Marseille 1943 - Martine VASSAL
Marseille 1943 - Martine VASSAL
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tardent pas à dégénérer. Le 3 janvier <strong>1943</strong>, peu avant 20 heures, l’hôtel<br />
Splendide, situé boulevard d’Athènes, au pied des escaliers de la gare Saint-<br />
Charles, et utilisé par les autorités allemandes comme lieu de réunion et de<br />
séjour, est la cible d’engins explosifs. L’attentat, perpétré par un groupe de<br />
Francs-Tireurs partisans – Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI), blesse une<br />
huitaine de personnes. Un maître d’hôtel français et la femme d’un attaché<br />
du consulat général d’Allemagne succomberont à leurs blessures. Quelques<br />
minutes plus tard, un autre groupe fait sauter une maison de tolérance<br />
réservée aux troupes d’opération, rue Lemaître. Les blessés sont nombreux,<br />
dont deux gravement atteints. L’état de siège est proclamé le 5 janvier par<br />
le général Walter Mylo, commandant de la place de <strong>Marseille</strong>, sur ordre du<br />
maréchal (Generalfeldmarschall) Gerd von Rundstedt, commandant en chef<br />
des forces Ouest du Reich, avec interdiction de circuler et couvre-feu à<br />
partir de 18 heures.<br />
Des opérations de représailles sont décidées : le 18 janvier, Heinrich<br />
Himmler, chef des SS, signe une directive secrète imposant notamment<br />
l’arrestation des criminels de <strong>Marseille</strong> et leur déportation vers l’Allemagne,<br />
avec « un chiffre rond de 100.000 personnes environ », ainsi que la<br />
destruction du « quartier criminel » qu’est le quartier nord du Vieux-Port,<br />
d’où sont censés provenir les auteurs des attentats. L’opération Sultan est<br />
sur le point de démarrer.<br />
Ce quartier, que les anciens connaissaient sous le nom de quartier Saint-<br />
Jean, était réputé concentrer toute la lie de la Méditerranée. Son histoire est<br />
liée à celle des pêcheurs, des marins, des dockers ; c’est un quartier refuge<br />
aux allées étroites, aux passages sombres, aux maisons hautes et souvent<br />
décrépies. Certaines rues sont en partie vouées à la prostitution. Entre<br />
l’Hôtel de Ville et l’Hôtel-Dieu, quelques immeubles témoignent d’une<br />
richesse passée. Mais dans les années 1940, Saint-Jean était comparé dans<br />
la littérature à Suburre, quartier le plus malfamé de la Rome antique, où les<br />
pauvres s’entassaient dans des bâtiments menaçant ruine, où les passants<br />
risquaient leur vie à chaque coin de rue et où les prostituées se vendaient<br />
pour quelques sous dans des lupanars insalubres.<br />
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