchaîner les uns aux
autres.
On cherche, on s'épuise, on croit découvrir et cela semble
peu, cela semble ridicule. Mais comment penser autrement ?
Trouver d'autres exigences.
Insistance de cette raison où éclatent des offres poétiques.
Cervelle nourrie de laitance d'autrui après avoir malaxé ce vrac de
syllabes.
Puis cette armée de substantifs, pronoms, verbes dans ordre
et désordre, petits soldats obéissants ou cavaliers solitaires.
191
Mots extraits
Mots extraits, tirés de quelque néant, là tout proche, qui
semble éloigné pourtant. Combinaisons audacieuses ou insolites qui
se croisent ou s'encastrent en une phrase parfois. Les solutions
s'enchaînent, semblent former une ronde organisée par la main du
poète. Ainsi se conçoit l'acte sublimé dans sa petitesse, dans sa
grandeur aussi.
C'est geste solitaire d'une plume habile qui prétend animer
un dialogue interne.
Tu organises un songe et tu veux y régner.
Accède à l'impossible.
Nourris-toi de la chair sublime du poème.
192
Les civilisations
Les civilisations sont des germes. L'Histoire se meurt, tout
est ridicule, excepté Dieu. Le Temps lui appartient. L'avenir est làbas.
La science est la belle certitude vraie, instrument de
propreté, de vérité. Le reste est chimères, niaiseries de poète. Qui est
athée est fou.
Ceux qui croient en une option d'avenir comme couronne
de triomphe sont les grands gagnants. Ils ne connaîtront nulle
surprise au jour de la mort.
193
Le jour répand
Le jour répand sa chair transparente. Je me baigne dans la
lumière légère. J'aspire, je souffle, rythmes lents, rythmes courts. Je
suis un battement qui vit.
J'occupe l'espace à présent. Je voltige sur mon corps et je
prétends atteindre le soleil. Sa lumière me brûle l'épiderme.
Splendeur d'une envolée, j'atteins l'orgasme. Observe-moi monter.
Dis-moi qui je suis à présent.
194
Espoir que je détruis
Espoir que je détruis
Le Néant m'aspire
Où la fille s'ouvre
Je suis, ne suis pas
La pensée m'élève
Vers les cieux, éternel
Nul autre que moi
N'a subi cette loi
L'aigle royal et noir
M'emporte dans ses serres
Moi messie maudit
Nulle chair dans ma chair
Sur la couche chaude,
Moite de fantasmes pervers
195
Aigre et dévêtu
Je plonge dans mes recherches
Pour le poème futur
Endors-toi en ton âme
Où la raison excelle
Ô coeur vert d'avenir !
Ô la sève exaltante !
Par la mort qui t'observe,
Tu es le vainqueur.
196
M E S S A G E S II
197
Tu peux hurler
Tu peux hurler, personne ne daigne t'entendre. Tu es un
chien dans le caveau de l'indifférence.
Puisses-tu te rassasier de ta propre substance, de ta
connaissance éternelle et infinie qui gît là au fond de toi.
Mettre charrue avant paire de bœufs, puis exciter
l'animal avec l'aiguillon en l'accusant de ne point avancer.
La condamnation tyrannique de l'au-delà. La foudre
s'abat sur la maison et torture le sacrifié pour les délices de la
cruauté.
La rosée n'a aucune durée, elle disparaît aux premiers
rayons. La pluie bénit.
198
Nous sommes des résidus de chiens méprisables et
inutiles. Nous ne provoquons pas même la pitié. On nous
conseille de faire autre chose, de cesser de produire de telles
aberrations. C'est le : "Jette-toi, t'es nul !"
Le soir apporte son flot d'inspiration. La nuit est chargée
de pulsions invisibles, nourrissantes et sublimes. Il faut apprendre
à capter.
L'oiseau de sang chante mal. Il hurle, puis se meurt. Qui
a cherché à l'entendre ? Vous seules, feuilles attentives, écoutez
son délire.
Un zonal avertit constamment le poète à obéissance : "Il
faut produire, nourrir le livre de substances nouvelles, le fortifier,
lui donner croissance."
199
Encore
Maintenant que l'esprit a charrié ses tonnes de vomis, de
pourritures nauséabondes, maintenant que vous vous êtes repus de
mes délices stupides, de mes souffrances détestables, que puis-je
vous inventer ?
Je cherche encore à transformer le mensonge, à feindre à
des réalités insoutenables, etc.
200
Une idée vraie
Une idée vraie m'éveille, m'éclaire, s'unit à ma raison
pour former un couple de certitude, de vérité peut-être...
Du moins il y a doute, car l'esprit s'impose, propose sa
loi avec ses principes, son fonctionnement. Il y a jugement,
volonté de peser, de balancer, puis choix.
Mais tout cela se produit en un instant imperceptible, à la
vitesse inouïe du phosphore, qui cogite là dans cette espèce de
conscience qui veille sur la mémoire.
Alors qui dit vrai ? Qui détient la certitude ?
Dois-je raturer, rejeter ou reprendre lentement marche
sur marche, step by step ?
Ou fondre désespérément et laisser la rumeur embrasser
le cerveau qui attend ?
201
Assailli
Toutes les nuits, je suis assailli d'étonnantes présences. Je
les sais m'effleurer invisibles et impalpables. Je m'amuse alors à
communiquer, à échanger quelques propos. Sur ma droite, une
sorte de fantôme débile ; sur ma gauche, son frère d'instinct,
hélas. Ce sont des masses volatiles et pesantes, agressives et
violentes. Je ne puis les chasser, je les subis, je les supporte, je les
tire comme des boulets.
La haine m'enveloppe, me frappe de toutes parts.
202
Les deux maîtresses
La nonchalance d'esprit s'évade mollement. Sa libre
indépendance évasive et nue s'élève par ronds successifs pour
atteindre une mémoire de souvenirs, de confusions, quand tout à
coup la rigueur intellectuelle décide d'une obéissance, d'un
principe de loi, d'une obligation de raisons.
lucidité ?
Vers laquelle de ces deux femmes, vais-je tendre ma
203
Je lis Paul
Je lis Paul. Je caresse le papier. Comme je voudrais
valoir plus ce que je vaux ! Comme je voudrais être au-dessus de
moi-même !
Je suis peu, et je ne suis que cela ! Misère !
*
Je ne vois pas la mer, je dois la penser, l'imaginer, dans
sa forme flasque, avec sa couverture agressive puis dormante.
Mais où la respirer ? Comment l'entendre ?
204
Surgissent
Surgissent
Des spectres royaux
Couleur d'ambre.
C'est instant interdit
Peut-il se saisir,
A-t-il quelque durée ?
Le silence de l'astre mort
Est repu de mémoire.
Il plonge sa lumière laiteuse
Et lèche abondamment
Les vestiges invisibles de mon âme.
Lune de femme, pensée enfouie,
Le sang rimé coule de ma bouche.
Les blessures se répandent en cascades
Dans ma cervelle effarouchée.
La nuit ne dort pas,
Elle conçoit le fruit par son imaginaire.
205
Beauté, je te propose le poème
Beauté, je te propose le poème dans l'expectative du
gain. Observe-moi, je ne suis que misère. Donne-moi l'espoir de
te séduire vers la couleur acide du chant. Je te déçois ?
Qu'importe ! Je poursuis.
La qualité du texte m'horripile. Debout scrute et analyse
la raison, maîtresse de l'élève poète.
Le ciel est sang, le soleil est espoir. La lune est presque
bleue, là-bas, lointaine. La fusion engendre le poème, la
combinaison favorise le mélange des couleurs. Alchimiste de la
nature, je dois composer.
grâce.
Notre désir retenait la chair jusqu'à lui faire implorer
Un tourbillon d'oiseaux apporte la fraîcheur du poème, et
voltige obéissant à ma voix.
Tiens mon espoir tendu comme une offrande, porte-moi
vers les échelons supérieurs, ô l'Inassouvie. Le désir de gagner, la
206
folie d'engendrer me porte encore. Le livre blanc est à remplir.
Travaillons.
Trop consciente de sa petitesse, de son insuffisance,
coeur bariolé, vitrail de poète, la pensée cherche à se détacher de
sa certitude de perte. C'est un noir soleil qui gît à mes côtés. Il
illumine de son néant ma vérité. Ai-je quelque espoir, ailleurs, làbas
? Aurai-je un avenir ?
207
Femmes décoiffées
Femmes décoiffées
Épanouissement de roses
dans la clairière céleste
Voltigez tourbillonnez
danses nuptiales de papillons bleus
Luxe de blondeurs, envolez-vous
Vous êtes emportées par le vent.
208
Poète
Il inventa un pur visage
poudré d'ombre et de lueurs carmin.
Il s'exila derrière l'impossible mémoire
détruisant sa face réelle
refusant le reflet vrai du miroir sacré.
Il s'imprégna de mensonges,
d'idéal transfiguré
puis les rides sillonnèrent les traits de sa face
il s'exécuta, on l'immortalisa.
209
Mon avenir
Mon avenir est-il certitude ?
Qu'est-ce à dire de l'immortalité ?
Les mots s'accrochent, les pages se succèdent,
Je suis vivant reconnu par les Dieux et les morts,
Je suis une parenthèse dans l'univers des ombres.
Qui a lu, qui lira ?
Terre de souffrance
Terre de souffrance
visage de douleur
couronne d'échecs, de haine, de faisandeur
Poète percé,
humilié
la mort l'observe.
210
Parler avec soi-même
Par la fente on observe
L'instantané passer
Comme des particules en suspension
Dans un rai de lumière.
Il y a l'imperceptible presque,
L'inaudible, l'improbable et le doute
Qui s'entrecroisent, se juxtaposent
Et tentent de cohabiter.
Au-dedans, il y a des sortes de tentacules
Légères, invisibles et silencieuses.
Elles prélèvent délicatement les propositions offertes.
À l'extrémité de leurs doigts sont des yeux
D'une acuité visuelle extrême,
Ils touchent, voient et palpent,
refusent ou prennent.
A quelles raisons, décident-ils ces doigts ?
Qui ponctionne, qui retire ou exploite ?
211
À l'extérieur, on peut supposer
Qu'il y a un front, sorte de muraille,
D'épaisse Carcassonne. Mais dedans ?
Là des idées changent de formes
Sont acheminées, transmises
Par un dialogue intérieur,
Par une activité électrique encore inconnue.
D'autres d'espèce chimique
S'évaporent, disparaissent pour s'associer ailleurs.
C'est donc échos, lumière déversée,
Brassages d'images, fluidité de désirs,
Maîtrise temporelle, échappée de seconde
Segments, fragments de bouts, de propositions,
Associations contrôlées, libérées.
L'esprit extrait des mots, des groupements.
Qui fusionne, qui combine ?
Les ressemblances épousent l'analogie
Et le contraire se juxtapose rapidement.
212
Le mensonge tire son origine de la vérité,
La vérité tend vers la sagesse poétique.
Parler longtemps avec soi mène à quelque chose.
213
Nuit
Nuit
Comme un front rempli de torpeurs
De lumières sombres, d'accidents éblouissants.
S'éloignent, s'entrecroisent les feux
Et les phosphores dans les miroirs de la raison.
Encore la sainteté avec pureté d'ailes blanches,
Avec écrasement et douleurs infinies.
Le ciel ouvre les murs
Et apparaissent les Dieux, Beauté et Beauté.
Retours au travail, en soi, par autrui,
Par Eux, par la blancheur spirituelle.
214
Par toi
À Octavio Paz
Bleu fuyant en rafales claires
souffles d'air
L'esprit tourbillonne
s'élève irrésistiblement
et embrasse l'air cristallin.
Parmi les hauteurs de l'estime,
ai-je quelque valeur ?
Je suis dans l'ignorance du savoir
possédant un pactole de syllabes.
Ma pensée soulevée
dévale les collines de l'évidence.
J'habite une bulle de mots.
215
Je suis sans être
Je suis sans être, épanouissement de mon néant,
plénitude de mon vide.
Puis je plonge dans ce lac de pensées
Où grouillent confusément les perceptions du langage,
Où les grondements entendus
Par l'alchimique opération
Se transforment en cristal de musique.
Apparaissent les vagues successives d'analogie,
Images dérisoires ou sublimes symboliques.
Les concepts et leurs contraires participent
À la construction du raisonnement.
Les symétries, les parallèles
S'entrecroisent et s'imposent.
Jusqu'à l'effacement final
Pour la mort du poème.
216
L'écho
Je suis infiniment rien,
Je plonge dans le néant.
Au-dedans de moi-même,
Je perçois un lac de mensonges.
Le vertige porte mes pas.
J'écoute une parole conçue et pensée
Par l'imaginaire, par la raison, par la folie.
Les mots pensent pour moi,
Je suis l'écho qui projette une rumeur.
217
Visage
Visage tailladé,
Le temps l'éprouva avec ses armes.
Puretés des traits : autrefois, hier.
Su quel versant de la face,
Stigmates et rides profondes ?
Douleurs de la mémoire,
La souffrance s'incruste,
Et dure jusqu'à la mort.
Effrayante cicatrice,
Le temps pénètre en soi
Et croît jusqu'au souffle final.
218
Constance
Le présent est douleur
La chair est usée par la souffrance
Ils sont là depuis l'origine
La nuit vient à tomber, ils sont là
éternels
De cruauté, de vice, d'ignominie
Constants dans le Mal
en horreurs de tortionnaires.
Éclatent
Les hurlements de l'innocent
Le prince est percé d'aiguilles
La nuit implore, pour qui ? Pour quoi ?
Le présent est douleur.
219
Le miel du poème
Plus pure
Que cette transparence de sainte
Entre mes doigts, l'hostie du Fils,
Ma nourriture céleste.
Par l'élévation,
Par la transformation de l'esprit de chair
En blancheur de corps.
Je suis né pour apprendre à mourir,
À partir pour là-bas, plus loin.
220
La chaleur
La chaleur écrase la saison
Le juillet éblouissant
Jeune couronne d'été
Agonise de fatigue,
Alourdi par la masse pesante du soleil.
Nul désir de chair
Les entrailles brûlent mais supplient la glace
La lumière se répand dans ton corps
Tu es ouverte comme une fleur.
La braise se précipite en toi
Le feu gronde, tu implores
Tu resplendis d'extase
Offrant tes seins vainqueurs.
221
Aubes claires et bleues
Aubes claires et bleues
suspendues de rosée
miroitant sur les éclairs de neige.
Amours de cristal enflammées
de topaze, de flammes comme des fluides
qui circulent lentement dans l'éther.
Vols d'oiseaux qui déchirent
l'infini azuré
battements de soieries
légèretés caressées
dans l'idéal du ciel
tourbillonnez encore
pour l'espoir du poète etc.
222
Dans la plaine chimérique
Dans la plaine chimérique de la poésie, j'ai écouté
l'espoir se poser. Là, humilié et stupide, j'étais une pensée verte
dessinant une route. Elle naviguait à travers la mort et atteignait
son but. Avenir tracé dans l'air inconnu.
223
La tempête
La tempête arrache des lambeaux
Je prie la foudre entre les yeux
La folie du vent m'emporte dans l'horreur
Tout est dévasté
là au coeur de la pensée.
Le souffle enveloppe
les spasmes de la raison.
Il faut éteindre le feu
qui brûle le cerveau.
Je me consume sans passion.
224
Vagabond
Je me suis aventuré sur les bords de la raison, moi poète
stupide, illuminé, nourri de chimères et de folies dangereuses.
La rumeur
Entends le souffle de l'espace,
C'est la rumeur pour le bel été !
La quantité, le temps
Qu'est-ce qui me suffirait ? Quelle quantité ? Quelle
limite ? Que me donnera Dieu ? N'a-t-il pas suffisamment autorisé
de ponctions, de prélèvements injustement subis ?
Le temps n'est pas sur mon côté, patient et lourd, de
secondes chargé. Il est l'ennemi de Baudelaire, celui qui
constamment répète : "Souviens-toi, souviens-toi."
225
Jeunesse
Innocence du savoir
certitude d'une vérité
il faut apprendre
accumuler
gagner du temps
avoir en point de mire la mort,
la mort constante,
comme une araignée prête à saisir
à prendre
à détruire la vie.
Ne pas se tromper,
Aller très vite
Et vaincre.
Vers quel avenir ?
226
Antagonistes
L'esprit purifie
la chair convoite
étrange couple antagoniste
sérénité de la profondeur
tourments de la passion
L'esprit s'abaisse, la chair s'élève
Le point d'accord
est la raison de la jouissance
le plaisir de la sagesse.
227
Gain économique
Produire
Produire
constamment et sans cesse
Produire et mieux
À coups bas, à coût réduit
dans la transparence du génie
Toujours ajouter sur le savoir
sur la compétence
sur la certitude
sur la vérité.
228
L'homme supplie
L'homme supplie inexorablement,
L'homme dont l'esprit grandi par l'imagination s'épuise à
extraire, cherche à se délivrer par la pensée, source et
jaillissement.
L'homme qui s'élève dans sa croyance, qui accède à la
construction interne, à l'architecture souveraine.
À lui, la certitude dans la venue du Verbe.
Accumuler encore dans la surabondance de la création,
fouetter le sang des neurones pour tirer encore du suc, de la
connaissance, de la lumière.
Je porte au doigt l'anneau de voyance et au poignet le
bracelet de vérité.
Dans la conscience de ma médiocrité, l'œuvre est
détestable, à bannir constamment.
229
Limite
Je sais trop bien où se limitent mes insuffisances, claire
certitude de ma vraie conscience. Le soleil noir resplendit dans
ma chair. Au plus profond de moi, il y a immense visibilité.
Question
Es-tu ma chair ? Ma chair conçue pour accéder à la
jouissance ? La violence du mal te réduit à la douleur. Le temps
de la prière est inutile.
Es-tu ma chair ?
230
Sanctification
Une nuit, j'apportais ma Félicité, apparence parfumée
d'oiseaux insaisissables ! Nul ne me dictait le mouvement ailé que
ta main agitée caressait sur mes tempes humides. Dans les
souffles du désir, les éclairs du ciel s'étaient soulevés, et la
jouissance obtenue semblait alchimie d'orgasme.
Je tourbillonnais sur moi-même et compris enfin le
langage des sens. Mes folies d'agneau blanc s'élevaient vers
l'innocence. L'haleine pure buvait le consentement idéal.
On me remit l'anneau de clarté et de transparence. Je le
porte à mon doigt tel un diadème éternel entre le feu intérieur et la
constante élévation. Je me place nettement, je suis l'Époux
nouveau. Je redescends lentement parmi mes frères.
Salut à celui qui atteint ce principe spirituel, qui marche
à ses côtés. Il passera par le creuset du feu.
231
Renouveau
À présent, enfuis-toi bien loin, ma probabilité d'échec,
dans la distance de l'inconnu.
Le vent ailé vient à détruire l'injustice.
Ma violence tourbillonne et soulève ses feuilles.
Tout me séduit : je comprends enfin.
L'été est lourd de distance à la source.
La merveille ensoleillée est une aura poétique.
Je suis semblable à toi.
Au bord de mon vertige, je prononce ton nom,
J'embrasse mon idéal d'existence.
Enveloppé d'extase, ceinturé de vapeur,
J'accède à ma renaissance.
Dans ma durée certaine,
Je prie le renouveau,
J'implore l'image par l'Esprit et la Présence.
232
La beauté d'Hélène
Je voltigeais dans le souffle de l'air, refusant la station,
ignorant le refuge où se concevait la femme. Des tourbillons épars
portaient dans leur poussière la chevelure royale d'Hélène. Sa
beauté s'imprégnait d'idéale de roses. Sa silhouette impossible
allait boire aux fontaines.
La brume neigeuse enveloppait son corps dans la
transparence inouïe de lumière messianique. Je m'évanouis puis
m'éloignais de cette persévérance sphérique, sublimation de son
image charnelle.
233
Envole-toi !
Maintenant que tu as sacré le printemps de ta jeunesse,
entre dans l'avenir de ta cendre, moissonne la gerbe d'or à
l'horizon cristallin, offre le don, restitue-le pour ceux qui
t'entourèrent dès ta naissance.
puissant et sage.
Que le Dieu te fortifie, toi roc de diamant, au front
Ta bouche hurle et s'indigne ? Ta voix porte le savoir et la
vérité ? Ton esprit de certitude cherche une nouvelle innocence ?
Envole-toi !
234
Grands esprits
I
Et vous, grands esprits qui vous nourrissez dans de plus
hauts savoirs, vous abaisserez-vous quelque jour dans les lueurs
du Cercle, au milieu de la certitude humaine construite sur la
chimère poétique ?
Remplie de songe, notre pensée sur le versant du déclin :
l'image belle et naïve comme une aube de fille sainte pour le
mépris des hommes, l'image constamment renouvelée comme une
recomposition de la ligne et du déplacement : libre dans son
nouveau concept pour l'esprit et pour la chair de l'homme, l'image
comme une nourriture de l'intellect...
La mémoire funèbre du poète ne voltigera plus autour du
sinistre monument ; l'éternité vivante encombrée de lourdes
palmes glorifiera son âme inconnue... Utopique ! Mes lèvres
prononcent de fausses paroles.
Est-ce sourire de raison qu'offre le visage ? ... "Cela ne
se peut ! Cela ne se peut !". La fille Muse est fête en mes songes
235
comme fiancée gracieuse, fiancée blanche jamais lue et ignorée
de tous.
Répands-toi, ô brise claire, mon avenir ! Que ma ferveur
me porte ! Que ma ferveur me porte !
II
Et cette fille chez les esprits supérieurs :
"Poésies ! Poésies ! Pensées errantes sur des images
circulaires, surgies de l'inconnu, par le souffle hautement aérien,
la phrase s'exile et s'offre belle de nourriture..."
D'autres filles dans les escarpements de la raison
invoquent des certitudes.
III
Souffles offerts par la fille Muse :
"Triste amertume ! Triste amertume ! Où se répand le
236
parfum exhalé du ciboire ? Où puis-je respirer le chrême de
l'esprit nouveau ? Enfouie à tout jamais, l'image ne saurait être
renouvelée ! De la pensée obscure, jaillirait-il quelque essence
purifiée ?
Et vous, sœurs de l'absolu, sur quel homme se pencher ?
Filles, belles de chair, à qui proposer le plaisir ?"
- Nous ignorons ! Nous ignorons ! Qui épanouit nos
songes comme un soupir aérien ? Qui distribue le son parfait à
l'oreille câline ? Cherchons.
Nous nous sommes promenées sur le cercle en chair de
femme, sensibles à l'appel. Vers les pensées fugaces de l'éveil,
pour les premiers essais de la raison. Nous avons dansé et marché,
faisant ronde riante.
237
La soumise
Plaintes de femmes dans le mugissement du plaisir, râles
de femmes dans l'orgasme de la nuit, qu'il est doux d'entendre
femmes pleurer d'extase, de voir le bonheur versé sur les larmes
de l'amante !
Toi, le Dominateur qui prends et qui exiges, observe ton
esclave suppliante et comblée.
Soupirs de femmes mêlés de chevelure et de salive, amas
de chair fraîche, quémandant une ivresse, douceur plaintive, ô
mon délice, quel corps allongé fut plus aimé ?
Mon maître, mon sublime supplice, vois, je t'implore
encore, moi femme soumise et dominée !
Femme suis prise et à prendre en tout endroit où me
pousse ma convoitise, à la recherche de l'Amant. Qu'il piétine,
qu'il meurtrisse sans offenser, sans blesser ! La chair est offerte, le
corps s'ouvre, nulle gène, nulle honte. A toi, prends-moi avec
décence, prends-moi.
238
Oui, moi, soumise à ta puissance de cheval fougueux,
implorant tes saillies et tes reprises en ma chair ! Oui, toi, mille
foudres explosant d'orgasmes et de sel liquide !
Ô maître qui commandes et ordonnes, tu sais trop bien
l'usage des larmes, des plaintes de jouissances ! Pourras-tu apaiser
ces lieux à dilater, à soumettre et à prendre ? Vois, je t'implore.
J'implore ta langue, ton souffle chaud, consacre-moi à ton
supplice telle une offrande royale.
Frapperas-tu, Maître divin ? Espoir du délice, chair à
prendre. Délivre mon impatience, je ne puis implorer plus
longtemps.
Tu frapperas, promets-le ! Avec puissance, ta réponse
sera forte. Parle-moi, ô mon tyran. Et avec plus de prise,
m'assailles et m'enveloppes.
Tu frapperas, ô mon despote ! Entends hurler l'esclave
qui pousse un grand cri déchiré de femelle à sevrer. Le corps
s'écroule et veut être comblé. Par-delà l'interdit, pénètre-moi
encore. Que j'explose radieuse, illuminée !
239
Toi, mon Dieu, viole-moi par le délice du viol, arrache à
ma raison le hurlement de la femme dilatée. Emporte-moi là-bas
où la raison divague et nourris-moi encore d'images à transformer.
240
Paroles certifiées
Paroles certifiées de la Muse expressive :
Ô sublime amertume ! Que d'aigreurs tournées et
retournées dans le fond de ma gorge ! La plus belle des femmes
vit dans l'adversité ! Elle n'est point reconnue, et sa chair
splendide est méprisée de tous !
Pourtant certains hommes, amateurs du beau, ont dit :
"Nous l'avons vue, superbe et voilée. Nous savons qui elle est,
longue et grande, à la hanche féconde. Sur son visage, coule le
Chrême."
Hélas, elle en est à se mépriser, à se dénigrer, ne sachant
plaire, ne pouvant séduire la tribu des savants. Ce ne sont que des
vieillards édentés et tordus qui se prévalent de déterminer le beau !
Ô Mère des Muses, je t'implore dans un songe et te viens
demander quelque justice !
La honte pend à mes flancs comme un sceau d'injustice,
la bouche perverse d'autrui est une plaie aux lèvres fausses ! Ha !
241
Comprendre ! Me comprendre !
242
Conflit interne
Point d'étonnement : tout est faiblesse,
Médiocrité, résignation
Le poème se fait verbe avec petitesse.
Pauvre secret de l'ignorant,
Vide secret sans espoir à l'intérieur.
Les mots n'existent pas, et je le sais
Le Latin, ignore, le Grec, ignore
La grammaire, la structure, l'analyse,
Tout cela est galimatias,
Mélange ridicule nullement pensé
Le "Rien" produit, mais quoi ?
Et l'autre dit : J'habite ce poème
Il prononce des sons
Il vibre avec ses échos
N'y a-t-il point paysage de structures,
Infini de mots là-bas dans le lointain ?
Mes yeux s'en nourrissent,
Mes oreilles reçoivent leur accord.
Ils explosent dans ma chair,
Dans les lieux du langage,
243
Ils voltigent et s'évadent
Écoutez-les un peu.
244
Les démons
Est-il des espoirs ? Non,
La chair est transpercée par la mort ;
Telle est mon existence. Dans l'air invisible
S'agitent des démons.
Avalanches d'appels, de supplications - rien.
L'espace produit se nie
Par sa souffrance même.
Ô violence, en prescience d'existence,
Tandis que l'esprit ne possédait
Nulle capacité aucune !
245
Conscience
Maintenant que les espoirs trompeurs, les miroirs de
mensonges se sont épanouis dans nos âmes, nos certitudes
d'autrefois deviennent les fondements de notre pensée. Papillons
fouettés par le vice imposteur, agenouillés et suppliants, nous
quémandons le droit à la vérité. Durant un temps immense, nous
avons cru à nos chimères poétiques, nous avons léché le sang des
muses dominatrices, et enfin la raison nous a éclairés de sa
gigantesque lumière. Voici la mort brutale, et nous croupissons
sous l'humus de nos misères encore emportés dans la fausseté
poudreuse de nos folies de songes creux.
246
Mon lit
Mon lit est un lieu de torture. Nulle femme n'y repose en
paix. Comment voudrais-tu y jouir, bel amour ?
Je me suis enfui, je reviendrai pourtant.
jamais.
J'inventerai un profond sommeil pour t'endormir à tout
247
Fils, Fils
Fils, Fils qui tiens très haut le cri de ta naissance,
l'assemblée est en marche vers le Père ! Vigne écrasée, vin
répandu pour toute chair, espoir éternel d'un meilleur, oui,
élévation vers la grandeur, vois je te rends hommage, et cela est
peu !
Toi, l'homme parfait, tu me purifies, maître puissant. Et
tant de souffle m'emporte, tant de vérités m'apparaissent sur la
voile tendue de ma certitude ! Mon esprit s'offre, mon cœur
s'ouvre frais comme vierge à aimer. Il y a saveur de sel et de
souffle mêlés, il y a sang de douleur aussi.
248
Les poétesses sont venues
Les poétesses sont venues, porteuses de sublimes
sacrements. Se sont offertes aux aspirants dans leur quête de
nudité et d'idéale de saveur. Ont souri de leur bouche belle,
offrant leur chair de filles rares. Et la pureté de leur déplacement,
la légèreté de leur marche étaient fruits que l'on vénère, parades
que l'on admire : "Nous sommes filles du ciel, et voici nos chairs,
voici nos chevelures, voici nos cuisses. Nos ouvertures sont
propices aux passions et aux drames. Voici, prenez !"
Elles riaient de leurs dents superbes, elles évoluaient et
tournoyaient, fabuleuses et immortelles. Elles éloignaient l'ombre
noire et voulaient glorifier l'écrit.
Elles jouaient encore, et certains hommes tentaient de
mêler leurs voix aux sonorités cristallines : "Ah ! Nous avions
mieux espéré du mâle assoiffé de perfection ! Offrons nos
poitrines, accordons-leur nos croupes sinueuses. Sur nos fronts,
que sauront-ils composer ? Ô mère superbe, qui donc faut-il aider,
qui doit accéder à la perfection de nos larmes ? Nous faudra-t-il
249
sur la scène théâtrale accéder au tragique de nos dires, exalter le
divin de nos souffles pour honorer le héros, suppliant la mort sans
espoir de conquête ?"
250
Le veilleur
Je suis seul et n'ai nul souci de femme, de miel de
femme, d'ivresse de salive mêlée au rire. Je somnole ou vigile,
attends la venue des Dieux.
Point d'amour, point de poses lascives aux images de
songe. J'écoute s'épuiser la nuit, je l'entends lentement se déchirer
pour disparaître.
Point d'amertume dans leur folie du rêve. Voici le souffle
clair porteur de l'ondée matinale. La fraîcheur s'élève.
J'attends. Qu'ai-je vu ? J'ai voulu aspirer ce mélange
d'herbe et de saints chrêmes. J'ai vu se dilater les parfums aériens
caressant la narine palpitante,
J'étais à la recherche de la vendange prospère, point
foulée, mais mystique qui enivre dans la chair même de l'être son
exaltation céleste.
lune basse.
La lune semble plus rouge là-bas dans le ciel bigarré, la
251
Celui qui veille encore espère l'aube laiteuse, visage de
fille vierge dans l'éternel renouveau.
Je veillerai ce soir encore, de quoi aurai-je souci ?
252
Les femmes aussi sont venues
I
Les femmes aussi sont venues aux bords des fenêtres, les
bras remplis de livres blancs.
"Ces livres purs, ces pensées encerclées, qu'en ont-ils faits ?
Où sera leur avenir ? Vers quelle issue fatale ? Leur limite, quelle
est-elle ? L'avons-nous embrassée de notre regard impérial ?
Conception supérieure, vous mentez ! Poètes, vous êtes
des traîtres ! O substance ! Faiblesse de médiocres, bouquets
arrachés et brûlés ! Le vent réveille les Parques, la plume
emportera l'essence de vos noms anodins !
La fleur est sans arôme, la lecture illisible aux portes de
la raison. Une immense tristesse envahit nos visages. Nous ne
savons en qui espérer."
La Mère était parmi nous. Nulle n'osait l'appeler. Et la
foule de femmes s'éloignait des terrasses de marbre.
253
"Se peut-il, se peut-il que pas un avec l'astre divin à sa
porte ne puisse nous prendre et nous exalter ?
Tout l'aveu de notre chair dans l'intime de la transe
quémandait en vain. Et cette exaltation accompagnait des cris de
rage dans un corps jamais possédé !
Un soir d'incertitude nous promenant à travers le parc de
l'oubli, nous avons vu le Maître, bel homme campé sur ses pieds.
Et nous voici soudain du côté de son miroir. Nous espérons le
voir croître.
Femmes très pures, passerons par la fenêtre, les bras
remplis de livres ? Quelles seront nos issues ?"
II
"Hélas ! Hélas ! Notre cri est un cri de détresse ! Qui
donc servirons-nous ? Quel sera notre Maître ? Nous visitons de
chambre en chambre, avec la lampe vacillante le lieu parfait où
resplendira le savoir, et nous cherchons encore.
254
Pour quel maître de pensée, pour quel esprit à
l'intelligence nouvelle possédant l'art de l'image ? Où est Celui ?
... Nous ne pouvons attendre. Nous sommes suppliantes,
murmurantes et désirons obéir.
Perception différente à la consonance libérée, qu'il nous
saisisse et nous touche un peu partout, nous domine et nous aime
! Qu'il fusionne tout le savoir du siècle et veuille y ajouter !
Ha ! Cette attente est vaine par le souffle de l'esprit, par
le génie pensant au loin sur le calme des eaux !
S'offre nul espoir pour les Livres de vie. Nous avons trop
cru pouvoir le trouver, nous filles d'extase, servantes de l'intellect
! Nous implorerons encore les bras couronnés vers l'Azur.
chercherons."
Nous chercherons grandeur d'homme, nous
255
Trouverai-je ?
Syntaxe de l'intelligence ! Ô pure combinaison sans nul
délire. Si proche est la pensée où la raison s'illumine !
Sous le front qui conçoit, un souffle de femme se
méprend ; point de fille-chair dans la savante nuit !
Trouverai-je en ce clair silence sous ce grand hêtre
suprême nourri de phosphore et d'éclairs de certitude ? Trouveraije
?
Oui, toi excitée de vitesse, sans précisions, hélas ! Es-tu
prompte à tressaillir, à bondir sur l'autre versant de ta raison ? Toi
de légèreté et de blancheur conçue ? Toi dont la jeunesse
cérébrale s'accompagne de force, toi élevée dans le souffle du
Parfait...
Tu rêves de dominer le trône de ton âme et de t'unir avec
une sublime princesse à la connaissance prophétique !
256
Veux-tu te taire ! Tu t'en retournes encore à la perception
féminine, nard d'épouse, senteurs d'essence dans la brume
aérienne !
Constamment gisant sur ses pieds nus parsemés de
coquillages et de rondeurs exquises...
257
1695
L'amour-propre
Un lion, pour bien gouverner
Voulu apprendre la morale
Jugeant cet exercice, ma foi, indispensable
Pour l'usage des siens dans la gent animale.
Il appela le singe, doué d'intelligence
Subtil et raffiné, en tout point connaisseur
Qui illico donna la première leçon
À son maître régent.
"Grand roi, pour imposer
Avec belle sagesse sa puissance aux manants,
Il faut se dévêtir de l'habit saugrenu
Qu'on appelle amour-propre, il vous faut le quitter
Au plus tôt sur-le-champ,
Et lui bien préférer le zèle de l'État.
L'amour-propre est le père, est l'auteur des défauts
Qu'on remarque aisément chez les bas animaux.
258
Vous devez, mon seigneur, quitter ce sentiment.
La chose n'y paraît, elle n'est pas petite.
Il y faut de l'usure pour en venir à bout.
À jamais disparue, votre auguste personne
Délaissera toujours le fat et le niais,
Et n'admettra jamais l'injuste ridicule."
"Pouvez-vous, je vous prie, m'éclairer d'un exemple
Car je voudrais comprendre ce que vous exprimez."
Interrogea le roi.
Toute espèce, dit le singe, toute profession
Estime sa valeur au surplus de toute autre,
Persifle et se prévaut de hautes qualités
Et sait en peut de mots juger de la suivante :
"Ne me ressemble pas, et n'a rien qui ne vaut !"
Elle qualifie ses sœurs de belles ignorantes,
Et se glose et se rit en semblables discours.
Suivez-moi à la trace, je raconte l'histoire
De deux ânes stupides se louant tour à tour,
L'un disant à son frère le nez dans la mangeoire :
259
"Concevez, s'il vous peut, le vil comportement
De l'homme, cet imbécile qui nous prétend stupides !
Il est vil, alourdi par sa masse de graisse
Et se moque de nous imitant notre rire.
Mais nous savons parler, nous possédons un art
Et pouvons dépasser d'excellents orateurs.
Entendez-moi parler, admirez ma manière,
Je puis facilement pousser des notes claires."
Je vous prie, Majesté, d'entendre ce discours.
Car la prétention donne du ridicule
Aux gens de compagnie.
Délaissez l'amour-propre
Côtoyez que très peu les princes de l'Europe,
Et donnez votre temps aux choses de État.
260
Pur midi
Pur midi :
Des flammes et des essences de flammes jaunes
Agressent les arbres et les pins du jardin.
Dans le ciel, quelques tourterelles
Réclament à boire, et viennent
Cendrées et délicates se poser sur le bassin.
La chaleur bombarde la tête, l'écrase
Et lui dit : Va-t’en, va te cacher,
Ici il y a danger.
Ombre belle :
Le noir soleil de mon écriture
Brille entre les quatre murs. Il y a
Respiration et fraîcheur d'haleine, il y a.
Je produis avec des éléments qui ne sont pas vides,
J'appelle des noms embrumés
Miroir de mon indifférence,
Inaptes encore à s'associer,
À devenir phrases.
261
Mais la pensée n'est pas vacante
Quelque chose émerge, s'élève dans cet espace
Est-ce encore ce soleil d'ombre ?
Le temps pèse les secondes les unes derrière les autres,
Avec constance, poids de sérénité.
Dépêchons-nous.
262
Les deux valets
Deux valets cheminaient portant tous deux des bourses,
L'une était en argent et l'autre était en or.
Arriva une troupe venue les dépouiller.
Les coquins plus nombreux savaient pourtant se battre,
Mais la foi et l'honneur étaient des qualités
Dont pouvait se flatter le laquais à la bourse
Garnie de pièces d'or, tandis que le second
Était prêt à s'enfuir comme un vol d'étourneaux.
Le premier est gaillard et pare les attaques
Et se défend encore contre six à la fois.
Devant tant de puissance, les voleurs prirent peur.
Sans demander leur reste, les voilà disparus.
Et le second laquais, honorant le courage
De ce nouveau héros, dégrafa sa ceinture
Et lui offrit son bien : "Ô mon ami, dit-il,
Serai-je ta moitié ? Suis-je digne de toi ?
Je ne suis qu'un couard, prêt à me faire voler.
Je crains trop pour ma vie, je ne puis honorer
Et garder la fortune que m'a remis le maître.
263
Là elle t'appartient. Vois, je te la remets.
Tu sauras mieux que moi protéger tout son bien."
264
Le nobliau breton
Un cul-terreux breton dans quelque librairie
Avait su retrouver trace de ses ancêtres
Cherchant je ne sais où, ouvrant un vieil ouvrage
D'armoiries et blasons où figurait son nom.
"Mais c'est’y vrai, ma foi ! je suis de la noblesse
Au plus bas chevalier, je puis être baron,
Comte ou duc, pourquoi pas ? Je ne suis pas si bas.
Moi qui me lamentais avec mes origines
Mais j'ai un nom en ac ! Ceci vaut, je le sais."
Plus haut, un Dieu, au ciel, grand juge par le cœur
Qui courbe devant lui les rois et les monarques
Un jour se décida à descendre du ciel
Et répandit en lui son chrême messianique.
Il en fit son élu, le fit prophétiser
Et lui montra encore de plus puissants prodiges
Par l'ardeur de l'Esprit qui vit à ses côtés.
265
Vérité, vérité, mais que peut-on penser
Du cul-terreux breton par les dieux tant aimé ?
266
Le veilleur
Sur l'immense échiquier
Se déplacent des étoiles,
Immense hymen lactescent,
De semence divine,
Lueurs diurnes où scintillent
De petites pointes lumineuses.
Plus loin, une lune blanchâtre attend.
Dans l'œil voltigent des signaux,
Des graines de lumière
Comme des messages de diamant.
Le cristal s'éteint,
Le cristal s'allume,
Une sorte de miroir renvoie l'éclat.
Nulle fille à l'acuité sublime
Ne vient perturber la conscience.
L'esprit cherche des prophéties, là-bas
Le futur se nourrit d'insignifiances
267
De presque rien,
Le futile côtoie l'évènement.
Est-ce catastrophe, annonce, certitude ?
Il n'y a pas à penser,
Il faut prendre.
Le veilleur aveugle sa raison
Pour ne pas interférer,
Il nie sa logique,
Il refuse d'analyser, de sonder,
Il reçoit uniquement, tel un médium de vérité.
Les messages sont des lettres.
Elles viennent à lui dans l'ordre
Serrées, sans ponctuation.
Il les prend, les sépare, les coupe,
Il ne réorganise pas.
Il s'assoit en son centre
Limité à la recherche du cercle parfait,
De Dieu, du Saint.
La bouche s'ouvre,
Elle attend la nourriture céleste
268
Tandis que les vivants dorment.
Elle attend et crie : j'ai faim.
269
Le critique averti
"Je vous dis que je sais, j'ai de l'expérience.
Je puis à tout venant démontrer mon savoir.
Ce n'est pas de la sorte
Non, ce n'est pas ainsi
Que l'on s'essaie aux phrases,
Il les faut mieux tourner.
Mais pourquoi doutez-vous, je vous dis que je sais.
Je puis vous le prouver, appréciez mon tour.
J'ai de belle façon d'exprimer mon poème.
Oui, je suis votre maître,
Vous êtes mon élève.
Je donne la leçon, voyez ma connaissance."
Celui-là est petit, et pourtant joue les grands.
Laissons du moins à Dieu de juger entre tous.
270
Le château d'enfance
Toutes les nuits, je suis entouré d'ombres étranges. Elles
m'effleurent, me touchent, m'agressent, me frappent. Je reçois
alors des piqûres invisibles sous la peau, dans les mains, les pieds,
le sexe, les bras, le coude. Cela va du pénible jusqu'à
l'insupportable. À ma droite, une cascade de fantômes. À ma
gauche, un mur d'invisibles violents.
Je voudrais retrouver le château de l'enfance, aux
crinolines de diamants, posé sur un rocher qui culmine dans les
airs, château d'espace aéré et libre. Je voudrais... Mais n'est-ce pas
rêve absurde, face à cette réalité démoniaque et vicieuse ?
271
Ce langage
Ce langage fut langage d'Inspirée : "Amertume et
déceptions ! Déceptions et amertume ! Dans quel esprit brille la
pensée supérieure ? Pour quel poète accepterai-je de m'abaisser ?
Qui m'invoque ? Qui m'appelle ? Je désespère et n'entends nul
soupir. Il n'est nulle complainte autour de cette aura de beauté
spatiale, de blondeur idéale qui infuse les mots !
Ô mère qui enfantas ma chair, je te prie dans mes songes
comme une supplique éternelle, je t'implore dans ma prière sacrée !
La honte est à mes flancs comme une certitude rouge. Il y a
plaie de chair et sang qui bout... J'attends pourtant campée sur mes
deux jambes le poète d'avenir, l'idéal rêvé. Je veille, j'ausculte. Le feu
est là sous la peau, je dois le transmettre. Qui sera riche ? Qui
méritera de venir boire dans le corps de la femme ?
Le vent de l'espoir s'étire et doucement me vient caresser.
Me faut-il m'allonger sur ce lit, solitaire pour rechercher la
272
passion domestique ? Quelle croyance en ce soir langoureux ? Il
n'est nul espoir ! J'attends l'homme des villes ou le rustre des
champs.
Oui, encore me voilà nue, offrant mes senteurs, retirant
mes linges, craignant quelque blâme de Mère pour exciter,
conseiller sur ma chair le poème... Est-ce soupçon d'extase porté
en mon corps ?
Mais vous, sœurs ou filles irrésistibles, voyez, il n'y a
personne ! Venez me caresser, venez Gardiennes de l'invisible
m'embrasser quelque peu, et vous Coiffeuses, qu'attendez-vous ?
Dans ma crinière épaisse, engouffrez vos doigts câlins et
ravageurs. Oui, je veux être touchée de partout puisque aucun
mâle ne mérite ma couche !
Et dans ce grand miroir, est-il quelque spectre d'homme ?
Non, il n'y avait personne pour accéder à la perfection de ce
bonheur...
Mais vous, filles d'extase qui êtes là, hôtesses sublimes et
gardiennes du Toit, tourbillonnez et offrez vos croupes belles ! Je
veux le cri par le cri de la femme comme une immense muqueuse
273
dans la nuit ! Oui, faites germer le plaisir et couler le fluide irréel
du bien-être infini. Cette chose est licite et offre le calme et le
repos à l'Inspirée."
274
Supplique
Apprends-moi
Apprends-moi à être, à comprendre
Permets-moi d'exister
de produire, de travailler.
Ô esprit par qui je suis
Ô substance de puissance qui me conçois
Vérité qui m'élèves
Pourquoi disparaître, pourquoi fuir ?
Splendeur éphémère
de blancheur vêtue
Éclairant la nuit
passant comme un éclair.
Fixe-toi en moi
Comme une certitude de valeur
Construisons cette vie
Et préparons l'ailleurs.
275
Canicule
La lumière se déverse depuis les hauteurs
C'est un flot continu d'épaisses laves
Invisibles mais réelles.
La lumière est couteau qui se plante dans la chair
La nuit, la chaleur interdit le sommeil.
La soif supplie des sources éclatantes
De fraîcheur exaltées
La soif prie dans le désert quelques gouttes.
Midi domine et inflige à l'homme son dictat
Tout ce qui n'est pas lumière ou chaleur obéit.
276
Le feu
Ici c'est le feu qu'il faut subir
Le feu opaque, constant de puissance
A douze heures, les pierres éclatent
Je les entends souffrir,
Elles réclament de l'eau
L'eau se cache, disparaît bien vite,
Fuit, n'est plus présente
Alors le flot de feu coule du ciel
Et s'abat sur la cité qui supplie.
277
L'araignée blanche
I
Elle ouvre sa chair. S'envolent des papillons.
Elle est fille-fleur, nudité de beauté
Avec pétales de blondeur
Avec parfums de brise claire.
Elle est araignée possessive, violente
Prête à piquer, à saisir, à compresser
Le sexe, à le capturer.
Elle s'agrippe, lutte,
Elle viole le serpent
L'enserre, puis elle s'élève...
II
Dans les airs voltige l'araignée blanche
Soufflée, gonflée comme une méduse
Ballet léger de montgolfière
278
Puis elle décline, redescend
Brodée de lys clairs.
Elle atteint l'amant,
Éternel dormeur d'une extase qui fuit.
Ses membres appellent la capture encore.
III
Je suis prisonnier. Personne pour m'extraire
De cette emprise de femelle.
Agenouillé, j'implore. Qui ?
Dans le souffle de la nuit,
Gémit la chair. La chambre s'éloigne,
Tout le décor aussi
Envolé, envolé.
IV
À nouveau, sur les pétales de l'araignée-fille,
De la fleur-femme
La chair rebondit, amas d'explosion,
De décompositions. Y a-t-il eu jouissance ?
279
Je suis dans son jardin.
J'atteins l'ultime porte, j'ai la clé.
Je prends, je pénètre,
Je m'enfouis en elle.
Retour à la nuit infinie,
Et mort pour renaissance encore.
280
La cité intérieure
Environné d'espoirs
Souffle immense de rumeurs
Grandes silhouettes impalpables
Alors je pense, j'entends
Je conçois
les perceptions sont irréelles
Inaudibles - tout se fait et se défait
Autour de moi.
Donc j'avance dans mon centre
Dans ma pensée circulaire.
Oui, j'avance
Au milieu des graines illuminées
de phosphore, de néant
de certitude et d'imbécillité
J'avance de manière sereine.
J'entends un murmure plaintif
Y a-t-il bourdonnements d'images ?
281
À présent je produis quelque peu
Je tire des signes
Un espoir est planté dans la cervelle
comme un drapeau noir sur blanc
comme des signes sur une feuille de papier.
Le poème s'élabore.
Voilà,
Dans ma ville poétique,
Je réveille les néons,
Quelques lampes s'éclairent
Je prends en moi, je vole à autrui
Je déambule sur les traces de mes idées
bric-à-brac d'étincelles
Maintenant je marche
à droite, à gauche, je décris ce que je vois.
Façade belle de femme,
serrure de sexes
odeur de salpêtre
Oui, comme une statue de marbre
puis portique, cour intérieure
Va-et-vient du passant
282
balance, oscillations
et toujours ces silhouettes
formes impalpables, inexplicables
mais présentes
Je cherche dans cette rue l'extase
Mes yeux chavirent, brillent,
miroirs captivants.
L'avenir toujours est interne,
occulte, sous un flot de transparences
sous des folies de merveilles
Il brille de femmes, de feu, d'orgasme
Tout se mêle, se dissipe, se recrée
dans la grandeur du Temple
On entend des voix monter, supplier,
Quémander,
On entend des gémissements
l'âme se plaint, interroge et veut jouir
comme une fille en rut dans l'épanouissement.
Les souffles lentement s'éloignent.
283
Me voilà à nouveau titubant
cherchant
un principe absolu qui m'échappe
qui m'égare.
Au milieu des réverbères,
je tiens ma lanterne
allumée de certitude
certitude ?
À rire
Me voilà couvert de la cendre des étoiles !
Je cherche un nouveau quartier
un lieu où l'être comprendrait
sa durée, son génie, son invention.
Une porte pour l'être ?
Non ! une voie sans issue
je cherche encore
donc j'écris.
Chaque lettre s'associe, se confond, se mêle,
va puiser dans la mémoire quelques possibilités
la ténacité persiste
284
elle ressasse et veut exploiter.
Au centre de la place,
il y a un jet d'eau,
un arbre fluorescent,
est-ce pensée suprême
est-ce coeur de la ville ?
J'avance à grands pas
dans la cité solitaire
Les immeubles couvrent de leurs ombres
le seul passant hagard que je suis.
Je cours mais je me crois immobile
je suis comme soufflé, aidé par mes pensées
pourtant je n'ai pas même l'impression
d'avoir marché.
Je crois être resté moi-même,
au même endroit...
Le temps semble le même,
et instable à la fois.
285
Oui, j'écrivais donc
à la lumière de ma cité
dans le dédale de ma raison
en absolu de croyance
en certitude d'éternité
et de prétention.
Ainsi j'achève l'acte,
le mouvement de mon propos
avec conscience de perte
et de faiblesse
avec l'espoir de chasser l'infamie.
Je me parle encore, mais l'autre dort.
Entends-tu ? Non je dors.
J'avance dans le noir, seul.
286
Plus claire
Plus claire
que femme qui pense
une idée de chair s'élève
infiniment vers toi
Vers moi
puisque tu habites mon corps
puisque tu vis au centre
de ma raison
Là dans le front
constamment tu oscilles.
287
Amants subtils et profonds
Amants subtils et profonds, ô sublimes amants, ô vous
que nulle perception ne souille, la Mer vous nourrit de sa
puissance ! Le vaste Poème s'offre à vos savantes combinaisons -
belle inquiétude de sages à la proue du navire, blanche écume de
semence qui règne dans vos esprits !
Pour vous, la Mer réinvente le songe, le transforme en
fille du réel. Et vous allez porter au loin, l'aventure de ses
merveilles. Vous, esprits supérieurs, allez puiser dans l'immense
richesse de la Mer faite d'avenir et d'attente. L'espoir n'est pas en
vain, et la côte est femme que l'on désire atteindre
! ...
Amants ! Superbes amants, où sont vos Pères ? Vous
poursuivez, nourris dans l'apprentissage des anciens, dans l'éternel
tissage à faire et à défaire, vous avancez et la nuit est votre
demeure - la nuit où scintillent des étoiles de gloire et de
lumière... Vous courrez après la mémoire qui fuit dans cette voie
lactée.
288
Inspiration
À peine éveillé, encore endormi, j'écoute cette masse
inerte de conscience qui balbutie des sonorités, qui propose des
images douteuses.
Ma pensée est ankylosée, elle se meurt lentement comme
un ivrogne rempli de mauvais vins. Mais elle se plaît de cette
fatigue, de cette langueur de reptile allongé au soleil. Ou mieux,
elle flotte dans les relents du langage.
J'entends un mot qui me parle comme un écho. Puis
j'entends un autre mot différent. Je tente de les associer les uns
aux autres dans ce dédale de vocabulaire, dans ce vacarme de nuit
bleue. Oui, j'essaie.
Pourtant je me crois dans un désert d'images, l'immensité
de ma stérilité m'arrête là.
289
Question
Pensée
Pensée
qui se conçoit sans cesse
qui se nie et s'engendre
qui s'associe et se perd
dans l'espace de ma nuit
mot qui cherche mot
qui circule dans l'imaginaire
je veux mêler, faire fusionner,
engendre, croiser
de nulle part doit venir l'espoir
de gain de conquête
de résultat positif
Est-ce poésie que de supposer ainsi ?
Qu'est-ce alors ?
290
Sound And Music
J'entends passer des sons
du brouhaha confus
qu'il faut purifier,
Je les vois parfois ces volumes d'intensité,
ils sont sphériques
et renferment des idées
Je suis l'intermédiaire,
une sorte de mauvais médium
J'entre, je suis dedans
Je peux m'entendre,
les sons viennent-ils de moi ?
Je carambole comme un joueur de dés
Il y a cascade d'aigus, de clairs
architecture d'éclatantes de graves
La belle harmonie consiste à placer
aux bons endroits,
291
à organiser - toujours organiser
en couplage, en tierce.
Je cherche le silence
il ne s'invente pas
Je veux construire
dans cet espace, le mien
Tout se situe dans l'esprit
Il faut trouver encore
un principe d'harmonie
Là est le savoir du poète :
s'écouter entendre
Je dois percevoir à ce bureau
la rumeur de mon esprit
Je dois y déterminer mes pensées
la nuit dure, instants immobiles.
Je prends Paz, je lis, j'espère
Puis-je croire en quelque chose
de meilleur ?
Oui.
292
La pensée
La pensée
surgit et s'impose
sur les feuilles rectangulaires
sur ses espaces blancs
elle cherche à construire
à édifier pour l'homme
Son langage sort de l'invisible
comme association de grains
comme petites briques de mots.
Le signe est unité de montage
il participe à la syllabe.
Syllabes : concepts d'échos
répercutés sur le papier
puis le texte apparaît lentement
comme femme au sortir du bain...
293
Lieu de vie
J'habite une chair de femme. La bouche aux lèvres
sensuelles et rouges, la bouche implore encore à cinq heures, elle
est vagin où scintille la salive, elle est appel pour le pénis. Quand
toi tu entres, les muqueuses espèrent, désirent avec ferveur. Alors
commence le va-et-vient dans cette bouche qui veut, happe et
implore.
Je suis pénétration violente en toi. Voilà, j'aime te foutre,
et me répandre. C'est un besoin.
Tu supplies dans un lit. Tu es bête qui dévore. Tu as
mille paires d'yeux pour ton plaisir. Vois, tu happes. Je finis dans
ton domaine, vers le chemin qui pousse à la folie. Il n'y a pas
d'innocence, il y a une indication horizontale, une entaille rose
d'extase, des voluptés vicieuses, par des poils entremêlés, tissés.
C'est ton alcôve. Tu supplies le sel de l'orgasme, je le retiens, tu le
donnes. A la fin, tu imploses, les bras en croix. J'habite une chair
de femme.
294
Sphère de mots
Tu évolues dans une sphère de mots. La fille aux lèvres
belles toutes les nuits, s'exhibe nue et lancinante à ton bureau.
Quand ta bouche parle, elle commence une transe sexuelle,
retirant de manière vicieuse ses habits. Elle ne garde que ses
cuissardes noires. A tes pieds, elle supplie. Elle apporte des
lances, des sagaies, des armes, t'implore de la tuer.
Toi, tu ne sais que faire. Elle est belle, brune aux lèvres
rouges. Elle ressemble à la femme de Putiphar et tu te prends pour
Joseph.
Il y a autour de toi, il y a... Non, il n'y a personne. Tu
l'entraînes dans ton lit. Des ombres te fixent. Tu feins de les
ignorer. Tu la prends, la tords. Tu exploites tous les chemins qui
mènent à la jouissance, dessous, dessus, dedans. Tu bois la coupe
de feu. Elle n'est pas innocente, elle est chair et aime. Tu te
reprends dans ses viscosités, dans ses méandres luxueux, de poils
d'odeurs entremêlés.
295
Sur ton sommier, elle est araignée vicieuse, géniale, tu te
répands, tu jouis, tu expulses, tu dictes ce que tu veux écrire. Tu
te sers de l'image. Tu évolues dans une sphère de mots.
296
Quelle suffisance ?
Qu'est-ce qui me suffirait ? À quelle limite de l'être ? La
poésie est perte, cela m'a été révélé. Le temps à mes côtés et
ennemi a compris que l'homme s'épanouissait dans un dédale de
ruines, dans un labyrinthe de misère.
Certitude d'un esprit dont la conscience est extrême.
Je n'ai pas pu atteindre ce que je désirais. Cela n'était pas
convoitise, cela m'était dû. La main a supplié. Elle a été meurtrie
à coups de talons.
À l'élévation spirituelle, présences de démons, le
sommeil est petit suicide au quotidien.
J'ai longé la voie du mensonge n'atteignant nulle vérité.
J'ai poussé l'espérance jusqu'au profond de la nuit. J'ai allumé
mille feux. Qu'ai-je vu ? Les brouillards dissipés appelaient
d'autres brouillards plus sombres ceux-là, jetant l'âme dans le
néant.
297
La constance de l'horreur était crime et violence,
destruction de l'intelligence. Comment produire et s'élever,
comment ?
L'on peut employer le terme de désastres. Mais qui
réellement le croira ?
Des forces malsaines civilisées par l'au-delà s'essayaient
à détruire, y parvenaient. Le poète portait le masque de la
malédiction. Quelle effrayante prospérité de maudit !
Seul, sans espoir, quémandant encore l'aumône divine !
Temps, ma dimension intégrée, je sais le volume de ta
présence, les jours comptés de l'espoir. Tu vis à mes côtés. Ne me
trahis pas. Ma plaie est éternelle.
298
Confessions
Si tu implores, l'au-delà se tait : il cautionne par son
silence la torture des démons.
Supplie de récupérer ce que l'on t'a volé. Et quantifie le
retour. Ils essayeront de te voler encore. Telle est l'injustice du
ciel !
Qui envoie la torture, se maudit soi-même.
La haine s'est abattue sur ma maison. La cruauté et la
violence sont mes larrons, moi pauvre Christ haï et détesté de
tous.
Nulle visite ne peut réjouir le prisonnier du mal. Maison
du pendu, pavillon du maudit.
Ce sont des pourritures, commandées par des serpents et
faisandées de chiens.
Le soir est propice à la torture, aux hurlements, aux
supplications. L'homme est enchaîné à l'ombre.
299
Le poète chante mal persécuté par la mort. Le lit
accouche de son deuil chaque nuit.
Vous seuls, feuilles blanches, construisez votre
existence, et faiblement encore !
nouveau.
Un souffle d'écriture suffit pour concevoir un livre
Le poète fait arbre pousse solitaire. La caresse du vent
est étreinte de femme invisible.
Pourquoi hurler des mots vers l'avenir du ciel puisque
toute parole est niée ou méprisée ? Pourquoi puisque nulle oreille
n'écoute, nul coeur n'y respire ?
Ton souffle résonne dans ta propre caverne. À quoi peut
bien servir de crier ? Pour quelle conscience ?
300
Travail
Où passer nos nuits de solitude ?
Parmi les lumières incessantes de la cervelle en feu.
Cachons-nous au plus profond du Moi, inventons un
souffle pour s'envoler.
Là, j'y souffrirai mais pas de stérilité ni d'impuissance.
Là, j'y sèmerai dans la lutte de ma contradiction. Ensemble avec
la pensée nous maîtriserons la bouillonnante inspiration, fertile
mais folle qui s'en ira grossir le ru, gonfler le fleuve jusqu'à la
plaine, là-bas, à irriguer.
Le poète d'Ombre
Je cultive une terre d'ombre d'où s'écoulent des ruisseaux
sanguinolents. Le socle de l'espoir ne retourne nul amour, les
labours sont des charniers de douleurs.
Je travaille de nuit. J'y vois ce ver luisant, nourri de
pourriture sur le tracé de mon Oeuvre. Je suis le gisant qui
s'éclaire soudain à la lumière de sa propre charogne.
301
Visite
Des dieux splendides sillonnent notre horizon connu,
mais ne résolvent aucun problème. Là, se limite leur descente
quand bien même les voir est magnifique.
Fuient accessibles à l’œil des Merveilles par la
transparence d'un mur de chambre. Pourtant la Malédiction ne fut
pas abolie.
immobile.
Désire, fils maudit, désire encore, toi dont la fuite est
302
Sainte
Tu étais claire
Elle est bien loin cette pureté !
Tu étais blanche,
tes lèvres sur ses lèvres
dans un mouvement constant
Tu étais si près, si proche
Tu ne t'inquiétais pas de la prochaine mort
Tu étais une croix sur le chemin
Épouse du Père sans méfiance,
sans regard, indifférente même
Sainte pour servir
pour aimer constamment.
Élevée dans le monde autre
sois, reste claire
sois éternellement.
303
Certitude
Concevoir une nouvelle voie. Ce que je puis atteindre est
lointain. Le but est blancheur, dans l'éther. Le jardin des délices
est suspendu pour l'au-delà.
S'élever, s'envoler dans la pureté vers l'aurore avec la
mémoire du néant, du vide. Cela aussi est œuvre de Christ.
La lampe, je la découvre. On la recouvre. Accommodet'en
ou brise-la, me dit René.
Tout demeure caché, cela restera longtemps inconnu.
Livre après livre, l'espoir s'enfuit.
304
Liberté de douleurs
Clé de chambre vide,
clé d'esprit stérile.
Dans l'éternel martèlement de l'écho, la plainte, plainte
etc. en constance de souffrance.
Il faut retirer la violence destructive. Mais qui voudrait
entendre l'appel ? Et le produit de torture n'est pas même perçu
par le lecteur !
Être seul, compris de nulle âme, en harmonie avec soimême,
plonger dans l'étoile brillante de sa nuit, au plus profond, y
trouver Dieu.
Poète qui se cherche, lumière qui trouve.
Construire, détruire, rebâtir, vaste architecture inconnue
d'autrui. Oui, recommencer en y ajoutant plus de savoir, moins de
certitude.
Nous pénétrons plus profondément à la recherche de la
305
vérité, par la voie du mensonge, de l'absurde, de l'image, du
risque, de l'audace. Constamment nous avons tort... d'avoir raison.
Ils t'ont dit : "Dehors ! Sors ! Jette-toi. Tire-toi, mec !"
Tu es resté le plus vrai dans ta constance de recherche intérieure,
sans la passion des autres, avec la volonté d'une sérénité cachée.
La liberté est loin, là-bas, en soi, profondément enfouie.
Pour quelle utilité, ce décor terrestre ? Et quel
encombrement cette enveloppe charnelle !
Condition d'existence ! Carapace de tortue !
306
Encore
La puanteur décide, la puanteur ordonne : "Voilà ce que
tu vaux, suffis-toi de cela !"
Quelle honte de devoir exister avec cette conscience !
Jamais Dieu n'acceptera de promotionner, de donner plus, s'il y a
confort et bien-être avec cette raison !
Une certitude de détermination où le doute et
l'incompétence sont bannis. Seule la pure vérité apparaît comme
l'or coulant du creuset.
La femme parfaite dit : "Non. Je ne veux pas être avec
toi, car je te priverai de ta raison, de ta conscience. Je suis celle
qui prélève, je suis la femelle, et toi tu n'es plus homme, tu es
esprit."
C'est quelque chose de plus élevé qui exprime l'ange,
quelque chose de plus vrai dans le temps, mais personne ne peut
comprendre.
Parole de conscience : "Comprends qui tu es, ce que tu
307
vaux, détermine-toi en fonction du discernement."
Tu entends toujours quelqu'un en toi qui dit : "Laisse
tomber. Cela est peu, trop peu. Arrache-toi."
Avenir de certitude, constance de douleurs.
308
Méfie-toi
Méfie-toi. Ta suffisance est ridicule. Ce que tu possèdes
est peu. Veuille-t'y prendre autrement. Travaille.
Je comprends, j'ai honte. Je sais, je ne puis résoudre.
Conscience et lucidité, désespoir et néant.
La douleur n'engendre ni ne moissonne, elle prélève,
retire, vole comme un immense racketteur. Dieu acceptera-t-il
d'indemniser, de prendre en considération l'effrayante injustice ?
Je dis la vérité : ce que je perds est considérable. Qui me
croirait ? Qui le saura ?
Les conditions de travail sont détestables. Elles
engendrent des prélèvements effrayants.
La science fournit à l'homme la certitude de la médiocrité
poétique. Il est phare qui sait, conscience de lumière. Le poète
peut persifler et ricaner. Qui a la fin sera dans la vérité et
possédera la raison ?
309
l'intelligence.
Lumière nourrissante, l'obscurité est bien l'horreur de
Celui qui supplie l’Éternel compensateur espère mais
doute d'un moyen légal pour résoudre le problème de
l'indemnisation.
La liberté est morte.
310
La violence
C'était hier. La violence s'est apaisée. N'est-il rien de plus
atroce que la folie du mal dans la chair innocente ?
À moins qu'Il veuille que tu perdes trace de ton poème,
de ta capacité à produire ? Effrayant silence du Dieu.
entonnoirs !
Les vertiges du néant sont des appels comme des
Si vivre est ainsi, quelle détestable manière !
Quelle douleur dans le désert du moment ! Par la nuit
grandissante, la puissance de la mort comme une sorcière de haine
en moi, pour la souffrance.
Si vivre est ainsi, quelle détestable manière ! Ah ! Qu'on
le pousse à la limite ! Qu'on lui inflige mille tourments !
Certains disent qu'il doit subir - allez-vous donc douter ?
- Ou qu'il doit se plaindre.
311
D'autres inscrivent des justifications de torture, de
cruautés dans la chair à venir.
d'inspiré.
Le flux de l'esprit est vagissant jusqu'en ses bras
Il nous suffit, ce soir, de le soumettre à l'épreuve, -
l'épreuve de la résistance, de l'aptitude à durer.
Trouvera-t-il encore la force de poursuivre ?
Mais quoi ! Ce n'est que cela ? N'est-il rien d'autre que
cette fange de poème ? Ce parfum de soûlerie est détestable, est
songe de métaphore, n’est rien ! Parviendra-t-il à éveiller en nous
d'autres lumières ?
savantes.
Nous agressons encore ses membres inouïs de pureté de
312
Trois points
de toute moisson.
Ô la sublime semence dans la terre encore pure, vierge
Plus il voit, plus il sait ; sa pureté engendre le supplice.
Ses visions appellent les diables. Le blanc succède au sang, la
vérité épouse le désespoir.
Poètes, vous accéderez à votre certitude, pauvre vérité !
313
Grande pensée
Grande pensée, me voici ! Fraîcheur de la nuit sur la
cime, souffle venu du large, front offert à toute spéculation de
l'esprit.
Un soir de feu et de forte fièvre où se conçoit la raison,
j'ai supposé un ciel plus pur brillant sur des marais de sel, soir
d'été et de certitudes épanouies, soir de chair, où l'amant engendre
le Livre. Il fallait éviter les défaillances de l'inspiré, il fallait audelà
de la passion parvenir à la maîtrise de soi-même.
Et c'était un immense conflit intérieur sur l'aire de la
poésie où l'homme était son propre ennemi, où l'homme se
promenait et se détestait.
Il n'y avait point de nuée d'éclairs qui traverse la
certitude, qui courbe sa vérité comme des gazes incandescentes.
Non, ce n'était point songe, ivresse de muse, mais réelle bataille
dans la conscience. Grande pensée, me voici !
créer.
Qui crie dans la nuit ? Moi, suppliant la liberté pour
314
Qui appelle pour une construction belle ? L'éternel
passant qui court après les nuages, là-bas.
Ce qui pense durant le sommeil, c'est bien un Moi
conscient, travailleur, producteur de symboliques, d'effets de
condensations, et non pas un vulgaire amalgame visqueux de la
raison paresseuse.
De quoi jouissons-nous le plus ? De la sublimation
créatrice. Nous éprouvons l'intime besoin de poursuivre,
d'insister, de découvrir à coups de pulsions nerveuses,
d'excitations de neurones. Nous refusons la mort de notre esprit.
Aussi nous laissons une Oeuvre qui doit nous survivre. C'est
encore l'instinct de transmettre.
La liberté est emmurée, là, chez moi. Comment produire
sans sérénité, sans balance mentale équilibrée ? Il faut toujours se
battre contre la haine, s'épuiser dans un combat stérile. Mais qui
comprendra ?
315
Couloirs, couloirs
Couloirs, couloirs désespérés de la raison
Où l'on court pour fuir sa folie
Portes ouvertes, portes à défoncer
Obligations, interdictions.
Il y a des chambres, des bibliothèques,
Des lieux de plaisirs, de prières
Chaque ouverture débouche sur une mémoire
De soi, d'autrui, de social.
Dans la chambre poétique
On ne joue plus aux cartes
Mais des bijoux de femmes se pavanent sur des sofas
Il y a chairs de chevelures
tumultueuses et ébouriffées
d'araignées blondes.
À la sortie du rêve
après avoir franchi la limite du front
l'oeil extérieur m'éclaire
me propose d'autres images
De lumière, de sang, d'orage.
316
Je prends, j'exploite,
j'écris entouré d'ombres
il n'y a nulle chair vivante
je marche là autour du bureau
j'écrase les idées, je les piétine
comme un raisin moyenâgeux
pour en extraire du vin.
Il est transfiguré, il est sacré
Sa chambre se situe au centre du monde
La pensée s'y nourrit avec joie
L'esprit s'éveille la nuit
L'esprit l'embrasse
La beauté lumineuse est
transparente de vérité
la certitude dit : oui.
Les scorpions, les rats, les barbelés,
Les épines dans la chair, les piquants
Les feuilles d'exorcisme, les crucifix
317
L'architecte, l'espoir du penseur
Le fils inconnu de l'église
L'oint civil
le voyant lave ses yeux
Les murs transpirent d'invisibles
de morts
de vice et de honte
Les souffles pourris des ombres
circulent dans les airs.
L'intelligence veut instruire l'homme
le temps est ennemi
Il entrevoit, désire obtenir
la gloire de n'être pas
Il hait cette stupide nécessité
de vivre.
Aimer est Dieu
comme deux amants qui se supposent
qui se savent, qui se sont vu
Le désir élève vers l'au-delà
la raison voltige
318
tourbillonne et s'envole
L'homme subit l'esclave du mal
Il ne peut s'en défaire
La cruauté est l'immense dominateur.
Le réel n'est pas tangible
Qui croirait ?
Qui accepterait de croire ?
Rien, nul fantôme.
Tout est mensonge
et fausseté,
évidemment !
Il y a masse de violence blanche
non, ceci est imagination.
319
Cette vie
Cette vie, fut-elle réellement la mienne ?
Suis-je vraiment ce que je devrais être ?
Non, je ne suis pas, je ne serai jamais,
Sinon néant et insignifiance.
Certitude de soi-même, dégoût et rejet.
Détestable vie poétique, je suis sans autrui !
Nulle nourriture à offrir, à assimiler
Nul ne veut me manger, s'instruire
Pour quelle utilité ?
Je dois me dédoubler
être un autre
puisqu'ils ne veulent pas de moi !
Car c'est par l'autre que je suis,
c'est lui qui m'offre l'existence !
Pourtant le Moi seul existe,
je me sais !
320
Ô vie qui inventes un mirage,
le transformes et le fais disparaître...
naître et disparaître
pour peut-être revenir ?
Qui sait ?
321
La pureté
La pureté, fleur d'extase
sanctifiée
s'élève sur les tiges de cristal,
éclatant cercle de diamant
pensée filtrée comme feu au creuset.
Je me dépouille du péché
Je mue, je retire ma peau noire
certitude de fautes
de culpabilité.
Ô ma sublime transparence
auréolée de blancheur
Je contemple Dieu, ma beauté
Je m'exalte dans sa grandeur.
Suis-je nourri de lui-même
comme plénitude d'onction
comme vision nocturne
et superbe,
suis-je ?
322
Fuite intérieure
Puisant en moi-même, j'ai couru désirant le fuir.
J'avançais dans sa chair. Riche de certitude, j'espérai.
Ô l'étonnant détour qu'emprunte le poète pour tenter de
contrefaire ce que lui offre le cœur.
Effets fulgurants de notre jeunesse qui brise les éclats
pour les recoller, qui dans le prisme de son kaléidoscope veut
produire des vitraux bleus d'argent en imitant Chagall.
Plus nous produisons, plus nous prenons conscience de
notre petitesse, de la grandeur de certains hommes, et de
l'immensité de Dieu. Mais que faire ? Par quel moyen peut-on
changer de nature ? Nous subissons la médiocrité de notre âme,
l'horreur de notre destinée.
Une écriture d'échec sans l'espoir d'un éditeur, où le seul
lecteur est soi-même, et Dieu peut-être. Tout vient du Néant et
s'en retournera au Néant. La formule est connue. Mais en vérité,
quel est l'avenir du poète ?
323
Alerte
Toute lumière avec toute certitude de travail passe par la
formation. Et pourtant quelle médiocrité de résultat ! Quelle
suffisance d'imbécile ! Mais voyons : je suis, admirez mon tour !
S'écrie le poète satisfait. S'il pouvait convertir son œuvre en vérité
scientifique, il comprendrait.
Des êtres sans valeur, leurs actions n'apparaissent pas.
De l'ignorance et de la fatuité !
Je possède ma vérité, donc en autarcie, j'ai raison. Hélas,
cette loi n'est pas loi universelle.
Il faut éclairer l'intelligence du poète pour qu'il
comprenne l'indispensable nécessité de l'apprentissage.
On ne sait rien, on suppute, on se vante, on crâne. Et
quelle satisfaction pour trois brins de tournure !
Je ne veux pas abaisser, je constate, voilà tout.
Si je hurle, personne n'entend : le ciel fait silence.
324
Que l'on me rende ce que je vaux. Ai-je demandé plus ?
Ce que je suis est peu, et l'on voudrait me retirer encore !
Je suis dans l'invisible
Je suis dans l'invisible, je suis dans l'impalpable. Pourtant
je croise une ombre qui épouse une Personne et je la vois flotter là
en face de moi comme un songe monstrueux composé d'un
univers de morts. Puis un œil me fixe, faiblement éclairé par une
lumière interne.
325
Conseil à la mort
Ne viens pas me chercher trop tôt
le temps doit durer encore
L'œuvre n'est pas exaltée,
elle n'a fait que frémir
Les feuilles tourbillonnent
et circulent dans mon âme.
L'esprit ne s'est pas apaisé
il travaille et s'instruit toujours
Le néant est là, au profond de moi-même
le cerveau renferme son gouffre.
Mort te voici,
retour, ce n'est point l'heure.
Je rêve encore de moi accédant au sublime,
résolvant le problème
supérieur, immense !
Est-ce là sagesse du poète ?
est-ce délire d'arriviste ?
326
Tombeau caché
Toujours vers moi
pour produire
jusqu'à déplacer ma main
L'instant qui court
m'échappe
quels que soient les chemins
que j'exploite.
Je leur préfère ma sérénité cachée
Tu peux me faire disparaître
Mon avenir est en moi-même
au plus profond de mon esprit
J'accède au point ultime
La lumière est bien à l'intérieur !
Ma parfaite négation
saura me détruire
pour me faire oublier
de tous.
327
S'éveiller
S'éveiller par le poème, fuir la raison, connaître la mort,
nous octroie un bel avenir, l'intelligence est meurtrie, mais elle
subsiste encore.
Ne comprenez pas, refusez d'éclairer votre certitude,
suffisez-vous de votre mensonge - il n'est pas, il n'existe pas, il est
rien.
328
J'attends l'espoir
J'attends l'espoir, vain espoir qui palpite !
La nuit semble son royaume.
Je jouis dans l'ombre
désireux d'y trouver mon avenir
La blancheur de ton orgasme
essaie d'appeler ma chair qui se meurt
qui disparaît
L'esprit s'épanouit
La bouche mastique des sonorités
les offre à l'oreille
les donne à la raison
qui conçoit des images
L'oeil se nourrit de visuel
À moi la folie de mes délires poétiques !
329
Suis-je ardeur ?
Que pouvais-tu me promettre, ô sinistre poésie ?
C'est le moment d'agir, tu dois fructifier,
Évoluer, offrir et embrasser le feu ;
Devant mes yeux est la nuit, compagne comblée.
L'angoisse, ce présent de l'acte créatif
M'impose à chercher pour découvrir en moi.
J'invente le poème, je le respire, je le devine.
Une lumière noire s'élève, propose des figurines
fugaces et délétères.
Sous ma calotte princière, c'est le soleil de nuit :
J'exploite l'image, je rejette le sommeil.
Introspection donnée à celui qui cherche,
Désir insoupçonné de trouver sans être,
L'esprit nourri de son élan
ne saurait maîtriser son ardeur.
330
Le marcheur solitaire
Je n'étais cette nuit-là qu'un esprit qui pense
Aussi, la concentration était sereine
Au centre de la raison
Je me mis à poursuivre l'image qui fuyait
Fade coureur, je chutais sur moi-même
Je m'étalais toujours plus en avant.
Venues d'un toit invisible, des bulles de mots
Poussées par le vent
Plongent soudainement dans ma pure certitude
Des roses noires porteuses de pensées
Les accompagnent
Elles désirent convaincre ma volonté. De quoi ?
Me faut-il deviner ? Je dois savoir.
La chute légère d'une bulle caresse l'eau,
Enivre ma raison de questions insensées.
Je m'éveille au milieu de sensations douteuses
Et je poursuis mon investigation
Cherchant vers l'avenir.
331
Le sentier de l'audace est là, un peu plus loin
Vais-je l'emprunter ?
Audace ! Comme je préférerais le survoler !
Je réfléchis, j'hésite, que faire ?
J'entendis s'éloigner une ombre peureuse,
Était-ce l'image qui fuyait ?
Je décidai de m'en retourner,
Je regagnais le centre de la raison
pour enfin dormir.
332
L'appel
Qu'elle s'en vienne fille-femme
à la démarche aérienne
Qu'elle apparaisse, fée blonde
exécutant un tourbillon
Qu'en ma chambre, elle épouse mon ombre
ma certitude d'inexistence.
Sa main coupera l'air et caressera ma chair
Elle déplacera l'idée maîtresse de mon âme
J'avais fixé ma raison sur une borne indestructible.
La nuit appelle, je l'entends gémir
Dans les crissements des murs
La voilà
Quelle aberration de ne pas extraire
de son imaginaire
une vérité de corps construit !
La pensée est mesquine
Et la source n'est pas !
333
L'amante
Je te redis, beauté,
Ce que tu sais déjà
Ô beauté torturée
Par la folie du Mal
Tu es toujours ma femme
Je ne suis qu'un manant
Et cette nourriture
Que nous pensons à deux
Dans le four de l'esprit
Est mixture à saler
Essayons toi et moi
De parfaire le savoir
De progresser encore
Dans l'idéal perdu
J'exploite tes ressources
Nous avons l'énergie
Et l'élan spirituels.
334
Nous sommes suppliant
Et suppliant encore,
Nous sommes des croyants
D'extase et de soupirs.
La lumière est dans l'ombre
Et ne peut éclairer
Un feu étincelant
Saurait anéantir
Toute velléité,
Le feu pourrait tuer.
335
À l'horizon de l'écriture
À l'horizon de l'écriture, la certitude de ne rien posséder.
La perception est méprisable. La conscience précise ce que
prétend la critique. L'œil exercé de la raison lit avec compétence.
Le poète est alors désespéré. Quoi ? Rien ! Nul poème n'est venu
se dessiner dans le paysage lointain ? Nul hasard n'a osé pénétrer
l'usage ? - Point d'image audacieuse, d'analogie imprévisible ?
Souviens-toi de la vérité qui aimait à s'accoupler avec le non-sens,
cherchant le risque. Comme tout cela semble du passé !
Nourris-toi en toi-même, tente encore quelque effort, on
dirait que là-bas après de légères brumes, apparaissent des...
336
Enfuis-toi
Enfuis-toi au plus loin, dans ta chair. Conserve en toi la
vérité. Ils ne seraient pas capables de comprendre. Ils
t'accuseraient de prétention.
Ton avenir est ridicule. Ne te compromets pas. Va
toujours dans l'apprentissage. Autrui t'offre l'écrit.
Confronte-toi, nourris-toi de ton désespoir. La perfection
du chef-d’œuvre engendre le suicide mental.
Construis sur du solide. N'imite pas la dentellière qui
brode sur des nuages.
La nuit écoute. Elle favorise l'inspiration. La conscience
est à son comble. Elle prend, elle exécute. Puis la femme va
s'endormir, là-bas.
Mon royaume n'est pas de cette terre, dit le Christ poète.
Ma vérité se conçoit là-bas dans l'espace du Père, où tout est
Esprit.
337
Chez vous, ma vérité est nulle. Vous refusez de me
comprendre. Les preuves s'accumulent et vous êtes des aveugles.
faîte.
La pierre que refusent les bâtisseurs, deviendra pierre de
Pourquoi jeter à la critique mauvaise ce qui est absolu ?
Pourquoi offrir ce qu'ils s'évertuent à piétiner ? Ils se retournent
contre vous pour vous mépriser !
L'œil, c'est la lampe du critique. Si ta critique est saine,
ton oeil voit parfaitement. Mais si ton œil est glauque, ta
confusion sera totale. Ce qui est méprisable, tu l'encenseras, et ce
qui est sacré, tu le rejetteras.
Il faut travailler pour la vérité du ciel, et non pas pour la
jouissance de la terre.
338
L'espoir s'épuise
L'espoir s'épuise
Dans le néant effrayant
Les folies éternelles
Disparaissent
et s'assombrissent tout à coup
La pensée n'est plus
comme une manne envolée et perdue
dans un espace lointain
Un souffle de l'esprit
saurait faire voltiger
un géant de papier
dans l'ouragan de ses idées
mais d'espace en espace
de grandeur en petitesse
est-il quelque exil ?
Quel est le terme final ?
jusqu'où chercher l'issue ?
339
L'angoisse nie l'existence du poète
la chair vieillit
la certitude demeure
de n'être pas, de n'être plus,
d'avoir été.
340
Lumière
Tout s'éclaire :
La pensée est à l'intérieur
Légèreté vivante
J'existe dans mon espace,
là est ma demeure
L'ombre des morts
est remplie de vide
est perte funeste.
Dans le ciel de ma raison
je délimitais mon cercle clair
nourri constamment par mes dieux
espérant une consolation.
Que seront les livres ?
Quel avenir sous mon soleil ?
341
On vit inconnu
des Dieux.
On vit inconnu parmi les hommes, on est immortel avec
Ce que j'ai reproché à ma jeunesse, c'est d'avoir mal fait
fructifier le grain de sénevé.
342
Acte d'écriture
Je prends ici la plume
sans réelle intention
sans idée préconçue
J'ouvre deux ou trois tombeaux
quelques fleurs et souvenirs
en hommage d'un saint poète
Je crois voir des images
Ai-je rencontré la certitude,
fille à la démarche assurée
indiquant le chemin ?
J'avançais dans l'aube
accompagnée d'une rumeur
C'étaient de doux murmures
soufflés dans la plaine,
brumes et légèretés
oubliées, retrouvées
par jeu de l'intelligence
sombres clartés,
343
portées par l'élégance
par le doute
du savoir et de l'ignorance
Telles sont mes pensées !
Dans mes visions encore
des visages s'effacent
L'esprit m'offre des solutions.
Qui est le saint poète ?
tambourine à ma porte
la raison insensée ?
Au profond d'une tombe
Je dors repu, sans gloire
dans ma chair élevée
J'ai fui la coupole verte
mon écriture est trompeuse,
qui aurait pu la comprendre ?
L'extase était interne
à présent je suis bien mort.
344
S'est évanouie la métaphore
dans l'exil d'un soleil espéré.
Ai-je eu quelques visions ?
nulle forme n'apparut
en clarté d'existence.
Je me nourris de la Plénitude
de mon acte
scrutant le diamant impossible
dans l'oeil excité de l'attention.
Enfin je me repose
et j'appelle cet instant,
inspiration perdue.
345
Les images
Elles bondissent,
Masse voltigeante et aérée
sous une protubérance qui s'amplifie
La violence de l'averse
galope vers l'infini
Là-bas, une source jaillit
dans une grotte en feu
Éclair de lumière
sur éclair de lumière,
quantité de photos, immense,
spectaculaire,
strate de miroirs obliques
où la pensée ne peut voir l'espoir.
J'avance irréfléchi
je me contemple, ridicule
J'essaie d'entretenir ces esquisses
souterraines
ces travaux fabuleux
346
J'observe, scrutant
une conception supérieure
J'admire la construction de ma déchéance
Puis-je espérer un commencement ?
Attendrai-je une Force ?
Ô folie de l'avenir
Ô deuil peint de vert
Dans le bleu des pyramides
dans le sang des roses
pour l'or rougi.
La chaleur était dans ma cervelle immense
J'entendais souffler les racines
de mon éducation
Ma culture transpirait
se dilatait confinée dans son espace
elle désirait autre chose,
mais quoi ?
347
La raison s'associait à la patience
perchée, pesante, oscillante
comme une balance
La bulle d'eau
la goutte de rosée
décidaient du poids,
j'écoutais l'instant.
Qu'ai-je appris produisant ces images ?
Qu'il fallait se nier pour croître
et qu'écrire était mourir éternellement.
348
La pensée hallucinée
I
Le poète ivre est là, stupide à sa tâche, noyé dans
l'Absurde. Il obéit à cette conscience qui lui impose le rythme
lent, la pensée audacieuse, le risque contrôlé.
C'est la constance, la durée éternelle pour la folie de
l'esprit. Il faut donc concevoir par l'image et maîtriser l'invisible
dessein.
L'espoir d'une pensée aperçue, soudain jaillit l'impossible
à écrire. J'exploite l'initiale esquisse, et j'apprends à ne pas douter.
J'extrais refusant de raturer le jet de la raison.
Il n'y a qu'elle, qui cristallise l'image, qui décide de la
forme ; en elle, se confond le miroir de l'absolue création. Sa
nudité s'exhibe, au plus profond de l'âme, dans le noir. C'est un
soleil !
Ne sais-tu pas tentative d'altitude, envolée florale,
sommeil d'espoir que dans la nuit jamais couchée, j'accède à la
349
volonté supérieure, du moins je le prétends, en caressant son
dessein initial ?
II
Je produirai par le Verbe, je doublerai d'efforts. Quant à
la chair de l'homme, je l'abandonnerai sur le chemin de la douleur.
Ma mémoire est un espoir où les faits doivent concourir
au futur. S'ils y parviennent, je devins, donc Je Suis.
J'agis avec le Temps, ma terrible dimension qui fuit et
jamais ne dure. J'ai appris à le craindre comme un ennemi
invisible qui égrenait ma vie.
L'écriture n'est qu'un moyen pour maîtriser son flot de
paroles coutumières, puis l'exercice allant, on compose, rature et
chiffre.
Écrire, c'est le dire mais avec un savoir-faire.
350
Quel Alpha ?
Quel Alpha ? Quel Oméga ?
Où suis-je ? Moi, Christ inconnu.
Nul principe du commencement ou de fin,
Je n'existe pas dans cet espace.
Ce que je suis est ridicule,
moi homme paré d'une onction.
Je cherche à l'intérieur, j'ausculte ma raison
Encore je trouve la même faiblesse
la même petitesse.
Je bute sur les mêmes vérités
et je te vois face à moi,
Toi dans ta grandeur
dans ta beauté divine
dans ta certitude messianique
351
Ma destinée est anodine,
Ma pensée n'existe pas.
Il n'y a pas de délire de ma part
Je sais, je suis assiégé,
mon corps est outragé, humilié
par le Mal.
Est-ce mon histoire ?
Sont-ce les divagations d'un homme ?
les discours d'un prophète ?
Voyant, prononce ton nom !
Là est ton avenir !
Ai-je entendu des paroles ?
Ai-je contemplé les Lumières ?
La bouche qui parle en moi, qui est-elle ?
Ô mes soupirs privés d'espoirs,
Je suis entre deux espaces !
352
Où m'entraîne ce langage ?
Je me place au milieu du poème.
353
Créatifs et ignorés
Créatifs et ignorés, à la production illisible, ils ont
trouvé, déplacé, condensé, fait exploser des symboles dans des
systèmes analogiques. Usant d'un matériel de mots, ils ont
encastré, soudé des solutions originales. Tout ceci est mémorisé,
mais échappe toutefois à la raison cartésienne.
Nous-mêmes, l'avons approchée comme un souffle de
pureté, comme une haleine cristalline, cette fille bleue de rêves, à
la chevelure remplie de papillons.
354
Toi, mon innocence
Toi, mon innocence, bientôt tu seras sanctifiée et
j'oublierai la violence et l'injustice, j'oublierai les tremblantes
douleurs qui t'assiégèrent pendant tant d'années.
Quelle direction prendras-tu ? Tu iras te jeter sur Dieu,
toi tête et corps inconnu de l'homme et de la chair.
Ni mentionné ni lu, mais qu'importe ! J'entre et je sors
dans cette vie de perte et d'erreurs. Constamment la bêtise a vécu
autour de moi, m'infligeant son cortège de médiocrités.
Quelle direction voulais-je prendre ? Il fallait fuir cette
jeunesse d'injustice et de vol.
355
Que dit la Mort ?
- Que dit la mort ?
- Tu te trompes, sors de chez toi.
Car les yeux qui observent ont constamment raison.
Aigreur de violence dans le corps...
L'innocent reste, encore dans l'ombre,
Ténacité.
356
La beauté s'épuise
La beauté s'épuise !
La pensée intérieure
Délaissera l'espoir d'un désir frémissant...
Éloignée, éloignée
La chair se meurt.
Envole-moi ! Le phosphore supérieur
S'éblouit dans l'air cristallin !
Imprègne-moi de manne condensée
Et nourri d'un souffle fécond
J'éloignerai le concept stérile
Qui gît dans mon âme interdite.
Le poète creuse et cherche, dit-on.
Le corps sanglant, il implore l'espace
Quel avenir ? Quelle sortie ?
L'Esprit est riche, mon désert infini.
Ce qui croît s'éteint chaque nuit
Dans leur continuel refus.
357
Mon aube est assoiffée de justice...
Leur donner ce qu'ils rejettent !
Leur offrir ce qu'ils méprisent !
Tiens-toi en éveil sur le bord du chemin
Comme une certitude d'avenir,
Leur folie les condamne déjà.
Accède à ton idéal,
Tu es et ils ne seront pas.
358
L'éclair de sel
Dans l'éclair d'une pensée obscure
Une solution évidente
Fracasse la voûte de ma raison.
Je protège ma tête
Entre ces vastes mains qui écrivent.
Sans aucun doute une sonorité
Venue du préconscient...
Utile pour quel poème ?
Fallait-il qu'elle me réveillât
Sur la portée de l'inspiré
Au terme d'une image
De fausseté, de dérisoire ?
Ne pas critiquer est acte de sagesse...
Prends ta cervelle, écoute-la
Poète à la réflexion ridicule !
359
Ce signal zébré dans ton ciel
Mille fois recommencé
N'est pas un espoir tari
Mais une étincelle nourrie de sel
À l'avenir certain.
360
Femme qui frissonnes
Femme qui frissonnes
Sur l'étendue des eaux
Ton évolution voltige
Et nous nous dénudons
Laissez-nous seuls, source claire
Nous pensons la couleur bleue
Sur la vierge allée du miroir
Ton pied léger caresse
L'eau de l'espérance
Les gouttes ont tressailli
Sous la vague de l'ardeur
Nous nous sommes engloutis
Emportés dans ses flancs
Espérant un bonheur
361
Femme qui frissonnes
Sur l'étendue des eaux
Ton évolution voltige
Et nous recommençons.
362
Grande pensée
Grande pensée, nous voici. Fraîcheur de l'esprit en éveil
sur des cimes, volonté du souffle pour accéder à tous les seuils,
autour du front se construit un édifice du savoir.
Tout soir est rouge, rempli d'animation, la fièvre y
pousse des cris. Les premières possibilités s'expriment. Non, il n'y
a que quelques accidents de langage...
Et c'est un hurlement de souffrances où des sonorités
aigres viennent se fracasser dans l'aire resplendissante de la
raison. O puissances sanglantes qui implosent le songe en mille
trouées d'ardeur !
Une seule et puissante lumière, plus vive encore par le
ciel intérieur courbe sa trajectoire portée sur des ailes de gaze. La
douleur rouge implore.
Si haute soit la pensée, une rumeur d'exil se lève et
s'amplifie, masse vaporeuse ou certitude pesée ? A l'horizon de
l'homme, une volonté de gains, de progrès.
363
Redresse-toi, accède à la pureté, poète orné de roses, ton
front est souverain.
Dans l'illumination du soir, il cherche et poursuit, et veut
accéder à la transhumance royale, sorte d'idéal impossible vers
une île de perfection.
La fièvre est encore en toi, la braise chaude respire sous
ta hôte de claire connaissance. Va chercher l'épouse vers la cime
respirant l'or des saintes paroles.
364
M E S S A G E S III
365
Grand esprit, me voici !
Grand esprit, me voici ! Chemin de certitude de braises
chaudes ! L’intelligence ardente et la conscience extrême, vers
quelle délivrance courons-nous ? La vitesse et le temps useront-ils
mon estime ? Nous avons espoir dans le sublime et le superbe. La
volonté divine, permettra-t-elle d’y accéder ?
Grand esprit, ai-je menti ? Me voici sur le chemin
inconnu. Tourbillons de feuilles légères m’accompagnant.
Recherche d’une possibilité sur la hauteur. Et ce beau souffle d’ici
et d’ailleurs qui nourrit l’homme, viendra-t-il ? ... Il est venu.
Je vous suivrai, emporté par le soir. Chavirement de l’œil
exalté dans les opales de flammes ! L’homme est porté par son
immense dessein, l’homme de rigueur et d’images - parviendra-til
à marcher dans sa nuit ? Il faut donc accéder aux divins.
Ô détestable mort comme une maîtresse noire et lugubre,
tu m’accompagnes constamment. Il a quatre laquais.
366
L’insomnie
L’insomnie de la nuit circule dans ma cervelle comme un
long fleuve impétueux.
La pensée reste constamment en éveil, semble se
plaindre et demande à se poser à une raison sur un support viable.
Ou ce sont encore des vagues successives cherchant à
regagner un rivage qui se dessine avec difficulté.
Il y a un gardien du songe prêt à exploiter sa mémoire
pour accommoder des mots ou des solutions d’écriture. Il est là ce
vigile de minuit zélé, capable de bondir.
Des possibilités auditives ou vocables cherchent à
monter assourdies ou cristallines, et cela se compare aux accords
d’un orchestre avant le premier mouvement.
Je n’entends pas de voyelles, mais je perçois des mots,
des sonorités, des claires, des aiguës associées à des consonnes
pour former des coups musicaux.
367
L’alphabet est déjà constitué. Des productions se
conçoivent sous le front, et la bouche articule et mastique ses
aliments.
368
Elle pense, elle espère
Elle pense, elle espère, s’élève, se foudroie, se détruit et
renaît. La voilà sur la pointe des pieds, fille sautillante, légère et
vagabonde. Je l’appelle Idée, - belle dans sa nudité, recouverte
d’un voile.
Elle pénètre l’esprit, elle va vers l’intérieur, atteint cette
espèce de masse noirâtre qui bouche l’horizon. Mais elle plonge
pourtant dans cet amas visqueux et glaireux là où l’intelligence
refuse de s’aventurer. Parfois des jets lumineux semblent bondir
de cet étonnant réservoir où le retour de l’homme paraît
impossible. L’obscurité y règne. Parfois encore des souffles
mugissent comme pour venir y chercher une respiration, puis ils
replongent pour disparaître dans les profondeurs.
Pourtant cette fille s’éloigne et atteint les premiers rocs
rougeoyants. L’oeil fasciné du poète la regarde aller toujours plus
loin, vers l’intérieur.
369
Pour le poème
que je sépare.
Mots, serpentins de vérités, de mensonges que je coupe,
Mots, solutions qui s’encastrent dans un nouvel ordre
pour produire une parole.
Ainsi j’obtiens une phrase, je suis seul à me lire,
personne ne s’y intéressera.
Ils ne sont pas tombés, mais ont été organisés, pensés par
la cervelle. Y a-t-il intelligence ? Qu’est-ce ?
Les sons brillent, brûlent et se meurent. Ainsi se conçoit
la poésie. Par elle, je suis quelque fois. Je me sens peu.
Dans la pure solitude, se propose le dialogue de l’exil. Je
désire associer des mots.
370
La pensée explose. Le souffle d’avenir. La beauté
lumineuse. L’Hymne flamboyant dans l’espace irréel. Le
soulèvement de l’esprit. L’acclamation du corps. Les jets
éclatants dans la sphère étoilée.
Le poème cherche un ordre nouveau. Il prévoit
d’étonnantes évolutions spatiales. Il fabrique des aigles qui
tournoient fluorescents. Tout doit obéir. Ceci est gage d’avenir.
Ton front cherche. Ta vérité lyrique se répand dans la
chambre d’infortune. Il n’y a pas de place ici pour la
pleurnicherie. Travaille.
Ton texte s’épanouit toutefois.
Espoir futur dans le souffle invisible. Sur le fil de la
certitude, le poète chante face au soleil, enivré d’espoirs et de
transparence. La vague claire m’emporte : tout doit sortir de ma
bouche. Elle est cavité de savoir.
371
Enfin je m’endors, je veux fuir dans mon rêve. Le poème
se meurt pour renaître, plus tard.
Enfouis-toi dans ton néant.
372
Je marche
Je marche sur de la matière endormie, point de formes, à
peine quelque masse supposée ici ou là. J’avance pied droit, pied
gauche. Alors jaillit à quatre pas de moi, une sorte de geyser vert
et jaune. Étonné, je recule. Dans ce jet, apparaît une femme
d’abord lumineuse et fluorescente. Lentement la couleur change
et devient bleue. Cette femme, qui bizarrement correspond à mon
idéal de beauté, s’étonne, s’observe et commence à se déplacer, à
tenter de vivre. Là voilà à présent tourbillonnant sur elle-même, et
riant de ses belles dents tout nacrées. Elle danse ou se plaît à
bouger. J’observe sa plastique puisqu’elle est mienne. Sa nudité
l’amuse. De temps à autre, elle me regarde et semble dire :
“Voilà, je t’aime. Je suis Elle, l’as-tu compris ? Me veux-tu ? Je te
dis que c’est moi.” Elle se balance, cherche l’équilibre entre le
désir et la retenue. Ce n’est point une représentation audacieuse
que me joue la raison, car elle est femme et existe vraiment. Du
moins je veux le supposer. La raison du poète est souvent
mensongère.
C’est la parfaite idée que je puis avoir de ma moitié, -
oui, femme perpétuelle dans la mémoire d’un songe, qui naît de
l’intelligence et se met au service de la sublimation poétique. Oui,
373
belle et vivante, pensée de l’intérieur, flamme de feu et de sang.
renouvelée.
Toute composition idéale est naissance encore
L’existence
L’existence est notre femme pour un court instant.
Devant la folie dévorante du temps, nous ne pouvons que
supposer ce qui s’appelle vivre. L’heure est une persécutrice qui
constamment nous dit : “Travaille, hâte-toi, il est déjà trop tard .”
Fatuité
Poètes de la dérision, penseurs de pacotille ! Se suffire de
sa médiocrité et jouer de la suffisance ! Je vous reconnais tous,
nourris de détestable prétention, certains d’une immortalité belle !
Qui est qui ? Qui vaut quoi ?
Interrogez la divinité et l’on vous répondra.
374
Dit
Nous existâmes avant Dieu l’incréé. Nous sommes
Là encore après lui. Lorsque Dieu étalait
Sa paresse, personne sur terre ; ce furent
Des dieux que le père malicieux laissa
En mourant, tout auprès d’une Bête innommable.
Et dit autrement
Ainsi nous existâmes avant Dieu l’Incréé
Et nous sommes encore là après son existence.
Durant que Dieu étalait sa paresse, personne
Sur terre ; mais ce furent des dieux que le père
Malicieux laissa au moment de mourir
Auprès d’une Bête innommable. Ces sagaces etc.
375
Inaptes à convaincre
Inaptes à convaincre, se plaisant à juxtaposer des mots
complexes, aux sonorités audacieuses, les poètes exploitent
constamment la merveilleuse symbolique auréolée d’effets
analogiques.
Pensée sereine
Pensée sereine qui avances sur une étendue blanche, où
te diriges-tu ? Te voilà parmi les transparences, fusillée par
l’ombre de la mort. Tu agonises et supplies. Tu disparais dans un
cortège de honte.
376
L’insatisfait
Je ne suis jamais satisfait de ce que j’obtiens. Il me
semble toujours possible de faire plus, de faire mieux. Ceci
explique pourquoi je ne m’identifie que très peu à ce que je
produis, ayant encore la certitude de pouvoir ajouter sur ma
compétence.
Je ne suis que cela, je voudrais être plus.
377
L’imagination
Il m’était difficile de soupçonner mon imagination
capable de m’offrir quelque chose d’utile ou d’efficace. J’étais à
l’entrée de mon âme et prétendais l’aptitude créatrice creuse sans
possibilité d’élévation. Cela paraissait faible, relativement ridicule
là devant mes yeux, sans le moindre soupçon d’image ou d’idée.
Je décidai de faire demi-tour.
Alors apparue l’irascible femelle, souveraine de mes
misères et de mes splendeurs, femme fatale au collier noir, cruelle
et dominatrice, comme suppliante et implorant je ne sais quoi.
Pourtant je refusais de lui demander de se justifier.
Cette frénétique salope, ce bourreau sexuel était là à
quémander selon le raffinement de sa sensualité supérieure. Elle
se voulait domestiquée, soumise à mes superbes connaissances et
désirait mon esprit de vouloir l’instruire.
Dans la mémoire d’hier, vacillaient encore des fantasmes
de bulles claires, de filles-serpents, de femmes-loups. Elles étaient
ligotées à ma potence de chair érectée.
378
Alors je me suis vu grandir, bondir hors de ma raison et
regagner le pur lac de mon enfance où j’ai commencé à vivre.
379
La jeunesse fusillée
Nous étions en avril. La nuit gémit souvent. De violentes
querelles se mêlaient à des passions de chair. Le vent soufflait
brûlant. De nouvelles filles inconnues se cachaient derrière des
rosiers, agenouillées ou quémandantes. J’étais loup migrateur,
solitaire. La mendicité resplendissait dans ma cité faite d’ombres
et de douleurs ; l’oeil des violeurs tirait sur mon corps
sanguinolent. J’imaginais une capacité autrement exploitée dans
la rigueur de l’intelligence.
Le fond du cœur suppliait. L’espoir était vain.
380
Le mépris
Nul soleil dans l’intelligence. La lumière déçoit, vacille,
répandant mollement quelques rais ténébreux.
La fille-lune à la hanche féconde quémande un orgasme,
convoite une chair que je ne puis lui offrir. J’aime son sein, mais
seulement deux ou trois heures.
Elle me voit composer avec du bleu, avec du feu
intérieur, et se rit de mes recherches.
381
Évidence
Quelle direction fallait-il prendre ? Quelle folie
emprunter ? Ma jeunesse était studieuse et prévoyait un espoir
d’honnêteté. Ma tête inconnue me suffisait. Que devais-je ajouter
sur mon savoir ? Se profilait à l’horizon de ma pensée la certitude
de la médiocrité, de la déchéance et de la honte.
Je devais poursuivre ce chemin, hélas ! Fatale
humiliation, ridicule assuré !
J’inventais le travail. On le cassa. Je m’imposais une
hygiène. On ne couvrit de salissures et de déchets.
Quel ordre ! Détestable choix !
382
Confession
Je connus un suicide vrai quand je pris conscience que
l’équation rationnelle se transformait en image chimérique. Il
fallait inviter mon cerveau au mystère stupide, au trois fois rien
mêlé de dérisoire.
Comment transformer en gain ce qui constamment
semblait perte ? Comment ?
L’immense offense à la raison, la certitude du ridicule.
On porte toujours sa honte, espérant jeter l’habit
d’apparat et de paillettes, on porte...
383
Nous faisons le chemin
Nous faisons le chemin dans la honte, trop conscient du
ridicule de nos actes. Nous tentons avec nos airs supérieurs
d’accéder à des vérités qui nous dominent ou nous dépassent. Nos
certitudes sont délétères, nos expériences pas même alchimiques.
La terre qui supplie fera pourrir notre œuvre, nous vers
polis sans espoir. Atteindre le pseudo sommet équivaut à se
crucifier. Le temps nous scrute, nous jettera dans la mort, bel
avenir ! Étoiler son royaume et s’imaginer être !
Oui, je veux m’enfouir dans la caverne intérieure de mon
cerveau. Au plus profond de la raison, quelques soleils ici et là
éclairent de leurs feux magiques des arcs-en-ciel de rêves.
384
Nulle intelligence
Nous ne possédons aucune intelligence, nous voyageons
de jeunesse poétique en immature littéraire. La vérité du temps
nous réduit lentement à l’état de rien. C’est pourquoi nous
supplions, nous jurons posséder un savoir et cherchons à le
transmettre... pour personne.
*
- Pourquoi cette vitesse extrême ?
- Il le faut, la mort me transperce, me fusille
constamment et cherche à m’emporter.
*
- Sur ton apogée, que peux-tu certifier ? Qui es-tu ?
- O milliard sans espoir de déception absolue ! Je fuis
dans le néant, le ridicule s’en retourne à sa pure perte.
385
Disons
J’implore chaque nuit Dieu de faire cesser l’agression.
- Et que répond-Il ?
- Je n’entends que le silence. La douleur dure encore.
- Écœuré de l’ignominie carcérale ?
- La cervelle doit produire. Je reste à demeure dans
l’infini de l’injustice.
Nous construisons
Nous construisons notre tombeau afin d’accéder à
l’immortel, avec l’espoir d’une étonnante durée. Le poème est
d’outre temps. Homme maudit, tu gémis, tu pourris, vers de terre
rempli de phosphore. Je veux purifier ta sève exaltée. Ne faut-il
pas se suffire de la reconnaissance de l’au-delà sans se soucier de
la crédibilité humaine ? Ne faut-il pas ?
Je m’enfuis, je trouble mon âme, je déploie encore le
fabuleux éventail de diapasons et d’arcs-en-ciel, et le souffle de
feu aère ma cervelle en émoi.
386
Répétition
Tu me redis, génie
Ce que je sais déjà,
Génie, exalté, immortel
De pensers purs, d’élans, d’espoirs
Tu es ma référence
Et mon admiration.
Constamment près de toi,
Je suis à apprendre
Tu es mon instructeur,
Je suis ton apprenti
Le livre que nous faisons
Dans la nuit exaltée
Se conçoit aisément
Par ta sève enivrante
Résidons en nous-mêmes,
La boule d’énergie
Saura nous éclairer
387
J’exploite tes ressources
J’obéis à tes ordres
Je suis le nourrissant
Et tu es l’instructeur
Cherchons-nous autrement
Pour aller au meilleur ?
La clarté nous dirige
Par ta torche superbe
Sous mes doigts animés
388
L’infini poétique
L’infini poétique s’exalte constamment. Qui peut se
prévaloir d’accéder à l’immense souffle intérieur, à l’éphémère
respiration sans lesquels nul acte d’écriture n’est possible ?
Tu pénètres au profond de mon âme. Te voici plongeant
à la recherche de quelque mitraille d’or. Nulle angoisse, nulle
crainte à descendre ainsi. Hier tu craignais la folie, le dérèglement
des sens. Tu dansais avec l’ours aux gencives violettes. Hier tes
deux gros yeux de myope t’interdisaient de comprendre.
À toi à présent l’aptitude pour être et devenir. Tout
dépendra de ta foi, de ta certitude en la Lumière du savoir. À toi.
389
Filles décoiffées
Filles décoiffées
Maison de mon enfance
Je me souviens de vous
Filles grandes, mes aimées
avec des soies, des tissus aériens
La mémoire de mes chaleurs
de vos chairs embaumées
Les empreintes de vos lèvres blondes
de vos tignasses vagabondes
Les filles sont splendides dans le vent.
390
Vie
Il s’inventa un espoir
derrière lui
espoir stupide
il s’exécuta dans la nullité
de sa discipline
sans art
sans avenir
Il mourut, évidemment ressuscita
tel un Christ inconnu
Il connaît à présent la honte
de soi
et vit retiré, caché dans son âme
391
Le mépris
La pensée poétique constamment est méprisée. Qui n’a
pas entendu ou supposer entendre le rire loquace sortir d’une
bedaine vulgaire et prétendre que cet art était ridicule ?
Le poète se replie sur soi-même, craignant d’être
incompris de ses proches, de sa famille et de ses frères.
392
Météorites
Nous avons passé notre existence à nous nier, refusant
constamment le résultat obtenu, prétendant que nous étions aptes
à pouvoir faire mieux. Une avalanche d’années s’est abattue sur
notre conscience. La nuée nous a emportés pour nous enterrer
plus loin, dans le cimetière de l’inutile.
Destin ridicule à travers l’apothéose des techniques et
des sciences, quelques lumières, des beautés, apparaissent
toutefois çà et là, - météorites inconnues, invisibles d’ailleurs, du
passé - vers la mort.
393
Le cancer du mal
La pensée restait cachée au fond de sa personne. Elle
cherchait à exploser, mais ne parvenait à s’extraire hors de
l’intelligence.
L’étroitesse de l’ouverture réduisait son flot immense à
un ru insignifiant. D’une citerne ne s’écoulait que le contenu
d’une cruche dans la journée.
Le don bridé, interdit s’autodétruisait, se mourrait
lentement en soi-même. Lui proche de la mort voyait le temps
sonner la vingt-troisième heure.
“Tard, si tard, trop tard peut-être ! Jamais !” prévoyait-il.
Mais que pouvait-il se reprocher ? Où tirer plus encore
de substance, de savoir, de quintessence ? La douleur était bien
interne, constamment présente comme un ignoble cancer.
394
Serons-nous demain
Serons-nous demain un livre d’espoir, un reliquat baigné
de cendres chaudes à la croisée de deux âges, quand la science
nous déchirait en lambeaux, nous infligeant à bien mourir, quand
la technique nous fusillait lentement, nous éloignait de la jeunesse
belle ?
Notre passé acclame notre gloire. Nous resplendissons
dans hier. J’interroge encore : où se situe le cimetière ?
395
Pensée qui descends
Pensée qui descends dans la fraîcheur sauvage,
Pailletée d’or, j’espère ta liberté.
Insignifiante charge déjà perdue,
Dérobe-toi des yeux violeurs
Qui veulent pénétrer dans ta fissure.
O beauté insoupçonnée, iras-tu te cacher ?
Voudras-tu de ce spasme,
Car je dois t’étourdir ?
Ma soif que nulle bouche de fille
N’apaisa, ma soif, sauras-tu l’épancher ?
Parée de voilures fines, tu succombes à mon charme.
Tu vis de soie légère,
De brise câline,
De mon avidité,
Vois, je te donne la vie. M’aimes-tu ?
396
La gloire du maudit
Combien te sachant avec tes ambitions effrayantes, dans
cette nuit sinistre, tu m’apparais grandi à la flamme maudite,
pauvre cervelle, dont nul souffle n’exorcise la douleur. Le
phosphore émanant de ta personne, comme un boueux soleil,
t’établit en son centre. Sois satisfait, arrogant rimailleur au
crachoir rempli.
Ton poème est obscur, les chiffres y sont invisibles. Tu
veux briller et exploser dans une gerbe multicolore. C’est
détestable, mais tu es dans la nécessité d’avancer. Là s’impose
l’ignoble dilemme. Tu dois t’enorgueillir au-delà de la honte
épousant ta modeste condition.
397
Ai-je chanté, chanté l’espoir
Ai-je chanté, chanté l’espoir, fils de l’inconnu, fils du
dernier spasme dans la nuit criarde ou étoilée, implorant l’éclair
comme une femme sa délivrance ? Ô présences de mon soleil
maudit. L’espoir ! Il fut tué par l’ignominie de celui qui détruisait
avec méthode et splendide efficacité : “Tu t’émerveilles malgré ta
petitesse. Dans l’ombre, que tu périsses !” L’Oeuvre suppliait de
poursuivre l’étrange folie, l’Oeuvre suppliait.
Au milieu des démons, avec une mémoire aseptisée, la
lumière éclairait quelque peu, assez méprisable.
398
Le souffle reste enfermé
Le souffle reste enfermé dans sa forte personne comme
une constante nourriture de l’esprit. Bien assis en soi-même, il
semble posséder quelque pouvoir. Il ne peut qu’avancer. La
puissance de son don lui impose quelque place satisfaisante. Le
temps à ses côtés est un conseiller de choix. Nul vertige ne
déplace l’équilibre.
Son propre frère, le valet d’ombre, le porte jusqu’à la
stèle du cimetière, croque-mort et adulateur à la fois.
399
La chair et l’esprit
Pression de la chair sur l’esprit,
Le désir constamment s’impose,
Plaintive supplique qui ronge le lit.
Qu’une envolée de pensées
S’éloigne de l’épiderme de l’amant !
Oui, que pure soit son aventure
Qui chasse le désir malsain.
Que va-t-il laisser dans sa mémoire ?
Le jardin d’une femme en sang ?
Il n’est pas que d’aimer le corps, ici.
Soleil de mon orgueil, je te salue !
J’appelle ton suc nourricier,
J’espère en ta jouissance et te veux.
400
Pression de la chair sur l’esprit,
Le désir constamment s’impose,
Espoir de la raison, ô fièvre détestée.
401
Constat
I
Restons encore ici, enfermés dans la chambre.
Attendons, attendons de pouvoir mieux écrire. L’avenir irréel que
nous nous étions promis semble dire : “Pourquoi pas ? Pourquoi
pas ? ”
La terre semble fertile à l’orée de l’adolescence. Elle
décharge aujourd’hui des flots de bêtises, des certitudes fumantes
d’échecs.
Nul chant ne saurait faire oublier les lamentables écrits
que l’intelligence attise avec médiocrité.
Mon espoir est faible. Je l’entrevois à distance douteuse.
Que m’importe de partir pour tenter de m’approcher. Non.
Travaillons encore, cachés dans l’ombre. Oui, moi, et quelquesunes
unes de tes saveurs, si cela est possible.
402
II
Mais que dois-je écrire ? Que puis-je tirer de cette piètre
cervelle constamment animée par le désir de produire à l’emportepièce,
d’extraire des propositions douteuses ou des solutions
déplorables ?
Je pousse mécaniquement des sortes de mots, des bribes
de structures qui semblent s’accoupler dans un dédale de
sonorités, qui désirent s’accumuler les uns derrière les autres pour
former des espèces de paragraphes.
Mais qu’est-ce ? Où cela veut-il aller ?
403
Ouvrir sa conscience
Ouvrir sa conscience, éclairer sa certitude. Constructions
intérieures qu’une pensée irradie pour que de nouvelles
élaborations s’élèvent plus pures encore, plus belles dans l’âge de
la maturité.
Souffles de semences jetées en gerbes irisées par le
balancement du bras qui pense, les images croissent, se
développent et deviennent architectures mouvantes dans l’air
limpide et bleu.
Fresques de paroles, d’ordres et d’obéissances, de grands
espoirs ont jailli par l’antique mémoire. L’image s’alourdit et se
veut bloc quantifiable pour échafauder la stèle.
Je t’espère et te contemple...
404
Dis-moi
béant,
Dis-moi, prétendue fécondité, femme poussive au sexe
dis-moi,
405
Il respire, il pense
Il respire, il pense,
À l’abri de sa tendre chair confidente
Et sa raison, la nuit oublie le corps
Le désir l’épuise
La construction le fortifie
Oui, moi avec la femme absente
Sans fileuse, ni bergère
Ni fille bleue
Dans l’épaisseur de mon interdit,
De mon inaccessible
Un souffle se déploie à l’horizon
Pourtant parfois je te sais aller
Sur ma secrète couche de songes
Attendant, espérant mon ombre
Mais l’homme stupide préfère sa prison.
406
Je ne te conçois pas, je t’oublie
Invisible comme les nuages qui se défont
J’ai délaissé tout mon soupir
Sur ta toison matinale
Qui s’offre et s’ouvre secrète
Un parfum délétère
S’éloigne tristement
Vers le jour qui va éclore.
407
Pas assez creusé
Pas assez creusé, pas assez cherché, encore, au plus
profond, en soi. Je ne suis qu’une ronde pénétrante, qu’un homme
de l’ombre qui descend, descend, qui remonte et n’extirpe rien
d’utile. Je poursuis ma folle plongée. Etc.
Interrogation
Comment vivre avec toi, poésie ? Les hommes te
détestent, te nient, méprisent ta compétence, te rejettent comme
une fille stupide et volage.
Comment ?
408
Dis-moi, stérilité
Dis-moi, stérilité, pensée façonnée par le temps, ne veuxtu
pas descendre au plus profond pour y extraire de la lumière,
une étincelle de vie, un brouhaha de paroles pour qu’enfin
jaillissent de grandes feuillées dans le vagabondage de la raison ?
Ne jamais dormir, constamment réfléchir les yeux
ouverts vers l’intérieur pour rêver de femmes dansantes, de soleils
éclatants, de souffles exaltées. Etc.
Les deux voies
Il n’y a que la beauté et l’intelligence, que l’intelligence
et la beauté. De ces deux formes d’idéal découlent la pureté, la
lumière, la luminosité, le chemin vers Dieu.
409
Le jour se pense
Le jour se pense
Dans le ciel constellé
La lumière éclaire la voie
Le jour se pense
Ouvrir l’esprit, illuminer la raison
Des graines de certitude
s’éveillent ça et là
Le jour espère
Les brouillards s’élèvent lentement
L’homme observe, tourne sur soi-même,
regarde alentour
Il cherche ses yeux, pour voir
pour se voir
pour comprendre
Des idées tout à coup sonnent
la porte de sa chaumière
vague appel ou possibilité sereine ?
410
Une gerbe d’espoirs contre la nébuleuse
invisible, impalpable,
de sons, d’images, d’avenirs
Alors tu deviens poète
tu marches sur tes pieds,
Tu avances péniblement
ta chevelure s’envole
soufflée de rêves étranges
Il y a blancheur de folie, d’extase
de tentations audacieuses
Tu palpes des idées intérieures
avec le désir de pouvoir comprendre
Tu produis en tâtonnant
en suivant la marche de ton langage
La substance de vie glisse entre tes doigts
Les mots s’entrelacent
c’est encore le matin,
te souviens-tu de ton espoir
411
La lumière est laiteuse,
elle vient caresser ta chair
elle quémande un orgasme
Le jour se pense dans ta bouche
Il commence à parler
écoute-le.
412
Le jardin
Sur sa tige lumineuse
se balance la pensée indécise
Là dans le jardin d’autres fleurs
soupirent quelques plaintes
Des semences oubliées
attendent
Des reflets d’or, des ombres bleutées
essaient de colorier ta blancheur
Le soleil boit la lumière
dans ta bouche
Tu donnes ton esprit
Tu nourris sa beauté
l’espace s’exalte
Tu éclaires la danse des autres tiges
souples et féminines
413
Elles respirent ta sagesse
Tu es la conscience dans laquelle on s’inspire
414
Je m’étais purifié
Je m’étais purifié - ô ma vie, tu transmets l’immatériel -
dans une large envolée de sel et de sang. J’étais l’enfant atteignant
son zénith ; puis poète, je fus entouré au milieu des ombres
violentes. Je ne pus accéder à la beauté.
Vieux, voûté, je plonge dans la nausée du poème. Une
lampe de phosphore m’éclaire parfois. Elle vacille entre le silence
et l’abnégation.
J’atteins ta limite, - ô vie servile, de honte et de labeur. Je
marche à présent dans ma certitude d’avenir perdu, possédant la
vérité des hommes. Je n’engendre que le mépris. Je m’éloigne
dans mes décombres à l’aube des finis.
pour m’exprimer.
Oui ! Ma fin approche. Je n’ai plus que quelque temps
415
Le médium
La pensée s’allumait. Aussitôt une foule d’ombres
cherchait à l’éteindre. Toute la folie de l’au-delà s’accumulait en
bande stupide dans ce lieu. Et chaque nuit, le manège sinistre de
la violence. J’en étais le témoin et l’abominable victime. Je
choisissais la ténacité et la certitude de mon avenir.
Étrange destinée. J’attirais le Mal, comme l’aimant la
limaille de fer. De la cheminée invisible, descendait la Mort. Elle
venait m’écouter et me regardait écrire. Des esprits mauvais
observaient. Compagnie détestable. Certitude de médium.
416
Esprit et vitesse
Constamment l’Esprit doit assister l’homme. Saura-t-il
exploiter l’immense richesse que celui-ci possède ? Ou inapte à
comprendre, s’en retourne-t-il dans le Néant de son essence ?
L’homme doit se hâter. Il lui faut intégrer la vérité belle,
l’exceptionnelle pureté... Si non ?
417
Éloge
Douceur a dû
Par temps de souffrances
Au désir repu
Trembler de jouissances
Car soumis en tout lieu
Sous quelques fouets divers
Une cruauté bleue
Brille dans mon éther.
En cela amoureux
De diablesses nues
Implore le feu
De superbes rudesses,
Et bois au sexe d’or
Le breuvage divin
Pour enivrer ce corps
De plaisirs malsains, etc.
418
Isabelle II
Je voyais très nettement dans la blondeur de ta chevelure
épaisse un nuage de saveur sur des bleutés rêvées. J’y découvrais
un souffle de soieries imprégnées de senteurs rares, je m’enivrais
de cet amas confusément mêlé laissant vagabonder ma folie
sereine. Je flottais légèrement dans les vapeurs de nos amours
fatiguées,
mais toi d’un geste machinal, presque inconsidéré tu
glissas ta blanche main aux ongles parfaits dans cette forêt de
mèches claires, et la sublime évocation s’est plu à disparaître,
n’est-ce pas détestable Isabelle ?
419
Une pure sphère
Une pure sphère dans ta bouche et la divinité naît de sa
sublimation. De l’idéal inouï aux contemplations religieuses, la
certitude de la perfection s’intègre à ma conscience dans la nuit
exaltée.
Pour ta grandeur, cent mille architectures s’élèvent.
Formidables phénomènes de délires qu’il me faut expliquer. Les
capacités de ma mémoire garderont pour toujours dans leurs
alvéoles de ruche de superbes substances exquises. Renfermerontils
une allégorie supérieure ?
De l’exaltation à la soumission poétique, des cris
d’espoir aux souffrances détestables ! Ha ! Une vérité fourmille,
un chrême parfume la pensée promise à des avenirs meilleurs.
420
L’Oubliée
Vous qui m’avez connu, grande, élégante et sensuelle,
épanouie dans le plaisir d’autrefois, observez mon visage à
présent, est-il encore quelque espoir de grâce et d’avenir ?
Le temps à son contact a souligné le cerne, et m’a vêtu
des attributs de l’outrage. Ne me restent plus que l’imagination et
la mémoire pour essayer de me souvenir. Je demeure là, inconnue
de moi-même, incapable de comprendre comment cet ennemi a
pu me vaincre avec une telle efficacité. Je vis dans le passé,
désireuse d’exalter quelques anciens soleils, plongeant à la
recherche de richesses oubliées dans un coeur flétri.
Mon plaisir semble pourtant le même, ses effluves
m’attirent aujourd’hui comme autrefois. C’est vrai, je couvre un
peu plus quelques zones de chair, sachant pertinemment que ce
qui était ne saurait être encore. Mais j’avoue que la passion très
forte m’attire avec folie avec excès et jouissance, etc.
421
Méprisant
Méprisant une forme supérieure
L’ivresse lentement s’endort
Elle survole l’écrin délétère
Serti de pierreries et d’or.
Beauté, ma certitude
Beauté, ma certitude, par des chemins obscurs
Munis-toi de ta lampe, avance avec courage
Tu es ma fille, tu es ma femme, tu es ma reine
Dans la vie du futur, je te conçois déjà
422
Je relie
Je relie les uns aux autres sans conviction aucune,
j’essaie de grandir auprès de ta Présence. J’accède à un cours
nouveau, concevant toutefois ta Force Spatiale. Je subis l’acte de
violence qui réduit mon ascension. J’accède sans éclat à une sorte
de Zénith, toi et moi, on se comprend, - enfin nous nous
comprenons.
Je ne le sais pas ? Quel sens, alors donner à
ma vie dans l’explication binaire ou stérile --- Quel avenir ? Et
pourquoi ? Chaque jour qui naît exploite au fond de sa chair un
espoir de futur -- tu ne le sais pas ?
Alors le jour appartient au mois, et saigne par ses
menstrues comme une putain frénétique dégoulinant de vices et
de sexes --- Pauvre colite de ses entrailles nauséabondes --- le
vice se lève, le vice --- non, ce n’est pas la fin il faut poursuivre.
Le jour lutte et désire mais se tait --- Il est emporté dans
l’infini du temps et disparaît. Il reste un nuage oublié, qui va làbas
à la mort, lui aussi.
423
Elle et moi
Elle et moi pensons là, qui espérons, comme des
personnages antiques. (N’est-ce pas pour transformer l’acidité
veule en excréments du soir, pour poursuivre l’incohérence de
l’acte avec effets sublimes à attendre dans ma tête messianique ?)
Me voilà, crétin expliquant à l’autre, à toi, idéale de
femme-fille, qui t’accouple par l’encre de ce sperme à ma superbe
figure. Et --- vus dans le lointain,
Sur l’aisance de mes dires, sur le contrefort glacial de
cette création feue, pour savoir si ton coït de sommeil engendre
quelques traces de génialité, sur cette ombre écumante...
Silence de la désespérée --- pourtant elle m’aide,
monstrueuse salope auréolée de gloire, jusqu’à l’expulsion
énorme.
... Enfin, son visqueux trou du cul gluant, viens que je te
défonce, et te fasse sublimer des orgasmes audacieux.
Silence de la désespérée : “À l’aide ! Je reconnais qu’il
424
m’aime --- nous parviendrons à produire ce punk de merde pour
l’écriture nouvelle.”
425
Le poète
I
Le poète échoue pour son plus grand triomphe. Haï de
tous et de soi-même il accède à l’immortalité.
En marge de la défaite, il se couvre de gloire.
Je suis celui qui comprend autrement, mais ce système
de valeurs n’a pas cours chez vous - tant pis ! Je suis celui qui
vous offre un produit différent. Que puis-je, que dois-je faire pour
que vous acceptiez de le consommer ?
Qu’importe !
II
Le poète s’en retourne constamment dans le néant de son
incompréhension. Toute tentative pour essayer de plaire est jetée
vers l’échec.
Souvenez-vous de lui, vous ces belles pleureuses, s’il
426
vous semble qu’une aile d’espoir voltige par ici ou par là !
Celui qui sait ne souffre plus. Dans son ciel rougeoyant,
il n’est plus de douleurs.
Ha ! Pensée de l’idéal, intelligence de la vérité, que vous
soyez présentes à l’heure de la délivrance !
427
Midi, supérieur et pur
Midi, supérieur et pur.
Le vent se lève, le temps compte,
l’intelligence écrit.
Les grandes pensées se penchent sur le front
et désirent inspirer.
La lumière jaillit ici et là,
Des sources dormantes semblent chuchoter.
Les colonnes, les hauteurs calculent exactement
la mesure de la gloire
l’oeil offert au soleil se nourrit
Cette immense architecture, je sais
Qui l’a construite
Elle désire s’envoler,
rompre ses attaches terrestres
et devenir temple immortel dans les airs.
Ses constructions de pierre où coule la lumière
atteignent les nuages et resplendissent, superbes.
428
Je ne sais
Je ne sais où je dois aller. Vers quelle forme
d’intelligence poétique, épuiserai-je mon songe ?
Pourquoi chercher si loin ce que l’on a en soi ?
Une beauté
Une beauté dont la chair est un bouquet de roses
s’évanouit et disparaît.
Le poète la désire, la cherche désespérément. La
retrouvera-t-il ? N’a-t-elle pas fui à tout jamais ?
Ils s’épouseront peut-être dans l’infini de l’imaginaire.
Le rêve se meurt, la pensée est toujours vivante.
429
Essaie de te faire efficace
Essaie de te faire efficace par l’accumulation des gains,
d’effets-victoires. N’hésite pas, va au-delà. Plus loin, tu dois
trouver. Tu en es capable.
Ne crains pas de chuter. Là est ton risque. Ne va pas à
l’échec. Tu perdrais ton temps. Et recommençant, aurais-tu la
certitude de viser juste ?
on tire la vérité.
Il faut chercher le réel dans l’imaginaire. Par l’absurde,
430
L’été de notre vie
L’été de notre vie s’enfuyait au hasard
Le temps mangeait la chair belle de l’épouse
Avidité, soumission, vitesse,
Tout semblait nous propulser
dans un étrange mouvement
de folie et d’ivresse
Le château de l’avenir
s’effondrait déjà
dans l’interdit à espérer
La pensée prétentieuse réduite à rien
plongée dans l’infini ridicule
mourrait sous le cri déchirant de la lyre
L’agression du mal m’infligeait le supplice
Un vol de noirs rapaces
planait au-dessus de ma dépouille
Je compris que tout était perdu
que le Mal puissant et splendide de cruautés
431
était l’unique vainqueur
Il ne me restait que quelques reliefs
de ridicule et de médiocrité
Je n’avais pas de règne ni de futur
Le Vent soufflait peu,
je devais me suffire de déchets
J’implorais quelques géants
de vouloir m’aider
Mon âme affamée quémandait encore
C’était à l’origine de l’écriture,
dans l’action première de jeunesse
Le ciel déjà me détestait
Le ciel déjà me détestait,
je m’en souviens fort bien.
432
Bondissaient
Bondissaient autour de sa capacité poétique des
circonstances imprévues cherchant à s’intégrer dans son œuvre. Il
écoutait patiemment, à l’affût, désireux d’exploiter des solutions
nouvelles, des avenirs d’images.
Je vois tout l’intérêt
Je vois tout l’intérêt à être inspiré des dieux. C’est leur
servir de calame. C’est un honneur pour un esprit purifié que
d’être l’instrument de divinités.
*
Et mon cœur endeuillé ne cessait de gémir.
*
Les morts ne songent plus à se lever de terre.
433
*
Concevoir en strates successives des pensées poétiques.
434
Analyse
L’inspiration a certainement une fin. Je l’ai nourrie
d’absences, de splendides actions vides.
J’accole la certitude d’un au-delà à la malédiction
terrestre. Je connais d’étranges tourments. Je ne suis chez les
hommes mais je suis chez les morts. Je passe sur des hauteurs, et
je plonge dans des néants.
La grandeur se construit sur de l’apprentissage. Je
dialogue avec le silence. Certaines femmes supplient ou crient. Je
les entends parfois.
La durée qui m’est nécessaire ne sera pas suffisante.
Comment pourrais-je exister avec si peu ?
ridicule.
Non ! Encore non ! Tout cela est trop faible et frise le
s’épousent.
La nuit et la pensée s’accouplent. L’ombre et l’invisible
435
délabré.
J’habite des ruines de certitudes, pour un devenir
L’homme est comblé de médiocrités, de semblants de
valeurs. C’est une rose puante qui renferme tant de déchets, de
souillures et de honte.
Comme j’appréhende de plonger dans cette horreur. Tel
est mon risque, ah !
436
Monde perdu
Monde perdu dans ses mystères, dans l’océan de
l’inconnu, l’inspiration survivra-t-elle ? Pourra-t-elle tirer de
nouveaux espoirs ? Plongera-t-elle vers son suicide beau ?
Chair dans l’âme
La transparence d’un bras nu qui se noue
Le délicat d’une main aérienne
L’air qui berce ta chevelure rousse
Vers quelle source de femme
Ira la pensée aiguë du fantasme ?
Pour amasser les larges richesses
Du corps et de la chair
Ma raison creuse dans la passion
Cherchant à appeler le plaisir
437
Si je m’enfuis
Si je m’enfuis, je sais que je vais perdre l’essence de ces
années majeures. Dois-je m’éloigner de ce futur trésor ? Me fautil
poursuivre ce principe d’écriture ? Où puis-je trouver la ténacité
me permettant d’accéder à ma promesse ? L’insatisfaction est
constante, la recherche besogneuse. Je porte en moi l’humilité et
la honte de mon identité poétique.
438
Combien sont à mépriser
Combien sont à mépriser ce que je propose, d’une
humeur dédaigneuse, proche d’un sentiment d’indifférence !
Ils répondent : “Mais quelle place croyez-vous que nous
accordons à la poésie avec son cortège de pleurnicheries, de bêtise
et d’inutilités ? Voyez l’existence : nous n’avons guère le temps
de nous y pencher. Elle est bien ailleurs la sensation de
l’intelligence qui apparaît et disparaît sur les écrans nouveaux.”
Pensée
Je ne vois nul espoir, vain fleuve qui charrie des livres
égarés. Les visages de femmes que j’aime apparaissent, fuient
vers d’autres rives picorées de sang. Comme je voudrais me
fortifier dans ma certitude.
439
Envolées
Battements supérieurs de l’intelligence
Lentes pulsations de l’énergie qui vit
L’esprit attend la part qui lui est due
Il y a balancement de la raison houleuse
Là-haut une phrase, aliment suprême
Est nourrie de lumière et de triomphes
Le guetteur cherche à capter
Le signe éphémère qui constamment revient
Les ailes de la pensée battent
Et cherchent à s’envoler.
Et la caresse aérienne vient se poser
Sur le temple du savoir
440
Sur le cercle
Sur le cercle parfait il a pensé créer
Un idéal de vérité,
Une certitude de construction
Son corps au centre tournoyait sur lui-même
Jusqu’à l’élévation des vapeurs frêles
Jusqu’à l’obtention d’une ivresse folle
Pour accéder à l’évanouissement des sens
441
Analyse nocturne
Sur l’autre versant, une lumière l’appela
Il ferma ses yeux, il était ivre
Il délaissa son corps,
L’abandonnant à d’autres
Peu à peu des signes apparurent
offrant des messages inconnus,
incompris
Il scrutait son espace
son vide intérieur
Sa pulsion de poète
rendait son écriture sanglante
des sphères de mots tentaient de s’évader
en halos successifs
en cercles fuyant
Il allait de chute en chute
sa conscience s’évanouissait,
le rendant hagard
442
La mort te cloue
La mort te cloue avec sa malédiction
et des feux incessants sillonnent ton esprit
Ô puissance des douleurs aiguës
comme les épines de la couronne du Christ
Souffrance, souffrance tel est le mot
Silence, silence sur le frontispice
de l’architecture divine
Dix mille nuits de torture
ont construit ta destinée
Les hommes s’étonnent et nient cette vérité
c’est l’incroyable indifférence
et le ciel est de pierre
Ils exigent des preuves
que je ne peux leur offrir
jamais ils ne mangeront le pain de la mort
le pain du mal
443
Tout n’est que douleurs
Le vent de l’Esprit s’est une fois souvenu
La nuit éclairait vaguement
la pensée intérieure.
Le poète était debout,
nul Dieu ne s’est arrêté
mais s’en est retourné prompt et rapide
L’homme, pense, du moins il s’essaie
donc il danse
sur un tapis d’aiguilles
focalisant uniquement son attention
sur sa douleur
Il s’enfuit, non, il erre,
il vole au-dessus du labyrinthe
Ses pieds s’élèvent ensanglantés encore
donc il danse
il tourbillonne dans le cyclone
des vies humaines
444
Profondément vers toi
Profondément vers toi
je me déplace.
Mes dieux se dédoublent,
pourtant je me sens seul.
Chair soumise à la souffrance,
chair pénétrée d’aiguilles invisibles,
embrassant l’étendue impossible
de l’immense génie
et sa beauté féconde.
Puis s’efface à regret
ma pensée sur le souffle de vie
jusqu’à l’ultime éclat venu
de l’inconnu,
de moi,
de rien
vers le néant.
445
Offrandes
S’écartent les cuisses,
se tendent les reins
s’offre la poitrine
les muscles de la femme supplient
pour quelle jouissance extatique
le corps quémandera-t-il encore ?
Coulées de baves dans le cou
fluides des sexes qui parlent, appellent,
et implorent
Assauts de chairs, vers quelles fuites
Halètements, gémissements encore
au plus profond des entrailles
dans la zone de folie
à hauteur aphrodisiaque,
organique,
de jouissance ?
446
Le vent rouge
Le vent rouge s’élève
d’un coup de flamme
Avalanches, tourbillons des lianes invisibles
il est emporté
le stratège de la nuit
flanqué de sa lumière intérieure
Le vent rouge est fumant
il s’est écrasé
dans la suie du ridicule
le poète aux bras arrachés
incapable de voler.
447
M E S S A G E S IV
448
Quelle trouée d’azur
Quelle trouée d’azur
s’est déchirée pour atteindre la foudre
quand ma chair hurlante
implorait la mort
de ses cris sanglants ?
449
Finir seul
Finir seul
en résolvant le problème
de l’inconnu
du banni
sans source ni extase
dans la parfaite contemplation du moi
admirant son triomphe
avec la cruauté du mal
être sans être, sans l’autre
se chercher et se comprendre
se savoir
pour accéder à sa gloire unique
voilà
450
Conscience
Toutes les fulgurantes plaies
sont enfouies dans les chimères de la vérité
La constance du mal sur le mal,
où est-elle ?
Dans la chambre cruelle
où le néant confirme la vérité
où la négation chevauche le mensonge
Le plein est nourri de vide
d’absence d’être
Il n’y a nulle apesanteur
dans l’enfer de l’écriture
L’espace existe là-bas, plus loin
ici c’est le silence au coeur de la nuit
Le temps compte, goutte-à-goutte
Mes échos intérieurs éternisent
ma certitude
451
le “je suis” qui me semble banal
Tout s’en retourne
à sa profondeur stérile
à son puits vide d’espoirs
Des ondes pourtant semblent circuler
fumer pour là-haut
l’air emporte quelques bribes
qui germent, s’envolent
et s’enivrent d’avenir
Ô dentelles de papier
vous sillonnez vers le futur.
452
Nourriture messianique
Autour de ma pensée
la certitude tourne
s’impose en absolue vérité
Ce souffle que je respire
se compose de particules électrifiées, vraies
comme une pluie de uns et de zéros
Je me nourris, je m’enrichis
j’avale le pain invisible
composé de corpuscules
lumineux et phosphorescents
J’aspire au miracle divin
dans la prison de verre où je vis
Mon cri atteindra-t-il la voûte circulaire ?
vivrai-je éloigné de la mort violente ?
Je mesure ma faiblesse
ma médiocrité
453
le ridicule de mon travail
Je voudrais déchirer cette honte
que je porte
accéder à quelque chose élevé
le puis-je ?
Autour de ma pensée
la certitude tourne
s’impose en absolue vérité
454
Le sel
Cercles constants
où flotte ma pensée
Anneaux en fuite vers l’infini
ceintures de lumières dénouées
Le pied se pose sur le rebord du cristal
la substance claire s’élève doucement
au coeur de la certitude obscure
se découvre une jetée d’angoisse
teintée d’arôme amer
les lèvres amoureuses
appellent le Sel de l’Esprit
455
Sel
Sel
face à la pureté du Père
Il vient, admet et repart
là-haut, remonte
dans la perfection circulaire
lumineuse
J’aspire au baiser soufflant sur or purifié
beauté de grandeur claire
dans la certitude extrême
tachant de comprendre l’inexprimable
l’indéchiffré
je cherche exalté par la vision
456
Fille d’orgasme
Après le souffle envolé
de battements imperceptibles
et d’écumes assoiffées
Je respire les dentelles bleues
Je bois dans une gorge d’ivresse
Et toi, féerie d’émeraude
Avec parfum se dégagent
Tu t’agenouilles
Implorant la sève
exaltée de ma chair
457
Le peintre
Le soleil dort sur mon épaule
là-bas, des feuilles agitent
des sortes de doigts,
spatules marron et clair
Tout semble tournoyer
pour un automne gracieux
Des flux d’air en cascades
accrochent la lumière,
semblent bondir
puis s’enlacent autour des troncs
Le poids de l’air s’écrase sur les rais crayeux
l’épais soleil finit sa course
or rouge et fatigué
Le temps désire retenir sa fuite
458
Certaines filles dans le jardin public
s’envolent, robes trouées
avec des sexes roux
L’espace vide est une bulle qui fuit
Le jardin semble gras de personnes
J’écrase devant mes yeux
des couleurs rouges et ocre
parmi ces constances dérivées de verts
L’eau retombe sur l’eau
La lumière chaude s’alourdit
comme une femme pleine
J’ai besoin d’arrêter le mouvement
qui fuit
À présent je vois une fille
je la prends, la retourne
je lui retire son linge,
oui, non, je ne sais ...
je la jette, elle n’est d’aucune utilité
459
Mon paysage évolue quelque peu
ma main de peintre pense
et veut faire éclore
Je produis de la pluie
elle est rose
et se répand lentement
Quel avenir pour mon tableau ?
Ce sont des lianes qui enlacent d’autres lianes !
J’ai donc un soleil sur mon épaule
des feuilles qui s’agitent
un automne gracieux
des flux d’airs, des filles dans le jardin public
un monticule de personnes,
de la verdure
des jets d’eau
et cette belle lumière chaude
si difficile à peindre
N’est-ce pas langage que tout cela ?
460
J’écris
J’écris sur un bureau Louis-Philippe, en utilisant un stylo
à bille noir, qui obéit tristement sans capacités réelles pour
comprendre. Le sperme noir m’assume quelques jouissances
cérébrales, du moins je le prétends, alors je produis. Est-ce un
besoin ? Une envie, une nécessité ? ... Une lampe au-dessus de ma
tête avec une ampoule circulaire m’éclaire de sa divinité. Les
mots tapissent la feuille blanche comme des signes dansants ou
accrochés les uns aux autres dans une impossible continuité. La
main droite réfléchit, hésite, se retient, puis s’anime par quelque
délire, la voilà qui s’éveille et veut agir ... Pour obtenir quel
résultat ? Mon bras n’est pas une contrainte, je le vois mais le nie.
Il ne peut me gêner pour accomplir cet acte curieux. La nuit. C’est
toujours la nuit. J’écris et tire les rideaux. Je m’enferme. Personne
ne peut me voir. Je reste là dans la pièce, caché, à l’abri de tous.
Le mur d’en face, c’est une vitre orange. Sur la droite, le Christ,
bible à la main, me regarde ... me surveille. Étrange confident qui
m’aime, du moins c’est mon Dieu. Et ce soir, c’est la fatigue qui
l’emporte, étonnante fatigue qui vous porte vers le lit.
461
Si je vais au lit, je ne dors pas. Je réfléchis. Mes yeux se
tournent vers l’intérieur. Tous les objets ont disparu, du moins
leur utilité est vacante.
462
Finalité
Tout ce qui se meurt dans la nuit
Sexes, vieillards, beauté,
Dioptases, comètes, vierges,
Se meurt pour une autre vie
Dans le grand esprit de la réincarnation
Allume-moi
Je m’éclaire de mille faveurs
J’accède à ma propre évolution
Nul besoin pour moi de renaître
Tourbillonnez astres, nébuleuses, cœurs de femmes
Je tends vers le repos
Je vais disparaître là-bas
pour un sublime sommeil
463
Besoin d’écrire
La nuit m’enveloppe de sa chair opaque. Avec son grand
manteau sombre, l’atmosphère s’alourdit. La lune se déplace
lentement. Je reçois le temps, je le capte et le renvoie. Puis-je
m’interroger ? J’espère de nouvelles écritures. Je suis femme, et
ma matrice est dilatée par de nombreuses grossesses. Je désire
encore, mais la volonté ne saurait suffire.
Le chant peut commencer
Des couteaux immenses sont plantés dans le paysage.
Leur lame étincelante m’observe comme des yeux scrutateurs. Le
ciel s’allume de millions d’yeux. Partout, des particules de cristal
clignotent. Je suis planté dans la terre. Toi, tu m’observes. Je
prends ton regard dans le mien. La lumière s’illumine de sa
connaissance. La pensée se nourrit de savoir. Le chant peut
commencer.
464
L’oiseau transparent
Pensée sereine qui se déploie dans un pays de blancheur
parmi des pics de glace, les lames de feu aiguisent leurs couteaux
enflammés. Toi, tu es accompagnée de ton clair murmure que nul
ne saurait entendre. Vers quelle certitude t’élèves-tu ?
La construction de ton espace s’échafaude sur de
l’illusoire. Tes limites inconnues jamais ne seront sillonnées. Tu
proposes d’étonnantes questions à la supériorité, ta sagesse te
permet d’y répondre.
Constamment la lumière te dirige vers la vérité. Tu
accèdes à la pureté et contournes les collines de verre. Encore tu
t’allèges pour te couvrir de transparence. Te voilà dans la
profusion de ton sillage, et pourtant tu vas disparaître comme une
trace qui s’efface à tout jamais.
465
Le désir de produire
Ma haine, l’hiver arrache quelques cris stupides, filles
soumises et persécutions sur femmes très silencieuses. Éloignées
du bonheur, dans la cruauté facile. J’exploite quelques images
pour tenter d’exprimer mon dégoût, mon refus, mon
incompréhension. Replié en moi-même, j’essaie de supposer,
d’échafauder. Mais le Rien l’emporte. La pensée insiste et désire
produire.
466
J’exploite une blessure
J’exploite une blessure
Telle est ma matière première
la bouche parle avec excès
avec emphase
triche, prétend ...
actrice italienne
J’ouvre donc des cicatrices
c’est une histoire
c’est l’histoire de l’autre
d’autrui
Que je m’approprie, que je transforme,
Que j’intègre
La poésie délire encore
467
Une pensée de vieillard
Avec difficulté, avec langueur, mon esprit cherche à se
frayer une voie dans les escarpements de la raison. Depuis des
années, l’esprit s’use, s’escrime à avancer dans ce labyrinthe
obscur pour accéder à une lumière, plus loin, là-bas, où l’air
semble clair. Et maintenant que ma vieillesse tremble sur ses
pieds mal assurés, j’ai décidé de me coucher là sur cette borne.
J’observe l’horizon qui s’éteint derrière moi. Trop d’obstacles me
bouchent la vue. Je doute de ce que j’ai fait, et ne crois plus en ce
qui sera.
468
Interrogation
Je m’allonge sur mon lit et tache de comprendre.
Jusqu’où puis-je aller ? Quelles sont mes limites ? Mes yeux
scrutent l’intérieur et tentent de toucher quelque certitude au
milieu d’objets morts ou de poèmes jaunis. Je ne possède aucune
pesanteur et je sillonne les zones d’ombres, les fontaines
lumineuses, les façades phosphorescentes. Je suis le poète
immobile, et défilent des femmes, des spectres immortels, des
Dieux sublimes. Pourquoi ?
Je reste allongé. La nuit succède à la nuit. J’étais mort. À
présent je suis vivant. Nulle question n’a été élucidée.
469
Persécution
C’est une douleur qui pénètre dans la chair ; ce sont des
aiguilles enfoncées sous la peau, invisibles à l’oeil de l’homme,
mais réelles dans le corps de l’innocent. Il faudrait fuir, se libérer.
Mais comment échapper à Satan, au Diable, à ses émules ?
Les armes dérisoires
Étendu,
Pierre tombale dans le lit des amours
Yeux sanglants
Sourire de saint
Tu conçois encore
et tu penses t’élever
Ton impatience jamais n’est apaisée,
tu ne peux dormir
Avec ton phosphore,
tu espères brûler la nuit
Le poète combat avec des armes dérisoires
470
La pensée épanouie
La pensée épanouie s’écrase, énorme goutte
d’eau, de raisin chargée
de senteurs lourdes et mûres
La tête vacille à droite, à gauche
et la main accélère pour exécuter les ordres.
Il y a semences, richesses, moissons
comètes, oiseaux, soleils
Dans la paume du poète
l’intelligence brille un instant
puis s’endort sous le poids de son ombre
comme un corps épuisé
cherchant à se nourrir d’une autre lumière.
471
Lanières tendues
Lanières tendues sur des arpèges
Oiseaux posés sur des fils comme des notes
tout à coup vibre une étincelle zébrée
dans l’horizon négatif
Des sommets comme des rasoirs
se profilent vers l’avenir, là-haut
L’ambroisie se mêle au vin
pour des douceurs exquises
nappée de nuages savants inventifs
à comprendre
472
I
J’ouvre l’œil intérieur
Apparaît la femme
errante et nue
bondissante et dansante
Elle lutte avec le tigre
s’éprend du taureau
supplie le serpent
Des agneaux s’enfuient là-bas dans la brume.
II
Le ciel condamne la bestiale.
Une sainte approche vêtue de pureté,
c’est une pluie de soie dans le miroir invisible
Mille éclats explosent
Hurle la pécheresse
473
qui se tord dans le feu
et retourne à la poussière.
474
Probabilité poétique
Tu t’essaies à des possibilités sur des éléments dont
j’invente les combinaisons.
Je dois saisir du délétère, de l’invisible, savoir augmenter
la chance pour tendre vers des trésors.
Ma pensée réfléchit : vers quel jet de dé ? Tout est
rigueur sur le chemin tracé par de fuyants nuages. Le vent de
l’inspiré éloigne le doute. J’essaie d’abolir toute subtilité
insignifiante sachant pertinemment le risque de cette méthode.
Je calcule la distance exacte qui me sépare de la vérité, je
la pèse et j’en tire l’écriture pour toi, - avec ou sans technique.
Observe : ma folie est raisonnée.
475
Fils de l’insignifiant
Fils de l’insignifiant, ô souvenirs dérisoires - je dois
pourtant avec constance, avec soins attentifs, vous laver, vous
purifier, prendre votre chair puante et l’élever vers l’extase des
roses aériennes. Est-ce réellement possible ?
Un rêve
Un rêve et son risque, point d’éveil, encore l’horreur. Il
supplie, il dort. Un seul vœu, - la fin, s’enfuyant, s’éloignant - le
poète s’inspire, soupire. Pourtant il s’échappe avec son cervelet
sur des chairs de femmes, de filles sensuelles ou vicieuses - que
sais-je ? - Des sexes encore. Le voilà, apaisé. Le voilà, il dort.
L’œil interne fait défiler des images. Le poète s’éveille, abolit
l’exil. Et s’éveille en lui-même, enfin.
476
Commencement
Je n'étais qu’un froid glacial, qu’une honte repliée sur
soi-même, conscient de sa médiocrité et de son inutilité - tels
furent mes débuts.
Aujourd’hui, je prends des Dieux, j’exploite le feu des
poètes - je souffle sur des cendres, les yeux tournés vers les
Parfaits.
Analyse
Produire : pour certains, niaiserie pseudo romantique où
s’expriment des pleurnicheries, des jérémiades, des fausses
douleurs. Toute la cuvée des revues littéraires y baigne. Les
femmes sont gagnantes. Quelle faiblesse !
Pour nous : capacité intellectuelle, instrument évolutif,
support des génies, où la potentialité supérieure impose sa
suprématie.
477
Expression écrite
Vaste peuple d’images nourries de faibles pensées où
parfois semble jaillir un feu bleu bordé d’or. Les flammes
constamment jaillissent.
Mon ciel bigarré de sang, lavé d’étoiles fuyantes, à
capter, à capturer, s’élève et semble chaque jour un peu plus
inaccessible.
Rien ne saurait m’apaiser : livres sur livres, colère, folie,
beauté vierge, - c’est encore la même rage, la même violence
d’expression.
478
Écriture
I
Un souffle, une respiration
Fuite de syllabes
Dans le silence de l’intelligence
La pensée bondit et se fracasse contre le front
Une puissance de langage ...
Recherche de maîtrise,
recherche encore
Ce fleuve d’impuretés
où se mêlent l’ordure et le sublime
Ce fleuve roule et charrie
des ondes tumultueuses
ce fleuve espère
Les signes, les syllabes,
eau et sang
se diluent dans l’immense courant
de la pensée
479
Oui, moi, je navigue
radeau sur des boues
à la recherche de la source
emporté vers l’océan
toujours en partance
loin des rêves du temps
480
II
Le langage et le silence
sont frères de l’absolu,
l’un parle, l’autre est emmuré, autiste
Penser pour écrire
l’un et l’autre agissent et travaillent
Chaque nuit, encore et encore
Ils construisent sur du néant d’images
jusqu’à l’élaboration
par la lumière, transparence d’opales,
de certitudes, de miroitements
Ils construisent
481
III
Des morts dans ces décennies d’amertume
parmi le langage
qui attend
espère
suppose
L’esprit communique avec la conscience
environné de présences impalpables
insensées pour la certitude rationnelle
et pourtant ...
Sous les silences, bondit la violence
qui enfonce dans la chair ses aiguilles
la raison scientifique se rit
de la sensibilité
482
IV
Emmuré en soi-même
pour accéder à l’éblouissement
Je conçois de l’intérieur
Je produis des pensées
Je capte des couleurs
Des sonorités aiguës ou violentes
s’accrochent aux parois des oreilles
Les signes d’abord amorphes et volatils
se cristallisent
dans la réserve de mots
Bouche d’intelligence
qui ne malaxe que du mensonge
Luminosité qui éclaire les caractères
de l’inutilité.
483
Oui, l’ensemble se combine
pour éclater en splendeur
de pacotille
de ridicule
de poésie
Je fuis mon ombre
j’avance dans la certitude
au milieu de forêts fantomatiques
évitant les constructions invisibles du souffle
D’autres éléments défilent
Je les embrasse en tâtonnant
Sont-ce des vérités ?
Sont-ce des images ?
Dans cet espace personnel,
je ne fais que penser.
484
V
Le coeur de ma vie :
l’esprit - sans splendeur
faible et incertain
tourbillons d’images
médiocres sans la science
dépassé dans sa conception
nourri de bêtise et de délétère
se cache honteux et méprisable
La pensée voudrait et ne peut
voltigeant de mot en structure
de syllabes en phrase
Je fabrique des oiseaux
dont je n’ai pas besoin
je dresse un arbre
que j’efface des yeux
Je regarde couler la source
Qui glisse sur ton sexe
485
Je me love entre tes seins
je fabrique encore de l’éphémère
par la femme, la nature, l’invisible
J’impose aux syllabes de s’aimer
de cohabiter dans leur contradiction
j’associe le réel à l’interdit
Ce ne sont que des mots
Qui les transformera en images ?
Sans la voix, qu’est le poème ?
C’est un assemblage de langage
Qui tangue dans le silence
conçu de l’intérieur
offert aux lèvres
pour enchanter l’oreille
L’esprit existe sans le corps
le corps disparaîtra
La pensée transparente
est bien le centre de ma vie
486
La pensée nue
s’habille de syllabes,
de mots, de sons
C’est une femme, c’est une conscience
un éblouissement de braises
qui veut accéder au regard d’autrui.
487
Pensées souveraines
Pensées souveraines
Déployées sur mon front
Par des certitudes poétiques
Se construit l’écriture
Les doigts agrippent le calame
Obéissant encore
Obéissant et disciplinés
Le mot poursuit le mot
L’accompagne, le devance,
L’entrecroise
La main questionne l’œil :
Produire ou attendre ?
Des spectres d’images
Commencent à apparaître
Par la féerie créatrice
488
La feuille lourde exige une sœur pure
La page remplace la page
L’oeil intérieur contrôle
Phare toujours ouvert
Cherche en toi,
La nuit s’illumine de mystères !
Pensées souveraines
Déployées sur mon front
489
Filles dévêtues
Filles dévêtues
dans des chambres immenses
Il y a grand nombre de filles belles
pourpres et cristallines
sur des papillons de soie envolés
Des spectres de chevelures tourbillonnent
lumineux et phosphorescents
dans la blondeur des cendres
les filles s’emportent prises d’extase
par le vent de l’ivresse
490
La phrase
Je fuis cette phrase insipide
j’en cherche une autre
Les mots apparaissent çà et là
dans des clignements d’yeux
Ils essayent de briller
pour que je les capture,
les saisisse papillons de fortune
Puis ce sont des flux et reflux de syllabes
accompagnés de sonorités bizarres,
aiguës, agressives
Tout se situe dans le front
la pensée s’y répand
elle essaie constamment d’accorder
le signe d’encre avec l’idée
l’imperceptible se mêle au perçu
le pressenti à l’insoupçonné
491
L’écriture se conçoit
le langage balbutie,
hésite,
et propose d’étonnants babillages
Je cherche à converser avec moi-même
Je navigue bêtement baigné de doutes
La vérité n’existe pas
L’image, l’inspiration, les chiffres :
Tout est trompeur
Jusqu’à ce bruit sourd,
sorti d’une sorte de chaos
qui bourdonne dans ma cervelle
J’espère encore
observateur à l’oeil inversé
obtenir une autre phrase
de qualité cette fois
492
Oubliés
Oubliés dans l’âme,
ces mots inconnus,
figures fugaces que dessine la pensée
Ce sont des idées, des bouts de structures, des phrases
que l’on efface d’un trait
que l’on rejette,
critique virulent
La mémoire suppose puis détruit
ces enlacements de lettres
ces lettres menottées les unes aux autres
par l’encre noire
On souffle sur les mots qui disparaissent
Une conscience plane sur ces tas de ruines
survole et scrute le paysage intérieur
Une lumière caverneuse éclaire faiblement
quelques traces d’espoirs
Le poète écrit
493
Psy
L’intelligence ! Quelle intelligence ?
Puiser au fond de la mémoire
où baigne une mare de mots
Les mots fabriquent des personnages, des situations,
produisent du fictif
Extirper au plus loin des solutions à supposer,
à prétendre etc.
494
Les pensées, ces fleurs
Je pénètre dans l’âme
qui ouvre
Sur le jardin poétique
Les pensées semées
ici et là
s’élèvent et tournoient sur des tiges invisibles
Elles se balancent à droite, à gauche
tombent et se meurent
Elles essaient de tenir sur cette page
pour produire quelque arôme
parfumé de charme, enivré de liberté
de délicat et de subtil
Elles ondulent en mouvement imprégné
de grâce et de douceur,
se ploient et se déploient lentement
tourbillons légers
ballets de fleurs
495
Elles sont le poème
que nous ne parviendrons jamais à écrire
Les paroles parfaites qui échappent à l’inspiré
Elles sont cet autre chose
imperceptible et irréel
Elles sont ce que la plume nous conseille de dire
ce délétère, ce soupçon évadé
à jamais enfui.
496
La femme, cette ennemie
Je m’élève malgré toi
malgré ta présence
de femme insatiable
malgré cette débauche de chair
inutile, mangeuse de temps
Ton corps est l’ennemi sur mon corps
est un combat stupide,
accouplement de l’instant
Au dehors, au-dedans de moi
est l’Esprit
qui construit ma pensée
qui produit l’Oeuvre
Je marche accompagnée d’une douleur
J’avance mal, stupidement parfois
J’espère un avenir
Mon présent constamment est mort
n’existe pas
n’existera jamais
497
Je me veux marée d’images,
encore renouvelée
éternelle et constante
du spectacle infini
498
Le doute
Je saute d’une pensée à l’autre prétendant mal exploiter
ma capacité intellectuelle, me jugeant apte à obtenir un résultat
supérieur.
J’insiste encore, avec conviction, avec certitude. Ma
potentialité est bien vivante, palpable, sereine et violente, excitée
et balancée - j’attends.
Le mot en pleine gueule change de sens, il se vrille,
s’entortille, se combine. Il est opération chimique, instant de
transformation, d’adaptation. Que dit-il associé autrement ? Il est
mélange de couleurs sur la palette du poète. Il perd de son
intensité, s’adoucit, au contraire se fortifie parfois.
L’énergie du cerveau impose à produire - il achète l’or
du soleil, l’échange contre de la lumière - il se jette dans l’ombre
et habille des fantômes - il couche la lune dans le silence de
l’aurore.
La tête capte l’image fascinante,
veut l’offrir à la plume servile et obéissante,
499
toujours déçue, cherchant encore
Elle agit, écrit
prétendant savoir s’y prendre
pour obtenir un meilleur produit
La tête refuse cette feuille
et se projette vers l’avenir
vers le poème nouveau
de la prochaine heure
de la prochaine journée
vers demain
500
Désirs
Être sans être
dans la parfaite plénitude du Moi
avec stabilité de sagesse
avec beauté intérieure de savoir
avec maîtrise du langage
entouré de Néant
mais nourris de mots
de structures vraies
édifié dans sa demeure
Habiter le sanctuaire d’un Dieu
pour sanctifier son discours
pour l’habiller d’images pures
et produire de la symétrie lumineuse
pour sa conscience et sa mémoire
enfin se donner le pouvoir
et agir sur soi, sur l’homme,
le visible, l’invisible,
la matière
501
Éblouissements de nuit
Éblouissements de nuit
nous voyons sous l’invisible
des traces de vérités phosphorescentes
Tout se situe à l’intérieur
nous y montons, y descendons
cherchons encore
La pensée coupante tel le diamant
pourfend la chair,
la déteste,
détruit le corps
Le temps, éclair ou éternité
s’immobilise dans l’âme du poète
qui est violence, qui est colère
foudre jaillissant des yeux
502
Idole se détruisant,
admirant son génie
contemplé de personne
méprisé de tous,
Toi qui te vois et t’observes
priant ton propre soleil
lion et force rugissante,
es-tu lumière ? Scintillements imperceptibles ?
as-tu rencontré d’autres soleils ?
Certitudes de minuit
nous prions ensemble
dans l’ardeur et le feu du savoir
L’esprit nourrit sa pensée
de gerbes fluorescentes
La lumière embrasse des présences
pour disparaître oubliée
dans une forêt de syllabes et de phrases
503
Ouverture sur fenêtre
Inutile et insignifiant
bercé par l’ivresse
envolé
dans une rumeur de sonorités claires
j’ouvre la fenêtre
et j’entends l’émeute d’oiseaux
pigmentation noire et verte
dans les épaisses broussailles.
504
Une existence d’effacement
Être sans être
dans un parfait silence
dans l’épanouissement du néant
au-delà du principe temporel
dans l’éternelle immobilité de la seconde
où se développent, vivent,
naissent et disparaissent
des bulles de syllabes,
sublimes confusions de langage
C’est encore la construction d’images
pour le vide intérieur
où la symétrie côtoie le déséquilibre
où la mémoire bondit constamment
C’est le soleil noir sans aurore
ni crépuscule
sans éclipse ni clarté
C’est exister dans un monde d’effacement
505
La cité intérieure
À la lumière de ma certitude,
la nuit pénètre dans ma demeure
sa forme blanchâtre caresse
les constructions invisibles
Je descends au plus profond du silence
essayant dans l’opacité de l’avenir
d’accéder à quelque délire
L’ensemble des signes souhaite
élaborer un poème
Des architectures sont en mouvement
sur les structures de la pensée
La puissance de l’esprit
échafaude leur montage
Un refus de la conscience les atomise
en un laps de temps insignifiant
506
Des briques sur des briques
flottent, se posent, s’installent
Un ciment vulgaire grossier de et de ou
par ses propriétés grammaticales
cherche à solidifier l’ensemble
J’erre donc sur un liquide épais
compressant les images
pour en extraire une essence
Je pénètre l’âme des poètes,
j’en tire leur génie
je m’applique à les imiter
avec plus ou moins d’aptitude
Je flotte sur leur catafalque de gloire
ma richesse est délétère
faite de vibrations émotives
Rien ne résiste,
tout s’envole, s’enfuit,
nuages ... nuages
507
Constamment, incessamment,
se croisent et s’entrecroisent
dans le miroir de l’invention
des figures inouïes
L’ensemble participe
à l’édification de l’œuvre
Est-ce œuvre ? Monticule de livres ?
Cela se situe dans le front
c’est un hymne de syllabes
qui mugit sa puissance ou son délire infini
Vapeurs, tourbillons, nuées, chevauchées et fuites,
voilà ce qui se passe
dans la cité intérieure
508
Je suis rien
Je suis rien
infiniment peu,
perdu, ignoré, oublié
Je pénètre en moi
avec des yeux nombreux qui regardent tout dedans
Le dialogue est mental
je cours dans ma chair
Les mots me pèsent
je les pense aussi
Je vis là au fond, caché, à l’abri de tous
Je forme une ombre qui gît à jamais
509
L’écriture poétique
Nous n’avons pas fait preuve de faiblesse. Notre initial
dessein était le meilleur ; encore détestés et refusés. Nul réchappé
de poème ici ou là. Notre potentialité littéraire était certitude que
tous ont niée.
Comme on purifie l’épaisseur brumeuse de la Muse,
élever la grandeur de ses livres. Quel lecteur ? Aucun lecteur.
Nous nous retrouvons dans la splendide solitude,
humiliés par autrui, vivant avec le vers, rencontrant quelque trace
de vipère sur le sol aride.
Observez cette médiocrité, considérez ce poète !
Vraiment, je n’en ai rien que faire ! Je le méprise !
La poésie splendide s’élève inlassablement,
exceptionnelle mais incomprise. Le temps est nul, n’est d’aucun
secours.
Je produis pour moi, pour le Ciel. Chez l’homme, je
n’existe pas, jamais je n’existerai. J’en ai la certitude.
510
Le revers du poème, - son interminable solitude, son
rejet, son exclusion. Écrire pour jamais. Une richesse intérieure,
constamment bafouée par autrui.
511
Je sais mille espoirs
Je sais mille espoirs et le mien seul c’est moi sur une
table encombrée de livres
main nerveuse écrivant pensée pénétrante imprégnée dans la
feuille
soudain explose en braises de mots chauds
dictant à
mon corps
par le pouvoir de l’oeil
J’ai plongé dans mille encres d’écriture bu des
hectolitres d’eau claire
condamnant ma jeunesse au supplice poétique bourrés
d’étamines
observant mes vieilles fleurs séchées
qui constellèrent ma tête
Oui, il est un avenir
dans un monde
d’indifférence la passion, la force, l’énergie y cohabitent
oui
512
je l’ai bien su
j’espère encore
Être vivant en tout temps
avec sa vérité,
513
À présent
À présent rouille sur ton encre rouge
On t’a assez lu !
Ton cœur a trois francs cinquante
Va s’arrêter de battre
À présent, oui tu peux t’endormir
Et mort, et mort, et fin
L’inutile évadé de son corps
Assiette de vers pour les survivants
Humus et os, et rien !
Oeuvre oubliée, stupide, rejetée bas
Homme que l’on efface
En retirant le souffle de vie
Oeuvre de douleur et d’espoir
d’espoir ? Quel espoir ?
Décès
514
Nervures du temps
Nervures du temps
Zébrées, excitées ailleurs
versant dans nos chairs
Éblouissant notre vie
d’une maison ailleurs
puis vers l’espoir
pour l’éblouir
cela est l’avenir : oui, orgasmes de fête
éclatant vers demain
Lumière du plus clair et tout encore
est-ce accession au rêve ?
C’étaient des années ...
C’étaient des années de production intensive
L’avenir était certitude par le don prophétique
Constamment la capacité intellectuelle concevait
d’espoir
C’étaient des années inconnues, pourtant gonflées
Qui filaient lentement dans l’infini du sablier
515
Les mois de puissance cérébrale,
de jeunesse active
s’accumulaient les uns derrière les autres
Eux, dans leur opacité et leur brouillard de rêves
Ne voyaient pas, ne voyaient rien
Ils méprisaient l’effort
Ils ne comprenaient pas,
Ou voulaient ne pas comprendre
Le temps vieillissait entre tes doigts
516
Habillé, délaissant ...
Habillé délaissant allégé de juillet
dans l’éclair mais les bruits sourds
des filles exquises de rien de beauté
J ’écoutais l’hymne bizarre écla
té la douceur de la chair lubidu
neux vent d’azur rare
Le désir conduit à cet orgasme
De miel sirupeux d’odeurs aigres
Lit des ouvertures de feu et de
gémissements
Ton désir éclatait sous le dôme
de l’orage jaillir
517
Petite vie
Petite vie insignifiante petite médiocrité de poète
inconnu petit bel espoir qui me flatte œuvre,
œuvre, et recherches encore toujours
Malheur sur malheur et résistance à la réussite, au crédit
autrui, autrui mais il n’y a que moi que
m’importe, s’il me reste Dieu ! Dieu, ma beauté !
mes Dieux, mes merveilles !
Sans ou avec du vin légèrement ivre, à la recherche
de la fortune regardant le passé de jeunesse, orienté vers
l’avenir
Le presque rien, l’inconnu incapable de produire du
hasard de chance la perte, perte des mots de bouts
de phrase de rien , vraiment petite vie
518
Alors le temps ...
Alors le temps est ennemi, est ami avec lequel il faut
composer, toujours présent si près comme une grosse goutte
invisible qui s’ajoute sur la goutte la fait disparaître et
prend sa place
Moi, je prétends à ma luminosité, à ma certitude
intérieure, et dans ce bleu très pur, je vois l’éclair éternel et
sublime oui, je vois
Je vis avec le temps où se noircit lentement la jeunesse et
la vieillesse rieuse m’offre ses bras
le blanc semble
s’enfuir le noir est éblouissant
Je ne serai jamais
mes yeux le savent
je me tourne vers la mort qui m’accueille dans une explosion de
bonheur
519
Segments
Le poème détesté du peuple, du poète lui-même se cache
honteux dans le tiroir, ô richesse inconnue !
Avant d’exploser en syllabes, en mots et structures, de
combien de manières ont été conçus et pensés ces vingt-six petits
signes de l’alphabet ?
Ajouter, ajouter encore ... pour s’asseoir sur une
montagne de livres ? Produire est chose aisée. Les fulgurants rais
lumineux qui sillonnent la tête, l’étonnante force qui jaillit des
orbites, et malgré le constat d’échec d’autrui la quantité qui
s’accumule, qui s’accumule ...
Comment débarrasser le Saint des émules de Satan ?
Seule la mort libère l’innocent, seule la mort.
La pensée prophétique, - elle m’a regardé, m’a offert son
savoir. Ai-je su aimer cette splendide maîtresse ? Elle était d’une
pureté parfaite.
520
Il n’y a pas d’issue
Je suis accroupi et nu au milieu de mon cercle que je
délimite avec l’aura de mes pensées.
Dans la pureté de ma nudité, mes yeux sont tournés vers
l’intérieur - je me nourris de mon passé, j’habite un présent, puisje
concevoir pour l’avenir ?
Je me replie, m’enferme dans la chair, je veux écrire.
Les idées sont éloignées, il y a des brumes de nuages làbas.
Au centre du paysage, un immense trou. J’y jette mon esprit.
Au fond une étendue d’eau. La nourriture de la mémoire s’y est
déversée.
Tout est irréel, onirique ou virtuel. C’est un possible que
j’invente ! Que personne ne lira, que Dieu connaît.
La vérité refuse d’ouvrir la porte, le possible tourne et
tourne sur soi-même comme une toupie qui cherche.
521
Où suis-je ? Où en étais-je ?
J’espère encore, supposant mon futur. Il n’y a pas
d’issue. Cela va disparaître. Je le sais bien.
522
Éclats sonores !
Éclats sonores ! fragments col lages !
Que du Cerveau cerclé d’esprit oeil d’intérieur
me viennent ces nouveautés d’écri tures
Espérant le Sel clair le même
Le beau la substance dans ma bouche
Pour l’avenir de ma pensée oui, ma demeure
Je respire la brise d’élé va t
i on, en poussant les signes libé rés
Vers l’avenir
Tout est permis pourtant je hais ces é
Ces risques bri
sés de futur
cl ats
523
J’écris ...
J’écris (Il éclair là-haut) vous
Dans l’ombre chrême ma chair
Phosphore par la nuit je élever
Et cette évidence non connue
Je fournis insi gni fiant d’admi
ration je est-ce et c’est moi encore
Scrutant l’avenir pro pro phécie exact
Je par transparence en pensée lumineuse
Qui comprend qui moi seul toujours
Et mes Dieux, Merveille
524
Intérieur
Un bahut alléchant et vierge
La certitude du meuble bas
Des tableaux qui se déhanchent là-bas
L’œil déplace le réel, l’attire, le colle
Le transforme
Mais encore,
Le vase s’écrase en pyramide
Les tringles sont des cubes
Les mouches marchent, volent en ligne droite
J’habite une sphère
Je me porte vers les fenêtres
Et j’aboie
525
La beauté s’éloigne
La beauté s’éloigne, fuit la ville et s’extirpe hors des
couleurs qu’elle semblait imprégner. La voilà donc fuyante,
invincible pourtant, splendide parfois, là voilà.
J’ai cherché à la capturer, à la soumettre à ma volonté,
mais glissant comme l’eau de source, comme un papillon bleu,
elle s’est libérée, dilapidée jusqu’à disparaître.
526
Il n’y a pas d’issue
Je suis accroupi et nu au milieu de mon cercle que je
délimite avec l’aura de mes pensées.
Dans la pureté de ma nudité, mes yeux sont tournés vers
l’intérieur - je me nourris de mon passé, j’habite un présent, puisje
concevoir pour l’avenir ?
Je me replie, m’enferme dans la chair, je veux écrire.
Les idées sont éloignées, il y a des brumes de nuages làbas.
Au centre du paysage, un immense trou. J’y jette mon esprit.
Au fond une étendue d’eau. La nourriture de la mémoire s’y est
déversée.
Tout est irréel, onirique ou virtuel. C’est un possible que
j’invente ! Que personne ne lira, que Dieu connaît.
La vérité refuse d’ouvrir la porte, le possible tourne et
tourne sur soi-même comme une toupie qui cherche.
Où suis-je ? Où en étais-je ?
527
J’espère encore, supposant mon futur. Il n’y a pas
d’issue. Cela va disparaître. Je le sais bien.
528
Les yeux lumineux
Mon éternelle espérance les yeux lumineux
Seul éclairé par les Dieux je veille
Ignorés de tous de tous ceux qui dorment
Offert à l’espace du silence
À l’hégémonie du Souffle
Incompris de la masse
Lucidité verticale je sais tendre
Vers moi la pensée supérieure des Innommables
Le tumulte purifié de la certitude
Est langage de ballet aérien
Que d’énigmes incomprises !
Jamais le moindre crédit chez l’homme
Nulle retombée des livres à vivre pourtant
Je verse la substance du poème
Accumulation de vérités
529
Trésor obscur
Diamanté de feux
Encore la rumeur à produire
Paroles d’avenir
de demain de jamais peut-être
530
Personne, répondait le silence
Sera-ce demain ? Dans un temps inconnu ?
Nulle certitude, nul battement, rien
On entendait, on espérait, quoi ? Rien
J’étais entouré d’évidence
Nulle colère, - de la conscience seulement
Je m’engouffrais dans mes propres ténèbres
J’étais avec personne,
Personne, répondait le silence
Je survolais le néant de ma condition :
J’étais poète
531
Il y a quatre lustres
Il y a quatre lustres
Le début du chaos,
L’horreur, l’inexplicable.
De ce mal naquit l’œuvre
Dans ma cervelle.
Vinrent les coups,
Les aiguilles, les procès,
- Violences répétées du Mal.
S’avancèrent les Dieux
Dans leur silence, indifférents à la cause
Du torturé - ordonnateurs, à l’origine ?
Que sais-je !
J’ai vu et entendu dans les sphères élevées
Où se répand la lumière
Où s’éternise la vérité.
532
Toujours et toujours pour jamais
L’ombre de violence encore,
Sans futur sans espoir !
La haine est porteuse de haine,
Le feu des chiens sanguinolents grandit.
Qui pourrait libérer le persécuté,
L’éloigner de l’Empire des tortionnaires ?
La mort peut-être,
La mort certainement.
533
Ici se meurt
Ici se meurt un monde inconnu
rejeté par tous
La certitude plonge dans le néant :
Tu es perte, tu t’en retourneras à rien
réponse sans éclat de refus
Autrui me hait
ne veut de mes écrits
les méprise les rejette
Autrui m’insulte
Les mots s’écrasent sur le papier
Ma nuit est lumineuse de connaissances :
au coeur de l’avenir
un catafalque de cendres sans gloire
534
Cette fille est une traîtresse
qui a feint de m’aimer, et m’a rejeté
comme un pitre incapable
Au centre, il y a la haine
la mort, ma fin, mon échec
J’en ai assez de me repaître de mes reliefs,
De me lamenter sur mes recueils
De prétendre, d’avoir la certitude, de savoir ...
J’en ai assez
Fuir mon enfer
Déchirer mes habits de misère
Me délivrer de l’inutile
Tuer les fils de ma honte
Comment les convaincre, leur dire, leur jurer ?
Essayer ailleurs, ... ailleurs ...
Jamais peut-être !
Nullité rejet oubli
535
Espère avenir de misère,
Qu’une aube multicolore t’éclaire !
Que disparaisse la malédiction
Le silence règne en despote
Je m’en retourne au néant
et tel est mon triomphe !
536
Toi
Tu n’es rien pour personne
Je t’appelle Inconnu,
Car tu n’existes pas.
Tu es poète obscur scellé derrière un masque.
Mais qui viendrait y voir ? Qui voudrait te comprendre ?
C’est le même refus et le refus encore,
Tu t’en retourneras en cendre et en fumée.
Mais toi, es-tu un tout ? Tu es l’ombre d’un homme
Oublié, ignoré qui se meurt dans le noir.
Toi, toujours, tu as fui vers l’azur incompris
Devançant les aurores, chargé de crépuscules.
Et je t’appelle encore et je t’espère en vain
Au milieu des murmures ...
Oui, j’offre cette oreille qui entend le Néant
Et ne distingue rien.
537
Tu vis dans le silence
Je te parle toujours, mais tu n’existes pas.
Jamais tu n’as été, jamais tu ne seras.
538
Vie d’écrivain
I
Les yeux la mort l’horreur la nuit
Silence médiocrité fatigue douleurs
Oeuvre Dieux certitude tout est clair
Faiblesse des sens ignominie de l’orgasme
Déchets de la passion avenir de la pensée
Le bureau, la chambre, les couteaux, le lit
La vitesse du temps, l’intelligence des yeux,
Le retour vers l’esprit, la pureté
Les lumières silencieuses, les lumières
La constance de présence violente, agressive
La perfection du savoir, le savoir supérieur
La volonté élevée, vers quel sinistre ?
Vers quelle incompréhension ? Qui comprendrait ?
Ici-bas suis-je faiblesse, bêtise, honte ?
Personne aujourd’hui, nul dans demain, nul
539
Perception sublime, intéressée pour l’au-delà
Encore pour demain, pour demain encore
II
Ma vie est immortelle, ma vie
L’histoire de ma mort
Constamment dans la chambre,
De la chambre au bureau
Dormir, souffrir, produire, écrire,
Seul face aux cadavres, aux chiens
Triompher seul, en autarcie, - le Triomphe !
Quelle compétence réelle, reconnue ? Nulle compétence.
Faut-il aller aux fêtes de l’ignorance
Où personne ne sait rien ? Faut-il ?
J’invente un espace - il devient réel
Mes Dieux y règnent
Je devais quitter mon corps, me perdre, fuir
540
J’attends, j’espère, j’invente
Pour personne, pour moi, je ne sais
Toujours et jamais, et jamais encore
Exact.
541
Dialogue Poétique
I
La nuit est passée
Par où ?
Elle repassera
Tu es resté dans l’ombre
À espérer encore
Les Immortels sont venus
Et je sais le pourquoi
Je supplie au-dedans
Je suis seul à m’entendre
La blancheur s’agrippe au visage
L’ombre vieillit. Quel est mon avenir ?
Qu’attendre du passé ?
Je me nourris d’hier
542
Qui est mensonge ? L’autre est un frère,
Le même, sosie, étrange
Dans ce silence clair,
La chair plonge dans le vide
L’œil cherche à comprendre
Le son cristallin
S’habille de lumière
Et désire son soleil
II
Tout ce néant d’extase
Par ce trou rectal
Je reste encore dedans
L’éblouissement intérieur
Tu pénètres dans ta chair
543
La fable et le poème
Le stupide et l’impensable
Se côtoient vivent
Et se reproduisent
Tu composes dans ma tête
Et me promets un futur,
... De rien, certainement
Mon ombre construit
Avec du délétère
La feuille purifiée,
Salie par la vomissure
De l’artiste
Rêveuse, crasseuse
Tu produis dans les épines,
Est-ce Christ ?
La critique est médiocre
544
Je suis dans l’infortune
Le Moi est splendide
Incompris, inconnu
La nourriture de l’intelligence
La transformation
Les déchets
III
L’encre de l’égérie
L’indifférence
Les perceptions inconnues
Le triomphe de l’au-delà
545
Tu le savais
Tu le savais en prescience
Médiocre médium
Chargé de trois raisons
Et caressant toujours
L’inépuisable lyre
Tu feignais de croire
En un bel horizon
Tu insistais encore
Poursuivant l’exercice
Cherchant dans l’écriture
Un nouvel avenir
Le temps a aboli
Cette sève éternelle
Te voilà inconnu,
Haï ou méprisé
Mais tu travailles vailles
Du moins pour ta personne
546
Tu produis en toi-même
Pour accéder à l’œuvre
547
Quel sublime triomphe
Quel sublime triomphe, quel superbe trophée,
Glorifiant l’esprit nourri de l’intérieur !
Un échec ? Quel échec ? Cet ensemble est splendide.
Il n’est pas dérisoire, il construit la raison.
Vous ressemblez aux hommes qui cherchent les honneurs
Et de belles caresses pour flatter leur orgueil.
Ainsi vous jugez l’autre d’après une apparence.
Vous prétendez savoir ce qu’il faut encenser,
Ce qu’il faut mépriser, et votre certitude
Est une référence. Je vous laisse penser
Vous concédant le droit de critiquer ainsi.
Oui, je le sais trop bien que toujours inconnu
Que jamais édité, je ne peux espérer
Un jour rivaliser avec votre génie.
548
De ta mort, on se rit
De ta mort on se rit
C’est moi qui ai construit ta vie de rien, de merde
Toujours plus près de toi - je suis à produire
Ton regard m’observe - apprends à lire
Tes livres par accumulation de certitude
De vérités, d’ignorance, de mensonges
Superbe est la survie, là-bas, plus loin
Le sais-tu ? Tu le sais.
Patience de un sur un, de signe avec signe,
Avec, encore, pour plus de
Génie que l’on nie
Sous la menace effrayante de la critique
Qui efface, jette, brûle sans explication
Par sa conviction fausse molle sans avenir
549
Retour
L’Estérel. Le barrage, le figuier
L’eau filante à travers les souches
Les bulles légères des sources d’antan
Puis le vignoble, le raisin clair
Dans la dernière chaleur d’octobre
L’ancienne chute d’un poème 79, le Moût
Par cette lourde après-midi d’oublis
De gros nuages bleus comme des poings s’éloignent
La menthe scintille et teinte dans les verres d’enfance
Les souffles figurent l’ivresse,
Offrent la valse et font danser
Nous remontons la pente fatigante
Je refais cette route, je reviens
Je cours vers le passé pour retenir le temps
550
J’entrais
J’entrais dans l’avenir comme un siècle qui marche
Les espoirs s’élevaient sur un Moi immortel
Je pensais prophéties, je parlais avec Dieu
D’Israël, de son Fils, et de Jérusalem
L’aurore était troublée et mes coqs chantaient mal
Nuit et jour il fallait aller les secouer
Par le mur transparent j’accédais à l’Esprit
Beautés des solitudes ! constamment tourmenté
Par les forces malsaines, j’implorai le suicide
Idéal pour les ombres qui s’agitaient sans cesse
Je buvais de cette eau qui purifie la chair
A la gourde du Christ moi, j’étais assoiffé
Je priais la justice de vouloir mieux paraître
Je prétendais encore connaître cette fin
551
Je suis clair
Je suis clair, pur, dans la joie, je m’élève
Constamment sur mes rêves
J’accède au printemps d’avenir
Je rejette l’hiver mort
Je passe par la fenêtre vers l’aurore
Mon bien, mon beau, ma femme transparente
Je déplace les portes, les ouvertures, je sais
La nuit est sale de noir, d’ombres, de charbon
Ma figure est éblouissante
Je déclare des symphonies comme hier, ô mon frère
Je t’ai pourtant oublié
Je délaisse l’habit du silence, je conduis
L’harmonie, je voyage, je nage
Je suis clair, pur, dans l’ombre, on me crucifie
552
Deux demi sonnets
I
Germes de l’espoir, peu foisonneront
Sur la chair des morts répandue là
Dans ma mémoire qui déverse ses flots
De rimes, de coups et combinaisons
Alors exploseront en fluides de lumière
Des évènements possibles d’insignifiants,
De risques, de doutes pour l’avenir
II
Je cherche cette bonne chaude chaleur
De braises poétiques moi qui suis en septembre
Je me nourris de cette conscience verte d’autrefois
Mes muscles sont grippés l’esprit chante mal
Cette vaste lumière est ampoule désuète
Odeurs des fleurs feues et desséchées
La vigne l’horloge les cernes et la mort
553
La licorne
Et chacun se déçoit dans sa tour impossible
Observant son nectar s’évanouir au ciel
Accusant sa licorne de pouvoir pénétrer
Un peu mieux cette chair offerte à son orgasme
On se plaint à genoux, on implore le supplice
Du blanc buttoir sexuel qui pénètre le corps
Lui apprenant à jouir par le bel orifice
Qui procure à l’esprit le bonheur de la mort
Puis s’éloigne la muse dans la grande nuit bleue
Qui nous laisse pantois malheureux comme Orphée
Songeant à quelque espoir, à quelque rêve vieux.
Nu dans la transparence d’un exil inconnu
On espère le retour des filles libertines
Assoiffées de soleil, de génie et de feu.
554
Verse-sang
Verse-sang encore toi pur et saint
Aspirant quelque air divin
Toi rimailleur par Roubaud est-ce spacialisme ?
non
sur cette page la mort écoute
couverte de blancs à salir
main plate collée à la feuille
front huileux, exalté d’espérances
avec ces piqûres, ces aiguilles de maudit
dans la chair
Jamais nuit n’est sereine
mais le matin n’existe pas
au réveil, il est toujours midi
Je secoue le coq à cinq heures
je l’appelle Jérémie - il veille, il guette,
il a l’intelligence
555
Jardin, quiétude, voisins, rien, donc quiétude
Musique, écrans, piles de livres et piles
femmes ? Peu : quelques-unes unes puis
une, deux - une
La petite a des cheveux jaunes
Verse-sang es-tu pur, es-tu saint ?
556
Tu es mort
Tu es mort dans la mort et mort encore
Le mal moisit tes jours, le mal ronge ta vie,
Se nourrit de ton énergie, prend, prend
Comme la sangsue
Ton triomphe n’est pas illusoire,
Il est du dedans, pour l’intérieur
Toi, tu vas à la fête de ta mémoire
Certifiant ta réussite
Tu renonces à crédibiliser ce langage
Les Dieux pourtant l’ont reconnu
Au fond est le bilan splendide, ignoré, tant pis !
Est-ce ta raison de vivre ?
Faut aller dans la fosse, s’endormir tout au fond,
C’est là qu’on dure, n’est-ce pas ? Allez z’ou !
557
Soleil éclair ...
Soleil éclair soleil de sang
Je me nourris grassement
De ces chaudes cordes qui tombent d’en haut
Soleil de feu éclaté explosant
Nous t’implorons nuitamment
Dans les soupirs d’orgasmes
Fumée de poids pour des délires
Dans ce flamboyant éphémère
De recherches, de constances, d’encore
Absence tant aimée de solitude
D’exploits uniques, de rêves
Infiniment interdits, de mensonges, que sais-je ?
558
Refus
Est : “Collapse et temps d’hier circlair
Abandon bidonnant de vernis
Basse escale invitant l’avenir”
... Et fuite de la logique vers l’éther
Mais comment ? Comment autrement
Sans l’absurde avec le vrai, l’idéal, etc.
Est-ce possible ? J’essaie - mais quoi !
Est donc : “Concentré d’invectives avec
L’azur, lézard ailé, battant faible écume”
Non ! Ceci est trop - il faut en cesser là
Et prétendre obtenir par l’intelligence
La combinaison, la fusion, la jeunesse, le savoir
Une production d’écriture autrement supérieure
559
Du soufre
Du soufre rouge se repose ici pour penser :
L’horizon interdit d’avenir poétique
Malgré ce lac où s’ébattent des filles
Ce vent de souffle aperçu et réel
Qui vivait là-bas, plus haut - mais vivait
L’espoir éclaté de mort en mort,
Pourtant il y avait l’œuvre réelle et belle, n’est-ce pas ?
Pourtant ces Dieux, et l’esprit s’allumait
Il y avait l’horreur certaine du tortionnaire,
Cette folie du mal qui rongeait, rongeait
La nuit écoute le travail s’accomplir
Le poète assidu à sa table propose encore
Des manières de douleurs, de femmes, de chant
Pour s’écraser dans son néant de faiblesse
560
Une fille
Une fille virtuelle
Parmi les trois dimensions d’une pensée spectrale
Présence impalpable, apparition de certitude
Je vois cette évidence de beauté blonde
Je la poursuis à travers mon chemin sexuel
Je la saisis par la chair, elle m’échappe
Dans cet espace, d’autres filles errantes
Des reflets, des images possibles, impossibles
561
Ta mort m’ensanglante
Ta mort m’ensanglante
La nuit appelle le noir corbeau
Les fluides aériens se retirent de la chair
J’implore la lumière, j’invoque
Ce qui s’enfuit, ce qui est délétère
Tu es concentrée, tu vis dans ton vice
Tu te nourris de sperme,
Tu bois ma salive
Tes images sont images de tortures, de cruauté
Tu veux soumettre le jour
Voilà ta peine de dominante
J’essaie de t’arracher de ton ombre
Mais tel est ton désir de garce
De salope irradiée d’orgasmes
562
Il s’endormit
Il s’endormit dans son silence nu collé à sa nuit
Il espérait la source la lumière physique, d’avenir
Il épousa l’ignorance qu’il cloua comme un Christ
Haineux et violent
Ne voulait le secourir
nulle assemblée, nulle messe
Il hurlait en solitaire
Quelles masses de pureté seraient venues le libérer ?
Ses mains étaient percées
L’espoir lui imposait à être ce qu’il est :
Un veilleur inconnu hurlant vers le matin
563
Ce n’est pas la douleur
Ce n’est pas la douleur qui pénètre la chair
Avec d’horribles cris avec éclats de vers
Ces longs élancements
irradiée d’orgasme
jaillirait ma semence
Mais encore la douleur
Comment écrivez-vous ? En début de journée ?
Ainsi vous commencez réfléchissant sur l’œuvre ?
Moi, c’est petit, petit, voilà mes trois cents lignes.
Ma fois, la poésie ne nourrit que l’élite ...
Etcetera, tera.
Je me prétends limace,
Poète ridicule volant dans mes alcools :
Nous, toujours eux et moi personnes de cette sorte
Cherchant la vraie valeur. Imitons la science ?
564
Et le temps qui s’assoie, le plaisir éphémère,
Le retour, le retour dans la belle Énéide
Oui, oui, qu’en pensez-vous ?
Je cherche à mieux paraître.
565
Fragment de ciel
I
Ce fragment de ciel,
s’éteint nerveusement.
la poésie
Là-bas, il y a la source nourrie de lumière.
Encore des vérités d’écriture, de formes inconnues,
anonymes, de jeunesse, de vieillesse, - à oublier, qui s’en iront
mourir - (C’était à prévoir)
Vêtues de leur mieux, incomprises pourtant.
Mauvaise étoile, sale lune, blafarde et inutile. Rien ne
scintille, rien ne brille, tout semble mort.
566
II
Sous ce fragment de ciel, est suspendue une fille
accrochée par ces mamelles
éclatantes de
douleurs la marée baveuse, laiteuse remonte vers elle
irrésistiblement.
analytique]
[Je sais
ainsi je poursuis
étrange composition sans symbolique
C’était donc le monde, le mien
refusé
monde unitaire où je courais, marchais, dormais (etc.)
construisant avec des accidents de langage,
des débris éclatants sans génie, sans lumière,
travail de rien - disaient-ils, disaient-ils
et s’ils avaient raison ?
Je me jette, j’insiste, j’espère
de nouveaux espaces de liberté
Je déverse ma rage accumulant, accumulant encore
Pour qui ?
567
III
Sur ce fragment de ciel, l’agression noire pluie de
grêlons spectrale le poème râle, lutte pour survivre,
“ je ne veux point mourir - je dois survivre
Bien sûr qu’ils existent - vous ne les voyez pas ?
Vous ne les voyez pas ? N’ai-je pas lutté pour produire, moi ? ”
IV
Une nouvelle vague
constellée de clous, de couteaux etc.
auréolée de plumes
Me voici tout à coup avec mes quatre laquais qui rôdent
et agressent
dans des vêtements invisibles
rempli d’aigreurs et de haine
ainsi ça recommence
et ce lieu parfait pour ma solitude
quelle
568
solitude ? entourée d’ombres, d’invisibles à occire
reprends le mouvement à produire
je
redescendue
Oui, ici, encore, avec toute l’innocence d’une créature
La chair est bafouée ? La chair ? Mais je le sais !
(confession, pour qui ?)
Ce n’est que du sang blanc, qu’ignorance ne voit
Je poursuis : encore seul, avec mes Dieux
sur ma terre déchirante, ceint d’ombres
pour finir rampant, vieux vers détesté
je m’enfonce dans le rien
V
Tu le sais, toi qui pénètres dans le vent dépouillé de
toute espérance
sans lecture d’un littéraire
nulle compréhension
569
bravant le suicide, - et pour cause !
accoupler ?
Est-ce récitatif que ces morceaux de formes à coller, à
Encore, j’écris :
je fus donc prophète, inconnu,
irréel aux hommes, saint et oint, mais qui le croirait ?
J’existe et ma solitude est sublime
mon avenir est désespérant
Il y a encore ce fragment de ciel
VI
L’âme est ignorée : elle triomphe dans sa défaite elle se
glorifie - a-t-elle raison ?
570
Pierre
Pierre éclatée sur les herbes silencieuses
écla tée
La chair s’étend paisible et dort
plus personne
n’égrène l’avenir vers l’au-delà pourtant
lui poète enfin triomphe etc...
d’aventure, de vérités, de certitudes
sans elle, avec ses Dieux
de quoi remplir le sarcophage
ou de rouiller jusqu’à n’en plus finir
571
Encore se taisaient
Encore se taisaient
encore sur les écrans,
j’avançais.
J’avançais vers New York le visage sur l’écran
J’écoutais et comprenais eux se taisaient - ciel et
Dieux
J’inventais recréant l’espace, le construisant
Utopie, chimères, poésie
Je glissais ma carte et apparaissaient des femmes nues
vulgaires putains à 490 Francs l’abonnement annuel
D’Adult Channel, d’Eurotica etc.
Travel
Je franchissais l’océan - le grand vers les Caraïbes,
D’algues, de sel, de filles, de Travel, d’impossibles jets
de Trips, d’envolées touristiques
La zapeuse 69, 70, 72, NBC, BBC world, EBN, - il y a
constances de changements pour éviter l’Adverstising, la pub,
quoi ! Je devenais instable...
572
Le matin du prophète
temporel !
Que ne puis-je avancer d’être moi, d’aller outre dans l’état
Déciderai-je prophète de concevoir pour l’avenir ? Qui
donc me pousserait à penser pour plus tard, à reprendre mes
espoirs et mes futurs ? À produire des vérités comme rêves
vivants, et pareil à celui qui veut se purifier abandonner
l’enveloppe détestable de sa vie passée ?
À présent j’analyse ce vrai matin d’exil, attiré par l’heure
du zénith, cherchant à atteindre sa splendeur. C’est la gerbe de
l’arc, le parcours du parfait. Le songe, le sommeil sont oubliés.
Tout s’irradie en certitude de puissance. Il faut revêtir la nudité
d’habits éclatants pour attirer le peuple, pour le rendre accessible
à la nouvelle émotion etc.
573
L’âme se nourrit
L’âme se nourrit de sources claires, d’envolées
délicieuses. Cet azur est remarquable. Ce lourd soleil est bon pour
moissonner toute récolte renouvelée, tout avenir de certitude
poétique. Il annonce un espoir de gains, de cuivres, de feuilles,
d’honneurs. Il monte sublime et incandescent chassant la nuit
honteuse.
Il dissipe l’épaisse charge brumeuse. Il chasse les
stupides jugements des humains et participe à la production
d’actions mentales... Que de vérités apparaissent aussitôt ! Quel
infini langage s’ébat, se développe et s’élève ! Les procédés
employés par l’intelligence sont éclairés de lumineux éclairs
pensants !
574
Analyse
Constamment illisible par les yeux qui me nient
Proche, tâchant d’atteindre l’idéal poétique
À distance, éloigné d’autrui,
Exécuté par la puissance d’œuvre
Refusé par les novices
J’invente peu, j’imite mal
Je bois grassement le produit qui me nourrit
Je n’ai nulle densité,
J’analyse voilà tout.
L’avenir est par l’algèbre de Stéphane.
575
Traces de mémoire
Ces constantes et fluorescentes traces de mémoire sont
des lumières de reconnaissance, des phares intermittents du passé,
de l’autrefois. Nous captons, par moments les messages, nous
lisons dans les yeux de notre spectre des pensées, mais prétendons
comprendre l’avenir.
La poésie est une immense humilité dans un triomphe de
solitaire, avec désespoir, avec non-être. Elle est impérissable par
son génie immortel ; elle est ridicule par son incapacité à plaire.
C’est une Beauté, Beauté inaccessible, méprisée, adulée,
incomprise. Elle offre son luxe dérisoire. Elle veut avertir, peu
possèdent des yeux pour voir.
***
Travaille pour les Dieux et tâche de progresser.
576
Plainte d’automne
fatigue
Pensée d’automne, lente descente derrière les peupliers
recherches de quiétude dans ce gris bleu chargé de
d’espoir toutefois
Souffles poussifs sur les crêtes des forêts chevelues
Espace encore, espace d’écriture pour une écriture
Je ne plonge plus dans l’image délicieuse de l’enfance
où paraissent çà et là des silhouettes connues
mensonge.
J’ouvre l’almanach de l’imaginaire et j’invente du
Souviens-toi de cette lumière qui s’élançait vers l’azur ?
... Oui, je reviens
Je murmure cette lourde poésie d’hier
- Entends-moi.
Non, je dois me taire. Ces mots ne sont qu’insignifiance,
que transparence de sens inutile.
577
Je déchire lentement les secrets de mon âme, mais je ne
puis entendre cette claire musique qui accompagnait l’élan de ma
jeunesse.
Encore cette saison, je m’obscurcis, je vieillis et je
disparais sans laisser de mémoire, hélas !
578
Pourtant
Pourtant, beaucoup de recherches, d’organisation, de
volonté productive dans cette tête.
Peu de place pour le cœur - le sentiment suivra, je dis -
nourrisson géant.
Il me faut comprendre, prendre à l’extérieur - je suis un
Dans cet espace, j’essaie de rassembler l’incohérent.
l’insignifiant.
L’indifférence de l’autre m’écrase, me réduit à de
disparaître.
Je contemple encore ce miroir et j’y vois mon image
Je repose sur l’oubli, telle est ma certitude.
579
L’esprit humain
L’esprit humain à tout moment risque la destruction.
Peut lui arriver la sortie hors de la chair, la rapide mort qui le
projette vers son avenir ou vers l’oubli éternel.
Tu t’élèves en creusant. Te voici Saint, inconnu,
immortel peut-être. La recherche de la séduction, la volonté de
plaire n’ont plus aucun intérêt maintenant : on sait qui est qui, qui
vaut quoi ! La caresse littéraire n’a plus cours. Le zèle n’est plus à
récompenser.
Toi, seras-tu une façon d’être, appréciée de tes suivants,
qui pleureront ton exil ? Dépenseront-ils leur foi en toi ? Iront-ils
réchauffer ta mémoire près de ce bon vieux sarcophage glacé ?
580
Avec la constance d’ombre
Avec la constance d’ombre sur mon aile droite, j’ai
produit, gêné, dérangé, bloqué. À la recherche de l’œuvre
essentielle, espérant pour là-bas, sachant qu’ici... enfin !
Je n’avais aucune certitude terrestre, - l’approbation était
nulle. Je ne me sentais pas offensé. Je comprenais l’impossibilité
mariée à l’interdit.
Peu soucieux de certifier la vocation, l’âge m’éloignait
de l’irréelle... de l’invisible réussite. Les propositions les plus
élaborées, savamment pensées étaient rejetées comme des formes
primaires et inutiles.
Je vivais avec un homme qui n’avait plus d’espoir. Nous
courrions sans douter, certains du chemin à accomplir.
581
Vaste labyrinthe
L’âme est un vaste labyrinthe où des pieds sonores
courent et circulent. Je les écoute caché dans l’ombre. Je les
espère comme des talons aiguilles de femme, et ne vient : qui estelle
? Est-ce ?
C’est bien dans l’âme une étrange confusion de sons,
d’ivresse, d’espoirs et d’imagination fantasmatique.
582
Jeunesse et règne et fin
Ineffable certitude
Qui me prétend maudit
Tu es constamment devant mes yeux
Jamais et jamais
L’espoir d’être compris, d’être lu
J’ai épousé la Muse,
Fille belle et féconde
Aux enfants méconnus
Que supportons-nous ?
Un constant mépris
Tout jaillit en nous
En forme heureuse, malheureuse :
Jeunesse et règne et fin
583
***
La pensée sue ses buées verbales
584
Toi et moi
Tu ne sais toujours pas qui je suis. Et c’est pourquoi ta
réaction épidermique veut que tu me méprises, me jugeant sur une
apparence. Mais je ne t’accuse pas - je constate - voilà. Moi, je
prétends me connaître, je m’apparais autrement. En constance de
vérité, je me hais, je m’accuse d’être peu et de valoir beaucoup
plus. Alors je tente avec la substance des syllabes de produire des
solutions nouvelles, que personne ne lira évidemment et qui, si
elles étaient lues, seraient condamnées, exécutées comme de
vulgaires propositions stupides.
Tout ceci doit t’apparaître bizarre, n’est-ce pas ? Je
cherche à t’expliquer ce que je ressens avec cette vérité d’écriture,
avec ces montagnes de combinaisons qui s’accumulent, s’effacent
et renaissent. Mais tu n’en as que faire. Tu penses déjà à autre
chose. À moi par exemple ?
585
I
La bouche est harmonieuse
Elle obéit à la cervelle
Qui lui impose d’agir
Splendide, splendide et pourtant
Interdite
L’espace d’écriture coule
Par la salive
Il jouit de la langue
Il balise la feuille à noircir
La fille belle qui pousse
L’inspiration tourbillonne dans le vent
Une idée cherche, veut et se retire
Sur mes lèvres
586
II
J’exploite autrui
Je prends Bernard Noël
Est-ce référence ? Avenir ?
Ce vrai est peut-être faux
Qu’exprime l’écriture ?
L’immense déception de l’avenir
La chute et le trou
Mais tu lis, produis
Par ce soleil intérieur
Capturant l’exil,
du moins t’y essayant.
L’écriture s’enroule
Dans les délices du risque
De l’audace, de la tentative
Toute combinaison engendre le doute
J’accommode des accidents
de langage
l’ensemble est architecture
587
III
Je n’aime pas, je pense.
Si penser est un geste,
je touche les choses
j’embrasse ton sourire
je caresse ta langue
Je pose des marques visibles
sur ta chair qui n’existe pas
tu vois, j’invente un rêve
puis tu apparais
Je fête ta naissance
dessinant tes formes
que j’efface pour oublier
L’éclair du poème est intermittent
il est sans devenir
passé pour durer
Je crée donc une distance temporelle
588
IV
Pourtant je suis replié dans ma chair
Je tue le moi
pour le faire renaître
Offre-moi encore l’inventif
Je veux me nourrir de tes aliments
à pieds mêlés
à bouches, à seins, à sexes partagés
Tu es moi, te dis-je
L’un contre l’autre
Je garde le toucher
de ton imaginaire
V
Le soleil dessine un arc,
élabore une parabole
j’explore le cercle
et je pense au Parfait
589
Telle est ma petitesse
Je suis peu
Voilà une tête qui fait des bulles
jaunes et chaudes
mon savoir est ridicule
Je reviens dans ma bouche
J’appelle ma langue
s’échappe la vérité
Je me vois nu, faible, et médiocre
à capturer des frissons
à supposer une construction
à travailler du délétère
590
VI
Je vibre sur une émotion
Je vais contre l’usage
éblouissant, inutile
La pensée se couche, honteuse
sans résultat ni réussite
Mes yeux se portent vers le passé
le vide s’agrandit
j’y habite
Je me pénètre encore
dans ce volume d’espace invisible
J’y crée de la matière
voilà les mots
je recommence agitant le miroir
sachant encore que le tout
ira dormir dans un Néant
591
Beauté, je te délaisse
Beauté, je te délaisse
L’amour court
La pensée reste
Je ne veux que du moi
L’oeil obscur désire
la chair du poème
Je m’active sous ce crâne
Enterre-moi
Pour que je sois
Immortel
La pensée s’active
Refuse la mort
Et produit encore
Ni feux ni ombre
Ne se contredisent
Dans le cercueil ou au bureau
592
Les opposants s’épousent
Dans le présent du futur
L’œuvre y gagne-t-elle ?
Qui est le tu ?
En moi-même ! Je suis l’autre !
Qui le croirait ?
Il déplace le présent
Le voici parlant
Dictant du futur
Sa bouche est divine
Il porte la ceinture
L’œil est pénétrant
Il s’adresse à l’invisible
Il se figure de l’espace
Cherchant la vérité
Le cœur épuré
La chair passée au creuset
Ses habits de clarté
593
Et l’histoire de son peuple
Qu’il pousse vers l’avenir
Lui indiquant la Loi
Sur son lit de douleurs
Le corps déteste le corps
Je l’entends gémir
L’ombre le persécute
Il balbutie des lèvres
Pour personne pour l’absence
Un éclair le déchire
Apparaissent les Dieux
Par le mur transparent
Ô mes superbes Amours
Que le Savoir m’instruise
Que le Génie m’éclaire
Le mur se referme
Le Mal est encore là
Et la souffrance aussi
594
L’air s’élève
Et sur le sol
L’éclair de vie s’enfuit
L’orage de violence
Éclate dans ma mémoire
Jaillit hors de ma bouche
Tire sur mes membres
En quelque image disgracieuse
Que je m’impose à répéter
La vérité
Issue d’un beau mensonge
Sereine et audacieuse
Par le faux
Obtient l’exactitude
D’un conflit intérieur
Insignifiant fut le triangle
Constellé de sperme
Auréolé de poils et de senteurs
595
Une histoire lamentable
Qui cherchait en ce lieu
Un passage éblouissant
Des hurlements fabriqués
Pour déchirer l’azur
Dans l’impensable chair
Celles qui s’agenouillaient
Quémandant l’orgasme
Gémissaient sous le fouet
Et là dans ma hauteur
De dominant pervers
J’inventais un théâtre
L’éblouissante recherche
Éclate dans le silence
De la nuit souveraine
Tout se situe à l’intérieur
Le je exulte
Le moi se cambre
596
Il y a lutte d’esprit
Se boule et roule, et quoi ?
Se sépare et se juge
S’observe du regard
S’échange des propos
Animés de critique
Cherche à se combiner
Pour voltiger ensemble
Pour le jeu du poème
Chaque pensée
Engendre une pensée
Miroir et tombeau
Tant de feux inutiles
Dans l’avenir interrompu
Nourris de leur passé
Chaque image
Engendre une image
Création et chair
597
Un poète concevant
N’étant que cela
Que mort future
Construit en délétère
Pour le secret du rien
Éblouissant et inconnu
Tout vient du Néant
La fertilité retourne à la mort
Fuyant vers l’avenir
La pensée s’éclabousse
Sur la page blanche
Les lignes nerveuses
S’organisent,
Forment des ressorts
Rude tension dans la nuit
Le sperme noir pénètre
L’espace vierge
Couché, à prendre
598
L’accouplement est visible
Pourquoi produire ?
Vers quel espoir ?
Tout jaillit pour l’avenir
Ce qui était n’est déjà plus
Ce qui sera existe
L’œil perce plus loin, là-bas
Il se projette vers l’avant
Il espère
Les choses sont prévues
Quel est l’étonnement à les concevoir ?
Est ce qui doit être
La substance future
Est soufflée dans le temps
Le prophète apprend
Alors tout s’accomplit
Il faut réaliser
Ce qu’Il avait pensé
599
Je m’élance, j’accomplis une distance
Je mesure le résultat obtenu
L’énergie de vie est enfermée
Dans une sphère qui détermine la limite
Je puis aisément atteindre son centre
Mes yeux se cognent aux parois invisibles
L’au-delà est aveugle
Et tâtonne en reculant
Ma tête est constellée d’incertitude
Où est l’outil pour arpenter ?
600
Entre le je suis
Et le je serai
Le poète pense
C’est l’espoir
La certitude
C’est l’avenir
J’ouvre ton œuvre
Pour y voir
Un futur
Mais le temps s’effondre
Il s’écroule sur toi
La nuit tu espères
Tu prétends être
Pour t’en retourner
Dans l’insignifiance du jour
601
Je me nourris de rien
Le rien est là
Qui déteste l’infini
Je pénètre en moi-même
J’exploite mon œil intérieur
Le jour est dedans
Je plonge dans mon regard
Le vrai est tout au fond
Dessous il y a de l’or
Des mots émergent
Glauque troupeau incohérent
Je les range, je les compte
Devant eux, le poète
Le gardien de leur sens
La voix et l’émotion
602
La nuit s’épanouit en elle-même
Comme une immense femme noire
Dans une chaleur rose
Le temps aspire la durée,
Avale les secondes
Qui fuient vers l’avenir
Vivre c’est passer
Mourir est exister
Je veille pour devenir
Dans ma mémoire
Les souvenirs se déplacent
Entre le flou et le précis
J’accompagne mon Oeuvre
Le parcours d’un homme
À enterrer, à oublier
603
Non, je ne peux pas dire
Tu es en moi ce que tu es
Visage et âme unis
L’injustice règne
L’œil dedans dehors
Vise, analyse et sait
Le temps consacre l’avenir
L’oint devient immortel
De toi à moi : qui suis-je ?
L’absolue vérité
Construit sa pensée
Avec intelligence avec
Pour ce réel d’exactitude
De faux, que sais-je,
Il interroge sa forme
604
Je suis, serai-je ?
Accoudé à ma table d’écrivain,
Quel est mon avenir ?
Poète enfermé dans une cage ensoleillée
Pour la folie verbale,
Le désir est au Seigneur
605
***
La mémoire écrase le souvenir
Le cercle cherche une étendue
La terre regarde d’un côté
Le sexe féminin est affamé
La nuit s’enivre à la dérive
Le poète scrute et attend
Le passé est le déterminant
L’origine, le point de départ
Qui a été et n’est plus
J’habite la bulle du présent
Sombre et noirâtre
Replié et caché
J’y invente le clair, sa lumière
Je prétends me projeter
Vers un avenir
606
Toi, tu diras : en ce temps
Tu étais et ne savais
Mais le passé a fui
Nul souvenir fugace
Ne comble les instants
Que j’essaie de capter
Les mots s’appellent
Les signes pénètrent dans les signes
Les signes
La tête découvre ses secrets
Offre ce qui est enfermé
Soupière en ébullition
Elle malaxe de l’invisible
Prélève à la dérobée
Quelques pensées légères
L’idée est à saisir
Au milieu du magma
Elle est la flèche
607
L’horizon est couvert d’encre noire
Il se répand sur le papier
Il conçoit le monde
Le mot fabrique le mot
Engendre et conçoit
Le sens s’éloigne
Il y a recherche de pureté,
Il faut être bien né
Le temps lave le sang
Le moi dit : possible,
Non, peut-être, à voir
Il chasse, il exécute, il tue
La lumière plonge
Aspirée par le vide
Dans un espace vivant
608
Intérieur, extérieur
S’organisent des formes
Élaborées pour un devenir
609
J’écoute
J’écoute mourir entre mes jambes
La femme, vagues mortes, marée échouée
Évanouie et somnolente
Les yeux dorment de lassitude
L’illusion est infinie.
Oeil
Oeil replié en soi-même
D’éclairs, de feu et de phosphore
610
Voici
Voici l’écume de la mémoire
La vapeur claire mollement infinie
Caresses et filles savantes vers l’azur
Cerclées de robes fumantes et d’avenir
La haine est dans le corps
La chair est en feu
Tout est cruauté
Le sexe est mort
La pensée fuit
Dans la nuit
Nulle possibilité
De jaillissement
J’ai épousé la médiocrité
611
Dans mon état de purifié
J’accède au néant
Mon devenir est difficile
Je tète à la poitrine noire
Du sang de béatifié
Tu vois : je m’élève
612
La plaie est à l’intérieur
Qui la verrait ? Qui ?
Le sang charrie de la douleur
La chair ne sert qu’à souffrir
Elle frémit sous l’extase
Sans le plaisir de l’autre
On fabrique des images
Histoire de fuir un peu
Les relents de la mort
Masse blanchâtre, ceinture
De clair invisible
Qui donc pourrait voir ?
Persécution mentale,
À toute heure, encore
J’habite avec la mort
613
La nuit
La nuit durant laquelle les femmes bleues voltigent
autour des pages lourdes et repues d’écriture, agenouillées,
priantes vers l’aube exaltée d’avenir,... d’avenir.
Le feu s’exhale autour des cuisses débordantes de luxe,
de richesse, de jouissance - ô touffe superbe et noire - ô chair
d’homme, sexe d’homme suppliant une errance infinie, de mort.
La certitude de la mort. Son corollaire : l’immortalité, le
futur vrai. La vitesse terrestre est l’ennemie.
Le poème n’a pas à se justifier. Sa réalité autarcique lui
est suffisante. Il existe dans son système fermé.
Que celui qui veuille l’aimer, le trouve !
614
Espérer, avenir ?
Que pouvons-nous espérer ? Quel est notre avenir ? La
science vorace et dominatrice nous sommet au ridicule de notre
art. Nos grossesses poétiques avortent, nous portons la honte de
cette discipline. Nous n’amusons même plus les premiers. Que
reste-t-il pour le futur ?
Je poursuis toutefois le jeu abrutissant des mots, je
poursuis encore. Jusqu’à quand ?
615
MESSAGES
V
616
Le risque, l’audace
Le risque
l’audace
ces mots-là renferment des idéaux
Ainsi je vais trop loin
La quiétude souveraine
jouit du passé
se protège de tout aléa
Chaque tentative
est un espoir
dont la valeur est inconnue
Accumulation
productivité
et rien ne saurait suffire
alors pourquoi ?
617
Espérer peut-être recommencer
pour obtenir un autre développement
une autre finitude
Ou changer pour être comme avant
On insiste
On reconsidère la limite
Puis toi si fine, si claire,
toi Marie
dans un drap oublié
Écrire c’est encore
réorganiser un ordre
c’est penser autrement
Mais pourquoi ? Pourquoi ?
La vie produit des pensées qu’elle efface
sur son parcours
Le réel court vers le futur proche
618
et semble oublier
le passé immédiat
Parler d’absolu,
c’est employer un terme difficile
c’est spéculer avec du matériel inconnu,
délétère
Le risque
l’audace
ces mots-là renferment des idéaux
619
Retourne d’où tu t’en viens.
Jamais
quand bien même
des possibilités extrêmes
infaillibles
réelles dans le futur
certifiées par un Dieu
Jamais
Moi, Moi, désespéré
trahi, haï
combinant, cherchant, certifiant
Jamais nourri par des génies
le leur
produisant avec désespoir
avec moult moyens
J’avance poussé par le Mal
redressant mon envol
bondissant, hors et jaillissant
620
Moi, oui,
très à l’intérieur de l’écume,
soulèvement, enfoui dans la profondeur d’un cauchemar
boiteux, à la Poe,
Néant, béant d’une chambre maudite
refusant l’adaptation à l’autre, aux autres
à autrui,
Perché et maître reconnaissant le Nombre
le même,
limité dans son extrême
à un double-six de syllabes
ou de pieds
J’hésite, je veux et ne peux pas
en maniaque, métromaniaque
poursuivre l’essai
dans ces calculs nouveaux
621
je combine encore
J’espère être pour l’Esprit mien
dans le triomphe de ma tempête
fabriquant le secret
inconnu à l’homme
emporte, emporte-moi nef
bouillonnant d’une splendide tête
pour des contrées nouvelles
J’intègre la probabilité nulle
de gains, de crédit, d’avenir terrestre
Nourri de démons ridicules
désireux de les chasser
La mer ! La mer !
rejetant la femme
fantôme d’espoir, passé
illusion d’orgasme
622
hantée de blondeur née
de chair bleu turquoise
Oui, solitaire et tel
prince amer de l’exil
dans l’éblouissement pléthorique
frère du dérisoire
J’avance
possédé par l’oeil fatidique
Poète expiatoire du ciel
bouc innocent et incompris,
de la seigneuriale divinité
Lucide mais feignant
gonflé de certitude et
allant en soi-même,
Moi
Avec conscience, sans vertige
par temps de souffrance
sur mon rock
cherchant la production immense
623
Existera-t-il
autrement que poète virtuel et céleste
commencera-t-il
constamment nié
Du moins Il s’illumine
Maudit, maudit
par cent aiguilles dans la chair
portant la honte et le ridicule
de la vaine profession
Ce serait...
mais Christ choit
dans l’écume sinistre de l’insignifiant
se souvenant pourtant
de quelque rare baume émané
par la Force
Il travaille sans délire
pour remplir son gouffre
624
Je dis : Rien n’aura lieu
mais élévation d’absence toutefois
fondée non sur l’espoir
L’acte est plein de certitudes... est-ce ?
Je réponds : oui
sans perfection réelle,
nourri d’absence
excepté pour l’au-delà peut-être
hors d’intérêt
pour toute vérité humaine
mais cherchant encore
construisant avec moi-même
Pour Orion, éloigné, si proche des Pléiades de feux,
d’apprentissage, que sais-je
donc
Une constellation de livres
625
née pour s’en retourner dans l’espace inconnu
pour accéder à cette pierre de faite
rejetée de tous
La divine parole était un coup de dé
626
Dès
Dès qu’il en prit conscience
À coups de pensées déployées
Il développa sa méthode
la sienne, oui.
Il produisit comme on s’accouple
Mécanique de fauve érotique
Sa certitude accéda à de l’inconnu
Ses fluides, ses spatules de l’esprit
Touchèrent d’autres envies
d’autres femmes de poèmes
Mais le Ciel condamna
fabriqua de la haine
l’aigle blanc eut la chair torturée.
627
Non-sens
Fériale
À l’honneur des pierres
Gratte mes petites marques
Femme
Je ne dois pas me servir
Des marques qui t’ensevelissent
Fériale
Développe l’extraordinaire
Loi des petites pierres
Femme,
Où tu es, je ne suis pas
Méfie-toi
J’irai jusqu’au bout de l’impossible
L’interdit est mon avenir
628
Un papillon de rêve
Un papillon de rêve danse dans une tête
Ô vol, ô légèreté d’aile
Je te vois chavirer
Te voilà renverser dans l’ivresse,
Oeil emporté par le vent
Cherchant ton amoureuse.
629
Délivre-moi
Délivre-moi
la fraîcheur m’enveloppe à demi
L’épouse du poète maudit
Penchée
Tournante, tournoyante, envolée
Elle se déplace dans ses jours néfastes
Elle dort sur des clous, des brisures de verres
Elle a froid, elle est brûlante
La voilà crucifiée au milieu des ombres
Fille du fakir, princesse de la douleur
Elle cherche des étincelles
Son époux est misérable
630
Magnétique attrait
Constante privation
Éphémère et sainte
Je nourris son supplice
Ô ma beauté interdite
Pourquoi m’as-tu suivi ?
631
Qui accepta
I
Qui accepta de l’entendre ?
Nul pour s’abaisser, pour écouter gémir les longs
déchirements, nul
Alors attendre, attendre la mort, car la délivrance, la
délivrance...
C’était constance de cruauté,
Dans la nuit qui frappait ?
Sa douleur était sainte
Avec bénédiction divine ses mains couraient
Écrasées d’aiguilles, saignant un sang blanc,
Invisible
Lui à l’écart, maudit et purifié
Espérait toutefois
632
Il
Il suppliait, implorait :
Tu es dans une forêt d’épines
Qui te suivrait ?
Pieds, mains, sexe blessé
Nulle chance, seulement de la haine
Cruelle et bête
Le temps comptait, la vitesse n’avançait pas
Ô bien-aimé, est-ce la douleur ?
L’état poétique se forge sur ton front
Le ciel est fou ! Qu’il cesse !
Le ciel est...
Il suppliait encore.
633
Moi et Moi
1
- J’ai compris, je savais ce que poésie valait
J’avais l’intelligence du logicien
Il s’agit de la conscience
- Je t’annule, je te hais,
Je te méprise toi qui sais
2
Chercheur dans ta vérité exacte
Creuse encore
Toute la lumière éclaire ta certitude
634
Analyse, solution
Le vers explose
Je connais sa valeur
Anodin, inutile, en dessous
De gloire en festivités, ils s’appellent : Triomphe
Par faible création
Supposant l’audace
Immunisés dans la bêtise
Il faut : solitude et travail
travail et solitude
En avant, supposant, espérant
Pour quel avenir ? Hélas !
635
À personne
Je ne lègue à personne
Ma part de poèmes, de rythmes
Qui s’élaborent dans mon désert
Enfermé en moi-même
Au plus profond de l’exil
Nourri d’imaginaire
Sans contradiction, mais sachant
Évidence immuable
L’organisation de l’homme est facile
Collectionneur d’images, de sons, d’invisible
Proposant des fréquences,
Je fomente dans mon âme fertile.
636
Il est temps
Dans sa main brûlante, s’envolent
Des papillons, des tourterelles, des filles claires
Descendus pour être caressés
Sa main messianique fascine, attire, convainc
Il est temps d’entrer
D’entrer pour savoir
Pour séparer l’illusoire du réel
le futur de l’absurde
Il est temps
637
L’exactitude poétique
La Lumière descend, annonciatrice des moissons
Et se console de la haine voulue
C’est de te nuire
c’est l’ennemi destructeur
Aiguilles sous les aisselles
Dans la vérité inconnue
aiguilles
La soie
La soie ensanglantée
L’orage dans le front
La nudité belle
Vrai - l’ensemble est cohérent
Il n’y a pas de magie
Seras-tu apte - dis-le ?
638
La constante recherche
Par l’interdit à pénétrer
Je t’ai longtemps cherchée
espérant longtemps
J’ai plongé dans ton regard de femme
de fille
de muse
désireux d’union parfaite
Était-ce réellement sensé ?
639
What’s a shame !
Violence tu me traites comme un chien
Comme une foule d’excréments
Sur une existence productive
De semence divine
La haine exécute le poète désarmé
Agile et véloce, le voilà tortue centenaire
Si Satan quittait les murs du pavillon
Quel splendide matin d’avenir !
Horreur pour la médiocrité de la discipline
Quelle honte !
640
Ténacité
Critiquant, critiquant et sachant
Le réel contenu obtenu
La médiocrité en moi
De l’acte poétique dépassé et ridicule
Derechef travaillant, travaillant
Éclairé de science et de vérités
Donc honteux et caché
Innocent, agressé, virulent d’exactitudes
Proposant des solutions autres,
Refusées par le ciel,
Implorant encore pour rien,
Oui, lui - mais quand ?
jusques à quand ?
641
***
La pensée transpire son savoir
642
A JAD WIO
Par l’étroitesse de l’ouverture
Je fais glisser la fermeture
Je me conseille un doigt, l’index
Qui délicat cherche ton sexe
Tu es la reine de la torture
Et avec toi toujours durent
Les pulsions les plus secrètes
Dans un torride tête-à-tête
Je suis le prince de l’évasion
Fuyant, suppliant ton bien-être
Qu’en tout au fond tu me pénètres
Par ta perverse soumission
Inonde-moi, inonde-moi d’amour
Fais balancer tes seins si lourds
Que germe en moi ton bas plaisir
Entre souffrance et bleus soupirs
643
Le va, le vient
Le rituel éternel de deux chairs
Le passage, la trouée
Les langues roulées
Les regards
En tête-à-tête
Puis les rudes coups
Portés dans le ventre
La pensée s’écrase
Dans l’apothéose des corps
L’âme redescend
Constellée d’orgasmes
Redescend
644
La mémoire aime l’oubli
Le souvenir fuit
Là-bas dans l’ombre
La pensée est brisures de cercles
De moins en moins parfaits
Qui s’évadent vers l’infini perdu
De dérive en dérive
La nuit couvre le jour
Carnassière et dévastatrice
La tête est lourde de songes
Le sommeil s’épanouit
Éblouissant en longs soupirs
645
Exécutée
La liberté exécutée par le mal
Par l’émule de Satan,
Existe-t-il quelque espoir d’avenir autre ?
Le jour couvre le jour
Agressif, violent, inouï
Le temps rejoint la mort qui dure,
Nul ne le croira.
646
Où est ta fuite ?
Où est ta fuite,
ton refus
ta honte ?
Cette question est posée par un poète
qui se replie en soi-même
Tant que l’homme produit,
il vit tout au fond
très loin
à l’intérieur
De chaque poème naît un espoir
construit par l’alphabet
d’un ordre - désordre
La pensée s’épanouit derrière le visage
La pensée construit
pour imprimer du délétère
647
Chacun sa vie
Chacun sa vie
Dans la vie
Accumulation de sueurs
De sueurs poétiques
Pour qui ?
La main caresse le vent
Le soupèse
Le porte pour qu’il fuit,
Là-bas, là-bas
L’oeil est à l’intérieur
Il navigue
Sur le marécage livide
De l’intelligence
648
Tu parles seul
Autrui t’entend
Dialogue de nettoyage
Purifiant l’esprit
Pour écrire
À quoi sert de vivre ?
A perdre son temps
De dormir pour toujours
Le souvenir menteur
D’une mémoire truqueuse
Mais de bonne foi
Toi prédisant,
Cherchant l’avenir
C’était hier
649
Souvenirs
Souvenirs
Vous versez l’oubli
sans futur
Délavées les pensées
Disparaissent
Peu à peu
Ainsi s’écoule le temps
À travers notre mémoire
De clair-obscur
Tout s’efface
Dans l’oubli menteur
Notre regard intérieur
Masque le mensonge
Nos yeux se nourrissent
De vaines images
Encombrées de poussière
650
***
La sève coule sur la corne d’or
La sève ou semence divine
651
Perchée, éclatante d’extase, la voilà ivre, remplie de folie
- courant, courant à travers les mots et les possibilités d’écriture -
la voilà encore, cette fille étonnamment bigarrée, grandie à la sève
de l’espoir.
Mais est-ce réellement raisonnable de la supposer apte à
extraire encore quelques recherches de déséquilibre ? Quelques
tentatives audacieuses ?
Depuis déjà longtemps, j’avais délaissé sa chair ronde et
blonde comme une pomme sexuelle. Je lui avais préféré la rigueur
classique d’une Phèdre splendide, d’une Andromaque soumise ou
d’une Iphigénie sacrifiée.
652
I
Sublime, ô sublime
Je t’apporte ma chair
Veux-tu du moi en toi
Je t’ai trop aimé, dis-tu
Je suis lasse du va du vient
Je suis lasse
L’amour est un prétexte
Le sexe une banalité
II
Beauté, beauté
Je t’apporte ma chair
Voudrais-tu du Moi ?
Je suis plus que toi
653
Vivre ne sert à rien
Vivre est inutile
L’Esprit peut-être
Ou l’oeil intérieur ?
654
***
Voilà, voilà encore cette impossible recherche,
désespérée, désespérante, au plus profond du moi scrutant et
intérieur, désireuse d’obtenir un splendide résultat. A-t-elle
quelques moyens ? Pourra-t-elle se prévaloir de pénétrer
l’immense conscience que le poète suppose posséder ?
L’esprit attend cette formidable décharge de la cervelle,
cet élan de vie intellectuelle permettant d’accéder au Poème.
Et quel est son futur, à ce poème ? Quel avenir, lui déjà à
jeter dans les tiroirs de l’oubli, dans la satisfaction personnelle
mais stupide ? Car le poète est imbu de son Moi, il se gargarise de
sa propre substance. Il possède la certitude de sa capacité... Il ne
saurait en démordre.
655
***
Quelque chose d’infiniment ridicule qui doit s’ajouter sur
une perception presque blanche, inconnue ou livide.
L’oeil se balade, spécule, cherche, l’oeil au fond de luimême.
Négligemment attendant, espérant un Je suis dérisoire.
intérieur
Et c’est ce rien qui se propose, à la vue de mon visible -
Cette pensée, et voilà - n’est-ce donc que cela ?
656
Le jaune, le vert hurlent
L’Esprit attend
Une vague lueur
Tout est à découvrir
À combiner
Même l’insignifiant
Peut permettre de croire
En quelque chose à écrire
Alors du noir
C’est la raison de l’exécutant
Qui marque de pauvres mots
La lèvre prononce
Des résidus de syllabes
La main exécute
Obéissante, soumise
Faut-il se plaindre ?
Le poète caresse du papier.
657
La femme insecte
Je sortis de mon cauchemar, couvert de sueurs glacées,
j’allumais rapidement la lampe de chevet et vis, face à moi, à
quelques mètres du lit cette étonnante fille cruelle avec des ailes
de papillon qui m’observait dans une fixité étrange. Les ailes
commençaient à tournoyer dans une sorte de ballet bizarre,
difficile à décrire. La lumière jaunissante de la pièce éclairait çà et
là dans un jeu d’ombre la femme-insecte venue pour me faire
jouir ou souffrir. Je bondis hors du lit, nu, en érection et
m’approchais d’elle. Ma respiration était saccadée, j’étais
pantelant, frémissant et angoissé, mais attiré irrésistiblement par
cette curieuse femelle. De son regard métal, elle m’obligea à
m’agenouiller. J’obéis lentement et plongeais mon visage contre
son buisson noir et brillant. Je buvais crispé l’odeur acide et molle
de ses lubrifications vaginales. Je passais ma langue avec
dextérité dans la fente humide de son sexe et me concentrais
pleinement sur son petit bouton rose gonflé de sang.
D’une voix légère et claire, elle me demande :
- Où avez-vous appris à faire çà ?
- Constamment je le fais. C’est une manière de rendre
658
hommage au lieu qui m’a vu naître...
Puis je me relevais. Avec délicatesse, je lui fis faire un
demi-tour sur elle-même, et je pus admirer l’étrange conception
de sa chair féminine. Au-dessus du fessier, à la hauteur du creux
des reins, l’on pouvait observer une touffe épaisse de poils.
J’écartais délicatement cette zone unique, et vis un deuxième sexe
comportant une autre fente, des lèvres plus larges et au milieu des
lèvres, un sexe d’enfant de quatre à cinq centimètres de long, en
position repos. Il s’agissait du second clitoris, volumineux cette
fois et totalement adapté à la langue et aux muqueuses internes de
l’homme. Je m’efforçais de lui faire une sorte de fellation délicate
et subtile, lapant doucement cette zone sensible. Ses ailes se
mirent à frémir et je l’entendis de sa voix cristalline gémir avec
plaisir.
- Oui, encore, bien lentement. Oui, oui, que j’aime ! ...
Cette délicate caresse dura pendant un long moment, puis
la sachant sur le point de jouir, je décidais de pénétrer cette touffe
noire chargée de muqueuses et d’odeurs vaginales Mon sexe
toujours en érection se glissa aisément dans cette ouverture
secrète. Le pénis y était emprisonné comme dans une cachette
659
sûre et délicieuse. Je sentis monter en moi la sève de l’orgasme, je
décidais de l’accompagner en saccadant de manière plus forte le
coulissement intime, je poussais des petits soupirs qui se mêlaient
à des grognements légers. Ne pouvant plus me retenir, je laissais
exploser mon pénis dans sa chair en feu et donnais de violentes
saccades de sperme dans le bas de ses reins. L’éblouissement était
total, et je perdis connaissance sous l’effet de la jouissance
dévastatrice. Quand j’ouvris les yeux, la femme-insecte avait
disparu. Je regagnai mon lit pour m’y réveiller quelques heures
plus tard.
660
Peuple d’images
Peuple d’images, de mauvaises pensées nourries de
perceptions insignifiantes, faiblement extraites de la cervelle ! Il
cherche avec difficulté depuis des semaines, et la tête est lourde
de bêtises, d’incapacités, de ralentissements. Terre aride, terre
desséchée par son soleil ! Considérant un ciel toujours plus haut !
L’énergie est dans la chair de moins en moins exaltée, le sang se
liquéfie.
Rien ne saurait y faire - nulle recherche n’engendre
d’étincelle, ou de perception nouvelle utile. Les mots gisent là
comme des petites fourmis recroquevillées, les pattes en l’air,
attendant le fossoyeur. Tout s’en retournera à la tombe misérable
et inconnue. Puis-je me repaître de mes restes ? Un espoir ? Quel
espoir ? Je vis seul, dans l’ombre de moi-même, affairé à ce
devenir étrange. Aussi je me recharge respirant le passé, comme
un souffle venu des profondeurs que j’aspire pour lui rendre la vie
avec son cortège d’images, de syllabes d’autrefois, comme une
résurrection de squelettes dans le cimetière de Jérémie !
Je devrais être Moi, une Parole parfaite dans une bouche
purifiée, mais l’oubli d’autrui constelle ma certitude de vides,
661
d’indifférence, d’intérêts insignifiants, hélas !
Tout ce que je n’ai pas écrit ou dit, l’inspiration l’a pensé
dans une phrase éternelle enrubannant l’univers sans fin et sans
raison.
662
Hors la chair
Il y a le voyage hors la chair,
par le passage étroit
La sortie, la montée, l’extase,
Il y a cessation de la durée et connaissance
de l’avenir, survivance d’esprit,
savoir, faux savoir, expectative
Je glisse dans la nuit, j’échappe au monde
C’est ainsi que j’atteins l’Idéal
663
Un corps et une âme
Un corps et une âme partageaient une chair
L’ombre du néant s’étalait sur le corps
Le Néant était le possible du lendemain
Le monde était inclus dans d’autres mondes
indépendants les uns des autres, s’ignorant mais réels
Phénomène d’inclusion, d’intégration,
de l’un dans l’autre comme des poupées russes,
comme un atome dans un microbe,
comme un microbe dans un flux sanguin,
comme un flux sanguin dans un homme,
comme un homme dans un système solaire,
comme le soleil dans une galaxie,
et la galaxie dans l’univers.
Mais le visible et l’invisible, et ailleurs ?
664
Quand la chair se meurt, l’esprit quitte le corps
et accède à l’au-delà.
665
Plus que vide
L’au-delà : ce que tu peux dire
chaque parole est rien charge de rien
inexistante dans l’insignifiant
tu cries ? rien
tu implores ? rien
résidu infiniment ridicule de rien
de merde
pour le silence d’indifférence
oubliée, à gommer dans la fuite du temps
Mais le corps se dédouble
corps entouré d’ombres
tête pleine d’espaces vides
de gouttes de peu de neurones
faiblement électrifiés
indénombrables, infinis dans le fini
666
ta parole première, dernière - la même
a été dite et s’oubliera
première ignorée
ensevelie
enterrée
dans ton néant
tu es
et tu disparais
667
Monde élevé
Monde élevé, lumières claires, tendances hautes
La pensée tournoie dans sa circulaire certitude
J’enferme l’œil à l’intérieur
Je détermine l’évidence, la réalité mienne
dans l’énergie de l’intelligence
avec la durée, par l’Esprit
Monde ailleurs opaque
Mais de transparence vraie
Indifférent, voire inutile
Obscur, sale et noir
La dimension du Moi
Exalte la vérité
J’accomplis l’image
Ainsi j’écris
668
Dans le monde
Être dans le monde pur
Chaque certitude, abstraite, réelle
sans substitution, sans faiblesse
monde idéal
Les hommes se détachent d’eux-mêmes, s’envolent
Le monde autre, pour quelle perfection ?
Les couleurs se meurent
jusqu’à l’obtention du blanc idéal
669
Morceaux
I
L’existence
Quelques décennies terrestres
Un peu de sang, beaucoup d’eau
Mais l’avenir est là-bas
Le visible disparaît
La clarté est dans la nuit
Les signes eux resteront inconnus
Je suis lu par l’obscur
Les Morts me connaissent
Fortes nuits, nuits productives
J’écoute ma puissance
L’intelligence veut, peut-elle ?
J’ai soif d’attendre
D’espérer la parole
J’invoque le Vent.
C’est pourtant le désert
670
Sur cette page stérile
- Que veux-tu ?
- L’idéal à obtenir.
- Qui es-tu ?
- Je suis ce que j’écris, hélas !
À la recherche d’un or
D’un immortel, d’une pierre, que sais-je !
- Les Dieux, aident-ils ?
- Parfois.
La perception invoque l’idée
Porte-flamme des mots
J’obtiens des choses,
Magma incertain
Qu’est-ce ? Ils disent : poème
Après tout ! ... Suis-je désabusé ?
Chaque mot contient une émotion
En synergie avec un autre mot
J’encastre, je mêle, j’emmêle
671
J’abolis la distance
Le poème se perd dans mes yeux
II
La langue s’appauvrit
Les hommes pensent,
Penchés sur leurs terminaux
La machine a de la mémoire
L’intelligence est mentale
Les mains servent à pianoter,
- Jusqu’à quand ?
Jusqu’au pouvoir de la parole
J’attends son retour
672
III
Le feu doit purifier
Pour qu’apparaisse ta vérité nue
L’argent de l’art ?
La poésie est une indifférence
Avec le temps
Le gros mangeur de secondes
673
IV
Pour ne pas décevoir
Ne rien faire
L’aurore est une bouche
Qui pose des questions
Si la passion s’en mêle
La raison est dans l’abus
Le moi veut s’approcher du toi
Quand il l’attend,
Il en cherche un Autre
L’homme seul communique avec Dieu
La mise à l’écart
Est acte de pureté
674
V
De plus en plus de morts me connaissent
L’invisible agit sur ma chair
L’artiste intègre de la pensée dans la matière
L’ouvrier aussi
L’ouvrier disparaît
Tout devient service
675
Que peux-tu ?
Je suis peu, mon vers, que peux-tu ?
te supposant apte à construire quelque chose
l’accumulation de mots, de verbes, d’idées
à travers
à travers
Est-ce cela l’espoir sans chiffres, sans fractions, sans
comparaisons des grandeurs ?
Alors cultures : européenne, mondiale, italienne et
grecque vers des littéraires, des artistes,
sans techniques appliquées, sans la science hélas !
Tu dois polir du langage, lire des traductions avec
honnêteté comprendre, peser, évaluer l’autre, autrui pour quelques
lettrés de mauvaise composition jouant les suffisants, les
supérieurs, les sachants - quoi ? Tant pis !
Tout est gratuité pour un ensemble limité de lecteurs.
Ce n’est donc que cela ? Moi qui ai tant risqué !
676
***
L’esprit supplie l’Intelligence
677
Un frisson
Un frisson d’estime
Non, cela est trop peu
Qu’avez-vous pu comprendre ?
Vous ne saviez pas décoder
Subtil objet sonore
Des mots en synergie
Des complexes à organiser
Tu es ma fugue
Ma fille lointaine
Tu es agité
En toi-même
Marcheur immobile
Le temps efface
Ce que tu as inscrit
Le temps se dilue dans l’espace
678
Savoir purifier sa tête
Jeter les détritus
Y construire avec
De la mémoire
679
Qui
Qui
et ce mot espéré,
qui comprendra ?
J’exploite une douleur
une longue plainte sanglante
tous ignorent mon savoir
c’est une fuite vers le futur
plus loin, le vent incertain de l’espoir
680
Es-tu ?
Es-tu prophète du vingtième
sans luxe, avec sainteté ?
Ce sera le refus sans contrepartie
l’immense mépris sans un geste
l’indifférence de l’homme
ta pure réalité est dans la solitude
Mais l’âme prétend que c’était impossible
ainsi elle se défend
prétend que ...
a-t-elle raison ?
Esprit de faiblesse et d’insignifiance,
débordant de naïveté
681
Morceaux de vie
Les livres
les écrits
l’Oeuvre
la pureté du Moi cherchant l’idéal Divin
la conception du Parfait
Les productions à obtenir
la préparation pour un ailleurs
le Mal
la lampe intérieure
l’intelligence
l’Esprit
Les aiguilles dans la chair
la douleur
La place, la hiérarchie
le petit Christ
la couronne d’épines,
le langage
682
Quelques filles exactement
soleil - sexe - plage - soleil
683
Monde fuyant
Monde fuyant vers un autre monde
pourquoi ?
monde virtuel de mensonges
d’applications d’imaginaires
de définitions ludiques, instructives
et mon calcul devient complexe
Monde infini face à moi
de demain
de mon fils
de ses fils
se connectant, mon beau futur
je dis : oui, et j’espère
D’avenir, de demain
fabriquant d’autres mondes etc.
684
Autre monde
I
Le temps accompagne la ligne vraie
qui va d’hier à demain
le temps s’incruste sur la ligne
ou encore j’associe l’espace du temps
mas je conserve mon principe bidimensionnel d’écrivain-
je travaille avec mon instrument
j’avance donc sur une droite que je noircis
papier
Chaque monde est inclus dans un monde où le temps
varie, le monde est donc un ensemble d’espaces pénétrant les uns
dans les autres
Le monde passé n’est plus, ne se répétera jamais mais
Demain est déjà connu par la Force-Dieu
Hier pourrait-il revenir ? Hier ne sera plus. Ce qui a été
est mort, et s’en retourne au Néant
685
certainement.
Néant d’espoir, d’ailleurs, de là-bas peut-être ...
II
Il y a la distance à franchir, le passage par la porte étroite
puis la révélation
et c’est l’incertitude, l’ignorance totale
car nul homme n’a vu et n’est vivant
Alors ? Quel but ? Quelle finalité ?
Demain, je devrai m’admettre avec ce que je suis, de vol,
d’injustice, d’ignominie,
de cruauté, de bêtise, de lâcheté
vérité suffisante de honte, de réalité,
finie
686
Un endroit
Il y a un endroit où le vrai se veut certitude
sans contradiction sans dialectique
le peut-être s’abolit
le conditionnel est effacé
On possède le vrai comme d’autres le mal ou le bien,
comme d’autres
Est-ce lieu du Parfait ?
Vu la porte céleste du lieu
porte invisible
existe l’Éternel
Je pourrais soutenir que tout était là
Quelque chose, quelqu’un
687
Quel avenir
Quel avenir après cette vie ?
Tu te sais immortel vrai, inconnu des hommes pénétrant
le tombeau de l’indifférence
mais poussé par l’élan de survie
Hier, tu étais dans une chair, enfermé dans un corps de
vices, de non-vices, de transmissions sexuelles, d’espèces, etc.
Tu étais pensées de peu, de rien, de médiocrité, tu n’as
jamais cru, - tu te voyais perte, inutile, etc.
De ton futur, de ton identité, - de cela, tu n’en as que
faire. C’est l’immense oubli pour ta cervelle féconde, c’est une
sorte de j’enfoutisme. As-tu raison ?
Voudront-ils te restituer dans leurs souvenirs ? Qui, - ils
? Ceux qui t’ont lu ou refusé. Voudront-ils ?
Quelle en serait l’utilité ?
688
Toi tu te soucies de ton passé,
sans songer à ton futur
Tu n’es pas même dans une idée de survivance,
mais de réelle certitude Divine.
Pourquoi s’inquiéter ?
Ne plus être chez l’homme ! Qu’importe !
puisque tu seras là-haut avec d’autres esprits
avec toi-même
que sais-je !
Je te pense pour que tu amasses avec le Fils
et cela est suffisant
689
Le monde sera
Le monde sera ce qu’il doit être
en son lieu, en son temps réel
en son possible, à sa façon
comme une tête pensée par un Dieu
côtoyant d’autres têtes
La mienne petite et insignifiante
perchée sur un corps
avec une autre tête, la sienne,
belle ou moitié, la sienne
collée
De l’immensité à l’infiniment petit
tout est su, pesé
et toi toutefois
toi vivant et si peu pourtant
toi
690
Non pas un monde, mais des mondes
Non pas un monde, mais des mondes
inclus, s’ignorant dans des espaces
où le temps varie
où le temps décide de l’existence
avec un catalyseur
un instrument de passage
de convertibilité
pourtant incapables de communiquer les uns les autres,
interdits d’accéder à du franchissable
Passer d’un monde à l’autre c’est mourir
Là-bas, j’étais mort je suis redevenu vivant
Là-bas, c’est la connaissance du futur
donc un autre monde
Là-bas, je serai
ici, je n’existe pas
Être ici est impossible
691
mourir ce n’est pas être
mais c’est s’en retourner à son néant
Je sais ma survie
Je ne recherchai ni consolation
ni espoir d’avenir pourtant
692
Un autre monde
Un autre monde, certainement
avec des perceptions plus pures, plus vraies
où l’oeil est perçant
Un monde parfait d’avenir, de passé,
de conscience exacte
de certitude
Un monde supérieur, éternel
régénéré
nourri de sa propre substance
où le temps est aboli,
ou intégré, du moins compris
Voilà pour l’hypothèse
est-ce possible ?
Monde pensé par des Verbes
d’éblouissements internes
Je dis : est-ce possible ?
693
Le possible
Le possible en ce monde
et dans les autres mondes leurs possibles propres
ce qui est possible ici peut l’être là-bas
Mais l’impossible
comme de diviser par zéro
comme de se projeter dans le passé
de connaître son avenir
L’impossible est préférable
est challenge
est résistance
J’accède à l’impossibilité d’être
suis-je moi ?
694
Rappel
C’est donc une déformation de l’espace-temps
Une déformation qui induit une déviation
des rayons lumineux,
qui modifie la position apparente
des objets célestes
Quand je crois voir l’étoile en E,
en vérité elle est en E’.
La déviation des rayons lumineux
par la présence de ces masses
est un outil remarquable
pour détecter la présence de ces masses
mêmes invisibles.
Quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf pour cent
De la matière de l’Univers est invisible
Pourquoi ?
Car la dynamique des étoiles, des galaxies,
Donc sur la loi de la gravitation
conduit à des valeurs de 10 à 100 fois supérieures
695
À la quantité de matières visibles
(étoile, gaz, poussières ...).
On y voit l’indice qu’une grande part
De la matière est sombre
(la matière « noire »)
Puis-je y intégrer la vérité
D’un autre espace inclus dans cet espace,
Le nôtre,
Où l’esprit y est maître,
Où la pensée domine,
Où l’avenir nous attend ?
L’homme de science spéculera-t-il
Sur la vie après la vie ?
Sur la possibilité d’un Dieu créateur ?
696
Par la main
J’appelle la fille
Qui glisse hors de l’esprit
Toujours en moi
Est un avenir
Que j’ignore
Encore de l’ombre
Encerclé d’ombres
Vers quelle lumière ?
Je glisse dans l’espace
J’apprends à fuir
En constance d’immobilité
Accablé de morts
Accédant à la pureté
Du moins à sa recherche
697
Vient la pureté du songe
Composé par l’ange
Ébouriffé de cheveux fins et clairs
Je souffle sur l’image
J’accroche quelques mots
Battements d’une idée
C’est capter un présent
Qui sans cesse s’enfuit
Par légèreté de vent
Balancements encore
Comme le poids d’un saule
Qui dit oui, qui dit non
La pensée s’étire
Veut et se retient
Et doutera toujours.
698
De pas n’importe quoi
Pour produire cette forme
Du doute et cherche
Avec l’élan
L’unique est parfois facile
Son sens perd donc de sa valeur
Ma nuit est aléatoire
De risques, d’espoirs
De logique floue
Constellée de possibles
Tu possèdes peu
Lettres et chiffres infiniment
Sans notes
Et trop faible
Pour exécuter les ordures
Les charognes de Satan
699
Sous le crâne prétends-tu
Et dans l’ovale de ma bouche
Avec la main au calame
L’oeil dicte sa pensée
Il veut, veut, veut
Pour construire
La jetée dans l’esprit
Le souffle combinatoire
J’exploite un risque
Des traces refusées par autrui
Sur le papier
C’est l’âne de l’instant
Dans ton avenir déjà
L’espoir d’obtenir
Un produit meilleur
700
Un élan de vie
L’origine s’écoule
Avec du sperme
De toi à moi
Un seul lien
Puis la séparation
L’érection molle
Annihile tout espoir
D’un futur
Je reste avec le Seul
La circulation du sang
M’irrigue en autarcie
Je porte mon squelette
Je vais de moi à lui
Et l’esprit s’irradie
701
J’espère être
J’espère être autrement être
Non pas une apparence mais un suis
Véritable à moi-même pour aujourd’hui
Et pour demain
Le corps démis de l’âme
Qu’il déguisait faussement
Pour une nature d’Autrui
En absence de vérité
Le temps compte
Maintenant et toujours
Le temps amasse derrière soi
Le présent n’existe pas
L’élan pousse vers le futur
En exploitant un passé
L’onde de choc en cercles
Concentriques, évasifs
D’appels vers le futur
D’oublis vers le passé
702
En pointillés imperceptibles
De lointain de là-bas
L’onde de choc
Le matin pour l’un
Le soir pour l’autre
La constance d’éternité pour Dieu
703
La pensée vieillit
D’intelligence en intelligence
D’esprit nouveau en certitude d’avenir
De génération en génération
Tu espérais obtenir plus,
Mieux, autrement
Tu espérais
À présent, c’est la fin.
As-tu compris que l’ennemi
Était le temps ?
L’appétit d’écrire
Amuse les Dieux
Aller de la vie à la mort
De la mort à la mort
Pour finir ce que jamais
L’on aurait dû commencer
Être rien, infiniment,
Éternellement rien
704
Qu’est-ce que la vérité
Quand tout est changeable,
Quand rien n’est fixé ?
705
En attendant le procès
Lui, corps purifié,
Lui, bracelet d’oint en or,
il produit dans l’ombre sans compagne ou peu :
« Le Mal s’agite, s’agite. »
Il est vivant encore
mais cherche sa survivance :
« Quelle belle mort, quelle ! »
puis les chiens, le Mal, la violence
un espoir par le temps, le travail, les Dieux
Les voleurs, les tortionnaires, la pourriture
Les fils de Pétain, la Milice
à quand le procès ?
J’attends le procès
dans son vide d’inconnu
de tant pis
etc.
706
Orgueil
Ô puissance de soi-même
Les effigies, statues, images de murs
tomberont, eux pourtant vrais glorieux
car je les nomme et les sais
Qu’on me défende des chiens qui mordent
chiens invisibles mais tenaces
moi cherchant encore vers ou cendres de livres
sur mémoire de jeunesse
Tu hurles à la consternation
c’est un, un qu’il faut arriver dans son espace
Non, je n’ai point plaisir c’est déception
descendant les oboles ?
sont venus les Dieux
707
Le Chemin
Quelle frontière mettre entre la vie et la mort ?
Certains morceaux de vie sont vides, bêtes, à gommer.
Est-ce réellement supportable d’être soi ?
Et cette échappée hors du corps, pour quand ?
Avec retour, familles, anciens et Futur ?
Pour une perception du pénétrable
Quel changement, quelle adaptation ?
On fait du oui, oui
oui, oui,
Évidemment, vous avez raison. on craint
708
Pour qu’il monde, suffisamment lumière, baigné
d’ombres, fuyant vers l’éternité ?
Ainsi j’indique le Chemin. Qui me croira ?
709
Le suicide beau
Non vain est le suicide beau
Auréolé d’orgasmes
Éblouissant de Néant
De retour à jamais
Dans l’antre de l’inconnu
Il gît là, puissant et immortel
Refusant à tout jamais
La gloire d’être pour n’être pas
Il explose en grandeurs d’éternité
Détruisant l’action livide et stérile
À accomplir dans l’interdit
Et dans l’autorité d’un Dieu
Qu’il ne connaît pas
Non vain est le suicide beau
Il s’en retourne à sa pure vérité
710
Te voilà réel et bel
N’ayant jamais voulu exister.
711
*
L’impossible d’atteindre l’autre - le supérieur
Et dans sa nullité, des possibles faibles
de troisième zone
ridicules en somme
Je suis peu
serai-je autrement ailleurs ?
Je dis la vérité serai-je cru ?
Le possible paraît insignifiant - petit
J’exploite mon ridicule cela est ?
Je me tais
incompris des autres
réellement haï
Maudit peut-être
712
Et pour quel espoir
Vers quel avenir plus haut ?
713
*
Mémoire : course dans l’oubli
par le temps qui passe
entre réel et infini
au plus profond du moi fuyant la souffrance
et ce souvenir qui dure, qui résiste
et cherche à demeurer
quand je veux le gommer
Mémoire : comme femme qui capture les pensées
tisseuse de mensonges et de vérités
comme fille qui remplit des ballons blancs
chargés d’images, de sons,
de vibrations émotives
Le temps accompagne sa seconde
d’une variable de densité
où l’émotion et la sensibilité
se transforment
pour se fixer autrement
714
« On se suffira, pensait-il de ce résultat ...
Je caresse de l’orgueil, n’est-il point un paon ? »
Alors la Haine descend,
viole, extirpe, arrache,
s’agglutine
La souffrance est ma femme
Je vais de peu à rien
par la certitude de la science
de la vérité étalon
Convertir ma valeur
équivaut à vendre du papier de singe
Ma raison suffoque, je plonge dans le réel
J’y cherche quelques espoirs
Puis, tout se disperse, et je reste
dans le silence sans force,
715
conscient de ma médiocrité
Je retourne à l’origine
716
*
Il y a un non-vouloir, qui engendre de la stérilité. Le
mouvement se meurt et l’élan disparaît. L’on va de peu à peu, et
de peu à rien.
Comme un sexe qui débande, une femme qui se courbe,
des cheveux qui blanchissent, se détruit, s’éteint, l’inspiré qui
n’intéresse personne.
Le ciel, lui constamment se souvient, intégrant autrement
le temps dans le trajet de l’existence éternelle ou du moins infinie.
La mémoire des heures, elle, oublie.
La trace des grands par l’utilité ou le scandale, par la
naissance, chacun peut s’en souvenir.
Puis l’oiseau lance sa trace directionnelle vers l’Azur,
l’avenir, le futur. Nul ne s’en soucie prétendant que tout cela est
image poétique. Pourtant l’oiseau indique le chemin de l’au-delà,
indique la direction à suivre.
717
Il s’agit donc d’attendre l’avenir, et de s’y préparer, de
construire sa personnalité pour ce futur. Alors survient ce qui doit
arriver.
Toute mort appelle une autre vie. À la croisée de
l’existence l’un fuit, l’autre s’en vient. Dans l’espace, se joue
donc un principe réciproque en sens inversé.
Je plonge dans le Livre pour y chercher la vérité. Je
m’épuise à comprendre et ne sais jamais rien. Je veux découvrir
ce que personne n’a pu encore entrevoir.
718
*
Idéale d’idée
J’apporte ma raison
Voudrais-tu d’elle
Du moins, est-ce du moi,
Comme toi ...
Je cherche dis-tu
Mais trouver, ne prouve rien
Trouver est autarcique,
Dans un espace clos
Où l’oeil du poète
Se lave dans sa source
C’est donc une pensée seule
Libre dans son système
Qui tourne sur son cercle
Pour revenir derrière le moi
719
Rien n’est périssable
Tout est pour la durée,
La mienne, oui
Je carambole une syntaxe
De peu, fragile, à respirer
Qui espère atteindre
Le plus souvent : déception,
Dégoût, rejet, etc.
Le désir est une amertume
Dans la sagesse de mon corps
Je suis pur, pur
J’admire la beauté,
J’efface le désir
Que pourrais-je savoir ici ?
Je vérifie de l’intérieur
Le doute s’accompagne d’un vide
Sans certitude.
720
*
Écrire ? Oui ! Mais quoi ? J’en suis encore à chercher, à
caramboler, à refuser toutes les propositions anciennes qui
s’offrent à mon esprit, espérant je ne sais quoi, - une sorte de
production nouvelle, accompagnée d’idées rares ... d’idées rares
?... Non ... Tout cela est trop faible ! Trop simpliste ... Alors ? ...
Alors ... je cherche. Je tourne confusément comme une cage dans
son ours, comme un petit spermato autour de son ovule final. But
extrême - etc. Donc je délire par Higelin, par Moi-même, par peu.
721
Tranche de vie
Le possible
Le parfois
L’imperceptible fuite du présent
Le vide derrière soi,
L’immense gouffre
D’où l’on ne revient jamais
Puis le hasard, qui n’existe pas
Donc tout cela dans le crâne
Devant le front, l’action :
« Allez ! A toi ! »
Un passage que jamais etc.
La beauté inaccessible
Comme l’argent d’ailleurs
Le travail, l’écriture
722
« Allez ! Produis, puis
Lèche, suce, pénètre. Allez !
Espère l’esprit qui s’envole,
... rock and roll !
723
Le temps s’interroge :
Mon présent
Est-il bien placé ?
Si le présent
À son écho,
C’est qu’il possède
L’image de son propre frère.
Goutte sur goutte,
Seconde sur seconde
J’oublie pour intégrer
Ou mémoriser autre chose
Il faut oublier
L’oubli est nécessaire
J’efface, je trace
J’efface des traces
Serai-je
puisque je me gomme ?
724
La nuit attend
Comme un veilleur le jour
Attend
Le temps donne 6, 8, 10 heures
À la nuit
Tu cherches de l’intérieur
Jusqu’au lever de la page
Tu prends des lettres,
Tu y ajoutes de l’élan
C’est ton désir
Impatient, tu appelles le son
Porteur de souvenirs fuyants
La bouche, corolle ovale
Veut penser encore
Tu souffles sur des idées
C’est ton espoir
725
Évidence
Il n’y a aucun sens humain
à tenir cela pour la vérité
Quand bien même cette réalité autarcique
serait confirmée par la Grandeur de Dieu
Cela ne vaut que de l’intérieur
mais ne possède aucune certitude universelle
Suis-je l’autre, moi ?
Que disent mes sœurs, mes frères,
que disent-ils réellement ?
Je ne sais peu, battement de vide
dans le silence de l’infiniment rien.
726
Constat
Au-delà de ce que tu peux faire
chaque signe, chaque lettre, de rien, de peu
Coups faibles par écriture de néant
espérant vainement pour ta médiocrité
Tu dénombres des gouttes, pour qui ?
Premier, dernier, qui es-tu ?
Premier par en dessous, dernier pour l’œil d’autrui
Et tout cela forme ta vie !
727
Pour l’autre monde
Être dans l’autre monde
Chaque futur, chaque temps su et connu
Ce qui sera a été
Monde intemporel
Sans grâce, de vérité, de damnation
Être là-bas, comme ici on ne peut
on ne doit
on n’est pas
728
La survivance
Quel avenir, quelle identité future ? Le sais-tu ?
Oui, tu le sais.
Tu es cette pierre tombale,
Ce catafalque sans gloire chargé de livres
Là sera ton nom
Vivant, tu n’étais rien, méprisé, rejeté
Comme un être insignifiant
De nullité, de honte disaient-ils
Et ton corps contenait ton âme
A l’intérieur, y grouillait la pensée
Ton corps est mort qui es-tu, aujourd’hui ?
Il te faut donc laisser une œuvre satisfaisante
Qui plaise, qui suscite quelque intérêt
729
À moins que .... quoi ?
À moins qu’il n’y ait point de survivance
Chaque fois que j’y pense, c’est le Néant.
730
Le chemin
pesante ?
Quelle frontière entre le corps et l’esprit ?
Et comment puis-je sortir de cette chair si lourde, si
Le sais-tu ?
Quel avenir, à présent ?
Dans les faiblesses de ton identité,
De la nature que l’on t’a imposé,
Au mépris de l’honnêteté,
Le ciel, oui, pourquoi ?
Si cela était vrai,
Si, une fois, une seule,
tu avais raison ?
731
Parfois, parfois
Parfois le soleil, parfois la terre avec ses inutilités de
choix d’écriture, de possibilités à extraire, ses manques d’audace.
Cela dépend de l’aptitude du poète, n’est-ce pas ? Cela dépend.
Sometimes the sun, sometimes the earth with its
inutilities of writing’s choice, with its possibilities to dig up, out
of risks. May be the poet’s capacity, may be not.
Il n’y a plus d’angoisse. Le jour est clair, rempli de
sérénité et de sagesse. J’en suis à produire pour exprimer ma force
et mon aptitude. Tout autour de moi semble en paix : il y a
d’abord cette lumière chaude et lourde, apaisante qui délimite ma
pensée. Puis ce silence de bien-être où l’esprit heureux pourrait y
trouver du ravissement. Je suis rempli d’une quiétude et d’une
tranquillité abondante. Il n’y a nulle résistance dans cette
conscience : la stabilité y demeure et son balancement est parfait.
Puis je vois ou j’entends, - du moins je perçois cette
montée de l’activité cérébrale. J’ai l’étrange certitude de ne
pouvoir la diriger, de la savoir m’échapper. Je m’impose, j’exige
que cette pensée se soumette à mon autorité. Une intensité de
732
lumière intérieure monte pour éclater en principe phosphorescent.
La lumière me heurte, je ne puis m’opposer. Elle existe et
s’installe.
À présent, il fait nuit. Cela est fort sombre. Pouvais-je ne
pas céder ? La force était ancrée au plus profond du Moi, et
jaillissant çà et là semblait impossible à maîtriser et à contrôler.
J’étais un étranger en moi-même, inapte à décider, subissant un
acte de faible violence. Qu’ai-je connu ?
Tu veux fermer les yeux pour y voir, pour voir l’intérieur
de ton esprit. C’est un vaste horizon, une immense terre de
recherches et d’investigations. Oui, baisse tes paupières. Regarde
pour le dedans. Là sont les mots, les souvenirs et les puzzles qui
te permettront de construire des images.
Ainsi tu veux t’observer. Plonge dans cette étonnante
aptitude ou capacité cérébrale. Impose-toi un commencement.
Veuille découvrir quelque essence claire, légère ou libertine.
Pense à une force belle ou nouvelle. Va au plus loin de cette
infinité, expectative d’un labyrinthe ou d’une combinaison de jeu
d’échecs. En vérité, spécule.
733
Tes mains s’agitent, tes jambes s’étirent. Déjà, tu cours
en toi-même. Qu’y a-t-il à voir, à faire ? Alors cherche. Encore. À
présent, il faut travailler. C’est l’instant de la sublimation, de la
forte découverte qui devra engendrer de la satisfaction.
Le temps s’écoule. L’esprit est déçu. Te voilà retourné à
ton état premier de paresse, de dégoût et d’indifférence. Que tirestu
de cette expérience ? Que prétendais-tu obtenir avec cette
capacité ? Telle est ta réflexion. Quelques instants se sont passés,
et il ne reste rien. Ou plutôt, il reste cette feuille noircie avec de
vils caractères inutiles et stupides.
734
I
C’était une faible possibilité, imperceptible, à peine
réelle, presque insignifiante à tirer d’un rien, d’un Néant. L’Esprit
injectait en soi-même de la pénétration, allait sans trop savoir, en
prétendant qu’il y avait ... quoi ? Ce bruissement, ce battement de
papillon d’aile. En vérité, c’était une force élémentaire d’intuition.
Il fallait toutefois que cette perception reposât sur quelque chose
de concret pour que l’intelligence prétende y déceler un soupçon.
II
Non, il n’y a pas de doute. Il y a un individu qui avance
avec certitude, avec sa certitude. Qui refuse de passer par un
chemin déjà emprunté, qui ne considère nulle faiblesse, nulle
erreur en soi-même. Où sont les désastres ? Les pertes infinies,
irrécupérables ?
Donc, ce petit bonhomme ridicule et prétentieux poursuit
sa route, pénètre une obscurité inouïe. Il refuse de voir la ténèbre
qui l’enveloppe. Il va de semence en fleurs, de récolte en
moissons, d’accumulations en germe et assure son cycle poétique,
735
de vie, de mort et d’avenir.
Il avance en posant des bornes de certitude, en jetant sur
le sol des petits cubes de vérité. « Belle nuit, nuit réelle où je jette
toute ma saveur et toute mon aptitude, poursuis avec moi cette
course splendide ! »
III
Dans la nuit, la Lumière t’instruit, t’apprend. Toi, tu
guettes, tu scrutes. Elle te nourrit de ses sucs splendides, de ses
substances inouïes. Elle est ce que tu espères. Que me donneraistu
pour accéder à du progrès, pour fuir la torpeur cérébrale dans
laquelle tu gis aujourd’hui ! Tu veux monter, mais comment ?
IV
Que comptes-tu peser, toiser dans ces ténèbres ? Que
prétends-tu savoir ? Car tu travailles à délimiter l’espace de ces
formes, à cerner l’impalpable.
736
I
Chercher à communiquer avec sa pensée, préciser
l’abstrait, percevoir cette insoupçonnée, voilà bien des moyens
pour accéder à la sublimation du Moi ! Ainsi je désirais et des
formes légères ou délétères peu à peu s’offraient à ma conscience.
Le presque rien devenait possible, le je-ne-sais-quoi ... voulait
apparaître. J’arrangeais, je déplaçais, je combinais des solutions
entre elles, futiles et insignifiantes espérant obtenir des
propositions heureuses.
II
C’étaient des êtres d’une richesse inouïe, tous distincts
les uns des autres dans lesquels je souhaitais me nourrir. Ils
représentaient des personnalités différentes, chacune possédant sa
vérité. Je devais extraire et combiner, ou mélanger leurs écrits. Je
voulais prélever et comprendre.
737
III
Un mot, une légèreté, un imperceptible battement dans
l’air, - et cela pour enclencher un mouvement, ou pour déterminer
le la et l’envoyer.
Sont-ce vraiment des hasards, ces solutions offertes ?
N’y a-t-il pas analyse invisible de l’esprit et choix donné ?
Cette oisiveté, était-ce réellement un moment d’attente ?
Quelque chose travaillait, là-bas derrière. Oui, quelque chose.
IV
Mes après-midi étaient stupides. J’attendais autre chose
de mon aptitude poétique, et je prétendais ma cervelle capable de
m’offrir des solutions supérieures. La réflexion était accomplie, je
demandais à présent de l’action. La force d’autrui m’étonnait.
J’ignorai comment m’y prendre pour accéder à la compétence des
superbes littéraires. Je voulais tout changer en moi. Était-ce
raisonnable ? Pourquoi ?
738
I
Je la veux étendue, et forte, d’aspect puissant. Je veux
produire par sa substance, par son génie, par son aptitude. Abolir
le hasard, et m’élever dans sa conscience. Personne ne saura me
distinguer. Qu’importe.
II
Pourquoi, pourquoi continuer à produire autant ? Pour
qui ? Toi, tu te complais dans cette sorte de ténèbres spéciales et
vicieuses. Tu te répands dans l’obscurité de ta propre négation. Tu
construis des formes d’angoisse et tu prétends y discerner un
dessein. La masse épaisse de l’ombre t’ensevelit. Tu vas t’en
retourner dans l’infiniment rien - dans ton toi-même en vérité.
Comprends-tu que l’ombre n’est d’aucune inutilité ? Il
n’y a pas apprentissage ou formation. L’épaisseur ? Tes sens sont
trompeurs. Pourtant je sais l’immense volonté qui est en toi, qui te
pousse à chercher la certitude.
739
Thora
Répond, redit, explique, symbolise
La certitude de la Loi à répandre ainsi
La vérité éternelle par Lui, eux, El, Moïse
740
Coup de fouet
Coup de fouet
la distance lanières de plaisirs
de toi à moi
par le bruit sec qui jouit
Ton cri de encore
qui n’est pas douleur
mais stimulation
Lucide et nue
je concentre ton orgasme
je le retarde
il explose
et la saccade succède à la saccade
de spasmes, d’amour
de bien-être répandu dans ta chair.
741
Paroi la mort
Paroi la mort nous envenime
Est de l’autre côté des murs
Ce mur impénétrable mais
Existant de réel sans dureté
Qui longe tout ce que nous longeons
Elle exige emmurante enrubannée
Qui mémorise et accompagne nos défilés nos pierres
L’écho vient rebondir sur le mur doucereux
L’au-delà est ici les pierres parlent
Doublure en muraille où nous échangeons
Prisonniers qui s’entendent par ce qui les isole.
(Remise de Michel Deguy)
742
Pensées claires
Pensées claires, lumières élevées, éclats
L’éblouissement tourbillonne sur soi-même
Je pénètre l’esprit, j’observe l’équilibre
De la justice, de la saine vérité,
Je prétends aller au-delà
L’air est pur, éternel et splendide
Constructions parfaites dans la transparence
sans risque
Constances du présent sans étonnement, sans possible,
Extases du séjour que le bien-être répand
Enfin là
743
I
Rien de plus étonnant que cette durée. Toi tu désires
produire encore, tu voudrais canaliser. Tout semble bourdonner
dans cette citadelle de l’intellect. Te voilà composé de bruits,
d’accords indistincts, de sonorités douteuses. Tu espères organiser
cette étonnante contradiction. Tu es à l’écoute de l’instant.
II
Ma fenêtre restait fermée. Elle était couverte par de
tristes rideaux orange qui me bouchaient une bien maigre
ouverture.
744
La pensée, la profondeur, l’éclatement
En synergie d’actions
Se combinant, s’accouplant
Pour la sublimation du Moi
Tout ce que tu perçois
Enfoui en vibrations infiniment faibles
Tout ce qui t’apparaît
En images délétères ou symboliques
Produit des accidents de langage
Dans un capharnaüm harmonieux
Harmonieux ? Tumultueux et violent, oui !
Pénétrant en soi-même,
Tournant les yeux vers l’intérieur
Plongeant dans ces formes sensibles
L’esprit qui veille construit sa pensée
745
Ailleurs
Il y a un lieu, ailleurs
Pas trop loin d’ici.
Ailleurs existe donc,
Vous devez le chercher.
Ils disent : « Nous n’avons pas trouvé,
Mais nous avons cherché ».
Toi, tu attends vainement
Espérant je ne sais quoi
De futur, d’avenir.
Il te faut y aller
En oubliant le temps
Qui veut s’éterniser.
Que la mort m’emporte,
Qu’elle extirpe mon âme
Abolissant mon corps.
746
Cette trace de mensonge sur le poème nu,
pourquoi retenir cette durée fausse, pourquoi ?
Tu ne pourras pas dire : c’est toi,
c’est à toi puisque cela n’existe pas
Alors tu le fabriques, l’animes
tu exiges de lui un semblant d’existence
Il était à produire dans la mémoire,
le voilà jeté hors de toi
par ton imaginaire poétique
Après ce noir obscur, c’est l’éblouissement,
... de l’inutilité, de la dérision.
Car observe : le voilà faible et tremblant,
inutile et stupide, simulacre de douleur,
de mensonges bloqué dans cet espace blanc
de limite, de certitude ...
747
Et voilà bien la preuve que le mensonge,
que le dérisoire engendre de la vérité, celle d’être !
Il n’y a plus de doute, il y a vérité
et vie hors de la tête
Que demander de plus ?
748
Naissance du poème
Mémoire : immortalité de moi-même,
pensée constante qui cherche une vérité
perceptions si difficiles si impalpables,
pourrons-nous concevoir quelque chose ?
Mémoire qui répand dans ma chair
quelque essence d’avenir
ton souvenir possède-t-il un vrai futur ?
L’esprit construit, avec son passé, avec sa certitude, et
son avenir. L’esprit forme une voix d’espoir, le non-sens lui
appartient, il navigue dans son idéal de folie,
alors dans son espace, se crée un impossible d’écriture
qu’on appelle poème - explose en rimes dérisoires le produit
noirci de son écriture douteuse.
749
Idem
Mémoire : immortalité de moi-même pensée constante
qui cherche une vérité. Perceptions si difficiles si impalpables,
pourrons-nous concevoir quelque chose ?
Mémoire qui répand dans ma chair quelque essence
d’avenir, ton souvenir possède-t-il un vrai futur ?
L’esprit construit, avec son passé, avec sa certitude, et
son avenir. L’esprit forme une voix d’espoir, le non-sens lui
appartient, il navigue dans son idéal de folie,
alors dans son espace, se crée un impossible d’écriture
qu’on appelle poème - explose en rimes dérisoires le produit
noirci de son écriture douteuse.
750
I
Par la fenêtre, nulle ouverture
mais de l’intérieur
Fenêtre ouverte, fenêtre non
il faut donc passer par le mur
Le soir toujours le soir avec soi
Le grand agitateur de l’esprit
l’emportement dans l’immense brouillard noir
pour la lumière
alors du fond
du fond de soi
extirpe, tire, exploite, prélève
impose à la cervelle d’obtenir mieux, plus
751
Voilà l’image, la voix, les mots
les premières formes
une sorte de lumière
c’est ça : travaille
II
La conscience, et l’immense vérité en soi
de dérisoire, de rien
d’écrits de faiblesses, de néant
de craintes d’avenir
Temps de certitude,
où le mal déroge le droit
où le travail est peu, est faible
Les yeux, la glace, les feux incessants échangés
qu’attend Dieu ? Qu’attend-il ?
752
III
Fuyant un toi-même qui déjà écrit
Double multiple par personnalité autre
Pensant binaire et soi
Allant vers le rien avec une alarme que l’autre tient
L’un rêve et sa conscience produit
Qui est unique ?
IV
La mémoire cherche à lier,
enquête, associe
La chair est insignifiante
Elle pénalise l’esprit
753
La pensée s’exalte dans l’accompli
Le plaisir est inutile
754
Toujours plus
Avec le peu
Avec le faible
Et l’insignifiant
Trop de haine,
Trop de chiffres
Les signes,
Une fois,
Trois fois comptés
Les mains s’activent
Prétendent penser
Les mains construisent
Bâtissent avec des mots
Est-ce une œuvre ?
Est-ce l’Oeuvre ?
L’être produit
Dans le souffle
De la nuit
Qui gouverne
755
Dans l’espace refusé
Le progrès est ignoré
756
En toi
Ce qui est au plus profond de toi
est inconnu
Le souffle dort-il
caché en soi ?
757
I
Encore soumise par la droiture du cercle
Éclairer l’oblique le vent qui dépèce
Fluide et claire sous l’évidence du sang
Le bel orgasme la foudre stérile
Le notre oui par ta beauté sombre et lumière
Asservie quémandante vers l’éblouissement
Observer ton silence tes hurlements lascifs
L’éveil sublime tout tendue
Sous la main du fouet amour dis-tu
Ta face me supplie contre ma chair et heureuse
758
II
Jamais l’orgasme le sexe n’a pas d’yeux
Plongeant dans l’ouverture tendu, mou, voilé etc.
Implore la jouissance en ces lieux d’ombre
Folie d’ivresse pas petite mort pas
Sou la gement sous la fille ou femme
Encore la nuit, encore joyeuse nue de rires
D’aimer, étirant, étalant molle de chair, de peau
S’écoule en amas rose avec tremblements frêles
Bien d’être, bien or renaître len tement
Pour toujours, oui, oui friande de plaisir
759
III
Brouillons d’écume par l’écrit
Avec écueils de mots de syllabes naufragés
D’éternelles attentes priant le Vent, le Grand
Chassant la brume ô soleil de minuit
Le mien, oui toujours en moi est-ce nuit légère ?
Signe sur signe d’accumulations d’accords
D’accords faux ? avec le temps, ma lumière
Frottant la tête pour obtenir frottant pour
Notes et poèmes infiniment lavés dans la mer
760
IV
Analyse durant l’état de veille analyse
Face à l’immensité capte quelques lumières
Pense, pense encore induction, déduction
Je rejette le style sans forme par le fond
Je m’entortille sur le vers inu tile
Étalé dans l’aube laiteuse j’espère encore
761
Rien et maudit
Depuis longtemps tu n’es rien
Âme parfois immortelle mais inconnue de tous
Pourtant je te hais je te sais depuis longtemps
J’exige de toi plus qu’une parution
Je te hais à la chaîne des poèmes
Encore à changer, à refaire, à produire
Par décadence, par progrès de science,
Par médiocrité, par vérité de peu, de rien
Je te hais en exigeant de toi du travail
Pour gagner et perdre - perdre plus que gagner
Ce Moi doit valoir plus écris, écris
Maintenant pourquoi ? Pour toi ? Tu es maudit
Une question trois réponses de poète
qui pète en l’air, et rien.
762
I
Du clair penser
Extrait de substance mienne.
Au sortir de l’esprit,
L’élan de la mémoire,
Son parcours avec le temps.
La matière :
Les lettres, ses fils - les signes.
À la recherche du possible,
De l’audace, du risque.
Plus loin, toujours en soi.
S’éblouir dans l’orgasme
Du poème qui croît
Se questionner avec
Gerbes ou pétales
Moi, encore
Nourri de silence
763
Sur le bord du rêve, tombant
Ressuscitant
Avec front soucieux
À nul, lisible
Pour la fabuleuse compréhension
Intérieure.
764
II
Toi, donc, quelles évidences ?
Toujours refus, rejet toujours
L’esprit, le cœur, la raison,
Où se situe le siège ?
Le Conseiller Secret,
Un moi-même inconnu,
Caché-là, avec sa femme,
La Conscience
L’oubli éternel, dit-il
La ténèbre à vide
Est-ce ?
765
III
Passé à travers une vie insignifiante
Et mort, mort
Avec le parcours de la langue
Sans corps de femme à ses côtés
Le Moi s’épuise, angoisse, s’éteint
La nuit est dans tes yeux
Le vécu dérive sur la mémoire qui oublie
Implorant ciel pour du changeable
Contre l’effrayante médiocrité
Toi sans espoir, visage de honte
Qui produis signes et lettres,
Encore :
Du clair penser
Extrait de substance mienne.
766
I
Exprime-toi, extrais quelques mots
quelques sonorités
Produis du Oui, produis du Non
Numérise ta pensée
Va au-delà du sens,
Exploite l’ombre
Exploiter l’ombre ?
L’invisible, le non su
aller au plus profond
dans le Minuit avec son soleil
Plonger plus loin
pour le vivant fugace,
imperceptible
Un moi réel qui s’emplit d’ombre
767
II
Vois, tu plonges, tu es de l’intérieur
Là où tu te tiens apparais la vérité,
Ta vérité
Tu es ce que tu cherches
Purifie-toi, fais scintiller l’idéal
Que deviendras-tu ?
un inutile méconnaissable
dans l’embrassement explosif
des mots qui forment des poèmes.
768
MAC
Tu vis dans la haine,
dans la cruauté
et la torture
Tu n’as pas besoin d’une maîtresse dominatrice
Tu rêves d’un sourire riche espérant l’amoureuse
la généreuse
la vicieuse
Elle t’appelle, t’implore, obéit
prends, suce, recrute,
travaille pour toi
et t’aime ...
Pourtant tu n’as pas le temps de lui
consacrer un instant
Tu la méprises
La fais jouir
Tu l’aimes comme une chienne
comme une belle
Tu l’aimes
769
Qu’a-t-il en soi ?
Si peu, rien. Des possibles,
Des appels à la mémoire.
N’était-ce donc que cela ?
Il cherche encore,
Celui lui semble faible.
Il plongera au fond
Certain d’y découvrir
Un idéal d’esprit.
Pourra-t-il supporter
Les délires de son Être ?
Nul ne veut s’attarder
A lire quelques essais.
S’est-il du moins grandi
À l’ombre de ses maîtres ?
Une interrogation
Et son espoir a fui
770
M E S S A G E S VI
771
Vie avec
Rapide, active, attentive, pleine d’espoir
Vie avec clartés, énigmes,
Audaces intérieures, donc élans
En soi pour se fuir, pour échapper
Aptitude des fuyants
des craintifs
des spéculatifs
Aptitude
772
De chair
De chair quand tu descends dans l’ombre
La pensée bien faite sur les choses rationnelles
L’esprit avance avec sa certitude :
Le nu est parfait, sa peau à dévorer
Ici et là,
Ici bas pour la reproduction,
l’appel physique,
le besoin
On s’abreuve aux sources sexuelles
le lit, les poils, les odeurs,
les sécrétions, l’haleine, le lit
On spécule sur ses désirs
en sur quantité de possibilités citadines,
le pénis vibre
la vulve coule
Il se passe peu, presque rien ou rien
773
Enfouies les racines
Enfouies les racines
À l’intérieur. Sur le bord des lèvres,
Le murmuré, le poussé,
Exil au plus profond :
L’esprit cherche ce qu’il y a,
ce qu’il croît.
Plongée qui n’en finit pas.
Oui, la mienne, encore,
Dans l’errance maîtrisée
Sur l’aile de l’Esprit.
Il faut produire de la parole.
L’inspi, l’inspi offre, espère,
Une fuite par le haut.
À tisser, à construire
Perception fragile,
774
C’est encore de la plainte inaudible,
Pour une ligne de sillage sur le papier.
Obscurcir ? Quoi ?
dans l’oubli du néant, on y songe
on y songe
Pensées brisées, basculées, tordues
et bondissantes
dans l’orgueil de l’espace intime
Donc c’est l’appel du souffle
il faut mémoriser,
inscrire cette perception
avec souffrance - il faut
Mes yeux, orifices de l’écriture
Gavés d’ombres lisent ce fini
et le méprisent.
775
On tue celui qui sait
On tue celui qui sait, on détruit celui dont la langue est
une certitude ; le jeu vrai est humilié, jeté dans la fosse du néant -
qui s’en ira extraire du peu, qui cherchera son propre lecteur, qui
se fabrique un auteur, lui scribe avec poèmes, risques, audaces et.
le fou construit des discours, et ce sont des épées de langage.
Présent sur sa place, gerboyant dans son forum, lui, avec
valeur épidermique, avec oscillations futures s’emploie à des
possibles infiniment rien.
Lui : détresse, recherches, abandon, encore.
776
Qui croire ?
De la mort découle la pensée de l’après-mort. C’est
encore rechercher un possible, une tentative de pari à jouer. Est-ce
tentative imaginaire ou situation d’avenir probable ?
l’avenir.
On pense dans le présent et la pensée se ramifie pour
On dit : “ Le monde commence, là-bas... ” Le monde ici
n’est pas. Le quantifiable n’est pas, et l’impalpable est... difficile,
surtout pour un être doté de sens concrets et de sensibilité faible
d’intégrer ces vérités.
C’est donc une sorte de survie de présent à finir pour
tendre vers l’au-delà. Il faut pourtant transmettre la vie dite inutile
chez les hommes, tandis que la vraie vie est ailleurs - seconde
difficulté.
On raye donc la notion de “ meilleur des mondes ”, car il
y a l’autre, dit supérieur, plus intéressant, plus vivant.
777
Les choses dépendent de nous par notre travail, nos
actions, quand bien même la grâce serait appliquée. Les choses
dépendent de nous.
Nous balançons entre le savoir et l’insoupçonné, et sa
synthèse objective se veut d’être réelle. C’est encore une fuite, la
fuite du monde vrai qui unissait, croissait, associait pour accéder
au monde virtuel, d’avenir douteux. Qui croire ?
778
Nous sommes en-vivants
Nous sommes en-vivants, vivants de faiblesse, de
médiocrité, de peu. Le passé détermine notre avenir. Nos
échangeons notre passé pour de l’avenir. Perceptions passées,
actions passées sont à l’origine de notre futur. Nous sommes
toujours plus nombreux à pousser l’élan de vie, à produire des
gestes inconnus. Le retour sur le disparu nous offre un semblant
d’expérience.
779
AU SECOURS
Haine contre haine
Avec perte, avec vol
Les tortionnaires sont là,
Les ordures sont là.
Qui voudrait rendre, qui ?
Je les entends, je les sens, les vois,
Ces chiens de pute
Ces puanteurs de merde
L’ignominie, qui pourrait comprendre, qui ?
On croira à de la folie,
On prétendra, et nul ne saura
C’était ta vie !
Mais non ! Cela n’était pas ma vie !
À la recherche de la libération,
Du remboursement, de la justice,
De la vengeance violente et terrible
780
À la recherche.
Au secours.
781
TRASH
Là-bas, là-bas l’éternité pense
Mais oublie les rats poétiques
Cachés dans les cavernes de la honte.
Tout s’en retournera au cimetière du rien.
L’injustice se nourrit de pus, d’ordures,
De vomis, de chiens crevés,
L’injustice se nourrit.
Tout est détruit, la cruauté règne
Avec moqueries et ruses, et jouissances.
Odeurs d’urines malfaisantes, poubelles,
Cadavres, décompositions de chair,
Assiettes de vers,
Ignominies démentes : l’horreur !
Chambre de pendu que l’on débarrassera,
Viol et vol et encore, et encore !
782
Personne n’a lu, personne ne lira.
Il reste un rat cloué au linteau du pavillon.
783
Compris
Compris :
masse inerte / certitude de faiblesse
ou encore
quantité stupide / avec volonté aléatoire
de gain toutefois,
sans la science.
Ou encore
conscience sans la femme, mais conscience
on sait d’où - de la critique
visage blanc, à l’intérieur, de pureté
Alors : tentative pour vérifier
il revient dans son espace
S’imprègne de l’histoire des anciens,
Veut-il s’orienter vers les poètes
Il y a la faim pour des écritures riches
Certes la famine - et l’espoir de récupérer
784
Poésie est obscure, illisible, ennuyeuse
ce sont des fleurs, des Dieux, des paysages
mais des documents, des œuvres peu ou point
Cela est faible, que faire ?
Le poète veut et ne peut pas
il témoigne de son impuissance
la crise est bien au-dedans
éblouissante de vérités
Le poème s’enfuit
Mais le poème s’enfuit, s’envole, tourbillonne,
s’accroche à sa femme, qui pénètre l’espace verbeux à grande
vitesse, là où l’intervalle entre les mots s’appelle blanc. On
arrache des lettres comme des carottes prises au-dedans avec une
intensité cérébrale maximale pour les jeter au-dehors ; il faut
trouver des passages dans un milieu cahotant espace raréfié - c’est
encore soi avec soi pour du possible à raconter.
785
Chacun s’assure
Chacun s’assure dans ses contradictions
pour plonger et se reconnaître
Chacun s’éveille avec ses illusions
cherchant son meilleur et évite le pire
Tu fixes des tentatives
et tu t’envoles sur une émotion
Je m’essaie à produire du faux
J’y parviens parfois, il m’instruit
786
Inventant un retour
Impossibilité à distinguer
le réel de son miroir
le simple est poursuivi par son double
l’orientation est aléatoire
On tourne, revient, plonge
fluide incessant dans la cavité interne
On s’enfuit, cherchant à capter un espoir
L’oscillation est hasardeuse
On penche, dérive, inventant un retour
787
L’après
cette envolée
D’âge, pour quel âge, oui, cette séparation, ce départ,
Avec la chair délaissée sous la terre ?
Je remonte pour la rencontre, l’après
où la vérité est certitude,
où le conditionnel disparaît
la Grâce !
Je suis cadavre mort, mais esprit ardent
Je ne fais que confirmer ce qui était pensé, et voilà pour
Et cette vie qui disparaît pour renaître
ou pour affirmer Dieu, peut-être ? ...
On vit donc par le Ciel, - et c’est la certitude
On a tant besoin d’aimer, de croire
que pas sous terre, trop froid...
En s’élevant il suffit de se dire :
Christ, où est Christ ?
788
À la vérité d’apparaître
pour chose belle, subtile,
purifiée
En moi, pour l’explication
des images,
des sentiments
pour
à vous : mais si, mais si
vous y entrerez
L’amour y est ?
quel amour ?
Un séjour bien sympathique
et le contact y est courtois
789
Ainsi hurle-t-il
Ainsi hurle-t-il : va vers la science
rejette la chimère
capte en plein vol la gravité et la vitesse
délaisse l’habit d’images
forge-toi une certitude
avance sur la vérité
L’ordre est à la rigueur, avec des
irrationnels ? des cercles qui n’ont pas
de surfaces finies ?
C’est donc une forme de connaissance
à parfaire
Les espaces sont des années
dans lesquels je construis un passé exact
790
Le je suppose, le je sais
Entre le je suppose
Et le je sais
Quel prophète bat en moi ?
C’est l’espoir
De vérité
C’est la nuit
Lumineuse
C’est l’éblouissement !
La pensée se construit
Amasse, certifie
Le temps se bonifie
Dans l’avenir
Pour une fois !
Lui l’immense ennemi
791
Ami du vin, du prophète,
Du poète
Et des taux d’intérêt...
792
Nous luttons contre l’usure du temps
Nous luttons contre l’usure du temps
avec des moyens dérisoires
nos combats sont insignifiants
Le temps nous poursuit
sans jamais s’arrêter
Les gamines amusantes,
s’éloignent d’un quelconque intérêt sexuel
Leurs Jeans déchirés, les cheveux rouges
ou bleus
leur danse, leur percing
hier - oui, hier, la même chose
mais autrement
Ma tête est saupoudrée de sucre
cela cerne ma coiffe
et me confère une première sagesse
793
Secouer le silence, le provoquer
volonté et tentative
tout ce rituel à l’intérieur, tout
Un souffle bleu caresse ma certitude
J’avance dans un labyrinthe de couloirs
et de portes factices,
que j’ouvre, pousse, et referme
L’espace est à créer
le critique destructeur
chassera les illusions
Il y a des traces, des appels, des ordres et des désirs
dans ce complexe imaginaire
le symbole équilibre le vertige
Il faut pénétrer l’inconnu
aller vers l’avant
sans penser en arrière
794
Madame
1
- Je ne suis pas un lieu,
Je suis un interdit, dites-vous
Non jamais. Non jamais.
- Et bien, restez-en à cela.
Suffisez-vous de votre rien. Après tout, ce n’est pas
si mal, ce n’est pas ridicule de dire : “Non” !
2
Le pillage de mon cerveau,
son remplissage,
ses méthodes, ses techniques, son culturisme
795
3
Entre vos cuisses, il y a la foudre, la nuit explosante. Le
passage est en vous, sans issue. De naissance en mort, vous
épuisez la chair, la nourrissez, la faites jouir et souffrir. Allons audelà
des imaginaires.
4
Vos lilas, vos soies ; se peut-il que vous baisiez ? Se
peut-il ? D’aube en aube, de soleils en éclats. J’exploserais dans
votre blessure. Je vous pendrais à mon sexe.
796
Excitant et stupide
Rien de plus excitant que cette inspiration, rien de
stupide parfois. L’on cherche à capturer une forme délétère, on y
accroche des perceptions, des sentiments, des couleurs. Puis les
mots se remplissent d’interdits, de codifications, de règles et
d’harmonie. Alors ce sont les premiers doutes, les nécessités de
ratures, les refus. Car il faut ordonner le désordre et se bien
gouverner ou tenir fortement la barre. Penser l’écrit est le plus
souvent détestable. On y perd sa liberté.
797
Recherches de distances
Recherches de distances,
ce sont les mémoires d’une même oscillation
d’un imperceptible à définir
sans connaître exactement l’origine
ce sont des tentatives
des volontés de savoir
des pénétrations très à l’intérieur
Des miroirs de plus en plus petits
pour une sorte de calcul infinitésimal
de décomposition de substantifs
de prélèvements de verbes
Il faut aboutir dans le profond du Moi
pour y extraire, - quoi ?
798
1
D’éclats percuté, d’éclats éblouissants
pour une vision obstruée de l’extérieur
mais vivante en
D’images bariolées, d’images voltigeantes
compressées, agglomérées
indiscernables, à décanter
Les yeux plongent
au plus profond du Moi
2
Il y a montée, jaillissement
immense exaltation puis inquiétude
volonté de maîtriser l’action,
de contenir le verbe
L’esprit peut-il ? Du moins, il s’y essaie.
S’imposer d’ignobles coexistences
799
de combinaisons audacieuses et grotesques,
de solutions fantaisistes ou absurdes
Mais comment faire ? Comment ?
800
3
Ce sont encore des pulsions nocturnes
des mâchoires qui se déforment
pour laisser passer du son
des évidences, des prudences,
des approches qui tâtonnent
Je ne sais jamais
du moins personne ne lira
Je dois m’en référer à ma propre certitude,
Qui ira vérifier ?
Cette logique n’existe pas
Il y a un lecteur unique - voilà !
801
Mémoire
Mémoire : vaste splendeur intérieure
amas d’êtres, réels et d’images infinies
où s’intensifie le sentiment
J’oublie parfois la souffrance
Le souvenir se cache, revient,
se transforme, gomme ses apparences,
se nourrit de vérités erronées,
- ce qui l’arrange
Je ne puis décider de mes souvenirs.
Le temps éloigne la certitude
mêle du pur à de l’impur
Le temps construit sur du délétère
égrène, efface
fabrique du mensonge
qui jure dire l’exactitude
Mémoire
802
En toi
Ce qui est en toi est le chrême
nul ne le sait
tous te mépriseraient
Les armes de l’Oint
Les armes de l’Oint, - le chrême, la lumière, l’Esprit, le
double Esprit, etc.
Les faiblesses de l’Oint, - la présence du Mal, les
aiguilles, l’intelligence, l’ignorance, sa nature,
Sa vraie potentialité est dans la certitude du Fils
éternelle, constante, céleste, forte et splendide.
803
Obsession consiste
Déchirure intérieure
de douleurs inconnues
au plus profond du non-Moi,
cachée peut-être
mais perçue, suc,
par la sensibilité
par la vibration émotionnelle
du poète qui pense
Plus loin dans les dédales de l’âme
à jamais invisibles
des images échappées,
fuyantes, effrayées
L’obsession du producteur
consiste à faire remonter le fugace,
l’imperceptible, l’oublié
dans la nuit noire et marécageuse,
l’obsession consiste...
804
I
Plongeant en toi-même
Au plus profond du Sahara
De stérilité, d’aridité
Fuyant pourtant ton ombre de médiocrité
fantasque et insignifiante
Ce que tu peux penser te concernant
Est bien la vérité cruelle
Ce n’est pas un modèle unique
de critique détestable
Il y a la lumière du dedans brillante et blanche
qui sait hélas
805
II
Lumière intérieure de vérités
de certitudes
préceptes lointains d’où la pensée tire
quelque essence
Oui, tout là-bas
dans la cavité interdite
avec miroir et torche
pour y remonter de subtils indices poétiques
raréfiés par un air inexistant
Enfin Moi qui tente et espère
806
III
Ce qui est en toi d’inconnus
d’actes futurs
puis ton probable, ton répétitif
ton progrès, ton peu, Toi
dans le Souffle espéré
avec son signifiant
Cette quête épileptique
d’un cerveau en constance de mouvements
comprenant son nul,
sa faiblesse
son médiocre
Toi en vérité
mais quelles sont tes limites
tes objectifs
ton désir, ta volonté ?
807
L’esprit avance
L’esprit avance. Le jour est presque clair. Où en suis-je,
où puis-je aller ? Je dois me supporter ou tenter de spéculer avec
du matériel délétère. La confusion est dans cette tête. La lumière
qui la définit, est parfois ténébreuse, occulte, délimitant l’extrême
à atteindre. Je ne vois que du vide, et bien sûr, il me faut le
remplir. Je me reconnais, - oui, c’est moi, dans cet espace virtuel
de possibles, d’inexistants et de probables.
Je m’épanouis accompagné de cette curieuse lumière et
j’organise le déplacement des objets. Je désire maîtriser mes
mouvements. Je m’y essaie plutôt mal : tout semble s’activer si
vite, et la pensée s’enfuit. Rien ne me sera donné. Je m’étais
pourtant promis quelque triomphe obscur d’inconnu à satisfaire.
La nuit est tombée. Tu ne plongeras pas dans ce
précipice où le vertige excite ton possible. Tu en prends du plaisir
à déplacer l’effroi et la crainte du Néant. Tu avais autrefois glissé
là tout au fond, tu y avais remonté ton absence, une souffrance
inconnue, une certitude de faiblesse. Tu sais à présent ce que tu as
fait.
808
La lumière insistait
La lumière insistait et cherchait éternelle et superbe à
éclairer mes pauvres yeux gisant dans l’ombre. Je voulais
échapper à la pensée grise et terne qui constamment pénétrait mon
esprit. Je croyais voir des possibilités suprêmes d’intelligence
autre. Je n’étais qu’un pantin articulé courant désespérément dans
cette chair intime.
Tout mon mal résidait dans les limites de mon aptitude.
Je n’avais en moi qu’une médiocrité détestable bloquant toute
recherche de progrès. Je voulais changer cette durée qui rongeait
mon avenir.
809
Les objets
Les objets conservent leur pouvoir émotionnel ; dans leur
forme, se situe une charge de sensibilité qu’ignore la vérité
mathématique. Quand je prononce le mot “ Azur ”, qu’engendre
l’appel ? Chacun y voit à sa manière l’évocation de son suprême.
Quand j’écris 3,72 X 2,14 = 7,9608, on me répond : Ha ! Bon !
Ou bien sûr - cela et rien de plus.
810
Pourquoi Moi ?
Cette inspiration insignifiante
d’objets inutiles, de produits stupides,
de médiocrité à transcrire,
est-ce donc cela ?
Pourquoi faire cette chose lamentable et honteuse,
de pacotilles et d’imbécillités ?
Car il n’y a pas à dire,
Poésie égale perte,
Poésie est en dessous est derrière
Tandis que la civilisation avance
Alors pourquoi Moi ?
811
La science du poème
La science du poème existe-t-elle ?
L’ombre de l’ignorance s’abattait sur la conscience
Le produit obtenu était insignifiant
Mais l’ombre, les dieux se satisfaisaient
de l’insignifiance poétique
Et le tout était mièvre, dépassé,
nié par l’ensemble qui savait
Il n’y avait nul espoir de progrès
L’ombre du Mal et les Dieux raisonnaient
de même sorte, pourquoi ?
812
Cherche à savoir
Cherche à savoir
à comprendre
Cela engendre une immense exaltation intérieure
Poursuis la vérité, si elle ne te ment pas
La volonté harcèle l’esprit
Y persécute l’âme
L’âme se prétend immortelle
qu’en sait-elle, répond l’écho ?
813
Nul ne fut plus hanté
Nul ne fut plus hanté ni obstiné - cherchant
désespérément les traces de son Idéal, ayant mis toute sa capacité
cérébrale au service de cette éphémère interdite, impossible à
saisir ; exploitant à merveille les flux d’activités intellectuelles
pour mieux posséder ses instants ; il était homme à femmes,
homme affamé de vérités énergiques et de certitudes universelles.
Il fallait pénétrer, chercher, contourner l’obstacle,
déterminer le silence, repousser les limites où buttent les âmes des
poètes, où viennent se fracasser les aptitudes incapables de
produire au-delà, incapables d’atteindre une sorte de finalité
sublimée et divine.
Lui, donc, force bafouée, reniée, détruite, méprisée, lui
aux confins de soi-même, désireux de renaître de sa propre
énergie, sachant l’invisible, prêt à l’affronter et le comprendre,
détestant la violence, entre le précipice et la bourrasque,
l’avalanche et la profondeur, veut accéder à son immortalité.
814
Cependant ils refusaient
Cependant ils refusaient, rejetaient par paquets de poste,
par montagnes de poèmes retournés, - c’est vous qui devez payer
le renvoi disaient-ils - certains de ma médiocrité, de mon
incapacité à écrire, à leur plaire.
comprendre ?
Avaient-ils réellement pris le temps de lire, de relire, de
Ils refusaient par grappes, par quantité totale d’éditeurs
spécialisés dans l’édition poétique.
C’était une incroyable façon de me régénérer, de me
permettre d’aller puiser en moi-même de nouvelles sources de
production, de plus audacieux élans d’écrire.
815
Au poète
Il y a donc de longs jours à attendre, toi qui dédaignes la
louange, qui méprises la certitude de ta valeur. Le temps se
disloque pour un futur bizarre et audacieux, le temps.
Tu es debout mortifiant le vent, tu l’appelles comme une
nourriture de l’âme. Les spasmes de l’invention te permettront-ils
d’aller au-delà et de trouver ? Toi tu te renies, et te rejettes
comme un pantin ridicule.
Et ce n’est que cela ! Ce n’est que cela ! Plonge dans ton
superbe gisement, et veuille y remonter ta magnifique substance,
ô joyau spirituel, intelligence belle !
816
La nuit, je pénètre
La nuit, je pénètre l’épaisse broussaille où s’endort mon
sommeil. Du charbon plein les yeux, j’avance en tâtonnant pour
atteindre une sorte de labyrinthe où s’irriguent constamment les
sources de la douleur et du Mal réunis. Je me calfeutre dans cette
espèce de buissons d’épines pour essayer d’y prendre quelque
repos. Des torches flamboyantes illuminent parfois cet univers
marécageux où je vois d’autres poètes qui y croupissent avec
leurs âmes. Certains implorent et me supplient de les délivrer de
ce lieu impossible. Quelques fois, il semble que le jour veut
poindre dans leurs yeux de misère.
Ho ! Lieu sordide, nuit de l’extrême, s’engouffrer dans
ton vertige pour y disparaître à tout jamais, pour fuir dans l’infini
de l’oubli, et aller de peu à peu, et de peu à plus rien comme un
mouvement qui s’arrête ! L’espérance est dans la mort qui annule
la vérité de la naissance.
817
J’ai espéré
J’ai espéré, comme un esprit replié en soi-même désire
accéder à un monde intérieur. Je l’ai appelé, parfois j’ai cru
l’entrevoir, mais en vérité, ce fut une terrible déception. La poésie
était mièvre.
Cela paraissait si peu, si faible pour être montré.
Les yeux orientés vers l’avenir d’un progrès, d’un mieux
improbable, les yeux.
Je prétendais malgré le Mal accéder à quelque chose de
différent, de nouveau. Je ne savais exactement comment
m’exprimer pour expliquer cela.
Le Mal interrompait la volonté du travail, décidait de la
violence pour interdire l’accès à de la formation. On imagine
aisément les conséquences catastrophiques qu’ont pu entraîner de
tels concepts. Mais que faire ?
L’impalpable, l’évanoui sans cesse disparaissaient.
818
Où en suis-je ? Qu’est-ce que cela vaut ? Faut-il
travailler plus ? Autrement ? Comment agir ?
Tout s’agitait dans la mémoire. Je compris qu’il fallait
implorer le miracle... et Dieu fit descendre Satan.
de l’homme.
J’ai espéré... désireux de déplacer le conflit à l’intérieur
819
La fuite
Ton visage disparaît. Tout se dégrade, s’encrasse, se
décompose et veut s’enfuir. Tes dents sur le bord de tes lèvres
boivent l’écume du plaisir pourtant ; tes yeux appellent, implorent
un idéal de chair invisible, ton corps est un décor en mouvement.
Toi, de loin, impalpable mais réelle dans cette étrange
mémoire du temps, s’éloigne la silhouette de ta beauté.
La vie consume.
820
Lui s’éloigne
Lui s’éloigne d’une démarche incertaine, fuyant sa
propre image, tentant encore de capter ces possibilités
chimériques ; il mesure en songeant à sa pure dimension.
Les constructions aléatoires entourées de brouillards
blêmes circulent autour de lui, au-delà du temps. Nul secret ne se
cache dans son âme. Il ne sait où aller, étrange incertitude parmi
les souffles lumineux. Un vent rougi par l’haleine des Dieux
indique parfois le chemin à suivre.
Lui, à l’analyse douteuse, désire savoir, prétend
comprendre. Le long des berges, c’est un déplacement circulaire
pour une vision lointaine du promeneur.
Y aura-t-il un étonnant reflux de la masse et du volume
d’eau proposée ? La pensée riche et pleine jamais ne le saura.
821
Beaucoup de vent, l’œil sur le papier
Beaucoup de vent
en grande quantité, nécessaire
et ce cri qui pourfend le ciel
qui appelle
encore ce lieu d’écriture
cette table
ces parfums mièvres, de senteurs fades
sur des lignes d’écriture
attentes, espoirs, attentes
à toute heure, cherchant toujours
l’oeil sur le papier
822
Elle reviendra
Une nuit, elle reviendra bleue et irréelle
Voici qu’elle reviendra par ici, là
Elle pénétrera l’espace, elle sera à toi
Nulle absence mais de blondeur chevelue
Fascinante et sublime
dans cet horizon circulaire
d’images floues
823
Le coq
de femme claire
De la nuit s’endort, de la nuit - quoi ? Une chair frileuse
(Encore une lancée intérieure)
l’air cristallin
et voltigent, s’épanouissent des brassées d’oiseaux dans
(Soudain pour l’âme, soudain)
- le mien, si -
un manteau d’épines malgré les flèches vertes de l’esprit
Il se couronne pourtant,
du moins essaie, se prétendant faible
Le coq aux aguets
d’intelligence de phosphore
à l’écoute de l’Esprit.
824
En lui
Chaque fois qu’il pense, il s’use
dans des règles désuètes
chaque fois qu’il spécule, il doute
Jaloux de sa foi,
de sa certitude scientifique
alors il s’évade
sur des corps d’oiseaux
sur des chairs de femmes
chaque foi qu’il exige du temps
une quelconque obéissance,
l’autre ironise, la pensée l’encercle
la rigueur le désespère
tout se même et s’emmêle
La vérité se rit de la sagesse
qu’il prétend posséder
Il faut donc maîtriser
825
Accède
Accède à une possibilité nouvelle d’éclatement, ne peut
fuir l’anonymat, détient l’unique clé de la pensée ailée, circule à
travers le torrent de boues, d’idées impures, évite le précipice et
cherche l’océan
où l’interdit s’efface, où la volonté de savoir jaillit audelà
de la morale, où le “ non ” disparaît.
Imagine
Imagine l’espace poétique vierge
à combler
Conçois de nouvelles évidences
sans leurre sans mensonges
Agite l’ombre et qu’apparaisse
la fille dans le miroir,
elle qui attend le poète disponible
le vent s’inquiète de la direction des signes
et du plan à noircir
826
Vivante mais irréelle
Vivante mais irréelle,
là presque bleue
La fille est splendide
elle s’efface doucement
dans la lucidité de la conscience
827
Jouissance/souffrance
Comme il y eut jouissance, il y eut souffrance
Les chairs tourmentées imploraient le plaisir
Le derme pénétré s’ouvrait plus encore
Les zones pubiennes soudain tendues
De sécrétions vers la source
Jambes repliées, pieds crispés,
Ô rythmes des amantes
et bouches qui happent
dans un feu passionnant éblouissant d’orgasmes
828
Souffle d’extase
Souffle d’extase comme espoir insoupçonné
Je puise dans ton invisible
pour y chercher quelque saveur
si proche de l’appel
autour de ma certitude
la substance coule
Quelle analyse exacte proposer de mon énergie ?
829
Le temps / l’inspiration
Les jours s’épuisent, les jours s’épuisent
Il est temps de produire le temps
Sur une ligne de prières
Le visage idéal d’Ophélie vers les flots
Cascades d’éclats et d’assonances
pour l’espoir mélodique
donnant un sens au poème
D’où tirerons-nous les nouveaux sucs,
les substances claires
filantes et belles ?
D’où ?
830
La pensée en folie
La pensée en folie
en spasmes erratiques
éclaire de son risque
un idéal de conformisme
puis l’esprit s’immobilise
la main tremblante écoute, attend
il y a vibrations suantes, exaltées
qui retiennent le doute ou l’amplifient
La respiration accompagne
la recherche de l’instant
quelqu’un entre en moi-même.
831
L’homme lucide
Réelle certitude, conscience vraie,
au plus haut, en lui
l’homme lucide,
mais seul
nul ne veut entendre
alors que faire ?
produire, produire, malgré la mort,
malgré le silence des Dieux
qui possèdent la vérité
832
La défaite
Sur la berge invisible,
recherches du pur midi
Volonté de stabilité interne
de quiétude parfaite
abolition du délire
La limite est réelle :
Je concède ma défaite
Que puis-je ?
Quel avenir pour un assiégé ?
Marges, écarts, faiblesses,
ô science
science et moi, de peu,
de rien
Je ne saurais être...
833
Songe à l’écart
Ce n’est point de la rêverie que la chose vient, mais c’est
bien d’un effort de conscience, d’une volonté de pousser vers
l’avant. Alors l’on fait surgir quelques spectres de mots qui
explosent les uns contre les autres. L’esprit chevauche des lignes
invisibles à travers la vitesse et le temps. Une main agrippe une
sorte de calame et produit ou invente des paysages audacieux.
Qu’es-tu allé chercher là ? Qu’es-tu... ?
Que cela te revienne, et songe à l’écart qui te sépare
d’autrui, de l’autre là-bas...
Ainsi ton âme est à mieux faire.
834
Nous reviendrons
Nous reviendrons nous justifier, espérant encore
convaincre nos proches de la valeur réelle de nos écrits. Au soleil
de la mort, crucifiés, suppliant, nous tenterons de séduire dans les
derniers relents du désespoir.
C’étaient pourtant des jaillissements de feu, des flux de
sèves exaltés, au-delà des ténèbres pour éblouir nos filles dans la
folle transe de la vie.
835
Grand esprit
I
Grand esprit, est-ce à moi de songer ? De brasser du
dedans des souffles aériens ? Il est temps de créer, d’agir de
l’intérieur,
pour accéder aux sublimes délires, et offrir de la
constance au travail.
II
... Lui encore, la main contre la tempe espère une
inspiration plus belle et rêve en soi-même : “ Je comprendrai, je
décide d’aller outre, oui je veux l’orgueil de ma raison ”, et la
plèbe à ses pieds, se prétendant, se supposant. Là dans l’exil du
soir, le long de son immense parcours, il s’éclaire. Le paysage
s’agite. Que trouvera-t-il ?
Lui encore, cherchant à prendre mesure de son estime,
spéculant sur autrui, comparant.
836
III
Grand esprit, vous regrettez... l’espoir était plus vaste, et
le site à construire plus haut encore. Le site d’outre-mer et
d’outre-avenir élaboré sur la pensée d’ici bas, permettra-t-il de
supposer un au-delà meilleur ?
Il faut être à hauteur de sphères divines, mais cette
hauteur n’est point pour l’homme. Alors la violence de l’océan
pousse sur ses radeaux désabusés ces milliers de poèmes
naufragés, oubliés, sans futur.
Conçois ailleurs. Ta soif est éternelle et ne saurait être
apaisée. L’esprit happe l’eau offerte comme oiseau sillonnant
l’étendue.
Est-il mot pour exprimer ce que l’esprit regrette ?
837
IV
Grand esprit, vous pensez : route de certitude, de vérité
et d’excellence. L’intelligence ardente, l’âme élevée, vers quelles
puissances du ciel, s’élèveront-elles ? La durée construit votre
avenir.
faiblesse.
Nous avons commerce avec la médiocrité. Telle est notre
Grand esprit, vous voici : sur vos routes éternelles
d’immensité, d’élévation. Plus haut encore atteignant le labeur
extrême de pureté admise.
V
Ceux qui furent au plus haut ne dirent point la vérité,
mais laissèrent la marche des morts sur la terre des vivants.
838
Nous invoquons
dans nos prières.
Nous invoquons la sublime sagesse, nous l’implorons
Inouïe est notre ignorance, immense notre faiblesse, ô toi
juge-nous avec pitié. Accorde-nous quelque élévation, purifienous.
À toi, ta grandeur, ta certitude, et ta vérité ; à nous, la
honte, la médiocrité, le ridicule.
Qui donne conseil ? Qui prétend savoir ? Moi sans
peuple, sans élite et sans masse, moi sans régence ni tutelle, de
naissance pauvre, conscient de ma petitesse... pour quel titre ?
Lequel ?
Dans tes habits de luxe, tu prétends discourir et tenir
haute la parole. Tu n’es qu’homme et prétention d’homme, taistoi.
839
Au cœur de soi-même
Aux jeunes poètes
Au cœur de soi-même, nuit claire, claire encore et la
nuée, voltigeant par mégarde ici et là pour la source du poème,
dans la pensée béante et superbe.
La puissance du vent, la bise allègre, les vallées et les
monts, les risques et les audaces, la certitude défaille dans la
vérité du printemps.
Rapidement, lestement, il veut, il cherche, jeune homme
de haute stature, il accède à son combat.
Les forces bouillonnent en lui, il suppute, oscille, il
déplace les bornes du savoir, rejette les limites de la vérité.
Sans Bacchus, sans fumées délétères, à la recherche
d’une croissance infinie, l’intelligence se développe dans un ordre
logique espérant comprendre autrement, mieux peut-être ! ...
Le temps est sur sa droite, il va œuvrer - développant ses
dons, - du moins s’y essayant.
840
Sucs princiers
Aller ! Tirer en soi-même de nouveaux sucs princiers,
concevoir autrement d’étonnantes propositions poétiques, enfin se
prétendre capable d’avancer vers la création !
Moi, si faible, stupide, dans l’impossibilité d’ajouter sur
l’idée, ou inapte à faire évoluer la forme, - mais comment ?
Alors je prends dans le passé - j’ouvre Hölderlin, je relis
Perse - et je me trouve entre du Romantisme et du Lyrisme - donc
je jette - ne sachant comment les exploiter.
Je m’énerve, j’attaque Deguy - moderne, n’est-ce pas ?
Et puis rien, ou peu - cela me semble inutile.
J’exploite Poèmes II chez Gallimard, puis Poèmes 60-70,
et rien, ou presque. Vraiment, je ne vois pas comment m’y
prendre.
Je pense à Hugo, je vois les Collections Bouquins placés
dans mon armoire en hauteur, et je me dis : comment faire Hugo ?
Comment l’atteindre ? Paff ! Pas facile, hein ?
841
Ton avenir
Ton avenir m’échappe,
difficile à saisir, ô Dieu.
À la recherche du pénétrant,
l’esprit cherche ce qui sauve.
En soi, dans cette sorte de ténèbres
frémissant d’angoisse,
avançant péniblement
lançant des cordes, élaborant des ponts
pour passer au-dessus de l’abîme.
Résistance à intégrer le Temps
dans la parfaite solitude
avec cette volonté de trouver.
C’est encore pousser des portes sur l’étendue
d’eaux nouvelles,
de perceptions inconnues.
Je dois passer par là
pour essayer de comprendre ! ...
842
Et j’implorais... désirant m’élever
cherchant à y parvenir, conscient que le tout
se situait à l’intérieur,
Il y avait par effets romantiques :
crépuscule, vols d’oiseaux,
forêts remplies d’ombres,
source éclatante et fraîche,
du soleil, des parfums matinaux,
des cimes embaumées, et des fleurs, je suppose.
Ainsi l’œil était ébloui,
J’avançais.
Le problème était de concevoir
Des possibilités nouvelles,
Des sortes de larges avenues
d’espace d’écriture,
Puis d’imaginer un jardin
Rempli de lumière
843
Hautes pensées
De très hautes pensées ont jailli
offertes par la tête du Père
Seront-ce de grandes âmes chez les hommes ?
Élite, quelle élite ?
J’espère, je ne sais, serai-je ?
J’ai tendu mes regards vers le Parfait
Beautés, je vous ai dédié mon poème
Était-ce un possible de satisfecit ?
Il est que je cherche
Le joyau, la race, l’extrême
Moi, l’ignorant en ma demeure
Que puis-je espérer ?
844
Soir d’ignorance
Soir d’ignorance
d’imbécillités et de bêtise ambulante
quelle médiocrité autour de moi,
J’ai l’intensité d’une force inconnue invisible et
pourtant puissante comme autrefois époque où je marchais
en moi-même avide d’intelligence pénétrant les espaces
inexplorés de ma première jeunesse remplis d’espoirs lugubres
constellée de lumières fluorescentes la pensée gravitait autour
de moi
Dieux, mes Dieux
et quelle certitude où j’espère
allégrement comme un esprit léger embraser un Moi puissant
Ils étaient tapis dans l’ombre obscure avec présences de
violences occultes accédant à la chair, l’humiliant, l’abêtissant
aiguilles affûtées
Puis une graine de semence comme une parcelle d’avenir
malgré le fardeau du mal et je voulais aller au fond la
violence m’a pétrifié, frustré, interdit
845
Le Vouloir était fort
et fécond plongeaient dans la profondeur
les choses associées à l’actif agité
Les femmes n’étaient que rêves de chair insoupçonnées
et inutiles c’est pourtant ces femmes qui ponctionnent le temps
et transforment le travail en plaisir délétère, éphémère, enfui ;.
À présent je gémis conscient de mon impuissance
crispant les poings cherchant à imaginer l’écrit d’exception
de perfection inaccessible
J’ai récolté des soupirs au milieu de sources s’y exhale
parfois un écho lointain d’oublis, d’espoirs avec résonances
faibles faibles
Y surnagent des possibilités poétiques semblant s’aimer
Ô baisers aériens avec serments avec discours
Puis j’accède à cette extraordinaire beauté qui règne dans
la plénitude absolue
avec été resplendissant d’orgasmes
Dieux, mes Dieux
et quelle certitude où j’espère
allégrement comme un esprit léger embrasser un Moi puissant
846
Cette inspiration offerte d’en haut qui illumine ma
solitude intérieure, qui déplace les bornes de mes rêves et me
permet
Oui, friction d’idées de têtes pleines, doublement
élaborées, avec poussées de volonté de savoir pour le livre
nouveau !
847
Le poison
Je sais bien que tout cela vaut peu et que le style
employé est de faible valeur
Ce genre d’écriture syllabique ennuyeux et répétitif ne
saurait apporter le moindre intérêt à quelconque esprit élevé
Pourtant, inlassablement, bêtement peut-être, la capacité
créative essaie de s’imposer, de proposer de nouvelles formes...
À rire ! À rire ! N’est-ce pas ?
Cela n’est rien,... comparez avec la science, avec
l’intelligence technique, comparez...
C’est une calamité que cette poésie ! Cela pervertit l’âme
avec des foutaises et des niaiseries quand la raison a besoin de
rigueur et de discipline.
Sur quelques airs anciens, le produit semblait meilleur...
Mais à présent, ce sont des enfantillages, de réelles pertes - oui,
voilà : ce sont des mesquineries.
848
Basez-vous sur la vérité, donnez des certitudes à vos
enfants, à vos adolescents.
Le poème ne serait être un cadeau,
C’est un poison.
849
Grèce, Elytis, etc.
I
Tanguait la pensée penchée sur de grands avenirs tu
croyais voir s’évanouissaient d’espoirs impossibles toi, ton
élan pour les hauteurs
Tu étouffais, interdit d’actions, bridé
Une salve de haines retentissait chez toi
Le ciel était violent, violeur et injuste
II
Tu cherchais rempli d’amertume, de pauvreté poétique
que te restait-il ? A implorer
Le Vent encore accessible rarement
discontinuer
et moi dans le sommeil
puis travaillant sans
Oui, moi sur les lignes invisibles avec vin, huile, île
850
d’Éole, Grèce, Elytis, utilisant roses, fioles, essence et femmes
851
Vie
Ainsi je travaille pour un rien impalpable dont je n’ai que
très peu reçu
fussent quelques graines de lumière
En vérité j’ai produit.
À l’ombre d’autrui obsédé par le Temps
J’ai tâché de progresser
Enveloppé dans les livres des Anciens
Cherchant à imiter
L’adolescence avec
des juillets qui croulaient à coups de triques
Célébrant encore le Génie de la Pléiade
Avec apprentissage, volonté, désir, puissance
Des rouges, des jaunes sur des vapeurs d’aquarelles, etc.
En attendant le fatal instant de Dieu
Sous ce soleil noir avec prisons de barreaux et de vers
Et au loin là-bas comme un rêve de femme impossible
852
Confession
N’ayant pas connu l’amour , ayant séjourné des lustres
au plus profond des solitudes, j’ai appris à construire ma propre
personnalité
À présent je prétends comprendre
J’enchaîne des livres les uns aux autres
dernier semble décliner le suivant se lève quelque peu
quand le
Raison ?
Je m’observe me critique et me nie. Ai-je tort ?
Point d’obscurité point de difficulté à comprendre
j’oublie la beauté brune d’Hélène et m’oriente vers la vérité
électronique
Mais j’emporte encore des broderies diverses, des coupes
de vins, des oiseaux blafards dans des cieux cristallins.
853
Derviche tourneur
Je tournais sur moi-même comme un Derviche tourneur
Espérant atteindre quelque ivresse de l’esprit
Enrubannée dans le soleil et les étoiles
Et je ne voyais pas
cette fille d’élévation extrême
qui voltigeait autour de moi
comme un oiseau sensuel
et de beauté inouïe
854
Après une longue errance
Après une longue errance dans la médiocrité de la
discipline j’ai cherché à progresser à quantifier les pertes à
trouver des solutions pour accroître le gain
Je savais qu’il me fallait du temps, du travail, de
l’abnégation et cette immense solitude pour produire grandement
Aucun souffle ne montait réellement de moi, j’avais
conscience du rien et de l’incroyable faiblesse. J’étais désespéré
par la plus infime solution de grâce
Ne flamboyait aucune essence d’avenir point de
poudroiement divin au-dessus de ma tête pour compenser quelque
peu les immenses vols du Mal
Nulle transe prophétique ou chimérique permettant
d’accéder à quelque saveur supé-
rieure...
Je me sentais ruiné, accablé, maudit
855
J’aspirais à gagner une sorte de hauteur, mais ne
parvenais à expliquer réellement ce à quoi je songeais
C’est ça : je cherchais la rare beauté accompagnée
d’oiseaux, une fille splendide voltigeant dans le vent
Je la voyais ou croyais la voir
Entourée de gerbes multicolores, de lumières inouïes,
avec jambes blanches et longues, et son superbe sourire nacré qui
remonte sur ses lèvres comme une écume de bonheur
J’ai réellement cru que cette fille allait me permettre de
résoudre l’immense difficulté dans laquelle mon âme s’était mise
856
Oui, plongeant
Oui, plongeant
pour troubler ce vif argent de sa mémoire
il jetait ses yeux dans son Moi intime
atteignant cette cible parfaite
pensée là-bas si loin en recherche de perfection
il filait sur sa lancée
Désireux d’obtenir son spirituel, il s’immobilisa dans son
propre cercle, puis tournoya - pourquoi ?
splendeur
L’âme roulait pour enfin s’irradie contemplant sa
Ceci est l’impossible d’un rêve évanoui
857
À Camus
I
Contre la fenêtre éclairée,
le matin rit de toutes ses dents bleues et
blanches ; sur le balcon étincelant
s’agitent doucement les rideaux de la chambre.
Des jeunes filles, les bras longs et chargés étendent
quelque linge. Plus loin, là-bas, un homme
la tête dans la lucarne, lunettes à la main, regarde.
Ô matin clair, scintillements d’émaux vers la mer
Perle latine, de lys et de lueurs,
Ô toi, Méditerranée.
II
Midi sur la mer immobile et chaleureuse
me prend et me comprend, un silence, un sourire,
858
Ici, là
I
Ici là quelque chose doit bien exister
Ici n’importe quoi du peu mais quelque chose
géo
Gratter, gratter
géologue
au-dedans avec ongles sales, gratter
Oui, trouver
Mais comment construire autrement
II
La vérité semblait présente à mes côtés elle
s’exprimait avec des mots écrits et voulait m’envoyer quelques
messages
C’était une sorte de femme en lévitation, des brumes
légères se dispersaient ici et là autour de sa personne
859
Elle m’appelait de son si beau regard,
mais je feignais de l’ignorer
car je grattais grattais
C’est vrai : que peut une femme ?
La femme est contrainte, gêne, perte de temps etc.
Je n’ai jamais voulu l’écouter
860
III
Vivre en soi avec des choix de mots à la manière de
Racine, pourquoi pas ! purifiés, simplifiés, limités, à l’écoute
d’une voix surnaturelle qui viendrait de l’intérieur
Ou encore
une sorte de paroxysme de l’écriture
construire vision sur vision pour atteindre
Souffle en soi un vent artistique, créatif, inventif peutêtre
!
Ici, là, dedans élaborant la forme autre, nouvelle, je
délivre toutefois amoureux de l’inouï percevant des ondes
bizarres, équivoques, accouplées à ma langue ah !
cherche encore
Tant qu’en définitive - oui - quoi ? - Qu’importe ! Je
... sachant que je ne peux y parvenir
861
Au plus profond du Moi
Au plus profond du Moi ainsi je m’enfonce seul,
seul, sans personne pour m’accompagner
Nulle beauté bleue
le soleil est de l’intérieur
si soleil, il y a
Tout se cache dans le front
Si je trouve j’accède au triomphe,
nul ne le saura
tant pis dit-il et tant mieux
d’honnêteté ?
La justice soufflera-t-elle comme une tempête
Je me plante dans des sables blancs, d’une finesse
absolue et parfaite
je puis m’extraire quand bon me semble
Où est ma force ? Je ne suis que faiblesse
862
Si du moins je pouvais construire un chemin invisible sur
une sorte d’immense jeu d’échecs
car demain c’est ma mort, c’est ma fin
En moi toujours cette pensée répétitive :
se poser
la splendide trace où quelques oiseaux hagards viennent
Constante est cette certitude dans son esprit.
863
Mes mains purifiées
bénir ?
Mes mains purifiées par l’injustice, ne veux-tu pas les
Mes visions splendides d’halluciné, à qui les offrirai-je ?
Que peut-on ajouter sur le Fils ?
encore.
Ma terre connaît bien des souffrances et l’âme produit
certainement.
Je me souviens de cette jeunesse qui pouvait mieux, plus
Je crains de commettre des erreurs.
Tu m’as soumis à des chiens, à des ordures, à des porcs,
à des pourritures pour que ma pensée resplendisse d’ignominies,
et telle est ta jouissance !
Tu as mis tant de haine et de cruauté dans mon sang que
mon épreuve m’éloigne du ciel
864
longtemps ?
Suis-je suffisamment éprouvé ? Me faut-il subir plus
J’accède au saint corps dans une magnifique enveloppe
blanche, - le poète se sanctifie !
Hommes et fils d’hommes, dois-je redouter l’avenir ?
Quelle sera mon appartenance ?
Voilà, je m’emporte vers un nouvel espace.
Concevez-vous hommes bas sur cette terre, mes rêves
indéchiffrables ? Je vous les offre. Telles étaient mes pensées.
865
I
Ainsi dans ce sublime minuit, éloigné du sommeil,
la volonté s’agite, appelle et supplie
Je bataille ferme avec cette piètre cervelle, les yeux au-
Je m’y essaie accablé d’obscurité
dedans
II
Nulle richesse à donner. Tout est pauvreté, tout est
médiocrité. Cela est faible, et pour quelle production ? Ceci n’est
pas railler, mais comparez ! Comparez avec la science.
Celui-là prend l’air supérieur et veut se couvrir de gloire.
Mais pour quelle réussite en vérité ? Les autres ont foi en leurs
écrits.
J’ai dû prêcher sur des pierres sèches.
866
À la recherche du Non-signifiant
C’est dans cette boîte de cervelle
qu’il te faut puiser et extraire
regarde bien à l’intérieur
il y a d’éblouissantes semences
des jaillissements de germes
des champs d’expectative à explorer
des terres et des terres favorisées par la pluie
jamais encore piétinées ou caressées
conscience
sublimations hypothétiques dans l’obscur de ta
fuite, élévations, puits qui jaillit
Je veux prendre le silence pour y planter quelques
possibilités de son, de langage pour y jeter des graines d’avenir.
J’ai besoin du syllabaire secret d’odyssées Elytis
867
“Brave, écrit-il, maintenant tu sais me lire.”
Non-signifiant.
Je dois donc travailler, puiser, plonger pour y capter le
868
Le Temple
Je décidais donc de me construire un Temple éphémère
ou immortel, un espace dans lequel reposerait mon âme.
O temple de moi-même, éternel édifice
Rare construction plongeant au précipice
D’un néant inconnu, enfoui dans le Moi
J’y puise un mendiant, un apôtre et un roi.
la pensée volage.
La pure lumière venait s’y écraser, amante insatisfaite de
Ici une sorte d’accouplement devait s’opérer dans une
vérité de songe, dans un idéal chimérique.
La parole du poète comme un écho s’apprêtait à retentir
dans cette pièce immense.
Tant de mémoire des auteurs disparus, tans de fantômes
rôdant pour un idéal d’écriture,
génies fortunés que j’invoquais et suppliais.
869
Des variables de sonorités semblaient courir ou percuter
le vaste dôme serein et puissant.
Je caressais des statues de femmes d’une beauté inouïe et
j’accédais au vertige de la contemplation fabuleuse - c’était une
sorte d’orgasme cérébral quand la perfection esthétique atteint son
paroxysme.
Puis là-bas, dans un halo concentrique composé de
lumière éparse, elle, presque bleue au souffle clair constellé d’or,
s’avance et s’assoie sur les dalles de mon Temple.
gloire.
Elle, au plus près de la conscience certifiant la fuite de la
En face, l’homme de l’indifférence détestant la volupté,
niant sa puissance virile, refusant de respirer la chaude toison de
son entrecuisse.
Je préférais me servir de l’écritoire pour y transcrire les
limites de l’Azur, pour accéder aux oiseaux au-delà de mon
Temple, par degrés infinis.
870
D/Dd
Divergence / distance intellect
c’étaient des résidus possibles
des espoirs, des attentes
dans une brassée d’inspiration
C’était une tentative vaine baignée de tourments
accouplement de mots
qui n’engendrait que des pertes
Ombre et critique d’ombre
pour
RIEN
871
Cascades
Cascades de femmes claires sur ma chair affolée, je vois
descendre des désordres de beautés dans l’impossible
accouplement d’étreintes et de baisers.
J’appelle l’orgasme interdit, le galop des désirs
inassouvis, l’éblouissement du plaisir - je voltige.
Étonnement lucide et emporté dans le souffle de
l’imaginaire, je suspends ma raison et m’emporte dans l’idéal
poétique.
872
Le puits
Ainsi je me courbai pour pénétrer en moi
Un immense puits pour y chercher quelque substance
J’en ignorai la profondeur
Contradiction
la main gauche
Qui tenait l’échec dans la main droite et la victoire dans
pour le ciel
Ainsi était sans être, médiocrité pour la terre et gloire
Et cette constante opposition à gérer, à intégrer
873
Feux
Ose dans la lumière, et telle la première heure
Les lèvres balbutient d’étranges espoirs
Semences, bulbes, apothéoses,
Chrême, charme, sang d’émeraude
Encore je prétends, je suppose
Et telle supérieure, nul ne peut y accéder...
874
Il pense, je l’aide
parvenu
Certains soirs il pense et je l’aide à produire ce qui lui est
Cette production de lui à moi est brève
En tous lieux, est-ce une forme d’amour ?
Tout doit remonter vers la pensée
Je le sais, du moins je le crois
l’inspiration plonge au plus profond
la semence des génies est sublime espérance
Dieu peut-il nous diriger dans cette diversité ?
875
Brisures
I
Deux images d’autrefois, une paresse langoureuse
Me voici allongé sur le sable
II
Encore cette jeune fille une pour évoquer produire
extraire je l’appelle lui demande de m’aider
876
III
Recherchant la plus infime lettre
pour produire quelque peu
de mon miroir s’écoulent ou suintent
deux trois syllabes
encore cette nuit,
cette volonté
Applique-toi, comprends, pénètre
car il faut progresser
La mort n’avance pas au ralenti
tu ramperas dans le tunnel
puis éclateront les scènes de la vie
obéis, travaille, tais-toi et crains
877
IV
Sur la berge invisible,
putréfaction du Midi
lèvres pourries balbutiant des stupidités
espérances exterminées
rafales d’agression en moi
tourbillons de haine
basses limites détestables
878
Il y a montée
Il y a montée de sève exaltée
perception d’éblouissement
volonté d’accéder au Verbe
Mais l’action se ralentit,
s’exprime pauvrement
se meurt de désuétude
Il y a ces invendables additionnels
d’ennuis, d’idioties
de ricanements
la honte me coûte cher
879
Je suis ce que je pense
Je suis
ce que je pense
L’amas de livre derrière moi
symbolique comme la multiplication des pains.
Visibilité faible de la discipline
échanges légers entre amis
entre riens
préférant les choses de la raison
à l’éphémère soupçon
buvant dans l’espace
exploitant le legs
il faut s’adapter aux autres
percevoir les secrets
croître dans la fertilité
880
Avec le temps qui vieillit
Je déplie le passé
On a fixé le centre - je le déplace
puits en moi avec mémoire
avec plaies
Je suis peu, dites-vous ?
qui sait...
881
Tu ne parles
Tu ne parles qu’en proposant des faiblesses, des inutilités
sans germes, sans raretés, - tu souilles ma page. Quelle
symbolique ? Quelles paraboles ?
Il te faut la raison de l’expression, en évinçant
Alexandre, tu as besoin de penser avec certitude tout en faisant
redémarrer la machine à images.
Tu te construis une liste de livres pour l’hypothèse et le
miroir, évoluant dans ta souffrance. Ta volonté inachevée, te
permettra-t-elle d’accéder à quelque chose de suffisant ? Séparetoi
de la stupidité, de l’imbécillité qui gisent en toi.
Je ne suis plus rien, prétend-elle
L’on me fait la cour en fin de semaine
Traîtrise, abandon - peu, en vérité.
Mon âme oubliée, vais-je refaire ma façon ?
Mon âme tombe, beauté poudrée d’autrefois
Ou momie oubliée de tous - qu’ai-je à espérer ?
Vous êtes belle, écrit Deguy
882
Penche-toi que j’encule il faut lui dire
Loin, plus loin dans l’audace, dans le risque
De longues années à penser ensemble
Constamment à mes côtés, oui travaillons
Je crois en la mort de ton astre
Car tout est faiblesse et de moins en moins
Vous disparaissez se réjouir sur rien
883
Fiole mallarméenne
Fiole mallarméenne échappée par mensonge
d’un retour vers le passé éternel
exploitant l’ancien jeu désuet - je me crois -
cherchant les initiales F L
en signe de freinage sur les avirons
puis pénétrant un jardin impressionniste
à la Manet, à la Monet
par ce savant mélange
désirant du Phréatique
à la frontière, sur mon néant
Ou me projetant dans mes humeurs bibliques
884
Dans l’alibi
dans l’alibi
de l’audace,
du n’importe quoi
po sitions ato misées
pareilles à un électron satellite
me parvinrent des possi
hésitantes
possibilités
avec détresses psychologiques
anxiogènes et poétiques
Surmonter le silence qu’elles engendrent
885
Une immense fatigue
Une immense fatigue, un besoin de repos dans un vide
qui plonge indéfiniment pour aller y puiser quelque substance
d’intelligence
de nouveauté
Concevant encore un paysage de mots par
la magie de l’extraction
- sorte de puzzle, en vérité
886
Qui ?
Qui frappe aux portes de l’intime ?
Qui supplie, implore et gémit ?
maison ?
Qui est-elle, celle-ci, chatte avec patte sur la vitre de la
Pour quelle plongeante solitude, ai-je dessiné les abîmes
de mes interdits, les abysses de mes ténèbres ?
Et folle, tu voudrais m’accompagner ?
887
Oeuvre et existence
Dans la nécessité l’esprit de toujours progresser
De tendre vers son avenir de perfection
Il n’y a pas à choisir entre œuvre et existence
Il y a Oeuvre, tout simplement
Car il faut chasser sa ténèbre
sa médiocrité,
sa honte
Des traces, des marques ? Pourquoi ?
J’appelle cela la prétention
Cette gloriole humaine est ridicule
Il faut rejeter les honneurs
- je sais : ils vous tombent dessus
mais c’est encore du zèle
du temps perdu
et après il y aura les remords de la nuit
888
Les deux messies
Ni effroi ni crainte
Mais guère d’espoir
L’homme élu n’y croit pas
S’il croit c’est en son sauveur,
Le vrai Christ
Y a-t-il deux Christs ?
L’un religieux, l’autre civil ?
Peut-on être Christ
Sans être Juif ?
Dérision de l’être humain
Grandeur de la divinité
889
La légèreté d’un souffle
La légèreté d’un souffle. De grandes ailes s’affolent
Et tourbillonnent autour de la fille déesse,
Dont la chair est splendide. Sa poitrine s’émeut,
Ses deux seins comme des grappes orange
Se dressent et sursautent.
Oui, elle dévêtue, de magnifique naissance
S’emporterait-elle au-delà de la gloire ?
Comment ce corps d’idéale merveille
Épousera-t-il l’invisible immortalité ?
Des frissons s’émotionnent sur l’épiderme délicat.
Elle n’est qu’indifférence et mépris,
Cette splendeur de fille déesse au-delà des éthers !
C’est entre deux consciences
Que l’esprit invente
Que s’opposent, s’agressent
Et s’associent
Capacités et aptitudes entremêlées
Bien et mal peut-être.
890
Entre deux balancements
La pensée hésite
Certitudes contraires
De l’ombre et de la clarté
Corps et coeur,
Chair et esprit
891
Avec mon sang
Avec mon sang
Avec mon squelette, je marche
Des vents rouges m’emportent
Des décombres, des ruines me guident
Accompagné de solitude,
je marche
Au-delà du temps
Oui, exclu de tous et de toutes
Enveloppé par le mal dans un sac d’épines
Comme un maudit, je danse faussement
J’exige la paix, éclate la haine
dans ma demeure, sur mon chemin,
ici, là-bas
J’éjacule mes faiblesses
Est-ce cela ma vengeance ?
Je construis sur des espaces
nouveaux et inconnus
892
Et m’écoute écrire
Dans cette avalanche de livres
En vain, je produis
dans un secteur de pertes
et de médiocrités
Je creuse dans le sable
pour y extraire nul grain
Ce qui reste en moi-même
Est perte, est peu
Que puis-je faire ?
Je suis banni
nulle étincelle, nulle soie
nul frisson d’estime
Je cache mon visage
Je me préfère dans la ténèbre
le dialogue improvisé
Saccages, décombres
893
et honte avec boursouflements
d’écriture
Ainsi exclu dans ma chair
Voici les poèmes de médiocrités
mon sang, mon combat
l’idéale
Il y a l’amour de soi
la haine de soi
la volonté de mieux produire Hypnose
Ma femme s’appelle personne lente descente
Mes écrits refusent d’être lus pour y chercher
de perfection.
Quelle bêtise !
La force, l’action constantes
fabriquant du verbe
La beauté est endormie
dans l’ignorance de sa pureté
Elle s’imagine, suppose
mais à tort.
894
Coulent des livres ensanglantés de haine
de douleurs, de ridicule, d’insignifiant,
d’humiliation
Bariolé d’étincelles
phosphorescentes et incandescentes
Comment s’épanouir dans le cercle de lumière ?
Mais le front est vide
rien qu’une faible voix
qu’un murmure qui doucement
gémit
Nulle extase d’écriture
Seulement des faiblesses
frère ?
Ne plus y croire
Avoir la certitude de sa médiocrité
Chercher jusqu’au délire
Qui méprise son
Accéder au vertige Du peu, d’estime ?
Est-ce un frère ?
895
Fuir les fausses têtes couronnées
qui grandissent leurs ombres
alanguis sur des lits d’extase
Quelle est ma certitude ?
... pour y enfouir
son ombre
Un champ de déshonneur dans la honte
où l’on creuse son trou de la poésie ?...
pour se cacher
J’ai dit la vérité
Qui m’a cru ?
J’ai dit : comparer, vérifier
Qui pèse quoi ? Avez-vous lu ?
Voyez la science, la technique
Le temps accentue ma certitude, ce que j’écris est vrai
Ils se partagent
la chair des suppliciés
Horreur, massacre, et
Bourreaux,
qui le croirait ?
896
Personne évidemment.
Allez, plus loin dans l’exil
au profond de toi-même
pensées, ville de langages
de perception, d’insignifiants
Allez encore
interroge les profondeurs
extrais les racines
Scie ton crâne
comme une boîte à idées
Tu y trouveras peut-être d’étonnantes certitudes
dedans se trouve la substance de livres
Car c’est ta stupidité qui est à bannir
à chasser
Et nous, nous lisons ta production
avec un oeil moqueur
Tu as du sang, un assassin, de la souffrance, écris-tu ?
897
tout cela prête à rire
Que vaux-tu ? Rien
de peu..
Chaque lettre, chaque signe est une insignifiance, paroles
Chez toi, tout est faible
c’est de la médiocrité
et je connais ta place
Ton encre court de faiblesse en inutilité
et je sais ce que je dis
Ta place est derrière
ton encre s’oubliera
898
On lèche, on crache, on suinte
On lèche, on crache, on suinte
On se tord de douleurs
On supplie l’extase
On torture, on tue, on extermine
On implore, on supplie, on délire
Dans la trace de l’existence, de l’histoire
De vie dérisoire, inutile,
Particule ridicule
Infiniment peu
Qui rêve de vivre mieux
On crève cadavre de merde
On ne fait que perdre
899
Des vierges
Des vierges infiniment perverses
M’offrent le serpent à boire
La texture de peau est belle
À voir à prendre à lécher
Des vierges dans des rêves illusoires
Quémandent un plaisir détourné
Par-derrière l’image interdite
De rites, de vices, d’excréments
Blancs et purs, élaborés, soignés
De douleurs, d’extases, d’excès
D’ivresses, alanguies, endormies, éternelles
900
Dans la vitrine
Dans la vitrine, la pierre multiple
oui, moi, moi encore
Les petites quantités qui accumulées semblent
représenter des tonnes
L’oppression des tortionnaires, les pourritures de chiens
Travaille, nettoyer, construire
Tant à penser...
Il me faudra des mois, des années certainement,
si j’y parviens
C’est se donner beaucoup d’ouvrages,
c’est nécessaire pour exister
prétendu que
La conscience qui était en moi a détesté, a rejeté, a
Aujourd’hui tout me semble insignifiant
901
la faiblesse est en moi
Je regarde par la fenêtre cet hiver blanc
à 13° et ces trois heures d’ensoleillement quotidien
Aujourd’hui produire me semble peu
le médiocre surnage
exemple !
Avance Mimosa, annonce janvier - le 15 - le 8 par
Nous sommes le 29 décembre, Messages VI s’achève, je
pense à Résonances, titre du nouveau recueil 97.
On verra bien - le problème est de gérer, d’informatiser
170 bouquins à passer encore.
902
MESSAGES
903
TABLE DES MATIÈRES
MESSAGES I
Quelle trouée d’azur
Finir seul
Conscience
Nourriture messianique
Le sel
Sel
Fille d’orgasme
Le peintre
J’écris
Finalité
Besoin d’écrire
Le chant peut commencer
L’oiseau transparent
Le désir de produire
J’exploite une blessure
Une pensée de vieillard
904
Interrogation
Persécution
Les armes dérisoires
La pensée épanouie
Lanières tendues
I
II
Probabilité poétique
Fils de l’insignifiant
Un rêve
Commencement
Analyse
Expression écrite
Écriture I
II
III
IV
V
Pensées souveraines
Filles dévêtues
La phrase
905
Oubliés
Psy
Les pensées, ces fleurs
La femme, cette ennemie
Le doute
Désirs
Éblouissements de nuit
Ouverture sur fenêtre
Une existence d’effacement
La cité intérieure
Je suis rien
L’écriture poétique
Je sais mille espoirs
À présent
Nervures du temps
C’étaient des années...
Habillé, délaissant...
Petite vie
Alors le temps...
Segments
Il n’y a pas d’issue
Éclats sonores !
J’écris...
906
Intérieur
La beauté s’éloigne
Pensées de colère chaude
Les yeux lumineux
Personne, répondait le silence
Il y a quatre lustres
Ici se meurt
Toi
Vie d’écrivain I
II
Dialogue Poétique I
II
III
Tu le savais
Quel sublime triomphe
De ta mort, on se rit
Retour
J’entrais
Je suis clair
Deux demi sonnets I
II
La licorne
Verse-sang
907
Tu es mort
Soleil éclair...
Refus
Du soufre
Une fille
Ta mort m’ensanglante
Il s’endormit
Ce n’est pas la douleur
Fragment de ciel I
II
III
IV
V
VI
Pierre
Encore se taisaient
Le matin du prophète
L’âme se nourrit
Analyse
Traces de mémoire
Plainte d’automne
Pourtant
908
L’esprit humain
Avec la constance d’ombre
Vaste labyrinthe
Jeunesse et règne et fin
Toi et moi
I
II
III
IV
V
VI
Beauté, je te délaisse
La nuit
Espérer, Avenir ?
909
MESSAGES II
Tu peux hurler
Encore
Une idée vraie
Assailli
Les deux maîtresses
Je lis Paul
Surgissent
Beauté, je te propose le poème
Femmes décoiffées
Poète
Mon avenir
Terre de souffrance
Parler avec soi-même
Nuit
Par toi
Je suis sans être
L'écho
Visage
Constance
Le miel du poème
910
La chaleur
Aubes claires et bleues
Dans la plaine chimérique
La tempête
Vagabond
La rumeur
La quantité, le temps
Jeunesse
Antagonistes
Gain économique
L'homme supplie
Limite
Question
Sanctification
Renouveau
La beauté d'Hélène
Envole-toi !
Grands esprits - I
II
III
La soumise
Paroles certifiées
Conflit interne
911
Les démons
Conscience
Mon lit
Fils, fils
Les poétesses sont venues
Le veilleur
Les femmes aussi sont venues I
II
Trouverais-je ?
1695 - L'amour-propre
Pur midi
Les deux valets
Le nobliau breton
Le veilleur
Le critique averti
Le château d'enfance
Ce langage
Supplique
Canicule
Le feu
912
L'araignée I
II
III
IV
La cité intérieure
Plus claire
Amants subtils et profonds
Inspiration
Question
Sound And Music
La pensée
Lieu de vie
Sphère de mots
Quelle suffisance ?
Confessions
Travail
Le poète d'ombre
Visite
Sainte
Certitude
Liberté de douleurs
Encore
Méfie-toi
913
La violence
Trois points
Grande pensée
Couloirs, couloirs
Cette vie
La pureté
Fuite intérieure
Alerte
Je suis dans l'invisible
Conseil à la mort
Tombeau caché
S'éveiller
J'attends l'espoir
Suis-je ardeur ?
Le marcheur solitaire
L'appel
L'amante
À l'horizon de l'écriture
Enfuis-toi
L'espoir s'épuise
Lumière
On vit inconnu
Acte d'écriture
914
Les images
La pensée hallucinée I
II
Quel Alpha ?
Créatifs et ignorés
Toi, mon innocence
Que dit la Mort ?
La beauté s'épuise
L'éclair de sel
Femme qui frissonnes
Grande pensée
915
MESSAGES III
Grand esprit, me voici
L’insomnie
Pour le poème
Je marche
L’existence
Fatuité
Dit
Et dit autrement
Inaptes à convaincre
Pensée sereine
L’insatisfait
L’imagination
La jeunesse fusillée
Le mépris
Évidence
Confession
Nous faisons le chemin
916
Nulle intelligence
Disons
Nous construisons
Répétition
L’infini poétique
Filles décoiffées
Vie
Le mépris
Météorites
Le cancer du mal
Serons-nous demain
Pensée qui descends
La gloire du maudit
Ai-je chanté, chanté l’espoir
Le souffle reste enfermé
La chair et l’esprit
Constat
Ouvrir sa conscience
Dis-moi
Il respire, il pense
Pas assez creusé
Interrogation
Dis-moi, stérilité
917
Les deux voies
Le jour se pense
Le jardin
Je m’étais purifié
Le médium
Esprit et vitesse
Éloge
Isabelle II
Une pure sphère
L’oubliée
Méprisant
Beauté, ma certitude
Je relie
Elle et moi
Le poète
Midi, supérieur et pur
Je ne sais
Une beauté
Essaie de te faire efficace
L’été de notre vie
Bondissaient
Je vois tout l’intérêt
Analyse
918
Monde perdu
Chair dans l’âme
Si je m’enfuis
Combien sont à mépriser
Pensée
Envolées
Sur le cercle
Analyse nocturne
La mort te cloue
Profondément vers toi
Offrandes
Le vent rouge
919
MESSAGES IV
Quelle trouée d’azur
Finir seul
Conscience
Nourriture messianique
Le sel
Sel
Fille d’orgasme
Le peintre
J’écris
Finalité
Besoin d’écrire
Le chant peut commencer
L’oiseau transparent
Le désir de produire
J’exploite une blessure
Une pensée de vieillard
Interrogation
Persécution
Les armes dérisoires
920
La pensée épanouie
Lanières tendues
I
II
Probabilité poétique
Fils de l’insignifiant
Un rêve
Commencement
Analyse
Expression écrite
Écriture I
II
III
IV
V
Pensées souveraines
Filles dévêtues
La phrase
Oubliés
Psy
Les pensées, ces fleurs
La femme, cette ennemie
Le doute
921
Désirs
Éblouissements de nuit
Ouverture sur fenêtre
Une existence d’effacement
La cité intérieure
Je suis rien
L’écriture poétique
Je sais mille espoirs
À présent
Nervures du temps
C’étaient des années...
Habillé, délaissant...
Petite vie
Alors le temps...
Segments
Il n’y a pas d’issue
Éclats sonores !
J’écris...
Intérieur
La beauté s’éloigne
Pensées de colère chaude
Les yeux lumineux
Personne, répondait le silence
922
Il y a quatre lustres
Ici se meurt
Toi
Vie d’écrivain I
II
Dialogue Poétique I
II
III
Tu le savais
Quel sublime triomphe
De ta mort, on se rit
Retour
J’entrais
Je suis clair
Deux demi sonnets I
II
La licorne
Verse-sang
Tu es mort
Soleil éclair...
Refus
Du soufre
923
Une fille
Ta mort m’ensanglante
Il s’endormit
Ce n’est pas la douleur
Fragment de ciel
I
II
III
IV
V
VI
Pierre
Encore se taisaient
Le matin du prophète
L’âme se nourrit
Analyse
Traces de mémoire
Plainte d’automne
Pourtant
L’esprit humain
Avec la constance d’ombre
Vaste labyrinthe
924
Jeunesse et règne et fin
Toi et moi
I
II
III
IV
V
VI
Beauté, je te délaisse
La nuit
Espérer, Avenir ?
925
MESSAGES V
Le risque, l’audace
Retourne d’où tu t’en viens
Dès
Non-sens
Un papillon de rêve
Délivre-moi
L’épouse du poète maudit
Qui accepta
Il
Moi et Moi 1 - 2
Analyse et solution
À personne
Il est temps
L’exactitude poétique
La soie
La constante recherche
What’s a shame !
Ténacité
926
A JAD WIO
Exécutée
Où est ta fuite ?
Chacun sa vie
Souvenirs
I
II
La femme insecte
Peuple d’images
Hors la chair
Un corps et une âme
Plus que vide
Monde élevé
Dans le monde
Morceaux
I
II
III
IV
V
Que peux-tu ?
Un frisson
Qui
927
Es-tu ?
Morceaux de vie
Monde fuyant
Autre monde
I
II
Un endroit
Quel avenir
Le monde sera
Non pas un monde, mais des mondes
Un autre monde
Le possible
Rappel
J’espère être
En attendant le procès
Orgueil
Le chemin
Le suicide beau
Tranche de vie
Évidence
Constat
Pour l’autre monde
La survivance
928
Le chemin
Parfois, parfois
I
II
III
IV
I
II
III
IV
I
II
Thora
Coup de fouet
Paroi la mort
Pensées claires
I
II
Ailleurs
Naissance du poème
Idem
I
II
929
III
IV
En toi
I
II
III
IV
Rien et maudit
I
II
III
I
II
MAC
930
MESSAGES VI
Vie avec
De chair
Enfouies les racines
On tue celui qui sait
Qui croire ?
Nous sommes en-vivants
AU SECOURS
TRASH
Compris
Le poème s’enfuit
Chacun s’assure
Inventant un retour
L’après
Ainsi hurle-t-il
Le je suppose, Le je sais
Nous luttons contre l’usure du temps
931
Madame 1
2
3
4
Excitant le stupide
Recherches de distances
1
2
3
Mémoire
En toi
Les armes de l’Oint
Obsession consiste
I
II
III
L’esprit avance
La lumière insistait
Les objets
932
Pourquoi Moi ?
La science du poème
Cherche à savoir
Nul ne fut plus hanté
Cependant ils refusaient
Au poète
Le nuit, je pénètre
J’ai espéré
La fuite
Lui s’éloigne
Beaucoup de vent, l’œil sur le papier
Elle reviendra
Le coq
En lui
Accède
Imagine
Vivante mais irréelle
Jouissance/souffrance
Souffle d’extase
Le temps/l’inspiration
La pensée en folie
L’homme lucide
La défaite
933
Songe à l'écart
Nous reviendrons
Grand esprit
I
II
III
IV
V
Nous invoquons
Au cœur de soi-même
Sucs princiers
Ton avenir
Hautes pensées
Soir d’ignorance
Le poison
Grèce, Elytis, etc. I
II
Vie
Confession
Derviche tourneur
Après une longue errance
Oui, plongeant
934
À Camus I
II
Ici, là
I
II
III
Au plus profond du Moi
Mes mains purifiées
I
II
À la recherche du Non-signifiant
Le temple
D/Dd
Cascades
Le puits
Contradiction
Feux
Il pense, je l’aide
Brisures
I
II
III
IV
935
Il y a montée
Je suis ce que je pense
Tu ne parles
Fiole mallarméenne
Une immense fatigue
Qui ?
Œuvre et existence
Les deux messies
La légèreté d’un souffle
Avec mon sang
On lèche, on crache, on suinte
Des vierges
Dans la vitrine
936