03.04.2013 Views

Juin 2008 10 - cmsea

Juin 2008 10 - cmsea

Juin 2008 10 - cmsea

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Rive.s<br />

De la Dourbie, de la Durance et de la Clarée, de la Fensch, du Lot, de la Moselle, de la Nied, de l’Orne, de la Rosselle, de la Sarre, de la Seille…<br />

CMSEA<br />

“La vie est un long fleuve tranquille”<br />

Nous sommes bien placés pour le savoir…<br />

<strong>Juin</strong> <strong>2008</strong> <strong>10</strong><br />

Bulletin de liaison du Comité Mosellan de Sauvegarde de l’Enfance, de l’Adolescence et des Adultes


Rive.s<br />

CMSEA<br />

Présidente :<br />

Marie Riblet<br />

Directeur Général :<br />

Hubert Dollen<br />

RIVE.S<br />

Directeur de publication :<br />

Arsène Amen<br />

Equipe technique :<br />

Marie-Claude Rainville,<br />

Elodie Leydinger<br />

Contact :<br />

CMSEA, 47,<br />

rue Dupont des Loges<br />

57000 METZ - 0387754028<br />

E-mail :<br />

a.amen@<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />

Réalisation<br />

Conception graphique<br />

Matthieu Evrard-Sidot<br />

Imprimeur<br />

28740 - Imprimerie Léon LOUIS<br />

57220 BOULAY<br />

Avertissement au lecteur<br />

Les opinions exprimées<br />

dans les articles n’engagent<br />

que leurs auteurs.<br />

Ces articles ne peuvent être<br />

reproduits sans autorisation.<br />

Celle-ci doit être demandée à la<br />

Direction Générale du CMSEA<br />

Retrouvez Rive.s sur le<br />

nouveau site du CMSEA :<br />

www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />

Si RIVE.S <strong>10</strong> s’épaissit quelque peu par rapport à ses numéros précédents<br />

c’est sans doute que les sujets ne manquent pas, mais c’est également dû<br />

à notre difficulté à tenir le rythme de 2 numéros par an ; ce qui en soi n’est<br />

pas énorme, mais représente de nombreuses heures de travail que ceux qui<br />

animent la revue sont obligés de soustraire à leur activité habituelle. Ils n’y<br />

parviennent plus, pour l’instant…<br />

Mais heureusement il y a les stagiaires, deux stagiaires du master « Expertise<br />

et ingénierie des politiques publiques et sociales » et d’un 3ème qui<br />

vient de terminer une licence de « communication », tous de l’université<br />

Paul Verlaine de Metz.<br />

Les deux premiers ont apporté leur contribution à la réalisation du dossier<br />

particulièrement consistant, qui a pris pour l’occasion la place du Cahier<br />

interne, Il s’agit de Valentine TAGU, qui termine son master cette année<br />

et d’Alexandre GILQUIN qui finit sa première année.<br />

Le troisième stagiaire s’est invité opportunément pour nous proposer de<br />

travailler sur la présentation de la revue, sa mise en page. Au vu du résultat<br />

nous pensons qu’il a bien fait de passer par là.<br />

Il s’appelle Matthieu EVRARD-SIDOT.<br />

Un merci très chaleureux à eux pour la qualité de leur travail et la fraîcheur<br />

de leur présence.<br />

CMSEA<br />

En couverture, «Les signes du temple» par Audrey Salzard, <strong>2008</strong>. Un merci tout<br />

spécial à cette jeune artiste messine pour une toile aux pastels réalisée tout<br />

spécialement pour ce numéro <strong>10</strong> de Rive.s.


Editorial<br />

La fermeture d’un établissement, en l’occurrence une Maison d’Enfants à Caractère<br />

Social, ne peut manquer de soulever une multitude de questions quant au travail réalisé<br />

par les acteurs du secteur social et médico-social, à sa reconnaissance et à son<br />

utilité, mais surtout quant au service rendu aux usagers. Une fermeture de ce type,<br />

dite «administrative», représente un problème pour tout le monde, l’administration,<br />

les magistrats, l’association gestionnaire, les salariés, les usagers, et les partenaires.<br />

La décision prise revêt un caractère exceptionnel et génère des inquiétudes de toutes<br />

sortes, que la communication qui en est faite ne suffit généralement pas à lever. Si l’on<br />

exclut l’hypothèse de l’erreur administrative (comme on a pu parler d’erreur judiciaire<br />

à propos de l’affaire d’Outreau), on est bien obligé d’affronter des questions plus fondamentales<br />

qui ont à voir avec la qualité du service rendu dans nos établissements,<br />

les critères d’appréciation de cette qualité, le contexte institutionnel et politique dans<br />

lequel la décision est prise…<br />

Les violences institutionnelles existent, ici comme ailleurs, dans l’action sociale ou<br />

médico-sociale comme à l’Education Nationale, dans les administrations comme dans<br />

les entreprises privées, dans les organisations syndicales comme dans les organisations<br />

politiques, dans les assemblées de fidèles comme dans les assemblées d’élus ,<br />

et ainsi de suite…<br />

Le problème est de savoir ce qu’on fait de ces violences institutionnelles; au-delà du<br />

droit et des lois, quels sont les mécanismes de régulation mis en place pour diminuer<br />

ou contrer ces violences, pour en refuser la banalisation, peut-être même pour en anticiper<br />

l’expression et en endiguer les effets. Le débat qui s’ouvre actuellement sur une<br />

politique européenne de contrôle de l’immigration montre l’étendu de la difficulté, dans<br />

la mesure où il met en évidence l’absence même de consensus sur des principes aussi<br />

universels que l’égale dignité des personnes.<br />

Dans notre secteur la loi 2002-2 a repris cette question frontalement, cherchant à limiter<br />

les abus de l’organisation de la prise en charge par un ensemble de dispositions<br />

obligatoires, censées permettre aux usagers et à leurs représentants d’avoir une prise<br />

réelle sur la manière dont on prétend leur rendre service.<br />

Mais les moyens, les outils dont nous nous dotons ou ceux qu’on nous imposent, ne<br />

valent que par la manière dont nous les utilisons. Ceux qui découlent de l’obligation<br />

d’évaluation interne nous aideront peut-être cette année à mieux maîtriser la manière<br />

dont nous prétendons respecter l’esprit de la loi dans l’application de ses diverses dispositions.<br />

D’une façon plus générale, la régulation est avant tout une affaire de maintien d’un<br />

équilibre dans un milieu donné. Lorsqu’il s’agit du milieu humain on parlera d’équilibre<br />

dynamique, qui repose sur le principe d’ajustement des rapports au sein d’un système<br />

donné et avec son environnement, plutôt que sur celui de la permanence invariable du<br />

système.<br />

L’information en constitue l’élément moteur, l’énergie même de ce système. A ce jour<br />

je reste frappé par l’opacité, et parfois le mystère, qui entoure bons nombres de décisions<br />

prises dans notre secteur d’activité, donc par la difficulté de considérer l’autre<br />

comme capable et digne de partager de façon constructive les données d’un problème,<br />

dont la résolution supposera, tôt ou tard, la mise en cohérence d’un ensemble complexe<br />

d’acteurs et de réseaux de décisions.<br />

Arsène Amen<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Editorial<br />

Arsène Amen<br />

1


Rive.s<br />

3<br />

12<br />

26<br />

40<br />

<strong>10</strong><br />

D’une rive à l’autre, vie associative<br />

Hommages à Jean Faust<br />

Assemblée Générale, les orientations associatives<br />

Le protocole de mise en oeuvre du référentiel associatif d’évaluation<br />

interne<br />

Le Téléthon 2007<br />

Au fil de l’eau, le CMSEA à travers la presse<br />

Le CMSEA au travers du sport<br />

de la solidarité<br />

Reflets et courants, le dossier de Rive.S<br />

Contre-Courant, tribune libre<br />

Les jeunes des banlieues et la ville<br />

Prendre son temps dans l’urgence<br />

Partager le plaisir d’une rencontre<br />

Vivre avec l’inacceptable<br />

des actions de prévention / sensibilisation<br />

de fêtes et d’inaugurations<br />

Alluvions, rapports - recherches<br />

Handicap et scolarisation<br />

PROCORA, les enjeux du référentiel d’activité<br />

Recherche - Action<br />

L’impact de la famille algérienne<br />

page 3<br />

5<br />

7<br />

<strong>10</strong><br />

12<br />

16<br />

18<br />

22<br />

26<br />

30<br />

34<br />

39<br />

40<br />

46<br />

54<br />

57


D’une rive à l’autre<br />

Vie associative<br />

Hommages<br />

JEAN FAUST est décédé le <strong>10</strong> mai dernier, à l’âge de 77 ans.<br />

Il a été Directeur Général du CMSEA DE 1963 à 1992.<br />

Hommage(s)<br />

Nous reproduisons ci-dessous l’hommage que lui ont rendu Christian RUZE et<br />

Hubert DOLLEN lors de ses obsèques.<br />

Hommage de Christian Ruzé<br />

Vie associative<br />

«Parler en quelques mots de la vie de Jean Faust<br />

n’est pas chose aisée, tout d’abord parce que sa<br />

vie a été si riche, si remplie, si diverse qu’il est<br />

difficile de ne retenir que les points essentiels<br />

qui peuvent caractériser ce qui a été son existence.<br />

Ensuite parce que Jean a beaucoup compté<br />

dans ma vie, nos mères étaient deux soeurs<br />

très proches et nos vies se sont un peu déroulées<br />

en parallèle, se croisant souvent même. Je<br />

l’ai toujours considéré comme mon grand frère<br />

que je n’ai pas eu, et lui a eu pour moi, avec la<br />

discrétion qu’on lui connaît cette attention que<br />

peut avoir un frère pour son cadet.<br />

Jean Faust est né le 13 juin 1931 de Emma<br />

GRASS et Joseph FAUST.<br />

Quand éclate la seconde guerre mondiale, il a<br />

8 ans. Une partie de notre famille fuit la Moselle<br />

et part se réfugier dans la Sarthe à Sablé. Puis<br />

c’est la débâcle, l’armistice et la re-annexion de<br />

l’Alsace Lorraine par l’Allemagne. La famille doit<br />

rentrer en Moselle. Les parents de Jean décident<br />

eux de se réfugier en zone libre, et plus<br />

précisément à Aspet, près de Saint-Gaudens en<br />

Haute-Garonne où ils resteront jusqu’à la Libération.<br />

C’est là qu’il a découvert la spéléologie qui est<br />

devenue plus tard l’une de ses activités associatives<br />

et sans doute qu’il a pris goût à la pêche à<br />

la truite dans les torrents pyrénéens.<br />

A la fin de la guerre, ses parents reviennent<br />

en Moselle. Jean entre dans les mouvements<br />

de jeunesse florissant en cette période et notamment<br />

dans le scoutisme par les Scouts de<br />

France et les Routiers plus tard.<br />

Après ses études secondaires son intérêt pour<br />

les mouvements de jeunes l’amène tout naturellement<br />

à envisager de devenir éducateur<br />

spécialisé. C’est à Angers qu’il débute dans le<br />

métier tout en militant dans les scouts marins.<br />

Son premier poste d’éducateur le conduira à<br />

Lyon plus précisément dans l’une des trois rares<br />

écoles d’éducateurs existant à ce moment en<br />

France avec Paris et Montpellier. Il sera à l’époque,<br />

un des premiers éducateurs spécialisés de<br />

Moselle à détenir le diplôme de l’Institut de Psychopédagogie<br />

de Lyon. Dans son premier poste<br />

en établissement spécialisé à Lyon il connaîtra<br />

Maguy, jardinière d’enfant, et qui deviendra sa<br />

compagne et sa femme. De leur union naîtront<br />

trois enfants : Pascale, Didier et Rémy.<br />

Poursuivant sa carrière professionnelle il rejoindra<br />

en 1958 le Comité Mosellan de Sauvegarde<br />

de l’Enfance des Adolescents et des Adultes<br />

(CMSEA) et créera à Faulquemont le premier<br />

établissement: le foyer du jeune Travailleur en<br />

1959. Il prendra en 1963 la direction de cette<br />

Association et contribuera à la création de nombreux<br />

établissements et services de cette structure<br />

jusqu’à sa retraite en1992. Au total à son<br />

départ l’association comptait 35 établissements<br />

et services accueillant environ 3000 personnes<br />

et employait près de 800 salariés. Homme de<br />

conviction, passionné par son métier, il aura su<br />

entraîner avec lui de nombreux hommes et femmes<br />

qui vont constituer ce réseau professionnel<br />

tout à fait exceptionnel dans le département.<br />

Plein d’activité il aura aussi contribué au développement<br />

du sport local et notamment du handball<br />

pendant de nombreuses années. Il a été<br />

arbitre, trésorier puis secrétaire général de la<br />

ligue lorraine de handball de 1965 à 1969.<br />

La spéléologie connue dans son enfance le retrouve<br />

et il participera intensément à ce sport<br />

en créant en 1975, un club de spéléologie dénommé<br />

«Le Graoully», par lequel il emmène de<br />

nombreux des établissements en stage de dé-<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Hommages<br />

à Jean Faust<br />

C. Ruzé<br />

3


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Hommages à<br />

Jean Faust<br />

H. Dollen<br />

4<br />

Hommage(s)<br />

couverte et leur donne ainsi l’occasion de briser<br />

le rythme de l’internat, et de découvrir de nouveaux<br />

horizons. Dans cette pratique sportive, il<br />

a été membre du conseil d’administration de la<br />

fédération française de spéléologie.<br />

La pêche fut également une de ses passions, en<br />

rivière, en étang mais il ne ratait pas l’ouverture<br />

de la truite et partait avec sa femme et leur<br />

camping-car, il est allé aussi pêcher le saumon<br />

au Canada et le gros en Afrique.<br />

Sa retraite professionnelle n’arrêtera pas son<br />

besoin d’activité et longtemps encore il a continué<br />

à assumer des responsabilités syndicales<br />

au sein du syndicat national des associations<br />

de sauvegarde de l’enfance de l’adolescence et<br />

des adultes comme administrateur et délégué<br />

régional.<br />

La perte subite et prématurée de son épouse en<br />

2003 l’affectera considérablement et marquera<br />

un arrêt dans ses activités. Il consacrera alors<br />

son temps à sa famille et notamment à ses petits<br />

enfants dont il était fier: Etienne, Didier,<br />

Catherine, Kelian et Maëlia.<br />

Homme d’une discrétion exemplaire il se sera<br />

toujours effacé derrière la tâche à accomplir,<br />

préférant comme il le disait lui-même laisser<br />

les honneurs aux autres. Inflexible sur ses principes<br />

professionnels et tenace sur les objectifs<br />

qu’il voulait atteindre pour le bien du public des<br />

personnes handicapées ou en difficultés, il savait<br />

être d’un dévouement sans limite et serviable<br />

pour les causes ou les personnes qui le<br />

sollicitaient.<br />

Jean tu laisseras le souvenir d’un homme droit,<br />

sincère, dévoué, d’un pionnier infatigable, d’un<br />

ami sans faille, d’un frère toujours présent et<br />

d’un parent exemplaire.»<br />

Christian Ruzé<br />

Président de l’Association Promotion Emploi Formation<br />

Hommage de Hubert Dollen<br />

Vous rencontrez parfois une personne qui vous<br />

marque dans la vie, et qui vous sert de référence,<br />

longtemps, inexplicablement. Vos contemporains<br />

qui le fréquentent également peuvent<br />

bien éprouver des sentiments moins forts à son<br />

égard, elle est, elle reste pour vous une référence.<br />

Jean Faust a été cet homme là pour moi et<br />

pour quelques uns d’entre nous. Il en imposait,<br />

comme on dit familièrement. Il en imposait<br />

naturellement et peut-être aurait-il pu se<br />

dispenser des piques régulières qu’il adressait<br />

à ceux qu’il affectionnait. Mais c’était Jean, et<br />

faire partie de ses amis se méritait.<br />

Il savait à merveille ce qu’est la fonction de Directeur<br />

Général dans une association dont il avait<br />

connu chaque élément, pour l’avoir construite,<br />

façonnée, puis laissée libre d’évoluer.<br />

Personnalité incontournable de l’action sociale,<br />

de l’Education Surveillée devenue Protection<br />

Judiciaire de la Jeunesse, Jean Faust a été à<br />

l’origine directe et partie prenante de toutes les<br />

évolutions majeures des politiques sociales. De<br />

l’ordonnance de 45 à la loi de 58, de l’engagement<br />

du CMSEA au service des déficients intellectuels,<br />

de la création de la Prévention Spécialisée<br />

à la prise en compte de la toxicomanie<br />

jusqu’à l’aide à l’insertion des personnes en difficulté,<br />

il a été de toutes les créations, de toutes<br />

les évolutions, à la pointe de tous les combats.<br />

Sa participation à la vie citoyenne ne s’est pas<br />

limitée à l’action sociale proprement dite mais<br />

s’est étendue à la jeunesse et aux sports, au<br />

handball et à la spéléologie en particulier.<br />

On peut mesurer son action aujourd’hui en<br />

nombre d’établissements et services ou de secteurs<br />

d’activité. D’autres compteront en nombre<br />

de salariés ou en chiffre d’affaire… Qu’importe !<br />

Je préfère pour ma part imaginer le nombre de<br />

personnes, enfants, adolescents et adultes qui<br />

ont été accompagnées et aidées dans la sauvegarde<br />

de leur dignité et de leur autonomie,<br />

grâce à lui. Car ce qui compte vraiment, c’est<br />

ce qu’il nous a laissé dans le cœur – il aurait dit<br />

les tripes – cette volonté que personne ne reste<br />

au bord du chemin au prétexte que la vie ne lui<br />

avait pas fait de cadeau et que c’était juste la<br />

faute à pas de chance.<br />

Sa participation à cette construction de la vie<br />

collective a été largement reconnue par la République.<br />

Titulaire des plus hautes médailles et<br />

distinctions des ministères de la Justice, de la<br />

Jeunesse et des Sports, il avait reçu les insignes<br />

de chevalier de l’ordre national du Mérite lors de<br />

notre cinquantième anniversaire.<br />

Si la République a reconnu ses mérites, il est<br />

plus que probable que le Dieu auquel il croyait<br />

fera de même. Et que cela soit dit sans que personne<br />

n’y voie de blasphème il paraît, Jean, que<br />

là-haut la pêche est toujours miraculeuse. Je<br />

suis sûr que tu t’y plairas bien.<br />

A ses enfants, et qu’ils n’y voient eux non plus<br />

aucune offense, je voudrais dire : moi aussi, en<br />

quelque sorte, j’ai perdu un père.<br />

Hubert Dollen<br />

Directeur Général du CMSEA


assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />

Les orientations associatives pour <strong>2008</strong><br />

«Vous êtes adhérents, réunis en Assemblée<br />

Générale, organe qui regroupe tous les membres<br />

de l’association et détermine sa politique.<br />

Le Conseil d’Administration, le Bureau et son<br />

Président, aidés par les Commissions et la<br />

Section des Parents et Amis des Déficients Intellectuels,<br />

les Directeurs et les Professionnels<br />

de notre Association mettent cette politique en<br />

pratique.<br />

Vous pouvez également formuler vous-mêmes<br />

des orientations puisque vous êtes là pour définir<br />

cette politique.<br />

Si ces orientations sont reprises en compte par<br />

l’Assemblée Générale, elles seront étudiées par<br />

le Bureau et, suivant leur opportunité et leur<br />

faisabilité, elles seront mises en œuvre par le<br />

Conseil d’Administration.<br />

Dans les orientations que vous aviez approuvées<br />

pour 2007, nous nous étions engagés<br />

tout particulièrement dans 3 grands domaines<br />

de l’activité du CMSEA:<br />

• Celui de la prise en charge des personnes qui<br />

nous sont confiées<br />

• Celui de notre participation à l’évolution des<br />

pratiques institutionnelles<br />

• Celui des conditions de travail dans nos établissements<br />

et services.<br />

Concernant le premier point nous avons,<br />

conformément aux attentes du législateur, mis<br />

en place les Contrats de Soutien et d’Aide par<br />

le travail dans les ESAT, afin d’avancer sur le<br />

statut social et professionnel des travailleurs<br />

handicapés. Nous avons également entrepris<br />

un travail de formation et d’élaboration d’un<br />

référentiel associatif d’évaluation interne, dans<br />

assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />

L’Assemblée Générale du<br />

CMSEA s’est déroulée le 29<br />

mai dernier dans les locaux de<br />

l’ESAT «Les ateliers de Blory»,<br />

sous la présidence de M. Daniel<br />

DELREZ.<br />

Les orientations associatives<br />

pour <strong>2008</strong> ont été présentées<br />

par Evelyne Trémoulière<br />

d’Alexandre, secrétaire générale.<br />

le cadre de la commission de suivi de la mise<br />

en œuvre de la loi 2002-2.<br />

Nous n’avons par contre pas réussi à étendre<br />

la mise en œuvre de Conseils de la Vie Sociale<br />

dans les établissements autres que ceux du<br />

secteur de la Déficience Intellectuelle, à l’une<br />

ou l’autre exception près.<br />

S’agissant de notre participation à l’évolution<br />

des pratiques institutionnelles, nous avons<br />

soutenu et promu de multiples expériences<br />

de mise en commun d’initiatives destinées à<br />

améliorer l’insertion sociale et professionnelle<br />

des jeunes, quelle que soit la nature de leurs<br />

difficultés, avec l’aide de différents partenaires,<br />

notamment l’Association Promotion Emploi<br />

Formation (APEF), l’Organisme Central de<br />

Technologie, d’Apprentissage, de Promotion et<br />

d’Education en faveur des personnes Handicapées<br />

(OCTAPEH), le Plan Départemental d’Insertion<br />

Professionnelle des Travailleurs Handicapés<br />

de Moselle (PDIPTH), sans parler de<br />

la poursuite de nos partenariats avec la Fédération<br />

Nationale des Associations d’Accueil et<br />

de Réinsertion Sociale (FNARS) et des actions<br />

communes qui se développent quotidiennement<br />

sur le terrain.<br />

Par ailleurs, fin 2007 nous sommes toujours<br />

en attente d’une conclusion à la procédure de<br />

cessation des mesures de triple habilitation.<br />

Enfin pour ce qui est des conditions de travail<br />

dans nos établissements et services, un effort<br />

tout particulier a été entamé cette année sur la<br />

formation des équipes éducatives confrontées<br />

à des situations de violence de plus en plus<br />

fréquentes, ainsi que sur toutes les mesures<br />

de sécurité inhérentes à l’accueil des usagers.<br />

L’actualisation du règlement général, dans sa<br />

partie relative aux délégations de responsabilités<br />

entre le Président, le Directeur Général et<br />

les Directeurs d’établissement ou de service,<br />

a été menée à terme courant 2007; celle du<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

AG <strong>2008</strong>,<br />

les<br />

orientations<br />

associatives<br />

5


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

AG <strong>2008</strong>,<br />

Les<br />

orientations<br />

associatives<br />

6<br />

assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />

Règlement Intérieur du CMSEA a également<br />

démarré et sera poursuivie en <strong>2008</strong>.<br />

En ce qui concerne la politique de mobilité interne<br />

dans la gestion des ressources humaines,<br />

même s’il reste encore des améliorations<br />

à faire, il faut constater que le mouvement observé<br />

ces dernières années est encourageant,<br />

puisque le nombre de personnes qui ont bénéficié<br />

de cette mesure est en constante augmentation.<br />

Comme vous pouvez le constater, nous ne restons<br />

pas inertes ou en attente des directives<br />

administratives, mais nous ne manquons pas<br />

d’obstacles à surmonter ni d’objectifs à relancer,<br />

pour maintenir et améliorer le service<br />

rendu aux usagers.<br />

Pour l’année <strong>2008</strong> nous vous proposons en conséquence<br />

de retenir, parmi de multiples autres objectifs<br />

qui font déjà partie de notre «feuille de<br />

route», les orientations suivantes :<br />

• S’agissant des personnes accueillies, nous voulons<br />

continuer notre effort en faveur de l’insertion<br />

sociale et professionnelle des jeunes, en continuant<br />

à développer de nouvelles initiatives, en associant<br />

davantage les services internes du CMSEA<br />

les uns avec les autres, en proposant de nouvelles<br />

modalités de prise en charge, aussi bien dans le<br />

secteur de la Déficience Intellectuelle que dans celui<br />

de la Protection de l’Enfance<br />

• En ce qui concerne notre participation à l’évolution<br />

des pratiques professionnelles, nous voulons<br />

réussir le pari que nous nous sommes fixé de renforcer<br />

la place du projet associatif au cœur des<br />

projets d’établissement et de service, en inscrivant<br />

l’évaluation interne des structures du CMSEA<br />

et le projet associatif dans une même recherche<br />

de sens.<br />

Nous souhaitons également participer activement<br />

à la mise en œuvre des nouvelles orientations<br />

de la Protection de l’Enfance en apportant<br />

notre part d’innovation dans les modalités de<br />

prise en charge et en continuant à f a v o r i -<br />

ser les liens institutionnels, dont nous attendons<br />

qu’ils consolident les efforts de coopération<br />

et de concertation avec les collectivités locales e t<br />

les représentants de l’Etat.<br />

• S’agissant enfin des conditions de travail, et ce<br />

malgré les contentieux qui compliquent parfois<br />

plus que de raison les relations sociales au sein du<br />

CMSEA, nous voulons poursuivre notre politique<br />

d’ouverture et de concertation avec les instances<br />

représentatives du personnel.<br />

L’attention portée à la sécurité au travail ne diminuera<br />

pas et la généralisation des entretiens<br />

professionnels devrait permettre une régulation<br />

encore plus objective des parcours professionnels<br />

des uns et des autres, que ce soit du<br />

point de vue des projets personnels, ou de celui<br />

des projets institutionnels.<br />

Si vous approuvez ces orientations, nous veillerons<br />

à ce que toute la structure associative et<br />

professionnelle du CMSEA soit mise au service<br />

prioritaire de leur réalisation.<br />

Le rapport d’activité pour 2007 est disponible<br />

dans sa version complète sur notre site internet<br />

www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr


le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />

associatif d’évaluation interne<br />

le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />

associatif d’évaluation interne<br />

L’élaboration du protocole de mise en œuvre<br />

du référentiel associatif d’évaluation interne a<br />

été entreprise dès avril 2007, au sein du comité<br />

de suivi de la mise en œuvre de la loi<br />

2002-2. Une commission d’évaluation interne<br />

a été crée, composée de membres du CA et<br />

de la Section des Parents et Amis du CMSEA;<br />

elle a bénéficié de l’apport actif des directions<br />

et des équipes éducatives de plusieurs établissements<br />

et services de l’association, dans<br />

le cadre d’une formation et d’une expérimentation<br />

du référentiel associatif préalablement<br />

adopté.<br />

Cette démarche, réalisée sous l’égide de la<br />

direction pédagogique du CMSEA, a été accompagnée<br />

par le département de formation<br />

continue de l’IRTS de Lorraine et Geneviève<br />

Estienne, formatrice et consultante pour le<br />

secteur social et médico-social.<br />

Plusieurs étapes se sont succédées<br />

depuis juin 2007 :<br />

• 2 séances introductives avec le groupe des administrateurs<br />

pour la présentation par Mme Estienne<br />

de la législation et des différentes problématiques<br />

relatives à l’évaluation.<br />

• 1 séance commune avec les directeurs des établissements<br />

engagés dans l’expérimentation et les<br />

administrateurs, pour organiser l’expérimentation<br />

à proprement parler avec les équipes professionnelles.<br />

• 2 séances avec chacun des établissements sur<br />

la première phase de la démarche évaluative retenue<br />

: le repérage des besoins spécifiques et la<br />

mise à plat de l’activité en référence à ces besoins<br />

spécifiques.<br />

• 1 séance de synthèse avec le groupe des administrateurs<br />

et des directeurs des établissements,<br />

avec préparation de la seconde phase, celle de la<br />

construction des critères d’appréciation de la pertinence<br />

de l’activité, tant du point de vue de l’association<br />

que de celui des établissements.<br />

• 2 séances pour les administrateurs afin de déterminer<br />

l’approche associative des évaluations internes<br />

des établissements et services du CMSEA,<br />

au regard du référentiel associatif d’évaluation interne<br />

et du projet associatif : voir le résumé du<br />

protocole ci-joint.<br />

• 2 séances pour les équipes professionnelles afin<br />

de les accompagner dans la construction des critères<br />

spécifiques d’évaluation de leur activité. Ces<br />

critères correspondent à un questionnement évaluatif<br />

ayant pour but de mettre en évidence les<br />

réponses apportées à des problématiques spécifiques<br />

à telle ou telle prise en charge. Le questionnement<br />

évaluatif peut d’ailleurs découler<br />

directement de la manière dont le projet d’établissement<br />

aborde la définition des besoins spécifiques.<br />

Conformément au projet associatif, dont le<br />

sous-titre est « ancrer l’homme au cœur de la<br />

définition et de la mise en œuvre des politiques<br />

sociales», le CMSEA a retenu une procédure<br />

de validation des évaluations internes de ses<br />

établissements et services qui privilégie une<br />

approche de l’activité et de sa pertinence sur<br />

la base de la qualité des réponses apportées<br />

aux besoins spécifiques des usagers accueillis<br />

ou pris en charge.<br />

Le protocole de mise en œuvre du référentiel<br />

associatif d’évaluation interne, qui a résulté de<br />

ce travail, a été validé par le CA de l’association<br />

lors de sa séance du 22 avril <strong>2008</strong>.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Le protocole<br />

de mise en<br />

oeuvre du<br />

référentiel<br />

associatif<br />

d’évaluation<br />

interne<br />

A. Amen<br />

7


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Le protocole<br />

de mise en<br />

oeuvre du<br />

référentiel<br />

associatif<br />

d’évaluation<br />

interne<br />

8<br />

A. Amen<br />

le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />

associatif d’évaluation interne<br />

La procédure de validation des évaluations<br />

internes des établissements et services<br />

par l’association consiste<br />

• à recueillir le même type d’informations pour<br />

chaque établissement ou service. En l’occurrence<br />

il s’agit de connaître les aspects les plus représentatifs<br />

de l’activité d’un établissement, tant du<br />

point de vue des domaines d’évaluation préconisés<br />

par l’ANESMS que du point de vue des besoins<br />

spécifiques de la population accueillie.<br />

• à référer ces informations pour chaque établissement<br />

ou service aux orientations principales du<br />

projet associatif, pour en faire un commentaire du<br />

point de vue de la pertinence de l’activité réalisée<br />

et de celle des améliorations préconisées.<br />

La même procédure s’applique aux services du<br />

siège.<br />

Par ailleurs le protocole d’évaluation interne<br />

prévoit la possibilité, pour la commission chargée<br />

du suivi de cette validation, de demander<br />

à tel ou tel établissement ou service les documents<br />

attestant de la réalité des informations<br />

données.<br />

Le dispositif protocolaire :<br />

Le référentiel associatif d’évaluation interne<br />

propose un cadre de définition des besoins<br />

spécifiques aux différents publics accueillis<br />

dans les établissements du CMSEA, sur la<br />

base de 4 catégories de «besoins génériques»,<br />

s’inspirant du modèle théorique du psychologue<br />

américain Abraham Maslow :<br />

Besoins génériques n° 1 :<br />

la sécurité<br />

Etre assuré d’un minimum vital sur le plan des besoins<br />

physiologiques (nourriture, protection<br />

par rapport à l’environnement naturel) et de la<br />

sécurité (assurance d’une pérennité dans la<br />

satisfaction des besoins fondamentaux, dans la<br />

capacité à avoir une vie autonome).<br />

Besoins génériques n° 2 :<br />

partenance<br />

Bénéficier des repères sociaux permettant de se<br />

construire dans un réseau relationnel structurant,<br />

de se situer dans un lien d’appartenance à un<br />

groupe social (famille naturelle, famille d’accueil<br />

ou d’adoption, groupe social d’accueil…).<br />

Besoins génériques n° 3 :<br />

la reconnaissance et l’estime de soi<br />

Etre identifié dans sa singularité, dans sa capacité<br />

à occuper une place spécifique, à s’exprimer,<br />

à être utile aux autres, à participer activement à la<br />

vie et l’action collective.<br />

Besoins génériques n° 4 :<br />

la réalisation de soi<br />

Etre considéré en tant que personne responsable,<br />

capable de faire des choix, d’exprimer des<br />

positions personnelles, de construire des raisonnements<br />

particuliers et d’inventer des réponses<br />

inédites, de développer des modalités d’expression<br />

créatives.<br />

Le questionnaire adressé aux établissements<br />

est organisé sous forme de tableau à double<br />

entrée permettant de croiser les données relatives<br />

aux différents niveaux de besoins avec les<br />

4 domaines d’évaluation retenus par l’ANESMS<br />

(Agence Nationale de l’Evaluation Sociale et<br />

Médico-Sociale) :<br />

• Le projet d’établissement, les objectifs et les<br />

méthodes et techniques mises en œuvre<br />

• Le droit et la participation des usagers, ainsi<br />

que la personnalisation des prestations<br />

• L’organisation du travail et la gestion des compétences<br />

professionnelles.<br />

• L’intégration de l’établissement ou du service<br />

dans son environnement.<br />

En fonction des informations transmises dans<br />

le cadre de l’évaluation interne de chaque établissement<br />

ou service, le comité de suivi de<br />

la mise en œuvre des dispositions de la loi<br />

2002-2 fait une proposition de validation au<br />

Président de l’association. Cette proposition<br />

de validation est soumise à l’approbation du<br />

Conseil d’Administration du CMSEA.<br />

L’avis du Comité de Suivi est fondé par la pertinence<br />

de l’activité d’un établissement au regard<br />

des orientations du projet associatif.<br />

Les orientations principales du projet associatif<br />

se déclinent sur trois registres :


le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />

associatif d’évaluation interne<br />

Celui des pratiques éducatives et<br />

sociales<br />

• L’adaptation des pratiques éducatives aux<br />

évolutions du mal-être des personnes<br />

• La maîtrise des actions engagées<br />

• La promotion du renouvellement des conceptions<br />

pédagogiques<br />

Celui des parcours professionnels<br />

• Le développement des compétences des salariés<br />

• La consolidation de l’engagement associatif<br />

• L’accompagnement de nouvelles perspectives<br />

de carrière<br />

Celui de la vie associative<br />

La facilitation de la communication et des rencontres<br />

entre toutes les composantes de l’association<br />

en en faisant<br />

• Un lieu de partage et d’échange<br />

• Un lieu d’arbitrage, entre les projets qui seraient<br />

de nature contradictoire ou concurrentielle,<br />

mais aussi en cas de litige<br />

• Un lieu de recherche et d’étude, s’appuyant<br />

sur un laboratoire de réflexions pédagogiques,<br />

d’analyse des pratiques, le développement des<br />

transversalités dans chaque secteur d’intervention,<br />

celui de groupes de recherche-action.<br />

• Un lieu de proposition et d’innovation face à<br />

la multiplication des situations de détresse.<br />

Retrouvez la version<br />

complète du protocole sur :<br />

www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Le protocole<br />

de mise en<br />

oeuvre du<br />

référentiel<br />

associatif<br />

d’évaluation<br />

interne<br />

A. Amen<br />

9


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Téléthon<br />

2007<br />

<strong>10</strong><br />

télétHon<br />

télétHon 2007<br />

La Lorraine a été retenue par l’Association<br />

Française contre les<br />

Myopathies et France 2 pour être<br />

la région d’accueil de l’édition<br />

2007 du Téléthon, dont le plateau<br />

des animations s’est installé Place<br />

de la Comédie à Metz les 7 et 8<br />

décembre 2007.<br />

Dans le cadre de cette manifestation nationale,<br />

nous avons mené avec les adolescents accueillis<br />

au foyer Les Prés de Brouck une action humanitaire.<br />

Cette action fait suite à notre participation depuis<br />

trois saisons au travail effectué par les restos<br />

du cœur.<br />

Nous avons donc impliqué les adolescents au<br />

Téléthon 2007 et récolté des dons (300 €) qui<br />

ont été reversés lors de l’opération.<br />

Pour ce faire, nous sommes allés vendre divers<br />

objets (récoltés au préalable) lors de marchés<br />

aux puces organisés à Thionville le 25/11/07 et<br />

à Metz le 11/11/07.<br />

Nous avons pris contact avec Monsieur HAULT-<br />

COEUR, médecin au centre de Rééducation<br />

Professionnelle ALPHA Plappeville et étions présents<br />

à une manifestation le 8 décembre 2007.<br />

Un circuit de 5 km entre la Place de France et la<br />

Place de la Comédie réalisé selon divers moyens<br />

tels que le vélo, le cheval, les rollers…..auquel<br />

notre groupe d’adolescents a participé moyennant<br />

5 Dans le cadre de cette manifestation nationale,<br />

nous avons mené avec les adolescents<br />

accueillis au foyer Les Prés de Brouck une action<br />

humanitaire.<br />

Cette action fait suite à notre participation depuis<br />

trois saisons au travail effectué par les restos<br />

du cœur.<br />

Nous avons donc impliqué les adolescents au<br />

Téléthon 2007 et récolté des dons (300 €) qui<br />

ont été reversés lors de l’opération.<br />

Pour ce faire, nous sommes allés vendre divers<br />

objets (récoltés au préalable) lors de marchés<br />

aux puces organisés à Thionville le 25/11/07 et<br />

à Metz le 11/11/07.<br />

Nous avons pris contact avec Monsieur HAULT-<br />

COEUR, médecin au centre de Rééducation<br />

Professionnelle ALPHA Plappeville et étions présents<br />

à une manifestation le 8 décembre 2007.<br />

Un circuit de 5 km entre la Place de France<br />

et la Place de la Comédie réalisé selon divers<br />

moyens tels que le vélo, le cheval, les rollers…..<br />

auquel notre groupe d’adolescents a participé<br />

moyennant 5 euros par personne en faveur du<br />

téléthon.<br />

Cet échange sportif et humanitaire avec les adolescents,<br />

la collecte des dons, une information<br />

sur les maladies neuromusculaires lors d’une<br />

conférence organisée par l’A.F.M. a permis aux<br />

adolescents de mieux cerner les enjeux de leurs<br />

actions au niveau national et d’être sensibilisés<br />

sur la question de la solidarité à travers l’objectif<br />

de l’AFM. Cette action citoyenne participe aux<br />

valeurs indispensables à la cohésion humaine,<br />

le respect des autres, la solidarité, l’estime des<br />

autres et de soi. Sa finalité a été comprise de<br />

tous les adolescents participants, à savoir se<br />

sentir investi et d’agir pour que l’intérêt général<br />

l’emporte sur les intérêts particuliers. Il est bien<br />

question ici d’entraide, de fraternité.


Cette action s’inscrit dans notre projet<br />

d’établissement. Elle a été initiée par deux<br />

éducateurs M Imade BOUKHARI,<br />

Et M Smain BOUCHIBA<br />

Notre partenariat passé avec les restaurants du<br />

cœur de Thionville nous a montré l’importance<br />

de développer des actions éducatives humanitaires,<br />

de solidarité avec d’autres personnes ou<br />

groupes et qui permettent aux adolescents de<br />

se sentir utiles dans la cohésion sociale. Cela<br />

participe à renforcer l’estime qu’ils ont d’euxmêmes<br />

et à accroître leur confiance en eux.<br />

Foyer Les Prés-de-Bouck Thionville<br />

télétHon<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Vie<br />

Associative<br />

Téléthon<br />

2007<br />

11


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Le sport»<br />

12<br />

Au fil de l’eau<br />

le sport<br />

Le CMSEA à travers la presse<br />

Le CMSEA à travers la presse<br />

L’action du CMSEA de façon directe ou indirecte dans le domaine du sport a été<br />

évoquée durant l’année passée, au travers de plusieurs articles dans le Républicain<br />

Lorrain.<br />

City Raid 2007 :<br />

Un esprit de solidarité 03/12/07<br />

Près d’une cinquantaine d’intervenants du City<br />

Raid Moselle s’est retrouvée au Snowhall à Amnéville<br />

pour dresser le bilan de la 4e édition, qui a eu<br />

lieu le 30 mai dernier. Jean-Marc Baldinger, le président<br />

de Planet Aventure Organisation, a profité<br />

de ce bilan pour remercier tous les partenaires publics,<br />

privés et associatifs : le Conseil Général, la<br />

police, les sapeurs-pompiers, Jeunesse et Sports,<br />

la Ville de Metz, les TCRM, l’UEM, le CMSEA, le<br />

Crédit Mutuel... La manifestation, qui la première<br />

année avait rassemblé près de 120 participants, a<br />

eu une évolution constante puisque cette 4e édition<br />

a réuni pas moins de 600 jeunes de <strong>10</strong> à 13<br />

ans répartis en 99 équipes dans la<br />

plus grande mixité possible. Et cette<br />

année encore, la Moselle peut se<br />

réjouir de la deuxième place au niveau<br />

national de l’équipe du collège<br />

Philippe-de-Vigneulles, de Metz-Queuleu. Soutenue<br />

par le Fondation du Sport, la mise en place<br />

d’un village sportif installé au plan d’eau de Metz a<br />

été l’un des moments forts de cette 4e édition.<br />

« Une aventure humaine »<br />

Le City Raid, c’est une aventure,<br />

citadine autour du civisme, de<br />

la culture et du sport. Mais pas<br />

seulement. C’est aussi une manière<br />

de dynamiser les jeunes,<br />

voire de faciliter leur intégration<br />

professionnelle. C’est dans ce<br />

but que 33 jeunes de 17 à 21 ans<br />

ont suivi une formation de commissaires<br />

de courses afin d’animer<br />

les différents stands durant<br />

la manifestation. « Il y a un véritable<br />

esprit de solidarité et de<br />

responsabilité qui se crée grâce<br />

à cet événement. Mais aussi entre<br />

les institutions, la ville et<br />

les jeunes ».<br />

Les organisateurs attachent également<br />

beaucoup d’importance à<br />

lutter contre les incivilités, à sen-<br />

« Une aventure<br />

humaine »<br />

sibiliser les jeunes à l’environnement et au comportement<br />

éco-citoyen, et aussi à la prévention<br />

routière et piétonnière ou encore faciliter les relations<br />

et rapports intergénérationnelles. « Ces 99<br />

équipes ont ainsi pu s’engager dans une aventure<br />

humaine et ainsi aiguiser leur curiosité, leur intérêt<br />

et les préparer au mieux pour être les citoyens<br />

du futur ».<br />

Le City Raid Moselle a également développé un partenariat<br />

avec l’association Together afin de créer<br />

une dynamique européenne et donner ainsi une<br />

nouvelle dimension à l’événement. « Nous nous<br />

sommes mis en relation avec différentes structures<br />

de quatre pays européens. Et l’Estonie et le<br />

Luxembourg ont eux aussi participé au City Raid<br />

Andros Moselle 2007 », indique le président de<br />

Planet Aventure Organisation. Cette participation<br />

a permis de créer une dynamique<br />

inter-associative et de faire émerger<br />

divers projets futurs.<br />

L’action a tellement pris de l’ampleur<br />

depuis quatre ans que nous souhaitons<br />

créer de l’emploi pour travailler en amont<br />

sur le projet et ainsi développer l’association ».<br />

L’édition <strong>2008</strong> sera probablement moins fournie<br />

en ateliers mais elle laissera place en 2009 à une<br />

édition différente, avec d’autres thèmes.<br />

Une cinquantaine d’intervenants du City Raid Moselle s’est<br />

retrouvée au Snowhall à Amnéville, pour dresser le bilan de la<br />

4 e édition.


« Les Vigneulles» du collège Philippe-de-Vigneulles à Metz-Queuleu a<br />

remporté la seconde place sur 800 équipes.<br />

City Raid Andros :<br />

<strong>10</strong>0 personnes vont représenter<br />

la Moselle 13/06/07<br />

Soixante jeunes et une quarantaine d’adultes ont<br />

embarqué hier soir à bord du TGV pour représenter<br />

la Moselle aux finales nationales du City Raid<br />

Andros. Aujourd’hui, ces finalistes messins et mosellans<br />

vont affronter – sympathiquement – les<br />

lauréats des 45 autres villes étapes, soit près de<br />

5 000 jeunes. Première course d’orientation urbaine,<br />

civique et sportive pour les <strong>10</strong>-13 ans, ce<br />

City Rai Andros va réu-<br />

nir aujourd’hui tous les<br />

finalistes au stade Charlety.<br />

Ils seront accueillis<br />

par Bibi Naceri, acteur,<br />

réalisateur et parrain du<br />

City Raid Andros et de<br />

Jérôme Fillol, joueur du Stade Français et parrain<br />

sportif de la finale. Véritable cours d’éducation civique<br />

grandeur nature, le City Raid Andros est une<br />

opportunité unique pour les jeunes adolescents,<br />

d’acquérir le sens du civisme de façon ludique<br />

et de percevoir les vertus de la socialisation. Les<br />

Messins-Mosellans ont décroché une deuxième<br />

place l’année dernière. Ils vont bien sûr se battre<br />

pour rester dans l’élite.<br />

le sport<br />

Finale du City Raid<br />

Andros : Metz à la<br />

seconde place<br />

15/06/07<br />

«C’est aussi une manière de dynamiser<br />

les jeunes, voire de faciliter<br />

leur intégration professionnelle »<br />

Emotion et joie des jeunes Mosellans<br />

partis mardi soir à Paris<br />

à bord du TGV Est européen.<br />

« On a mis 1 h25, alors que<br />

l’an passé, c’était cinq heures<br />

dans un bus surchauffé... »,<br />

explique un jeune participant.<br />

Après le TGV, une nuit dans un<br />

hôtel Formule I. Les 61 Mosellans,<br />

accompagnés d’une quarantaine<br />

d’adultes, étaient frais<br />

et dispos au petit matin pour<br />

prendre le petit-déjeuner sur le Stade Charléty à<br />

Paris en compagnie de 5 000 autres enfants venus<br />

des quatre coins de France. Puis place aux choses<br />

sérieuses. Car ce City Raid Andros, qui se veut un<br />

parcours sportif et culturel, est aussi un apprentissage<br />

de la citoyenneté, du respect de l’autre, de<br />

la solidarité et de l’esprit d’équipe. Une sorte de<br />

tremplin vers leur future vie d’adulte.<br />

Tout au long de la journée, les enfants sont partis<br />

à la découverte des institutions : le Sénat, le<br />

commissariat de police du 8e arrondissement, les<br />

sapeurs-pompiers de Paris Champerret, la Bibliothèque<br />

nationale de<br />

France, la Fédération<br />

Française de Rugby, la<br />

Fondation France Télévision,<br />

la Brigade<br />

des réseaux ferrés. Ils<br />

ont pu aussi découvrir<br />

quelques monuments représentatifs de la capitale<br />

comme Notre-Dame de Paris, l’Institut du Monde<br />

Arabe, la Pyramide du Louvre, le Sacré-Cœur, la<br />

Tour Eiffel, la Tour Montparnasse, le Jardin du<br />

Luxembourg.<br />

De retour à 16 h au Stade Charléty, de nombreuses<br />

animations les attendaient (mur d’escalade,<br />

simulateur de chocs, rugby parks, concert de hip<br />

hop...) en partenariat avec la Fédération sportive<br />

de la Police française et la Fédération Française de Rugby.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Le sport»<br />

13


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Le sport»<br />

14<br />

le sport<br />

A 18h, le classement a été proclamé sous le parrainage<br />

de l’auteur-réalisateur Bibi Nacéri et en<br />

présence de Jérôme Fillol, joueur au Stade Français.<br />

C’est l’équipe Moulin Joly de Colombes (92)<br />

qui remporte la première place, suivie de l’équipe<br />

Les Vigneulles de Metz-Queuleu qui devance<br />

Les Speedeurs venus du Plessis-Trévise (94). Les<br />

équipes messines étaient encouragées par Denis<br />

Schaming, président du comité départemental du<br />

Tourisme, Richard Colin, responsable du service<br />

jeunesse du conseil général, et Jean-Marc Baldinger,<br />

responsable de l’association Planète Aventure<br />

Organisation qui avait organisé le City Raid à<br />

Metz.<br />

Les vedettes du jour sont Emilie, Olivier, Nicolas,<br />

Dounie, Lara et Ismaël du collège Philippe-de-Vigneulles<br />

à Metz-Queuleu qui décrochent donc la<br />

seconde place au niveau national avec leur encadrante,<br />

Christine Wagner, professeur de sport. Le<br />

même score que l’an passé ! Les Licornes, une<br />

équipe de jeunes handicapés mentaux (c’était la<br />

seule des 800 équipes) venue de l’IMPro La Horgne<br />

de Montigny-lès- Metz a obtenu le prix de l’engagement.<br />

Enfin, l’équipe de Metz emporte le Prix de la fondation<br />

du Sport, décerné pour la première fois à<br />

la ville la plus dynamique par Philippe Salles, directeur<br />

de cette fondation. Les Mosellans seront<br />

revenus comme ils étaient partis : en TGV... et<br />

très contents !<br />

J.D.<br />

Macadam sport :<br />

l’enthousiasme au<br />

rendez-vous 16/11/07<br />

Macadam Sport a concerné cinquante<br />

jeunes de 11 à 17 ans des deux sexes, issus des<br />

quartiers des Vacons, Giraud et Saint-Exupéry, qui<br />

ont découvert par ce biais le tissu socio-sportif de<br />

la ville de Montigny-lès-Metz.<br />

Le maire et conseiller général Jean-Luc Bohl est<br />

venu saluer tous les protagonistes réunis à la MPT<br />

Marc-Sangnier pour un pot de clôture et a insisté, à<br />

travers ses propos, sur les grandes orientations de<br />

l’opération qui sont entre autres la volonté d’inscrire<br />

des adolescents et des préadolescents dans<br />

ce projet d’animations avec les acteurs associatifs<br />

pour favoriser leur intégration dans le tissu sociosportif<br />

de la Ville. Il en a profité pour remercier<br />

la mobilisation des partenaires associatifs socioculturels<br />

ou sportifs : « Leurs actions sont nécessaires<br />

pour développer des pratiques attractives<br />

adaptées aux jeunes et pérenniser ainsi le travail<br />

partenarial avec l’équipe de prévention ».<br />

Les partenaires qui participaient à cette opération<br />

ont été le CMSEA, équipe de prévention spécialisée,<br />

le centre socioculturel Marc-Sangnier, l’Arc<br />

Club, Loisirs et Culture, Sports et Loisirs Aquatiques,<br />

Montigny Sport Nature, AS Montigny, Dojo<br />

Montigny, ASCM Section Badminton, Montigny Vélos<br />

Nature, Loisir Omnisports Sud messin basket.<br />

Les lieux choisis pour toutes ces activités ont été<br />

tour à tour le City Stade, le gymnase Bernanos, le<br />

Dojo, le Centre Nautique, le stand de tir, la base<br />

nautique du Haut Rhèle, le centre socioculturel<br />

Marc-Sangnier, et les locaux de Loisirs et Culture.<br />

La cinquantaine de jeunes a pu s’initier selon un<br />

planning ouvert au funk hip-hop (danse), découvrir<br />

la plongée, le tir à l’arc (qui a été, il faut bien<br />

le dire, un véritable engouement pour beaucoup<br />

d’entre eux), faire de la randonnée en vélos de<br />

route, une sortie en milieu naturel sans oublier<br />

la sortie piscine pour apprendre le maniement<br />

du kayak, la découverte des activités cirque, du<br />

badminton, du football (ils ont gagné contre l’AS<br />

Montigny 2-1), du basket, du judo et du karaté.<br />

Au terme de ces cinq journées, beaucoup de jeunes<br />

ont manifesté le souhait de rejoindre au moins<br />

une des associations pour pratiquer l’activité de<br />

celle-ci.<br />

La jeunesse a passé un bel été


Un beau mois de juillet pour les<br />

enfants de l’IMP Espérance 18/08/07<br />

Les enfants accueillis à l’Institut médico-pédagogique<br />

« Espérance » du CMSEA ont participé à des<br />

stages sportifs et culturels durant tout le mois de<br />

juillet. L’équipe éducative - composée de Jérémie<br />

Lesquibille, Anne-Marie Fabing, Nicole Comandini<br />

le sport<br />

Hier soir, départ en gare de Metz pour Paris à<br />

bord du TGV, des représentants de la Moselle qui<br />

vont défendre aujour’dhui le département dans la<br />

capitale.<br />

et Lucie Hinschberger, encadrée par Mme Landfried,<br />

responsable de l’établissement - a proposé des activités<br />

adaptées aux compétences et aux centre<br />

d’intérêts de chacun. Ainsi, les enfants ont pu participer<br />

à une initiation au tennis avec Luc Frapicini à<br />

Cuvry, à un stage<br />

de danse avec<br />

Mickael aux Feux<br />

de la rampe, à<br />

une découverte<br />

du poney à Poney<br />

Plaisir à Glatigny<br />

et une pratique<br />

d’art plastique<br />

avec Christine<br />

Minniti.<br />

Après ce mois de<br />

juillet riche en<br />

expérience et en<br />

découvertes extérieures,<br />

les enfants<br />

peuvent se<br />

reposer durant le<br />

mois d’août avant<br />

la rentrée fixée<br />

au 3 septembre.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Le sport»<br />

15


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Solidarité et<br />

intégration»<br />

16<br />

la solidarité<br />

Les dimensions de solidarité et d’intégration sont elles aussi primordiales<br />

dans les actions que mène le CMSEA.<br />

«Faisons vivre nos<br />

quartiers»<br />

2/05/08<br />

Dans le cadre du projet<br />

« Faisons vivre nos quartiers<br />

avec les jeunes et<br />

Venus de tous les<br />

quartiers de la ville, la<br />

cinquentaine de jeunes<br />

qui ont participé à<br />

cette première soirée<br />

en commun souhaite<br />

unanimement la voir<br />

se renouveler.<br />

pour les jeunes », le CMSEA Centre social-foyer<br />

Saint-Eloy a organisé une grande soirée au profit<br />

d’une cinquantaine de jeunes de Saint-Eloy, Boileau-Prégénie,<br />

quartier du Roi et centre-ville de<br />

Woippy.<br />

Menée en étroite collaboration avec l’équipe de<br />

prévention spécialisée du CMSEA Woippy et le soutien<br />

de la Maison pour tous de Woippy et du Centre<br />

social-MJC Boileau-Prégénie, cette action est intégrée<br />

au Contrat urbain de cohésion sociale, dans<br />

le cadre de la Politique de la ville. « Plusieurs objectifs<br />

ont conduit notre réflexion commune » note<br />

Kader Benmeliani, directeur du foyer Saint-Eloy :<br />

« Accompagner les jeunes vers des attitudes citoyennes<br />

par le biais d’une implication dans la vie<br />

sociale des différents quartiers, leur inculquer les<br />

valeurs de rigueur et de respect des engagements<br />

pris, les sortir de leur environnement habituel en<br />

leur montrant autre chose que ce qu’ils connaissent<br />

au sein de leur quartier, développer leur autonomie<br />

en les impliquant dans l’organisation de ce<br />

projet et mettre en valeur leur savoir-faire ».<br />

Après plusieurs rencontres entre les animateurs<br />

des différentes structures et l’implication de quelques<br />

jeunes du quartier, une soirée évènementielle<br />

s’est déroulée dans l’Espace adolescents du foyer<br />

Saint-Eloy récemment rénové par la commune<br />

dans le cadre de l’opération de rénovation urbaine.<br />

Au cours de cette rencontre qui s’est achevée<br />

autour d’un buffet froid, les différents groupes de<br />

jeunes ont fait la démonstration de leurs savoirs et<br />

partagé un moment de grande complicité à travers<br />

les chants, la danse, la musique. Au-delà des diversités,<br />

des cultures, de la couleur de peau ou de<br />

la religion, il y a bien une étincelle, une aspiration<br />

et une volonté communes qui ne demandent qu’à<br />

se propager.<br />

Pour renouveler cette première expérience réussie<br />

les organisateurs invitent les jeunes Woippyciennes<br />

et Woippyciens qui veulent mettre en valeur<br />

leurs atouts et leurs compétences dans le domaine<br />

de la danse, du chant, de la poésie, de l’art de raconter<br />

des histoires ou de faire la cuisine, à prendre<br />

contact avec l’une ou l’autre des structures<br />

organisatrices.<br />

Les jeunes de l’ESAT Blory découvrent<br />

les secrets de l’Armée de terre<br />

17/05/07<br />

Ils étaient seize jeunes de l’ESAT-Blory (établissement<br />

et service d’aide par le travail) a avoir<br />

accepté l’invitation à découvrir la mission et les<br />

moyens du Centre d’instruction santé de l’armée<br />

de terre (CISAT) implanté quartier Raffenel-Delarue<br />

à Montigny-lès-Metz.<br />

Les jeunes adultes de l’établissement montignien,<br />

anciennement centre d’aide par le travail (CAT),<br />

avaient au préalable réalisé au profit du CISAT et<br />

de ses nombreux stagiaires, un facsimilé réaliste<br />

de fusil d’assaut (FAMAS) conçu pour une utilisation<br />

intensive et permettant de s’affranchir des<br />

fastidieuses opérations de « perception réintégration<br />

de l’armement ».<br />

L’organisme médico-social, ayant en charge la<br />

mise au travail des personnes handicapées dans<br />

l’impossibilité de travailler dans un autre cadre, a<br />

ainsi réalisé un prototype qui a répondu en tout<br />

point aux exigences du donneur d’ordre, et la commande<br />

initiale de vingt « fusils » a été ainsi complétée<br />

par une autre de trente supplémentaires.<br />

Les pensionnaires de l’ESAT ont ainsi renoué dans<br />

leur atelier avec les techniques comme la découpe<br />

de métal, le soudage, le meulage, la peinture; et<br />

la couture pour la sangle.


Lors de cette visite pilotée par les spécialistes du<br />

CISAT, les jeunes invités ont pu découvrir le contenu<br />

des rations de combat, les véhicules d’évacuation<br />

sanitaires en service dans les armées, les<br />

techniques du camouflage, et même revêtir les tenues<br />

NRBC (nucléaire radiologique bactériologique<br />

chimique), les gilets pare-balles et se familiariser<br />

avec les différentes techniques de brancardage.<br />

Curieux, posant nombre de questions sur telles<br />

ou telles particularités du matériel présenté, tous<br />

leur a été montré en détail en présence de Guy<br />

Thiry, directeur de l’établissement du chemin de<br />

Blory, de deux animateurs du centre, et de l’adjoint<br />

technique. Un moment passionnant où, des deux côtés,<br />

des hommes et des femmes ont montré leurs<br />

compétences. Une visite fort sympathique et un moment<br />

privilégié de solidarité dont chacun conservera<br />

le souvenir ému.<br />

Une cage d’escaliers rénovée par six<br />

filles 31/07/07<br />

Pour la<br />

plus grande<br />

satisfaction<br />

des<br />

résidents de<br />

l’immeuble<br />

de la rue<br />

d’Alsace la<br />

cage d’escaliers<br />

a été<br />

remise en<br />

peinture par<br />

six jeunes<br />

filles du<br />

quartier du<br />

Roi.<br />

En partenariat avec l’équipe de prévention spécialisée<br />

du CMSEA (Comité de sauvegarde de l’enfance,<br />

de l’adolescence et de l’adulte) de Woippy,<br />

la municipalité de Woippy et le soutien du Ministère<br />

de la jeunesse et des sports, la société ICF<br />

(Immobilière des chemins de fer) Nord-est a mis<br />

en place un atelier jeunes, avec pour mission de<br />

remettre en peinture la cage d’escaliers du 3 rue<br />

d’Alsace au quartier du Roi.<br />

Avec les conseils éclairés de M. Velche, gardien<br />

d’immeuble, Amelle, Sabrina, Sarah, Catherine,<br />

Nedjma et Nana, encadrées par Amandine, éducatrice,<br />

et Yacine, animateur, se sont courageusement<br />

attelées à la tâche. Une semaine entière<br />

pour repeindre murs, boiseries et contremarches<br />

des cinq étages d’une magnifique teinte bleue rehaussée<br />

de gris du plus bel effet. Propre, brillant<br />

et surtout pas salissant.<br />

la solidarité<br />

Tout travail méritant salaire, les six jeunes filles<br />

ont été invitées à partager deux longs week-ends<br />

vosgiens de camping à Corcieux et à La Pierre<br />

Percée. Compte tenu du résultat et de la satisfaction<br />

globalement manifestée par les résidents le<br />

bailleur envisage de renouveler ce type d’action<br />

dans ses différents immeubles du quartier du Roi.<br />

Cinq jeunes réhabilitent l’entrée d’un<br />

immeuble 25/03/08<br />

Ils s’appellent Julian, Malek, Kévin, Jessy et Stéphan<br />

et habitent tous Woippy.<br />

Outre le fait qu’ils sont tous âgés entre 16 et 17<br />

ans, ils ont comme point commun d’avoir participé<br />

durant quelques jours, entre le 18 et le 22<br />

février dernier, à un atelier jeune au quartier du<br />

Roi. Organisé conjointement par la municipalité,<br />

par le bailleur ICF Nord-Est et par le CMSEA, cet<br />

« atelier jeunes » avait pour objectif de repeindre<br />

l’intégralité de la cage d’escalier de l’entrée de<br />

l’immeuble situé au I rue d’Alsace au quartier du<br />

Roi, comme l’explique Vincent Bleicher, éducateur<br />

de rue au CMSEA pour le quartier du Roi. Ainsi<br />

durant cinq jours, ce petit groupe a fait le maximum<br />

pour rendre propre et beau cet endroit qui<br />

avait été dégradé par l’incendie d’une poussette.<br />

Une belle façon de joindre l’utile à l’agréable. « Un<br />

jeune m’a demandé quel serait le projet de cet été<br />

», se félicite Vincent. La question est donc posée.<br />

Vincent y réfléchit... Après l’effort, le réconfort et<br />

la contrepartie pour ces cinq copains qui sont partis<br />

le temps d’un week-end, à La Bresse, dans les<br />

Vosges début mars. « L’important pour eux était de<br />

quitter leur quartier et de voir autre chose ». Il n’y<br />

avait pas de neige, la météo était bien capricieuse<br />

mais peu importe, ces copains étaient ensemble.<br />

Un grand merci à ces jeunes grâce auxquels le cadre<br />

de vie des habitants de cette entrée est bien plus<br />

agréable.<br />

Encadrés<br />

par Claire<br />

et Vincent,<br />

tous deux<br />

éducateurs,<br />

et par M.<br />

Lebon,<br />

gardien de<br />

l’immeuble,<br />

le groupe a<br />

mis tout son<br />

coeur pour<br />

repeindre la<br />

cage d’escalier<br />

sur huit<br />

érages.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Solidarité et<br />

intégration»<br />

17


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Prévention &<br />

sensibilisation»<br />

18<br />

prévention & sensibilisation<br />

Entre prévention et sensibilisation, les actions et partenariats du<br />

CMSEA, sont nombreux.<br />

La CPAM soucieuse des<br />

toxicos 12/07<br />

Après l’Armée du Salut et la prison de Metz-Queuleu,<br />

la CPAM de Metz a signé hier une convention<br />

avec le CMSEA. Son but ? Assurer une prise en<br />

charge des toxicomanes.<br />

Aujourd’hui, l’essentiel de notre accueil est rue<br />

Haute-Seille où nous recevons, en moyenne chaque<br />

jour, 500 à 600 personnes. Mais il nous fallait<br />

aussi un accueil in situ, avec un traitement cousu<br />

mains, pour certains afin qu’ils retrouvent la plénitude<br />

de leurs droits ». Dominique Clémente, le<br />

patron de la CPAM de Metz le martèle, l’Assurance<br />

maladie doit « aller là où se trouve, le besoin ».<br />

Alors, hier matin, dans les locaux de Centre de<br />

soins spécialisés pour toxicomanes «Les Wads», il<br />

s’est engagé à apporter l’aide la Sécu au Comité<br />

mosellan de Sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence<br />

et des adultes (CMSEA), et ce à multiples<br />

niveaux :<br />

• Recevoir individuellement tous les accueillis au<br />

centre pour les informer sur leurs droits, leur situation,<br />

la couverture maladie universelle (CMU).<br />

• Prévenir une rupture des droits.<br />

• Proposer une aide pour compléter les divers documents<br />

nécessaires à la mise et/ou la création<br />

du dossier.<br />

• Proposer un bilan de santé complet et gratuit,<br />

etc.<br />

Pour Olivier Romain, le directeur du CMSEA, ce<br />

partenariat qui permet notamment de lutter contre<br />

les urgences médicales, est surtout l’aboutissement<br />

d’un travail effectué en profondeur depuis<br />

deux ans : « Il est intéressant pour nous d’accueillir<br />

un conseiller CPAM au sein de l’association.<br />

Bruno Lambert assure cette mission depuis vingtquatre<br />

mois. Maintenant, on finalise un premier<br />

bilan, une belle collaboration. Car il s’agit là d’une<br />

vraie histoire d’hommes, avec des acteurs investis<br />

».<br />

L’objectif est aussi de lutter contre « le nomadisme<br />

» dans la prise en charge de tous ses assurés<br />

sociaux. Aujourd’hui, la CPAM protège un million<br />

d’habitants en Moselle, dont 420 000 sur le secteur<br />

de Metz.<br />

L.B.<br />

Centre de soins spécialisés pour toxicomanes<br />

(CSST) Les Wads, 26, rue du Wad-Billy, tel.:<br />

03 87 74 41 58.<br />

Ne pas être « hors piste »<br />

25/06/07<br />

Le service En Amont » du CMSEA, Prévention des<br />

Toxicomanies et la Compagnie<br />

« Les bestioles » de Metz, ont fait une intervention<br />

remarquée, et appréciée, au sein des collégiens de<br />

Bernanos et de Mermoz, financée par le Contrat<br />

Ville et la ville Montigny-lès-Metz.<br />

Le Service en Amont du CMSEA, dans le cadre du<br />

Contrat Ville, a mis sur pied une opération fort<br />

intéressante à destination des collégiens de 3e<br />

de deux établissements : le collège Bernanos de<br />

Montigny-lès- Metz, et le collège Mermoz de Marly.<br />

Un programme unique, mais interactif : une pièce<br />

de théâtre intitulée « Hors Piste », une façon très<br />

efficace pour les animateurs d’engager le dialogue<br />

avec les jeunes adolescents dans le cadre du<br />

programme d’éducation à la santé et à la citoyenneté.<br />

« Les jeunes veulent s’amuser, sortir avec leurs<br />

copains, profiter de la vie. Des situations vécues<br />

dans toutes les familles.<br />

Faut-il pour autant vivre « libre » comme le héros<br />

de la pièce de théâtre. Telle était la question que<br />

nous voulions poser à travers cette rencontre »<br />

explique Myriam Michel du CMSEA équipe prévention.<br />

« Cette pièce interactive est inspirée des<br />

techniques du théâtre forum. Elle met en scène<br />

des personnages confrontés à la prise de drogues.<br />

L’interactivité permet aux jeunes d’intervenir dans<br />

le cours de l’histoire pour proposer d’autres répliques<br />

aux acteurs. »<br />

Plusieurs adolescents n’ont donc pas hésité à<br />

faire des remarques pertinentes sur le danger du<br />

cannabis, les problèmes rencontrés en famille, le<br />

manque de motivation pour les études... et donc<br />

à monter sur scène pour prouver qu’on a le choix<br />

de prendre ou pas de drogue avec le risque comme<br />

l’ont très bien expliqué Gian Carlo et Mathias,<br />

deux collégiens « Sous l’emprise on peut faire des<br />

conneries, on ne se contrôle plus, on a des difficultés<br />

avec les parents et surtout les parents ont<br />

des difficultés avec nous....» Des propos qui divergent<br />

complètement de l’image donnée par certains<br />

« zonards » qui défrayent quotidiennement<br />

les médias. Les animateurs ont réussi avec cette<br />

interactivité à prouver que chacun est acteur de<br />

sa propre vie.<br />

Impulsée par l’équipe de prévention-CMSEA de la<br />

ville de Montigny-lès-Metz, cette action fait suite<br />

à d’autres précédemment menées sur le ban<br />

communal en participation avec les enseignants<br />

et les parents d’élèves. En amenant les jeunes<br />

à réfléchir sur la consommation, son rapport envers<br />

la consommation de produits licites et illicites


comme l’alcool, le tabac, la drogue, ils prennent<br />

conscience des interdits.<br />

Une telle opération ne peut avoir lieu qu’avec le<br />

financement de l’État dans le cadre du Contrat de<br />

Ville de l’agglomération de Metz-Montigny, et de la<br />

politique de la Ville. Elle devrait porter ses fruits<br />

ou tout au moins faire réfléchir bien des jeunes.<br />

Trouver sa propre résistance<br />

29/03/08<br />

Tous les jeunes sont confrontés à l’alcool, à la drogue<br />

qui passe à proximité ou à la cigarette le matin<br />

devant le collège. A Taison, une éducatrice invite les<br />

adolescents à réfléchir sur le sujet. En parler, c’est<br />

trouver des réponses et des raisons de dire non.<br />

Alcool, drogues, médicaments, cigarettes... Le<br />

tout évoqué sagement dans une salle de classe<br />

du collège Taison. Car le mieux est d’en parler et<br />

le plus tôt possible. « L’objectif est d’interroger les<br />

jeunes sur leur éventuelle consommation de produits<br />

dangereux, sur ce qu’ils en savent, ce qu’ils<br />

en pensent. A partir de leur façon d’approcher ces<br />

dépendances, l’objectif est de susciter un questionnement<br />

et de les mettre en capacité de dire<br />

non », explique Marie Galera, principale de l’établissement.<br />

Pour ce faire, rien ne vaut une heure de discussion<br />

avec Chantal Masson. Cette action de prévention<br />

s’inscrit en droite ligne dans un dispositif<br />

mis en place au collège, le Comité d’éducation à la<br />

santé et à la citoyenneté. «Je travaille au service<br />

En Amont du CMSEA - Comité mosellan de sauvegarde<br />

de l’enfance, de l’adolescence et des adultes<br />

-. Nous sommes rue Gambetta, s’empresse-t-elle<br />

de préciser aux élèves. Je vous dis ça car vous-<br />

mêmes ou des proches pouvez être concernés<br />

et avoir besoin de trouver des informations chez<br />

nous ». Voila pour l’entrée en matière.<br />

Apéro en famille<br />

Dans la foulée, l’éducatrice demande aux enfants<br />

de lister les produits dangereux qu’ils connais-<br />

prévention & sensibilisation<br />

sent. Premier évoqué : le L’interactivité<br />

tabac. Suivi du cannabis. a au moins un<br />

Vient ensuite l’alcool. Tous en mérite : faire que<br />

conviennent, si on ne fume les jeunes s’ex-<br />

pas un pétard en famille, priment sur des<br />

par contre, on lève le coude. sujets parfois<br />

« Noël, c’est la fête, tout de<br />

tabous.<br />

suite on pense Champagne et<br />

apéro », lâche un jeune homme. « Y’a une culture<br />

en France... C’est difficile d’en parler alors que<br />

c’est le produit le plus consommé, souligne l’intervenante.<br />

Les jeunes, eux, ne sont-pas adeptes<br />

d’un goutte-à-goutte quotidien, « ils boivent sur de<br />

courts moments, le week-end, mais le but est de<br />

se mettre carpette » Et contrairement au shit ou à<br />

l’héroïne, l’alcool lui est en vente libre. « Je vous<br />

rappelle que c’est la première cause des accidents<br />

mortels, les rentrées de boîte en voiture... »<br />

Effet de groupe<br />

Chantal Masson pose la question : « Mais pourquoi<br />

consommer des produits dont on sait qu’ils sont<br />

dangereux ? ». Face à elle, les élèves de 3e sont<br />

très francs : « Pour frimer, pour que les garçons<br />

s’intéressent à nous, pour intégrer un groupe,<br />

pour s’amuser... ». Personne n’évoque encore la<br />

souffrance. La discussion part sur la dépendance :<br />

« Le tabac est la plus belle réussite ! Une dépendance<br />

tout en douceur... ».<br />

Les ados évoquent aussi le manque. Mme Masson<br />

sourit : « je vous signale au passage que vous allez<br />

manquer d’un tas de chose tout au long de votre<br />

vie : le prince charmant, le fait de ne pas être<br />

écouté, le mangle d’affection, de justice... Et on<br />

croit parfois que les produits toxiques font des miracles<br />

». La spécialiste les guide vers une recette à<br />

toute épreuve : « Trouver sa propre résistance »,<br />

sa propre motivation pour refuser une dose toxique,<br />

un verre de trop. Ce peut être le refus de<br />

ressembler à Untel, la douleur du décès prématuré<br />

d’Unetelle, la peur de faire mal à ses proches, ce<br />

peut être beaucoup de choses du moment que ça<br />

vient de l’intérieur.<br />

Charline Poulain<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Prévention &<br />

sensibilisation»<br />

19


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Prévention &<br />

sensibilisation»<br />

20<br />

prévention & sensibilisation<br />

Des comédiens initient le dialogue<br />

sur la toxicomanie<br />

05/04/08<br />

Les comédiens de la Compagnie messine «Les Bestioles»<br />

et Michel Monzel, éducateur du CMSEA ont<br />

présenté le spectacle «Hors Piste» à des élèves de<br />

3e. Les collégiens ont pris le rôle de l’un ou l’autre<br />

personnage. Pour se retrouver en situation.<br />

«C’était super ! On ne peut pas laisser ça comme<br />

cela. On va voir comment faire quelque chose,<br />

sous quelle forme on peut continuer à travailler<br />

sur le sujet » : les professeurs des élèves de 3e<br />

et de 4e, issus de quatre classes, qui viennent<br />

de passer deux heures avec les comédiens de la<br />

Compagnie des Bestioles, sont enthousiastes. Le<br />

dialogue proposé sur le thème de la toxicomanie<br />

a eu lieu, les jeunes se sont approprié les histoires,<br />

ont donné la réplique aux comédiens. Et dans<br />

la salle, les camarades ont participé, commenté,<br />

applaudi.<br />

Intégrer les élèves<br />

«Le sujet les a fait réagir. L’idée est de leur permettre<br />

d’expérimenter des situations à risques...<br />

sans risques, de leur donner une compétence en<br />

cas de rencontre avec les produits », explique Michel<br />

Monzel, l’éducateur du Comité mosellan de<br />

sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (CMSEA), qui<br />

travaille avec la compagnie. Et de poursuivre : «<br />

C’est pas aussi clair, limpide, qu’on le pense. Le<br />

Dans la salle de classe, les langues se<br />

délient. Il est possible de parler des drogues<br />

et de prévenir<br />

spectacle permet d’aborder à nouveau la relation<br />

adolescents- adultes. Le fossé que l’on évoque<br />

souvent n’est pas aussi grand qu’on le dit et c’est<br />

le plus souvent un problème de communication.<br />

Les histoires proposées permettent aussi de s’interroger<br />

sur le rapport à la limite. Les jeunes testent<br />

les limites. »<br />

La compagnie théâtrale - composée d’Olivier Piechaczyk,<br />

Bernadette Ladener, Hélène Schwartz et<br />

Hervé Urbani - est accompagnée par le musicien<br />

Louis Ville. « Il y a dix ans, avec ma compagne,<br />

j’ai créé le spectacle interactif Hors piste sur le<br />

thème de la toxicomanie. C’était une commande<br />

du CMSEA. Nous pensions le jouer juste quelques<br />

mois. Dix ans après, nous le jouons toujours, et<br />

de plus en plus », explique Olivier Piechac-zyk, le<br />

metteur en scène. Il vient aussi de créer un spectacle<br />

sur l’alcool, «Dernier mix», en référence aux<br />

boissons sucrées qui, insidieusement, accrochent<br />

le jeune à l’alcool. « Nous intervenons dans les<br />

établissements scolaires et à la demande de collectivités<br />

locales. Nous sommes là pour dialoguer,<br />

proposons des raisonnements par l’absurde. Nous<br />

ne sommes pas là pour donner des leçons de morale<br />

ou de vie ».<br />

Prendre le temps de discuter<br />

A chaque prestation devant des élèves, les comédiens<br />

jouent une première fois la pièce eux-mêmes,<br />

pendant vingt-cinq minutes, puis rejouent<br />

des passages en intégrant les élèves dans un rôle<br />

: celui du père, de la mère, de l’oncle, du jeune qui<br />

est sur le point de basculer, de la petite amie qui<br />

propose la drogue... « Le spectacle dure deux heures,<br />

c’est la bonne durée pour retenir l’attention<br />

du public. Il est arrivé d’avoir des publics qui ne


voulaient plus partir. Nous sommes très contents<br />

quand nous entendons les jeunes sortir et encore<br />

en parler » », constate Olivier Piechaczyk.<br />

Au collègue du Himmelsberg, il n’en a pas été<br />

autrement. Quand la sonnerie a retenti, des jeunes<br />

ont eu du mal à se lever, ont pris le temps<br />

de discuter avec Michel Monzel. « Nous avions<br />

déjà proposé une conférence sur ce thème. Il faut<br />

toujours adapter ce que l’on propose au public,<br />

changer le type d’action proposée », confie Gilbert<br />

Decker, principal du collège, ravi de l’engouement<br />

rencontré.<br />

prévention & sensibilisation<br />

Jeunes et comédiens initient ensemble<br />

le dialogue et se donnent la réplique.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Prévention &<br />

sensibilisation»<br />

21


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Fêtes &<br />

inaugurations»<br />

22<br />

fêtes et inaugurations<br />

Son action se traduit aussi à d’autres niveaux, au travers des fêtes d’anniversaire<br />

d’établissements ou encore l’inauguration de<br />

nouveaux locaux.<br />

« Le Haut Soret »<br />

Trente-cinq ans<br />

de solidarité 11/09/07<br />

Le foyer pour adultes handicapés mentaux le «<br />

Haut-Soret » a célébré avec enthousiasme son<br />

35e anniversaire. L’occasion d’ouvrir ses portes et<br />

le dialogue sur ses réalisations.<br />

Le foyer « Le Haut Soret» situé à Saint-Julien-lès-<br />

Metz a fêté samedi son 35è anniversaire.<br />

Ce mini-village au cœur de la ville héberge des<br />

adultes handicapés mentaux et s’assure de leur<br />

bien-être physique, psychique et social. Fêté avec<br />

entrain, l’événement proposait aux pensionnaires,<br />

à leurs familles ainsi qu’aux visiteurs, un programme<br />

des plus réjouissant : démonstration de capoeira<br />

(art martial brésilien), numéros de jonglage<br />

et d’équilibriste avec le Cirk’eole, deux concerts et<br />

un spectacle de cabaret avant de terminer la soirée<br />

nez en l’air par un feu d’artifice.<br />

Cet anniversaire réunissait du beau monde, au<br />

propre comme au figuré, avec Aurélie (reine de la<br />

Mirabelle et Miss Lorraine), Claire (deuxième dauphine)<br />

et trois joueurs du FC Metz, Diop, Marcichez<br />

et Julien François.<br />

Objectif bien-être<br />

L’hébergement est la raison d’être du foyer. Sa<br />

création, le 11 septembre 1972, répondait au besoin<br />

de loger des personnes handicapées mentales<br />

à distance de leur lieu de travail. Le Comité<br />

mosellan de sauvegarde de l’enfance, l’association<br />

gestionnaire du foyer, choisit à cette époque le site<br />

du lieu-dit « Le Haut Soret ».<br />

Ses missions se sont rapidement étoffées avec des<br />

chapitres sur l’éducation (accompagnement spécialisé),<br />

l’intégration sociale (vie en appartement<br />

collectif ou autonome), les soins et la préparation<br />

d’un projet de retraite. Le but du foyer est de permettre<br />

aux adultes résidents de se créer un cadre<br />

de vie adapté à leurs capacités et à leurs aspirations<br />

personnelles. En deux mots, être heureux.<br />

35 ans de plus<br />

Le directeur du foyer, Michel Meunier, a brièvement<br />

rappelé l’évolution de l’établissement qui a déjà<br />

vu passer une génération de résidents. « Le Haut<br />

Soret » reçoit en accueil permanent <strong>10</strong>5 adultes<br />

dans six pavillons au foyer, quatre appartements<br />

et quatre studios à Metz. Les travaux importants<br />

de ces trois dernières années ont permis au centre<br />

d’évoluer avec la législation et de rester moderne.<br />

Michel Meunier a souligné le dynamisme de l’établissement<br />

et souhaite qu’il « s’inscrive maintenant<br />

dans la durée en restant vigilant aux changements<br />

pour y faire face avec des réponses appropriées ».<br />

Rendez-vous est déjà pris pour septembre 2012 pour<br />

le 40e anniversaire du foyer.<br />

Ph. E<br />

Michel Meunier, directeur du foyer «Le Haut<br />

Soret» a fêté les 35 ans de son établissement en<br />

compagnie d’Aurélie, reine de la Mirabelle 2007,<br />

et claire sa 2e dauphine.<br />

Les 20-30 ans, ça se fête 14/06/07<br />

Vingt ans de vie pour le Centre social, trente ans<br />

d’existence pour le bâtiment du CMSEA (Comité<br />

mosellan de sauvegarde l’enfance de l’adolescence<br />

et des adultes) Centre social- Foyer Saint-Eloy.<br />

Impossible pour l’équipe en place dirigée par Kader<br />

Benmeliani de passer cette date sous silence.<br />

Les festivités commenceront le samedi 16 juin par<br />

une soirée de retrouvailles et de rencontre avec


tous les animateurs, bénévoles, membres du comité<br />

qui ont fait vivre le foyer depuis trente ans.<br />

Le lendemain, dimanche 17 juin, journée portes<br />

ouvertes avec une exposition de photos et de vidéos<br />

que l’on pourra visiter jusqu’au samedi 30<br />

juin. Le mercredi 27 juin, journée consacrée aux<br />

enfants; le samedi 30 juin à 11 h, inauguration<br />

des nouveaux locaux et journée de la Saint-Jean<br />

avec restauration sur place, démonstration de<br />

techniques spéléo (grue de 2 m), toropiscine, kid<br />

stadium pour les enfants, stands de jeux, speed<br />

ball pour tous et nombre d’autres surprises. A la<br />

tombée de la nuit, nuit de la Saint-Jean, mise à<br />

feu du bûcher et bal populaire en compagnie de<br />

l’orchestre Los Pampas. Dimanche 1er juillet, son<br />

et lumières avec le feu d’artifice.<br />

Les étapes essentielles<br />

1965 : Création de la première équipe de prévention.<br />

Le premier éducateur, Roland Mertz construit<br />

avec les jeunes de l’époque le premier foyer baptisé<br />

Foyer Saint-Eloy. Celui-ci est détruit pour laisser<br />

la place à des immeubles à usage d’habitation<br />

qui n’ont jamais été construits !<br />

1971 : L’ancien local commercial des Coopérateurs,<br />

près de la halle du Chapitre est récupéré<br />

pour donner vie à un foyer de jeunes baptisé « Le<br />

Tonneau » du fait de sa forme. Il sera fermé quelques<br />

années plus tard pour raison de sécurité.<br />

1977 : Création du<br />

Le «Foyer Saint-Eloy », structure en béton de 1400<br />

m2, livrée brute avec pour objectif la création d’un<br />

Conseil de jeunes. Première mission : aménagement<br />

des intérieurs !<br />

1985 : Le premier agrément en tant que Centre<br />

social est demandé à la CAF de Moselle. Depuis<br />

Centre social et Foyer Saint-Eloy sont devenus indissociables.<br />

2003 : Le bâtiment et les terrains alentour sont<br />

cédés à la municipalité de<br />

Woippy par le CMSEA auxquels<br />

ils appartenaient.<br />

2006 : Dans le cadre de sa<br />

vaste Opération de rénovation<br />

urbaine, la ville de<br />

Woippy prend en charge la<br />

réhabilitation totale du bâtiment.<br />

Elle verra son aboutissement<br />

avec l’inauguration<br />

des nouveaux locaux<br />

le samedi 30 juin 2007 à 11 h.<br />

Le Comité d’Usagers est<br />

pleinement associé à cette<br />

démarche.<br />

fêtes et inaugurations<br />

Depuis sa création, les grandes lignes de la mission<br />

du foyer sont restées inchangées : assurer la<br />

réussite des enfants, rechercher le bien-être des<br />

adolescents, favoriser l’insertion sociale de la population<br />

et restaurer les liens sociaux, resserrer<br />

les liens parents-enfants.<br />

L’équipe de Kader Benmeliani se prépare activement à fêter le double anniversaire<br />

du CMSEA Centre social-foyer Saint-Eloy.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Fêtes &<br />

inaugurations»<br />

23


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Fêtes &<br />

inaugurations»<br />

24<br />

fêtes et inaugurations<br />

Inauguration et<br />

anniversaire du<br />

centre social 15/07/07<br />

Pour ses trente ans, seconde jeunesse pour la<br />

structure du centre social «Foyer Saint-Eloy», métamorphosée<br />

et dotée d’une superbe salle des fêtes.<br />

Au cours d’une cérémonie organisée par le conseil<br />

municipal de Woippy et le comité d’usagers du centre<br />

social, s’est déroulée l’inauguration des nouveaux<br />

bâtiments du centre social foyer Saint-Eloy.<br />

Pour la concrétisation de ce projet d’envergure,<br />

les membres du comité d’usagers ont rétrocédé<br />

le bâtiment et les terrains alentours appartenant<br />

au CMSEA Foyer Saint-Eloy, à la mairie de Woippy.<br />

Les travaux de rénovation ont duré plus d’une année.<br />

Fondation et arrivée<br />

1977 est l’année des fondations du bâtiment, ainsi<br />

que l’arrivée de Abdelkader Benmeliani, en qualité<br />

d’animateur et depuis des lustres, le directeur «<br />

Kader » pour tous. « Bravo, la réussite est totale et<br />

incontestable, le centre social a conservé son âme.<br />

Merci à M. Grosdidier, député-maire, qui a mis tout<br />

en œuvre pour que cette réalisation atteigne l’objectif<br />

fixé en mettant en étroite collaboration les<br />

membres de - son équipe, l’architecte et le comité<br />

d’usagers représentant la population du quartier.<br />

Le centre fête aussi ses 30 ans. Que d’histoires<br />

partagées ensemble! Que d’événements vécus !<br />

Que de moments d’intenses bonheurs, de découvertes<br />

de choses nouvelles ! Ainsi, si aujourd’hui,<br />

je vois s’inscrire au Foyer, les fils et petits-fils de<br />

parents que j’ai connus au tout début de ma carrière<br />

ici, ce fait est dû à la confiance qui s’est instaurée<br />

au fil des années écoulées avec l’aide de<br />

quelques personnes dont il a cité les noms, qui ont<br />

contribué à la longévité du centre social».<br />

Jean-Claude Théobald, conseiller général de renchérir:<br />

« je veux, au nom du Président du Conseil<br />

Les personnalités politiques aux côtés de Kader<br />

Les invités, à l’écoute des discours<br />

Général, vous féliciter pour cette réussite dans le<br />

cadre de l’ORU.» M. Grosdidier de poursuivre :<br />

« C’est un moment très important. Je partage<br />

l’émotion de beaucoup d’entre vous. Trente ans<br />

représentent beaucoup d’actions au centre social,<br />

souvent le point d’ancrage social du quartier. Un<br />

élément de stabilité, de référence qui va continuer<br />

à l’être et même se régénérer, car c’est l’esprit qui<br />

règne dans cette maison. Ce bâtiment est refait<br />

à neuf, avec une authentique salle des fêtes, la<br />

plus belle de Woippy, tournée sur une place, donc<br />

à l’abri des regards. C’est une profonde transformation<br />

pour ce quartier qui doit être totalement<br />

ouvert aux autres. »Jean-Jacques Boyer, sous préfet<br />

de conclure : «Près de 2 millions TTC ont été<br />

investis pour cette rénovation financée à 80 % par<br />

des subventions et réalisée avec des entreprises<br />

locales. Avec ce si bel outil, que la foi reste intacte,<br />

vous permette de travailler au mieux, qu’il déborde, touche<br />

tout Woippy et que ce soit un lieu de fraternité. »


Petite fête à Planète W 24/07/08<br />

Pour clore la saison de Planète W, une petite fête<br />

a été mise en place par la ville de Woippy, en collaboration<br />

avec l’association Pushing et le CMSEA,<br />

s’est déroulée au gymnase du quartier du roi et à<br />

l’exterieur.<br />

Durant toute l’année, de nombreuses activités ont<br />

été proposées aux jeunes de ce quartier.<br />

Au cours de cette soirée de fermeture, cause vacances,<br />

trois ateliers ont été mis en exergue : mix<br />

hip-hop animé par Samir, Vincent et Lazhar, roller<br />

dirigé par Olivier et danse hip-hop et roller menée<br />

par Nadia.<br />

François Grosdidier, député maire, accompagné<br />

de quelques élus est venu partager un moment<br />

de convivialité, et partager outour d’un barbecue<br />

concocté par les Amis du Lavoir. Un casse-croûte<br />

et une boisson ont été offerts à tous les jeunes,<br />

ainsi qu’aux adultes pour leur investissement dans<br />

ce quartier.<br />

Quelques démonstrations<br />

de hip-hop,<br />

histoire de montrer<br />

ses acquis et sa<br />

souplesse<br />

fêtes et inaugurations<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Le CMSEA<br />

à travers la<br />

presse<br />

Le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

«Fêtes &<br />

inaugurations»<br />

25


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Les jeunes de<br />

banlieues et la<br />

ville<br />

Une rencontre<br />

en tension<br />

Jean-Paul<br />

MELONI<br />

26<br />

Contre-Courant<br />

Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />

Une rencontre en tension<br />

Tribune libre<br />

Tribune libre<br />

Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />

Une rencontre en tension<br />

Plus que jamais, les banlieues sont le point de<br />

cristallisation de nombreuses représentations, de<br />

discours négatifs et largement empreints de rejet,<br />

de mépris par le corps social.<br />

Dès lors, stigmatisées comme le réceptacle de<br />

tous les maux car symbolisant avec force la misère,<br />

la souffrance et l’exclusion mais aussi les<br />

peurs, l’insécurité, le danger, elles apparaissent<br />

aujourd’hui sur le devant de la scène, comme la<br />

nouvelle question sociale.<br />

Les nombreuses émeutes ou ce qu’il est convenu<br />

de nommer plus doctement « la crise des banlieues<br />

» qui en certaines occasions, divertissent<br />

notre société du spectacle (Guy Debord), nous invitent<br />

à la penser.<br />

Mais au-delà de ces lieux bannis, ce sont bien<br />

sûr leurs habitants, qui se retrouvent excommuniés,<br />

car lestés des mêmes représentations. Cette<br />

diabolisation voire même cette « bouc - émissairation<br />

» résonance d’une question éminemment<br />

politique n’est pas sans conséquence sur les populations<br />

de ces quartiers, notamment les enfants<br />

et les jeunes qui, plongés dans un quotidien déjà<br />

largement miné par de multiples difficultés doivent<br />

se débattre, consciemment ou non, avec ces<br />

discours figés, sans concession, et surtout injustes.<br />

Comment vivent-ils ces formes de bannissement<br />

? Comment dans leur vie ordinaire s’organisent-ils<br />

face à ceux qui ne cessent de proférer ce genre<br />

de diatribes, de jugements, ou encore qui laissent<br />

trainer leur regard un peu partout dans le quartier,<br />

regard qui devient vite déplacé ou, comme me le<br />

disait un jeune vivant un de ces quartiers dits<br />

« sensible » confine, d’une part, au voyeurisme et<br />

d’autre part, suscite auprès des habitants une cer-<br />

« L’Autre est ce qui me permet de ne<br />

pas me répéter à l’infini »<br />

J. Baudrillard (1990)<br />

taine gêne, voire une honte (on oubli trop souvent<br />

la pudeur des personnes qui résident dans des espaces).<br />

Enfin quels savoirs, quelles compétences,<br />

quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour s’en<br />

sortir ? Au-delà, plus simplement : qui sont-ils ?<br />

Autant de questions, de préoccupations, qu’ont<br />

intégrés les Educateurs de Rue qui, engagés dans<br />

une action de Prévention Spécialisée cheminent<br />

avec ces jeunes et partagent leur quotidien. Présents<br />

dans leur milieu de vie, et en relais avec<br />

d’autres professionnels de l’action sociale ou de<br />

l’animation, ils proposent un soutien, un accompagnement<br />

pour des jeunes les plus en difficulté.<br />

Mais au cœur de cette pratique, c’est surtout un<br />

autre regard qu’ils portent sur ces « gens de peu<br />

» qui dès lors qu’on leur manifeste de l’intérêt, témoignent<br />

d’une grande richesse, d’un art de faire<br />

qui leur permet, in fine, de tenir et de grandir.<br />

Ce qu’évoque bien Michel Kokoreff 1 , qui, dans un<br />

de ses ouvrages parle de la force des quartiers<br />

pour mettre en avant les forces vives présentes<br />

sous diverses formes et dont l’action est importante<br />

pour le devenir de ces quartiers sensibles.<br />

C’est ce vagabondage au cœur de ces quartiers,<br />

à la rencontre de ces jeunes, dont on<br />

ne cesse de répéter, à tort et sans raison,<br />

qu’ils sont inéduqués et inéducables que je<br />

me propose de retracer.<br />

La Prévention Spécialisée : une pratique toujours<br />

originale.<br />

La Prévention Spécialisée (désormais P.S.) qui<br />

relève de la compétence des Départements est<br />

rattachée administrativement à l’Aide Sociale à<br />

l’Enfance.<br />

En Moselle, où j’interviens comme éducateur Responsable<br />

d’un secteur de Prévention, la P.S. est<br />

confiée à des associations qui en assurent la ges-


tion à partir d’un conventionnement dans lequel<br />

les municipalités signataires jouent un rôle important.<br />

D’une manière générale on peut présenter ce<br />

dispositif à partir de trois<br />

missions :<br />

• Réduire les phénomènes de marginalisation chez<br />

les jeunes de <strong>10</strong> à 21 ans.<br />

• Favoriser l’insertion sociale et professionnelle<br />

des jeunes de <strong>10</strong> à 25 ans.<br />

• Favoriser la promotion des quartiers et des habitants,<br />

ce qu’on appelle aujourd’hui le développement<br />

local.<br />

Ce cadre d’intervention, pour schématique qu’il<br />

soit, doit être pourtant nuancé en fonction de la<br />

réalité de terrain qui peut être différente selon les<br />

territoires, mais aussi selon les Equipes de Prévention.<br />

Si la P.S. fait fonctionner différentes modalités<br />

d’intervention comme l’accompagnement éducatif<br />

qu’il soit individuel et/ou collectif, la résolution<br />

de problèmes concrets, il repose avant tout sur le<br />

Travail de Rue que l’on peut définir comme une<br />

présence sociale dans la rue.<br />

Pour l’éducateur, il s’agit d’être là, disponible,<br />

écouter, parler, et assurer une relation. Fondamentalement,<br />

ce mode d’intervention se construit<br />

à partir d’une double connaissance : d’une part,<br />

celle du quartier et, d’autre part, celle du jeune,<br />

sa culture, son mode de vie, sa manière de penser<br />

et de faire. Ce que les ethnologues ont nommé, en<br />

d’autres occasions, un processus d’indigénisation.<br />

Pour aller plus loin et suivant le point de vue d’une<br />

écologie urbaine (voir à ce propos les travaux de<br />

l’ Ecole de Chicago 2 ) on peut dire qu’il y a interaction<br />

entre l’espace et l’être humain et par là une<br />

influence très forte, au sens où l’enfant, le jeune<br />

se construit aussi à partir de son lieu de vie qui<br />

est bien sûr sa maison, mais aussi la rue, lieu où<br />

il apprend, se socialise, se forge une identité. A<br />

cet effet la notion même de pratiques d’espaces<br />

Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />

Une rencontre en tension<br />

connue comme un processus à l’œuvre dans la<br />

construction identitaire chez l’adolescent est explicite<br />

de cet attachement.<br />

Ainsi, l’espace de la rue, du quartier réfère non<br />

seulement à cet Umwelt, c’est-à-dire ce monde<br />

autour de nous, cet entourage, autrement dit ce<br />

qui est extérieur à l’individu, mais aussi à l’existence<br />

même de l’individu, ses activités, ses pratiques.<br />

On pourrait dire qu’à la manière d’une scène sociale,<br />

le quartier dessine les contours d’une fonction<br />

qui relève, d’une part, de l’esthétique et de la<br />

socialité, ce qui d’une certaine façon renforce encore<br />

l’idée qu’au-delà de l’aménagement urbain,<br />

la matérialité du lieu, le quartier signale d’une dialectique<br />

entre ce qui touche au territoire et à la vie<br />

sociale, et, d’autre part, d’un marquage entre ces<br />

lieux qui portent l’empreinte de ces pratiques de<br />

déviance et ces lieux de production d’une culture<br />

reconnue et valorisée par la société. La sphère des<br />

cultures urbaines illustre bien cette identité du<br />

lieu, et de la personne, mais aussi cette idée selon<br />

laquelle le quartier peut être valorisé comme un<br />

endroit où il se passe quelque chose, un espace de<br />

rencontre, ou encore un lieu spectaculaire ou du<br />

spectaculaire.<br />

Pour les acteurs de la P.S., La Rue, le quartier définit<br />

bien un espace vivant et vivable, « un espace<br />

de création, un espace ordonné dont on peu toucher<br />

les limites dans un temps compatible avec<br />

la rotation des opérations quotidiennes 3 » (Leroi-<br />

Gouhran, 1964, p182). Ces quelques remarques<br />

sur l’espace ouvrent sur une autre dimension essentielle<br />

à savoir celle du public au centre de l’action<br />

de prévention spécialisée.<br />

Les jeunes des quartiers : une force pour la<br />

ville<br />

La question du public apparaît toujours comme redoutable<br />

dès lors qu’on a à le présenter ne serait –ce<br />

que le risque de le stigmatiser plus encore. Dans<br />

un rapport de recherche 4 , Jacques Selosse nous<br />

propose de classer le public autour de quatre<br />

genres.<br />

1 Kokoreff, M, La Force des quartiers. De la délinquance à l’engagement politique,<br />

Paris, Payot, 2003.<br />

2 L’Ecole de Chicago naissance d’une écologie urbaine, présentation d’ Y.Grafmeyer, et I.Joseph,<br />

Partis, Aubier, 1984<br />

3 Leroi-Gouhran, La mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel, 1964.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Les jeunes de<br />

banlieues et la<br />

ville<br />

Une rencontre<br />

en tension<br />

Jean-Paul<br />

MELONI<br />

27


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Les jeunes de<br />

banlieues et la<br />

ville<br />

Une rencontre<br />

en tension<br />

Jean-Paul<br />

MELONI<br />

28<br />

Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />

Une rencontre en tension<br />

I Le jeune à la rue- c’est-à-dire le jeune dans un<br />

entre-deux socioculturel, qui se regroupe autour<br />

d’activités de déviance, même si elle n’est que potentielle.<br />

En termes d’action la notion de déviance<br />

répond au besoin de socialiser.<br />

II Le jeune qui flotte – c’est-à-dire celui qui est en<br />

rupture, coupé du monde déraciné en marge des<br />

structures socio-éducatives. Il est dans « l’ère du<br />

vide » c’est-à-dire dans la figure de l’errance.<br />

III Le jeune qui traîne – c’est-à-dire ce moment<br />

où le vide, ou le trop plein, va le faire craquer.<br />

Il traîne dans un espace, où il est craint. Il commet<br />

des actes de délinquance, il se drogue, il est disponible<br />

à tout. Bref, il nuit.<br />

IV Un dernier genre touche à la notion de déchéance.<br />

C’est finalement le jeune qui tombe,<br />

multirécidiviste, toxicomane dans sa galère. L’individu<br />

est complètement coupé du monde social,<br />

la prise en charge est lourde.<br />

Cette classification présente plusieurs intérêts.<br />

D’une part, en prenant le point de vue des professionnels,<br />

elle pose un regard plus objectif sur ces<br />

jeunes, réduisant ainsi le parti pris domestique ou<br />

encore le cliché banalisé.<br />

D’autre part, cette grille nous renseigne aussi sur<br />

une constellation de comportements qui peuvent<br />

se lire dans une sorte de gradation dans lequel<br />

on repère assez aisément des situations qui si elles<br />

perdurent peuvent évoluer défavorablement,<br />

s’aggraver voire se radicaliser. Pour autant peuton<br />

dire que l’exclusion résulte fatalement de ces<br />

états antérieurs ? Il serait, de mon point de vue,<br />

précipité de l’affirmer car l’affaire est autrement<br />

plus complexe.<br />

Dans cette perspective, si cette schématisation,<br />

qui du point de vue heuristique, apparaît comme<br />

un idéal – type au sens évidemment Wébérien du<br />

terme, n’entend pas enfermer ou circonscrire tous<br />

les jeunes dans cette seule typologie, elle n’a pas<br />

non plus pour but de « pathologiser » ou dramatiser<br />

tous ces comportements.<br />

Après tout, comme l’évoque si justement V. Na-<br />

houm – Grappe 5 , pour qui l’ennui ordinaire a une<br />

fonction vicariante, les adolescents ont besoin de<br />

s’échapper, de sortir du regard des adultes sans<br />

qu’il faille immédiatement brandir contre eux tout<br />

une armature pédagogique qui serait ou le deviendrait<br />

vite oppressante. Mais de là à penser qu’il<br />

est plus dangereux de s’ennuyer dans un quartier<br />

sensible que dans un quartier résidentiel, il n’y<br />

a qu’un pas que les entrepreneurs de morale et<br />

autres politiques franchissent parfois allégrement.<br />

Leur laisser du champ libre, de l’espace à eux tout<br />

en se montrant disponible dès lors qu’ils nous sollicitent,<br />

ne pas hésiter à les rencontrer, sans insistance,<br />

là ou ils sont, déambuler avec eux, répondre<br />

à leurs demandes nombreuses et parfois<br />

irraisonnables – il importe toutefois de prendre<br />

ces demandes au sérieux en leur donnant du sens<br />

- en évitant un rapport de don contre don, au profit<br />

d’une relation dans laquelle ils sont positionnés<br />

comme des acteurs à part entière, sont autant de<br />

postures que les éducateurs de rue adoptent dans<br />

leur démarche professionnelle.<br />

Derrière cet usage professionnel de la rue, le véritable<br />

enjeu tient tout à la fois à la nécessité de<br />

créer ou de maintenir du lien avec eux et de les<br />

aider à changer la vision négative qu’ils ont de<br />

leur quartier. Les éducateurs de rue savent bien<br />

les dommages d’une trop forte stigmatisation. Ils<br />

sont à ce propos souvent confrontés à des situations<br />

ou les rapports sociaux profondément élimés<br />

par cette image négative, se traduisent chez certains<br />

par des comportements d’agressivité, de rejet<br />

voire de violence gratuite et inutile.<br />

C’est ce que décrit bien, P. Bourdieu qui, dans<br />

son travail sur les quartiers, écrit que « le quartier<br />

stigmatisé dégrade symboliquement ceux qui<br />

l’habitent et qui, en retour le dégrade symboliquement,<br />

puisque, étant privés de tous les atouts nécessaires<br />

pour participer aux différents sociaux, ils<br />

n’ont en partage que leur commune excommunication<br />

6 » (Bourdieu, 1993) ou encore L. Wacquant<br />

qui observe que « trop souvent, le sens aigu de<br />

l’indignité sociale qui enveloppe les quartiers de<br />

relégation ne peut être atténué qu’en reportant le<br />

stigmate sur un autre diabolisé et sans visage … 7 »<br />

( Wacquant, 2006).<br />

4 La prévention spécialisée en France – forme originale d’action socio-éducative, coordination de<br />

V.Girard, CTNERHI, 1991.<br />

5 Nahoum – Grappe, V. L’Ennui ordinaire, Paris, Austral, 1995.<br />

6 Bourdieu, P, et al, La Misère du monde, Paris Seuil, 1993.<br />

7 Wacquant, L, le stigmate territorial au quotidien, in revue Sciences humaines,<br />

les grands dossiers, n 4, 2006


Enfin, cette grille laisse aussi entière la question<br />

des capacités, des compétences que développent<br />

tous ces jeunes, que l’on nomme parfois des jeunes<br />

relais ou des multiplicateurs et qui participent<br />

amplement à la richesse des quartiers.<br />

Certes si les quartiers se sont aussi le théâtre ou<br />

les trafics de drogue sont actifs, ou les actes de<br />

violence sont réels, ils ne sont le fait que d’une<br />

minorité. D’autres jeunes - la majorité en fait -<br />

se déploient avec enthousiasme dans des dynamiques<br />

intéressantes qui,tout en visant des effets<br />

positifs sur le quartier, bénéficient en retour d’une<br />

reconnaissance par les habitants du quartier voire<br />

au-delà, lorsque des projets se construisent dans<br />

une mixité sociale, et dans une perspective de développement<br />

local.<br />

Ainsi des programmes culturels, des actions humanitaires,<br />

des séjours interculturels, des projets artistiques<br />

préparés et réalisés avec ces jeunes sont<br />

ils des traces d’un savoir être, d’un savoir faire,<br />

et plus encore d’une volonté, d’une aspiration a<br />

être considérés comme des personnes reconnues<br />

simplement, sans qu’ils n’aient toujours besoin de<br />

faire la preuve de ce qu’ils sont, de qui ils sont.<br />

Après tout pourquoi ne seraient – ils pas les enfants<br />

d’une ville, des citoyens à part entière.<br />

Le temps serait-il venu d’éduquer aussi les<br />

gens de la ville pour que chacun puisse apprendre<br />

à mieux se connaître et que cette<br />

co – naissance puisse être le gage d’une estime<br />

mutuelle… Et si c’était cela le vrai projet<br />

de la ville au risque sinon, que chacun reste<br />

cloisonné dans son territoire bien protégé<br />

derrière des frontières, reflets d’une société<br />

inexorablement bloquée et pathogène…<br />

MELONI Jean-Paul,<br />

Responsable de l’Equipe de Prévention<br />

Spécialisée du Val de Sarre / CMSEA<br />

Anthropologue<br />

Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />

Une rencontre en tension<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Les jeunes de<br />

banlieues et la<br />

ville<br />

Une rencontre<br />

en tension<br />

Jean-Paul<br />

MELONI<br />

29


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Prendre son<br />

temps dans<br />

l’urgence<br />

Virginie<br />

DEPOILLY<br />

30<br />

«prendre son temps dans L’urgence<br />

Lors de mon intégration au sein de la formation de master professionnel spécialité<br />

Ingénierie des Politiques Publiques et Sociales à l’université Paul VERLAINE de METZ, une<br />

de mes préoccupations majeures était de parvenir à opter pour un thème de recherche.<br />

Plusieurs me tenant à cœur, mon choix fut encouragé par les événements de novembre<br />

2005. En effet, des émeutes sont organisées à partir du 27 octobre 2005 à l’égard des sapeurs<br />

pompiers et des forces de l’ordre en réponse au décès de deux jeunes de Clichy sous<br />

Bois, qui, se croyant poursuivis par la police se sont réfugiés dans l’enceinte d’un poste<br />

électrique. Ainsi, de nombreux jeunes déclarent à ce moment dans les médias qu’une des<br />

motivations de ces soulèvements est une réponse au mépris qu’exerce la police à l’égard<br />

des jeunes et plus particulièrement des jeunes de couleur. En France, ces émeutes sont<br />

d’abord évoquées avec des mots tels que « incident »,<br />

« mouvement de rue », « violences urbaines » alors que du point de vue des pays étrangers,<br />

ces violences ont souvent été interprétées comme des réponses aux problèmes d’intégration<br />

ethnique et la France a fait l’objet de vives critiques. A cette époque, la question<br />

de la délinquance juvénile, bien que reconnue depuis 1912 en France grâce à l’instauration<br />

des tribunaux pour enfants et depuis 1945 grâce à l’adoption de l’ordonnance du 2 février,<br />

prônant le primat de l’éducatif sur le répressif, une connaissance accrue du mineur, et la<br />

singularité de chaque dossier, est mise au premier plan dans les médias.<br />

«prendre son temps<br />

dans L’urgence»<br />

L’état d’urgence est prononcé par le gouvernement<br />

le 8 novembre en application de la loi du 3 avril<br />

1955 : Nicolas SARKOZY, ministre de l’intérieur et<br />

de l’aménagement du territoire, souligne l’étendue<br />

de l’échec des politiques publiques depuis environ<br />

30 ans au cours de son discours du 12 janvier<br />

2006. Selon lui, l’application de l’ordonnance de<br />

1945 aboutit souvent à l’impunité c’est-à-dire que<br />

si la justice d’aujourd’hui s’appuie de trop près sur<br />

cette ordonnance, certains délits risquent de ne<br />

pas être sanctionnés comme ils devraient l’être,<br />

ne privilégiant pas la punition par la répression.<br />

Ainsi, il propose de réviser le texte fondateur de<br />

la justice des mineurs, non pas en envoyant systématiquement<br />

les jeunes en prison mais en apportant<br />

une réponse plus rapide aux actes posés,<br />

c’est-à-dire en raccourcissant les délais de jugement.<br />

Il propose également de diversifier le panel<br />

des sanctions à la disposition de la justice afin que<br />

les réponses à la délinquance juvénile soient plus<br />

en accord et représentatives de la justice. Cependant,<br />

cette réforme est vivement critiquée : en effet,<br />

les propos du ministre sous-entendent que le<br />

traitement judiciaire des mineurs correspond à celui<br />

de 1945, alors qu’il en est tout autrement puisque<br />

le texte fondateur de l’ordonnance de 1945 a<br />

été modifié plus de 20 fois depuis.<br />

Les émeutes ont ainsi relancé la question du jugement<br />

qui selon de nombreux politiques serait<br />

trop long à intervenir. Je me suis penchée sur cette<br />

question de délais de jugement et des interrogations<br />

que cela pouvait susciter à savoir, sur quoi<br />

s’appuie en terme de connaissance du dossier et<br />

du mineur, un jugement dans des délais courts<br />

puisque bon nombre des comparutions lors de ces<br />

événements tenaient lieu de première comparution<br />

pour les mineurs.<br />

Ce choix fut encouragé suite à mon stage au<br />

Centre de placement Immédiat de METZ où j’ai<br />

pu prendre conscience de l’intervention et de la<br />

pluridisciplinarité de la prise en charge judiciaire<br />

des mineurs délinquants. Il m’a ainsi semblé important<br />

de m’interroger sur la prise en charge du<br />

mineur et notamment sur le respect de l’obligation<br />

judiciaire qui repose sur les établissements de la<br />

Protection Judiciaire de la Jeunesse. En fait ce sont<br />

bien plus les procédures, notamment par rapport<br />

à leur durée, et la gestion de cette singularité que<br />

constitue chaque mineur, dans un ensemble que<br />

forme le groupe au sein d’une structure.<br />

Après avoir mené une enquête sur la définition<br />

de ce qu’est un mineur aux yeux de la loi, quels<br />

sont ses droits et ses devoirs mais également de<br />

la délinquance au sens sociologique, il m’a fallu<br />

définir ce qu’était le temps dans le cadre de ma<br />

recherche. Pour ce faire, je me suis appuyée sur la<br />

définition qu’en donne Marc BESSIN 1 , sociologue,<br />

1 Marc BESSIN : « la temporalité de la pratique judiciaire : un point de vue sociologique »,<br />

revue droit et société, n° 39, 1998


chargé de recherche au CNRS (Centre d’étude des<br />

mouvements sociaux, École des hautes études en<br />

sciences sociales) qui axe nombre de ses recherches<br />

sur les temporalités sociales. Ainsi, il distingue<br />

deux temps : le Chronos, qui correspond à<br />

un temps linéaire, objectivé et mesurable. Celui-ci<br />

fait l’objet d’un cadre préalable, standardisé, extérieur<br />

à l’individu et il s’impose à l’activité humaine<br />

(c’est le temps de l’horloge). Il distingue<br />

ce temps du Kairos, que l’on peut définir comme<br />

une dimension du temps n’ayant rien à voir avec<br />

la notion linéaire du Chronos, mais pouvant être<br />

considérée comme une autre dimension créant de<br />

la profondeur dans l’instant. (Kairos a donné en<br />

latin opportunitas, opportunité, capacité à saisir<br />

l’occasion) 2 :<br />

«Quelle est donc cette faculté, ce sens en nous<br />

qui nous rend plus ou moins apte à saisir l’occasion<br />

opportune? Pouvons-nous la développer? Si<br />

l’occasion opportune est un don des dieux, quelles<br />

sont les vertus qui nous disposent à accueillir<br />

ce don? Question cruciale, particulièrement à une<br />

époque où le choix est un absolu.<br />

S’il n’y a qu’une façon de faire le bien, il est bien<br />

des manières de le manquer. L’une d’elles consiste<br />

à faire trop tôt ou trop tard ce qu’il eût fallu faire<br />

plus tard ou plus tôt. Les Grecs ont un nom pour<br />

désigner cette coïncidence de l’action humaine et<br />

du temps, qui fait que le temps est propice et l’action<br />

bonne: c’est le Kairos, l’occasion favorable, le<br />

temps opportun.»<br />

(Pierre Aubenque, La prudence chez Aristote, Paris,<br />

PUF, 1963, pp. 96-97.) 3<br />

Face à ces définitions, nous pouvons affirmer que<br />

la justice et les services sociaux agissent selon<br />

un temps Kairos, c’est-à-dire qu’ils choisissent<br />

le temps pour agir, le temps adéquat à l’action,<br />

celui-ci dépendant de l’évolution du mineur, de<br />

son dossier. Le kairos, relève d’un savoir : dans<br />

le cadre de la justice des mineurs, il s’agit de la<br />

connaissance que l’équipe éducative aura pu tirer<br />

de la prise en charge à savoir du comportement de<br />

l’évolution et des perspectives pour le mineur afin<br />

d’appuyer le dossier au moment de la présentation<br />

devant le magistrat. « C’est aussi du temps, mais<br />

qui est hors de la durée; c’est l’instant fugitif mais<br />

essentiel, soumis au hasard mais lié à l’absolu.[…]<br />

Le kairos n’est rien sans le savoir qui permet de le<br />

reconnaître ; il n’est qu’événement parmi d’autres<br />

pour celui qui ne sait pas. Mais, pour celui qui sait,<br />

il est ce qui lui révèle son propre savoir, par le<br />

«prendre son temps dans L’urgence»<br />

choc de la réalité qui se révèle comme signifiante<br />

» 4 .<br />

La prise en charge d’un mineur implique la mobilisation<br />

de différents acteurs répondant chacun<br />

à un rapport au temps spécifique. Les magistrats<br />

s’appuient sur un temps long ce qui pour eux permet<br />

de « pondérer, de relativiser et de vérifier » 5 .«<br />

La temporalité judiciaire s’inscrit dans la durée, le<br />

droit étant associé à la tradition, à la permanence<br />

et à la stabilité des règles qu’il induit et qu’il<br />

perpétue » 6 . Mais ce temps se retrouve souvent<br />

confronté aux réalités sociales qui elles, se réclament<br />

d’actions associées à un temps plus court.<br />

La justice des mineurs est d’autant plus confrontée<br />

à cette temporalité car l’expertise judiciaire qu’elle<br />

nécessite, implique l’intervention de différents acteurs<br />

qui, en opposition avec les magistrats attirés<br />

par le temps synonyme de permanence, sont soumis<br />

aux contingences. De ce fait, on s’aperçoit que<br />

le temps est un enjeu dans les rapports de pouvoir<br />

entre le magistrat et les acteurs extérieurs. S’entreprend<br />

alors une quête du « bon temps » : un<br />

temps trop court laisserait trop de choses en suspens<br />

dans la connaissance d’un dossier et donnerait<br />

lieu à un jugement et une sanction inadaptées<br />

et à l’inverse un temps trop long favoriserait le<br />

sentiment d’impunité des mineurs qui ne verraient<br />

pas de réponses aux actes posés.<br />

En ce qui concerne les structures d’accueil de la<br />

PJJ, le rapport au temps est différent. Elles ont<br />

pour mission de répondre aux perspectives émises<br />

par le magistrat tout en faisant part d’une certaine<br />

autonomie. Dans le temps qui leur est imparti, il<br />

faut qu’elles acquièrent l’adhésion du mineur, de<br />

sa famille et mettent en place une action éducative<br />

la plus adéquate possible avec la personnalité<br />

du mineur. En effet, lors d’un placement ou d’un<br />

suivi par une structure, un délai légal est fixé mais<br />

on s’aperçoit que ce délai de prise en charge est<br />

défini réellement en fonction du mineur. Chaque<br />

type de structure répond à un cahier des charges<br />

ayant pour but de prescrire le type de prise<br />

en charge et, il revient au directeur et à l’équipe<br />

éducative au sein de chaque structure de gérer le<br />

temps comme ils l’entendent. Une des spécificités<br />

observées par exemple concerne le CER (Centre<br />

Educatif Renforcé) que j’ai eu l’occasion de visiter;<br />

son activité est fondamentalement orientée par la<br />

gestion d’un «temps de groupe», alors les autres<br />

établissements et services donnent la priorité à<br />

l’évolution individuelle au sein d’un groupe.<br />

En ce qui concerne les autres types de structure,<br />

et plus particulièrement les CPI (Centres de Pla-<br />

2 Définition de Wikipédia, l’encyclopédie libre : http://fr.wikipedia.org<br />

3 Encyclopédie de l’AGORA<br />

4 Encyclopédie de l’AGORA<br />

5 Marc BESSIN, « la temporalité de la pratique judiciaire, un point de vue sociologique », droit<br />

et société, n°39, 1998, p 331 à 343.<br />

6 Ibid<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Prendre son<br />

temps dans<br />

l’urgence<br />

Virginie<br />

DEPOILLY<br />

31


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Prendre son<br />

temps dans<br />

l’urgence<br />

Virginie<br />

DEPOILLY<br />

32<br />

«prendre son temps dans L’urgence»<br />

cement Immédiat) qui ont été crées pour répondre<br />

instantanément à la demande du magistrat, la<br />

durée inscrite dans les cahiers des charges est de<br />

3 mois mais dans la réalité, le juge ne tient pas<br />

forcément compte de l’institution mais bien plus<br />

de l’intérêt du mineur. Une fois le mineur accueilli,<br />

des délais sont imposés en interne afin de mettre<br />

en place rapidement le travail envers le mineur ;<br />

le cas échéant serait considéré comme une faute<br />

professionnelle. Le fait de pouvoir modifier la durée<br />

des placements, autant de les raccourcir que de<br />

les renouveler, est une des spécificités de la justice<br />

des mineurs en France. Le temps de la prise en<br />

charge est ainsi décomposé<br />

par des rapports d’évolution<br />

envoyés au magistrat. Les<br />

structures d’accueil se positionnent<br />

alors, en amont<br />

du jugement, comme une<br />

force de proposition.<br />

Grâce aux différents outils<br />

de travail utilisés et leur<br />

analyse, j’ai pu constater<br />

que la justice des mineurs<br />

et la prise en charge des<br />

mineurs délinquants se décompose en temps formalisés.<br />

Cette formalisation est nécessaire afin<br />

que la prise en charge puisse donner lieu aux résultats<br />

escomptés et ce, en raison de la spécificité<br />

du public accueilli et des difficultés dont il relève.<br />

On peut ainsi distinguer la prise de décision de<br />

placement par le magistrat, l’information à l’établissement<br />

ou au service concerné, au directeur<br />

et à l’équipe éducative, et la prise en charge en<br />

elle-même qui peut également faire l’objet d’un<br />

découpage.<br />

«la lenteur de la justice<br />

n’est pas critiquée parce<br />

qu’elle celle-ci pourrait<br />

la rendre mauvaise<br />

mais bien plus parce<br />

qu’elle ne répond pas à<br />

la réalité de la société».<br />

Reste le temps du point de vue des mineurs pris<br />

en charge. Il importe de rappeler avant tout qu’un<br />

adolescent n’a pas le même rapport au temps<br />

qu’un adulte et pourtant « le rapport au temps<br />

participe de la construction psychologique et sociale<br />

de la réalité » 7 . De plus, le mineur qui fait<br />

l’objet d’une mesure éducative subit cette dernière<br />

comme un temps non voulu, un temps subi<br />

et imposé : il se retrouve confronté à un temps<br />

incertain, la durée des prises en charge étant variable<br />

et réajustable. Dans le cadre d’une mesure<br />

pénale, le mineur sait qu’à l’issue de celle-ci, un<br />

retour à la normalité est envisageable et dans ce<br />

cas, le temps est vécu comme une période transi-<br />

toire, « une période d’exception, qu’il est aisé de<br />

situer dans le temps, avec son début et sa fin » 8 .<br />

En revanche, dans le cadre d’une mesure civile,<br />

la prise en charge « semble plutôt opérer sur le<br />

registre temporel de la permanence. Cette temporalité<br />

perçue renvoie à l’évaluation faite par les<br />

travailleurs sociaux de la situation familiale, qui<br />

elle apparaît pour le jeune comme élément stable<br />

de son histoire personnelle, voué à perdurer audelà<br />

du temps de la mesure » 9 .<br />

Le but de la justice des mineurs et des prises en<br />

charge qui lui sont associées, est au-delà d’une<br />

réponse à un acte posé, de permettre au mineur<br />

de « corriger » une défaillance<br />

qui aurait pu survenir au cours de<br />

l’éducation reçue par la famille.<br />

Ainsi, afin de réajuster les acquisitions<br />

du mineur, les prises en charge<br />

sont basées sur un temps long<br />

et un temps rythmé par des évaluations<br />

permanentes et une importance<br />

donnée à la parole. Bien<br />

que les prises en charge soient un<br />

changement de vie pour le mineur,<br />

il ne faut cependant pas que celuici<br />

se retrouve totalement bouleversé et c’est à cet<br />

effet que les prises en charge sont formalisées selon<br />

différentes étapes que sont l’accueil, moment<br />

charnière pour les parties en présence et la prise<br />

en charge au quotidien ponctuée d’évaluations au<br />

cours de réunions ou de rapport au magistrat avec<br />

une information et une implication constante du<br />

mineur qui doit être acteur de sa prise en charge<br />

et non pas la subir.<br />

De plus en plus, comme nous l’avons rappelé précédemment,<br />

les pouvoirs publics expriment l’intention<br />

de traitement en temps réel par la justice,<br />

mais cette dernière est tributaire des contingences<br />

et de l’évolution du mineur. Pourquoi préconiser le<br />

traitement en temps réel et quels sont les risques<br />

pour une justice des mineurs en France ?<br />

Il convient de préciser que la lenteur de la justice<br />

n’est pas critiquée parce qu’elle celle-ci pourrait la<br />

rendre mauvaise mais bien plus parce qu’elle ne<br />

répond pas à la réalité de la société. Et cette réalité<br />

est une crise, une crise des systèmes centralisés<br />

et cloisonnés d’intervention de l’Etat avec des<br />

lois s’imposant du haut vers le bas et ne laissant<br />

que peu de liberté aux individus.<br />

7 Lionel Dany, «L’expérience de la prise en charge éducative», Sociétés et jeunesses en<br />

difficulté, n°2, septembre 2006<br />

8 Ibid<br />

9 Ibid


De plus, on constate que les pouvoirs publics sont<br />

autant dans une quête d’efficacité (de punir) que<br />

dans une quête de quantité (à punir). Mais ce traitement<br />

en temps réel remet en cause l’essence<br />

même de l’ordonnance de 1945 dans le cadre de<br />

la justice des mineurs car « le traitement en temps<br />

réel recouvre une réponse pénale plus rapide (la<br />

maîtrise du temps judiciaire, le temps judiciaire<br />

recouvre celui de l’enquête et ne lui succède pas,<br />

l’action du parquet est en prise directe sur l’infraction),<br />

une réponse pénale supposée mieux adaptée<br />

» <strong>10</strong> . Comment mieux adapter une réponse dans<br />

l’urgence et dans la rapidité alors que la justice<br />

des mineurs repose sur une connaissance accrue<br />

du dossier du mineur? Pour cela, les personnels en<br />

charge de l’action éducative ont besoin de temps<br />

et d’échange.<br />

La loi 2002.2 formalise les outils de la prise en<br />

charge des mineurs et les droits fondamentaux de<br />

ces derniers. Parallèlement à ces institutions, les<br />

différentes administrations, ainsi que les établissements<br />

et services sont confrontés à des objectifs<br />

de plus en plus contraignants en terme de lisibilité<br />

vis-à-vis de la justice, ce qui amplifie l’aspect réglementaire<br />

et de contrôle de l’action éducative, à<br />

quoi s’ajoute l’obligation de transparence de cette<br />

dernière à l’égard du mineur et de sa famille.<br />

De fait, si la lourdeur de la gestion administrative<br />

peut avoir pour conséquence une altération de la<br />

qualité de la prise en charge en raison de l’insuffisance<br />

de l’aspect relationnel défini comme aspect<br />

primordial de l’action éducative, le traitement en<br />

temps réel risque lui de provoquer une déshumanisation<br />

du jugement en réduisant la place accordée<br />

à l’individu, et de mettre en péril le but recherché<br />

à l’origine, à savoir recréer du lien social, comme il<br />

en est question avec la justice des mineurs.<br />

La justice des mineurs est à ce jour face à<br />

une inquiétude : la lisibilité et la transparence<br />

du dossier du mineur entraînent une<br />

dégradation de la construction ou la remise<br />

en place du lien social, en tant que moteur de<br />

l’insertion dans la société; celui ci nécessite<br />

cependant la combinaison et l’harmonisation<br />

des différents temps (temps de la justice,<br />

temps du mineur et temps éducatif).<br />

«prendre son temps dans L’urgence»<br />

Virginie DEPOILLY,<br />

Chargée de mission « ingénieur<br />

en formation »<br />

(master I2PS)<br />

Université Paul VERLAINE-METZ<br />

<strong>10</strong> Bernard BRUNET : « Le traitement en temps réel : la justice confrontée à l’urgence comme<br />

moyen habituel de résolution de la crise sociale », revue Droit et société, n° 38, 1998,<br />

p 95 à <strong>10</strong>7.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Prendre son<br />

temps dans<br />

l’urgence<br />

Virginie<br />

DEPOILLY<br />

33


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Impressions<br />

de stage<br />

Aurore<br />

ZAMPIERI<br />

34<br />

impressions de stage<br />

Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />

« partager le plaisir d’une<br />

rencontre »<br />

Naissance d’une rencontre<br />

Le 28 novembre 2006, je pénètre pour la troisième<br />

fois dans l’enceinte du Foyer<br />

« Le Haut Soret ».<br />

Il est 6h30, tout paraît encore endormi.<br />

Le veilleur parle d’une nuit calme, sans agitation.<br />

Nous gagnons alors le pavillon 6 (ou Foyer d’Accueil<br />

Spécialisé ), où déjà je peux apercevoir les<br />

visages des résidents plutôt matinaux. Je pénètre<br />

dans le pavillon, salue les personnes déjà debout<br />

et cette boule que j’avais dans le ventre commence<br />

à s’apaiser. L’odeur du café se fait sentir et chacun<br />

se réveille à son rythme devant le petit déjeuner.<br />

Je me plonge alors dans la lecture du cahier<br />

d’internat pour m’imprégner de l’atmosphère du<br />

moment. C’est alors que certains visages jusque là<br />

endormis s’approchent de nous pour nous saluer.<br />

Déjà nous étions dans une dynamique d’échanges,<br />

aussi anodins peuvent ils paraître.<br />

Puis, vient le temps de l’accompagnement à la<br />

toilette pour un tiers d’entre eux et le temps du<br />

réveil pour les autres. L’ensemble des résidents<br />

et résidentes a accepté que je sois présente lors<br />

de la toilette. J’étais époustouflée par cette capacité<br />

d’adaptation. Ce à quoi je ne m’attendais pas<br />

(j’avais noté dans mon cahier de bord: «j’espère ne<br />

pas avoir bousculé l’intimité de chacun»). Cela me<br />

renvoyait certainement à ma propre nudité, à ma<br />

propre pudeur. Mais ce n’était pas la mienne dont<br />

il s’agissait et je me suis vite aperçue que tout se<br />

jouait dans le regard qu’on posait sur eux à ce moment<br />

là. J’étais venu les rencontrer; la toilette est<br />

vite devenue un moment privilégié d’échanges. On<br />

prend en considération l’autre dans l’ensemble de<br />

sa personne et cela passe aussi par le bien être<br />

du corps: prendre soin de soi, temps de détente<br />

sous la douche, être à l’écoute des maux et des<br />

mots, ... On s’adapte à chacun, certains évoquent<br />

le besoin d’une présence, d’une aide pour faire le<br />

lit, d’un soutien pour effectuer correctement sa<br />

toilette,…<br />

Après la douche, certains vont déjeuner, d’autres<br />

demandent un conseil pour la coiffure, la vêture<br />

ou encore la qualité du rasage. Puis, ils se rendent<br />

à l’infirmerie pour prendre le traitement matinal<br />

pendant que les personnes qui sont de service ce<br />

jour là s’affairent dans la cuisine (ce qui est loin<br />

d’être toujours le cas, comme pour nous). A chacun<br />

son rythme cependant.<br />

« L’envie de partager avec vous quelques temps forts<br />

de mon passage au sein du Foyer d’Accueil Spécialisé<br />

du Foyer « Le Haut Soret », l’envie de partager avec<br />

vous mes ressentis et mes questionnements, l’envie<br />

de vous donner envie d’aller à la rencontre de ces personnes.<br />

Pour ce faire, je vous propose d’assister, à travers le<br />

récit de ma première journée, à la naissance de cette<br />

rencontre avant de découvrir le lieu de cette dernière.<br />

J’aimerai aussi vous parler des personnes rencontrées<br />

et plus particulièrement de Clara. En guise de clôture,<br />

« Au moment de partir » retrace les interrogations<br />

quant au départ, à la séparation et ce, avec beaucoup<br />

d’émotions ».<br />

Accueil des externes. Les résidents ont un peu de<br />

temps pour eux vers 9h00 et ce jusqu’à <strong>10</strong>h00,<br />

début des ateliers avec l’équipe d’externat. Vers<br />

9h30, le personnel éducatif soulève les humeurs<br />

éventuelles de certains résidents, les éventuels<br />

conflits, les moments agréables partagés avec<br />

certains résidents,…<br />

Un temps officiel d’échange de consignes qui a son<br />

importance pour accompagner au mieux les résidents<br />

dans leur vie quotidienne. J’allais oublier la<br />

visite vers 8h00 des chefs de service, qui, ceci dit,<br />

m’interroge beaucoup. En effet, ils viennent signer<br />

le cahier d’internat sans qu’il y ait pour autant<br />

échange avec le personnel ou les résidents.<br />

A <strong>10</strong>h00, je quitte le pavillon 6 avec le sourire aux<br />

lèvres. Dépôt du cahier d’internat au central (car il<br />

sera lu par la direction) et de la fiche de présence<br />

pour les repas.<br />

Retour à 16h30 ou 17h00. Récupération du cahier<br />

et échange de consignes avec l’externat. Avant le<br />

repas, nous restons à la disposition des résidents<br />

aussi bien pour échanger avec eux sur leur journée,<br />

que pour régler des détails administratifs,…<br />

Cela peut paraître frustrant dans les premiers<br />

temps car nous ne sommes pas dans le « faire<br />

» mais nous sommes présents et il se passe tellement<br />

de choses. C’est aussi ces moments qui<br />

m’ont permis de les découvrir un peu plus chaque<br />

jour. Il est primordial de toujours garder à l’esprit<br />

qu’ils ont eu une journée avec des activités, que ce<br />

lieu est leur lieu de vie et ils l’investissent comme<br />

tel. C’est pour cela que ce temps ne doit pas être<br />

investi lui aussi comme un lieu d’activités. Parfois,<br />

ce temps permet d’effectuer des achats, de faire<br />

des sorties,…Ce jour là, j’ai dansé avec deux résidents<br />

et avec plaisir; d’autres regagnent leurs<br />

chambres, ceux qui le peuvent vont seuls effectuer<br />

des achats, d’autres encore vont rendre visite<br />

à leurs amis sur d’autres pavillons,...Ensuite, vient<br />

l’heure du repas. La plupart du temps, aucun bruit<br />

ne règne, c’est un temps de plaisir apparemment.<br />

Après la prise de cachets, la plupart des résidents<br />

vont se coucher. D’autres regardent la télévision,<br />

d’autres encore viennent parler avec nous et<br />

d’autres participent aux activités proposées par<br />

l’équipe d’animation. Ce soir-là, au sein de notre<br />

pavillon, se déroulait l’activité step. C’était une


première. J’y ai participé avec d’autres résidents,<br />

pour la plupart des foyers alentours. Pas toujours<br />

facile de s’orienter dans l’espace ou de mobiliser<br />

une partie de son corps,…mais beaucoup d’énergie<br />

et d’entrain à éprouver son corps. Encourageant!<br />

22h15: dépôt des consignes au veilleur de<br />

nuit et à l’éducateur de nuit.<br />

22h30: retour à la maison avec nostalgie et<br />

fatigue. Merci pour cette première journée.<br />

Le lieu de la rencontre<br />

De plain-pied, il propose aux résidents des chambres<br />

individuelles spacieuses avec douche, sanitaires<br />

et terrasse; une salle à manger spacieuse,<br />

un salon confortable, des salles d’ateliers et une<br />

cuisine très bien équipée. De plus, c’est un espace<br />

très lumineux.<br />

Les résidents peuvent donc l’investir plus facilement<br />

comme un lieu de vie malgré les contraintes<br />

que peut parfois représenter la vie en collectivité.<br />

Ils ont ainsi la possibilité de s’isoler, d’accueillir<br />

un camarade, de prendre l’air,…Cependant, il est<br />

parfois difficile pour certains résidents d’investir<br />

un même lieu en tant que lieu de<br />

vie et lieu d’activités, bien que cela<br />

permette d’être plus souple dans<br />

le déroulement de la journée. Par<br />

exemple, lorsqu’un résident à besoin<br />

de se calmer, ou lorsqu’il a<br />

besoin de repos, de part son traitement<br />

médical et/ou son âge,…<br />

Cela m’amène à évoquer la notion<br />

d’intimité. Ce terme évoque ce qui<br />

est personnel, privé,…On retrouve<br />

l’intimité dessinée dans l’espace, palpable et l’intimité<br />

abstraite qui touche l’essence de la personne.<br />

Le moment des toilettes renvoie également<br />

à l’intime, à la notion de pudeur. Je m’interroge<br />

beaucoup sur la façon dont les résidents peuvent<br />

ressentir, percevoir le moment de la toilette car<br />

sans aucun doute cela me renvoie à ma propre<br />

nudité. Mais ça n’est pas la mienne et ce que je<br />

peux juger bon pour moi ne l’est pas forcément<br />

pour les autres. Certains semblent y prendre du<br />

plaisir, d’autres le font par habitude, d’autres ont<br />

besoin d’être rassurés de part certaines angoisses<br />

(vision d’un corps morcelé),…<br />

Pour moi, il n’y a pas une sexualité mais des<br />

sexualités. Il faut reconnaître que dans les institutions,<br />

on n’échange pas spontanément sur la<br />

sexualité des personnes en situation de handicap.<br />

Dans certaines institutions, pour éviter d’en parler<br />

ou d’avoir à faire face à une grossesse, on impose<br />

La notion d’intimité<br />

renvoie aussi à la<br />

sexualité. Qui en parle?<br />

Comment? Quel<br />

regard porte l’institution<br />

sur la sexua-<br />

lité des résidents?<br />

impressions de stage<br />

Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />

comme condition d’entrée la contraception aux<br />

femmes!! Au Foyer « Le Haut Soret », la contraception<br />

n’est pas obligatoire mais semble être<br />

évoquée lors de l’entretien d’entrée avec la direction.<br />

Si les parents sont présents, cela permet de<br />

voir quel regard ils posent sur la sexualité de leur<br />

enfant. Ce qui est pertinent au foyer, c’est qu’il est<br />

proposé aux résidents des actions de prévention<br />

et d’information sur la sexualité et les maladies<br />

sexuellement transmissibles. Je n’ai pas eu l’occasion<br />

d’échanger directement avec les résidents sur<br />

leur sexualité mais certains évoquent leur relation<br />

amoureuse, plaisantent sur le sujet,…<br />

Les personnes rencontrées<br />

Certaines ont connu les E.S.A.T (Etablissements<br />

et services d’aide par le travail), d’autres les I.M.E<br />

(instituts médico-éducatifs), les I.M.Pro (instituts<br />

médico-professionnels), les hôpitaux psychiatriques<br />

ou encore la vie familiale. Avant de consulter<br />

leurs dossiers personnels (qui relatent leurs<br />

trajectoires sans pour autant donner d’indications<br />

médicales ou psychiatriques précises; ce qui est<br />

compréhensible au regard du secret médical mais<br />

parfois ressenti comme un manque<br />

face au désir de mieux appréhender<br />

certaines personnalités, pathologies),<br />

j’ai choisi d’apprendre<br />

à les connaître jour après jour (en<br />

partageant avec eux la vie de tous<br />

les jours: la toilette, les repas, les<br />

temps de détente, conflits,…) afin<br />

de pouvoir observer les possibilités<br />

de chacun, leurs envies, leurs<br />

comportements,… et afin de ne<br />

pas garder uniquement en mémoire des éléments<br />

passés et souvent retranscrits avec subjectivité.<br />

La découverte de certaines histoires de vie m’a<br />

parfois permis de mieux comprendre certains<br />

comportements, d’essayer d’être toujours vigilante<br />

dans les échanges que j’ai pu avoir avec eux<br />

et d’échanger avec l’équipe éducative. J’ai forcément<br />

été touchée par leurs histoires et je pense<br />

que l’équipe éducative est là pour les aider à composer<br />

chaque jour avec ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils<br />

vivent et ce à quoi ils aspirent.<br />

La vie en collectivité n’est pas toujours évidente<br />

lorsque cohabitent des personnes âgées de 23 à<br />

57 ans, des personnalités différentes, des personnes<br />

présentant des pathologies psychiatriques diverses,<br />

des personnes porteuses de trisomie 21,<br />

une personne malentendante qui présente des<br />

troubles du comportement, …<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Impressions<br />

de stage<br />

Aurore<br />

ZAMPIERI<br />

35


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Impressions<br />

de stage<br />

Aurore<br />

ZAMPIERI<br />

36<br />

impressions de stage<br />

Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />

La déficience<br />

La déficience est qualifiée de légère,<br />

moyenne ou profonde après<br />

passation de tests qui permettent<br />

d’évaluer le Quotient Intellectuel.<br />

Les résidents du F.A.S sont, pour la<br />

plupart, déficients mentaux légers<br />

(personnes pouvant acquérir des<br />

aptitudes pratiques, la lecture, ainsi<br />

que des notions d’arithmétique) ou<br />

moyens (personnes pouvant acquérir<br />

des notions simples de communication,<br />

des habitudes d’hygiène et<br />

de sécurité alimentaire, et une habileté<br />

manuelle simple. Ils semblent<br />

ne pouvoir acquérir aucune notion<br />

d’arithmétique et de lecture), selon<br />

une des classifications de l’Organisation<br />

Mondiale de la Santé. Cela<br />

dépend aussi de l’entourage et du<br />

degré de stimulation. Reste à savoir<br />

ce que l’on met derrière « notions<br />

simples de communication » et<br />

«habileté manuelle simple ».<br />

Les psychoses<br />

Il me semble nécessaire de souligner que la<br />

connaissance de ces maladies mentales n’est primordiale<br />

que si l’on a pris le temps de les connaître<br />

autrement, dans leur cadre de vie qui est<br />

aujourd’hui le leur, en gardant à l’esprit que rien<br />

est immuable.<br />

Je souhaite, avant de revenir sur les notions de<br />

déficience, de schizophrénie et de psychose, vous<br />

parler d’eux à ma façon. Une personne, un accueil:<br />

poignée de mains, regard en coin, silence,<br />

questionnements,… Cela ne vous rappelle rien? La<br />

plupart me teste: « je vais essayer de t’impressionner<br />

avec un regard noir et le bruit d’une chaise<br />

lancée à terre, j’essaierai d’obtenir de toi ce que<br />

je n’obtiens pas des autres, je te demanderai des<br />

choses et je vérifierai que tu tiens tes promesses,<br />

je tenterai de te séduire avec de jolis<br />

sourires et de tendres paroles »,…<br />

Toujours rien? « Une fois que je te<br />

sens stable, cohérente, je te donne<br />

à voir un peu plus de moi: mon rapport<br />

au corps (l’impression d’avoir<br />

un corps morcelé/support de mes<br />

maux), à la nourriture («nous sommes<br />

ce que nous mangeons»/prendre<br />

son temps lors de la mastication,<br />

ne pas se laisser envahir, dévorer<br />

pour parfois avoir l’impression d’être<br />

plein,..); mes obsessions ( l’heure,<br />

vérifier à de multiples reprises que<br />

ma porte soit bien fermée,…); mes moments de<br />

bonheur (la danse, la chanson, la sieste, un coup<br />

de fil, une lettre, le repas, le brushing, les goûters<br />

du vendredi,…); mes moments de tristesse,<br />

de tension, de colère (un coup de fil, une frustration,<br />

noël,…), mes talents (d’acteur, de chanteur,<br />

de danseur, linguistiques,…); mes relations (amicales,<br />

amoureuses, conflictuelles,…); mes modes<br />

de vie (isolement, besoin d’être entouré,…)».<br />

Les psychoses sont des altérations<br />

graves de la personnalité, entraînant<br />

des modifications profondes<br />

dans la relation du sujet au monde<br />

environnant et dans son appréhension<br />

de la réalité. Elles peuvent<br />

entraîner un sentiment de dépersonnalisation,<br />

une dissociation des<br />

processus de pensée, une reconstruction<br />

délirante du monde (exemple<br />

de X qui est persuadée qu’elle a<br />

eu plusieurs enfants et qu’on le lui a<br />

enlevé ou encore que son estomac<br />

va éclater dans la nuit suite à une<br />

prise trop importante d’alcool durant<br />

sa vie utérine). Il existe différentes<br />

sortes de psychoses dont fait<br />

partie la schizophrénie. Là encore, il<br />

en existe plusieurs formes mais on<br />

peut dégager quelques traits communs:<br />

la dissociation (fait éclater<br />

l’unité de la personne malade; on<br />

peut observer certains troubles mo<br />

Vous découvrirez,<br />

au fil de cette<br />

lecture, des personnes<br />

attachantes et<br />

surprenantes qui<br />

cohabitent au sein<br />

d’un même lieu de<br />

vie (F.A.S) et qui<br />

proviennent<br />

d’horizons différents.<br />

Partage d’une rencontre<br />

teurs comme des mimiques in<br />

habituelles, des stéréoty<br />

pies gestuelles,des impulsions motrices<br />

brutales, des troubles du langage<br />

comme les monologues, le<br />

mutisme ou les conversations difficiles,…),<br />

des troubles du cours de la<br />

pensée qui peut paraître désordonnée,<br />

décousue,…, des troubles de<br />

le vie affective (désintérêt pour le<br />

monde extérieur, mépris de la loi,…)<br />

et le délire (le sujet perçoit un sentiment<br />

d’étrangeté à lui-même et<br />

au monde qui l’entoure, ceci peut<br />

s’accompagner d’hallucinations visuelles,<br />

auditives,…).<br />

Il faut souligner que la plupart des<br />

résidents suivent un traitement<br />

composé de neuroleptiques ou antipsychotiques<br />

et de tranquillisants<br />

depuis un laps de temps assez important<br />

et cela contribue à stabiliser<br />

leur comportement.<br />

J’ai choisi de vous parler de Clara.<br />

Clara est une jeune femme de trente ans, de taille<br />

moyenne, masculine dans sa démarche et dans sa<br />

coiffure mais féminine dans ses tenues vestimentaires.<br />

C’est quelqu’un qui ne se maquille jamais.<br />

Elle est issue d’une famille de sept enfants. Son<br />

père est mort suite à un cancer (je n’ai pas plus<br />

d’informations à ce sujet). Clara n’était pas une<br />

enfant désirée. Lorsqu’elle était enceinte de Clara,<br />

sa mère a amorcé une démarche d’avortement,<br />

qu’elle a interrompu en plein milieu. Les sept enfants<br />

ont été placés en famille d’accueil. Clara<br />

l’était avec une de ses sœurs.<br />

Durant sa vie au sein de la famille<br />

d’accueil, Clara a subi un traumatisme<br />

important. Elle avait peur de<br />

tomber dans la cuvette des toilettes<br />

et faisait de ce fait ses besoins à côté.<br />

« En guise de sanction », la femme<br />

de la famille d’accueil lui faisait manger<br />

ses excréments ou lui plongeait la<br />

tête dans les toilettes.<br />

Clara a également vécu une période<br />

en institut médico-éducatif. Puis, elle<br />

a intégré le foyer d’hébergement « Le<br />

Haut Soret » en 1998 au sein d’un<br />

foyer d’établissements et de services d’aide par le<br />

travail (F.E.S.A.T). Ella a donc connu le travail en<br />

E.S.A.T avant d’intégrer le foyer d’accueil spécialisé<br />

en 2002. Clara a intégré le F.E.S.A.T avec cette<br />

« phobie » des toilettes. Il y a eu un travail entrepris<br />

à ce sujet avec Clara et lors de mon arrivée au<br />

F.A.S, cette phobie semblait ne plus exister. A ce<br />

jour, elle n’a plus aucun contact avec sa famille.


Lors de ma première visite au F.A.S, Clara s’est<br />

approchée de moi, m’a salué et m’a dit: « Tu viendras<br />

voir ma chambre comme elle est bien rangée!<br />

». J’ai accepté son invitation sans hésiter. Et déjà,<br />

je pénétrais chez elle, dans son espace privé et<br />

donc dans une partie de son intimité. Je découvre<br />

alors une chambre peu personnalisée, rangée avec<br />

minutie, voire maniaquerie. En effet, rien ne traînait,<br />

rien ne dépassait, même ses tiroirs étaient<br />

organisés. Clara semblait fière de me montrer son<br />

« chez elle ». J’avais l’impression d’un besoin de<br />

maîtrise de l’espace, de son environnement.<br />

Pourquoi avait- elle ce besoin de ranger comme<br />

cela? Qu’est-ce qui l’a amené à m’inviter<br />

dans son espace?<br />

Peu de temps après le début de mon stage, je<br />

m’aperçois que cette invitation pouvait être destinée<br />

à d’autres personnes, qui sont toujours des<br />

membres du personnel éducatif ou des agents des<br />

services intérieurs.<br />

C’est une personne qui échange peu avec les<br />

autres résidents, sauf lorsque ces derniers ont un<br />

comportement qui lui déplait (« Il est curieux<br />

celui là! » ou encore<br />

« Elle va se taire, oui! »). Elle communique plus<br />

facilement avec tous les adultes qui travaillent au<br />

sein du foyer.<br />

Personne n’a mis de nom sur sa pathologie et je<br />

n’ai pas la prétention de le faire. Clara est une<br />

femme qui est souvent dans de longs monologues<br />

répétitifs qui laissent transparaître le désir d’un<br />

ailleurs.<br />

Ces monologues sont toujours dits en présence<br />

de quelqu’un et/ou dans un endroit stratégique du<br />

pavillon, comme si ils étaient destinés à être écoutés,<br />

ou au moins entendus. C’est une personne qui<br />

s’adresse aux autres résidents en utilisant la troisième<br />

personne du singulier et qui semble mettre<br />

en scène différents personnages.<br />

Une partie du personnel éducatif n’entendait plus<br />

ses monologues car très répétitifs, parfois dérangeants.<br />

Comme si ces derniers faisaient partie du<br />

décor. Peut être une certaine routine s’était installée<br />

chez certains…<br />

J’arrivais avec un regard nouveau et la chance<br />

d’être attentive à tout ce qui se passait autour<br />

de moi. Pour moi, ces monologues représentaient<br />

une échappatoire, un moyen de mettre en mots<br />

sa souffrance, peut être un mécanisme de défense<br />

qui s’est installé,…<br />

Pour l’équipe éducative, il y avait nécessité de travailler<br />

sur le principe de réalité avec Clara. Ce avec<br />

quoi je n’étais pas toujours d’accord. En effet,<br />

quel(s) regard(s) portait on sur elle? Au nom de<br />

quelle réalité? N’a-t-on plus le droit de rêver, de<br />

s’évader? Pour moi, ses monologues n’étaient pas<br />

malsains ou encore sanguinaires. Ils lui permet-<br />

impressions de stage<br />

Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />

(« J’ pourrai acheter un camping car? Avec tous<br />

les produits pour faire le ménage? ») ;<br />

Assez proche (à la question:<br />

« Où aimerais tu aller avec ce camping car? »,<br />

elle répond: « A Woippy »);<br />

Une volonté d’être autre, de pouvoir faire seule («<br />

J’sais me débrouiller toute seule, y’aura pas de<br />

problème. Tu peux pas me dire que j’suis pas<br />

capable de me débrouiller toute seule. Je sais<br />

ranger, faire la vaisselle, oui, oui »);<br />

Une inquiétude quant à son départ en retraite dans<br />

trente ans (« y’aura un camion de déménageurs<br />

pour transporter tous mes meubles? J’pourrai<br />

emmener tous mes meubles, oui, oui…Y’aura<br />

pas de problème »);<br />

Une hésitation entre le monde enfantin et le monde<br />

adulte (« Les landaus, c’est pour les petites<br />

filles. J’pourrai m’acheter un CD? Y’en a des<br />

C.D comme ça au Cora? T’as vu comme j’ai bien<br />

brossé mes dents? » dit- elle en les montrant);<br />

Une façon implicite de mettre en mots sa souffrance<br />

(« Les enfants, y faut s’en occuper, y faut les<br />

changer, leur donner à manger, les mettre sur<br />

les toilettes avec un rehausseur pour pas qui<br />

tombent dedans… Les petites filles »).<br />

taient de construire du rêve et d’exprimer indirectement<br />

sa souffrance. J’ai eu l’occasion d’échanger<br />

avec elle au sujet du camping car en lui demandant<br />

si elle avait une idée du prix de ce dernier ou si elle<br />

savait qui allait le conduire. Elle me répondait parfois:<br />

« C’est cher » et « C’est X qui le conduira<br />

». Elle semblait avoir par moments une certaine<br />

conscience de ces réalités. Je ne la confortais pas<br />

dans ses monologues mais j’essayais d’en apprendre<br />

plus sur ses rêves, ses désirs, son histoire.<br />

Je souhaite revenir sur cette hésitation entre le<br />

monde « enfantin » et le monde adulte. Il se pourrait<br />

que cette hésitation soit pour une part entretenue<br />

par l’institution elle-même. En effet, les règles<br />

qui régissent la vie en communauté (manger<br />

à telle heure, se lever à telle heure, ne pas avoir le<br />

droit de,…) peuvent renforcer la vision qu’a Clara<br />

d’elle même lorsqu’elle se perçoit comme une enfant,<br />

toujours de façon ambiguë.<br />

Clara passe la majeure partie de son temps libre à<br />

balayer. Elle le fait toujours dans un endroit stratégique<br />

du pavillon, dans un lieu de passage: le<br />

couloir, l’entrée, la salle à manger,…On retrouve ce<br />

besoin de maîtriser l’environnement, l’espace. Je<br />

me suis interrogée sur ce besoin permanent d’être<br />

en activité et sur les rôles qu’elle occupe actuellement.<br />

Je tiens à rappeler que Clara a travaillé en E.S.A.T.<br />

Elle accomplit les tâches d’une femme d’intérieur<br />

et c’est peut être pour elle un moyen de se sentir<br />

utile, de produire quelque chose ou encore de se<br />

maintenir « en vie », de ne pas craquer.<br />

Clara vient spontanément dans le bureau et de façon<br />

régulière. Elle ne s’installe jamais à la même<br />

place (dans un coin, au centre, à mes côtés,…), ce<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Impressions<br />

de stage<br />

Aurore<br />

ZAMPIERI<br />

37


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Impressions<br />

de stage<br />

Aurore<br />

ZAMPIERI<br />

38<br />

impressions de stage<br />

Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />

qui n’a pas le même impact. Elle est capable de me<br />

regarder pendant de longues minutes, sans parler<br />

et avec un regard fort, dur, triste et figé. Celui-ci<br />

m’a, dans les premiers temps, mis plus d’une fois<br />

mal à l’aise. Au début, j’essayais de faire autre<br />

chose et je n’en suis pas fière. Puis, je soutenais<br />

son regard, par là même sa souffrance. J’étais une<br />

oreille silencieuse, empathique. Elle m’a appris à<br />

accepter le silence, à l’entendre et à lui donner du<br />

sens.<br />

C’est une personne qui semble apprécier d’être<br />

entourée. Elle n’est jamais seule durant la journée.<br />

Lors de l’ouverture de la salle d’hygiène<br />

chaque matin, elle était présente et<br />

regardait les autres se faire coiffer<br />

ou encore maquiller et remettait les<br />

choses en place après mon passage.<br />

Elle ne souhaitait pas être coiffée ou<br />

qu’on touche à son visage. Jusqu’au<br />

jour ou elle me demanda: « Tu peux<br />

me mettre de la laque dans les cheveux? ». Ce<br />

que je fis avec plaisir et avec soin de lui montrer<br />

le résultat dans la glace afin de lui renvoyer<br />

une image d’elle-même et d’amorcer un travail sur<br />

l’estime de soi, la conscience de soi.<br />

Les instants où Clara accepte de laisser de côté<br />

ses monologues et son balai, lui permettent de<br />

s’ouvrir à autre chose, de se laisser aller. Je cite<br />

en exemple mon premier jour de stage durant lequel<br />

j’ai pu danser avec elle et entendre son rire<br />

sincère et naturel. Merci Clara.<br />

Au moment de partir…<br />

Comment leur dire au revoir? Pas évident…<br />

Le tout, qui n’est pas rien, c’est à la fois de ne pas<br />

minimiser le départ et de ne pas le dramatiser…<br />

J’ai pu constater que l’on se sépare différemment<br />

avec chaque personne: certaines comptent les<br />

jours et disent « qu’après, c’est fini »; une autre<br />

relativise et dit: « tu sais, moi je suis pas triste<br />

que tu partes. Tu peux avoir confiance en nous, on<br />

va s’en sortir. Et puis tu va continuer ta vie, ta vie<br />

de femme »; une autre pleure à l’abri des regards<br />

et me dit que « c’est fini, ça y est » tout en me faisant<br />

un câlin et d’autres soulignent le fait « qu’on<br />

mangera un gâteau et boira un coup ».<br />

Comment leur parler de mon « passage » au sein<br />

de cette structure, de ces rencontres? Il m’a paru<br />

important le jour «J» de leur signifier qu’ils m’ont<br />

permis d’arriver chaque matin avec le sourire. Celui<br />

qui fait qu’on souhaite être toujours capable<br />

d’avoir un regard critique sur certaines considérations<br />

ou certains actes, celui qui conforte notre<br />

choix professionnel et qui fait qu’il est difficile de<br />

« Elle m’a appris à<br />

accepter le silence,<br />

à l’entendre et à lui<br />

donner du sens ».<br />

reprendre le rythme de l’I.R.T.S.<br />

Dernier lever: toujours cette odeur de pain grillé,<br />

ces regards endormis, ce sentiment que c’est le<br />

dernier jour et que je ne peux rien y changer.<br />

Dernière réunion sur le pavillon: je me rends<br />

compte que je m’accroche aux choses que les résidents<br />

savent faire, que je les tire vers le haut.<br />

C’est parfois une qualité et parfois une oeillère.<br />

J’évoque cela car l’équipe éducative envisage une<br />

réorientation pour un résident qui, suite à un accident<br />

vasculaire cérébral, éprouve de réelles difficultés<br />

dans les actes de la vie quotidienne. C’est<br />

pour cela qu’ils vont demander une<br />

orientation en foyer d’accueil médicalisé.<br />

Je pensais que plus on l’aiderait<br />

dans les actes de la vie quotidienne,<br />

plus il se laisserait aller. Mais<br />

quelque part n’est-ce pas lui faire<br />

violence que de le laisser s’énerver<br />

lors du repas lorsqu’il est confronté à de nouvelles<br />

limites? (par exemple lorsqu’il tente d’ouvrir un<br />

pot de yaourt et qu’il trouve que cela ne va pas<br />

assez vite). C’était loin d’être un débat simple car<br />

ce résident a tendance à se laisser aller et parvient<br />

parfois à accomplir des actes lorsqu’il est déterminé.<br />

Je m’accrochais au fait que quand il veut, il<br />

peut. Mais n’est-ce pas aussi lui faire violence que<br />

de trop le stimuler? Qu’en pense t-il lui?<br />

16h00: pot de départ. Je les regarde tous et<br />

me remémore une anecdote avec chacun d’entre<br />

eux. Tour d’horizon des visages. Quelle surprise!<br />

Madame X, qui ne sort que très rarement de sa<br />

chambre, est présente. J’étais venu la voir dans<br />

sa chambre la veille et lui avait signifié que sa présence<br />

me ferait plaisir. Gâteaux et boissons font le<br />

bonheur de tous. Petit discours: les mots avaient<br />

du mal à sortir et le discours que j’avais préparé<br />

est parti aux oubliettes. Les seuls mots qui sont<br />

sortis sont ceux évoqués dans le deuxième paragraphe.<br />

Dernier dîner pris avec eux: absence d’appétit;<br />

prolongation de ce moment, rires. Petit tour au<br />

bar du foyer afin de saluer les autres résidents de<br />

l’établissement et d’échanger encore une parole,<br />

un regard, un sourire avec eux.<br />

22h00: le pavillon 6 est presque totalement endormi;<br />

je fais le tour des chambres et leur dit une<br />

dernière fois bonne nuit. Dans le bureau, je laisse<br />

mon trousseau de clés.<br />

22h20: Au revoir petit pavillon!!! Et merci. Un<br />

ailleurs m’attend, d’autres rencontres, d’autres richesses…<br />

Aurore ZAMPIERI


Je suis éducatrice,<br />

D’habitude j’écris des bilans sur les jeunes<br />

et avec eux…<br />

Je suis une professionnelle<br />

Qui porte la responsabilité du groupe de jeunes<br />

Que j’ai encadré ce samedi 23 juin…<br />

Mais aujourd’hui<br />

Je ressens en mère cette douleur<br />

Et il n’y a pas pire<br />

Que de perdre son enfant.<br />

Je ne peux qu’écrire des mots<br />

Qui sont si peu de choses<br />

Mais j’ai besoin de le dire :<br />

C’était sensé être une superbe journée<br />

Pleine de joie et de plaisir.<br />

Karl a été souriant et heureux<br />

Avec ses copains du groupe.<br />

Il était bien à Elan<br />

Il se découvrait beaucoup de nouvelles ressources.<br />

C’est injuste ce qui est arrivé…<br />

Et je n’ai rien pu faire.<br />

Mais la relation d’aide auprès des jeunes<br />

C’est aussi ne pas avoir peur de la Vie.<br />

J’ai envie de continuer mon boulot<br />

Et j’assumerai qu’il n’y a pas d’accompagnement<br />

et d’éducation sans risque.<br />

Karl, je ne pourrai jamais t’oublier.<br />

Martine<br />

Merci à Michèle, collègue et amie, pour<br />

sa participation à cet écrit, et sa présence<br />

auprès de moi.<br />

L’an passé, au début de l’été un accident tragique coûtait<br />

la vie à un jeune homme dont le parcours éducatif<br />

avait croisé celui des autres jeunes accueillis par l’équipe<br />

éducative du centre ELAN, dans le cadre d’un projet de<br />

remobilisation sociale et scolaire. Karl, 17 ans, a été victime<br />

d’un malaise lors d’une baignade dans le lac de<br />

Serre-Ponçon.<br />

Quelques mois plus tard, une de ses éducatrices a ressenti<br />

le besoin d’écrire son désarroi et sa douleur d’éducatrice<br />

et de mère. Peut-être nous aidera-t-elle à mieux<br />

percevoir la dimension humaine de la relation éducative<br />

et ses incertitudes.<br />

Peut-être suscitera-t-elle chez vous le<br />

besoin de partager avec elle l’émotion<br />

et les interrogations qu’une telle situation<br />

peut provoquer.<br />

vivre avec L’inacceptabLe<br />

qUatre mois aPrès<br />

vivre avec<br />

L’inacceptabLe<br />

« Vivre, c’est survivre à un<br />

enfant mort»<br />

Jean Genet<br />

Quatre mois après...<br />

Au moment de l’accident, j’ai pensé ne jamais pouvoir<br />

retourner sur les lieux du drame. Bien au contraire, fin<br />

août , j’ai éprouvé ce besoin : revoir la personne responsable<br />

des pédalos, la plage, m’est apparu comme<br />

une nécessité pour avancer dans mon cheminement de<br />

deuil. En pensée, je revois très souvent la scène. Quand<br />

je retourne sur place, je la revis. Pendant l’enterrement,<br />

en tant que mère, en tant que femme, en tant qu’éducatrice,<br />

j’ai eu envie d’aider la maman de Karl et j’ai<br />

pensé que j’en étais capable. J’ai senti que nous avions<br />

à partager. En octobre, j’ai donc spontanément, naturellement,<br />

recontacté la maman. Il me semble qu’elle a<br />

besoin de ce lien avec la dernière personne qui a vu son<br />

fils, en vie, heureux. Cela fait aussi partie de son travail<br />

de deuil, et j’ai envie de l’accompagner. J’ai le sentiment<br />

que notre rythme et nos intuitions cheminent parallèlement.<br />

Ce lien nous soutient et nous est indispensable.<br />

J’écris «nous» mais je suis consciente que ma souffrance<br />

est peu de chose par rapport à celle des parents. Je ne<br />

me reconnais pas le droit de me plaindre. J’ai le devoir<br />

d’assumer ce qui est de ma responsabilité.<br />

Ma période de deuil me parait loin d’être achevée, la<br />

douleur est encore lancinante. Pourtant, après m’avoir<br />

entourée et soutenue pendant une semaine, mes collègues<br />

et ma hiérarchie, ne me sollicitent plus pour savoir<br />

comment je vais vraiment, apprendre où j’en suis de<br />

mes réflexions , de mes doutes, de mes ressentis.....<br />

Discrétion ? Fragilité ? Peur ? Indifférence ?...<br />

J’aimerais tant partager, pouvoir avancer ensemble, et<br />

qui sait recevoir et apporter de l’aide, mais je n’ai pas<br />

envie de demander. Je crois que mon travail d’éducatrice<br />

est à présent coupé en deux, l’avant et l’après mort de<br />

Karl. Je suis allée à la piscine avec les jeunes sans être<br />

terrorisée. Par contre, je me retrouve plus affolée dans<br />

«les sports à dépassement», parfois appelés» à risque.<br />

J’essaie de faire un travail sur la prise de risque des adolescents<br />

en général et de nos adolescents en difficultés,<br />

c’est encore vague. Comment prendre de la distance,<br />

comment travailler avec eux sans avoir peur, quand on<br />

sait que le fonctionnent des adolescents est proche des<br />

conduites à risques. Comment les aider à les mesurer,<br />

les penser, les trier et mesurer nos limites ?<br />

Je crois au travail d’équipe, à l’importance de la parole,<br />

de la réflexion, de l’échange, menés ensemble pour<br />

avancer et s’étayer. Je refuse la solitude face aux événements<br />

traumatiques.<br />

Cet écrit est juste un reflet actuel de mes états<br />

d’âme, de mes émotions. Je sais qu’il est brut, sans<br />

analyse. J’aimerais que vous me communiquiez les<br />

réflexions que vous auront peut être inspirées ces<br />

quelques lignes.<br />

Martine CLOATRE<br />

Educatrice spécialisée<br />

Au séjour de rupture du centre Elan.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Tribune libre<br />

Vivre avec<br />

l’inacceptable<br />

Martine<br />

CLOATRE<br />

39


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays<br />

limitrophes<br />

La personne<br />

porteuse d’un<br />

handicap<br />

et son<br />

environnement<br />

Jean-Marc<br />

LOUIS<br />

Inspecteur de<br />

l’éducation<br />

nationale<br />

40<br />

Alluvions<br />

Rapports - Recherches<br />

Congrès national et pays limitrophes<br />

la personne porteuse d’un<br />

handiCap et<br />

son environnement :<br />

L’association GEIST21 de<br />

Moselle, sous l’égide de sa<br />

présidente Cécile MICHEL,<br />

a organisé un colloque qui<br />

a réuni des parents, des<br />

enfants, des enseignants,<br />

des travailleurs sociaux et<br />

des chercheurs en éducation<br />

pour réfléchir ensemble<br />

à l’intégration des jeunes<br />

porteurs de handicap<br />

dans le milieu scolaire ou<br />

professionnel ordinaire.<br />

Nous vous proposons les textes<br />

des interventions des représentants<br />

de l’Inspection Académique<br />

de la Moselle lors du <strong>10</strong><br />

novembre 2007.<br />

La première intervention est<br />

celle de Jean-Marc Louis, inspecteur<br />

de l’éducation nationale<br />

et conseiller technique<br />

de l’Inspecteur d’Académie de<br />

la Moselle pour les questions<br />

d’adaptation et de scolarisation<br />

des élèves handicapés.<br />

L’intégralité des interventions<br />

sera disponible<br />

prochainement sur le nouveau<br />

site du CMSEA, sous la<br />

rubrique<br />

«SIEGE – DIRECTION<br />

PEDAGOGIQUE»<br />

Rapports - Recherches<br />

Ensemble pour un projet de vie réussi<br />

Les lois de 2002 et de 2005<br />

qui définissent une nouvelle<br />

politique du handicap vont<br />

générer une profonde mutation<br />

des rapports entre les<br />

professionnels du soin et de<br />

l’éducation et les parents<br />

d’enfants handicapés.<br />

On a, je pense, dépassé l’image<br />

du parent portée par les approches<br />

psycho-dynamiques des années<br />

70 (je pense ici notamment<br />

à Bettelheim, à Maud Mannoni…)<br />

qui considéraient les familles<br />

comme pathogènes, marquées<br />

de dysfonctionnements dont il<br />

fallait protéger l’enfant handicapé<br />

parce que, par leur souffrance,<br />

les deuils non opérés, l’espoir<br />

porté parfois par une pensée magique,<br />

elles aggravaient le handicap<br />

empêchant tout progrès.<br />

Ces parents étaient eux-mêmes<br />

perçus comme des patients, «<br />

objets » de soins, face auxquels<br />

il fallait afficher une neutralité affective.<br />

Longtemps cela a constitué, et ce<br />

peut l’être encore, ce que Bachelard<br />

appelait un « obstacle épistémologique<br />

» empêchant toute<br />

évolution du regard porté sur les<br />

parents. Si le travail mené dès<br />

l’annonce du handicap, cet accompagnement<br />

nécessaire (qui<br />

peut ici ou là manquer et qui est<br />

à penser encore) aidant les parents<br />

à s’accepter soi-même face<br />

au handicap de leur enfant, à<br />

opérer les deuils nécessaires, à<br />

renforcer leur Moi affecté, si ce<br />

travail conduit de plus en plus à<br />

Organisé par GEIST21 de MOSELLE<br />

les reconnaître dans leur parentalité<br />

avec tout ce que cela comporte<br />

de droits, de considération<br />

et de respect, il est encore loin<br />

le moment où leur compétence<br />

face au handicap est reconnue<br />

par l’ensemble des professionnels<br />

du soin et de l’éducation, où<br />

l’expertise parentale est agréée<br />

et acceptée.<br />

Certes, il existe des parents qui<br />

ne pourront jamais qu’être accompagnés.<br />

Mais cela signifie-til<br />

qu’ils n’ont rien à dire sur leur<br />

enfant, sur son handicap auquel<br />

ils sont confrontés dans ce qu’on<br />

appelle la vie quotidienne ? Cette<br />

parole, qui n’apporte certes pas<br />

autant que celle dite experte (<br />

en sommes-nous si sûr ?) n’at-elle<br />

pas de valeur; elle qui tout<br />

au moins parle d’un enfant en<br />

vie, j’entends par là qui n’a rien<br />

d’abstrait, de théorique, de stéréotypé<br />

qui n’est pas cet enfant<br />

de laboratoire émanant d’observations<br />

subjectives dont la généralisation<br />

peut parfois relever de<br />

l’erreur , du scandale déontologique<br />

voire moral même ? Tout<br />

est peut-être dans l’humilité de<br />

l’écoute professionnelle qui seule<br />

peut saisir, au-delà des mots maladroits,<br />

incomplets, ce qui est<br />

signifiant pour l’enfant et faire de<br />

ces parents des partenaires reconnus<br />

tout au moins dans leur<br />

identité.<br />

Certes, il existe des parents pathogènes,<br />

incapables de surmonter<br />

leur souffrance, qui sont dans


le déni, dans l’illusion, parfois hélas dans le rêve.<br />

Mais cela doit-il justifier pour autant qu’ils doivent<br />

être tenus écartés du discours collectif à plusieurs<br />

voix qui doit apporter réponse aux besoins de l’enfant<br />

handicapé, qui doit actualiser les exigences<br />

posées par le concept d’éducabilité de la personne<br />

handicapée, lequel fonde la nécessité de l’action et<br />

de l’espérance partagée?<br />

J’ai prononcé le mot partage. Il pose dans son<br />

fondement la question du lien fonctionnel qui doit<br />

régir les rapports entre les différents acteurs du<br />

handicap (je n’aime pas le mot « acteur » car il<br />

sous-entend que quelque part il y aurait devant<br />

le handicap, des spectateurs. Ce qui ne peut être<br />

parce que c’est une réalité qui doit entraîner la<br />

mobilisation de tous).<br />

On parle très souvent de partenariat. C’est l’intitulé<br />

de votre colloque. Permettez-moi là encore de<br />

dire combien ce mot me dérange. Le partenariat<br />

se définit par une action commune<br />

portée par une finalité partagée.<br />

Certes. Mais rien n’oblige à ce que<br />

les objectifs le soient. Je prends<br />

toujours pour exemple, pour faire<br />

comprendre ma réticence à l’idée<br />

de partenariat dans le contexte<br />

du handicap, de manière générale<br />

dès qu’il s’agit de l’humain,<br />

ces kermesses qui égayent la fin<br />

d’année de nos écoles. Nos directeurs<br />

et directrices recherchent<br />

toujours des partenariats. Ici ce<br />

sont des lots, là des nappes recouvrant<br />

les tables qui vont les concrétiser. Bien<br />

souvent ces objets portent le logo de quelque société,<br />

de quelque organisme bancaire, considérés<br />

comme « partenaires ». Certes, la banque locale<br />

partage avec l’école la finalité de l’opération qui est<br />

la fête, rassembler parents et enfants autour de la<br />

vie de l’école. Mais les objectifs ne sont pas, quant<br />

à eux, forcément partagés. Et ne le sont assurément<br />

pas. L’Ecole aura pour objectif de montrer le<br />

travail de l’année, de créer une convivialité autour<br />

d’elle. L’organisme bancaire, au-delà de tout esprit<br />

de mécénat, aura pour objectif, disons pour arrière<br />

pensée, de faire sa publicité. Les objectifs sont<br />

donc différents dans le partenariat et cela me gêne<br />

dans le contexte de l’accompagnement de l’enfant<br />

handicapé. Ce sont ces objectifs différents, ces attentes<br />

différentes, avouées ou implicites qui sont<br />

à la source des incompréhensions, des différends<br />

Congrès national et pays limitrophes<br />

« On parle très souvent<br />

de partenariat. C’est l’intitulé<br />

de votre colloque.<br />

Permettez-moi là encore<br />

de dire combien ce mot<br />

me dérange<br />

[...] C’est la raison pour<br />

laquelle je préfère parler<br />

de « co-responsabilité »<br />

hélas parfois préjudiciables à cet enfant.<br />

C’est la raison pour laquelle je préfère parler de «<br />

co-responsabilité ». Cette notion implique engagement,<br />

tolérance, décentration de soi en même<br />

temps qu’elle s’inscrit dans une éthique, voire une<br />

morale. Dans la co-responsabilité, c’est la raison<br />

qui doit l’emporter, non l’intérêt, la passion,<br />

l’émotion dussent-ils être compréhensibles à défaut<br />

d’être justifiés. La co-responsabilité donne à<br />

chacun des acteurs son identité propre, elle définit<br />

aussi la nécessité d’un partage. Et quel est ce<br />

partage ?<br />

C’est ce que j’appellerai le « sacré », c’est-à-dire<br />

cet ensemble de valeurs qui font l’humanité et que<br />

quelque part doit porter chaque institution. Ce sacré,<br />

en l’occurrence, est ici la personne handicapée<br />

dans sa réalité humaine, dans son handicap,<br />

dans sa chair et son âme, en ce qu’elle est par<br />

là un semblable à chacun de nous, en ce qu’elle<br />

a les mêmes droits que nous, notamment celui<br />

d’être, au sens philosophique du<br />

terme, le droit à la dignité aussi<br />

et surtout. Et ce sacré doit prendre<br />

le pas sur le « profane » que<br />

constituent l’ensemble des règles<br />

et modes de fonctionnement<br />

propres à chacun des acteurs du<br />

handicap, que constitue la culture<br />

mais aussi les objectifs propres à<br />

chacun d’eux.<br />

Avoir le sacré pour finalité implique<br />

l’actualisation de notions<br />

aussi importantes que reconnaissance<br />

de l’autre, de son expertise,<br />

engagement, coopération, association, écoute et<br />

soutien mutuel. Le profane seul veut dire repli sur<br />

soi, sur ses prérogatives, ses cadres et ses repères,<br />

enfermement, non écoute et refus de l’autre<br />

mais surtout suffisance, vue étroite des choses<br />

voire narcissisme professionnel et systémique qui<br />

ne peuvent que desservir les besoins d’un être qui<br />

n’existe que par sa globalité, sa complexité. La coresponsabilité<br />

implique la subordination du profane<br />

au sacré, met le profane au service du sacré qui<br />

devient sa finalité. Le sacré est la réalité partagée,<br />

le profane est la réalité expliquée, négociée permettant<br />

d’identifier le service rendu par chacun et<br />

de baliser les relations.<br />

C’est ce qui me conduit aussi à remettre en cause<br />

le concept de culture partagée. Elle ne peut être<br />

ce me semble et ce ne me paraît pas souhaitable<br />

chacun devant garder sa propre culture.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays<br />

limitrophes<br />

La personne<br />

porteuse d’un<br />

handicap<br />

et son<br />

environnement<br />

Jean-Marc<br />

LOUIS<br />

Inspecteur de<br />

l’éducation<br />

nationale<br />

41


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays<br />

limitrophes<br />

La personne<br />

porteuse d’un<br />

handicap<br />

et son<br />

environnement<br />

Jean-Marc<br />

LOUIS<br />

Inspecteur de<br />

l’éducation<br />

nationale<br />

42<br />

Congrès national et pays limitrophes<br />

Tout cela n’est certes pas facile. La co-responsabilité<br />

ainsi définie implique quelque part la nécessité<br />

pour chacun d’une désinstitutionnalisation tout<br />

au moins partielle et provisoire de sa culture professionnelle,<br />

plus globalement une ouverture des<br />

institutions pour favoriser un regard sur le réel<br />

de proximité, favoriser aussi l’émergence d’une<br />

pensée environnementale et complexe. La co-responsabilité<br />

rend aussi nécessaire le dépassement<br />

d’obstacles qui constituent pour beaucoup, hélas,<br />

un frein puissant à un accompagnement pluriel<br />

partagé: je ne parlerai ici que du jugement de valeur<br />

souvent porté sur l’autre, la question du pouvoir,<br />

le refuge dans des territoires privilégiés au<br />

nom de qualifications spécifiques, de prérogatives<br />

fonctionnelles, de déontologies parfois surannées,<br />

de cultures propres, le protectionnisme institutionnel,<br />

la tentation du dire au détriment du faire ou<br />

bien encore la déshumanisation des logiques de<br />

systèmes qui tendent à suppléer les institutions.<br />

Tout cela est à dépasser.<br />

La méthodologie de la co-responsabilité est encore<br />

à inventer. Cela nécessite à mon sens une révolution<br />

dans les représentations de l’autre, dans les<br />

modes et les contenus de communication, beaucoup<br />

de pédagogie entre les acteurs de l’accompagnement<br />

de l’enfant ou de l’adolescent handicapé<br />

pour mieux se connaître certes mais aussi<br />

pour mieux connaître celui-ci. Connaître, étymologiquement<br />

naître ensemble. Y-a-t-il plus belle<br />

image, cette co-naissance, pour définir l’essence<br />

de cette co-responsabilité qui n’est en effet très<br />

souvent, face à toute personne handicapée qui est<br />

unique de par son être, par son histoire, que le<br />

partage de l’ignorance, du doute, de la conscience<br />

de la relativité de toute théorisation, de la relativité<br />

de nos expériences en tout état de cause<br />

de la fragilité de nos certitudes. Mais l’essence<br />

de cette co-responsabilité, cette co-naissance est<br />

aussi partage de l’espérance et de la conviction de<br />

la valeur de l’action. Etre co-responsables, c’est<br />

ainsi naître ensemble dans nos fonctions respectives<br />

devant ce défi à chaque fois renouvelé, à<br />

chaque fois originel et original qu’est l’accompagnement<br />

de l’enfant ou de l’adolescent handicapé.<br />

Oui, cette co-naissance est le fondement de cette<br />

co-responsabilité qui seule saura dépasser ce qui<br />

n’est qu’architecture pour privilégier l’humain au<br />

travers de réponses ambitieuses aux besoins et<br />

droits de la personne handicapée, faisant fi du fatalisme,<br />

du renoncement. C’est là un défi sociétal<br />

ouvrant sur un nouveau paradigme devant traverser<br />

à la fois les professionnalités concernées et la<br />

notion de parentalité.<br />

Jean-Marc LOUIS<br />

Inspecteur de l’Education Nationale<br />

Conseiller technique de l’Inspecteur d’Académie de la<br />

Moselle pour les questions d’adaptation et de scolarisation<br />

des élèves handicapés


Congrès national et pays limitrophes<br />

« la sColarité de l’enfant<br />

porteur d’un handiCap mental »<br />

En préambule à cette intervention, je souhaite évoquer avec vous aujourd’hui un petit garçon rencontré<br />

en septembre 1984 alors que jeune enseignante sortie depuis deux ans de l’Ecole Normale j’étais<br />

nommée à Metz, rue Mazelle, à l’Ecole de perfectionnement aujourd’hui fermée. Ce petit garçon m’a<br />

m’appris au moins trois choses qui ont été fondamentales durant toute cette année scolaire partagée<br />

au quotidien, et au-delà de ces quelques mois, de manière bien plus profonde pour la construction de<br />

mon métier<br />

d’enseignante :<br />

• la découverte de la Trisomie 21 dans le vécu de la classe au jour le jour,<br />

• la nécessité de l’adaptation des pratiques pédagogiques,<br />

• la nécessité également de construire chez l’élève le désir d’apprendre, de créer sa motivation, de<br />

l’encourager à se dépasser.<br />

Je tenais à l’en remercier devant vous à l’occasion de ce colloque.<br />

La scolarité suppose un degré d’exigence nécessaire<br />

d’une part à l’acquisition de ce que Philippe Perrenoud<br />

a appelé le « métier d’élève », par ailleurs<br />

à la construction des apprentissages. Voyons ensemble<br />

quels en sont les grands principes.<br />

Le premier de ces principes est sans conteste la<br />

place de l’évaluation. Je voudrais insister sur le fait<br />

que cette évaluation sera fondamentale pour d’une<br />

part donner de la valeur aux difficultés tout comme<br />

aux potentiels de l’élève, ses fragilités, ses centres<br />

d’intérêt, mais également pour réaliser un suivi<br />

de ses progrès, en différentes étapes temporelles<br />

: quotidienne dans les aspects de tous les jours,<br />

plus différée, par période ou par trimestre selon les<br />

compétences que l’on évalue ; et d’autre part pour<br />

contribuer à la structuration du Soi, la structuration<br />

des acquis cognitifs.<br />

On utilise pour cela les outils d’évaluation nationaux<br />

autant que possible, pour le premier degré<br />

celles du langage en grande section, puis le CE1,<br />

puis le CM2, au collège les évaluations 6ème et<br />

celles que peuvent constituer les épreuves du CFG<br />

par exemple, les référentiels des CAP, etc.<br />

On utilisera ensuite des outils plus spécifiques,<br />

ceux qui sont disponibles via les maisons d’édition<br />

ou certaines collections qui proposent des batteries<br />

de tests parfaitement appropriées pour ce qui<br />

concerne les domaines disciplinaires, comme le<br />

français ou les mathématiques. En particulier on<br />

veillera aux domaines spécifiques que sont l’espace,<br />

le temps et la connaissance du corps.<br />

On utilisera enfin des outils personnalisés et adaptés<br />

au cas par cas, pour ce qui concerne la méthodologie,<br />

et toutes les attitudes correspondant aux<br />

savoir-faire construisant l’autonomie. Il importe<br />

de ne surtout pas occulter ces compétences dites<br />

transversales qui relèvent in fine des attitudes incontournables<br />

par lesquelles un enfant apprend<br />

son métier d’élève. La part réservée à l’estime de<br />

soi et la confiance en soi nécessite une attention<br />

permanente.<br />

Parler de scolarité pour l’enfant porteur d’un handicap mental, ce qui est l’intitulé de mon intervention, représente<br />

selon les situations un enjeu, des défis, une chance, de tout cela un peu, mais également la nécessité d’imaginer<br />

des perspectives à long terme, ce qui est pour le moins complexe. Le handicap mental, et notamment la trisomie 21,<br />

comporte de nombreuses particularités dont les plus spécifiques sont qu’il est multiforme, qu’il comporte des degrés<br />

d’atteinte variables, et surtout que le désir d’apprendre doit être constamment soutenu sinon l’enfant peut aller vers<br />

un tranquille bonheur d’être, avec les autres, tout simplement, ou juste pour soi, au lieu d’entrer dans la dynamique<br />

de l’apprentissage avec ce qu’elle comporte d’efforts à fournir, de difficultés à dépasser. Complexe également sera<br />

le fait d’imaginer jusqu’à quel niveau de scolarité on va pouvoir le pousser et le solliciter, vers quelle qualification<br />

professionnelle, et au-delà, vers l’autonomie de vie.<br />

Sur le document de présentation du colloque, on trouve la terminologie d’ « enfant, de personne, d’usager ». Ceci<br />

n’est pas anodin. Parler de l’enfant, de la personne c’est convoquer l’ici et le maintenant, la réalité du sujet. Parler<br />

de scolarité, c’est faire apparaître une facette nouvelle, différente, et qui va être à construire, c’est celle de l’élève,<br />

et au-delà, de l’écolier, du collégien, du lycéen. Au bout de la démarche on va trouver le « travailleur » titulaire d’une<br />

qualification professionnelle, comme un CAP ainsi que l’intervention de Mr Hotton cet après midi nous le montrera.<br />

Parler de l’élève c’est également évoquer la part fondamentale de l’affectif dans la relation pédagogique, ainsi que<br />

mon élève de 1984 a pu me l’apprendre, la valeur de la qualité de la relation, la nécessité de rassurer, d’apprivoiser<br />

pour que l’élève porteur d’un handicap accepte la contrainte de l’apprentissage.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays<br />

limitrophes<br />

La scolarité de<br />

l’enfant porteur<br />

d’un handicap<br />

mental<br />

Fabienne<br />

RAMOND<br />

Conseillère<br />

pédagogique<br />

43


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays limitrophes<br />

La scolarité de<br />

l’enfant porteur<br />

d’un handicap<br />

mental<br />

Fabienne<br />

RAMOND<br />

Conseillère<br />

pédagogique<br />

44<br />

Congrès national et pays limitrophes<br />

Il ne s’agit pas de tout évaluer, ni d’évaluer en<br />

permanence. Mais dans le contexte actuel de scolarisation<br />

des élèves handicapés, la question de<br />

la norme se pose d’une manière différente de<br />

celle de l’évaluation au sens négatif. Elle s’assimile<br />

bien plutôt au repérage de ce qui fonctionne<br />

bien, des domaines dans lesquels l’élève est en<br />

réussite afin que cette scolarisation se passe au<br />

mieux. Il va s’agir d’accompagner l’évolution de<br />

l’élève, de repérer les tous petits progrès qui peuvent<br />

être d’immenses pas en avant, une sorte de<br />

«cap franchi». Il importe de garder une idée de sa<br />

progression qui peut être tellement lente parfois<br />

qu’à l’aune d’une année scolaire on peut ne pas<br />

forcément la repérer et en conséquence céder à<br />

une forme de découragement dû à l’impression<br />

que cela « n’avance pas ».<br />

Par ailleurs ces évaluations seront fondamentales<br />

en ce qu’elles vont permettre de construire le projet<br />

de l’élève, c’est-à-dire de définir les objectifs,<br />

les modalités de la scolarité, et ce, quel que soit<br />

le niveau de scolarité dans lequel on se situe, de<br />

la maternelle à l’enseignement supérieur le cas<br />

échéant.<br />

Le second principe découle directement du<br />

concept de projet ainsi que de l’évaluation, il<br />

concerne l’élaboration du projet individualisé de<br />

l’élève, dans ses objectifs et ses modalités.<br />

En premier lieu envisageons l’aspect des objectifs.<br />

Ils seront fixés en référence aux contenus des<br />

programmes officiels des premier et second degré,<br />

CAP, CFG, selon les situations et les potentiels<br />

des élèves, mais pour ce qui concerne le handicap<br />

mental et a fortiori la trisomie 21, on s’appuiera<br />

sur les objectifs définis par les programmes de la<br />

maternelle, ce, en cas de première scolarisation<br />

même plus tard éventuellement car on sait combien<br />

ces objectifs initiaux contiennent de concepts<br />

fondamentaux dans la construction des acquis cognitifs.<br />

Ces objectifs seront adaptés et individualisés.<br />

Adaptés, car seront repérés les objectifs utiles et<br />

correspondant aux capacités réelles de l’élève. Individualisés,<br />

en fonction de ses compétences, sans<br />

forcément tenir compte du critère de l’âge car on<br />

sait combien étendu peut être le décalage entre<br />

l’âge réel et le niveau ou plutôt l’âge des compétences<br />

scolaires en cas de déficience intellectuelle.<br />

On visera a minima l’acquisition de la lecture, de<br />

l’écriture, des bases mathématiques, qui sont les<br />

1 PPS<br />

2 AVS<br />

3 SESSAD<br />

4 ZPD, voir Lev Vigotsky<br />

vecteurs d’une véritable socialisation, ce qui signifie<br />

l’accès au monde, aux autres, à la communication<br />

orale et écrite. Ces compétences, leur acquisition,<br />

leur développement optimum sont vecteurs<br />

également d’une forme de<br />

« pouvoir » au monde, au sens de la compréhension<br />

de ce monde et de l’autonomie dans ce monde,<br />

au sens aussi de<br />

« je suis capable de…, je peux… » jusqu’à « je<br />

peux me débrouiller seul ». Ainsi la construction<br />

de repères et de cadres pour être dans ce monde<br />

sont-ils fondamentaux.<br />

Observons maintenant les modalités de scolarisation.<br />

Elles sont déterminées par le projet pédagogique<br />

individualisé pour ce qui concerne les<br />

apprentissages, et cela au sein même d’un projet<br />

plus global qui est le projet personnalisé de<br />

scolarisation. Ce projet 1 dans sa globalité définit<br />

différents aspects plus techniques que les aspects<br />

uniquement pédagogiques concernant la scolarité,<br />

comme le mode de scolarisation dans tel ou tel<br />

dispositif, la quotité de fréquentation, l’attribution<br />

d’aides matérielles comme le matériel pédagogique<br />

adapté, ordinateur portable, loupes le cas<br />

échéant, etc, ou d’aides humaines avec les auxiliaires<br />

de vie scolaires 2 , le suivi par certains services<br />

de soin à domicile 3 , l’adaptation des conditions<br />

d’examen, etc.<br />

On voit ainsi que ce second principe est celui qui<br />

donne le cadre de fonctionnement de cette scolarité<br />

dans ses aspects multidimensionnels, de<br />

ses contenus d’apprentissage tout comme de ses<br />

conditions de réalisation, de manière très concrète.<br />

Le troisième et dernier principe que je développerai<br />

aujourd’hui est celui qui est « du côté de l’enseignant<br />

». J’ai évoqué en préambule la nécessité<br />

d’adapter les pratiques pédagogiques, j’y reviens<br />

à présent avec force pour dire toute l’importance<br />

de maintenir au nom des besoins éducatifs particuliers<br />

des élèves un degré d’exigence raisonné tel<br />

qu’il puisse « tirer les élèves vers le haut », vers<br />

leur zone de plus proche développement 4 , le plus<br />

loin possible, tout en individualisant les parcours<br />

et en respectant les rythmes d’apprentissage. On<br />

mesure bien là quelle délicate architecture le pédagogue<br />

élabore au sein du projet pédagogique<br />

individualisé, la part d’inventivité et d’ouverture<br />

que cela nécessite pour donner des perspectives<br />

réalisables en terme de progression, pour don-


ner envie de faire des progrès, pour accompagner<br />

les difficultés, les lenteurs et les dépasser. Au-delà<br />

des objectifs d’acquisition des connaissances de<br />

base, je voudrais souligner une part trop souvent<br />

mésestimée ou passée sous silence, celle qui<br />

concerne l’importance de développer la créativité<br />

chez les élèves porteurs de trisomie 21, la place<br />

fondamentale des activités artistiques et surtout la<br />

place du corps dans les apprentissages. C’est une<br />

des raisons pour laquelle j’ai été particulièrement<br />

sensible au spectacle de danse que nous avons eu<br />

le bonheur de découvrir en initiale à ce colloque.<br />

On a pu mesurer tous les niveaux d’investissement<br />

artistique et corporel, comme la mémorisation des<br />

différents enchaînements, le travail corporel dans<br />

les évolutions, qui sont des réelles compétences<br />

cognitives. Primordial aussi l’aspect affectif, dans<br />

le fait de participer à une réalisation collective, et<br />

surtout le fait d’oser se produire devant un public,<br />

le plaisir d’y parvenir, la fierté d’être reconnu et<br />

applaudi. Je me permettrai encore de les féliciter<br />

de cette création et dire toute l’importance que<br />

revêt ce travail global.<br />

En conclusion, évoquons ce que suppose la scolarité<br />

de l’élève porteur d’un handicap mental. En<br />

premier lieu, et ce de manière encore plus affirmée<br />

depuis la Loi de février 2005, la co-responsabilité<br />

des adultes autour de l’élève. Ainsi ses parents.<br />

Ensuite les professionnels de l’ Education Nationale,<br />

l’enseignant de classe dans les écoles ou les<br />

établissements, ses collègues de l’équipe pédagogique,<br />

les directeurs et chefs d’établissements ;<br />

l’enseignant référent, ce nouveau professionnel<br />

instauré depuis la Loi de février 2005 et qui a dans<br />

ses missions, entre autres, le suivi de la mise en<br />

œuvre du PPS par le biais des équipes de suivi de<br />

la scolarisation pour les élèves handicapés de son<br />

secteur ; les psychologues scolaires pour le premier<br />

degré, les conseillers d’orientation-psychologues<br />

dans le second degré, les médecins scolaires<br />

et de PMI, les membres des services sociaux.<br />

Et également les professionnels de la santé, des<br />

services, au sein de la Commission des Droits et<br />

de l’Autonomie des Personnes Handicapées de la<br />

Maison Départementale des Personnes Handicapées<br />

, qui analyse le dossier, fait des préconisations<br />

au travers de la mise en place du PPS.<br />

N’oublions pas l’élève lui-même, dès lors qu’en<br />

fonction de son parcours, de son âge et de ses<br />

propres compétences il peut être associé et entendu,<br />

soutenu, partie prenante et même force de<br />

proposition de son propre projet, personnel, scolaire<br />

et plus tard, professionnel.<br />

Congrès national et pays limitrophes<br />

La scolarité de l’élève porteur d’un handicapé<br />

mental comporte donc pour la communauté éducative<br />

comme pour l’élève lui-même un enjeu fort,<br />

celui d’un réel travail d’équipe, du dialogue, de la<br />

parole partagée autour du projet de l’élève, pour<br />

qu’il soit le plus adapté possible, qu’il véhicule des<br />

perspectives dynamisantes. Elle pose ainsi le défi<br />

d’un regard neuf et positif sur le devenir de cet<br />

élève, non pas dans une approche centrée sur ses<br />

manques et ses difficultés même s’ils sont réels et<br />

qu’il ne faudrait pas les occulter, mais surtout par<br />

ses richesses et ses potentialités qui ne demandent<br />

qu’à être décelées, valorisées et optimisées.<br />

Une chance à créer, pour aller le plus loin possible,<br />

vers la qualification et l’insertion professionnelle,<br />

vers une vie la plus autonome possible plus tard.<br />

Fabienne RAMOND<br />

Conseillère pédagogique pour l’adaptation et la scolarisation<br />

des élèves handicapés en Moselle<br />

Retrouvez l’intégralité des interventions prochainement<br />

sur le nouveau site du CMSEA, sous<br />

la rubrique<br />

«SIEGE – DIRECTION PEDAGOGIQUE»<br />

Retrouvez Rive.s sur le<br />

nouveau site du CMSEA :<br />

www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Congrès<br />

national et<br />

pays<br />

limitrophes<br />

La scolarité de<br />

l’enfant porteur<br />

d’un handicap<br />

mental<br />

Fabienne<br />

RAMOND<br />

Conseillère<br />

pédagogique<br />

45


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

46<br />

proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

proCora,<br />

les enjeux du référentiel d’activité<br />

Le projet de recherche-action mené dans le cadre d’un programme européen Leonardo da<br />

Vinci est arrivé dans sa dernière phase, celle de la structuration des données et des acquis<br />

par l’intermédiaire d’un référentiel d’activité relatif aux échanges transnationaux.<br />

Valentine TAGU, stagiaire du Master «Ingenierie des politiques publiques et sociales» et dont<br />

vous avez déjà pu lire les commentaires dans le dernier numéro de RIVE.S, fait le point ici<br />

sur les enjeux d’un tel référentiel, autour duquel se concentrent maintenant bon nombre des<br />

préoccupations des travailleurs sociaux et des formateurs en terme d’évaluation, de contrôle,<br />

d’instrumentalisation par les procédures…<br />

la création d’un référentiel<br />

L’objectif du programme PROCORA<br />

Le programme PROCORA est un programme de recherche-action<br />

qui vise à la construction d’un référentiel<br />

de pratiques dans le domaine des échanges<br />

internationaux. Ce référentiel se veut tout d’abord<br />

un outil de régulation des pratiques.<br />

Le modèle choisi pour structurer le référentiel a<br />

été emprunté au pédagogue français Philippe MEI-<br />

RIEU, professeur à l’université de Lyon, et présenté<br />

dans un article intitulé «Quelles finalités<br />

pour l’action et la formation?» 1 . Celui-ci considère<br />

la pédagogie sous trois angles, indissociables: la<br />

technicité (les outils à disposition pour agir), la<br />

connaissance (les savoirs en sciences de l’éducation,<br />

sciences humaines, droit etc.), et les valeurs<br />

(les croyances, les idéologies). Meirieu considère<br />

qu’un éducateur doit toujours avoir à l’esprit ces<br />

trois pôles. L’un des écueils de la plupart des référentiels<br />

actuellement est justement de ne privilégier<br />

qu’un seul pôle, souvent celui de la technicité,<br />

ce qui donne des référentiels très prescriptifs au<br />

niveau des outils, des manières de faire, mais qui<br />

oublient de se référer à des connaissances, donc<br />

1 in Sciences Humaines, n° 76, octobre 1997<br />

qui risquent de les figer dans le temps, et à des<br />

valeurs, qui donnent du sens à ce qu’on fait.<br />

Toute la difficulté du travail des chercheurs, dans<br />

le programme PROCORA, est donc d’aider les travailleurs<br />

sociaux à se situer sur les trois pôles.<br />

Certains éducateurs, en particulier l’équipe française,<br />

avaient en effet tendance à se situer exclusivement<br />

sur celui de la technicité, en faisant<br />

valoir des techniques apprises en formation ou par<br />

leur expérience. D’autres se référaient beaucoup à<br />

de systèmes de valeurs, notamment la religion en<br />

ce qui concerne l’équipe polonaise, très imprégnée<br />

de catholicisme. Il s’agit alors de donner d’autres<br />

clefs pour analyser le travail éducatif, et permettre<br />

à chaque professionnel de considérer autrement la<br />

façon dont il agit avec les jeunes.<br />

Ce référentiel s’inscrit dans une conception de formation<br />

tout au long de la vie. Il est appelé à servir<br />

de support à un processus de validation des acquis<br />

de l’expérience et des compétences, et à être inscrit<br />

dans le système ECVET (système européen<br />

de crédits capitalisables et transférables pour la<br />

formation professionnelle).


proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

Le public auquel se référentiel est destiné se compose de:<br />

• Personnes titulaires d’un diplôme professionnel de travail social<br />

• Etudiants en formation alternée pour la validation de leurs stages<br />

• Salariés non diplômés qui interviennent dans les dispositifs de prévention<br />

spécialisée et qui souhaitent engager une formation professionnelle<br />

• Volontaires qui interviennent dans ces dispositifs, hors statut salarial mais qui<br />

souhaitent en faire une orientation professionnelle.<br />

Ainsi, ce programme veut apporter des outils de<br />

formation et de validation des compétences que<br />

les systèmes nationaux, du fait de leurs disparités,<br />

ne sont pas en mesure de construire actuellement.<br />

Le référentiel se veut un outil souple, adaptable à<br />

des situations diverses, capable de préserver l’hétérogénéité<br />

des situations sociales tout en créant<br />

un cadre commun d’intervention sur un secteur<br />

particulièrement sensible: celui de l’exclusion sociale<br />

et culturelle.<br />

Les enjeux<br />

Enjeux de la reconnaissance des savoirs et<br />

apprentissages<br />

non formels/informels<br />

L’identification et la validation de l’éducation et de<br />

la formation non formelles et informelles sont utiles<br />

aux apprenants. Elles contribuent à l’intégration<br />

sociale, à la capacité d’insertion professionnelle<br />

ainsi qu’au développement et à la mobilisation<br />

des ressources humaines dans les contextes civique,<br />

social et économique. Elles répondent également<br />

aux besoins spécifiques des personnes qui<br />

cherchent à s’intégrer ou à se réintégrer dans le<br />

monde de l’éducation et de la formation, dans le<br />

marché du travail et dans la société. De plus en<br />

plus de jeunes sortent des systèmes de formation<br />

sans qualification. Les phénomènes de décrochage<br />

sont particulièrement aigus, notamment en<br />

France. Développer les procédures de validation<br />

permettra de mieux accueillir ces jeunes lorsqu’ils<br />

reviendront en formation continue et de leur offrir<br />

des programmes qui prennent en compte leur expérience.<br />

Les connaissances acquises de manière non formelle<br />

étant également retenues, il faut assurer<br />

une multiplicité de voies d’acquisition des certifications,<br />

ce qui signifie repenser le moyen d’acquérir<br />

des diplômes et de voir reconnaître ses compétences.<br />

L’école n’est pas le seul moyen, et certifier<br />

des compétences ne se limite pas à certifier des<br />

formations. Un système de certification doit repenser<br />

la relation entre formation, certification et<br />

pratique professionnelle. Par ailleurs, les formations<br />

et qualifications proposées par le système<br />

éducatif ne sont plus toujours considérées comme<br />

apportant des gages de performance dans les emplois<br />

auxquels elles préparent. A l’inverse, il est<br />

attendu du système éducatif qu’il puisse qualifier<br />

des personnes ayant fait leurs preuves sur des<br />

terrains d’expérience. Au cœur de ces problématiques<br />

figure la question de la professionnalisation<br />

et du développement des compétences.<br />

Tout le monde reconnaît que l’expérience est productrice<br />

de savoirs. La question récurrente est<br />

celle de sa validation et de sa reconnaissance<br />

sociale. Le fait d’intégrer aux négociations sur la<br />

formation professionnelle continue la validation<br />

des acquis de l’expérience peut être analysé comme<br />

une véritable révolution culturelle, en France<br />

mais certainement aussi dans d’autres pays d’Europe.<br />

Cela signifie que le dispositif de formation<br />

continue n’est pas le seul moyen pour maintenir<br />

et accroître ses compétences. C’est reconnaître<br />

d’autres champs de développement personnel et<br />

social, que l’entreprise, si elle le souhaite, peut<br />

mobiliser. La place de la VAE est donc paradoxale<br />

dans notre société: ainsi, on considère qu’il faudra<br />

de plus en plus naviguer entre le travail et<br />

la formation dans nos sociétés technologiques en<br />

pleine mutation et pourtant le dossier sur la validation<br />

des acquis était resté secondaire dans les<br />

négociations sociales en France. Quoi qu’il en soit,<br />

la validation des acquis de l’expérience représente<br />

un outil intéressant pour favoriser le passage et<br />

les allers-retours entre la formation et le travail<br />

en intégrant l’ensemble des temps sociaux de l’individu:<br />

le développement des procédures de validation<br />

des acquis signifie à terme la reconnaissance<br />

de mécanismes d’apprentissages propres à<br />

différentes activités professionnelles ou sociales,<br />

voire familiales, à différents lieux (l’école, le travail,<br />

l’environnement social et familial...), à différents<br />

processus d’apprentissage l’autoformation<br />

par exemple).<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

Les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

Tagu<br />

47


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

dans le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

48<br />

proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

Le CMSEA<br />

relève le défi<br />

Les jeunes<br />

de l’équipe<br />

de prévention<br />

et<br />

leurs hôtes<br />

allemenads,<br />

dans la cage<br />

d’escaliers<br />

du célèbre<br />

café<br />

Tachles, rue<br />

Orianburger<br />

à Berlin :<br />

plusieurs<br />

étages<br />

consacrés à<br />

l’art alternatif<br />

libre.<br />

RL.<br />

Arrivés à Berlin pour une semaine de sport<br />

et de culture, huit adolescents sarregueminois,<br />

accompagnés de deux éducateurs<br />

de l’équipe de prévention spécialisée du<br />

CMSEA, ont été accueillis par une dizaine<br />

de jeunes Allemands. Objectif : courir ensemble<br />

le semi-marathon de Berlin... et<br />

le finir ! Mais aussi découvrir la ville, ses<br />

habitants, et son ambiance inoubliable.<br />

Mission accomplie, sur tous les points.<br />

Tous ont fini la course de 21,095 km en<br />

moins de 2 h 30. Parmi 19 000 coureurs...<br />

Meilleurs temps du groupe à deux millièmes<br />

d’écart, Adel et Florian ont bouclé en<br />

I h 42. Steve est arrivé 9 390e en 2 h 03,<br />

et Joffrey 12 000e en 2 h 30. « Ça a été<br />

une expérience formidable pour la course<br />

», concède Joffrey.<br />

« Rencontrer des jeunes d’une autre<br />

culture, et échanger à tous les niveaux,<br />

c’était le deuxième défi », explique Hocine<br />

Boutoubat, leur éducateur. Immersion<br />

réussie dans le bain culturel, si l’on en<br />

croit les jeunes. « Les gens sont supersympas.<br />

A Berlin, on se sent libre. Moi,<br />

je ne voulais plus rentrer ! », s’exclame<br />

Steve. Ils ont pourtant dû s’y résoudre,<br />

jeudi soir. Valises à peine posées, ils rêvent<br />

de cet ailleurs qui les a charmés. « Si<br />

on pouvait repartir ? Pas de problème, je<br />

prépare tout de suite mes bagages ! »<br />

De nouveaux acteurs dans le processus d’apprentissage<br />

et de<br />

certification<br />

Un des défis les plus importants à relever dans la mise au point<br />

et la mise en œuvre d’ECVET est également la diversité, l’atomisation<br />

voire, dans certains pays, la fragmentation des systèmes<br />

de formation et d’enseignement professionnels en Europe. Les<br />

autorités compétentes, les organisations et les acteurs impliqués<br />

peuvent être très nombreux et d’une extrême diversité. Leurs<br />

interventions peuvent concerner la définition des certifications,<br />

des modalités d’évaluation et de validation des acquis, la fixation<br />

des objectifs de formation, la détermination du nombre et<br />

du contenu des unités et le nombre de points de crédit, la mise<br />

en œuvre des programmes de formation, etc. Peuvent intervenir<br />

des prestataires très différents : ministères (de l’éducation,<br />

de l’emploi, de l’agriculture, etc.), agences, branches professionnelles,<br />

entreprises, partenaires sociaux, chambres de commerce,<br />

organisations non gouvernementales, etc. Dans certains<br />

cas, une autorité nationale accrédite ou habilite des prestataires<br />

de formation ou d’autres intervenants pour la conception et<br />

la délivrance des certifications, des points de crédit, etc. Dans<br />

d’autres cas, ces fonctions peuvent être décentralisées au niveau<br />

des régions, voire des prestataires. Comme pour le dispositif<br />

de formation continue, le danger de l’ «usine à gaz» guette<br />

la validation des acquis de l’expérience. Il y a en effet un risque<br />

d’instrumentation des procédures par plusieurs institutions,


proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

qui passé un stade, aurait pour conséquence de<br />

brouiller l’ensemble du dispositif et de rendre caduque<br />

la transférabilité des reconnaissances. Pire,<br />

la complexité du dispositif accroîtrait les inégalités<br />

dans la mesure où les plus diplômés et formés utiliseraient<br />

ce dispositif dans un objectif de changement<br />

de trajectoire professionnelle.<br />

Au regard de cette hétérogénéité qui entretient<br />

les obstacles à la coopération transnationale, plusieurs<br />

initiatives communautaires ont récemment<br />

marqué des avancées dans le développement de<br />

principes partagés :<br />

• l’adoption de principes européens communs dans<br />

le domaine de l’assurance de la qualité ;<br />

• l’adoption de principes européens communs sur<br />

l’identification et la validation des acquis des apprentissages<br />

non formels et informels.<br />

Cependant le manque récurrent de confiance mutuelle<br />

et de coopération entre les organismes compétents<br />

et autres acteurs impliqués dans les systèmes<br />

de formation et de certifications freinent,<br />

voire empêchent le développement d’initiatives<br />

propres à apporter des solutions aux différents<br />

problèmes que posent le transfert et la validation<br />

des acquis des apprentissages.<br />

La notion de « compétences »<br />

L’usage du mot compétence est désormais inscrit<br />

dans les discours, les politiques et les pratiques. En<br />

France, cette notion a été développée par Philippe<br />

ZARIFIAN. La compétence est devenue un outil de<br />

gestion pour le suivi des apprentissages à l’école.<br />

Elle est un reflet des représentations dominantes.<br />

On y écrit qu’avec la compétence, l’individu est<br />

invité à se libérer de ses attaches catégorielles<br />

et à déployer son «potentiel». Des injonctions à<br />

l’autonomie, à la responsabilité, à l’initiative, à la<br />

flexibilité, à la mobilité s’expriment. Nous passons<br />

d’un monde où la qualification et l’acquisition de<br />

compétences passent du champ collectif au champ<br />

individuel. Chacun est maintenant chargé d’entretenir<br />

et de développer ses propres compétences<br />

au risque de tomber dans une déchéance d’abord<br />

professionnelle puis sociale. Les raisons de cette<br />

déchéance ne seront plus à rechercher dans le<br />

contexte social du moment mais dans des parcours<br />

plus ou moins bien menés individuellement,<br />

puisque chacun devient le «manager» de sa propre<br />

vie. La notion d’employabilité interroge l’individu<br />

quant à sa responsabilité dans la gestion de<br />

l’écart entre ses compétences et celles attendues.<br />

Dans ce contexte de nombreuses tensions sociales<br />

se font jour.<br />

L’instabilité du marché du travail et l’instabilité<br />

des situations de travail proprement dites ne font<br />

qu’accentuer la prise en compte des compétences.<br />

Les employeurs ont besoin de plus en plus<br />

de personnes sachant s’adapter, ayant aussi des<br />

compétences transférables. Il faut non seulement<br />

développer des compétences pour un emploi donné,<br />

mais aussi des compétences pour pouvoir<br />

changer d’emploi ou pour pouvoir évoluer à l’intérieur<br />

d’un emploi. Il faut non seulement savoir ce<br />

que l’on peut faire mais ce que l’on pourrait faire.<br />

La qualification à une tâche, un métier ou encore<br />

à une fonction a été progressivement construite<br />

à travers l’expérience, la négociation collective<br />

et parfois grâce à la loi. La qualification définit<br />

une capacité professionnelle et structure une hiérarchie<br />

professionnelle. Ces dernières décennies,<br />

devant les évolutions rapides de l’organisation des<br />

entreprises, les Directions des Ressources Humaines<br />

ont tenté d’individualiser les parcours professionnels<br />

et d’échapper aux contraintes imposées<br />

par les accords sur les qualifications. A côté des<br />

qualifications, elles ont introduit la notion de compétences<br />

transversales, nommées aussi compétences<br />

clés. Ces compétences correspondent aux<br />

comportements exigés par les nouvelles conditions<br />

du travail et de l’insertion dans une société de la<br />

connaissance. Bien des compétences sont certes<br />

liées à des comportements, mais une compétence<br />

clé a une caractéristique essentielle : être transférable<br />

d’une activité à une autre. Une fois acquise<br />

dans un contexte donné, elle peut être mobilisée<br />

dans un nouveau contexte.<br />

Le concept de compétence est actuellement très<br />

utilisé dans toutes les directives nationales ou<br />

européennes. Ce qui est en jeu également avec la<br />

notion de compétence est surtout la question de<br />

l’employabilité. Ces vingt dernières années, l’idée<br />

d’une insertion comme un état de fait qui serait<br />

atteint une fois pour toutes dès que le travailleur<br />

aurait trouvé une «place fixe» est devenue de façon<br />

croissante un leurre, car les réaménagements<br />

fréquents des emplois ne garantissent plus une<br />

telle stabilité à vie.<br />

Enjeux des référentiels<br />

Les véritables réponses aux problèmes de l’identification<br />

et de la définition des compétences semblent<br />

résider dans la construction de référentiels<br />

de compétences.<br />

Force est de constater d’entrée de jeu que<br />

construire des référentiels entraîne de nombreuses<br />

difficultés. Pareille construction va rencontrer<br />

la dichotomie entre le travail prescrit et le travail<br />

réel et poser ainsi la question de la rencontre entre<br />

la théorie et la pratique. Une autre difficulté<br />

surgira dans la construction d’un référentiel : l’anticipation<br />

et l’évolution des compétences. Le référentiel<br />

devra alors idéalement prendre en compte<br />

les changements et les fluctuations. Finalement,<br />

c’est à nouveau beaucoup de relativité qui sera<br />

introduite par la difficulté qu’il y a à construire un<br />

référentiel.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

Les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

49


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

Les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

50<br />

proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

La construction d’un référentiel introduira aussi<br />

inévitablement les questions de sa légitimité<br />

et de sa légitimation. On pourra légitimer la<br />

construction d’un référentiel de compétences<br />

en ayant recours à l’expertise. C’est un premier<br />

moyen. La mise en situation de la personne<br />

pourra être considérée comme une bonne méthode<br />

pour légitimer la construction d’un référentiel<br />

de compétences.<br />

La mise en place de partenariats dans les<br />

constructions de référentiels semble constituer<br />

l’un des meilleurs moyens de légitimation. Ces<br />

partenariats pourront recourir au monde associatif<br />

plutôt qu’au monde académique et ainsi<br />

assurer une légitimation par la base. La question<br />

du dialogue et de la confiance entre partenaires<br />

(notamment les partenaires sociaux) se<br />

posera évidemment ici.<br />

Construire des référentiels de compétences<br />

peut se faire de diverses manières. On trouvera<br />

des méthodes de construction à partir de référentiels<br />

types où des arbitrages sont à effectuer<br />

entre les éléments présents. On pourra alors viser<br />

à une synthèse des éléments restants, voire<br />

à une standardisation dans la construction de<br />

référentiels. Les partenariats amèneront une<br />

touche de concret, de réel, de pratique dans la<br />

construction des référentiels, par rapport aux<br />

constructions académiques. Enfin, les individus<br />

peuvent devenir eux-mêmes des experts dans<br />

la construction de référentiels. En utilisant des<br />

référentiels provenant de la loi ou de normes<br />

européennes, les individus pourront adapter ces<br />

référentiels à des sous-niveaux se rapportant à<br />

des ensembles sociologiques ou géographiques<br />

particuliers. Ils adapteront ainsi une norme supérieure<br />

aux réalités locales. Il subsistera un<br />

risque de retomber sur de la relativité dans ce<br />

cas, d’où la nécessité du maintien de référentiels<br />

internationaux. La façon dont aujourd’hui<br />

on construit certains référentiels, rappelle quand<br />

même curieusement les audits. Ne rigidifions<br />

pas trop les systèmes de référentiels, le grand<br />

risque étant qu’on rentre dans une taylorisation<br />

de ces référentiels alors que justement, et paradoxalement,<br />

la gestion par les compétences<br />

avait pour objet de faire sortir de la taylorisation<br />

et non plus de reconnaître les compétences sur<br />

les emplois mais reconnaître les compétences<br />

sur les individus. Si on fige trop les choses dans<br />

les référentiels, on va revenir à un système de<br />

classification le plus traditionnel possible.<br />

proCora,<br />

et la notion d’inovation<br />

Actuellement, il se développe un certain nombre de<br />

discours sur l’innovation. L’innovation est associée<br />

à l’idée d’originalité, de nouveauté. Elle est mise en<br />

avant par les institutions comme une «vitrine». Il y<br />

a même une sorte d’injonction de la part des pouvoirs<br />

publics à innover. Cette injonction répond à un<br />

impératif de modernité, très présent dans notre société.<br />

Luc BOLTANSKI et Eve CHIAPELLO ont montré<br />

dans leur ouvrage Le nouvel esprit du capitalisme 2<br />

que notre société actuelle est «une cité par projet».<br />

Dans cette cité, le projet, donc la nouveauté, est<br />

très valorisé. Toutes les forces convergent vers un<br />

projet puis, lorsque celui-ci se termine, elles se tournent<br />

vers un autre. Le «grand» est alors celui qui<br />

sera capable de multiplier les projets, et d’en mener<br />

plusieurs de front, qui est dynamique. L’innovation<br />

va trouver son cadre d’action dans l’institution. Elle<br />

y puise les ressources, les dispositifs et les obstacles<br />

grâce auxquels elle va pouvoir se stabiliser. Car<br />

ce qui fait tout d’abord d’un projet une innovation,<br />

c’est sa durée, la manière dont le processus s’inscrit<br />

dans l’institution. L’innovation, loin de constituer une<br />

révolution, s’installe progressivement, sur le long<br />

terme.<br />

L’innovation produit inévitablement des changements.<br />

Dans le cadre d’action qui nous intéresse, le<br />

travail social, une innovation aura des répercussions<br />

sur les pratiques professionnelles. En cela, la création<br />

d’un référentiel de pratiques, qui a pour principe<br />

la mise à plat des façons de faire des travailleurs<br />

sociaux, risque fort de modifier les façons de travailler<br />

des différents professionnels investis dans<br />

le projet. Schumpeter parle de l’innovation comme<br />

d’une «création destructrice». En effet, l’innovation<br />

amène un changement, au prix de l’abandon, peutêtre,<br />

d’un certain nombre de pratiques. Mettre en<br />

place un projet «innovant» suppose donc une prise<br />

de risque consentie par l’ensemble des acteurs. Il y<br />

a tout d’abord un risque économique: on ne sait pas<br />

ce que l’innovation va coûter, ni ce qu’elle va apporter.<br />

Il y a toujours un risque de décalage entre ce<br />

que les financeurs ont misé et les résultats obtenus.<br />

Puis, l’innovation représente un risque pour les acteurs<br />

sociaux, ceux-ci ne sachant pas toujours quel<br />

rôle adopter, ni avec quel degré s’investir. Dans Le<br />

nouvel esprit du capitalisme, Boltanski explique que<br />

le «grand» est celui qui est flexible, qui sait s’adapter.<br />

En ce qui concerne l’organisation des institutions,<br />

l’innovation tente de tirer partie des incertitudes<br />

qui les traversent, alors que l’institution tente<br />

2 BOLTANSKI Luc, CHIAPELLO Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999


proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

par tous les moyens de réduire ces incertitudes.<br />

Ainsi, l’innovation est marquée par cette notion<br />

d’incertitude, d’instabilité, de flou. Elle cherche à<br />

se stabiliser dans une institution, mais ce processus<br />

est long. Les acteurs doivent accepter de naviguer<br />

en eaux troubles pendant quelques temps,<br />

pour trouver, peut-être, quelque chose de positif<br />

à la fin. Boltanski parle en ce sens d’un «monstre<br />

prometteur». L’enjeu d’un programme comme<br />

PROCORA consiste justement à rassembler les divers<br />

acteurs autour de la notion de risque: chacun<br />

doit être partie prenante pour changer ses pratiques,<br />

et donc accepter une remise en cause de ses<br />

routines. Les tentations de crispations, de retours<br />

en arrière, et bien sûr de critique des pratiques<br />

des autres sont bien évidemment présentes, et<br />

c’est cela qu’il sagit de déjouer pour permettre au<br />

programme de s’inscrire dans la durée. En même<br />

temps, il y a là une injonction paradoxale. Le programme<br />

PROCORA doit tout d’abord aider les acteurs<br />

à mettre à plat leurs pratiques, à travers un<br />

long travail de «décorticage» et de dialogue. Cette<br />

partie de définition des pratiques est sans doute<br />

la plus difficile. Les travailleurs sociaux ont été<br />

amenés à rédiger des «cahiers de bord», à travers<br />

lesquels ils tentent de décrire ce qu’ils font.<br />

Or, cela s’avère très difficile, car le jugement est<br />

presque toujours présent. Et les chercheurs passent<br />

du temps à tenter de montrer aux travailleurs<br />

sociaux que leur travail, même quotidien, a de la<br />

valeur et qu’il mérite d’être décrit. En ce sens, la<br />

routine est valorisée. On rejoint là la thèse de Sophie<br />

DUBUISSON 3 qui montre l’aspect positif des<br />

routines, dans un monde en perpétuel changement.<br />

Ces routines assurent en effet une stabilité<br />

en permettant la reproduction des actions. Et un<br />

référentiel ayant pour but la VAE a pour objectif de<br />

stabiliser les actions, de généraliser les pratiques,<br />

afin de permettre à d’autres professionnels de s’en<br />

servir. En même temps, la manière de travailler<br />

instituée par le programme PROCORA amène les<br />

acteurs à sortir de leurs routines pour se confronter<br />

à d’autres points de vue, et à adopter ensemble<br />

un référentiel faisant écho à l’ensemble des<br />

façons de travailler.<br />

L’innovation répond à un processus de «cristallisation»<br />

(voir Jean-Yves TREPOS), c’est-à-dire qu’elle<br />

met en lumière des pratiques marginales, souvent<br />

en réponse à une critique des pratiques ordinaires<br />

impulsées par les politiques sociales. Mais peu à<br />

peu, l’innovation se stabilise et s’institutionnalise.<br />

Ce processus d’institutionnalisation fait donc partie<br />

de l’innovation, en dernière étape. Il s’agit de<br />

l’utilisation du référentiel, dans le cadre du programme<br />

PROCORA. En effet, à travers un processus<br />

d’ «intéressement», pour reprendre les termes<br />

de Michel CALON, l’innovation gagne des alliés et<br />

finit par être relayée par l’institution. Il est alors<br />

nécessaire de trouver des compromis pour que<br />

l’innovation entre dans l’institution sans perdre<br />

son âme. Il est intéressant de noter que le processus<br />

d’innovation est un processus sans fin: une<br />

fois l’innovation institutionnalisée, elle cesse pour<br />

un temps avant qu’une nouvelle innovation ne<br />

naisse. A ce propos, dans le cadre de PROCORA,<br />

l’institutionnalisation de pratiques jusque là marginales<br />

ou en tout cas informelles n’est pas sans<br />

provoquer de remous chez les travailleurs sociaux.<br />

Accepter de se pencher sur sa pratique et d’en révéler<br />

les aspects représente une perte de contrôle<br />

sur cette activité et donc la perte d’un certain pouvoir.<br />

Si on se réfère à CROZIER et FRIEDBERG 4<br />

et à leur théorie du pouvoir comme la capacité à<br />

ménager des zones d’incertitude, alors la création<br />

d’un référentiel de pratique est dangereuse pour<br />

les travailleurs sociaux.<br />

La clef de l’innovation est le travail en réseau.<br />

Cette notion de réseau est très à la mode actuellement.<br />

On valorise en effet la coordination entre les<br />

différents professionnels, la pluri-professionnalité<br />

etc. Mettre des individus ensemble «autour d’une<br />

table» expose inévitablement à des affrontements<br />

entre des logiques de travail différentes. Or, dans<br />

un véritable réseau, tous les professionnels doivent<br />

pouvoir s’impliquer à égalité. Ils pèsent tous<br />

le même poids dans le processus de décision, et<br />

ont tous la même grandeur au sens de Boltanski.<br />

Dans le cadre de PROCORA, rassembler des travailleurs<br />

sociaux, c’est-à-dire par définition des<br />

acteurs de «terrain» et des chercheurs en sciences<br />

sociales, estampillés comme les «intellectuels»<br />

est loin d’être évident. L’enjeu est de faire reconnaître<br />

les expertises de chacun. C’est en effet la<br />

conjugaison des différentes formes d’expertise<br />

qui fait la plus-value du réseau. Il est nécessaire<br />

de faire comprendre aux acteurs qu’il n’y a pas<br />

une bonne façon de concevoir le travail social et<br />

la prévention spécialisée, ou encore les échanges<br />

transnationaux. Les éducateurs, bien qu’en prise<br />

directe avec le public et l’organisation des échanges,<br />

n’ont pas le monopole de la pratique, ni des<br />

valeurs. Tout comme les chercheurs n’ont pas le<br />

monopole de la connaissance. De la même façon,<br />

ce n’est pas parce que les travailleurs sociaux polonais<br />

sont très impliqués dans la religion qu’ils ont<br />

le monopole des valeurs. L’idée est bien de mettre<br />

3 DUBUISSON Sophie, “Regard d’un sociologue sur la notion de routine dans la héorie évolution<br />

niste”, in Sociologie du Travail, n °4, DUNOD, Paris 1998.<br />

4 Voir L’acteur et le système<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

Les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

51


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

Les enjeux<br />

du<br />

référentiel<br />

d’activité<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

52<br />

proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

en valeur la complémentarité de tous ces acteurs,<br />

sans oublier l’expertise des bénéficiaires, élément<br />

qui manque peut-être dans le programme PROCO-<br />

RA. La recherche-action semble être une technique<br />

intéressante pour construire un référentiel de<br />

pratiques, dans la mesure où elle implique un va<br />

et vient entre la pratique et la théorie, entre l’action<br />

et la réflexion sur ce qui a été fait, ainsi que<br />

sur l’expérimentation des nouveautés et changements<br />

préconisés. Elle représente un outil privilégié<br />

dans la constitution d’un réseau puisqu’elle<br />

associe différents professionnels. Le tout est ensuite<br />

de permettre à chacun de s’exprimer et de se<br />

sentir légitime dans son investissement.<br />

La «cité par projet», si elle a le mérite de dynamiser<br />

les acteurs sociaux et de favoriser les innovations,<br />

place également le projet au centre du<br />

système social. Comme nous l’avons dit, la notion<br />

de grandeur, dans cette cité, est liée à la capacité<br />

à être flexible, réactif, dynamique, autonome. Ce<br />

modèle de cité conduit à multiplier les projets. Cependant,<br />

on peut s’interroger sur le sens donné à<br />

ces innombrables projets. A quoi bon multiplier les<br />

activités si on n’en voit pas ou plus le sens? C’est<br />

également un enjeu du programme PROCORA:<br />

redonner du sens aux échanges transnationaux.<br />

Ces échanges existent depuis plus de dix ans. Des<br />

routines se sont installées, qui peuvent être positives.<br />

Cependant, les routines risquent de faire<br />

oublier le sens éducatif, pédagogique, de ce type<br />

de projet. Il est alors nécessaire de se pencher sur<br />

l’utilité du voyage, sur les bienfaits de se retrouver<br />

loin de chez soi, sur la notion d’interculturalité etc.<br />

Cela ne peut se faire qu’au prix d’un effort, avec à<br />

la clef le risque de s’apercevoir qu’on n’y voit plus<br />

tellement d’intérêt. Ce n’est pas ce que l’on peut<br />

souhaiter au programme PROCORA, qui tente de<br />

redonner un sens positif aux routines en faisant<br />

émerger ue nouvelle façon de penser les échanges<br />

internationaux et une nouvelle façon de travailler<br />

ensemble, le tout dans l’intérêt des jeunes bénéficiaires.<br />

ConClusion<br />

Il paraît bien difficile de conclure sur un tel<br />

projet, d’autant plus qu’il n’est pas terminé.<br />

En juin prochain a lieu un groupe de pilotage, et<br />

en septembre l’équipe se réunira une dernière<br />

fois pour la clôture du programme. Le référentiel<br />

est bien entamé, mais doit être encore discuté<br />

avec l’ensemble des partenaires. Est-ce qu’il répondra<br />

à la commande des pouvoirs publics?<br />

De mon point de vue, le principal intérêt d’un<br />

tel projet, comme je l’ai dit à plusieurs reprises,<br />

réside dans le fait de mettre autour de la table<br />

différents acteurs. Comme je l’ai dit également,<br />

une innovation ne se décrète pas. Il faut du<br />

temps pour apprécier l’impact d’un projet comme<br />

celui là sur les pratiques. Nous verrons donc par<br />

la suite si les travailleurs sociaux ont changé de<br />

regard sur leur travail et sur les échanges internationaux,<br />

s’ils travaillent davantage en concertation,<br />

s’ils se réfèrent au modèle proposé, celui de<br />

Philippe Meirieu. Est-ce qu’ils profiteront de cette<br />

expérience? Là, pour moi, est le véritable enjeu.<br />

Je conclurai tout de même sur la question du<br />

sens: “quel sens donne-t-on aux échanges transnationaux?”<br />

est une question qui m’a taraudée<br />

durant ce stage. La multiplication des projets, en<br />

particulier des projets européens, risque de faire<br />

disparaître la question du sens des échanges, des<br />

voyages. Dans une logique de survie économique<br />

ou dans un souci de gagner la confiance de leurs<br />

tarificateurs, certaines équipes ne risquent-elles<br />

pas de répondre à des appels d’offre ou à présenter<br />

des projets de manière “industrielle”, sans<br />

en considérer le sens profond? J’espère que ce<br />

programme de recherche-action aura pu mettre<br />

cette question du sens au coeur des pratiques.<br />

Je retiendrai également les rencontres et les<br />

ambiances auxquelles j’ai pu goûter à travers<br />

les différents séjours et comités de pilotage. En<br />

ce sens, les acteurs du programme PROCORA<br />

ont vécu ce que les jeunes bénéficiaires de ces<br />

échanges vivent avec leurs éducateurs lorsqu’ils<br />

partent à l’étranger. Des rencontres, des paroles<br />

et des regards échangés, la peur de se perdre, de<br />

rater son avion, la découverte de lieux nouveaux,<br />

charmants, tristes, qu’on raconte plus tard à ceux<br />

qui ne sont pas partis. Une expérience dont on se<br />

nourrit. Une histoire en plus.


Mixité européenne<br />

d’abord, pour ce<br />

projet des trois nations<br />

: Allemagne,<br />

France et Pologne.<br />

Le séjour tri-national<br />

était le dernier<br />

de trois échanges<br />

programmés par<br />

l’Office franco-allemand<br />

de la jeunesse<br />

(OFAJ). Deux<br />

premières rencontres<br />

avaient eu lieu<br />

à Berlin en avril<br />

2007 et à Saint-<br />

Jean-de-Bassel en<br />

juillet dernier. La<br />

troisième s’est tenue<br />

dans le petit<br />

village polonais de<br />

Motycz, à 12 km de<br />

Lublin, où Français<br />

et Allemands ont<br />

été reçus par la «Fondation de la jeunesse bienheureuse»,<br />

dans un centre de vacances retiré en<br />

lisière de forêt.<br />

Le principe du projet était de permettre aux jeunes<br />

de chaque pays de présenter leur culture et de<br />

la partager... Les rites culinaires, musicaux, etc.<br />

« Les Polonais sont beaucoup plus dans la croyance<br />

que nous, s’étonne Kelly, une adolescente du<br />

groupe français. Il y a des croix et des églises partout<br />

! ». Ils dansent aussi plus.<br />

« Les Polonaises ont appris le tchatcha aux Allemands,<br />

qui n’avaient pas de fille dans leur<br />

groupe. »<br />

Filles et garçons<br />

proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />

Mixité entre filles et garçons ensuite, qui a apporté<br />

tempérance et maturité à cet ensemble de trente<br />

jeunes gens. « Les garçons sont un peu agités,<br />

alors que les filles nuancent davantage. Elles ont<br />

souvent le don de rassurer », juge Jean-Paul Méloni,<br />

directeur de l’équipe de prévention et accompagnateur.<br />

Au programme, des jeux, des visites<br />

locales, sous la pluie...<br />

Il a fallu travailler aussi, sous la direction de deux<br />

tuteurs techniques locaux, qui ont encadré la rénovation<br />

de terrains de foot, d’aires de jeux pour<br />

enfants, etc.<br />

Interquartiers<br />

Mixité interquartiers enfin, pour des jeunes issus<br />

des Maraîchers, de Beausoleil et de l’Allmend, qui<br />

se connais¬sent de vue sans se fréquenter d’habitude.<br />

« Ça nous a permis de changer d’air, et en même<br />

temps de nous rapprocher, entre jeunes de Sarreguemines<br />

», poursuit la jeune fille.<br />

Et la communication ? « On improvisait un peu<br />

d’Allemand, un peu d’Anglais... et on se comprenait<br />

», raconte Kelly, qui admet n’avoir pas eu souvent<br />

l’occasion de quitter Sarreguemines.<br />

« On s’est offert une belle petite évasion », sourit<br />

le directeur.<br />

RL. 29 avril <strong>2008</strong><br />

La mixité forme la jeunesse<br />

Voyage en Pologne placé sous le signe<br />

de la mixité pour sept jeunes de<br />

l’équipe de prévention spécialisée du<br />

CMSEA.<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

PROCORA,<br />

dans le<br />

Républicain<br />

Lorrain<br />

Valentine<br />

TAGU<br />

53


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Une<br />

recherche<br />

action<br />

54<br />

une reCherChe - aCtion<br />

une<br />

reCherChe - aCtion :<br />

Comment se construisent les processus d’intégration<br />

sociale, à partir de l’exemple de l’immigration algérienne ?<br />

Une recherche-action menée conjointement par des équipes de prévention spécialisée du Grand-Est<br />

(Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne), accompagnées par des sociologues, psychosociologues<br />

et historiens, dans le cadre du comité national de liaison des associations de prévention spécialisée<br />

(CNLAPS).<br />

CONSTATS ET CENTRES D’INTéRET<br />

Le MAL-ETRE d’une partie de la jeunesse française<br />

(15 à 20 % nous disent les spécialistes), celle dont<br />

les équipes de prévention ont en quelque sorte héritée.<br />

Mal-être dont les modalités d’expression sont médiatisées,<br />

voire surmédiatisées, dans des formules<br />

telles que :<br />

• violences ou émeutes urbaines<br />

• révolte des banlieues<br />

• échec du modèle français d’intégration<br />

• replis identitaires ou communautaires<br />

• ségrégation et discriminations raciales<br />

Formules qui portent en elles-mêmes un glissement<br />

vers la désignation de catégories particulières<br />

de jeunes, à la fois victimes et coupables, en<br />

tous cas stigmatisées par leur condition et leurs<br />

modes de vie.<br />

La situation particulière des populations issues de<br />

l’immigration algérienne référée à un PASSIF HIS-<br />

TORIQUE SPECIFIQUE.<br />

Constat réamorcé et amplifié à l’occasion d’une<br />

opération d’aide aux victimes du tremblement de<br />

terre de Boumerdès (2004), réalisée par les équipes<br />

de prévention du CMSEA (Comité Mosellan de<br />

Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence).<br />

Le souci de relativiser la stigmatisation des populations<br />

d’origine étrangère (maghrébines avant<br />

tout) est un des dénominateurs communs de ceux<br />

qui se sont engagés dans cette recherche.<br />

POSTULATS ET hyPOThèSES DE TRAVAIL<br />

Notre problématique de recherche s’est élaborée<br />

autour de 3 axes que nous avons souhaités<br />

complémentaires :<br />

• celui de la sociologie et de l’intégration en<br />

tant que construction du lien social entre des<br />

individus et des groupes d’individus dans un<br />

contexte donné<br />

• celui de l’histoire du point de vue de la<br />

transmission intergénérationnelle de la mémoire<br />

• celui de la psychologie sociale du point de<br />

vue de la construction de l’identité sociale<br />

(voire des identités) des personnes.<br />

L’intégration sociale est à considérer comme un<br />

équilibre dynamique des relations entre les individus<br />

et les groupes en interaction dans un système<br />

social donné. Elle s’exprime par l’ensemble des interactions<br />

entre les membres d’un groupe conduisant<br />

à un sentiment d’appartenance à ce groupe<br />

et à ses valeurs. De ce fait nous voulons éviter<br />

de stigmatiser une catégorie sociale particulière<br />

en cherchant à déterminer ses capacités propres<br />

à s’intégrer dans le groupe social considéré. En<br />

ce sens nous rejoignons la définition spécifique du<br />

Haut Conseil à l’Intégration : l’intégration n’est ni<br />

assimilation ni simple insertion ou processus moral<br />

; elle est un processus fondamental qui permet<br />

à une société de construire une citoyenneté pacifique,<br />

égale et partagée. Notre approche cher


che ainsi à mettre en évidence les mécanismes de<br />

construction du lien social dans des circonstances<br />

données, en tenant compte de la diversité de la<br />

population de nos secteurs d’intervention.<br />

L’histoire vécue entre des peuples prend corps au<br />

sein des groupes sociaux à travers la transmission<br />

de la mémoire. Celle-ci, qu’elle soit collective<br />

ou individuelle, n’est pas une image fidèle du<br />

passé mais une reconstruction de celui-ci à partir<br />

des données empruntées au présent, de la vision<br />

actuelle du monde (Maurice Halbwachs). Nous<br />

voudrions éviter de ce fait de créer un débat de<br />

plus sur la vraie histoire des relations entre l’Algérie<br />

et la France. Notre approche cherche à mettre<br />

en évidence la manière dont se construit la<br />

transmission générationnelle de la mémoire dans<br />

nos secteurs d’intervention, et notamment dans<br />

la population d’origine algérienne, pour laquelle<br />

le travail de mémoire est soumis à des difficultés<br />

particulières.<br />

L’identité apparaît comme la résultante des différentes<br />

identifications du sujet. Chaque individu<br />

peut disposer successivement et même simultanément<br />

de plusieurs identités, qui peuvent s’exprimer<br />

par des stratégies identitaires. Celles-ci<br />

sont à envisager comme des procédures mises en<br />

œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par<br />

un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre<br />

une ou des finalités (définies explicitement ou se<br />

situant au niveau de l’inconscience), procédures<br />

élaborées en fonction de la situation d’interaction,<br />

c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations<br />

(socio-historiques, culturelles, psychologiques)<br />

de cette situation. Nous voudrions éviter<br />

de figer les populations avec lesquelles nous<br />

travaillons dans des catégories identitaires préformatées<br />

par le sens commun. Notre approche<br />

cherche à mettre en évidence les mécanismes<br />

collectifs participant à la construction de l’identité<br />

sociale des jeunes avec lesquels nous travaillons.<br />

A l’heure actuelle nous définissons<br />

l’articulation entre ces 3 axes de la manière<br />

suivante :<br />

La construction de l’identité sociale (des identités…)<br />

constitue l’axe central de notre questionnement<br />

en ce sens qu’elle articule la dimension<br />

historique du processus d’intégration, celle de la<br />

transmission et de la réappropriation de la mémoire,<br />

et sa dimension synchronique, celle de la<br />

nature actuelle du lien social sur les territoires<br />

d’intervention.<br />

une reCherChe - aCtion<br />

LA REChERChE ACTION<br />

Le principe de la recherche-action implique une<br />

articulation forte entre une ou des activités de<br />

production (ici la prévention spécialisée) et des<br />

activités de recherche comprenant un travail de<br />

recueil de données et un travail d’exploitation et<br />

d’analyse de ces données.<br />

Une telle articulation suppose donc une certaine<br />

souplesse dans le protocole de recherche afin de<br />

tenir compte notamment des aléas de l’activité de<br />

production et du principe de construction mutuelle<br />

de la compréhension des phénomènes observés.<br />

Pour aider à garder le cap et à réaliser les objectifs<br />

de la recherche, deux dispositifs de régulation<br />

sont mis en place :<br />

• un comité de pilotage regroupant les professionnels<br />

de la prévention spécialisée et ceux de la recherche<br />

(dénommés « experts »),<br />

• un guide de recueil de données pour chacun des<br />

axes de recherche retenus à savoir construction<br />

de l’identité, rôle de l’histoire, processus d’intégration.<br />

L’interaction entre le recueil de données et ces<br />

lectures doit ainsi permettre d’affiner au fur et à<br />

mesure le travail d’investigation et de compréhension.<br />

Les limites de la démarche<br />

La démarche menée présente des limites inhérentes<br />

au choix technique retenu à savoir une action<br />

sur site auprès d’équipes de prévention spécialisée,<br />

autonome quant aux actions menées sur le terrain.<br />

Les produits issus de ces approches disparates font<br />

l’objet d’une analyse commune mais présentent sur<br />

un plan méthodologique des limites dans la mesure<br />

où ils n’ont pas été produits dans le même<br />

contexte.<br />

Les effets visibles de cette recherche-action démarrée<br />

depuis 1 an et demi résident avant tout dans<br />

une transformation .<br />

des représentations des travailleurs sociaux quant<br />

aux populations avec lesquelles ils sont amenés à<br />

travailler et, partant, une transformation de leurs<br />

modes opératoires qui intègrent de plus en plus les<br />

dimensions historiques et culturelles dont ces populations<br />

sont porteuses.<br />

Une aide précieuse, et parfois «dérangeante», nous<br />

est apportée par un professeur de l’université d’Alger,<br />

qui accompagne ce travail à partir de ses propres<br />

recherches (voir article ci-joint : « L’impact<br />

social de la famille algérienne»).<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Une<br />

recherche<br />

action<br />

55


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

Une<br />

recherche<br />

action<br />

56<br />

une reCherChe - aCtion<br />

LA METhODOLOGIE MISE EN ŒUVRE<br />

ELEMENTS DE CADRAGE<br />

DIAGNOSTIC PARTAGE<br />

CONFRONTATION<br />

DIAGNOSTIC - ACTION<br />

PRATIQUES<br />

PROF.<br />

REALITE SOCIALE : vécu des jeunes et de leurs familles,<br />

observation des éducateurs…<br />

Pour agir sur cette réalité… recueil de données partant de celle-ci :<br />

Qu’est-ce que ces jeunes, leurs familles nous apprennent<br />

sur la question de l’intégration sociale ?<br />

JEUNES / FAMILLES<br />

Recueillir des éléments<br />

issus de leurs vécus<br />

(travail de mémoire*,<br />

processus identitaire*)<br />

Entretiens - Débats /<br />

écoute,<br />

connaissances<br />

CADRE GLOBAL DE L’ACTION<br />

Point de départ :<br />

Comment se construisent les processus<br />

d’intégration sociale pour les jeunes issus de<br />

l’immigration, notamment algérienne ?<br />

Eléments de cadrage<br />

permettant de comprendre la réalité sociale :<br />

• définition du terme d’intégration*,<br />

• définition du terme d’intégration sociale*,<br />

• enjeux pour les jeunes* (descendants de migrants) face<br />

à cette question<br />

Comment ces éléments, leur confrontation,<br />

interrogent nos pratiques professionnelles ?<br />

EDUCATEURS<br />

Question à se poser :<br />

Identifier ce que l’on<br />

sait de cette réalité<br />

sociale<br />

Questionnements /<br />

prise de recul<br />

Travail de confrontation entre ces connaissances<br />

et les pratiques professionnelles / apports théoriques<br />

par les « experts »<br />

FINALITE<br />

Adaptation des pratiques professionnelles pour venir<br />

en appui des jeunes et de leurs familles


l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

l’impaCt soCial de la famille algerienne<br />

La famille est généralement écartée des préoccupations<br />

officielles relatives à l’organisation et à la<br />

gestion des structures politiques, économiques et<br />

socioculturelles. Elle est également ignorée lors<br />

des projections de développement. Ces deux négligences<br />

peuvent être justifiées par le fait que<br />

rien n’indique que la famille influe de quelque manière<br />

que ce soit sur le fonctionnement et l’équilibre<br />

des autres structures sociales. Deux données<br />

l’attestent. D’abord, la famille semble repliée<br />

sur elle-même, derrière des murs aveugles. Elle<br />

donne ainsi l’impression d’être en rupture avec le<br />

reste des dimensions constitutives de la société.<br />

Ensuite, son fonctionnement semble relever de<br />

l’informel principalement, c’est-à-dire de ce qui<br />

est difficilement contrôlable.<br />

Pourtant, le suivi de la vie sociale montre que la<br />

famille représente encore un milieu de vie incontournable<br />

en Algérie. Vivre en dehors de sa famille<br />

dans cette contrée, c’est, en effet, être nécessairement<br />

aux prises avec une exclusion sociale évolutive.<br />

L’emprise sociale de la famille algérienne<br />

est inégalable. Elle récupère quotidiennement les<br />

siens et elle les injecte tout aussi quotidiennement<br />

à travers les autres espaces sociaux. Cette transhumance<br />

a lieu à heure fixe tout le long du mois<br />

du Ramadhan. Elle se déroule alors sous l’angle du<br />

sacré. Quoi qu’il en soit, elle n’est pas neutre. Elle<br />

marque d’une empreinte indélébile les trajectoires<br />

sociales et, de proche en proche, la dynamique socioprofessionnelle<br />

dans son ensemble. Cet impact<br />

est favorisé par la disponibilité dont fait preuve la<br />

famille à l’égard des siens.<br />

L’une des caractéristiques de la famille algérienne<br />

est qu’elle s’efforce, en effet, de remplir sans cesse<br />

toutes les fonctions dont ont besoin les siens. Non<br />

seulement elle les héberge, les nourrit, les protège<br />

et les défend indéfiniment, du moins en principe,<br />

mais elle entreprend également tout pour leur assurer<br />

le succès scolaire et l’emploi. Comme par le<br />

passé, elle continue, ainsi, à les prendre en charge<br />

en tout et pour tout, ce qui réduit au moins en partie<br />

l’efficacité des structures de substitution dont<br />

l’implantation ne traduit nullement l’aboutissement<br />

de transformations préalables, mais l’application<br />

de décisions politiques le plus souvent suscitées<br />

par l’imitation de ce qui se passe ailleurs, tout particulièrement<br />

dans les pays développés.<br />

Cette prise en charge familiale est justifiée par<br />

des valeurs socioculturelles magnifiées : la fratrie,<br />

la solidarité et l’entraide dont doivent faire<br />

constamment preuve les proches les uns à l’égard<br />

des autres pour sauvegarder leur unité et, partant,<br />

leur honneur.<br />

Slimane MEHDAR psycho-sociologue<br />

L’observation montre, cependant, que, contrairement<br />

aux apparences, cette prise en charge n’est<br />

nullement gratuite. L’individu paie un prix et c’est<br />

généralement un prix élevé. Il apprend, en effet,<br />

et, au besoin, il vérifie qu’il ne peut bénéficier de<br />

l’aide de ses parents que s’il se met à leur disposition<br />

pleine et entière. Il est, du reste, perçu et<br />

traité par ses proches comme une propriété indéfinie.<br />

La preuve en est que rien ne lui appartient en<br />

propre : ni son corps, ni son sexe, ni ses moyens<br />

matériels, ni son temps, ni son devenir. Tout est<br />

affaire du groupe familial. L’individu ne peut rien<br />

concevoir sans l’avis des siens et il ne peut rien<br />

entreprendre sans leur soutien et leur appui.<br />

Cette emprise sociale est le prolongement d’une<br />

socialisation familiale ayant pour fonction d’immerger<br />

l’individu dans le moule social que forme<br />

sa famille et de l’y maintenir du berceau à la tombe.<br />

Elle est favorisée par ce qui vient d’être signalé<br />

: l’inefficacité plus ou moins importante des<br />

structures de substitution. Il importe cependant<br />

de rappeler que cette inefficacité est le produit du<br />

groupe familial. Il la provoque et l’entretient pour<br />

empêcher ses éléments constitutifs de le quitter.<br />

En même temps, il s’en sert pour récupérer l’individu<br />

qui tente de s’en détacher à un moment ou à<br />

un autre de son existence. Telles sont les principales<br />

données qui permettent d’affirmer que la prise<br />

en charge familiale se traduit en prise d’otage.<br />

SOCIALISATION FAMILIALE<br />

La socialisation familiale est enclenchée à partir du<br />

sevrage qui conclut la prise en charge initiale de<br />

l’individu. Immédiatement après le traumatisme<br />

de la naissance, l’individu bénéficie en effet d’une<br />

ambiance proche du sein maternel. Il est continuellement<br />

couvé par sa mère. En même temps,<br />

ses proches sont à son service. Ses désirs sont<br />

instantanément satisfaits. La farniente dont il jouit<br />

ainsi dure jusqu’à la naissance d’un nouveau frère<br />

ou d’une nouvelle sœur, moment où il subit un<br />

sevrage sous la forme d’une rupture. Et c’est ce<br />

qui se traduit en un traumatisme que manifeste la<br />

jalousie, ressentiment qu’entretiennent des frustrations<br />

réelles ou fictives et qui se transforme en<br />

haine lorsque les conditions s’y prêtent.<br />

Les frustrations qui accompagnent et prolongent<br />

le sevrage remplissent cependant une fonction<br />

psychosociale précise. Les parents s’en saisissent<br />

comme d’autant d’occasions pour convaincre leur<br />

enfant du fait qu’il ne peut bénéficier d’aucune<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

57


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

58<br />

l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

aide de leur part sans qu’il ne leur obéisse régulièrement.<br />

C’est la caractéristique centrale de la<br />

socialisation.<br />

Le propre de cette caractéristique est d’être périodiquement<br />

renforcée par les rites de passage qui<br />

ponctuent la socialisation familiale. Ce sont autant<br />

de points d’appui qui l’adoucissent, la relancent<br />

et favorisent son déroulement sous la forme d’un<br />

processus d’apprentissage des modes d’action et<br />

de réaction que privilégie l’entourage familial ;<br />

l’objectif étant la dissolution de l’individu dans son<br />

groupe d’appartenance familiale.<br />

Ces rites sont de trois types. Ce sont des rites<br />

d’immersion, d’orientation et de participation.<br />

Ils s’enchaînent et, par conséquent, ils<br />

établissent et consolident l’emprise sociale<br />

de la famille.<br />

Mode de gestion du facteur humain :<br />

Pour mettre en évidence le mode de gestion auquel<br />

est soumis l’individu, en Algérie, je m’intéresse<br />

aux modalités dont se sert la famille pour traiter<br />

l’énergie que recèlent les siens, énergie sans laquelle<br />

rien, absolument rien ne peut devenir réalité.<br />

Et pour cerner le sort qui est réservé à cette<br />

énergie, je la dissocie en plusieurs dimensions,<br />

dont l’énergie affective, sexuelle et intellectuelle.<br />

Energie affective :<br />

L’énergie affective est captée par la mère. La raison<br />

en est que l’insécurité étant telle que le seul<br />

milieu sécurisant dont bénéficie l’individu d’une<br />

manière régulière, en Algérie, est le milieu que<br />

représente sa mère. De fait, elle est continuellement<br />

protectrice et permissive avec ses enfants,<br />

garçons et filles. Chacun vérifie que sa sécurité se<br />

renforce lorsqu’il s’approche de sa mère et que son<br />

insécurité s’amplifie lorsqu’il s’en éloigne. Aussi, il<br />

l’aime et il n’aime qu’elle sa vie durant. De fait,<br />

aimer quelqu’un d’autre, comme le conjoint, ou<br />

quelque chose d’autre, comme le travail, c’est trahir<br />

sa mère. Car, c’est lui enlever une part de ce<br />

qu’elle mérite amplement et le donner à quelqu’un<br />

d’autre qui ne le mérite pas nécessairement. Les<br />

répercussions sont durement ressenties par les<br />

coupes autonomes sur le plan du logement : habitués<br />

à évoluer à travers des relations multiples,<br />

ils se trouvent impliqués dans une relation duelle<br />

à laquelle rien ne les a préparés, sinon l’attirance<br />

physique, plus précisément sexuelle.<br />

Energie sexuelle :<br />

Si l’énergie affective est ainsi captée par la mère,<br />

l’énergie sexuelle est monopolisée par le groupe<br />

familial. De fait, les individus en sont symboli-<br />

Les rites d’immersion :<br />

Les rites d’immersion ont lieu à la suite d’événements<br />

vécus sous la forme de ruptures de l’uniformité quotidienne.<br />

Ils symbolisent des victoires de la vie sur la<br />

mort. C’est le cas, par exemple, de la délivrance de la<br />

mère et de l’accès du nouveau-né à la vie.<br />

Les plus importants rites d’immersion sociale sont la<br />

naissance, le 7ème jour et la circoncision, les anniversaires<br />

ayant à présent tendance à remplacer, surtout<br />

dans les milieux aisés, la première dent, les premiers<br />

pas, la première coupe de cheveux, le premier jeûne<br />

du ramadhan, le premier marché et la mémorisation<br />

du Coran.<br />

A ces différentes occasions, les parents s’adonnent<br />

à des manifestations affectives aussi ostentatoires<br />

que les dépenses qu’ils font. Ils montrent ainsi à leur<br />

enfant qu’ils l’aiment et qu’ils sont disposés à tout<br />

sacrifier pour son bien-être. Ce faisant, ils s’arrogent<br />

le droit de s’ingérer, par la suite, dans tout ce<br />

qui le regarde. Ces rites offrent donc aux parents la<br />

possibilité de soumettre leur enfant à un processus<br />

de dépossession pratiquement illimité. Ce processus<br />

consiste pour eux, d’une part, à ligoter la volonté de<br />

leur enfant à l’aide d’injonctions qu’ils lui dictent à<br />

tout propos ; d’autre part, à anesthésier ses fluctuations<br />

psychoaffectives en façonnant son corps et la<br />

charge énergétique qu’il comporte selon leurs propres<br />

exigences. Le mode de gestion auquel il est soumis<br />

le montre clairement. Il se déroule effectivement<br />

sous la forme d’un processus de dépossession.<br />

quement dépossédés lorsqu’ils entreprennent la<br />

construction de leurs schémas corporels autour de<br />

l’âge de 4 ou 5 ans. Ils constatent, alors, qu’ils<br />

leur est possible d’explorer tous leurs organes à<br />

l’exception de leur sexe. Ils remarquent, en effet,<br />

qu’ils font l’objet d’interventions immédiates, massives<br />

et souvent violentes dès qu’ils s’intéressent<br />

à leur sexe ouvertement. Tous ceux qui s’en rendent<br />

compte se servent de cris, de menaces dans<br />

l’Au-delà et/ou de sévices corporels pour le leur<br />

interdire. Parallèlement, garçons et filles vérifient<br />

qu’ils connaissent ces types de réactions à chaque<br />

fois qu’ils manipulent leur sexe ouvertement. Ils<br />

subissent par conséquent un traumatisme, dans la<br />

mesure où ils finissent par admettre qu’ils portent


l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

un organe qui ne leur appartient pas, organe dont<br />

ils ne peuvent pas se servir à leur guise comme le<br />

reste de leurs organes corporels. Pire, ils finissent<br />

par se considérer comme des usurpateurs.<br />

Parallèlement aux prohibitions qui encombrent<br />

ainsi l’animation de leur intimité la plus profonde,<br />

les individus apprennent que le mariage représente<br />

trois choses : primo, l’unique possibilité légale de<br />

satisfaction sexuelle ; secundo, l’équivalent de 50<br />

% des obligations religieuses ; tertio, un moyen<br />

de procréation, objet de fierté du Prophète lors du<br />

Jugement dernier.<br />

Débat, questions et réponses auour du<br />

film Indigènes<br />

Réalisée dans le cadre du Cinéma itinérant en<br />

partenariat associatif (Maison pour tous, centre<br />

social Boileau Prégénie, habitants du quartier<br />

du Roi et Centre Social Foyer Saint-Eloy de<br />

Woippy), la projection du film Indigènes suivie<br />

d’un débat animé par l’historienne Zohra Tared<br />

a fait salle comble et a obtenu un franc succès.<br />

Chacun a pu échanger librement, parler de son<br />

ressenti, obtenir des éléments de réponse à ses<br />

interrogations et des explications quant au vécu<br />

de cette période tourmentée de notre histoire<br />

encore toute proche. Une analyse des répercussions<br />

de celle-ci sur la vie de certains de nos<br />

concitoyens a été entreprise et chacun a pu mesurer<br />

l’impact de l’engagement au côté de la<br />

France de cette population considérée encore<br />

trop souvent comme étrangère à notre nation.<br />

La séance s’est clôturée par le pot de l’amitié.<br />

La distribution de petits gâteaux et de boissons<br />

fraîches ou chaudes, a permis tous les participants<br />

de prolonger la soirée d’échanges dans la<br />

bonne humeur et de renforcer le lien entre les<br />

habitants de la commune par des discussions à<br />

la fois animées et constructives.<br />

RL, 30.11.2006<br />

Le problème en est que, contrairement au passé,<br />

aucune procédure n’est prévue pour atténuer<br />

les frustrations que connaissent inévitablement<br />

les individus à la suite de cette prohibition et de<br />

sa sacralisation. De fait, le mariage précoce est<br />

impraticable depuis la généralisation de la scolarité.<br />

En même temps, les conditions du mariage<br />

se multiplient et se diversifient sans cesse. Enfin,<br />

le chômage immobilise d’importantes fractions<br />

de la population. Résultat : des effectifs grandissants<br />

de garçons et de filles versent dans un célibat<br />

prolongé, voire définitif. Ils connaissent alors<br />

une misère sexuelle, sinon la culpabilité, dans la<br />

mesure où ils sont formatés pour devenir époux<br />

et épouses, puis pères et mères avant tout autre<br />

chose.<br />

Energie intellectuelle :<br />

Pour que l’énergie affective et l’énergie sexuelle<br />

continuent à être ainsi traitées à travers les générations<br />

successives, l’énergie intellectuelle est<br />

purement et simplement asphyxiée dans tous<br />

les milieux de vie en Algérie. Pour le montrer,<br />

intéressons-nous aux conditions de mobilisation<br />

constructive de cette énergie.<br />

L’énergie intellectuelle ne peut en effet servir à la<br />

construction des connaissances scientifiques, par<br />

exemple, connaissances de plus en plus indispensables<br />

à l’organisation et à la gestion des structures<br />

sociales, sans qu’elle ne soit stimulée par<br />

quatre facteurs qui en conditionnent largement<br />

l’efficacité : le désaccord, les interrogations, les<br />

critiques et les remises en question.<br />

Pour entreprendre l’analyse d’un phénomène quelconque,<br />

il faut en effet ne pas être d’accord avec<br />

sa disposition présente. Autrement, on laisse les<br />

choses aller leur cours habituel. Le désaccord est<br />

la condition de base de l’analyse. Parallèlement,<br />

il faut s’interroger à propos du contenu du phénomène<br />

ayant retenu l’attention. Et il faut, tour<br />

à tour, critiquer son agencement et remettre en<br />

question son fonctionnement.<br />

Le suivi de la vie sociale montre que ces quatre<br />

conditions sont systématiquement interdites à<br />

partir du milieu familial jusqu’à l’intervention du<br />

sacré, en Algérie.<br />

De fait, il est difficile d’être en désaccord avec son<br />

groupe familial lorsque l’on évolue dans une société<br />

structurée principalement en réseaux relationnels,<br />

comme la société algérienne, sans courir<br />

le risque d’être hanté par les répercussions d’une<br />

exclusion sociale évolutive. En même temps, l’individu<br />

remarque et, au besoin, vérifie, qu’il ne<br />

peut pas s’interroger à propos du comportement<br />

d’un parent, critiquer son point de vue ou remet-<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

- Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

59


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

60<br />

l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

tre en question son attitude sans que les autres<br />

n’interviennent pour le rappeler à l’ordre au nom<br />

de l’unité familiale, de la fraternité, de la solidarité,<br />

du qu’en-dira-t-on, de la différence d’âge…<br />

Aucun ne peut manifester son désaccord avec l’incivisme<br />

qui occupe l’espace public sans être immédiatement<br />

perçu comme un naïf, voire sans être<br />

méprisé.<br />

Il suffit de ne pas être d’accord avec un collègue au<br />

sujet d’une question professionnelle pour se sentir<br />

obligé de faire attention aux nuisances qu’il ne<br />

manquera pas de fomenter pour se venger de ce<br />

qu’il subit comme une attaque d’ordre personnel.<br />

Enfin, c’est l’opposition qui n’est pas d’accord<br />

avec le système politique établi, qui s’interroge à<br />

propos du programme du gouvernement, qui critique<br />

les décisions prises et qui remet en question<br />

l’orientation donnée aux affaires publiques.<br />

Pour ces différentes raisons, elle a été extradée,<br />

en Algérie, jusqu’au séisme sociologique d’octobre<br />

1988. Depuis, elle est réhabilitée sans parvenir à<br />

exercer la moindre influence vérifiable sur le cours<br />

des événements.<br />

Et les choses se compliquent avec l’intervention du<br />

sacré. Son impact est direct en matière de sciences<br />

sociales, tout particulièrement en psychologie<br />

sociale. L’objet d’étude de cette discipline scientifique<br />

est l’interaction. Ce domaine ne peut être<br />

Six jeunes algériens invités à l’ombre du haut fourneau<br />

« Uckange c’est magnifique ! » : parole de<br />

Linda. Avec cinq autres jeunes, de <strong>10</strong> à 14<br />

ans, la demoiselle est arrivée d’Algérie, début<br />

juillet à Uckange. Tous résideront ainsi<br />

deux semaines en Moselle. Islam, Djihane,<br />

Sabrine, Nour-el-Houda et leur accompagnatrice,<br />

Esma, sont originaires de Kabyliè,<br />

(d’Alger et de Bou-merdes), une région dévastée<br />

par un tremblement de terre en mai<br />

2003. Après cette catastrophe, les Clubs de<br />

préventions de la Vallée avaient participé<br />

à un large effort de solidarité pour les sinistrés:<br />

« Une relation entre Algériens et<br />

Mosellans s’est alors créée et se poursuit<br />

aujourd’hui avec, pour la première fois, l’accueil<br />

de six jeunes Algériens à Uckange »,<br />

explique Denis Schwitzer, directeur adjoint<br />

des clubs de prévention du Val de Fensch, à<br />

l’initiative de cet échange.<br />

L’association des Femmes libres d’Uckange<br />

a permis de trouver six familles d’accueil<br />

pour ces enfants. «Ça m’ a fait comme un<br />

deuxième fils pendant une semaine», relate<br />

Fatima en souriant. Entre deux excursions,<br />

les jeunes se sont fait de nombreux amis.<br />

valablement cernée qu’à partir de l’analyse de<br />

comportements, ces détails de la vie quotidienne.<br />

Etant dispersés à travers le temps et l’espace,<br />

leur saisie nécessite un suivi de longue haleine.<br />

Le psychosociologue enregistre des observations<br />

et entreprend de les analyser sous l’angle de la<br />

corruption, par exemple, hypothèse de travail qui<br />

ne peut être retenue qu’une fois vérifiée. C’est<br />

durant ce laps de temps qui sépare la formulation<br />

d’une hypothèse du moment de sa vérification<br />

que le sacré intervient. Les auteurs de ces comportements<br />

sont des musulmans qui accomplissent<br />

leurs obligations religieuses, font des dons<br />

à la mosquée… Leur taxation de corruption relève<br />

alors de la délation, ce qui mène à la perdition<br />

et, de proche en proche, en Enfer. La perspective<br />

n’est pas réjouissante. Elle est susceptible de suspendre<br />

l’analyse.<br />

Parmi ceux et celles qui ont subi cet interdit à travers<br />

l’histoire, deux personnages connus peuvent<br />

être signalés à titre d’exemple. Le premier est Ibn<br />

Khaldoun, auteur du 14ème siècle. Pour mener<br />

ses analyses, il a quitté son poste et il s’est réfugié<br />

dans le donjon des Béni Hammad, à Frenda.<br />

Et une fois ses investigations achevées, on signale<br />

qu’il est parti au Caire. Tout indique qu’il a été purement<br />

et simplement expulsé.<br />

Le second personnage est Kateb Yacine, auteur du<br />

20ème siècle. Il a été pourchassé par l’interdit de<br />

«Ici les gens sont comme nous», rapporte<br />

encore Linda. «Et ils sont tous sympathiques.<br />

». « C’est une expérience joyeuse et<br />

prometteuse de nouveaux échanges », reprend<br />

Denis Schwitzer.<br />

A la fin d’une première semaine bien chargée,<br />

le maire Gérard Léonardi attendait les<br />

enfants et les familles à l’Hôtel de ville. Petite<br />

séance photo et échanges de souvenirs.<br />

Chacun repartira avec un tee-shirt aux couleurs<br />

uckangeoises. « Ces souvenirs n’existent<br />

que pour vous six », a précisé l’élu qui<br />

s’est, vu lui aussi remettre un petit cadeau<br />

d’Algérie. « Vous avez vu la cathédrale<br />

d’acier, le haut fourneau U4 ? », a interrogé<br />

encore le premier magistrat. Les enfants ont<br />

répondu positivement, ayant pris le temps<br />

d’admirer le monument industriel. Mais ce<br />

qu’ils racontent tous en chœur, c’est l’accueil<br />

chaleureux des familles uckangeoises,<br />

avec qui ils n’ont pas manqué de regarder la<br />

demi-finale de la Coupe du monde. Heureux<br />

de leur séjour à Uckange, les six Algériens<br />

sont aussi devenus d’inconditionnels supporters<br />

des Bleus...<br />

Photos de<br />

«famille»:<br />

uckangeois et<br />

algériens réunis<br />

devant l’hôtel de<br />

ville d’Uckange,<br />

avant un départ<br />

pour une semaine<br />

de camps<br />

à Vigy.


l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

la réflexion sa vie durant. Même son enterrement<br />

dans un cimetière musulman a été remis en question.<br />

Plus globalement, le suivi des modalités suivant<br />

lesquelles sont consommées ces trois énergies<br />

(affective, sexuelle et intellectuelle) permet de<br />

jauger l’emprise extraordinaire de la famille sur<br />

l’équilibre et le devenir individuels et collectifs.<br />

Deux données le signalent amplement.<br />

La première donnée est révélée par Ali. A plus<br />

de 25 ans, il ne parvient toujours pas à entrevoir<br />

l’avenir suivant ses propres possibilités. Il<br />

faut cependant noter que ses parents n’ont rien<br />

fait pour l’y inciter. Bien au contraire, il a évolué<br />

dans un cocon jusqu’à l’âge de 23 ans, moment<br />

où sa grand-mère maternelle décède. L’ayant pris<br />

en charge dès sa naissance, elle l’a d’autant plus<br />

facilement gâté qu’elle disposait d’une pension et<br />

bénéficiait du soutien financier et matériel de sa<br />

fille et de son beau-fils. Le problème en est que Ali<br />

n’accepte pas le sevrage qu’il subit ainsi tardivement<br />

de la part de ses parents. Il continue à agir<br />

suivant ses envies du moment et à réclamer de<br />

l’aide à tout propos, n’hésitant pas à pourrir la vie<br />

de ses proches au fur et à mesure des refus qu’ils<br />

lui opposent.<br />

La seconde donnée est d’ordre social. Elle a porté<br />

sur les modes d’organisation et les modalités de<br />

gestion des vies conjugales et familiales qui se<br />

sont établies dans les logements autonomes depuis<br />

les années 1970.<br />

Sort réservé aux logements<br />

autonomes :<br />

Les logements autonomes, généralement attribués<br />

à partir des années 1970 par les entreprises<br />

professionnelles à leurs cadres, ont menacé<br />

la famille élargie de dislocation. Ils ont effectivement<br />

provoqué la dispersion spatiale des grandes<br />

familles en zone urbaine, dans la mesure où ceux<br />

qui en bénéficiaient quittaient automatiquement<br />

leurs parents. Ils ne tardèrent cependant pas à<br />

faire l’objet d’une procédure de récupération dont<br />

les répercussions sociologiques sont loin d’être<br />

jaugées.<br />

Certes, le cadre bénéficiaire d’un logement de<br />

fonction était fier de son acquis qui représentait<br />

pour lui un signe de réussite sociale. Toutefois, il<br />

était en même temps inquiet. Il craignait qu’une<br />

des familles souffrant de la crise de logement, ne<br />

profiterait de son absence quotidienne pour s’emparer<br />

de son appartement. Certes, il disposait d’un<br />

arrêté d’attribution dont il pouvait se faire prévaloir<br />

en cas de difficulté. Cependant, des gens racontaient<br />

autour de lui que quelqu’un leur a fait<br />

savoir qu’il connaissait un ami qui fut dépossédé<br />

de son logement sans qu’il ne puisse reprendre<br />

son bien malgré la plainte qu’il a déposé auprès<br />

des pouvoirs publics.<br />

Pour calmer son angoisse, le cadre fait appel à<br />

ses parents. Ceux-ci occupent momentanément<br />

son appartement, faisant savoir, à travers le bruit<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

61


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

62<br />

l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

auquel ils s’adonnent, que le nouvel occupant<br />

n’est nullement isolé, mais qu’il fait partie d’une<br />

famille disposée à lui venir en aide en cas de besoin.<br />

Ainsi, l’appropriation symbolique du nouveau<br />

logement a lieu grâce à l’activation d’un mécanisme<br />

psychosociologique et culturel traditionnel, la<br />

participation.<br />

Ce mécanisme est en même temps un premier<br />

créneau dont se servent les parents pour récupérer<br />

celui qui a tenté d’évoluer en dehors de leur<br />

contrôle. L’ayant aidé au moment où il en avait<br />

besoin, ils n’hésitent pas à s’ingérer dans ses affaires.<br />

Cette ingérence se complique à l’appui d’un second<br />

créneau, le mariage. De fait, le cadre se marie<br />

généralement dès qu’il obtient un logement de<br />

fonction. Et c’est ce qui provoque une inversion<br />

sociologique fondamentale. De fait, le matriarcat<br />

resurgie. Sauf exception, il prend le dessus, plus<br />

précisément il submerge le patriarcat lorsque la<br />

vie conjugale et la vie familiale s’établissent dans<br />

un logement autonome. Cette inversion est franchement<br />

inévitable lorsque le logement appartient<br />

à l’épouse ou bien à ses parents.<br />

Une fois la vie conjugale établie dans ce type de logement,<br />

les familles des conjoints entrent en compétition<br />

au sujet de la participation à la gestion de<br />

la vie familiale qui s’y tisse. C’est le troisième créneau<br />

de récupération des individus qui ont donné<br />

l’impression de vouloir s’éloigner de leurs parents.<br />

Et c’est généralement la famille de l’épouse qui en<br />

sort victorieuse. Quelles en sont les raisons ?<br />

La mère de l’époux s’efforce de reconduire son<br />

rôle traditionnel lorsqu’elle visite son fils. Elle tente<br />

de savoir ce qui se passe chez lui. Elle se heurte<br />

inévitablement à l’opposition de sa belle-fille qui<br />

entreprend d’élargir son autonomie à toutes les<br />

dimensions de sa vie conjugale. Leur conflit se<br />

répercute en conflit conjugal. Et le mari ne peut<br />

pas manquer de comparer les difficultés que lui<br />

suscite sa mère et les facilités que lui procure sa<br />

belle-mère. Celle-ci est, en effet, tout au moins<br />

au début, gentille, prévenante, avenante avec son<br />

beau-fils. Aussi, ce dernier finit, bon gré mal gré,<br />

par prendre des distances avec sa mère et sa famille<br />

d’origine et par se raccorder à sa belle-famille.<br />

Tel est le quatrième créneau dont se servent<br />

les familles d’origine pour récupérer les couples<br />

qui s’installent loin de leur contrôle direct.<br />

Le téléphone représente un cinquième créneau de<br />

récupération. Les mères des épouses s’en saisissent<br />

pour renforcer et entretenir le tandem qu’elles<br />

forment avec leurs filles et participer, en lieu<br />

et place des mères des époux, à la gestion des<br />

nouvelles familles.<br />

Enfin, un sixième créneau est mis en œuvre lorsque<br />

le travail salarié de l’épouse l’incite à faire appel<br />

à sa propre mère pour prendre en charge son<br />

enfant en âge préscolaire. Dans ces conditions,<br />

les nouvelles générations évoluent de plus en plus<br />

sous l’emprise directe de leurs grands-mères et<br />

oncles maternels.<br />

Ainsi, contrairement aux apparences, les familles<br />

élargies se restructurent et prennent une nouvelle<br />

forme. Les couples sont dispersés à travers l’espace.<br />

Ils ne sont cependant pas isolés. Etant régulièrement<br />

entretenus par les mères des épouses,<br />

leurs interactions sont incessantes.<br />

La forme que prennent les familles élargies se rapprochent<br />

désormais de l’ancienne forme qu’elles<br />

ont longtemps eue, à l’occasion de la construction<br />

des maisons individuelles. Les constructions<br />

qu’édifient les cadres et, de plus en plus les commerçants,<br />

ne se limitent nullement à leurs propres<br />

besoins, mais elles englobent également ceux de<br />

leurs enfants des deux sexes. De fait, les cadres et<br />

les commerçants réservent, suivant leurs moyens,<br />

une pièce ou un appartement à chacun de leurs<br />

enfants. En même temps, ils réservent le rez-dechaussée<br />

de leurs constructions à des activités artisanales<br />

ou commerciales dont ils chargent leurs<br />

enfants. Les répercussions méritent d’être mentionnées<br />

: les filles ne quittent pratiquement plus<br />

leurs parents à la suite de leur mariage ; l’espace<br />

domestique se réduit au fur et à mesure des naissances<br />

; les conflits prolongent les difficultés que<br />

suscite l’utilisation des espaces communs ; ils encombreront<br />

certainement les cours de justice à la<br />

suite des problèmes qui accompagneront la répartition<br />

des héritages (qui prend quoi ?)


l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

projet de reCherChes<br />

Quelle emprise exerce le système social traditionnel<br />

sur les jeunes<br />

issus de l’imigration algérienne ?<br />

Exposé des motifs :<br />

Cinq données sont à noter au sujet de l’émigré algérien.<br />

La première donnée a trait à un oubli. L’émigré n’est<br />

pas neutre lorsqu’il quitte son pays. Il contient, véhicule<br />

et introduit partout où il accède une charge<br />

symbolique qui influe, à des degrés divers, sur son<br />

mode d’action et de réaction.<br />

La seconde donnée relève d’un malentendu. Rien<br />

ne laisse supposer que l’émigré algérien soit disposé<br />

à quitter le mode de vie en vue duquel il fut<br />

façonné et à adopter celui que lui « propose » la<br />

société d’accueil. Tout indique plutôt qu’il bricole des<br />

tournures sociales qui, tenant compte de son nouvel<br />

environnement social, le raccordent, d’une manière<br />

ou d’une autre, à ce dont il ne parvient pas à se<br />

départir, ses repères socioculturels.<br />

La troisième donnée est déduite d’échanges effectués,<br />

en mars <strong>2008</strong>, avec des jeunes issus de<br />

l’émigration. Leurs préoccupations psychosociales<br />

(importance de la « pureté » de la femme, virginité…)<br />

révèlent qu’ils ont intégré et qu’ils s’efforcent<br />

d’observer ce que leurs parents leur ont inculqué :<br />

des repères socioculturels traditionnels.<br />

La quatrième donnée a trait à l’inconfort de ces jeunes.<br />

Ils ne parviennent pas à concilier les exigences<br />

contradictoires que leur dictent, en même temps,<br />

les repères socioculturels traditionnels et la vie dans<br />

une société moderne.<br />

La cinquième donnée a trait à l’impact social de ces<br />

repères. Ne pouvant servir à baliser la vie dans une<br />

société développée, ils induisent des constructions<br />

sociales plus ou moins inadaptées et dont les effets<br />

apparaissent à travers les modes d’implication de<br />

ceux qui s’y raccordent.<br />

Système social traditionnel :<br />

Les repères socioculturels (hiérarchie des sexes, nécessité<br />

de préserver l’intégrité corporelle de la fille<br />

jusqu’à sa nuit de noce, contrôle de la virginité de la<br />

mariée, représentation idyllique de la société d’origine…)<br />

que réactivent des jeunes issus de l’émigration<br />

sont autant d’articulations du plus ancien système<br />

social construit par les hommes. C’est le système<br />

social traditionnel dont relèvent, tout à la fois, la<br />

signification psychologique et la portée sociale de<br />

ces repères.<br />

C’est le mode de vie correspondant à ce système<br />

que transmettent les parents à leurs enfants à travers<br />

l’éducation qu’ils leur assurent et la vie familiale<br />

qu’ils mènent.<br />

Il importe cependant de noter que le système social<br />

traditionnel n’est nullement spécifique à une société<br />

plutôt qu’à une autre. Jusqu’aux transformations<br />

constitutives de la modernité, il régissait, sous des<br />

formes plus ou moins différentes, tous les milieux<br />

de vie. Depuis, il encombre les espaces sociaux en<br />

difficulté (sociétés globales ou quartiers) où il se<br />

complique au fur et à mesure de la complexification<br />

de la vie sociale. Autrement dit, ce système est toujours<br />

d’actualité et qu’il façonne la vie des individus<br />

et des groupes sociaux. La preuve en est que ces<br />

derniers s’enlisent dans des représentations et des<br />

pratiques sociales étrangères aux exigences du siècle.<br />

Il faut par conséquent en tenir compte.<br />

Cependant, le système social traditionnel est occulté.<br />

D’une manière générale, les Algériens refusent<br />

d’admettre ce que dévoilent les investigations<br />

scientifiques : sous le couvert d’options politiques<br />

et économiques anciennes ou modernes, la société<br />

algérienne demeure régie par le système social traditionnel<br />

en profondeur. Dans ces conditions, il est<br />

difficile de comprendre et d’expliquer pourquoi des<br />

gens s’agrippent à un mode de vie qui ne leur permet<br />

pas d’être à l’aise avec leurs semblables.<br />

L’occultation de ce système est d’autant plus facile<br />

qu’il est fondamentalement clandestin pour des raisons<br />

socioanthropologiques qui méritent de retenir<br />

l’attention. De fait, rien ne le révèle d’emblée et rien<br />

n’en signale directement les effets sociaux. Le suivi<br />

de la vie sociale indique, cependant, qu’il exerce un<br />

impact inégalable sur l’équilibre et le devenir individuels<br />

et collectifs. Il est en effet possible de montrer<br />

qu’il submerge la vie sociale, d’une manière partielle<br />

ou globale, à l’occasion des événements familiaux<br />

(mariage, naissance, aléas de la vie), des rites religieux<br />

(ramadhan, aïd, mouloud) et des pannes de<br />

la modernité (rupture de stock, pénurie, faillite). Il<br />

importe, par conséquent, de préciser comment a-t-il<br />

été construit et quelles en sont les dimensions.<br />

Structuration et dimensions constitutives :<br />

C’est à partir de l’hostilité de l’environnement physique,<br />

d’ordre géographique et climatique, que le<br />

système social traditionnel a été structuré. Pour le<br />

préciser, il faut se reporter à la période antérieure<br />

à la modernité, moment où l’absence de connaissances<br />

scientifiques relatives au fonctionnement de<br />

l’environnement ne permettait pas de disposer de<br />

moyens de protection et d’action efficaces. Les re-<br />

Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

63


Rive.s<br />

n°<strong>10</strong><br />

Recherches -<br />

Publications<br />

L’impact<br />

social de la<br />

famille<br />

algérienne<br />

Slimane<br />

MEHDAR<br />

psychosociologue<br />

de l’université<br />

d’Alger<br />

64<br />

l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />

tournements périodiques de l’environnement étaient,<br />

alors, non seulement imprévisibles, mais également<br />

imparables. Aussi, les hommes les ont attribués à<br />

la versatilité de l’humeur de forces occultes qui se<br />

serviraient des éléments pour récompenser ou punir<br />

des comportements conformes ou contraires à<br />

leur volonté. De ce fait, ils ont d’autant plus sacralisé<br />

l’environnement qu’ils le tenaient pour source<br />

de tout ce dont ils bénéficiaient (air, eau, récolte,<br />

santé…) et de tout ce qu’ils subissaient (séisme, typhon,<br />

sécheresse, invasion d’insectes dévastateurs,<br />

maladie, épidémie,… mort). Ils ont alors adopté la<br />

logique de l’adaptation à l’environnement, qui prend<br />

souvent l’allure d’une soumission, pour bénéficier<br />

éventuellement de la magnanimité de ces forces sur<br />

lesquelles ils n’avaient aucune prise directe.<br />

Le système social que les hommes ont alors construit<br />

et qu’ils reconduisent encore dans différents milieux<br />

de vie à travers leurs manières d’être et d’agir, n’est<br />

pas en effet qualifié de traditionnel parce qu’il est<br />

ancien ou qu’il se réduit à des traditions, mais bien<br />

parce qu’il traduit les difficultés, voire l’incapacité<br />

individuelle et collective de maîtriser les conditions<br />

de vie dans un environnement hostile.<br />

Les hommes n’ont toutefois pas manqué de remarquer<br />

que les forces occultes auxquelles ils ont ainsi<br />

raccordé l’organisation et la gestion de l’environnement<br />

ne régissaient pas tout, absolument tout. Ils<br />

se sont en effet aperçus que l’énergie propre aux<br />

réseaux relationnels échappait largement à ces forces<br />

et, de proche en proche, à tout contrôle extérieur,<br />

à tout pouvoir. De fait, ce sont les individus<br />

qui connaissent la maladie et la mort, rarement les<br />

réseaux relationnels dont ils font partie. Résultat<br />

: les hommes ont accordé à ces réseaux le statut<br />

d’organe moteur de leur mode de vie. C’est le pivot<br />

central du mode de vie traditionnel, pivot que l’on<br />

retrouve dans les espaces sociaux englués dans le<br />

sous-développement.<br />

L’observation montre, en effet, que, tout comme<br />

dans les sociétés anciennes, c’est par le biais des<br />

réseaux relationnels que tout, ou presque tout,<br />

transite dans les sociétés en difficulté. Et c’est à leur<br />

appui que tout, ou presque tout, y est obtenu. Par<br />

conséquent, ils figurent comme la principale, voir<br />

l’unique protection contre l’envahissement de l’extérieur.<br />

C’est à ce titre qu’ils représentent le mode<br />

d’implication sociale privilégié dans les sociétés traditionnelles<br />

et en difficulté.<br />

Ce mode d’implication sociale est l’une des six dimensions<br />

dont se compose le système social traditionnel.<br />

Les cinq autres sont : une culture, une<br />

Ouvrage de référence :<br />

organisation sociale, un mode de gestion du facteur<br />

humain, un agencement mental et une économie de<br />

souk.<br />

Eléments de problématique :<br />

Comment les dimensions constitutives du système<br />

social traditionnel sont-elles construites ? Comment<br />

se complètent-elles ? Qu’est-ce qui révèle la permanence<br />

de ce système ? Pourquoi est-il occulté ? Quel<br />

sens donne-t-il à l’existence ? Quelles garanties sociales<br />

offre-t-il à ceux qui s’y raccordent ? Pourquoi<br />

ces derniers se refusent-ils à le réhabiliter et à le<br />

transformer en vue de relever les défis de la modernité<br />

? Quel est son impact social ?<br />

Pourquoi est-il difficile de cerner les caractéristiques<br />

de l’émigration algérienne sans tenir compte de ce<br />

système ? A quelles formes sociales donne-t-il lieu<br />

dans le milieu migratoire ? Pourquoi les jeunes issus<br />

de l’émigration sont-ils attachés à ce système ?<br />

Sont-ils disposés à s’engager dans la construction du<br />

nouveau à l’appui de ce système ? A quelles conditions<br />

est-il possible de le mobiliser en faveur de la<br />

construction du nouveau ? De quels appuis sociaux<br />

les jeunes peuvent-ils bénéficier pour dégager ainsi<br />

de nouvelles perspectives de réflexion et d’action ?<br />

Trois actions complémentaires permettront d’avancer<br />

des éléments de réponse à ces interrogations.<br />

La première action aura pour objet de mettre en<br />

place un dispositif théorique composé de la présentation<br />

du système social traditionnel et des caractéristiques<br />

de la vie des jeunes issus de l’émigration<br />

algérienne.<br />

La seconde action se déroulera à travers deux enquêtes<br />

en milieu migratoire. La première enquête<br />

cernera les caractéristiques de l’éducation et de la<br />

vie familiales des jeunes issus de l’émigration algérienne.<br />

La seconde enquête identifiera ce que ces<br />

jeunes retiennent de leur éducation et vie familiales.<br />

La troisième action définira les modalités d’accompagnement<br />

des jeunes disposés à construire du<br />

nouveau à l’aide de ce qu’ils parviennent à puiser<br />

dans leur arsenal culturel traditionnel.<br />

Il reste à définir les modalités pratiques de ces différentes<br />

actions (techniques et populations d’enquêtes,<br />

enquêtrices et enquêteurs, financement…).<br />

Slimane MEhDAR et Mahfoud AChAIBOU, Typologie de la violence à travers la société algérienne.<br />

Essai de théorisation. Revue des Deux Rives, n° 01/2004 –<br />

Editions du Laboratoire de Recherche en Psychosociologie des Organisations, université d’Alger.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!