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Rive.s<br />
De la Dourbie, de la Durance et de la Clarée, de la Fensch, du Lot, de la Moselle, de la Nied, de l’Orne, de la Rosselle, de la Sarre, de la Seille…<br />
CMSEA<br />
“La vie est un long fleuve tranquille”<br />
Nous sommes bien placés pour le savoir…<br />
<strong>Juin</strong> <strong>2008</strong> <strong>10</strong><br />
Bulletin de liaison du Comité Mosellan de Sauvegarde de l’Enfance, de l’Adolescence et des Adultes
Rive.s<br />
CMSEA<br />
Présidente :<br />
Marie Riblet<br />
Directeur Général :<br />
Hubert Dollen<br />
RIVE.S<br />
Directeur de publication :<br />
Arsène Amen<br />
Equipe technique :<br />
Marie-Claude Rainville,<br />
Elodie Leydinger<br />
Contact :<br />
CMSEA, 47,<br />
rue Dupont des Loges<br />
57000 METZ - 0387754028<br />
E-mail :<br />
a.amen@<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />
Réalisation<br />
Conception graphique<br />
Matthieu Evrard-Sidot<br />
Imprimeur<br />
28740 - Imprimerie Léon LOUIS<br />
57220 BOULAY<br />
Avertissement au lecteur<br />
Les opinions exprimées<br />
dans les articles n’engagent<br />
que leurs auteurs.<br />
Ces articles ne peuvent être<br />
reproduits sans autorisation.<br />
Celle-ci doit être demandée à la<br />
Direction Générale du CMSEA<br />
Retrouvez Rive.s sur le<br />
nouveau site du CMSEA :<br />
www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />
Si RIVE.S <strong>10</strong> s’épaissit quelque peu par rapport à ses numéros précédents<br />
c’est sans doute que les sujets ne manquent pas, mais c’est également dû<br />
à notre difficulté à tenir le rythme de 2 numéros par an ; ce qui en soi n’est<br />
pas énorme, mais représente de nombreuses heures de travail que ceux qui<br />
animent la revue sont obligés de soustraire à leur activité habituelle. Ils n’y<br />
parviennent plus, pour l’instant…<br />
Mais heureusement il y a les stagiaires, deux stagiaires du master « Expertise<br />
et ingénierie des politiques publiques et sociales » et d’un 3ème qui<br />
vient de terminer une licence de « communication », tous de l’université<br />
Paul Verlaine de Metz.<br />
Les deux premiers ont apporté leur contribution à la réalisation du dossier<br />
particulièrement consistant, qui a pris pour l’occasion la place du Cahier<br />
interne, Il s’agit de Valentine TAGU, qui termine son master cette année<br />
et d’Alexandre GILQUIN qui finit sa première année.<br />
Le troisième stagiaire s’est invité opportunément pour nous proposer de<br />
travailler sur la présentation de la revue, sa mise en page. Au vu du résultat<br />
nous pensons qu’il a bien fait de passer par là.<br />
Il s’appelle Matthieu EVRARD-SIDOT.<br />
Un merci très chaleureux à eux pour la qualité de leur travail et la fraîcheur<br />
de leur présence.<br />
CMSEA<br />
En couverture, «Les signes du temple» par Audrey Salzard, <strong>2008</strong>. Un merci tout<br />
spécial à cette jeune artiste messine pour une toile aux pastels réalisée tout<br />
spécialement pour ce numéro <strong>10</strong> de Rive.s.
Editorial<br />
La fermeture d’un établissement, en l’occurrence une Maison d’Enfants à Caractère<br />
Social, ne peut manquer de soulever une multitude de questions quant au travail réalisé<br />
par les acteurs du secteur social et médico-social, à sa reconnaissance et à son<br />
utilité, mais surtout quant au service rendu aux usagers. Une fermeture de ce type,<br />
dite «administrative», représente un problème pour tout le monde, l’administration,<br />
les magistrats, l’association gestionnaire, les salariés, les usagers, et les partenaires.<br />
La décision prise revêt un caractère exceptionnel et génère des inquiétudes de toutes<br />
sortes, que la communication qui en est faite ne suffit généralement pas à lever. Si l’on<br />
exclut l’hypothèse de l’erreur administrative (comme on a pu parler d’erreur judiciaire<br />
à propos de l’affaire d’Outreau), on est bien obligé d’affronter des questions plus fondamentales<br />
qui ont à voir avec la qualité du service rendu dans nos établissements,<br />
les critères d’appréciation de cette qualité, le contexte institutionnel et politique dans<br />
lequel la décision est prise…<br />
Les violences institutionnelles existent, ici comme ailleurs, dans l’action sociale ou<br />
médico-sociale comme à l’Education Nationale, dans les administrations comme dans<br />
les entreprises privées, dans les organisations syndicales comme dans les organisations<br />
politiques, dans les assemblées de fidèles comme dans les assemblées d’élus ,<br />
et ainsi de suite…<br />
Le problème est de savoir ce qu’on fait de ces violences institutionnelles; au-delà du<br />
droit et des lois, quels sont les mécanismes de régulation mis en place pour diminuer<br />
ou contrer ces violences, pour en refuser la banalisation, peut-être même pour en anticiper<br />
l’expression et en endiguer les effets. Le débat qui s’ouvre actuellement sur une<br />
politique européenne de contrôle de l’immigration montre l’étendu de la difficulté, dans<br />
la mesure où il met en évidence l’absence même de consensus sur des principes aussi<br />
universels que l’égale dignité des personnes.<br />
Dans notre secteur la loi 2002-2 a repris cette question frontalement, cherchant à limiter<br />
les abus de l’organisation de la prise en charge par un ensemble de dispositions<br />
obligatoires, censées permettre aux usagers et à leurs représentants d’avoir une prise<br />
réelle sur la manière dont on prétend leur rendre service.<br />
Mais les moyens, les outils dont nous nous dotons ou ceux qu’on nous imposent, ne<br />
valent que par la manière dont nous les utilisons. Ceux qui découlent de l’obligation<br />
d’évaluation interne nous aideront peut-être cette année à mieux maîtriser la manière<br />
dont nous prétendons respecter l’esprit de la loi dans l’application de ses diverses dispositions.<br />
D’une façon plus générale, la régulation est avant tout une affaire de maintien d’un<br />
équilibre dans un milieu donné. Lorsqu’il s’agit du milieu humain on parlera d’équilibre<br />
dynamique, qui repose sur le principe d’ajustement des rapports au sein d’un système<br />
donné et avec son environnement, plutôt que sur celui de la permanence invariable du<br />
système.<br />
L’information en constitue l’élément moteur, l’énergie même de ce système. A ce jour<br />
je reste frappé par l’opacité, et parfois le mystère, qui entoure bons nombres de décisions<br />
prises dans notre secteur d’activité, donc par la difficulté de considérer l’autre<br />
comme capable et digne de partager de façon constructive les données d’un problème,<br />
dont la résolution supposera, tôt ou tard, la mise en cohérence d’un ensemble complexe<br />
d’acteurs et de réseaux de décisions.<br />
Arsène Amen<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Editorial<br />
Arsène Amen<br />
1
Rive.s<br />
3<br />
12<br />
26<br />
40<br />
<strong>10</strong><br />
D’une rive à l’autre, vie associative<br />
Hommages à Jean Faust<br />
Assemblée Générale, les orientations associatives<br />
Le protocole de mise en oeuvre du référentiel associatif d’évaluation<br />
interne<br />
Le Téléthon 2007<br />
Au fil de l’eau, le CMSEA à travers la presse<br />
Le CMSEA au travers du sport<br />
de la solidarité<br />
Reflets et courants, le dossier de Rive.S<br />
Contre-Courant, tribune libre<br />
Les jeunes des banlieues et la ville<br />
Prendre son temps dans l’urgence<br />
Partager le plaisir d’une rencontre<br />
Vivre avec l’inacceptable<br />
des actions de prévention / sensibilisation<br />
de fêtes et d’inaugurations<br />
Alluvions, rapports - recherches<br />
Handicap et scolarisation<br />
PROCORA, les enjeux du référentiel d’activité<br />
Recherche - Action<br />
L’impact de la famille algérienne<br />
page 3<br />
5<br />
7<br />
<strong>10</strong><br />
12<br />
16<br />
18<br />
22<br />
26<br />
30<br />
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39<br />
40<br />
46<br />
54<br />
57
D’une rive à l’autre<br />
Vie associative<br />
Hommages<br />
JEAN FAUST est décédé le <strong>10</strong> mai dernier, à l’âge de 77 ans.<br />
Il a été Directeur Général du CMSEA DE 1963 à 1992.<br />
Hommage(s)<br />
Nous reproduisons ci-dessous l’hommage que lui ont rendu Christian RUZE et<br />
Hubert DOLLEN lors de ses obsèques.<br />
Hommage de Christian Ruzé<br />
Vie associative<br />
«Parler en quelques mots de la vie de Jean Faust<br />
n’est pas chose aisée, tout d’abord parce que sa<br />
vie a été si riche, si remplie, si diverse qu’il est<br />
difficile de ne retenir que les points essentiels<br />
qui peuvent caractériser ce qui a été son existence.<br />
Ensuite parce que Jean a beaucoup compté<br />
dans ma vie, nos mères étaient deux soeurs<br />
très proches et nos vies se sont un peu déroulées<br />
en parallèle, se croisant souvent même. Je<br />
l’ai toujours considéré comme mon grand frère<br />
que je n’ai pas eu, et lui a eu pour moi, avec la<br />
discrétion qu’on lui connaît cette attention que<br />
peut avoir un frère pour son cadet.<br />
Jean Faust est né le 13 juin 1931 de Emma<br />
GRASS et Joseph FAUST.<br />
Quand éclate la seconde guerre mondiale, il a<br />
8 ans. Une partie de notre famille fuit la Moselle<br />
et part se réfugier dans la Sarthe à Sablé. Puis<br />
c’est la débâcle, l’armistice et la re-annexion de<br />
l’Alsace Lorraine par l’Allemagne. La famille doit<br />
rentrer en Moselle. Les parents de Jean décident<br />
eux de se réfugier en zone libre, et plus<br />
précisément à Aspet, près de Saint-Gaudens en<br />
Haute-Garonne où ils resteront jusqu’à la Libération.<br />
C’est là qu’il a découvert la spéléologie qui est<br />
devenue plus tard l’une de ses activités associatives<br />
et sans doute qu’il a pris goût à la pêche à<br />
la truite dans les torrents pyrénéens.<br />
A la fin de la guerre, ses parents reviennent<br />
en Moselle. Jean entre dans les mouvements<br />
de jeunesse florissant en cette période et notamment<br />
dans le scoutisme par les Scouts de<br />
France et les Routiers plus tard.<br />
Après ses études secondaires son intérêt pour<br />
les mouvements de jeunes l’amène tout naturellement<br />
à envisager de devenir éducateur<br />
spécialisé. C’est à Angers qu’il débute dans le<br />
métier tout en militant dans les scouts marins.<br />
Son premier poste d’éducateur le conduira à<br />
Lyon plus précisément dans l’une des trois rares<br />
écoles d’éducateurs existant à ce moment en<br />
France avec Paris et Montpellier. Il sera à l’époque,<br />
un des premiers éducateurs spécialisés de<br />
Moselle à détenir le diplôme de l’Institut de Psychopédagogie<br />
de Lyon. Dans son premier poste<br />
en établissement spécialisé à Lyon il connaîtra<br />
Maguy, jardinière d’enfant, et qui deviendra sa<br />
compagne et sa femme. De leur union naîtront<br />
trois enfants : Pascale, Didier et Rémy.<br />
Poursuivant sa carrière professionnelle il rejoindra<br />
en 1958 le Comité Mosellan de Sauvegarde<br />
de l’Enfance des Adolescents et des Adultes<br />
(CMSEA) et créera à Faulquemont le premier<br />
établissement: le foyer du jeune Travailleur en<br />
1959. Il prendra en 1963 la direction de cette<br />
Association et contribuera à la création de nombreux<br />
établissements et services de cette structure<br />
jusqu’à sa retraite en1992. Au total à son<br />
départ l’association comptait 35 établissements<br />
et services accueillant environ 3000 personnes<br />
et employait près de 800 salariés. Homme de<br />
conviction, passionné par son métier, il aura su<br />
entraîner avec lui de nombreux hommes et femmes<br />
qui vont constituer ce réseau professionnel<br />
tout à fait exceptionnel dans le département.<br />
Plein d’activité il aura aussi contribué au développement<br />
du sport local et notamment du handball<br />
pendant de nombreuses années. Il a été<br />
arbitre, trésorier puis secrétaire général de la<br />
ligue lorraine de handball de 1965 à 1969.<br />
La spéléologie connue dans son enfance le retrouve<br />
et il participera intensément à ce sport<br />
en créant en 1975, un club de spéléologie dénommé<br />
«Le Graoully», par lequel il emmène de<br />
nombreux des établissements en stage de dé-<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Hommages<br />
à Jean Faust<br />
C. Ruzé<br />
3
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Hommages à<br />
Jean Faust<br />
H. Dollen<br />
4<br />
Hommage(s)<br />
couverte et leur donne ainsi l’occasion de briser<br />
le rythme de l’internat, et de découvrir de nouveaux<br />
horizons. Dans cette pratique sportive, il<br />
a été membre du conseil d’administration de la<br />
fédération française de spéléologie.<br />
La pêche fut également une de ses passions, en<br />
rivière, en étang mais il ne ratait pas l’ouverture<br />
de la truite et partait avec sa femme et leur<br />
camping-car, il est allé aussi pêcher le saumon<br />
au Canada et le gros en Afrique.<br />
Sa retraite professionnelle n’arrêtera pas son<br />
besoin d’activité et longtemps encore il a continué<br />
à assumer des responsabilités syndicales<br />
au sein du syndicat national des associations<br />
de sauvegarde de l’enfance de l’adolescence et<br />
des adultes comme administrateur et délégué<br />
régional.<br />
La perte subite et prématurée de son épouse en<br />
2003 l’affectera considérablement et marquera<br />
un arrêt dans ses activités. Il consacrera alors<br />
son temps à sa famille et notamment à ses petits<br />
enfants dont il était fier: Etienne, Didier,<br />
Catherine, Kelian et Maëlia.<br />
Homme d’une discrétion exemplaire il se sera<br />
toujours effacé derrière la tâche à accomplir,<br />
préférant comme il le disait lui-même laisser<br />
les honneurs aux autres. Inflexible sur ses principes<br />
professionnels et tenace sur les objectifs<br />
qu’il voulait atteindre pour le bien du public des<br />
personnes handicapées ou en difficultés, il savait<br />
être d’un dévouement sans limite et serviable<br />
pour les causes ou les personnes qui le<br />
sollicitaient.<br />
Jean tu laisseras le souvenir d’un homme droit,<br />
sincère, dévoué, d’un pionnier infatigable, d’un<br />
ami sans faille, d’un frère toujours présent et<br />
d’un parent exemplaire.»<br />
Christian Ruzé<br />
Président de l’Association Promotion Emploi Formation<br />
Hommage de Hubert Dollen<br />
Vous rencontrez parfois une personne qui vous<br />
marque dans la vie, et qui vous sert de référence,<br />
longtemps, inexplicablement. Vos contemporains<br />
qui le fréquentent également peuvent<br />
bien éprouver des sentiments moins forts à son<br />
égard, elle est, elle reste pour vous une référence.<br />
Jean Faust a été cet homme là pour moi et<br />
pour quelques uns d’entre nous. Il en imposait,<br />
comme on dit familièrement. Il en imposait<br />
naturellement et peut-être aurait-il pu se<br />
dispenser des piques régulières qu’il adressait<br />
à ceux qu’il affectionnait. Mais c’était Jean, et<br />
faire partie de ses amis se méritait.<br />
Il savait à merveille ce qu’est la fonction de Directeur<br />
Général dans une association dont il avait<br />
connu chaque élément, pour l’avoir construite,<br />
façonnée, puis laissée libre d’évoluer.<br />
Personnalité incontournable de l’action sociale,<br />
de l’Education Surveillée devenue Protection<br />
Judiciaire de la Jeunesse, Jean Faust a été à<br />
l’origine directe et partie prenante de toutes les<br />
évolutions majeures des politiques sociales. De<br />
l’ordonnance de 45 à la loi de 58, de l’engagement<br />
du CMSEA au service des déficients intellectuels,<br />
de la création de la Prévention Spécialisée<br />
à la prise en compte de la toxicomanie<br />
jusqu’à l’aide à l’insertion des personnes en difficulté,<br />
il a été de toutes les créations, de toutes<br />
les évolutions, à la pointe de tous les combats.<br />
Sa participation à la vie citoyenne ne s’est pas<br />
limitée à l’action sociale proprement dite mais<br />
s’est étendue à la jeunesse et aux sports, au<br />
handball et à la spéléologie en particulier.<br />
On peut mesurer son action aujourd’hui en<br />
nombre d’établissements et services ou de secteurs<br />
d’activité. D’autres compteront en nombre<br />
de salariés ou en chiffre d’affaire… Qu’importe !<br />
Je préfère pour ma part imaginer le nombre de<br />
personnes, enfants, adolescents et adultes qui<br />
ont été accompagnées et aidées dans la sauvegarde<br />
de leur dignité et de leur autonomie,<br />
grâce à lui. Car ce qui compte vraiment, c’est<br />
ce qu’il nous a laissé dans le cœur – il aurait dit<br />
les tripes – cette volonté que personne ne reste<br />
au bord du chemin au prétexte que la vie ne lui<br />
avait pas fait de cadeau et que c’était juste la<br />
faute à pas de chance.<br />
Sa participation à cette construction de la vie<br />
collective a été largement reconnue par la République.<br />
Titulaire des plus hautes médailles et<br />
distinctions des ministères de la Justice, de la<br />
Jeunesse et des Sports, il avait reçu les insignes<br />
de chevalier de l’ordre national du Mérite lors de<br />
notre cinquantième anniversaire.<br />
Si la République a reconnu ses mérites, il est<br />
plus que probable que le Dieu auquel il croyait<br />
fera de même. Et que cela soit dit sans que personne<br />
n’y voie de blasphème il paraît, Jean, que<br />
là-haut la pêche est toujours miraculeuse. Je<br />
suis sûr que tu t’y plairas bien.<br />
A ses enfants, et qu’ils n’y voient eux non plus<br />
aucune offense, je voudrais dire : moi aussi, en<br />
quelque sorte, j’ai perdu un père.<br />
Hubert Dollen<br />
Directeur Général du CMSEA
assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />
Les orientations associatives pour <strong>2008</strong><br />
«Vous êtes adhérents, réunis en Assemblée<br />
Générale, organe qui regroupe tous les membres<br />
de l’association et détermine sa politique.<br />
Le Conseil d’Administration, le Bureau et son<br />
Président, aidés par les Commissions et la<br />
Section des Parents et Amis des Déficients Intellectuels,<br />
les Directeurs et les Professionnels<br />
de notre Association mettent cette politique en<br />
pratique.<br />
Vous pouvez également formuler vous-mêmes<br />
des orientations puisque vous êtes là pour définir<br />
cette politique.<br />
Si ces orientations sont reprises en compte par<br />
l’Assemblée Générale, elles seront étudiées par<br />
le Bureau et, suivant leur opportunité et leur<br />
faisabilité, elles seront mises en œuvre par le<br />
Conseil d’Administration.<br />
Dans les orientations que vous aviez approuvées<br />
pour 2007, nous nous étions engagés<br />
tout particulièrement dans 3 grands domaines<br />
de l’activité du CMSEA:<br />
• Celui de la prise en charge des personnes qui<br />
nous sont confiées<br />
• Celui de notre participation à l’évolution des<br />
pratiques institutionnelles<br />
• Celui des conditions de travail dans nos établissements<br />
et services.<br />
Concernant le premier point nous avons,<br />
conformément aux attentes du législateur, mis<br />
en place les Contrats de Soutien et d’Aide par<br />
le travail dans les ESAT, afin d’avancer sur le<br />
statut social et professionnel des travailleurs<br />
handicapés. Nous avons également entrepris<br />
un travail de formation et d’élaboration d’un<br />
référentiel associatif d’évaluation interne, dans<br />
assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />
L’Assemblée Générale du<br />
CMSEA s’est déroulée le 29<br />
mai dernier dans les locaux de<br />
l’ESAT «Les ateliers de Blory»,<br />
sous la présidence de M. Daniel<br />
DELREZ.<br />
Les orientations associatives<br />
pour <strong>2008</strong> ont été présentées<br />
par Evelyne Trémoulière<br />
d’Alexandre, secrétaire générale.<br />
le cadre de la commission de suivi de la mise<br />
en œuvre de la loi 2002-2.<br />
Nous n’avons par contre pas réussi à étendre<br />
la mise en œuvre de Conseils de la Vie Sociale<br />
dans les établissements autres que ceux du<br />
secteur de la Déficience Intellectuelle, à l’une<br />
ou l’autre exception près.<br />
S’agissant de notre participation à l’évolution<br />
des pratiques institutionnelles, nous avons<br />
soutenu et promu de multiples expériences<br />
de mise en commun d’initiatives destinées à<br />
améliorer l’insertion sociale et professionnelle<br />
des jeunes, quelle que soit la nature de leurs<br />
difficultés, avec l’aide de différents partenaires,<br />
notamment l’Association Promotion Emploi<br />
Formation (APEF), l’Organisme Central de<br />
Technologie, d’Apprentissage, de Promotion et<br />
d’Education en faveur des personnes Handicapées<br />
(OCTAPEH), le Plan Départemental d’Insertion<br />
Professionnelle des Travailleurs Handicapés<br />
de Moselle (PDIPTH), sans parler de<br />
la poursuite de nos partenariats avec la Fédération<br />
Nationale des Associations d’Accueil et<br />
de Réinsertion Sociale (FNARS) et des actions<br />
communes qui se développent quotidiennement<br />
sur le terrain.<br />
Par ailleurs, fin 2007 nous sommes toujours<br />
en attente d’une conclusion à la procédure de<br />
cessation des mesures de triple habilitation.<br />
Enfin pour ce qui est des conditions de travail<br />
dans nos établissements et services, un effort<br />
tout particulier a été entamé cette année sur la<br />
formation des équipes éducatives confrontées<br />
à des situations de violence de plus en plus<br />
fréquentes, ainsi que sur toutes les mesures<br />
de sécurité inhérentes à l’accueil des usagers.<br />
L’actualisation du règlement général, dans sa<br />
partie relative aux délégations de responsabilités<br />
entre le Président, le Directeur Général et<br />
les Directeurs d’établissement ou de service,<br />
a été menée à terme courant 2007; celle du<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
AG <strong>2008</strong>,<br />
les<br />
orientations<br />
associatives<br />
5
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
AG <strong>2008</strong>,<br />
Les<br />
orientations<br />
associatives<br />
6<br />
assemblée générale du <strong>cmsea</strong><br />
Règlement Intérieur du CMSEA a également<br />
démarré et sera poursuivie en <strong>2008</strong>.<br />
En ce qui concerne la politique de mobilité interne<br />
dans la gestion des ressources humaines,<br />
même s’il reste encore des améliorations<br />
à faire, il faut constater que le mouvement observé<br />
ces dernières années est encourageant,<br />
puisque le nombre de personnes qui ont bénéficié<br />
de cette mesure est en constante augmentation.<br />
Comme vous pouvez le constater, nous ne restons<br />
pas inertes ou en attente des directives<br />
administratives, mais nous ne manquons pas<br />
d’obstacles à surmonter ni d’objectifs à relancer,<br />
pour maintenir et améliorer le service<br />
rendu aux usagers.<br />
Pour l’année <strong>2008</strong> nous vous proposons en conséquence<br />
de retenir, parmi de multiples autres objectifs<br />
qui font déjà partie de notre «feuille de<br />
route», les orientations suivantes :<br />
• S’agissant des personnes accueillies, nous voulons<br />
continuer notre effort en faveur de l’insertion<br />
sociale et professionnelle des jeunes, en continuant<br />
à développer de nouvelles initiatives, en associant<br />
davantage les services internes du CMSEA<br />
les uns avec les autres, en proposant de nouvelles<br />
modalités de prise en charge, aussi bien dans le<br />
secteur de la Déficience Intellectuelle que dans celui<br />
de la Protection de l’Enfance<br />
• En ce qui concerne notre participation à l’évolution<br />
des pratiques professionnelles, nous voulons<br />
réussir le pari que nous nous sommes fixé de renforcer<br />
la place du projet associatif au cœur des<br />
projets d’établissement et de service, en inscrivant<br />
l’évaluation interne des structures du CMSEA<br />
et le projet associatif dans une même recherche<br />
de sens.<br />
Nous souhaitons également participer activement<br />
à la mise en œuvre des nouvelles orientations<br />
de la Protection de l’Enfance en apportant<br />
notre part d’innovation dans les modalités de<br />
prise en charge et en continuant à f a v o r i -<br />
ser les liens institutionnels, dont nous attendons<br />
qu’ils consolident les efforts de coopération<br />
et de concertation avec les collectivités locales e t<br />
les représentants de l’Etat.<br />
• S’agissant enfin des conditions de travail, et ce<br />
malgré les contentieux qui compliquent parfois<br />
plus que de raison les relations sociales au sein du<br />
CMSEA, nous voulons poursuivre notre politique<br />
d’ouverture et de concertation avec les instances<br />
représentatives du personnel.<br />
L’attention portée à la sécurité au travail ne diminuera<br />
pas et la généralisation des entretiens<br />
professionnels devrait permettre une régulation<br />
encore plus objective des parcours professionnels<br />
des uns et des autres, que ce soit du<br />
point de vue des projets personnels, ou de celui<br />
des projets institutionnels.<br />
Si vous approuvez ces orientations, nous veillerons<br />
à ce que toute la structure associative et<br />
professionnelle du CMSEA soit mise au service<br />
prioritaire de leur réalisation.<br />
Le rapport d’activité pour 2007 est disponible<br />
dans sa version complète sur notre site internet<br />
www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr
le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />
associatif d’évaluation interne<br />
le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />
associatif d’évaluation interne<br />
L’élaboration du protocole de mise en œuvre<br />
du référentiel associatif d’évaluation interne a<br />
été entreprise dès avril 2007, au sein du comité<br />
de suivi de la mise en œuvre de la loi<br />
2002-2. Une commission d’évaluation interne<br />
a été crée, composée de membres du CA et<br />
de la Section des Parents et Amis du CMSEA;<br />
elle a bénéficié de l’apport actif des directions<br />
et des équipes éducatives de plusieurs établissements<br />
et services de l’association, dans<br />
le cadre d’une formation et d’une expérimentation<br />
du référentiel associatif préalablement<br />
adopté.<br />
Cette démarche, réalisée sous l’égide de la<br />
direction pédagogique du CMSEA, a été accompagnée<br />
par le département de formation<br />
continue de l’IRTS de Lorraine et Geneviève<br />
Estienne, formatrice et consultante pour le<br />
secteur social et médico-social.<br />
Plusieurs étapes se sont succédées<br />
depuis juin 2007 :<br />
• 2 séances introductives avec le groupe des administrateurs<br />
pour la présentation par Mme Estienne<br />
de la législation et des différentes problématiques<br />
relatives à l’évaluation.<br />
• 1 séance commune avec les directeurs des établissements<br />
engagés dans l’expérimentation et les<br />
administrateurs, pour organiser l’expérimentation<br />
à proprement parler avec les équipes professionnelles.<br />
• 2 séances avec chacun des établissements sur<br />
la première phase de la démarche évaluative retenue<br />
: le repérage des besoins spécifiques et la<br />
mise à plat de l’activité en référence à ces besoins<br />
spécifiques.<br />
• 1 séance de synthèse avec le groupe des administrateurs<br />
et des directeurs des établissements,<br />
avec préparation de la seconde phase, celle de la<br />
construction des critères d’appréciation de la pertinence<br />
de l’activité, tant du point de vue de l’association<br />
que de celui des établissements.<br />
• 2 séances pour les administrateurs afin de déterminer<br />
l’approche associative des évaluations internes<br />
des établissements et services du CMSEA,<br />
au regard du référentiel associatif d’évaluation interne<br />
et du projet associatif : voir le résumé du<br />
protocole ci-joint.<br />
• 2 séances pour les équipes professionnelles afin<br />
de les accompagner dans la construction des critères<br />
spécifiques d’évaluation de leur activité. Ces<br />
critères correspondent à un questionnement évaluatif<br />
ayant pour but de mettre en évidence les<br />
réponses apportées à des problématiques spécifiques<br />
à telle ou telle prise en charge. Le questionnement<br />
évaluatif peut d’ailleurs découler<br />
directement de la manière dont le projet d’établissement<br />
aborde la définition des besoins spécifiques.<br />
Conformément au projet associatif, dont le<br />
sous-titre est « ancrer l’homme au cœur de la<br />
définition et de la mise en œuvre des politiques<br />
sociales», le CMSEA a retenu une procédure<br />
de validation des évaluations internes de ses<br />
établissements et services qui privilégie une<br />
approche de l’activité et de sa pertinence sur<br />
la base de la qualité des réponses apportées<br />
aux besoins spécifiques des usagers accueillis<br />
ou pris en charge.<br />
Le protocole de mise en œuvre du référentiel<br />
associatif d’évaluation interne, qui a résulté de<br />
ce travail, a été validé par le CA de l’association<br />
lors de sa séance du 22 avril <strong>2008</strong>.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Le protocole<br />
de mise en<br />
oeuvre du<br />
référentiel<br />
associatif<br />
d’évaluation<br />
interne<br />
A. Amen<br />
7
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Le protocole<br />
de mise en<br />
oeuvre du<br />
référentiel<br />
associatif<br />
d’évaluation<br />
interne<br />
8<br />
A. Amen<br />
le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />
associatif d’évaluation interne<br />
La procédure de validation des évaluations<br />
internes des établissements et services<br />
par l’association consiste<br />
• à recueillir le même type d’informations pour<br />
chaque établissement ou service. En l’occurrence<br />
il s’agit de connaître les aspects les plus représentatifs<br />
de l’activité d’un établissement, tant du<br />
point de vue des domaines d’évaluation préconisés<br />
par l’ANESMS que du point de vue des besoins<br />
spécifiques de la population accueillie.<br />
• à référer ces informations pour chaque établissement<br />
ou service aux orientations principales du<br />
projet associatif, pour en faire un commentaire du<br />
point de vue de la pertinence de l’activité réalisée<br />
et de celle des améliorations préconisées.<br />
La même procédure s’applique aux services du<br />
siège.<br />
Par ailleurs le protocole d’évaluation interne<br />
prévoit la possibilité, pour la commission chargée<br />
du suivi de cette validation, de demander<br />
à tel ou tel établissement ou service les documents<br />
attestant de la réalité des informations<br />
données.<br />
Le dispositif protocolaire :<br />
Le référentiel associatif d’évaluation interne<br />
propose un cadre de définition des besoins<br />
spécifiques aux différents publics accueillis<br />
dans les établissements du CMSEA, sur la<br />
base de 4 catégories de «besoins génériques»,<br />
s’inspirant du modèle théorique du psychologue<br />
américain Abraham Maslow :<br />
Besoins génériques n° 1 :<br />
la sécurité<br />
Etre assuré d’un minimum vital sur le plan des besoins<br />
physiologiques (nourriture, protection<br />
par rapport à l’environnement naturel) et de la<br />
sécurité (assurance d’une pérennité dans la<br />
satisfaction des besoins fondamentaux, dans la<br />
capacité à avoir une vie autonome).<br />
Besoins génériques n° 2 :<br />
partenance<br />
Bénéficier des repères sociaux permettant de se<br />
construire dans un réseau relationnel structurant,<br />
de se situer dans un lien d’appartenance à un<br />
groupe social (famille naturelle, famille d’accueil<br />
ou d’adoption, groupe social d’accueil…).<br />
Besoins génériques n° 3 :<br />
la reconnaissance et l’estime de soi<br />
Etre identifié dans sa singularité, dans sa capacité<br />
à occuper une place spécifique, à s’exprimer,<br />
à être utile aux autres, à participer activement à la<br />
vie et l’action collective.<br />
Besoins génériques n° 4 :<br />
la réalisation de soi<br />
Etre considéré en tant que personne responsable,<br />
capable de faire des choix, d’exprimer des<br />
positions personnelles, de construire des raisonnements<br />
particuliers et d’inventer des réponses<br />
inédites, de développer des modalités d’expression<br />
créatives.<br />
Le questionnaire adressé aux établissements<br />
est organisé sous forme de tableau à double<br />
entrée permettant de croiser les données relatives<br />
aux différents niveaux de besoins avec les<br />
4 domaines d’évaluation retenus par l’ANESMS<br />
(Agence Nationale de l’Evaluation Sociale et<br />
Médico-Sociale) :<br />
• Le projet d’établissement, les objectifs et les<br />
méthodes et techniques mises en œuvre<br />
• Le droit et la participation des usagers, ainsi<br />
que la personnalisation des prestations<br />
• L’organisation du travail et la gestion des compétences<br />
professionnelles.<br />
• L’intégration de l’établissement ou du service<br />
dans son environnement.<br />
En fonction des informations transmises dans<br />
le cadre de l’évaluation interne de chaque établissement<br />
ou service, le comité de suivi de<br />
la mise en œuvre des dispositions de la loi<br />
2002-2 fait une proposition de validation au<br />
Président de l’association. Cette proposition<br />
de validation est soumise à l’approbation du<br />
Conseil d’Administration du CMSEA.<br />
L’avis du Comité de Suivi est fondé par la pertinence<br />
de l’activité d’un établissement au regard<br />
des orientations du projet associatif.<br />
Les orientations principales du projet associatif<br />
se déclinent sur trois registres :
le protocole de mise en oeuvre du référentiel<br />
associatif d’évaluation interne<br />
Celui des pratiques éducatives et<br />
sociales<br />
• L’adaptation des pratiques éducatives aux<br />
évolutions du mal-être des personnes<br />
• La maîtrise des actions engagées<br />
• La promotion du renouvellement des conceptions<br />
pédagogiques<br />
Celui des parcours professionnels<br />
• Le développement des compétences des salariés<br />
• La consolidation de l’engagement associatif<br />
• L’accompagnement de nouvelles perspectives<br />
de carrière<br />
Celui de la vie associative<br />
La facilitation de la communication et des rencontres<br />
entre toutes les composantes de l’association<br />
en en faisant<br />
• Un lieu de partage et d’échange<br />
• Un lieu d’arbitrage, entre les projets qui seraient<br />
de nature contradictoire ou concurrentielle,<br />
mais aussi en cas de litige<br />
• Un lieu de recherche et d’étude, s’appuyant<br />
sur un laboratoire de réflexions pédagogiques,<br />
d’analyse des pratiques, le développement des<br />
transversalités dans chaque secteur d’intervention,<br />
celui de groupes de recherche-action.<br />
• Un lieu de proposition et d’innovation face à<br />
la multiplication des situations de détresse.<br />
Retrouvez la version<br />
complète du protocole sur :<br />
www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Le protocole<br />
de mise en<br />
oeuvre du<br />
référentiel<br />
associatif<br />
d’évaluation<br />
interne<br />
A. Amen<br />
9
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Téléthon<br />
2007<br />
<strong>10</strong><br />
télétHon<br />
télétHon 2007<br />
La Lorraine a été retenue par l’Association<br />
Française contre les<br />
Myopathies et France 2 pour être<br />
la région d’accueil de l’édition<br />
2007 du Téléthon, dont le plateau<br />
des animations s’est installé Place<br />
de la Comédie à Metz les 7 et 8<br />
décembre 2007.<br />
Dans le cadre de cette manifestation nationale,<br />
nous avons mené avec les adolescents accueillis<br />
au foyer Les Prés de Brouck une action humanitaire.<br />
Cette action fait suite à notre participation depuis<br />
trois saisons au travail effectué par les restos<br />
du cœur.<br />
Nous avons donc impliqué les adolescents au<br />
Téléthon 2007 et récolté des dons (300 €) qui<br />
ont été reversés lors de l’opération.<br />
Pour ce faire, nous sommes allés vendre divers<br />
objets (récoltés au préalable) lors de marchés<br />
aux puces organisés à Thionville le 25/11/07 et<br />
à Metz le 11/11/07.<br />
Nous avons pris contact avec Monsieur HAULT-<br />
COEUR, médecin au centre de Rééducation<br />
Professionnelle ALPHA Plappeville et étions présents<br />
à une manifestation le 8 décembre 2007.<br />
Un circuit de 5 km entre la Place de France et la<br />
Place de la Comédie réalisé selon divers moyens<br />
tels que le vélo, le cheval, les rollers…..auquel<br />
notre groupe d’adolescents a participé moyennant<br />
5 Dans le cadre de cette manifestation nationale,<br />
nous avons mené avec les adolescents<br />
accueillis au foyer Les Prés de Brouck une action<br />
humanitaire.<br />
Cette action fait suite à notre participation depuis<br />
trois saisons au travail effectué par les restos<br />
du cœur.<br />
Nous avons donc impliqué les adolescents au<br />
Téléthon 2007 et récolté des dons (300 €) qui<br />
ont été reversés lors de l’opération.<br />
Pour ce faire, nous sommes allés vendre divers<br />
objets (récoltés au préalable) lors de marchés<br />
aux puces organisés à Thionville le 25/11/07 et<br />
à Metz le 11/11/07.<br />
Nous avons pris contact avec Monsieur HAULT-<br />
COEUR, médecin au centre de Rééducation<br />
Professionnelle ALPHA Plappeville et étions présents<br />
à une manifestation le 8 décembre 2007.<br />
Un circuit de 5 km entre la Place de France<br />
et la Place de la Comédie réalisé selon divers<br />
moyens tels que le vélo, le cheval, les rollers…..<br />
auquel notre groupe d’adolescents a participé<br />
moyennant 5 euros par personne en faveur du<br />
téléthon.<br />
Cet échange sportif et humanitaire avec les adolescents,<br />
la collecte des dons, une information<br />
sur les maladies neuromusculaires lors d’une<br />
conférence organisée par l’A.F.M. a permis aux<br />
adolescents de mieux cerner les enjeux de leurs<br />
actions au niveau national et d’être sensibilisés<br />
sur la question de la solidarité à travers l’objectif<br />
de l’AFM. Cette action citoyenne participe aux<br />
valeurs indispensables à la cohésion humaine,<br />
le respect des autres, la solidarité, l’estime des<br />
autres et de soi. Sa finalité a été comprise de<br />
tous les adolescents participants, à savoir se<br />
sentir investi et d’agir pour que l’intérêt général<br />
l’emporte sur les intérêts particuliers. Il est bien<br />
question ici d’entraide, de fraternité.
Cette action s’inscrit dans notre projet<br />
d’établissement. Elle a été initiée par deux<br />
éducateurs M Imade BOUKHARI,<br />
Et M Smain BOUCHIBA<br />
Notre partenariat passé avec les restaurants du<br />
cœur de Thionville nous a montré l’importance<br />
de développer des actions éducatives humanitaires,<br />
de solidarité avec d’autres personnes ou<br />
groupes et qui permettent aux adolescents de<br />
se sentir utiles dans la cohésion sociale. Cela<br />
participe à renforcer l’estime qu’ils ont d’euxmêmes<br />
et à accroître leur confiance en eux.<br />
Foyer Les Prés-de-Bouck Thionville<br />
télétHon<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Vie<br />
Associative<br />
Téléthon<br />
2007<br />
11
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Le sport»<br />
12<br />
Au fil de l’eau<br />
le sport<br />
Le CMSEA à travers la presse<br />
Le CMSEA à travers la presse<br />
L’action du CMSEA de façon directe ou indirecte dans le domaine du sport a été<br />
évoquée durant l’année passée, au travers de plusieurs articles dans le Républicain<br />
Lorrain.<br />
City Raid 2007 :<br />
Un esprit de solidarité 03/12/07<br />
Près d’une cinquantaine d’intervenants du City<br />
Raid Moselle s’est retrouvée au Snowhall à Amnéville<br />
pour dresser le bilan de la 4e édition, qui a eu<br />
lieu le 30 mai dernier. Jean-Marc Baldinger, le président<br />
de Planet Aventure Organisation, a profité<br />
de ce bilan pour remercier tous les partenaires publics,<br />
privés et associatifs : le Conseil Général, la<br />
police, les sapeurs-pompiers, Jeunesse et Sports,<br />
la Ville de Metz, les TCRM, l’UEM, le CMSEA, le<br />
Crédit Mutuel... La manifestation, qui la première<br />
année avait rassemblé près de 120 participants, a<br />
eu une évolution constante puisque cette 4e édition<br />
a réuni pas moins de 600 jeunes de <strong>10</strong> à 13<br />
ans répartis en 99 équipes dans la<br />
plus grande mixité possible. Et cette<br />
année encore, la Moselle peut se<br />
réjouir de la deuxième place au niveau<br />
national de l’équipe du collège<br />
Philippe-de-Vigneulles, de Metz-Queuleu. Soutenue<br />
par le Fondation du Sport, la mise en place<br />
d’un village sportif installé au plan d’eau de Metz a<br />
été l’un des moments forts de cette 4e édition.<br />
« Une aventure humaine »<br />
Le City Raid, c’est une aventure,<br />
citadine autour du civisme, de<br />
la culture et du sport. Mais pas<br />
seulement. C’est aussi une manière<br />
de dynamiser les jeunes,<br />
voire de faciliter leur intégration<br />
professionnelle. C’est dans ce<br />
but que 33 jeunes de 17 à 21 ans<br />
ont suivi une formation de commissaires<br />
de courses afin d’animer<br />
les différents stands durant<br />
la manifestation. « Il y a un véritable<br />
esprit de solidarité et de<br />
responsabilité qui se crée grâce<br />
à cet événement. Mais aussi entre<br />
les institutions, la ville et<br />
les jeunes ».<br />
Les organisateurs attachent également<br />
beaucoup d’importance à<br />
lutter contre les incivilités, à sen-<br />
« Une aventure<br />
humaine »<br />
sibiliser les jeunes à l’environnement et au comportement<br />
éco-citoyen, et aussi à la prévention<br />
routière et piétonnière ou encore faciliter les relations<br />
et rapports intergénérationnelles. « Ces 99<br />
équipes ont ainsi pu s’engager dans une aventure<br />
humaine et ainsi aiguiser leur curiosité, leur intérêt<br />
et les préparer au mieux pour être les citoyens<br />
du futur ».<br />
Le City Raid Moselle a également développé un partenariat<br />
avec l’association Together afin de créer<br />
une dynamique européenne et donner ainsi une<br />
nouvelle dimension à l’événement. « Nous nous<br />
sommes mis en relation avec différentes structures<br />
de quatre pays européens. Et l’Estonie et le<br />
Luxembourg ont eux aussi participé au City Raid<br />
Andros Moselle 2007 », indique le président de<br />
Planet Aventure Organisation. Cette participation<br />
a permis de créer une dynamique<br />
inter-associative et de faire émerger<br />
divers projets futurs.<br />
L’action a tellement pris de l’ampleur<br />
depuis quatre ans que nous souhaitons<br />
créer de l’emploi pour travailler en amont<br />
sur le projet et ainsi développer l’association ».<br />
L’édition <strong>2008</strong> sera probablement moins fournie<br />
en ateliers mais elle laissera place en 2009 à une<br />
édition différente, avec d’autres thèmes.<br />
Une cinquantaine d’intervenants du City Raid Moselle s’est<br />
retrouvée au Snowhall à Amnéville, pour dresser le bilan de la<br />
4 e édition.
« Les Vigneulles» du collège Philippe-de-Vigneulles à Metz-Queuleu a<br />
remporté la seconde place sur 800 équipes.<br />
City Raid Andros :<br />
<strong>10</strong>0 personnes vont représenter<br />
la Moselle 13/06/07<br />
Soixante jeunes et une quarantaine d’adultes ont<br />
embarqué hier soir à bord du TGV pour représenter<br />
la Moselle aux finales nationales du City Raid<br />
Andros. Aujourd’hui, ces finalistes messins et mosellans<br />
vont affronter – sympathiquement – les<br />
lauréats des 45 autres villes étapes, soit près de<br />
5 000 jeunes. Première course d’orientation urbaine,<br />
civique et sportive pour les <strong>10</strong>-13 ans, ce<br />
City Rai Andros va réu-<br />
nir aujourd’hui tous les<br />
finalistes au stade Charlety.<br />
Ils seront accueillis<br />
par Bibi Naceri, acteur,<br />
réalisateur et parrain du<br />
City Raid Andros et de<br />
Jérôme Fillol, joueur du Stade Français et parrain<br />
sportif de la finale. Véritable cours d’éducation civique<br />
grandeur nature, le City Raid Andros est une<br />
opportunité unique pour les jeunes adolescents,<br />
d’acquérir le sens du civisme de façon ludique<br />
et de percevoir les vertus de la socialisation. Les<br />
Messins-Mosellans ont décroché une deuxième<br />
place l’année dernière. Ils vont bien sûr se battre<br />
pour rester dans l’élite.<br />
le sport<br />
Finale du City Raid<br />
Andros : Metz à la<br />
seconde place<br />
15/06/07<br />
«C’est aussi une manière de dynamiser<br />
les jeunes, voire de faciliter<br />
leur intégration professionnelle »<br />
Emotion et joie des jeunes Mosellans<br />
partis mardi soir à Paris<br />
à bord du TGV Est européen.<br />
« On a mis 1 h25, alors que<br />
l’an passé, c’était cinq heures<br />
dans un bus surchauffé... »,<br />
explique un jeune participant.<br />
Après le TGV, une nuit dans un<br />
hôtel Formule I. Les 61 Mosellans,<br />
accompagnés d’une quarantaine<br />
d’adultes, étaient frais<br />
et dispos au petit matin pour<br />
prendre le petit-déjeuner sur le Stade Charléty à<br />
Paris en compagnie de 5 000 autres enfants venus<br />
des quatre coins de France. Puis place aux choses<br />
sérieuses. Car ce City Raid Andros, qui se veut un<br />
parcours sportif et culturel, est aussi un apprentissage<br />
de la citoyenneté, du respect de l’autre, de<br />
la solidarité et de l’esprit d’équipe. Une sorte de<br />
tremplin vers leur future vie d’adulte.<br />
Tout au long de la journée, les enfants sont partis<br />
à la découverte des institutions : le Sénat, le<br />
commissariat de police du 8e arrondissement, les<br />
sapeurs-pompiers de Paris Champerret, la Bibliothèque<br />
nationale de<br />
France, la Fédération<br />
Française de Rugby, la<br />
Fondation France Télévision,<br />
la Brigade<br />
des réseaux ferrés. Ils<br />
ont pu aussi découvrir<br />
quelques monuments représentatifs de la capitale<br />
comme Notre-Dame de Paris, l’Institut du Monde<br />
Arabe, la Pyramide du Louvre, le Sacré-Cœur, la<br />
Tour Eiffel, la Tour Montparnasse, le Jardin du<br />
Luxembourg.<br />
De retour à 16 h au Stade Charléty, de nombreuses<br />
animations les attendaient (mur d’escalade,<br />
simulateur de chocs, rugby parks, concert de hip<br />
hop...) en partenariat avec la Fédération sportive<br />
de la Police française et la Fédération Française de Rugby.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Le sport»<br />
13
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Le sport»<br />
14<br />
le sport<br />
A 18h, le classement a été proclamé sous le parrainage<br />
de l’auteur-réalisateur Bibi Nacéri et en<br />
présence de Jérôme Fillol, joueur au Stade Français.<br />
C’est l’équipe Moulin Joly de Colombes (92)<br />
qui remporte la première place, suivie de l’équipe<br />
Les Vigneulles de Metz-Queuleu qui devance<br />
Les Speedeurs venus du Plessis-Trévise (94). Les<br />
équipes messines étaient encouragées par Denis<br />
Schaming, président du comité départemental du<br />
Tourisme, Richard Colin, responsable du service<br />
jeunesse du conseil général, et Jean-Marc Baldinger,<br />
responsable de l’association Planète Aventure<br />
Organisation qui avait organisé le City Raid à<br />
Metz.<br />
Les vedettes du jour sont Emilie, Olivier, Nicolas,<br />
Dounie, Lara et Ismaël du collège Philippe-de-Vigneulles<br />
à Metz-Queuleu qui décrochent donc la<br />
seconde place au niveau national avec leur encadrante,<br />
Christine Wagner, professeur de sport. Le<br />
même score que l’an passé ! Les Licornes, une<br />
équipe de jeunes handicapés mentaux (c’était la<br />
seule des 800 équipes) venue de l’IMPro La Horgne<br />
de Montigny-lès- Metz a obtenu le prix de l’engagement.<br />
Enfin, l’équipe de Metz emporte le Prix de la fondation<br />
du Sport, décerné pour la première fois à<br />
la ville la plus dynamique par Philippe Salles, directeur<br />
de cette fondation. Les Mosellans seront<br />
revenus comme ils étaient partis : en TGV... et<br />
très contents !<br />
J.D.<br />
Macadam sport :<br />
l’enthousiasme au<br />
rendez-vous 16/11/07<br />
Macadam Sport a concerné cinquante<br />
jeunes de 11 à 17 ans des deux sexes, issus des<br />
quartiers des Vacons, Giraud et Saint-Exupéry, qui<br />
ont découvert par ce biais le tissu socio-sportif de<br />
la ville de Montigny-lès-Metz.<br />
Le maire et conseiller général Jean-Luc Bohl est<br />
venu saluer tous les protagonistes réunis à la MPT<br />
Marc-Sangnier pour un pot de clôture et a insisté, à<br />
travers ses propos, sur les grandes orientations de<br />
l’opération qui sont entre autres la volonté d’inscrire<br />
des adolescents et des préadolescents dans<br />
ce projet d’animations avec les acteurs associatifs<br />
pour favoriser leur intégration dans le tissu sociosportif<br />
de la Ville. Il en a profité pour remercier<br />
la mobilisation des partenaires associatifs socioculturels<br />
ou sportifs : « Leurs actions sont nécessaires<br />
pour développer des pratiques attractives<br />
adaptées aux jeunes et pérenniser ainsi le travail<br />
partenarial avec l’équipe de prévention ».<br />
Les partenaires qui participaient à cette opération<br />
ont été le CMSEA, équipe de prévention spécialisée,<br />
le centre socioculturel Marc-Sangnier, l’Arc<br />
Club, Loisirs et Culture, Sports et Loisirs Aquatiques,<br />
Montigny Sport Nature, AS Montigny, Dojo<br />
Montigny, ASCM Section Badminton, Montigny Vélos<br />
Nature, Loisir Omnisports Sud messin basket.<br />
Les lieux choisis pour toutes ces activités ont été<br />
tour à tour le City Stade, le gymnase Bernanos, le<br />
Dojo, le Centre Nautique, le stand de tir, la base<br />
nautique du Haut Rhèle, le centre socioculturel<br />
Marc-Sangnier, et les locaux de Loisirs et Culture.<br />
La cinquantaine de jeunes a pu s’initier selon un<br />
planning ouvert au funk hip-hop (danse), découvrir<br />
la plongée, le tir à l’arc (qui a été, il faut bien<br />
le dire, un véritable engouement pour beaucoup<br />
d’entre eux), faire de la randonnée en vélos de<br />
route, une sortie en milieu naturel sans oublier<br />
la sortie piscine pour apprendre le maniement<br />
du kayak, la découverte des activités cirque, du<br />
badminton, du football (ils ont gagné contre l’AS<br />
Montigny 2-1), du basket, du judo et du karaté.<br />
Au terme de ces cinq journées, beaucoup de jeunes<br />
ont manifesté le souhait de rejoindre au moins<br />
une des associations pour pratiquer l’activité de<br />
celle-ci.<br />
La jeunesse a passé un bel été
Un beau mois de juillet pour les<br />
enfants de l’IMP Espérance 18/08/07<br />
Les enfants accueillis à l’Institut médico-pédagogique<br />
« Espérance » du CMSEA ont participé à des<br />
stages sportifs et culturels durant tout le mois de<br />
juillet. L’équipe éducative - composée de Jérémie<br />
Lesquibille, Anne-Marie Fabing, Nicole Comandini<br />
le sport<br />
Hier soir, départ en gare de Metz pour Paris à<br />
bord du TGV, des représentants de la Moselle qui<br />
vont défendre aujour’dhui le département dans la<br />
capitale.<br />
et Lucie Hinschberger, encadrée par Mme Landfried,<br />
responsable de l’établissement - a proposé des activités<br />
adaptées aux compétences et aux centre<br />
d’intérêts de chacun. Ainsi, les enfants ont pu participer<br />
à une initiation au tennis avec Luc Frapicini à<br />
Cuvry, à un stage<br />
de danse avec<br />
Mickael aux Feux<br />
de la rampe, à<br />
une découverte<br />
du poney à Poney<br />
Plaisir à Glatigny<br />
et une pratique<br />
d’art plastique<br />
avec Christine<br />
Minniti.<br />
Après ce mois de<br />
juillet riche en<br />
expérience et en<br />
découvertes extérieures,<br />
les enfants<br />
peuvent se<br />
reposer durant le<br />
mois d’août avant<br />
la rentrée fixée<br />
au 3 septembre.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Le sport»<br />
15
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Solidarité et<br />
intégration»<br />
16<br />
la solidarité<br />
Les dimensions de solidarité et d’intégration sont elles aussi primordiales<br />
dans les actions que mène le CMSEA.<br />
«Faisons vivre nos<br />
quartiers»<br />
2/05/08<br />
Dans le cadre du projet<br />
« Faisons vivre nos quartiers<br />
avec les jeunes et<br />
Venus de tous les<br />
quartiers de la ville, la<br />
cinquentaine de jeunes<br />
qui ont participé à<br />
cette première soirée<br />
en commun souhaite<br />
unanimement la voir<br />
se renouveler.<br />
pour les jeunes », le CMSEA Centre social-foyer<br />
Saint-Eloy a organisé une grande soirée au profit<br />
d’une cinquantaine de jeunes de Saint-Eloy, Boileau-Prégénie,<br />
quartier du Roi et centre-ville de<br />
Woippy.<br />
Menée en étroite collaboration avec l’équipe de<br />
prévention spécialisée du CMSEA Woippy et le soutien<br />
de la Maison pour tous de Woippy et du Centre<br />
social-MJC Boileau-Prégénie, cette action est intégrée<br />
au Contrat urbain de cohésion sociale, dans<br />
le cadre de la Politique de la ville. « Plusieurs objectifs<br />
ont conduit notre réflexion commune » note<br />
Kader Benmeliani, directeur du foyer Saint-Eloy :<br />
« Accompagner les jeunes vers des attitudes citoyennes<br />
par le biais d’une implication dans la vie<br />
sociale des différents quartiers, leur inculquer les<br />
valeurs de rigueur et de respect des engagements<br />
pris, les sortir de leur environnement habituel en<br />
leur montrant autre chose que ce qu’ils connaissent<br />
au sein de leur quartier, développer leur autonomie<br />
en les impliquant dans l’organisation de ce<br />
projet et mettre en valeur leur savoir-faire ».<br />
Après plusieurs rencontres entre les animateurs<br />
des différentes structures et l’implication de quelques<br />
jeunes du quartier, une soirée évènementielle<br />
s’est déroulée dans l’Espace adolescents du foyer<br />
Saint-Eloy récemment rénové par la commune<br />
dans le cadre de l’opération de rénovation urbaine.<br />
Au cours de cette rencontre qui s’est achevée<br />
autour d’un buffet froid, les différents groupes de<br />
jeunes ont fait la démonstration de leurs savoirs et<br />
partagé un moment de grande complicité à travers<br />
les chants, la danse, la musique. Au-delà des diversités,<br />
des cultures, de la couleur de peau ou de<br />
la religion, il y a bien une étincelle, une aspiration<br />
et une volonté communes qui ne demandent qu’à<br />
se propager.<br />
Pour renouveler cette première expérience réussie<br />
les organisateurs invitent les jeunes Woippyciennes<br />
et Woippyciens qui veulent mettre en valeur<br />
leurs atouts et leurs compétences dans le domaine<br />
de la danse, du chant, de la poésie, de l’art de raconter<br />
des histoires ou de faire la cuisine, à prendre<br />
contact avec l’une ou l’autre des structures<br />
organisatrices.<br />
Les jeunes de l’ESAT Blory découvrent<br />
les secrets de l’Armée de terre<br />
17/05/07<br />
Ils étaient seize jeunes de l’ESAT-Blory (établissement<br />
et service d’aide par le travail) a avoir<br />
accepté l’invitation à découvrir la mission et les<br />
moyens du Centre d’instruction santé de l’armée<br />
de terre (CISAT) implanté quartier Raffenel-Delarue<br />
à Montigny-lès-Metz.<br />
Les jeunes adultes de l’établissement montignien,<br />
anciennement centre d’aide par le travail (CAT),<br />
avaient au préalable réalisé au profit du CISAT et<br />
de ses nombreux stagiaires, un facsimilé réaliste<br />
de fusil d’assaut (FAMAS) conçu pour une utilisation<br />
intensive et permettant de s’affranchir des<br />
fastidieuses opérations de « perception réintégration<br />
de l’armement ».<br />
L’organisme médico-social, ayant en charge la<br />
mise au travail des personnes handicapées dans<br />
l’impossibilité de travailler dans un autre cadre, a<br />
ainsi réalisé un prototype qui a répondu en tout<br />
point aux exigences du donneur d’ordre, et la commande<br />
initiale de vingt « fusils » a été ainsi complétée<br />
par une autre de trente supplémentaires.<br />
Les pensionnaires de l’ESAT ont ainsi renoué dans<br />
leur atelier avec les techniques comme la découpe<br />
de métal, le soudage, le meulage, la peinture; et<br />
la couture pour la sangle.
Lors de cette visite pilotée par les spécialistes du<br />
CISAT, les jeunes invités ont pu découvrir le contenu<br />
des rations de combat, les véhicules d’évacuation<br />
sanitaires en service dans les armées, les<br />
techniques du camouflage, et même revêtir les tenues<br />
NRBC (nucléaire radiologique bactériologique<br />
chimique), les gilets pare-balles et se familiariser<br />
avec les différentes techniques de brancardage.<br />
Curieux, posant nombre de questions sur telles<br />
ou telles particularités du matériel présenté, tous<br />
leur a été montré en détail en présence de Guy<br />
Thiry, directeur de l’établissement du chemin de<br />
Blory, de deux animateurs du centre, et de l’adjoint<br />
technique. Un moment passionnant où, des deux côtés,<br />
des hommes et des femmes ont montré leurs<br />
compétences. Une visite fort sympathique et un moment<br />
privilégié de solidarité dont chacun conservera<br />
le souvenir ému.<br />
Une cage d’escaliers rénovée par six<br />
filles 31/07/07<br />
Pour la<br />
plus grande<br />
satisfaction<br />
des<br />
résidents de<br />
l’immeuble<br />
de la rue<br />
d’Alsace la<br />
cage d’escaliers<br />
a été<br />
remise en<br />
peinture par<br />
six jeunes<br />
filles du<br />
quartier du<br />
Roi.<br />
En partenariat avec l’équipe de prévention spécialisée<br />
du CMSEA (Comité de sauvegarde de l’enfance,<br />
de l’adolescence et de l’adulte) de Woippy,<br />
la municipalité de Woippy et le soutien du Ministère<br />
de la jeunesse et des sports, la société ICF<br />
(Immobilière des chemins de fer) Nord-est a mis<br />
en place un atelier jeunes, avec pour mission de<br />
remettre en peinture la cage d’escaliers du 3 rue<br />
d’Alsace au quartier du Roi.<br />
Avec les conseils éclairés de M. Velche, gardien<br />
d’immeuble, Amelle, Sabrina, Sarah, Catherine,<br />
Nedjma et Nana, encadrées par Amandine, éducatrice,<br />
et Yacine, animateur, se sont courageusement<br />
attelées à la tâche. Une semaine entière<br />
pour repeindre murs, boiseries et contremarches<br />
des cinq étages d’une magnifique teinte bleue rehaussée<br />
de gris du plus bel effet. Propre, brillant<br />
et surtout pas salissant.<br />
la solidarité<br />
Tout travail méritant salaire, les six jeunes filles<br />
ont été invitées à partager deux longs week-ends<br />
vosgiens de camping à Corcieux et à La Pierre<br />
Percée. Compte tenu du résultat et de la satisfaction<br />
globalement manifestée par les résidents le<br />
bailleur envisage de renouveler ce type d’action<br />
dans ses différents immeubles du quartier du Roi.<br />
Cinq jeunes réhabilitent l’entrée d’un<br />
immeuble 25/03/08<br />
Ils s’appellent Julian, Malek, Kévin, Jessy et Stéphan<br />
et habitent tous Woippy.<br />
Outre le fait qu’ils sont tous âgés entre 16 et 17<br />
ans, ils ont comme point commun d’avoir participé<br />
durant quelques jours, entre le 18 et le 22<br />
février dernier, à un atelier jeune au quartier du<br />
Roi. Organisé conjointement par la municipalité,<br />
par le bailleur ICF Nord-Est et par le CMSEA, cet<br />
« atelier jeunes » avait pour objectif de repeindre<br />
l’intégralité de la cage d’escalier de l’entrée de<br />
l’immeuble situé au I rue d’Alsace au quartier du<br />
Roi, comme l’explique Vincent Bleicher, éducateur<br />
de rue au CMSEA pour le quartier du Roi. Ainsi<br />
durant cinq jours, ce petit groupe a fait le maximum<br />
pour rendre propre et beau cet endroit qui<br />
avait été dégradé par l’incendie d’une poussette.<br />
Une belle façon de joindre l’utile à l’agréable. « Un<br />
jeune m’a demandé quel serait le projet de cet été<br />
», se félicite Vincent. La question est donc posée.<br />
Vincent y réfléchit... Après l’effort, le réconfort et<br />
la contrepartie pour ces cinq copains qui sont partis<br />
le temps d’un week-end, à La Bresse, dans les<br />
Vosges début mars. « L’important pour eux était de<br />
quitter leur quartier et de voir autre chose ». Il n’y<br />
avait pas de neige, la météo était bien capricieuse<br />
mais peu importe, ces copains étaient ensemble.<br />
Un grand merci à ces jeunes grâce auxquels le cadre<br />
de vie des habitants de cette entrée est bien plus<br />
agréable.<br />
Encadrés<br />
par Claire<br />
et Vincent,<br />
tous deux<br />
éducateurs,<br />
et par M.<br />
Lebon,<br />
gardien de<br />
l’immeuble,<br />
le groupe a<br />
mis tout son<br />
coeur pour<br />
repeindre la<br />
cage d’escalier<br />
sur huit<br />
érages.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Solidarité et<br />
intégration»<br />
17
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Prévention &<br />
sensibilisation»<br />
18<br />
prévention & sensibilisation<br />
Entre prévention et sensibilisation, les actions et partenariats du<br />
CMSEA, sont nombreux.<br />
La CPAM soucieuse des<br />
toxicos 12/07<br />
Après l’Armée du Salut et la prison de Metz-Queuleu,<br />
la CPAM de Metz a signé hier une convention<br />
avec le CMSEA. Son but ? Assurer une prise en<br />
charge des toxicomanes.<br />
Aujourd’hui, l’essentiel de notre accueil est rue<br />
Haute-Seille où nous recevons, en moyenne chaque<br />
jour, 500 à 600 personnes. Mais il nous fallait<br />
aussi un accueil in situ, avec un traitement cousu<br />
mains, pour certains afin qu’ils retrouvent la plénitude<br />
de leurs droits ». Dominique Clémente, le<br />
patron de la CPAM de Metz le martèle, l’Assurance<br />
maladie doit « aller là où se trouve, le besoin ».<br />
Alors, hier matin, dans les locaux de Centre de<br />
soins spécialisés pour toxicomanes «Les Wads», il<br />
s’est engagé à apporter l’aide la Sécu au Comité<br />
mosellan de Sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence<br />
et des adultes (CMSEA), et ce à multiples<br />
niveaux :<br />
• Recevoir individuellement tous les accueillis au<br />
centre pour les informer sur leurs droits, leur situation,<br />
la couverture maladie universelle (CMU).<br />
• Prévenir une rupture des droits.<br />
• Proposer une aide pour compléter les divers documents<br />
nécessaires à la mise et/ou la création<br />
du dossier.<br />
• Proposer un bilan de santé complet et gratuit,<br />
etc.<br />
Pour Olivier Romain, le directeur du CMSEA, ce<br />
partenariat qui permet notamment de lutter contre<br />
les urgences médicales, est surtout l’aboutissement<br />
d’un travail effectué en profondeur depuis<br />
deux ans : « Il est intéressant pour nous d’accueillir<br />
un conseiller CPAM au sein de l’association.<br />
Bruno Lambert assure cette mission depuis vingtquatre<br />
mois. Maintenant, on finalise un premier<br />
bilan, une belle collaboration. Car il s’agit là d’une<br />
vraie histoire d’hommes, avec des acteurs investis<br />
».<br />
L’objectif est aussi de lutter contre « le nomadisme<br />
» dans la prise en charge de tous ses assurés<br />
sociaux. Aujourd’hui, la CPAM protège un million<br />
d’habitants en Moselle, dont 420 000 sur le secteur<br />
de Metz.<br />
L.B.<br />
Centre de soins spécialisés pour toxicomanes<br />
(CSST) Les Wads, 26, rue du Wad-Billy, tel.:<br />
03 87 74 41 58.<br />
Ne pas être « hors piste »<br />
25/06/07<br />
Le service En Amont » du CMSEA, Prévention des<br />
Toxicomanies et la Compagnie<br />
« Les bestioles » de Metz, ont fait une intervention<br />
remarquée, et appréciée, au sein des collégiens de<br />
Bernanos et de Mermoz, financée par le Contrat<br />
Ville et la ville Montigny-lès-Metz.<br />
Le Service en Amont du CMSEA, dans le cadre du<br />
Contrat Ville, a mis sur pied une opération fort<br />
intéressante à destination des collégiens de 3e<br />
de deux établissements : le collège Bernanos de<br />
Montigny-lès- Metz, et le collège Mermoz de Marly.<br />
Un programme unique, mais interactif : une pièce<br />
de théâtre intitulée « Hors Piste », une façon très<br />
efficace pour les animateurs d’engager le dialogue<br />
avec les jeunes adolescents dans le cadre du<br />
programme d’éducation à la santé et à la citoyenneté.<br />
« Les jeunes veulent s’amuser, sortir avec leurs<br />
copains, profiter de la vie. Des situations vécues<br />
dans toutes les familles.<br />
Faut-il pour autant vivre « libre » comme le héros<br />
de la pièce de théâtre. Telle était la question que<br />
nous voulions poser à travers cette rencontre »<br />
explique Myriam Michel du CMSEA équipe prévention.<br />
« Cette pièce interactive est inspirée des<br />
techniques du théâtre forum. Elle met en scène<br />
des personnages confrontés à la prise de drogues.<br />
L’interactivité permet aux jeunes d’intervenir dans<br />
le cours de l’histoire pour proposer d’autres répliques<br />
aux acteurs. »<br />
Plusieurs adolescents n’ont donc pas hésité à<br />
faire des remarques pertinentes sur le danger du<br />
cannabis, les problèmes rencontrés en famille, le<br />
manque de motivation pour les études... et donc<br />
à monter sur scène pour prouver qu’on a le choix<br />
de prendre ou pas de drogue avec le risque comme<br />
l’ont très bien expliqué Gian Carlo et Mathias,<br />
deux collégiens « Sous l’emprise on peut faire des<br />
conneries, on ne se contrôle plus, on a des difficultés<br />
avec les parents et surtout les parents ont<br />
des difficultés avec nous....» Des propos qui divergent<br />
complètement de l’image donnée par certains<br />
« zonards » qui défrayent quotidiennement<br />
les médias. Les animateurs ont réussi avec cette<br />
interactivité à prouver que chacun est acteur de<br />
sa propre vie.<br />
Impulsée par l’équipe de prévention-CMSEA de la<br />
ville de Montigny-lès-Metz, cette action fait suite<br />
à d’autres précédemment menées sur le ban<br />
communal en participation avec les enseignants<br />
et les parents d’élèves. En amenant les jeunes<br />
à réfléchir sur la consommation, son rapport envers<br />
la consommation de produits licites et illicites
comme l’alcool, le tabac, la drogue, ils prennent<br />
conscience des interdits.<br />
Une telle opération ne peut avoir lieu qu’avec le<br />
financement de l’État dans le cadre du Contrat de<br />
Ville de l’agglomération de Metz-Montigny, et de la<br />
politique de la Ville. Elle devrait porter ses fruits<br />
ou tout au moins faire réfléchir bien des jeunes.<br />
Trouver sa propre résistance<br />
29/03/08<br />
Tous les jeunes sont confrontés à l’alcool, à la drogue<br />
qui passe à proximité ou à la cigarette le matin<br />
devant le collège. A Taison, une éducatrice invite les<br />
adolescents à réfléchir sur le sujet. En parler, c’est<br />
trouver des réponses et des raisons de dire non.<br />
Alcool, drogues, médicaments, cigarettes... Le<br />
tout évoqué sagement dans une salle de classe<br />
du collège Taison. Car le mieux est d’en parler et<br />
le plus tôt possible. « L’objectif est d’interroger les<br />
jeunes sur leur éventuelle consommation de produits<br />
dangereux, sur ce qu’ils en savent, ce qu’ils<br />
en pensent. A partir de leur façon d’approcher ces<br />
dépendances, l’objectif est de susciter un questionnement<br />
et de les mettre en capacité de dire<br />
non », explique Marie Galera, principale de l’établissement.<br />
Pour ce faire, rien ne vaut une heure de discussion<br />
avec Chantal Masson. Cette action de prévention<br />
s’inscrit en droite ligne dans un dispositif<br />
mis en place au collège, le Comité d’éducation à la<br />
santé et à la citoyenneté. «Je travaille au service<br />
En Amont du CMSEA - Comité mosellan de sauvegarde<br />
de l’enfance, de l’adolescence et des adultes<br />
-. Nous sommes rue Gambetta, s’empresse-t-elle<br />
de préciser aux élèves. Je vous dis ça car vous-<br />
mêmes ou des proches pouvez être concernés<br />
et avoir besoin de trouver des informations chez<br />
nous ». Voila pour l’entrée en matière.<br />
Apéro en famille<br />
Dans la foulée, l’éducatrice demande aux enfants<br />
de lister les produits dangereux qu’ils connais-<br />
prévention & sensibilisation<br />
sent. Premier évoqué : le L’interactivité<br />
tabac. Suivi du cannabis. a au moins un<br />
Vient ensuite l’alcool. Tous en mérite : faire que<br />
conviennent, si on ne fume les jeunes s’ex-<br />
pas un pétard en famille, priment sur des<br />
par contre, on lève le coude. sujets parfois<br />
« Noël, c’est la fête, tout de<br />
tabous.<br />
suite on pense Champagne et<br />
apéro », lâche un jeune homme. « Y’a une culture<br />
en France... C’est difficile d’en parler alors que<br />
c’est le produit le plus consommé, souligne l’intervenante.<br />
Les jeunes, eux, ne sont-pas adeptes<br />
d’un goutte-à-goutte quotidien, « ils boivent sur de<br />
courts moments, le week-end, mais le but est de<br />
se mettre carpette » Et contrairement au shit ou à<br />
l’héroïne, l’alcool lui est en vente libre. « Je vous<br />
rappelle que c’est la première cause des accidents<br />
mortels, les rentrées de boîte en voiture... »<br />
Effet de groupe<br />
Chantal Masson pose la question : « Mais pourquoi<br />
consommer des produits dont on sait qu’ils sont<br />
dangereux ? ». Face à elle, les élèves de 3e sont<br />
très francs : « Pour frimer, pour que les garçons<br />
s’intéressent à nous, pour intégrer un groupe,<br />
pour s’amuser... ». Personne n’évoque encore la<br />
souffrance. La discussion part sur la dépendance :<br />
« Le tabac est la plus belle réussite ! Une dépendance<br />
tout en douceur... ».<br />
Les ados évoquent aussi le manque. Mme Masson<br />
sourit : « je vous signale au passage que vous allez<br />
manquer d’un tas de chose tout au long de votre<br />
vie : le prince charmant, le fait de ne pas être<br />
écouté, le mangle d’affection, de justice... Et on<br />
croit parfois que les produits toxiques font des miracles<br />
». La spécialiste les guide vers une recette à<br />
toute épreuve : « Trouver sa propre résistance »,<br />
sa propre motivation pour refuser une dose toxique,<br />
un verre de trop. Ce peut être le refus de<br />
ressembler à Untel, la douleur du décès prématuré<br />
d’Unetelle, la peur de faire mal à ses proches, ce<br />
peut être beaucoup de choses du moment que ça<br />
vient de l’intérieur.<br />
Charline Poulain<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Prévention &<br />
sensibilisation»<br />
19
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Prévention &<br />
sensibilisation»<br />
20<br />
prévention & sensibilisation<br />
Des comédiens initient le dialogue<br />
sur la toxicomanie<br />
05/04/08<br />
Les comédiens de la Compagnie messine «Les Bestioles»<br />
et Michel Monzel, éducateur du CMSEA ont<br />
présenté le spectacle «Hors Piste» à des élèves de<br />
3e. Les collégiens ont pris le rôle de l’un ou l’autre<br />
personnage. Pour se retrouver en situation.<br />
«C’était super ! On ne peut pas laisser ça comme<br />
cela. On va voir comment faire quelque chose,<br />
sous quelle forme on peut continuer à travailler<br />
sur le sujet » : les professeurs des élèves de 3e<br />
et de 4e, issus de quatre classes, qui viennent<br />
de passer deux heures avec les comédiens de la<br />
Compagnie des Bestioles, sont enthousiastes. Le<br />
dialogue proposé sur le thème de la toxicomanie<br />
a eu lieu, les jeunes se sont approprié les histoires,<br />
ont donné la réplique aux comédiens. Et dans<br />
la salle, les camarades ont participé, commenté,<br />
applaudi.<br />
Intégrer les élèves<br />
«Le sujet les a fait réagir. L’idée est de leur permettre<br />
d’expérimenter des situations à risques...<br />
sans risques, de leur donner une compétence en<br />
cas de rencontre avec les produits », explique Michel<br />
Monzel, l’éducateur du Comité mosellan de<br />
sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (CMSEA), qui<br />
travaille avec la compagnie. Et de poursuivre : «<br />
C’est pas aussi clair, limpide, qu’on le pense. Le<br />
Dans la salle de classe, les langues se<br />
délient. Il est possible de parler des drogues<br />
et de prévenir<br />
spectacle permet d’aborder à nouveau la relation<br />
adolescents- adultes. Le fossé que l’on évoque<br />
souvent n’est pas aussi grand qu’on le dit et c’est<br />
le plus souvent un problème de communication.<br />
Les histoires proposées permettent aussi de s’interroger<br />
sur le rapport à la limite. Les jeunes testent<br />
les limites. »<br />
La compagnie théâtrale - composée d’Olivier Piechaczyk,<br />
Bernadette Ladener, Hélène Schwartz et<br />
Hervé Urbani - est accompagnée par le musicien<br />
Louis Ville. « Il y a dix ans, avec ma compagne,<br />
j’ai créé le spectacle interactif Hors piste sur le<br />
thème de la toxicomanie. C’était une commande<br />
du CMSEA. Nous pensions le jouer juste quelques<br />
mois. Dix ans après, nous le jouons toujours, et<br />
de plus en plus », explique Olivier Piechac-zyk, le<br />
metteur en scène. Il vient aussi de créer un spectacle<br />
sur l’alcool, «Dernier mix», en référence aux<br />
boissons sucrées qui, insidieusement, accrochent<br />
le jeune à l’alcool. « Nous intervenons dans les<br />
établissements scolaires et à la demande de collectivités<br />
locales. Nous sommes là pour dialoguer,<br />
proposons des raisonnements par l’absurde. Nous<br />
ne sommes pas là pour donner des leçons de morale<br />
ou de vie ».<br />
Prendre le temps de discuter<br />
A chaque prestation devant des élèves, les comédiens<br />
jouent une première fois la pièce eux-mêmes,<br />
pendant vingt-cinq minutes, puis rejouent<br />
des passages en intégrant les élèves dans un rôle<br />
: celui du père, de la mère, de l’oncle, du jeune qui<br />
est sur le point de basculer, de la petite amie qui<br />
propose la drogue... « Le spectacle dure deux heures,<br />
c’est la bonne durée pour retenir l’attention<br />
du public. Il est arrivé d’avoir des publics qui ne
voulaient plus partir. Nous sommes très contents<br />
quand nous entendons les jeunes sortir et encore<br />
en parler » », constate Olivier Piechaczyk.<br />
Au collègue du Himmelsberg, il n’en a pas été<br />
autrement. Quand la sonnerie a retenti, des jeunes<br />
ont eu du mal à se lever, ont pris le temps<br />
de discuter avec Michel Monzel. « Nous avions<br />
déjà proposé une conférence sur ce thème. Il faut<br />
toujours adapter ce que l’on propose au public,<br />
changer le type d’action proposée », confie Gilbert<br />
Decker, principal du collège, ravi de l’engouement<br />
rencontré.<br />
prévention & sensibilisation<br />
Jeunes et comédiens initient ensemble<br />
le dialogue et se donnent la réplique.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Prévention &<br />
sensibilisation»<br />
21
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Fêtes &<br />
inaugurations»<br />
22<br />
fêtes et inaugurations<br />
Son action se traduit aussi à d’autres niveaux, au travers des fêtes d’anniversaire<br />
d’établissements ou encore l’inauguration de<br />
nouveaux locaux.<br />
« Le Haut Soret »<br />
Trente-cinq ans<br />
de solidarité 11/09/07<br />
Le foyer pour adultes handicapés mentaux le «<br />
Haut-Soret » a célébré avec enthousiasme son<br />
35e anniversaire. L’occasion d’ouvrir ses portes et<br />
le dialogue sur ses réalisations.<br />
Le foyer « Le Haut Soret» situé à Saint-Julien-lès-<br />
Metz a fêté samedi son 35è anniversaire.<br />
Ce mini-village au cœur de la ville héberge des<br />
adultes handicapés mentaux et s’assure de leur<br />
bien-être physique, psychique et social. Fêté avec<br />
entrain, l’événement proposait aux pensionnaires,<br />
à leurs familles ainsi qu’aux visiteurs, un programme<br />
des plus réjouissant : démonstration de capoeira<br />
(art martial brésilien), numéros de jonglage<br />
et d’équilibriste avec le Cirk’eole, deux concerts et<br />
un spectacle de cabaret avant de terminer la soirée<br />
nez en l’air par un feu d’artifice.<br />
Cet anniversaire réunissait du beau monde, au<br />
propre comme au figuré, avec Aurélie (reine de la<br />
Mirabelle et Miss Lorraine), Claire (deuxième dauphine)<br />
et trois joueurs du FC Metz, Diop, Marcichez<br />
et Julien François.<br />
Objectif bien-être<br />
L’hébergement est la raison d’être du foyer. Sa<br />
création, le 11 septembre 1972, répondait au besoin<br />
de loger des personnes handicapées mentales<br />
à distance de leur lieu de travail. Le Comité<br />
mosellan de sauvegarde de l’enfance, l’association<br />
gestionnaire du foyer, choisit à cette époque le site<br />
du lieu-dit « Le Haut Soret ».<br />
Ses missions se sont rapidement étoffées avec des<br />
chapitres sur l’éducation (accompagnement spécialisé),<br />
l’intégration sociale (vie en appartement<br />
collectif ou autonome), les soins et la préparation<br />
d’un projet de retraite. Le but du foyer est de permettre<br />
aux adultes résidents de se créer un cadre<br />
de vie adapté à leurs capacités et à leurs aspirations<br />
personnelles. En deux mots, être heureux.<br />
35 ans de plus<br />
Le directeur du foyer, Michel Meunier, a brièvement<br />
rappelé l’évolution de l’établissement qui a déjà<br />
vu passer une génération de résidents. « Le Haut<br />
Soret » reçoit en accueil permanent <strong>10</strong>5 adultes<br />
dans six pavillons au foyer, quatre appartements<br />
et quatre studios à Metz. Les travaux importants<br />
de ces trois dernières années ont permis au centre<br />
d’évoluer avec la législation et de rester moderne.<br />
Michel Meunier a souligné le dynamisme de l’établissement<br />
et souhaite qu’il « s’inscrive maintenant<br />
dans la durée en restant vigilant aux changements<br />
pour y faire face avec des réponses appropriées ».<br />
Rendez-vous est déjà pris pour septembre 2012 pour<br />
le 40e anniversaire du foyer.<br />
Ph. E<br />
Michel Meunier, directeur du foyer «Le Haut<br />
Soret» a fêté les 35 ans de son établissement en<br />
compagnie d’Aurélie, reine de la Mirabelle 2007,<br />
et claire sa 2e dauphine.<br />
Les 20-30 ans, ça se fête 14/06/07<br />
Vingt ans de vie pour le Centre social, trente ans<br />
d’existence pour le bâtiment du CMSEA (Comité<br />
mosellan de sauvegarde l’enfance de l’adolescence<br />
et des adultes) Centre social- Foyer Saint-Eloy.<br />
Impossible pour l’équipe en place dirigée par Kader<br />
Benmeliani de passer cette date sous silence.<br />
Les festivités commenceront le samedi 16 juin par<br />
une soirée de retrouvailles et de rencontre avec
tous les animateurs, bénévoles, membres du comité<br />
qui ont fait vivre le foyer depuis trente ans.<br />
Le lendemain, dimanche 17 juin, journée portes<br />
ouvertes avec une exposition de photos et de vidéos<br />
que l’on pourra visiter jusqu’au samedi 30<br />
juin. Le mercredi 27 juin, journée consacrée aux<br />
enfants; le samedi 30 juin à 11 h, inauguration<br />
des nouveaux locaux et journée de la Saint-Jean<br />
avec restauration sur place, démonstration de<br />
techniques spéléo (grue de 2 m), toropiscine, kid<br />
stadium pour les enfants, stands de jeux, speed<br />
ball pour tous et nombre d’autres surprises. A la<br />
tombée de la nuit, nuit de la Saint-Jean, mise à<br />
feu du bûcher et bal populaire en compagnie de<br />
l’orchestre Los Pampas. Dimanche 1er juillet, son<br />
et lumières avec le feu d’artifice.<br />
Les étapes essentielles<br />
1965 : Création de la première équipe de prévention.<br />
Le premier éducateur, Roland Mertz construit<br />
avec les jeunes de l’époque le premier foyer baptisé<br />
Foyer Saint-Eloy. Celui-ci est détruit pour laisser<br />
la place à des immeubles à usage d’habitation<br />
qui n’ont jamais été construits !<br />
1971 : L’ancien local commercial des Coopérateurs,<br />
près de la halle du Chapitre est récupéré<br />
pour donner vie à un foyer de jeunes baptisé « Le<br />
Tonneau » du fait de sa forme. Il sera fermé quelques<br />
années plus tard pour raison de sécurité.<br />
1977 : Création du<br />
Le «Foyer Saint-Eloy », structure en béton de 1400<br />
m2, livrée brute avec pour objectif la création d’un<br />
Conseil de jeunes. Première mission : aménagement<br />
des intérieurs !<br />
1985 : Le premier agrément en tant que Centre<br />
social est demandé à la CAF de Moselle. Depuis<br />
Centre social et Foyer Saint-Eloy sont devenus indissociables.<br />
2003 : Le bâtiment et les terrains alentour sont<br />
cédés à la municipalité de<br />
Woippy par le CMSEA auxquels<br />
ils appartenaient.<br />
2006 : Dans le cadre de sa<br />
vaste Opération de rénovation<br />
urbaine, la ville de<br />
Woippy prend en charge la<br />
réhabilitation totale du bâtiment.<br />
Elle verra son aboutissement<br />
avec l’inauguration<br />
des nouveaux locaux<br />
le samedi 30 juin 2007 à 11 h.<br />
Le Comité d’Usagers est<br />
pleinement associé à cette<br />
démarche.<br />
fêtes et inaugurations<br />
Depuis sa création, les grandes lignes de la mission<br />
du foyer sont restées inchangées : assurer la<br />
réussite des enfants, rechercher le bien-être des<br />
adolescents, favoriser l’insertion sociale de la population<br />
et restaurer les liens sociaux, resserrer<br />
les liens parents-enfants.<br />
L’équipe de Kader Benmeliani se prépare activement à fêter le double anniversaire<br />
du CMSEA Centre social-foyer Saint-Eloy.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Fêtes &<br />
inaugurations»<br />
23
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Fêtes &<br />
inaugurations»<br />
24<br />
fêtes et inaugurations<br />
Inauguration et<br />
anniversaire du<br />
centre social 15/07/07<br />
Pour ses trente ans, seconde jeunesse pour la<br />
structure du centre social «Foyer Saint-Eloy», métamorphosée<br />
et dotée d’une superbe salle des fêtes.<br />
Au cours d’une cérémonie organisée par le conseil<br />
municipal de Woippy et le comité d’usagers du centre<br />
social, s’est déroulée l’inauguration des nouveaux<br />
bâtiments du centre social foyer Saint-Eloy.<br />
Pour la concrétisation de ce projet d’envergure,<br />
les membres du comité d’usagers ont rétrocédé<br />
le bâtiment et les terrains alentours appartenant<br />
au CMSEA Foyer Saint-Eloy, à la mairie de Woippy.<br />
Les travaux de rénovation ont duré plus d’une année.<br />
Fondation et arrivée<br />
1977 est l’année des fondations du bâtiment, ainsi<br />
que l’arrivée de Abdelkader Benmeliani, en qualité<br />
d’animateur et depuis des lustres, le directeur «<br />
Kader » pour tous. « Bravo, la réussite est totale et<br />
incontestable, le centre social a conservé son âme.<br />
Merci à M. Grosdidier, député-maire, qui a mis tout<br />
en œuvre pour que cette réalisation atteigne l’objectif<br />
fixé en mettant en étroite collaboration les<br />
membres de - son équipe, l’architecte et le comité<br />
d’usagers représentant la population du quartier.<br />
Le centre fête aussi ses 30 ans. Que d’histoires<br />
partagées ensemble! Que d’événements vécus !<br />
Que de moments d’intenses bonheurs, de découvertes<br />
de choses nouvelles ! Ainsi, si aujourd’hui,<br />
je vois s’inscrire au Foyer, les fils et petits-fils de<br />
parents que j’ai connus au tout début de ma carrière<br />
ici, ce fait est dû à la confiance qui s’est instaurée<br />
au fil des années écoulées avec l’aide de<br />
quelques personnes dont il a cité les noms, qui ont<br />
contribué à la longévité du centre social».<br />
Jean-Claude Théobald, conseiller général de renchérir:<br />
« je veux, au nom du Président du Conseil<br />
Les personnalités politiques aux côtés de Kader<br />
Les invités, à l’écoute des discours<br />
Général, vous féliciter pour cette réussite dans le<br />
cadre de l’ORU.» M. Grosdidier de poursuivre :<br />
« C’est un moment très important. Je partage<br />
l’émotion de beaucoup d’entre vous. Trente ans<br />
représentent beaucoup d’actions au centre social,<br />
souvent le point d’ancrage social du quartier. Un<br />
élément de stabilité, de référence qui va continuer<br />
à l’être et même se régénérer, car c’est l’esprit qui<br />
règne dans cette maison. Ce bâtiment est refait<br />
à neuf, avec une authentique salle des fêtes, la<br />
plus belle de Woippy, tournée sur une place, donc<br />
à l’abri des regards. C’est une profonde transformation<br />
pour ce quartier qui doit être totalement<br />
ouvert aux autres. »Jean-Jacques Boyer, sous préfet<br />
de conclure : «Près de 2 millions TTC ont été<br />
investis pour cette rénovation financée à 80 % par<br />
des subventions et réalisée avec des entreprises<br />
locales. Avec ce si bel outil, que la foi reste intacte,<br />
vous permette de travailler au mieux, qu’il déborde, touche<br />
tout Woippy et que ce soit un lieu de fraternité. »
Petite fête à Planète W 24/07/08<br />
Pour clore la saison de Planète W, une petite fête<br />
a été mise en place par la ville de Woippy, en collaboration<br />
avec l’association Pushing et le CMSEA,<br />
s’est déroulée au gymnase du quartier du roi et à<br />
l’exterieur.<br />
Durant toute l’année, de nombreuses activités ont<br />
été proposées aux jeunes de ce quartier.<br />
Au cours de cette soirée de fermeture, cause vacances,<br />
trois ateliers ont été mis en exergue : mix<br />
hip-hop animé par Samir, Vincent et Lazhar, roller<br />
dirigé par Olivier et danse hip-hop et roller menée<br />
par Nadia.<br />
François Grosdidier, député maire, accompagné<br />
de quelques élus est venu partager un moment<br />
de convivialité, et partager outour d’un barbecue<br />
concocté par les Amis du Lavoir. Un casse-croûte<br />
et une boisson ont été offerts à tous les jeunes,<br />
ainsi qu’aux adultes pour leur investissement dans<br />
ce quartier.<br />
Quelques démonstrations<br />
de hip-hop,<br />
histoire de montrer<br />
ses acquis et sa<br />
souplesse<br />
fêtes et inaugurations<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Le CMSEA<br />
à travers la<br />
presse<br />
Le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
«Fêtes &<br />
inaugurations»<br />
25
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Les jeunes de<br />
banlieues et la<br />
ville<br />
Une rencontre<br />
en tension<br />
Jean-Paul<br />
MELONI<br />
26<br />
Contre-Courant<br />
Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />
Une rencontre en tension<br />
Tribune libre<br />
Tribune libre<br />
Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />
Une rencontre en tension<br />
Plus que jamais, les banlieues sont le point de<br />
cristallisation de nombreuses représentations, de<br />
discours négatifs et largement empreints de rejet,<br />
de mépris par le corps social.<br />
Dès lors, stigmatisées comme le réceptacle de<br />
tous les maux car symbolisant avec force la misère,<br />
la souffrance et l’exclusion mais aussi les<br />
peurs, l’insécurité, le danger, elles apparaissent<br />
aujourd’hui sur le devant de la scène, comme la<br />
nouvelle question sociale.<br />
Les nombreuses émeutes ou ce qu’il est convenu<br />
de nommer plus doctement « la crise des banlieues<br />
» qui en certaines occasions, divertissent<br />
notre société du spectacle (Guy Debord), nous invitent<br />
à la penser.<br />
Mais au-delà de ces lieux bannis, ce sont bien<br />
sûr leurs habitants, qui se retrouvent excommuniés,<br />
car lestés des mêmes représentations. Cette<br />
diabolisation voire même cette « bouc - émissairation<br />
» résonance d’une question éminemment<br />
politique n’est pas sans conséquence sur les populations<br />
de ces quartiers, notamment les enfants<br />
et les jeunes qui, plongés dans un quotidien déjà<br />
largement miné par de multiples difficultés doivent<br />
se débattre, consciemment ou non, avec ces<br />
discours figés, sans concession, et surtout injustes.<br />
Comment vivent-ils ces formes de bannissement<br />
? Comment dans leur vie ordinaire s’organisent-ils<br />
face à ceux qui ne cessent de proférer ce genre<br />
de diatribes, de jugements, ou encore qui laissent<br />
trainer leur regard un peu partout dans le quartier,<br />
regard qui devient vite déplacé ou, comme me le<br />
disait un jeune vivant un de ces quartiers dits<br />
« sensible » confine, d’une part, au voyeurisme et<br />
d’autre part, suscite auprès des habitants une cer-<br />
« L’Autre est ce qui me permet de ne<br />
pas me répéter à l’infini »<br />
J. Baudrillard (1990)<br />
taine gêne, voire une honte (on oubli trop souvent<br />
la pudeur des personnes qui résident dans des espaces).<br />
Enfin quels savoirs, quelles compétences,<br />
quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour s’en<br />
sortir ? Au-delà, plus simplement : qui sont-ils ?<br />
Autant de questions, de préoccupations, qu’ont<br />
intégrés les Educateurs de Rue qui, engagés dans<br />
une action de Prévention Spécialisée cheminent<br />
avec ces jeunes et partagent leur quotidien. Présents<br />
dans leur milieu de vie, et en relais avec<br />
d’autres professionnels de l’action sociale ou de<br />
l’animation, ils proposent un soutien, un accompagnement<br />
pour des jeunes les plus en difficulté.<br />
Mais au cœur de cette pratique, c’est surtout un<br />
autre regard qu’ils portent sur ces « gens de peu<br />
» qui dès lors qu’on leur manifeste de l’intérêt, témoignent<br />
d’une grande richesse, d’un art de faire<br />
qui leur permet, in fine, de tenir et de grandir.<br />
Ce qu’évoque bien Michel Kokoreff 1 , qui, dans un<br />
de ses ouvrages parle de la force des quartiers<br />
pour mettre en avant les forces vives présentes<br />
sous diverses formes et dont l’action est importante<br />
pour le devenir de ces quartiers sensibles.<br />
C’est ce vagabondage au cœur de ces quartiers,<br />
à la rencontre de ces jeunes, dont on<br />
ne cesse de répéter, à tort et sans raison,<br />
qu’ils sont inéduqués et inéducables que je<br />
me propose de retracer.<br />
La Prévention Spécialisée : une pratique toujours<br />
originale.<br />
La Prévention Spécialisée (désormais P.S.) qui<br />
relève de la compétence des Départements est<br />
rattachée administrativement à l’Aide Sociale à<br />
l’Enfance.<br />
En Moselle, où j’interviens comme éducateur Responsable<br />
d’un secteur de Prévention, la P.S. est<br />
confiée à des associations qui en assurent la ges-
tion à partir d’un conventionnement dans lequel<br />
les municipalités signataires jouent un rôle important.<br />
D’une manière générale on peut présenter ce<br />
dispositif à partir de trois<br />
missions :<br />
• Réduire les phénomènes de marginalisation chez<br />
les jeunes de <strong>10</strong> à 21 ans.<br />
• Favoriser l’insertion sociale et professionnelle<br />
des jeunes de <strong>10</strong> à 25 ans.<br />
• Favoriser la promotion des quartiers et des habitants,<br />
ce qu’on appelle aujourd’hui le développement<br />
local.<br />
Ce cadre d’intervention, pour schématique qu’il<br />
soit, doit être pourtant nuancé en fonction de la<br />
réalité de terrain qui peut être différente selon les<br />
territoires, mais aussi selon les Equipes de Prévention.<br />
Si la P.S. fait fonctionner différentes modalités<br />
d’intervention comme l’accompagnement éducatif<br />
qu’il soit individuel et/ou collectif, la résolution<br />
de problèmes concrets, il repose avant tout sur le<br />
Travail de Rue que l’on peut définir comme une<br />
présence sociale dans la rue.<br />
Pour l’éducateur, il s’agit d’être là, disponible,<br />
écouter, parler, et assurer une relation. Fondamentalement,<br />
ce mode d’intervention se construit<br />
à partir d’une double connaissance : d’une part,<br />
celle du quartier et, d’autre part, celle du jeune,<br />
sa culture, son mode de vie, sa manière de penser<br />
et de faire. Ce que les ethnologues ont nommé, en<br />
d’autres occasions, un processus d’indigénisation.<br />
Pour aller plus loin et suivant le point de vue d’une<br />
écologie urbaine (voir à ce propos les travaux de<br />
l’ Ecole de Chicago 2 ) on peut dire qu’il y a interaction<br />
entre l’espace et l’être humain et par là une<br />
influence très forte, au sens où l’enfant, le jeune<br />
se construit aussi à partir de son lieu de vie qui<br />
est bien sûr sa maison, mais aussi la rue, lieu où<br />
il apprend, se socialise, se forge une identité. A<br />
cet effet la notion même de pratiques d’espaces<br />
Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />
Une rencontre en tension<br />
connue comme un processus à l’œuvre dans la<br />
construction identitaire chez l’adolescent est explicite<br />
de cet attachement.<br />
Ainsi, l’espace de la rue, du quartier réfère non<br />
seulement à cet Umwelt, c’est-à-dire ce monde<br />
autour de nous, cet entourage, autrement dit ce<br />
qui est extérieur à l’individu, mais aussi à l’existence<br />
même de l’individu, ses activités, ses pratiques.<br />
On pourrait dire qu’à la manière d’une scène sociale,<br />
le quartier dessine les contours d’une fonction<br />
qui relève, d’une part, de l’esthétique et de la<br />
socialité, ce qui d’une certaine façon renforce encore<br />
l’idée qu’au-delà de l’aménagement urbain,<br />
la matérialité du lieu, le quartier signale d’une dialectique<br />
entre ce qui touche au territoire et à la vie<br />
sociale, et, d’autre part, d’un marquage entre ces<br />
lieux qui portent l’empreinte de ces pratiques de<br />
déviance et ces lieux de production d’une culture<br />
reconnue et valorisée par la société. La sphère des<br />
cultures urbaines illustre bien cette identité du<br />
lieu, et de la personne, mais aussi cette idée selon<br />
laquelle le quartier peut être valorisé comme un<br />
endroit où il se passe quelque chose, un espace de<br />
rencontre, ou encore un lieu spectaculaire ou du<br />
spectaculaire.<br />
Pour les acteurs de la P.S., La Rue, le quartier définit<br />
bien un espace vivant et vivable, « un espace<br />
de création, un espace ordonné dont on peu toucher<br />
les limites dans un temps compatible avec<br />
la rotation des opérations quotidiennes 3 » (Leroi-<br />
Gouhran, 1964, p182). Ces quelques remarques<br />
sur l’espace ouvrent sur une autre dimension essentielle<br />
à savoir celle du public au centre de l’action<br />
de prévention spécialisée.<br />
Les jeunes des quartiers : une force pour la<br />
ville<br />
La question du public apparaît toujours comme redoutable<br />
dès lors qu’on a à le présenter ne serait –ce<br />
que le risque de le stigmatiser plus encore. Dans<br />
un rapport de recherche 4 , Jacques Selosse nous<br />
propose de classer le public autour de quatre<br />
genres.<br />
1 Kokoreff, M, La Force des quartiers. De la délinquance à l’engagement politique,<br />
Paris, Payot, 2003.<br />
2 L’Ecole de Chicago naissance d’une écologie urbaine, présentation d’ Y.Grafmeyer, et I.Joseph,<br />
Partis, Aubier, 1984<br />
3 Leroi-Gouhran, La mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel, 1964.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Les jeunes de<br />
banlieues et la<br />
ville<br />
Une rencontre<br />
en tension<br />
Jean-Paul<br />
MELONI<br />
27
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Les jeunes de<br />
banlieues et la<br />
ville<br />
Une rencontre<br />
en tension<br />
Jean-Paul<br />
MELONI<br />
28<br />
Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />
Une rencontre en tension<br />
I Le jeune à la rue- c’est-à-dire le jeune dans un<br />
entre-deux socioculturel, qui se regroupe autour<br />
d’activités de déviance, même si elle n’est que potentielle.<br />
En termes d’action la notion de déviance<br />
répond au besoin de socialiser.<br />
II Le jeune qui flotte – c’est-à-dire celui qui est en<br />
rupture, coupé du monde déraciné en marge des<br />
structures socio-éducatives. Il est dans « l’ère du<br />
vide » c’est-à-dire dans la figure de l’errance.<br />
III Le jeune qui traîne – c’est-à-dire ce moment<br />
où le vide, ou le trop plein, va le faire craquer.<br />
Il traîne dans un espace, où il est craint. Il commet<br />
des actes de délinquance, il se drogue, il est disponible<br />
à tout. Bref, il nuit.<br />
IV Un dernier genre touche à la notion de déchéance.<br />
C’est finalement le jeune qui tombe,<br />
multirécidiviste, toxicomane dans sa galère. L’individu<br />
est complètement coupé du monde social,<br />
la prise en charge est lourde.<br />
Cette classification présente plusieurs intérêts.<br />
D’une part, en prenant le point de vue des professionnels,<br />
elle pose un regard plus objectif sur ces<br />
jeunes, réduisant ainsi le parti pris domestique ou<br />
encore le cliché banalisé.<br />
D’autre part, cette grille nous renseigne aussi sur<br />
une constellation de comportements qui peuvent<br />
se lire dans une sorte de gradation dans lequel<br />
on repère assez aisément des situations qui si elles<br />
perdurent peuvent évoluer défavorablement,<br />
s’aggraver voire se radicaliser. Pour autant peuton<br />
dire que l’exclusion résulte fatalement de ces<br />
états antérieurs ? Il serait, de mon point de vue,<br />
précipité de l’affirmer car l’affaire est autrement<br />
plus complexe.<br />
Dans cette perspective, si cette schématisation,<br />
qui du point de vue heuristique, apparaît comme<br />
un idéal – type au sens évidemment Wébérien du<br />
terme, n’entend pas enfermer ou circonscrire tous<br />
les jeunes dans cette seule typologie, elle n’a pas<br />
non plus pour but de « pathologiser » ou dramatiser<br />
tous ces comportements.<br />
Après tout, comme l’évoque si justement V. Na-<br />
houm – Grappe 5 , pour qui l’ennui ordinaire a une<br />
fonction vicariante, les adolescents ont besoin de<br />
s’échapper, de sortir du regard des adultes sans<br />
qu’il faille immédiatement brandir contre eux tout<br />
une armature pédagogique qui serait ou le deviendrait<br />
vite oppressante. Mais de là à penser qu’il<br />
est plus dangereux de s’ennuyer dans un quartier<br />
sensible que dans un quartier résidentiel, il n’y<br />
a qu’un pas que les entrepreneurs de morale et<br />
autres politiques franchissent parfois allégrement.<br />
Leur laisser du champ libre, de l’espace à eux tout<br />
en se montrant disponible dès lors qu’ils nous sollicitent,<br />
ne pas hésiter à les rencontrer, sans insistance,<br />
là ou ils sont, déambuler avec eux, répondre<br />
à leurs demandes nombreuses et parfois<br />
irraisonnables – il importe toutefois de prendre<br />
ces demandes au sérieux en leur donnant du sens<br />
- en évitant un rapport de don contre don, au profit<br />
d’une relation dans laquelle ils sont positionnés<br />
comme des acteurs à part entière, sont autant de<br />
postures que les éducateurs de rue adoptent dans<br />
leur démarche professionnelle.<br />
Derrière cet usage professionnel de la rue, le véritable<br />
enjeu tient tout à la fois à la nécessité de<br />
créer ou de maintenir du lien avec eux et de les<br />
aider à changer la vision négative qu’ils ont de<br />
leur quartier. Les éducateurs de rue savent bien<br />
les dommages d’une trop forte stigmatisation. Ils<br />
sont à ce propos souvent confrontés à des situations<br />
ou les rapports sociaux profondément élimés<br />
par cette image négative, se traduisent chez certains<br />
par des comportements d’agressivité, de rejet<br />
voire de violence gratuite et inutile.<br />
C’est ce que décrit bien, P. Bourdieu qui, dans<br />
son travail sur les quartiers, écrit que « le quartier<br />
stigmatisé dégrade symboliquement ceux qui<br />
l’habitent et qui, en retour le dégrade symboliquement,<br />
puisque, étant privés de tous les atouts nécessaires<br />
pour participer aux différents sociaux, ils<br />
n’ont en partage que leur commune excommunication<br />
6 » (Bourdieu, 1993) ou encore L. Wacquant<br />
qui observe que « trop souvent, le sens aigu de<br />
l’indignité sociale qui enveloppe les quartiers de<br />
relégation ne peut être atténué qu’en reportant le<br />
stigmate sur un autre diabolisé et sans visage … 7 »<br />
( Wacquant, 2006).<br />
4 La prévention spécialisée en France – forme originale d’action socio-éducative, coordination de<br />
V.Girard, CTNERHI, 1991.<br />
5 Nahoum – Grappe, V. L’Ennui ordinaire, Paris, Austral, 1995.<br />
6 Bourdieu, P, et al, La Misère du monde, Paris Seuil, 1993.<br />
7 Wacquant, L, le stigmate territorial au quotidien, in revue Sciences humaines,<br />
les grands dossiers, n 4, 2006
Enfin, cette grille laisse aussi entière la question<br />
des capacités, des compétences que développent<br />
tous ces jeunes, que l’on nomme parfois des jeunes<br />
relais ou des multiplicateurs et qui participent<br />
amplement à la richesse des quartiers.<br />
Certes si les quartiers se sont aussi le théâtre ou<br />
les trafics de drogue sont actifs, ou les actes de<br />
violence sont réels, ils ne sont le fait que d’une<br />
minorité. D’autres jeunes - la majorité en fait -<br />
se déploient avec enthousiasme dans des dynamiques<br />
intéressantes qui,tout en visant des effets<br />
positifs sur le quartier, bénéficient en retour d’une<br />
reconnaissance par les habitants du quartier voire<br />
au-delà, lorsque des projets se construisent dans<br />
une mixité sociale, et dans une perspective de développement<br />
local.<br />
Ainsi des programmes culturels, des actions humanitaires,<br />
des séjours interculturels, des projets artistiques<br />
préparés et réalisés avec ces jeunes sont<br />
ils des traces d’un savoir être, d’un savoir faire,<br />
et plus encore d’une volonté, d’une aspiration a<br />
être considérés comme des personnes reconnues<br />
simplement, sans qu’ils n’aient toujours besoin de<br />
faire la preuve de ce qu’ils sont, de qui ils sont.<br />
Après tout pourquoi ne seraient – ils pas les enfants<br />
d’une ville, des citoyens à part entière.<br />
Le temps serait-il venu d’éduquer aussi les<br />
gens de la ville pour que chacun puisse apprendre<br />
à mieux se connaître et que cette<br />
co – naissance puisse être le gage d’une estime<br />
mutuelle… Et si c’était cela le vrai projet<br />
de la ville au risque sinon, que chacun reste<br />
cloisonné dans son territoire bien protégé<br />
derrière des frontières, reflets d’une société<br />
inexorablement bloquée et pathogène…<br />
MELONI Jean-Paul,<br />
Responsable de l’Equipe de Prévention<br />
Spécialisée du Val de Sarre / CMSEA<br />
Anthropologue<br />
Les jeunes de banLieues et La viLLe<br />
Une rencontre en tension<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Les jeunes de<br />
banlieues et la<br />
ville<br />
Une rencontre<br />
en tension<br />
Jean-Paul<br />
MELONI<br />
29
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Prendre son<br />
temps dans<br />
l’urgence<br />
Virginie<br />
DEPOILLY<br />
30<br />
«prendre son temps dans L’urgence<br />
Lors de mon intégration au sein de la formation de master professionnel spécialité<br />
Ingénierie des Politiques Publiques et Sociales à l’université Paul VERLAINE de METZ, une<br />
de mes préoccupations majeures était de parvenir à opter pour un thème de recherche.<br />
Plusieurs me tenant à cœur, mon choix fut encouragé par les événements de novembre<br />
2005. En effet, des émeutes sont organisées à partir du 27 octobre 2005 à l’égard des sapeurs<br />
pompiers et des forces de l’ordre en réponse au décès de deux jeunes de Clichy sous<br />
Bois, qui, se croyant poursuivis par la police se sont réfugiés dans l’enceinte d’un poste<br />
électrique. Ainsi, de nombreux jeunes déclarent à ce moment dans les médias qu’une des<br />
motivations de ces soulèvements est une réponse au mépris qu’exerce la police à l’égard<br />
des jeunes et plus particulièrement des jeunes de couleur. En France, ces émeutes sont<br />
d’abord évoquées avec des mots tels que « incident »,<br />
« mouvement de rue », « violences urbaines » alors que du point de vue des pays étrangers,<br />
ces violences ont souvent été interprétées comme des réponses aux problèmes d’intégration<br />
ethnique et la France a fait l’objet de vives critiques. A cette époque, la question<br />
de la délinquance juvénile, bien que reconnue depuis 1912 en France grâce à l’instauration<br />
des tribunaux pour enfants et depuis 1945 grâce à l’adoption de l’ordonnance du 2 février,<br />
prônant le primat de l’éducatif sur le répressif, une connaissance accrue du mineur, et la<br />
singularité de chaque dossier, est mise au premier plan dans les médias.<br />
«prendre son temps<br />
dans L’urgence»<br />
L’état d’urgence est prononcé par le gouvernement<br />
le 8 novembre en application de la loi du 3 avril<br />
1955 : Nicolas SARKOZY, ministre de l’intérieur et<br />
de l’aménagement du territoire, souligne l’étendue<br />
de l’échec des politiques publiques depuis environ<br />
30 ans au cours de son discours du 12 janvier<br />
2006. Selon lui, l’application de l’ordonnance de<br />
1945 aboutit souvent à l’impunité c’est-à-dire que<br />
si la justice d’aujourd’hui s’appuie de trop près sur<br />
cette ordonnance, certains délits risquent de ne<br />
pas être sanctionnés comme ils devraient l’être,<br />
ne privilégiant pas la punition par la répression.<br />
Ainsi, il propose de réviser le texte fondateur de<br />
la justice des mineurs, non pas en envoyant systématiquement<br />
les jeunes en prison mais en apportant<br />
une réponse plus rapide aux actes posés,<br />
c’est-à-dire en raccourcissant les délais de jugement.<br />
Il propose également de diversifier le panel<br />
des sanctions à la disposition de la justice afin que<br />
les réponses à la délinquance juvénile soient plus<br />
en accord et représentatives de la justice. Cependant,<br />
cette réforme est vivement critiquée : en effet,<br />
les propos du ministre sous-entendent que le<br />
traitement judiciaire des mineurs correspond à celui<br />
de 1945, alors qu’il en est tout autrement puisque<br />
le texte fondateur de l’ordonnance de 1945 a<br />
été modifié plus de 20 fois depuis.<br />
Les émeutes ont ainsi relancé la question du jugement<br />
qui selon de nombreux politiques serait<br />
trop long à intervenir. Je me suis penchée sur cette<br />
question de délais de jugement et des interrogations<br />
que cela pouvait susciter à savoir, sur quoi<br />
s’appuie en terme de connaissance du dossier et<br />
du mineur, un jugement dans des délais courts<br />
puisque bon nombre des comparutions lors de ces<br />
événements tenaient lieu de première comparution<br />
pour les mineurs.<br />
Ce choix fut encouragé suite à mon stage au<br />
Centre de placement Immédiat de METZ où j’ai<br />
pu prendre conscience de l’intervention et de la<br />
pluridisciplinarité de la prise en charge judiciaire<br />
des mineurs délinquants. Il m’a ainsi semblé important<br />
de m’interroger sur la prise en charge du<br />
mineur et notamment sur le respect de l’obligation<br />
judiciaire qui repose sur les établissements de la<br />
Protection Judiciaire de la Jeunesse. En fait ce sont<br />
bien plus les procédures, notamment par rapport<br />
à leur durée, et la gestion de cette singularité que<br />
constitue chaque mineur, dans un ensemble que<br />
forme le groupe au sein d’une structure.<br />
Après avoir mené une enquête sur la définition<br />
de ce qu’est un mineur aux yeux de la loi, quels<br />
sont ses droits et ses devoirs mais également de<br />
la délinquance au sens sociologique, il m’a fallu<br />
définir ce qu’était le temps dans le cadre de ma<br />
recherche. Pour ce faire, je me suis appuyée sur la<br />
définition qu’en donne Marc BESSIN 1 , sociologue,<br />
1 Marc BESSIN : « la temporalité de la pratique judiciaire : un point de vue sociologique »,<br />
revue droit et société, n° 39, 1998
chargé de recherche au CNRS (Centre d’étude des<br />
mouvements sociaux, École des hautes études en<br />
sciences sociales) qui axe nombre de ses recherches<br />
sur les temporalités sociales. Ainsi, il distingue<br />
deux temps : le Chronos, qui correspond à<br />
un temps linéaire, objectivé et mesurable. Celui-ci<br />
fait l’objet d’un cadre préalable, standardisé, extérieur<br />
à l’individu et il s’impose à l’activité humaine<br />
(c’est le temps de l’horloge). Il distingue<br />
ce temps du Kairos, que l’on peut définir comme<br />
une dimension du temps n’ayant rien à voir avec<br />
la notion linéaire du Chronos, mais pouvant être<br />
considérée comme une autre dimension créant de<br />
la profondeur dans l’instant. (Kairos a donné en<br />
latin opportunitas, opportunité, capacité à saisir<br />
l’occasion) 2 :<br />
«Quelle est donc cette faculté, ce sens en nous<br />
qui nous rend plus ou moins apte à saisir l’occasion<br />
opportune? Pouvons-nous la développer? Si<br />
l’occasion opportune est un don des dieux, quelles<br />
sont les vertus qui nous disposent à accueillir<br />
ce don? Question cruciale, particulièrement à une<br />
époque où le choix est un absolu.<br />
S’il n’y a qu’une façon de faire le bien, il est bien<br />
des manières de le manquer. L’une d’elles consiste<br />
à faire trop tôt ou trop tard ce qu’il eût fallu faire<br />
plus tard ou plus tôt. Les Grecs ont un nom pour<br />
désigner cette coïncidence de l’action humaine et<br />
du temps, qui fait que le temps est propice et l’action<br />
bonne: c’est le Kairos, l’occasion favorable, le<br />
temps opportun.»<br />
(Pierre Aubenque, La prudence chez Aristote, Paris,<br />
PUF, 1963, pp. 96-97.) 3<br />
Face à ces définitions, nous pouvons affirmer que<br />
la justice et les services sociaux agissent selon<br />
un temps Kairos, c’est-à-dire qu’ils choisissent<br />
le temps pour agir, le temps adéquat à l’action,<br />
celui-ci dépendant de l’évolution du mineur, de<br />
son dossier. Le kairos, relève d’un savoir : dans<br />
le cadre de la justice des mineurs, il s’agit de la<br />
connaissance que l’équipe éducative aura pu tirer<br />
de la prise en charge à savoir du comportement de<br />
l’évolution et des perspectives pour le mineur afin<br />
d’appuyer le dossier au moment de la présentation<br />
devant le magistrat. « C’est aussi du temps, mais<br />
qui est hors de la durée; c’est l’instant fugitif mais<br />
essentiel, soumis au hasard mais lié à l’absolu.[…]<br />
Le kairos n’est rien sans le savoir qui permet de le<br />
reconnaître ; il n’est qu’événement parmi d’autres<br />
pour celui qui ne sait pas. Mais, pour celui qui sait,<br />
il est ce qui lui révèle son propre savoir, par le<br />
«prendre son temps dans L’urgence»<br />
choc de la réalité qui se révèle comme signifiante<br />
» 4 .<br />
La prise en charge d’un mineur implique la mobilisation<br />
de différents acteurs répondant chacun<br />
à un rapport au temps spécifique. Les magistrats<br />
s’appuient sur un temps long ce qui pour eux permet<br />
de « pondérer, de relativiser et de vérifier » 5 .«<br />
La temporalité judiciaire s’inscrit dans la durée, le<br />
droit étant associé à la tradition, à la permanence<br />
et à la stabilité des règles qu’il induit et qu’il<br />
perpétue » 6 . Mais ce temps se retrouve souvent<br />
confronté aux réalités sociales qui elles, se réclament<br />
d’actions associées à un temps plus court.<br />
La justice des mineurs est d’autant plus confrontée<br />
à cette temporalité car l’expertise judiciaire qu’elle<br />
nécessite, implique l’intervention de différents acteurs<br />
qui, en opposition avec les magistrats attirés<br />
par le temps synonyme de permanence, sont soumis<br />
aux contingences. De ce fait, on s’aperçoit que<br />
le temps est un enjeu dans les rapports de pouvoir<br />
entre le magistrat et les acteurs extérieurs. S’entreprend<br />
alors une quête du « bon temps » : un<br />
temps trop court laisserait trop de choses en suspens<br />
dans la connaissance d’un dossier et donnerait<br />
lieu à un jugement et une sanction inadaptées<br />
et à l’inverse un temps trop long favoriserait le<br />
sentiment d’impunité des mineurs qui ne verraient<br />
pas de réponses aux actes posés.<br />
En ce qui concerne les structures d’accueil de la<br />
PJJ, le rapport au temps est différent. Elles ont<br />
pour mission de répondre aux perspectives émises<br />
par le magistrat tout en faisant part d’une certaine<br />
autonomie. Dans le temps qui leur est imparti, il<br />
faut qu’elles acquièrent l’adhésion du mineur, de<br />
sa famille et mettent en place une action éducative<br />
la plus adéquate possible avec la personnalité<br />
du mineur. En effet, lors d’un placement ou d’un<br />
suivi par une structure, un délai légal est fixé mais<br />
on s’aperçoit que ce délai de prise en charge est<br />
défini réellement en fonction du mineur. Chaque<br />
type de structure répond à un cahier des charges<br />
ayant pour but de prescrire le type de prise<br />
en charge et, il revient au directeur et à l’équipe<br />
éducative au sein de chaque structure de gérer le<br />
temps comme ils l’entendent. Une des spécificités<br />
observées par exemple concerne le CER (Centre<br />
Educatif Renforcé) que j’ai eu l’occasion de visiter;<br />
son activité est fondamentalement orientée par la<br />
gestion d’un «temps de groupe», alors les autres<br />
établissements et services donnent la priorité à<br />
l’évolution individuelle au sein d’un groupe.<br />
En ce qui concerne les autres types de structure,<br />
et plus particulièrement les CPI (Centres de Pla-<br />
2 Définition de Wikipédia, l’encyclopédie libre : http://fr.wikipedia.org<br />
3 Encyclopédie de l’AGORA<br />
4 Encyclopédie de l’AGORA<br />
5 Marc BESSIN, « la temporalité de la pratique judiciaire, un point de vue sociologique », droit<br />
et société, n°39, 1998, p 331 à 343.<br />
6 Ibid<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Prendre son<br />
temps dans<br />
l’urgence<br />
Virginie<br />
DEPOILLY<br />
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n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Prendre son<br />
temps dans<br />
l’urgence<br />
Virginie<br />
DEPOILLY<br />
32<br />
«prendre son temps dans L’urgence»<br />
cement Immédiat) qui ont été crées pour répondre<br />
instantanément à la demande du magistrat, la<br />
durée inscrite dans les cahiers des charges est de<br />
3 mois mais dans la réalité, le juge ne tient pas<br />
forcément compte de l’institution mais bien plus<br />
de l’intérêt du mineur. Une fois le mineur accueilli,<br />
des délais sont imposés en interne afin de mettre<br />
en place rapidement le travail envers le mineur ;<br />
le cas échéant serait considéré comme une faute<br />
professionnelle. Le fait de pouvoir modifier la durée<br />
des placements, autant de les raccourcir que de<br />
les renouveler, est une des spécificités de la justice<br />
des mineurs en France. Le temps de la prise en<br />
charge est ainsi décomposé<br />
par des rapports d’évolution<br />
envoyés au magistrat. Les<br />
structures d’accueil se positionnent<br />
alors, en amont<br />
du jugement, comme une<br />
force de proposition.<br />
Grâce aux différents outils<br />
de travail utilisés et leur<br />
analyse, j’ai pu constater<br />
que la justice des mineurs<br />
et la prise en charge des<br />
mineurs délinquants se décompose en temps formalisés.<br />
Cette formalisation est nécessaire afin<br />
que la prise en charge puisse donner lieu aux résultats<br />
escomptés et ce, en raison de la spécificité<br />
du public accueilli et des difficultés dont il relève.<br />
On peut ainsi distinguer la prise de décision de<br />
placement par le magistrat, l’information à l’établissement<br />
ou au service concerné, au directeur<br />
et à l’équipe éducative, et la prise en charge en<br />
elle-même qui peut également faire l’objet d’un<br />
découpage.<br />
«la lenteur de la justice<br />
n’est pas critiquée parce<br />
qu’elle celle-ci pourrait<br />
la rendre mauvaise<br />
mais bien plus parce<br />
qu’elle ne répond pas à<br />
la réalité de la société».<br />
Reste le temps du point de vue des mineurs pris<br />
en charge. Il importe de rappeler avant tout qu’un<br />
adolescent n’a pas le même rapport au temps<br />
qu’un adulte et pourtant « le rapport au temps<br />
participe de la construction psychologique et sociale<br />
de la réalité » 7 . De plus, le mineur qui fait<br />
l’objet d’une mesure éducative subit cette dernière<br />
comme un temps non voulu, un temps subi<br />
et imposé : il se retrouve confronté à un temps<br />
incertain, la durée des prises en charge étant variable<br />
et réajustable. Dans le cadre d’une mesure<br />
pénale, le mineur sait qu’à l’issue de celle-ci, un<br />
retour à la normalité est envisageable et dans ce<br />
cas, le temps est vécu comme une période transi-<br />
toire, « une période d’exception, qu’il est aisé de<br />
situer dans le temps, avec son début et sa fin » 8 .<br />
En revanche, dans le cadre d’une mesure civile,<br />
la prise en charge « semble plutôt opérer sur le<br />
registre temporel de la permanence. Cette temporalité<br />
perçue renvoie à l’évaluation faite par les<br />
travailleurs sociaux de la situation familiale, qui<br />
elle apparaît pour le jeune comme élément stable<br />
de son histoire personnelle, voué à perdurer audelà<br />
du temps de la mesure » 9 .<br />
Le but de la justice des mineurs et des prises en<br />
charge qui lui sont associées, est au-delà d’une<br />
réponse à un acte posé, de permettre au mineur<br />
de « corriger » une défaillance<br />
qui aurait pu survenir au cours de<br />
l’éducation reçue par la famille.<br />
Ainsi, afin de réajuster les acquisitions<br />
du mineur, les prises en charge<br />
sont basées sur un temps long<br />
et un temps rythmé par des évaluations<br />
permanentes et une importance<br />
donnée à la parole. Bien<br />
que les prises en charge soient un<br />
changement de vie pour le mineur,<br />
il ne faut cependant pas que celuici<br />
se retrouve totalement bouleversé et c’est à cet<br />
effet que les prises en charge sont formalisées selon<br />
différentes étapes que sont l’accueil, moment<br />
charnière pour les parties en présence et la prise<br />
en charge au quotidien ponctuée d’évaluations au<br />
cours de réunions ou de rapport au magistrat avec<br />
une information et une implication constante du<br />
mineur qui doit être acteur de sa prise en charge<br />
et non pas la subir.<br />
De plus en plus, comme nous l’avons rappelé précédemment,<br />
les pouvoirs publics expriment l’intention<br />
de traitement en temps réel par la justice,<br />
mais cette dernière est tributaire des contingences<br />
et de l’évolution du mineur. Pourquoi préconiser le<br />
traitement en temps réel et quels sont les risques<br />
pour une justice des mineurs en France ?<br />
Il convient de préciser que la lenteur de la justice<br />
n’est pas critiquée parce qu’elle celle-ci pourrait la<br />
rendre mauvaise mais bien plus parce qu’elle ne<br />
répond pas à la réalité de la société. Et cette réalité<br />
est une crise, une crise des systèmes centralisés<br />
et cloisonnés d’intervention de l’Etat avec des<br />
lois s’imposant du haut vers le bas et ne laissant<br />
que peu de liberté aux individus.<br />
7 Lionel Dany, «L’expérience de la prise en charge éducative», Sociétés et jeunesses en<br />
difficulté, n°2, septembre 2006<br />
8 Ibid<br />
9 Ibid
De plus, on constate que les pouvoirs publics sont<br />
autant dans une quête d’efficacité (de punir) que<br />
dans une quête de quantité (à punir). Mais ce traitement<br />
en temps réel remet en cause l’essence<br />
même de l’ordonnance de 1945 dans le cadre de<br />
la justice des mineurs car « le traitement en temps<br />
réel recouvre une réponse pénale plus rapide (la<br />
maîtrise du temps judiciaire, le temps judiciaire<br />
recouvre celui de l’enquête et ne lui succède pas,<br />
l’action du parquet est en prise directe sur l’infraction),<br />
une réponse pénale supposée mieux adaptée<br />
» <strong>10</strong> . Comment mieux adapter une réponse dans<br />
l’urgence et dans la rapidité alors que la justice<br />
des mineurs repose sur une connaissance accrue<br />
du dossier du mineur? Pour cela, les personnels en<br />
charge de l’action éducative ont besoin de temps<br />
et d’échange.<br />
La loi 2002.2 formalise les outils de la prise en<br />
charge des mineurs et les droits fondamentaux de<br />
ces derniers. Parallèlement à ces institutions, les<br />
différentes administrations, ainsi que les établissements<br />
et services sont confrontés à des objectifs<br />
de plus en plus contraignants en terme de lisibilité<br />
vis-à-vis de la justice, ce qui amplifie l’aspect réglementaire<br />
et de contrôle de l’action éducative, à<br />
quoi s’ajoute l’obligation de transparence de cette<br />
dernière à l’égard du mineur et de sa famille.<br />
De fait, si la lourdeur de la gestion administrative<br />
peut avoir pour conséquence une altération de la<br />
qualité de la prise en charge en raison de l’insuffisance<br />
de l’aspect relationnel défini comme aspect<br />
primordial de l’action éducative, le traitement en<br />
temps réel risque lui de provoquer une déshumanisation<br />
du jugement en réduisant la place accordée<br />
à l’individu, et de mettre en péril le but recherché<br />
à l’origine, à savoir recréer du lien social, comme il<br />
en est question avec la justice des mineurs.<br />
La justice des mineurs est à ce jour face à<br />
une inquiétude : la lisibilité et la transparence<br />
du dossier du mineur entraînent une<br />
dégradation de la construction ou la remise<br />
en place du lien social, en tant que moteur de<br />
l’insertion dans la société; celui ci nécessite<br />
cependant la combinaison et l’harmonisation<br />
des différents temps (temps de la justice,<br />
temps du mineur et temps éducatif).<br />
«prendre son temps dans L’urgence»<br />
Virginie DEPOILLY,<br />
Chargée de mission « ingénieur<br />
en formation »<br />
(master I2PS)<br />
Université Paul VERLAINE-METZ<br />
<strong>10</strong> Bernard BRUNET : « Le traitement en temps réel : la justice confrontée à l’urgence comme<br />
moyen habituel de résolution de la crise sociale », revue Droit et société, n° 38, 1998,<br />
p 95 à <strong>10</strong>7.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Prendre son<br />
temps dans<br />
l’urgence<br />
Virginie<br />
DEPOILLY<br />
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n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Impressions<br />
de stage<br />
Aurore<br />
ZAMPIERI<br />
34<br />
impressions de stage<br />
Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />
« partager le plaisir d’une<br />
rencontre »<br />
Naissance d’une rencontre<br />
Le 28 novembre 2006, je pénètre pour la troisième<br />
fois dans l’enceinte du Foyer<br />
« Le Haut Soret ».<br />
Il est 6h30, tout paraît encore endormi.<br />
Le veilleur parle d’une nuit calme, sans agitation.<br />
Nous gagnons alors le pavillon 6 (ou Foyer d’Accueil<br />
Spécialisé ), où déjà je peux apercevoir les<br />
visages des résidents plutôt matinaux. Je pénètre<br />
dans le pavillon, salue les personnes déjà debout<br />
et cette boule que j’avais dans le ventre commence<br />
à s’apaiser. L’odeur du café se fait sentir et chacun<br />
se réveille à son rythme devant le petit déjeuner.<br />
Je me plonge alors dans la lecture du cahier<br />
d’internat pour m’imprégner de l’atmosphère du<br />
moment. C’est alors que certains visages jusque là<br />
endormis s’approchent de nous pour nous saluer.<br />
Déjà nous étions dans une dynamique d’échanges,<br />
aussi anodins peuvent ils paraître.<br />
Puis, vient le temps de l’accompagnement à la<br />
toilette pour un tiers d’entre eux et le temps du<br />
réveil pour les autres. L’ensemble des résidents<br />
et résidentes a accepté que je sois présente lors<br />
de la toilette. J’étais époustouflée par cette capacité<br />
d’adaptation. Ce à quoi je ne m’attendais pas<br />
(j’avais noté dans mon cahier de bord: «j’espère ne<br />
pas avoir bousculé l’intimité de chacun»). Cela me<br />
renvoyait certainement à ma propre nudité, à ma<br />
propre pudeur. Mais ce n’était pas la mienne dont<br />
il s’agissait et je me suis vite aperçue que tout se<br />
jouait dans le regard qu’on posait sur eux à ce moment<br />
là. J’étais venu les rencontrer; la toilette est<br />
vite devenue un moment privilégié d’échanges. On<br />
prend en considération l’autre dans l’ensemble de<br />
sa personne et cela passe aussi par le bien être<br />
du corps: prendre soin de soi, temps de détente<br />
sous la douche, être à l’écoute des maux et des<br />
mots, ... On s’adapte à chacun, certains évoquent<br />
le besoin d’une présence, d’une aide pour faire le<br />
lit, d’un soutien pour effectuer correctement sa<br />
toilette,…<br />
Après la douche, certains vont déjeuner, d’autres<br />
demandent un conseil pour la coiffure, la vêture<br />
ou encore la qualité du rasage. Puis, ils se rendent<br />
à l’infirmerie pour prendre le traitement matinal<br />
pendant que les personnes qui sont de service ce<br />
jour là s’affairent dans la cuisine (ce qui est loin<br />
d’être toujours le cas, comme pour nous). A chacun<br />
son rythme cependant.<br />
« L’envie de partager avec vous quelques temps forts<br />
de mon passage au sein du Foyer d’Accueil Spécialisé<br />
du Foyer « Le Haut Soret », l’envie de partager avec<br />
vous mes ressentis et mes questionnements, l’envie<br />
de vous donner envie d’aller à la rencontre de ces personnes.<br />
Pour ce faire, je vous propose d’assister, à travers le<br />
récit de ma première journée, à la naissance de cette<br />
rencontre avant de découvrir le lieu de cette dernière.<br />
J’aimerai aussi vous parler des personnes rencontrées<br />
et plus particulièrement de Clara. En guise de clôture,<br />
« Au moment de partir » retrace les interrogations<br />
quant au départ, à la séparation et ce, avec beaucoup<br />
d’émotions ».<br />
Accueil des externes. Les résidents ont un peu de<br />
temps pour eux vers 9h00 et ce jusqu’à <strong>10</strong>h00,<br />
début des ateliers avec l’équipe d’externat. Vers<br />
9h30, le personnel éducatif soulève les humeurs<br />
éventuelles de certains résidents, les éventuels<br />
conflits, les moments agréables partagés avec<br />
certains résidents,…<br />
Un temps officiel d’échange de consignes qui a son<br />
importance pour accompagner au mieux les résidents<br />
dans leur vie quotidienne. J’allais oublier la<br />
visite vers 8h00 des chefs de service, qui, ceci dit,<br />
m’interroge beaucoup. En effet, ils viennent signer<br />
le cahier d’internat sans qu’il y ait pour autant<br />
échange avec le personnel ou les résidents.<br />
A <strong>10</strong>h00, je quitte le pavillon 6 avec le sourire aux<br />
lèvres. Dépôt du cahier d’internat au central (car il<br />
sera lu par la direction) et de la fiche de présence<br />
pour les repas.<br />
Retour à 16h30 ou 17h00. Récupération du cahier<br />
et échange de consignes avec l’externat. Avant le<br />
repas, nous restons à la disposition des résidents<br />
aussi bien pour échanger avec eux sur leur journée,<br />
que pour régler des détails administratifs,…<br />
Cela peut paraître frustrant dans les premiers<br />
temps car nous ne sommes pas dans le « faire<br />
» mais nous sommes présents et il se passe tellement<br />
de choses. C’est aussi ces moments qui<br />
m’ont permis de les découvrir un peu plus chaque<br />
jour. Il est primordial de toujours garder à l’esprit<br />
qu’ils ont eu une journée avec des activités, que ce<br />
lieu est leur lieu de vie et ils l’investissent comme<br />
tel. C’est pour cela que ce temps ne doit pas être<br />
investi lui aussi comme un lieu d’activités. Parfois,<br />
ce temps permet d’effectuer des achats, de faire<br />
des sorties,…Ce jour là, j’ai dansé avec deux résidents<br />
et avec plaisir; d’autres regagnent leurs<br />
chambres, ceux qui le peuvent vont seuls effectuer<br />
des achats, d’autres encore vont rendre visite<br />
à leurs amis sur d’autres pavillons,...Ensuite, vient<br />
l’heure du repas. La plupart du temps, aucun bruit<br />
ne règne, c’est un temps de plaisir apparemment.<br />
Après la prise de cachets, la plupart des résidents<br />
vont se coucher. D’autres regardent la télévision,<br />
d’autres encore viennent parler avec nous et<br />
d’autres participent aux activités proposées par<br />
l’équipe d’animation. Ce soir-là, au sein de notre<br />
pavillon, se déroulait l’activité step. C’était une
première. J’y ai participé avec d’autres résidents,<br />
pour la plupart des foyers alentours. Pas toujours<br />
facile de s’orienter dans l’espace ou de mobiliser<br />
une partie de son corps,…mais beaucoup d’énergie<br />
et d’entrain à éprouver son corps. Encourageant!<br />
22h15: dépôt des consignes au veilleur de<br />
nuit et à l’éducateur de nuit.<br />
22h30: retour à la maison avec nostalgie et<br />
fatigue. Merci pour cette première journée.<br />
Le lieu de la rencontre<br />
De plain-pied, il propose aux résidents des chambres<br />
individuelles spacieuses avec douche, sanitaires<br />
et terrasse; une salle à manger spacieuse,<br />
un salon confortable, des salles d’ateliers et une<br />
cuisine très bien équipée. De plus, c’est un espace<br />
très lumineux.<br />
Les résidents peuvent donc l’investir plus facilement<br />
comme un lieu de vie malgré les contraintes<br />
que peut parfois représenter la vie en collectivité.<br />
Ils ont ainsi la possibilité de s’isoler, d’accueillir<br />
un camarade, de prendre l’air,…Cependant, il est<br />
parfois difficile pour certains résidents d’investir<br />
un même lieu en tant que lieu de<br />
vie et lieu d’activités, bien que cela<br />
permette d’être plus souple dans<br />
le déroulement de la journée. Par<br />
exemple, lorsqu’un résident à besoin<br />
de se calmer, ou lorsqu’il a<br />
besoin de repos, de part son traitement<br />
médical et/ou son âge,…<br />
Cela m’amène à évoquer la notion<br />
d’intimité. Ce terme évoque ce qui<br />
est personnel, privé,…On retrouve<br />
l’intimité dessinée dans l’espace, palpable et l’intimité<br />
abstraite qui touche l’essence de la personne.<br />
Le moment des toilettes renvoie également<br />
à l’intime, à la notion de pudeur. Je m’interroge<br />
beaucoup sur la façon dont les résidents peuvent<br />
ressentir, percevoir le moment de la toilette car<br />
sans aucun doute cela me renvoie à ma propre<br />
nudité. Mais ça n’est pas la mienne et ce que je<br />
peux juger bon pour moi ne l’est pas forcément<br />
pour les autres. Certains semblent y prendre du<br />
plaisir, d’autres le font par habitude, d’autres ont<br />
besoin d’être rassurés de part certaines angoisses<br />
(vision d’un corps morcelé),…<br />
Pour moi, il n’y a pas une sexualité mais des<br />
sexualités. Il faut reconnaître que dans les institutions,<br />
on n’échange pas spontanément sur la<br />
sexualité des personnes en situation de handicap.<br />
Dans certaines institutions, pour éviter d’en parler<br />
ou d’avoir à faire face à une grossesse, on impose<br />
La notion d’intimité<br />
renvoie aussi à la<br />
sexualité. Qui en parle?<br />
Comment? Quel<br />
regard porte l’institution<br />
sur la sexua-<br />
lité des résidents?<br />
impressions de stage<br />
Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />
comme condition d’entrée la contraception aux<br />
femmes!! Au Foyer « Le Haut Soret », la contraception<br />
n’est pas obligatoire mais semble être<br />
évoquée lors de l’entretien d’entrée avec la direction.<br />
Si les parents sont présents, cela permet de<br />
voir quel regard ils posent sur la sexualité de leur<br />
enfant. Ce qui est pertinent au foyer, c’est qu’il est<br />
proposé aux résidents des actions de prévention<br />
et d’information sur la sexualité et les maladies<br />
sexuellement transmissibles. Je n’ai pas eu l’occasion<br />
d’échanger directement avec les résidents sur<br />
leur sexualité mais certains évoquent leur relation<br />
amoureuse, plaisantent sur le sujet,…<br />
Les personnes rencontrées<br />
Certaines ont connu les E.S.A.T (Etablissements<br />
et services d’aide par le travail), d’autres les I.M.E<br />
(instituts médico-éducatifs), les I.M.Pro (instituts<br />
médico-professionnels), les hôpitaux psychiatriques<br />
ou encore la vie familiale. Avant de consulter<br />
leurs dossiers personnels (qui relatent leurs<br />
trajectoires sans pour autant donner d’indications<br />
médicales ou psychiatriques précises; ce qui est<br />
compréhensible au regard du secret médical mais<br />
parfois ressenti comme un manque<br />
face au désir de mieux appréhender<br />
certaines personnalités, pathologies),<br />
j’ai choisi d’apprendre<br />
à les connaître jour après jour (en<br />
partageant avec eux la vie de tous<br />
les jours: la toilette, les repas, les<br />
temps de détente, conflits,…) afin<br />
de pouvoir observer les possibilités<br />
de chacun, leurs envies, leurs<br />
comportements,… et afin de ne<br />
pas garder uniquement en mémoire des éléments<br />
passés et souvent retranscrits avec subjectivité.<br />
La découverte de certaines histoires de vie m’a<br />
parfois permis de mieux comprendre certains<br />
comportements, d’essayer d’être toujours vigilante<br />
dans les échanges que j’ai pu avoir avec eux<br />
et d’échanger avec l’équipe éducative. J’ai forcément<br />
été touchée par leurs histoires et je pense<br />
que l’équipe éducative est là pour les aider à composer<br />
chaque jour avec ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils<br />
vivent et ce à quoi ils aspirent.<br />
La vie en collectivité n’est pas toujours évidente<br />
lorsque cohabitent des personnes âgées de 23 à<br />
57 ans, des personnalités différentes, des personnes<br />
présentant des pathologies psychiatriques diverses,<br />
des personnes porteuses de trisomie 21,<br />
une personne malentendante qui présente des<br />
troubles du comportement, …<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Impressions<br />
de stage<br />
Aurore<br />
ZAMPIERI<br />
35
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Impressions<br />
de stage<br />
Aurore<br />
ZAMPIERI<br />
36<br />
impressions de stage<br />
Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />
La déficience<br />
La déficience est qualifiée de légère,<br />
moyenne ou profonde après<br />
passation de tests qui permettent<br />
d’évaluer le Quotient Intellectuel.<br />
Les résidents du F.A.S sont, pour la<br />
plupart, déficients mentaux légers<br />
(personnes pouvant acquérir des<br />
aptitudes pratiques, la lecture, ainsi<br />
que des notions d’arithmétique) ou<br />
moyens (personnes pouvant acquérir<br />
des notions simples de communication,<br />
des habitudes d’hygiène et<br />
de sécurité alimentaire, et une habileté<br />
manuelle simple. Ils semblent<br />
ne pouvoir acquérir aucune notion<br />
d’arithmétique et de lecture), selon<br />
une des classifications de l’Organisation<br />
Mondiale de la Santé. Cela<br />
dépend aussi de l’entourage et du<br />
degré de stimulation. Reste à savoir<br />
ce que l’on met derrière « notions<br />
simples de communication » et<br />
«habileté manuelle simple ».<br />
Les psychoses<br />
Il me semble nécessaire de souligner que la<br />
connaissance de ces maladies mentales n’est primordiale<br />
que si l’on a pris le temps de les connaître<br />
autrement, dans leur cadre de vie qui est<br />
aujourd’hui le leur, en gardant à l’esprit que rien<br />
est immuable.<br />
Je souhaite, avant de revenir sur les notions de<br />
déficience, de schizophrénie et de psychose, vous<br />
parler d’eux à ma façon. Une personne, un accueil:<br />
poignée de mains, regard en coin, silence,<br />
questionnements,… Cela ne vous rappelle rien? La<br />
plupart me teste: « je vais essayer de t’impressionner<br />
avec un regard noir et le bruit d’une chaise<br />
lancée à terre, j’essaierai d’obtenir de toi ce que<br />
je n’obtiens pas des autres, je te demanderai des<br />
choses et je vérifierai que tu tiens tes promesses,<br />
je tenterai de te séduire avec de jolis<br />
sourires et de tendres paroles »,…<br />
Toujours rien? « Une fois que je te<br />
sens stable, cohérente, je te donne<br />
à voir un peu plus de moi: mon rapport<br />
au corps (l’impression d’avoir<br />
un corps morcelé/support de mes<br />
maux), à la nourriture («nous sommes<br />
ce que nous mangeons»/prendre<br />
son temps lors de la mastication,<br />
ne pas se laisser envahir, dévorer<br />
pour parfois avoir l’impression d’être<br />
plein,..); mes obsessions ( l’heure,<br />
vérifier à de multiples reprises que<br />
ma porte soit bien fermée,…); mes moments de<br />
bonheur (la danse, la chanson, la sieste, un coup<br />
de fil, une lettre, le repas, le brushing, les goûters<br />
du vendredi,…); mes moments de tristesse,<br />
de tension, de colère (un coup de fil, une frustration,<br />
noël,…), mes talents (d’acteur, de chanteur,<br />
de danseur, linguistiques,…); mes relations (amicales,<br />
amoureuses, conflictuelles,…); mes modes<br />
de vie (isolement, besoin d’être entouré,…)».<br />
Les psychoses sont des altérations<br />
graves de la personnalité, entraînant<br />
des modifications profondes<br />
dans la relation du sujet au monde<br />
environnant et dans son appréhension<br />
de la réalité. Elles peuvent<br />
entraîner un sentiment de dépersonnalisation,<br />
une dissociation des<br />
processus de pensée, une reconstruction<br />
délirante du monde (exemple<br />
de X qui est persuadée qu’elle a<br />
eu plusieurs enfants et qu’on le lui a<br />
enlevé ou encore que son estomac<br />
va éclater dans la nuit suite à une<br />
prise trop importante d’alcool durant<br />
sa vie utérine). Il existe différentes<br />
sortes de psychoses dont fait<br />
partie la schizophrénie. Là encore, il<br />
en existe plusieurs formes mais on<br />
peut dégager quelques traits communs:<br />
la dissociation (fait éclater<br />
l’unité de la personne malade; on<br />
peut observer certains troubles mo<br />
Vous découvrirez,<br />
au fil de cette<br />
lecture, des personnes<br />
attachantes et<br />
surprenantes qui<br />
cohabitent au sein<br />
d’un même lieu de<br />
vie (F.A.S) et qui<br />
proviennent<br />
d’horizons différents.<br />
Partage d’une rencontre<br />
teurs comme des mimiques in<br />
habituelles, des stéréoty<br />
pies gestuelles,des impulsions motrices<br />
brutales, des troubles du langage<br />
comme les monologues, le<br />
mutisme ou les conversations difficiles,…),<br />
des troubles du cours de la<br />
pensée qui peut paraître désordonnée,<br />
décousue,…, des troubles de<br />
le vie affective (désintérêt pour le<br />
monde extérieur, mépris de la loi,…)<br />
et le délire (le sujet perçoit un sentiment<br />
d’étrangeté à lui-même et<br />
au monde qui l’entoure, ceci peut<br />
s’accompagner d’hallucinations visuelles,<br />
auditives,…).<br />
Il faut souligner que la plupart des<br />
résidents suivent un traitement<br />
composé de neuroleptiques ou antipsychotiques<br />
et de tranquillisants<br />
depuis un laps de temps assez important<br />
et cela contribue à stabiliser<br />
leur comportement.<br />
J’ai choisi de vous parler de Clara.<br />
Clara est une jeune femme de trente ans, de taille<br />
moyenne, masculine dans sa démarche et dans sa<br />
coiffure mais féminine dans ses tenues vestimentaires.<br />
C’est quelqu’un qui ne se maquille jamais.<br />
Elle est issue d’une famille de sept enfants. Son<br />
père est mort suite à un cancer (je n’ai pas plus<br />
d’informations à ce sujet). Clara n’était pas une<br />
enfant désirée. Lorsqu’elle était enceinte de Clara,<br />
sa mère a amorcé une démarche d’avortement,<br />
qu’elle a interrompu en plein milieu. Les sept enfants<br />
ont été placés en famille d’accueil. Clara<br />
l’était avec une de ses sœurs.<br />
Durant sa vie au sein de la famille<br />
d’accueil, Clara a subi un traumatisme<br />
important. Elle avait peur de<br />
tomber dans la cuvette des toilettes<br />
et faisait de ce fait ses besoins à côté.<br />
« En guise de sanction », la femme<br />
de la famille d’accueil lui faisait manger<br />
ses excréments ou lui plongeait la<br />
tête dans les toilettes.<br />
Clara a également vécu une période<br />
en institut médico-éducatif. Puis, elle<br />
a intégré le foyer d’hébergement « Le<br />
Haut Soret » en 1998 au sein d’un<br />
foyer d’établissements et de services d’aide par le<br />
travail (F.E.S.A.T). Ella a donc connu le travail en<br />
E.S.A.T avant d’intégrer le foyer d’accueil spécialisé<br />
en 2002. Clara a intégré le F.E.S.A.T avec cette<br />
« phobie » des toilettes. Il y a eu un travail entrepris<br />
à ce sujet avec Clara et lors de mon arrivée au<br />
F.A.S, cette phobie semblait ne plus exister. A ce<br />
jour, elle n’a plus aucun contact avec sa famille.
Lors de ma première visite au F.A.S, Clara s’est<br />
approchée de moi, m’a salué et m’a dit: « Tu viendras<br />
voir ma chambre comme elle est bien rangée!<br />
». J’ai accepté son invitation sans hésiter. Et déjà,<br />
je pénétrais chez elle, dans son espace privé et<br />
donc dans une partie de son intimité. Je découvre<br />
alors une chambre peu personnalisée, rangée avec<br />
minutie, voire maniaquerie. En effet, rien ne traînait,<br />
rien ne dépassait, même ses tiroirs étaient<br />
organisés. Clara semblait fière de me montrer son<br />
« chez elle ». J’avais l’impression d’un besoin de<br />
maîtrise de l’espace, de son environnement.<br />
Pourquoi avait- elle ce besoin de ranger comme<br />
cela? Qu’est-ce qui l’a amené à m’inviter<br />
dans son espace?<br />
Peu de temps après le début de mon stage, je<br />
m’aperçois que cette invitation pouvait être destinée<br />
à d’autres personnes, qui sont toujours des<br />
membres du personnel éducatif ou des agents des<br />
services intérieurs.<br />
C’est une personne qui échange peu avec les<br />
autres résidents, sauf lorsque ces derniers ont un<br />
comportement qui lui déplait (« Il est curieux<br />
celui là! » ou encore<br />
« Elle va se taire, oui! »). Elle communique plus<br />
facilement avec tous les adultes qui travaillent au<br />
sein du foyer.<br />
Personne n’a mis de nom sur sa pathologie et je<br />
n’ai pas la prétention de le faire. Clara est une<br />
femme qui est souvent dans de longs monologues<br />
répétitifs qui laissent transparaître le désir d’un<br />
ailleurs.<br />
Ces monologues sont toujours dits en présence<br />
de quelqu’un et/ou dans un endroit stratégique du<br />
pavillon, comme si ils étaient destinés à être écoutés,<br />
ou au moins entendus. C’est une personne qui<br />
s’adresse aux autres résidents en utilisant la troisième<br />
personne du singulier et qui semble mettre<br />
en scène différents personnages.<br />
Une partie du personnel éducatif n’entendait plus<br />
ses monologues car très répétitifs, parfois dérangeants.<br />
Comme si ces derniers faisaient partie du<br />
décor. Peut être une certaine routine s’était installée<br />
chez certains…<br />
J’arrivais avec un regard nouveau et la chance<br />
d’être attentive à tout ce qui se passait autour<br />
de moi. Pour moi, ces monologues représentaient<br />
une échappatoire, un moyen de mettre en mots<br />
sa souffrance, peut être un mécanisme de défense<br />
qui s’est installé,…<br />
Pour l’équipe éducative, il y avait nécessité de travailler<br />
sur le principe de réalité avec Clara. Ce avec<br />
quoi je n’étais pas toujours d’accord. En effet,<br />
quel(s) regard(s) portait on sur elle? Au nom de<br />
quelle réalité? N’a-t-on plus le droit de rêver, de<br />
s’évader? Pour moi, ses monologues n’étaient pas<br />
malsains ou encore sanguinaires. Ils lui permet-<br />
impressions de stage<br />
Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />
(« J’ pourrai acheter un camping car? Avec tous<br />
les produits pour faire le ménage? ») ;<br />
Assez proche (à la question:<br />
« Où aimerais tu aller avec ce camping car? »,<br />
elle répond: « A Woippy »);<br />
Une volonté d’être autre, de pouvoir faire seule («<br />
J’sais me débrouiller toute seule, y’aura pas de<br />
problème. Tu peux pas me dire que j’suis pas<br />
capable de me débrouiller toute seule. Je sais<br />
ranger, faire la vaisselle, oui, oui »);<br />
Une inquiétude quant à son départ en retraite dans<br />
trente ans (« y’aura un camion de déménageurs<br />
pour transporter tous mes meubles? J’pourrai<br />
emmener tous mes meubles, oui, oui…Y’aura<br />
pas de problème »);<br />
Une hésitation entre le monde enfantin et le monde<br />
adulte (« Les landaus, c’est pour les petites<br />
filles. J’pourrai m’acheter un CD? Y’en a des<br />
C.D comme ça au Cora? T’as vu comme j’ai bien<br />
brossé mes dents? » dit- elle en les montrant);<br />
Une façon implicite de mettre en mots sa souffrance<br />
(« Les enfants, y faut s’en occuper, y faut les<br />
changer, leur donner à manger, les mettre sur<br />
les toilettes avec un rehausseur pour pas qui<br />
tombent dedans… Les petites filles »).<br />
taient de construire du rêve et d’exprimer indirectement<br />
sa souffrance. J’ai eu l’occasion d’échanger<br />
avec elle au sujet du camping car en lui demandant<br />
si elle avait une idée du prix de ce dernier ou si elle<br />
savait qui allait le conduire. Elle me répondait parfois:<br />
« C’est cher » et « C’est X qui le conduira<br />
». Elle semblait avoir par moments une certaine<br />
conscience de ces réalités. Je ne la confortais pas<br />
dans ses monologues mais j’essayais d’en apprendre<br />
plus sur ses rêves, ses désirs, son histoire.<br />
Je souhaite revenir sur cette hésitation entre le<br />
monde « enfantin » et le monde adulte. Il se pourrait<br />
que cette hésitation soit pour une part entretenue<br />
par l’institution elle-même. En effet, les règles<br />
qui régissent la vie en communauté (manger<br />
à telle heure, se lever à telle heure, ne pas avoir le<br />
droit de,…) peuvent renforcer la vision qu’a Clara<br />
d’elle même lorsqu’elle se perçoit comme une enfant,<br />
toujours de façon ambiguë.<br />
Clara passe la majeure partie de son temps libre à<br />
balayer. Elle le fait toujours dans un endroit stratégique<br />
du pavillon, dans un lieu de passage: le<br />
couloir, l’entrée, la salle à manger,…On retrouve ce<br />
besoin de maîtriser l’environnement, l’espace. Je<br />
me suis interrogée sur ce besoin permanent d’être<br />
en activité et sur les rôles qu’elle occupe actuellement.<br />
Je tiens à rappeler que Clara a travaillé en E.S.A.T.<br />
Elle accomplit les tâches d’une femme d’intérieur<br />
et c’est peut être pour elle un moyen de se sentir<br />
utile, de produire quelque chose ou encore de se<br />
maintenir « en vie », de ne pas craquer.<br />
Clara vient spontanément dans le bureau et de façon<br />
régulière. Elle ne s’installe jamais à la même<br />
place (dans un coin, au centre, à mes côtés,…), ce<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Impressions<br />
de stage<br />
Aurore<br />
ZAMPIERI<br />
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n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Impressions<br />
de stage<br />
Aurore<br />
ZAMPIERI<br />
38<br />
impressions de stage<br />
Partager le Plaisir d’Une rencontre<br />
qui n’a pas le même impact. Elle est capable de me<br />
regarder pendant de longues minutes, sans parler<br />
et avec un regard fort, dur, triste et figé. Celui-ci<br />
m’a, dans les premiers temps, mis plus d’une fois<br />
mal à l’aise. Au début, j’essayais de faire autre<br />
chose et je n’en suis pas fière. Puis, je soutenais<br />
son regard, par là même sa souffrance. J’étais une<br />
oreille silencieuse, empathique. Elle m’a appris à<br />
accepter le silence, à l’entendre et à lui donner du<br />
sens.<br />
C’est une personne qui semble apprécier d’être<br />
entourée. Elle n’est jamais seule durant la journée.<br />
Lors de l’ouverture de la salle d’hygiène<br />
chaque matin, elle était présente et<br />
regardait les autres se faire coiffer<br />
ou encore maquiller et remettait les<br />
choses en place après mon passage.<br />
Elle ne souhaitait pas être coiffée ou<br />
qu’on touche à son visage. Jusqu’au<br />
jour ou elle me demanda: « Tu peux<br />
me mettre de la laque dans les cheveux? ». Ce<br />
que je fis avec plaisir et avec soin de lui montrer<br />
le résultat dans la glace afin de lui renvoyer<br />
une image d’elle-même et d’amorcer un travail sur<br />
l’estime de soi, la conscience de soi.<br />
Les instants où Clara accepte de laisser de côté<br />
ses monologues et son balai, lui permettent de<br />
s’ouvrir à autre chose, de se laisser aller. Je cite<br />
en exemple mon premier jour de stage durant lequel<br />
j’ai pu danser avec elle et entendre son rire<br />
sincère et naturel. Merci Clara.<br />
Au moment de partir…<br />
Comment leur dire au revoir? Pas évident…<br />
Le tout, qui n’est pas rien, c’est à la fois de ne pas<br />
minimiser le départ et de ne pas le dramatiser…<br />
J’ai pu constater que l’on se sépare différemment<br />
avec chaque personne: certaines comptent les<br />
jours et disent « qu’après, c’est fini »; une autre<br />
relativise et dit: « tu sais, moi je suis pas triste<br />
que tu partes. Tu peux avoir confiance en nous, on<br />
va s’en sortir. Et puis tu va continuer ta vie, ta vie<br />
de femme »; une autre pleure à l’abri des regards<br />
et me dit que « c’est fini, ça y est » tout en me faisant<br />
un câlin et d’autres soulignent le fait « qu’on<br />
mangera un gâteau et boira un coup ».<br />
Comment leur parler de mon « passage » au sein<br />
de cette structure, de ces rencontres? Il m’a paru<br />
important le jour «J» de leur signifier qu’ils m’ont<br />
permis d’arriver chaque matin avec le sourire. Celui<br />
qui fait qu’on souhaite être toujours capable<br />
d’avoir un regard critique sur certaines considérations<br />
ou certains actes, celui qui conforte notre<br />
choix professionnel et qui fait qu’il est difficile de<br />
« Elle m’a appris à<br />
accepter le silence,<br />
à l’entendre et à lui<br />
donner du sens ».<br />
reprendre le rythme de l’I.R.T.S.<br />
Dernier lever: toujours cette odeur de pain grillé,<br />
ces regards endormis, ce sentiment que c’est le<br />
dernier jour et que je ne peux rien y changer.<br />
Dernière réunion sur le pavillon: je me rends<br />
compte que je m’accroche aux choses que les résidents<br />
savent faire, que je les tire vers le haut.<br />
C’est parfois une qualité et parfois une oeillère.<br />
J’évoque cela car l’équipe éducative envisage une<br />
réorientation pour un résident qui, suite à un accident<br />
vasculaire cérébral, éprouve de réelles difficultés<br />
dans les actes de la vie quotidienne. C’est<br />
pour cela qu’ils vont demander une<br />
orientation en foyer d’accueil médicalisé.<br />
Je pensais que plus on l’aiderait<br />
dans les actes de la vie quotidienne,<br />
plus il se laisserait aller. Mais<br />
quelque part n’est-ce pas lui faire<br />
violence que de le laisser s’énerver<br />
lors du repas lorsqu’il est confronté à de nouvelles<br />
limites? (par exemple lorsqu’il tente d’ouvrir un<br />
pot de yaourt et qu’il trouve que cela ne va pas<br />
assez vite). C’était loin d’être un débat simple car<br />
ce résident a tendance à se laisser aller et parvient<br />
parfois à accomplir des actes lorsqu’il est déterminé.<br />
Je m’accrochais au fait que quand il veut, il<br />
peut. Mais n’est-ce pas aussi lui faire violence que<br />
de trop le stimuler? Qu’en pense t-il lui?<br />
16h00: pot de départ. Je les regarde tous et<br />
me remémore une anecdote avec chacun d’entre<br />
eux. Tour d’horizon des visages. Quelle surprise!<br />
Madame X, qui ne sort que très rarement de sa<br />
chambre, est présente. J’étais venu la voir dans<br />
sa chambre la veille et lui avait signifié que sa présence<br />
me ferait plaisir. Gâteaux et boissons font le<br />
bonheur de tous. Petit discours: les mots avaient<br />
du mal à sortir et le discours que j’avais préparé<br />
est parti aux oubliettes. Les seuls mots qui sont<br />
sortis sont ceux évoqués dans le deuxième paragraphe.<br />
Dernier dîner pris avec eux: absence d’appétit;<br />
prolongation de ce moment, rires. Petit tour au<br />
bar du foyer afin de saluer les autres résidents de<br />
l’établissement et d’échanger encore une parole,<br />
un regard, un sourire avec eux.<br />
22h00: le pavillon 6 est presque totalement endormi;<br />
je fais le tour des chambres et leur dit une<br />
dernière fois bonne nuit. Dans le bureau, je laisse<br />
mon trousseau de clés.<br />
22h20: Au revoir petit pavillon!!! Et merci. Un<br />
ailleurs m’attend, d’autres rencontres, d’autres richesses…<br />
Aurore ZAMPIERI
Je suis éducatrice,<br />
D’habitude j’écris des bilans sur les jeunes<br />
et avec eux…<br />
Je suis une professionnelle<br />
Qui porte la responsabilité du groupe de jeunes<br />
Que j’ai encadré ce samedi 23 juin…<br />
Mais aujourd’hui<br />
Je ressens en mère cette douleur<br />
Et il n’y a pas pire<br />
Que de perdre son enfant.<br />
Je ne peux qu’écrire des mots<br />
Qui sont si peu de choses<br />
Mais j’ai besoin de le dire :<br />
C’était sensé être une superbe journée<br />
Pleine de joie et de plaisir.<br />
Karl a été souriant et heureux<br />
Avec ses copains du groupe.<br />
Il était bien à Elan<br />
Il se découvrait beaucoup de nouvelles ressources.<br />
C’est injuste ce qui est arrivé…<br />
Et je n’ai rien pu faire.<br />
Mais la relation d’aide auprès des jeunes<br />
C’est aussi ne pas avoir peur de la Vie.<br />
J’ai envie de continuer mon boulot<br />
Et j’assumerai qu’il n’y a pas d’accompagnement<br />
et d’éducation sans risque.<br />
Karl, je ne pourrai jamais t’oublier.<br />
Martine<br />
Merci à Michèle, collègue et amie, pour<br />
sa participation à cet écrit, et sa présence<br />
auprès de moi.<br />
L’an passé, au début de l’été un accident tragique coûtait<br />
la vie à un jeune homme dont le parcours éducatif<br />
avait croisé celui des autres jeunes accueillis par l’équipe<br />
éducative du centre ELAN, dans le cadre d’un projet de<br />
remobilisation sociale et scolaire. Karl, 17 ans, a été victime<br />
d’un malaise lors d’une baignade dans le lac de<br />
Serre-Ponçon.<br />
Quelques mois plus tard, une de ses éducatrices a ressenti<br />
le besoin d’écrire son désarroi et sa douleur d’éducatrice<br />
et de mère. Peut-être nous aidera-t-elle à mieux<br />
percevoir la dimension humaine de la relation éducative<br />
et ses incertitudes.<br />
Peut-être suscitera-t-elle chez vous le<br />
besoin de partager avec elle l’émotion<br />
et les interrogations qu’une telle situation<br />
peut provoquer.<br />
vivre avec L’inacceptabLe<br />
qUatre mois aPrès<br />
vivre avec<br />
L’inacceptabLe<br />
« Vivre, c’est survivre à un<br />
enfant mort»<br />
Jean Genet<br />
Quatre mois après...<br />
Au moment de l’accident, j’ai pensé ne jamais pouvoir<br />
retourner sur les lieux du drame. Bien au contraire, fin<br />
août , j’ai éprouvé ce besoin : revoir la personne responsable<br />
des pédalos, la plage, m’est apparu comme<br />
une nécessité pour avancer dans mon cheminement de<br />
deuil. En pensée, je revois très souvent la scène. Quand<br />
je retourne sur place, je la revis. Pendant l’enterrement,<br />
en tant que mère, en tant que femme, en tant qu’éducatrice,<br />
j’ai eu envie d’aider la maman de Karl et j’ai<br />
pensé que j’en étais capable. J’ai senti que nous avions<br />
à partager. En octobre, j’ai donc spontanément, naturellement,<br />
recontacté la maman. Il me semble qu’elle a<br />
besoin de ce lien avec la dernière personne qui a vu son<br />
fils, en vie, heureux. Cela fait aussi partie de son travail<br />
de deuil, et j’ai envie de l’accompagner. J’ai le sentiment<br />
que notre rythme et nos intuitions cheminent parallèlement.<br />
Ce lien nous soutient et nous est indispensable.<br />
J’écris «nous» mais je suis consciente que ma souffrance<br />
est peu de chose par rapport à celle des parents. Je ne<br />
me reconnais pas le droit de me plaindre. J’ai le devoir<br />
d’assumer ce qui est de ma responsabilité.<br />
Ma période de deuil me parait loin d’être achevée, la<br />
douleur est encore lancinante. Pourtant, après m’avoir<br />
entourée et soutenue pendant une semaine, mes collègues<br />
et ma hiérarchie, ne me sollicitent plus pour savoir<br />
comment je vais vraiment, apprendre où j’en suis de<br />
mes réflexions , de mes doutes, de mes ressentis.....<br />
Discrétion ? Fragilité ? Peur ? Indifférence ?...<br />
J’aimerais tant partager, pouvoir avancer ensemble, et<br />
qui sait recevoir et apporter de l’aide, mais je n’ai pas<br />
envie de demander. Je crois que mon travail d’éducatrice<br />
est à présent coupé en deux, l’avant et l’après mort de<br />
Karl. Je suis allée à la piscine avec les jeunes sans être<br />
terrorisée. Par contre, je me retrouve plus affolée dans<br />
«les sports à dépassement», parfois appelés» à risque.<br />
J’essaie de faire un travail sur la prise de risque des adolescents<br />
en général et de nos adolescents en difficultés,<br />
c’est encore vague. Comment prendre de la distance,<br />
comment travailler avec eux sans avoir peur, quand on<br />
sait que le fonctionnent des adolescents est proche des<br />
conduites à risques. Comment les aider à les mesurer,<br />
les penser, les trier et mesurer nos limites ?<br />
Je crois au travail d’équipe, à l’importance de la parole,<br />
de la réflexion, de l’échange, menés ensemble pour<br />
avancer et s’étayer. Je refuse la solitude face aux événements<br />
traumatiques.<br />
Cet écrit est juste un reflet actuel de mes états<br />
d’âme, de mes émotions. Je sais qu’il est brut, sans<br />
analyse. J’aimerais que vous me communiquiez les<br />
réflexions que vous auront peut être inspirées ces<br />
quelques lignes.<br />
Martine CLOATRE<br />
Educatrice spécialisée<br />
Au séjour de rupture du centre Elan.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Tribune libre<br />
Vivre avec<br />
l’inacceptable<br />
Martine<br />
CLOATRE<br />
39
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays<br />
limitrophes<br />
La personne<br />
porteuse d’un<br />
handicap<br />
et son<br />
environnement<br />
Jean-Marc<br />
LOUIS<br />
Inspecteur de<br />
l’éducation<br />
nationale<br />
40<br />
Alluvions<br />
Rapports - Recherches<br />
Congrès national et pays limitrophes<br />
la personne porteuse d’un<br />
handiCap et<br />
son environnement :<br />
L’association GEIST21 de<br />
Moselle, sous l’égide de sa<br />
présidente Cécile MICHEL,<br />
a organisé un colloque qui<br />
a réuni des parents, des<br />
enfants, des enseignants,<br />
des travailleurs sociaux et<br />
des chercheurs en éducation<br />
pour réfléchir ensemble<br />
à l’intégration des jeunes<br />
porteurs de handicap<br />
dans le milieu scolaire ou<br />
professionnel ordinaire.<br />
Nous vous proposons les textes<br />
des interventions des représentants<br />
de l’Inspection Académique<br />
de la Moselle lors du <strong>10</strong><br />
novembre 2007.<br />
La première intervention est<br />
celle de Jean-Marc Louis, inspecteur<br />
de l’éducation nationale<br />
et conseiller technique<br />
de l’Inspecteur d’Académie de<br />
la Moselle pour les questions<br />
d’adaptation et de scolarisation<br />
des élèves handicapés.<br />
L’intégralité des interventions<br />
sera disponible<br />
prochainement sur le nouveau<br />
site du CMSEA, sous la<br />
rubrique<br />
«SIEGE – DIRECTION<br />
PEDAGOGIQUE»<br />
Rapports - Recherches<br />
Ensemble pour un projet de vie réussi<br />
Les lois de 2002 et de 2005<br />
qui définissent une nouvelle<br />
politique du handicap vont<br />
générer une profonde mutation<br />
des rapports entre les<br />
professionnels du soin et de<br />
l’éducation et les parents<br />
d’enfants handicapés.<br />
On a, je pense, dépassé l’image<br />
du parent portée par les approches<br />
psycho-dynamiques des années<br />
70 (je pense ici notamment<br />
à Bettelheim, à Maud Mannoni…)<br />
qui considéraient les familles<br />
comme pathogènes, marquées<br />
de dysfonctionnements dont il<br />
fallait protéger l’enfant handicapé<br />
parce que, par leur souffrance,<br />
les deuils non opérés, l’espoir<br />
porté parfois par une pensée magique,<br />
elles aggravaient le handicap<br />
empêchant tout progrès.<br />
Ces parents étaient eux-mêmes<br />
perçus comme des patients, «<br />
objets » de soins, face auxquels<br />
il fallait afficher une neutralité affective.<br />
Longtemps cela a constitué, et ce<br />
peut l’être encore, ce que Bachelard<br />
appelait un « obstacle épistémologique<br />
» empêchant toute<br />
évolution du regard porté sur les<br />
parents. Si le travail mené dès<br />
l’annonce du handicap, cet accompagnement<br />
nécessaire (qui<br />
peut ici ou là manquer et qui est<br />
à penser encore) aidant les parents<br />
à s’accepter soi-même face<br />
au handicap de leur enfant, à<br />
opérer les deuils nécessaires, à<br />
renforcer leur Moi affecté, si ce<br />
travail conduit de plus en plus à<br />
Organisé par GEIST21 de MOSELLE<br />
les reconnaître dans leur parentalité<br />
avec tout ce que cela comporte<br />
de droits, de considération<br />
et de respect, il est encore loin<br />
le moment où leur compétence<br />
face au handicap est reconnue<br />
par l’ensemble des professionnels<br />
du soin et de l’éducation, où<br />
l’expertise parentale est agréée<br />
et acceptée.<br />
Certes, il existe des parents qui<br />
ne pourront jamais qu’être accompagnés.<br />
Mais cela signifie-til<br />
qu’ils n’ont rien à dire sur leur<br />
enfant, sur son handicap auquel<br />
ils sont confrontés dans ce qu’on<br />
appelle la vie quotidienne ? Cette<br />
parole, qui n’apporte certes pas<br />
autant que celle dite experte (<br />
en sommes-nous si sûr ?) n’at-elle<br />
pas de valeur; elle qui tout<br />
au moins parle d’un enfant en<br />
vie, j’entends par là qui n’a rien<br />
d’abstrait, de théorique, de stéréotypé<br />
qui n’est pas cet enfant<br />
de laboratoire émanant d’observations<br />
subjectives dont la généralisation<br />
peut parfois relever de<br />
l’erreur , du scandale déontologique<br />
voire moral même ? Tout<br />
est peut-être dans l’humilité de<br />
l’écoute professionnelle qui seule<br />
peut saisir, au-delà des mots maladroits,<br />
incomplets, ce qui est<br />
signifiant pour l’enfant et faire de<br />
ces parents des partenaires reconnus<br />
tout au moins dans leur<br />
identité.<br />
Certes, il existe des parents pathogènes,<br />
incapables de surmonter<br />
leur souffrance, qui sont dans
le déni, dans l’illusion, parfois hélas dans le rêve.<br />
Mais cela doit-il justifier pour autant qu’ils doivent<br />
être tenus écartés du discours collectif à plusieurs<br />
voix qui doit apporter réponse aux besoins de l’enfant<br />
handicapé, qui doit actualiser les exigences<br />
posées par le concept d’éducabilité de la personne<br />
handicapée, lequel fonde la nécessité de l’action et<br />
de l’espérance partagée?<br />
J’ai prononcé le mot partage. Il pose dans son<br />
fondement la question du lien fonctionnel qui doit<br />
régir les rapports entre les différents acteurs du<br />
handicap (je n’aime pas le mot « acteur » car il<br />
sous-entend que quelque part il y aurait devant<br />
le handicap, des spectateurs. Ce qui ne peut être<br />
parce que c’est une réalité qui doit entraîner la<br />
mobilisation de tous).<br />
On parle très souvent de partenariat. C’est l’intitulé<br />
de votre colloque. Permettez-moi là encore de<br />
dire combien ce mot me dérange. Le partenariat<br />
se définit par une action commune<br />
portée par une finalité partagée.<br />
Certes. Mais rien n’oblige à ce que<br />
les objectifs le soient. Je prends<br />
toujours pour exemple, pour faire<br />
comprendre ma réticence à l’idée<br />
de partenariat dans le contexte<br />
du handicap, de manière générale<br />
dès qu’il s’agit de l’humain,<br />
ces kermesses qui égayent la fin<br />
d’année de nos écoles. Nos directeurs<br />
et directrices recherchent<br />
toujours des partenariats. Ici ce<br />
sont des lots, là des nappes recouvrant<br />
les tables qui vont les concrétiser. Bien<br />
souvent ces objets portent le logo de quelque société,<br />
de quelque organisme bancaire, considérés<br />
comme « partenaires ». Certes, la banque locale<br />
partage avec l’école la finalité de l’opération qui est<br />
la fête, rassembler parents et enfants autour de la<br />
vie de l’école. Mais les objectifs ne sont pas, quant<br />
à eux, forcément partagés. Et ne le sont assurément<br />
pas. L’Ecole aura pour objectif de montrer le<br />
travail de l’année, de créer une convivialité autour<br />
d’elle. L’organisme bancaire, au-delà de tout esprit<br />
de mécénat, aura pour objectif, disons pour arrière<br />
pensée, de faire sa publicité. Les objectifs sont<br />
donc différents dans le partenariat et cela me gêne<br />
dans le contexte de l’accompagnement de l’enfant<br />
handicapé. Ce sont ces objectifs différents, ces attentes<br />
différentes, avouées ou implicites qui sont<br />
à la source des incompréhensions, des différends<br />
Congrès national et pays limitrophes<br />
« On parle très souvent<br />
de partenariat. C’est l’intitulé<br />
de votre colloque.<br />
Permettez-moi là encore<br />
de dire combien ce mot<br />
me dérange<br />
[...] C’est la raison pour<br />
laquelle je préfère parler<br />
de « co-responsabilité »<br />
hélas parfois préjudiciables à cet enfant.<br />
C’est la raison pour laquelle je préfère parler de «<br />
co-responsabilité ». Cette notion implique engagement,<br />
tolérance, décentration de soi en même<br />
temps qu’elle s’inscrit dans une éthique, voire une<br />
morale. Dans la co-responsabilité, c’est la raison<br />
qui doit l’emporter, non l’intérêt, la passion,<br />
l’émotion dussent-ils être compréhensibles à défaut<br />
d’être justifiés. La co-responsabilité donne à<br />
chacun des acteurs son identité propre, elle définit<br />
aussi la nécessité d’un partage. Et quel est ce<br />
partage ?<br />
C’est ce que j’appellerai le « sacré », c’est-à-dire<br />
cet ensemble de valeurs qui font l’humanité et que<br />
quelque part doit porter chaque institution. Ce sacré,<br />
en l’occurrence, est ici la personne handicapée<br />
dans sa réalité humaine, dans son handicap,<br />
dans sa chair et son âme, en ce qu’elle est par<br />
là un semblable à chacun de nous, en ce qu’elle<br />
a les mêmes droits que nous, notamment celui<br />
d’être, au sens philosophique du<br />
terme, le droit à la dignité aussi<br />
et surtout. Et ce sacré doit prendre<br />
le pas sur le « profane » que<br />
constituent l’ensemble des règles<br />
et modes de fonctionnement<br />
propres à chacun des acteurs du<br />
handicap, que constitue la culture<br />
mais aussi les objectifs propres à<br />
chacun d’eux.<br />
Avoir le sacré pour finalité implique<br />
l’actualisation de notions<br />
aussi importantes que reconnaissance<br />
de l’autre, de son expertise,<br />
engagement, coopération, association, écoute et<br />
soutien mutuel. Le profane seul veut dire repli sur<br />
soi, sur ses prérogatives, ses cadres et ses repères,<br />
enfermement, non écoute et refus de l’autre<br />
mais surtout suffisance, vue étroite des choses<br />
voire narcissisme professionnel et systémique qui<br />
ne peuvent que desservir les besoins d’un être qui<br />
n’existe que par sa globalité, sa complexité. La coresponsabilité<br />
implique la subordination du profane<br />
au sacré, met le profane au service du sacré qui<br />
devient sa finalité. Le sacré est la réalité partagée,<br />
le profane est la réalité expliquée, négociée permettant<br />
d’identifier le service rendu par chacun et<br />
de baliser les relations.<br />
C’est ce qui me conduit aussi à remettre en cause<br />
le concept de culture partagée. Elle ne peut être<br />
ce me semble et ce ne me paraît pas souhaitable<br />
chacun devant garder sa propre culture.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays<br />
limitrophes<br />
La personne<br />
porteuse d’un<br />
handicap<br />
et son<br />
environnement<br />
Jean-Marc<br />
LOUIS<br />
Inspecteur de<br />
l’éducation<br />
nationale<br />
41
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays<br />
limitrophes<br />
La personne<br />
porteuse d’un<br />
handicap<br />
et son<br />
environnement<br />
Jean-Marc<br />
LOUIS<br />
Inspecteur de<br />
l’éducation<br />
nationale<br />
42<br />
Congrès national et pays limitrophes<br />
Tout cela n’est certes pas facile. La co-responsabilité<br />
ainsi définie implique quelque part la nécessité<br />
pour chacun d’une désinstitutionnalisation tout<br />
au moins partielle et provisoire de sa culture professionnelle,<br />
plus globalement une ouverture des<br />
institutions pour favoriser un regard sur le réel<br />
de proximité, favoriser aussi l’émergence d’une<br />
pensée environnementale et complexe. La co-responsabilité<br />
rend aussi nécessaire le dépassement<br />
d’obstacles qui constituent pour beaucoup, hélas,<br />
un frein puissant à un accompagnement pluriel<br />
partagé: je ne parlerai ici que du jugement de valeur<br />
souvent porté sur l’autre, la question du pouvoir,<br />
le refuge dans des territoires privilégiés au<br />
nom de qualifications spécifiques, de prérogatives<br />
fonctionnelles, de déontologies parfois surannées,<br />
de cultures propres, le protectionnisme institutionnel,<br />
la tentation du dire au détriment du faire ou<br />
bien encore la déshumanisation des logiques de<br />
systèmes qui tendent à suppléer les institutions.<br />
Tout cela est à dépasser.<br />
La méthodologie de la co-responsabilité est encore<br />
à inventer. Cela nécessite à mon sens une révolution<br />
dans les représentations de l’autre, dans les<br />
modes et les contenus de communication, beaucoup<br />
de pédagogie entre les acteurs de l’accompagnement<br />
de l’enfant ou de l’adolescent handicapé<br />
pour mieux se connaître certes mais aussi<br />
pour mieux connaître celui-ci. Connaître, étymologiquement<br />
naître ensemble. Y-a-t-il plus belle<br />
image, cette co-naissance, pour définir l’essence<br />
de cette co-responsabilité qui n’est en effet très<br />
souvent, face à toute personne handicapée qui est<br />
unique de par son être, par son histoire, que le<br />
partage de l’ignorance, du doute, de la conscience<br />
de la relativité de toute théorisation, de la relativité<br />
de nos expériences en tout état de cause<br />
de la fragilité de nos certitudes. Mais l’essence<br />
de cette co-responsabilité, cette co-naissance est<br />
aussi partage de l’espérance et de la conviction de<br />
la valeur de l’action. Etre co-responsables, c’est<br />
ainsi naître ensemble dans nos fonctions respectives<br />
devant ce défi à chaque fois renouvelé, à<br />
chaque fois originel et original qu’est l’accompagnement<br />
de l’enfant ou de l’adolescent handicapé.<br />
Oui, cette co-naissance est le fondement de cette<br />
co-responsabilité qui seule saura dépasser ce qui<br />
n’est qu’architecture pour privilégier l’humain au<br />
travers de réponses ambitieuses aux besoins et<br />
droits de la personne handicapée, faisant fi du fatalisme,<br />
du renoncement. C’est là un défi sociétal<br />
ouvrant sur un nouveau paradigme devant traverser<br />
à la fois les professionnalités concernées et la<br />
notion de parentalité.<br />
Jean-Marc LOUIS<br />
Inspecteur de l’Education Nationale<br />
Conseiller technique de l’Inspecteur d’Académie de la<br />
Moselle pour les questions d’adaptation et de scolarisation<br />
des élèves handicapés
Congrès national et pays limitrophes<br />
« la sColarité de l’enfant<br />
porteur d’un handiCap mental »<br />
En préambule à cette intervention, je souhaite évoquer avec vous aujourd’hui un petit garçon rencontré<br />
en septembre 1984 alors que jeune enseignante sortie depuis deux ans de l’Ecole Normale j’étais<br />
nommée à Metz, rue Mazelle, à l’Ecole de perfectionnement aujourd’hui fermée. Ce petit garçon m’a<br />
m’appris au moins trois choses qui ont été fondamentales durant toute cette année scolaire partagée<br />
au quotidien, et au-delà de ces quelques mois, de manière bien plus profonde pour la construction de<br />
mon métier<br />
d’enseignante :<br />
• la découverte de la Trisomie 21 dans le vécu de la classe au jour le jour,<br />
• la nécessité de l’adaptation des pratiques pédagogiques,<br />
• la nécessité également de construire chez l’élève le désir d’apprendre, de créer sa motivation, de<br />
l’encourager à se dépasser.<br />
Je tenais à l’en remercier devant vous à l’occasion de ce colloque.<br />
La scolarité suppose un degré d’exigence nécessaire<br />
d’une part à l’acquisition de ce que Philippe Perrenoud<br />
a appelé le « métier d’élève », par ailleurs<br />
à la construction des apprentissages. Voyons ensemble<br />
quels en sont les grands principes.<br />
Le premier de ces principes est sans conteste la<br />
place de l’évaluation. Je voudrais insister sur le fait<br />
que cette évaluation sera fondamentale pour d’une<br />
part donner de la valeur aux difficultés tout comme<br />
aux potentiels de l’élève, ses fragilités, ses centres<br />
d’intérêt, mais également pour réaliser un suivi<br />
de ses progrès, en différentes étapes temporelles<br />
: quotidienne dans les aspects de tous les jours,<br />
plus différée, par période ou par trimestre selon les<br />
compétences que l’on évalue ; et d’autre part pour<br />
contribuer à la structuration du Soi, la structuration<br />
des acquis cognitifs.<br />
On utilise pour cela les outils d’évaluation nationaux<br />
autant que possible, pour le premier degré<br />
celles du langage en grande section, puis le CE1,<br />
puis le CM2, au collège les évaluations 6ème et<br />
celles que peuvent constituer les épreuves du CFG<br />
par exemple, les référentiels des CAP, etc.<br />
On utilisera ensuite des outils plus spécifiques,<br />
ceux qui sont disponibles via les maisons d’édition<br />
ou certaines collections qui proposent des batteries<br />
de tests parfaitement appropriées pour ce qui<br />
concerne les domaines disciplinaires, comme le<br />
français ou les mathématiques. En particulier on<br />
veillera aux domaines spécifiques que sont l’espace,<br />
le temps et la connaissance du corps.<br />
On utilisera enfin des outils personnalisés et adaptés<br />
au cas par cas, pour ce qui concerne la méthodologie,<br />
et toutes les attitudes correspondant aux<br />
savoir-faire construisant l’autonomie. Il importe<br />
de ne surtout pas occulter ces compétences dites<br />
transversales qui relèvent in fine des attitudes incontournables<br />
par lesquelles un enfant apprend<br />
son métier d’élève. La part réservée à l’estime de<br />
soi et la confiance en soi nécessite une attention<br />
permanente.<br />
Parler de scolarité pour l’enfant porteur d’un handicap mental, ce qui est l’intitulé de mon intervention, représente<br />
selon les situations un enjeu, des défis, une chance, de tout cela un peu, mais également la nécessité d’imaginer<br />
des perspectives à long terme, ce qui est pour le moins complexe. Le handicap mental, et notamment la trisomie 21,<br />
comporte de nombreuses particularités dont les plus spécifiques sont qu’il est multiforme, qu’il comporte des degrés<br />
d’atteinte variables, et surtout que le désir d’apprendre doit être constamment soutenu sinon l’enfant peut aller vers<br />
un tranquille bonheur d’être, avec les autres, tout simplement, ou juste pour soi, au lieu d’entrer dans la dynamique<br />
de l’apprentissage avec ce qu’elle comporte d’efforts à fournir, de difficultés à dépasser. Complexe également sera<br />
le fait d’imaginer jusqu’à quel niveau de scolarité on va pouvoir le pousser et le solliciter, vers quelle qualification<br />
professionnelle, et au-delà, vers l’autonomie de vie.<br />
Sur le document de présentation du colloque, on trouve la terminologie d’ « enfant, de personne, d’usager ». Ceci<br />
n’est pas anodin. Parler de l’enfant, de la personne c’est convoquer l’ici et le maintenant, la réalité du sujet. Parler<br />
de scolarité, c’est faire apparaître une facette nouvelle, différente, et qui va être à construire, c’est celle de l’élève,<br />
et au-delà, de l’écolier, du collégien, du lycéen. Au bout de la démarche on va trouver le « travailleur » titulaire d’une<br />
qualification professionnelle, comme un CAP ainsi que l’intervention de Mr Hotton cet après midi nous le montrera.<br />
Parler de l’élève c’est également évoquer la part fondamentale de l’affectif dans la relation pédagogique, ainsi que<br />
mon élève de 1984 a pu me l’apprendre, la valeur de la qualité de la relation, la nécessité de rassurer, d’apprivoiser<br />
pour que l’élève porteur d’un handicap accepte la contrainte de l’apprentissage.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays<br />
limitrophes<br />
La scolarité de<br />
l’enfant porteur<br />
d’un handicap<br />
mental<br />
Fabienne<br />
RAMOND<br />
Conseillère<br />
pédagogique<br />
43
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays limitrophes<br />
La scolarité de<br />
l’enfant porteur<br />
d’un handicap<br />
mental<br />
Fabienne<br />
RAMOND<br />
Conseillère<br />
pédagogique<br />
44<br />
Congrès national et pays limitrophes<br />
Il ne s’agit pas de tout évaluer, ni d’évaluer en<br />
permanence. Mais dans le contexte actuel de scolarisation<br />
des élèves handicapés, la question de<br />
la norme se pose d’une manière différente de<br />
celle de l’évaluation au sens négatif. Elle s’assimile<br />
bien plutôt au repérage de ce qui fonctionne<br />
bien, des domaines dans lesquels l’élève est en<br />
réussite afin que cette scolarisation se passe au<br />
mieux. Il va s’agir d’accompagner l’évolution de<br />
l’élève, de repérer les tous petits progrès qui peuvent<br />
être d’immenses pas en avant, une sorte de<br />
«cap franchi». Il importe de garder une idée de sa<br />
progression qui peut être tellement lente parfois<br />
qu’à l’aune d’une année scolaire on peut ne pas<br />
forcément la repérer et en conséquence céder à<br />
une forme de découragement dû à l’impression<br />
que cela « n’avance pas ».<br />
Par ailleurs ces évaluations seront fondamentales<br />
en ce qu’elles vont permettre de construire le projet<br />
de l’élève, c’est-à-dire de définir les objectifs,<br />
les modalités de la scolarité, et ce, quel que soit<br />
le niveau de scolarité dans lequel on se situe, de<br />
la maternelle à l’enseignement supérieur le cas<br />
échéant.<br />
Le second principe découle directement du<br />
concept de projet ainsi que de l’évaluation, il<br />
concerne l’élaboration du projet individualisé de<br />
l’élève, dans ses objectifs et ses modalités.<br />
En premier lieu envisageons l’aspect des objectifs.<br />
Ils seront fixés en référence aux contenus des<br />
programmes officiels des premier et second degré,<br />
CAP, CFG, selon les situations et les potentiels<br />
des élèves, mais pour ce qui concerne le handicap<br />
mental et a fortiori la trisomie 21, on s’appuiera<br />
sur les objectifs définis par les programmes de la<br />
maternelle, ce, en cas de première scolarisation<br />
même plus tard éventuellement car on sait combien<br />
ces objectifs initiaux contiennent de concepts<br />
fondamentaux dans la construction des acquis cognitifs.<br />
Ces objectifs seront adaptés et individualisés.<br />
Adaptés, car seront repérés les objectifs utiles et<br />
correspondant aux capacités réelles de l’élève. Individualisés,<br />
en fonction de ses compétences, sans<br />
forcément tenir compte du critère de l’âge car on<br />
sait combien étendu peut être le décalage entre<br />
l’âge réel et le niveau ou plutôt l’âge des compétences<br />
scolaires en cas de déficience intellectuelle.<br />
On visera a minima l’acquisition de la lecture, de<br />
l’écriture, des bases mathématiques, qui sont les<br />
1 PPS<br />
2 AVS<br />
3 SESSAD<br />
4 ZPD, voir Lev Vigotsky<br />
vecteurs d’une véritable socialisation, ce qui signifie<br />
l’accès au monde, aux autres, à la communication<br />
orale et écrite. Ces compétences, leur acquisition,<br />
leur développement optimum sont vecteurs<br />
également d’une forme de<br />
« pouvoir » au monde, au sens de la compréhension<br />
de ce monde et de l’autonomie dans ce monde,<br />
au sens aussi de<br />
« je suis capable de…, je peux… » jusqu’à « je<br />
peux me débrouiller seul ». Ainsi la construction<br />
de repères et de cadres pour être dans ce monde<br />
sont-ils fondamentaux.<br />
Observons maintenant les modalités de scolarisation.<br />
Elles sont déterminées par le projet pédagogique<br />
individualisé pour ce qui concerne les<br />
apprentissages, et cela au sein même d’un projet<br />
plus global qui est le projet personnalisé de<br />
scolarisation. Ce projet 1 dans sa globalité définit<br />
différents aspects plus techniques que les aspects<br />
uniquement pédagogiques concernant la scolarité,<br />
comme le mode de scolarisation dans tel ou tel<br />
dispositif, la quotité de fréquentation, l’attribution<br />
d’aides matérielles comme le matériel pédagogique<br />
adapté, ordinateur portable, loupes le cas<br />
échéant, etc, ou d’aides humaines avec les auxiliaires<br />
de vie scolaires 2 , le suivi par certains services<br />
de soin à domicile 3 , l’adaptation des conditions<br />
d’examen, etc.<br />
On voit ainsi que ce second principe est celui qui<br />
donne le cadre de fonctionnement de cette scolarité<br />
dans ses aspects multidimensionnels, de<br />
ses contenus d’apprentissage tout comme de ses<br />
conditions de réalisation, de manière très concrète.<br />
Le troisième et dernier principe que je développerai<br />
aujourd’hui est celui qui est « du côté de l’enseignant<br />
». J’ai évoqué en préambule la nécessité<br />
d’adapter les pratiques pédagogiques, j’y reviens<br />
à présent avec force pour dire toute l’importance<br />
de maintenir au nom des besoins éducatifs particuliers<br />
des élèves un degré d’exigence raisonné tel<br />
qu’il puisse « tirer les élèves vers le haut », vers<br />
leur zone de plus proche développement 4 , le plus<br />
loin possible, tout en individualisant les parcours<br />
et en respectant les rythmes d’apprentissage. On<br />
mesure bien là quelle délicate architecture le pédagogue<br />
élabore au sein du projet pédagogique<br />
individualisé, la part d’inventivité et d’ouverture<br />
que cela nécessite pour donner des perspectives<br />
réalisables en terme de progression, pour don-
ner envie de faire des progrès, pour accompagner<br />
les difficultés, les lenteurs et les dépasser. Au-delà<br />
des objectifs d’acquisition des connaissances de<br />
base, je voudrais souligner une part trop souvent<br />
mésestimée ou passée sous silence, celle qui<br />
concerne l’importance de développer la créativité<br />
chez les élèves porteurs de trisomie 21, la place<br />
fondamentale des activités artistiques et surtout la<br />
place du corps dans les apprentissages. C’est une<br />
des raisons pour laquelle j’ai été particulièrement<br />
sensible au spectacle de danse que nous avons eu<br />
le bonheur de découvrir en initiale à ce colloque.<br />
On a pu mesurer tous les niveaux d’investissement<br />
artistique et corporel, comme la mémorisation des<br />
différents enchaînements, le travail corporel dans<br />
les évolutions, qui sont des réelles compétences<br />
cognitives. Primordial aussi l’aspect affectif, dans<br />
le fait de participer à une réalisation collective, et<br />
surtout le fait d’oser se produire devant un public,<br />
le plaisir d’y parvenir, la fierté d’être reconnu et<br />
applaudi. Je me permettrai encore de les féliciter<br />
de cette création et dire toute l’importance que<br />
revêt ce travail global.<br />
En conclusion, évoquons ce que suppose la scolarité<br />
de l’élève porteur d’un handicap mental. En<br />
premier lieu, et ce de manière encore plus affirmée<br />
depuis la Loi de février 2005, la co-responsabilité<br />
des adultes autour de l’élève. Ainsi ses parents.<br />
Ensuite les professionnels de l’ Education Nationale,<br />
l’enseignant de classe dans les écoles ou les<br />
établissements, ses collègues de l’équipe pédagogique,<br />
les directeurs et chefs d’établissements ;<br />
l’enseignant référent, ce nouveau professionnel<br />
instauré depuis la Loi de février 2005 et qui a dans<br />
ses missions, entre autres, le suivi de la mise en<br />
œuvre du PPS par le biais des équipes de suivi de<br />
la scolarisation pour les élèves handicapés de son<br />
secteur ; les psychologues scolaires pour le premier<br />
degré, les conseillers d’orientation-psychologues<br />
dans le second degré, les médecins scolaires<br />
et de PMI, les membres des services sociaux.<br />
Et également les professionnels de la santé, des<br />
services, au sein de la Commission des Droits et<br />
de l’Autonomie des Personnes Handicapées de la<br />
Maison Départementale des Personnes Handicapées<br />
, qui analyse le dossier, fait des préconisations<br />
au travers de la mise en place du PPS.<br />
N’oublions pas l’élève lui-même, dès lors qu’en<br />
fonction de son parcours, de son âge et de ses<br />
propres compétences il peut être associé et entendu,<br />
soutenu, partie prenante et même force de<br />
proposition de son propre projet, personnel, scolaire<br />
et plus tard, professionnel.<br />
Congrès national et pays limitrophes<br />
La scolarité de l’élève porteur d’un handicapé<br />
mental comporte donc pour la communauté éducative<br />
comme pour l’élève lui-même un enjeu fort,<br />
celui d’un réel travail d’équipe, du dialogue, de la<br />
parole partagée autour du projet de l’élève, pour<br />
qu’il soit le plus adapté possible, qu’il véhicule des<br />
perspectives dynamisantes. Elle pose ainsi le défi<br />
d’un regard neuf et positif sur le devenir de cet<br />
élève, non pas dans une approche centrée sur ses<br />
manques et ses difficultés même s’ils sont réels et<br />
qu’il ne faudrait pas les occulter, mais surtout par<br />
ses richesses et ses potentialités qui ne demandent<br />
qu’à être décelées, valorisées et optimisées.<br />
Une chance à créer, pour aller le plus loin possible,<br />
vers la qualification et l’insertion professionnelle,<br />
vers une vie la plus autonome possible plus tard.<br />
Fabienne RAMOND<br />
Conseillère pédagogique pour l’adaptation et la scolarisation<br />
des élèves handicapés en Moselle<br />
Retrouvez l’intégralité des interventions prochainement<br />
sur le nouveau site du CMSEA, sous<br />
la rubrique<br />
«SIEGE – DIRECTION PEDAGOGIQUE»<br />
Retrouvez Rive.s sur le<br />
nouveau site du CMSEA :<br />
www.<strong>cmsea</strong>.asso.fr<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Congrès<br />
national et<br />
pays<br />
limitrophes<br />
La scolarité de<br />
l’enfant porteur<br />
d’un handicap<br />
mental<br />
Fabienne<br />
RAMOND<br />
Conseillère<br />
pédagogique<br />
45
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
46<br />
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
proCora,<br />
les enjeux du référentiel d’activité<br />
Le projet de recherche-action mené dans le cadre d’un programme européen Leonardo da<br />
Vinci est arrivé dans sa dernière phase, celle de la structuration des données et des acquis<br />
par l’intermédiaire d’un référentiel d’activité relatif aux échanges transnationaux.<br />
Valentine TAGU, stagiaire du Master «Ingenierie des politiques publiques et sociales» et dont<br />
vous avez déjà pu lire les commentaires dans le dernier numéro de RIVE.S, fait le point ici<br />
sur les enjeux d’un tel référentiel, autour duquel se concentrent maintenant bon nombre des<br />
préoccupations des travailleurs sociaux et des formateurs en terme d’évaluation, de contrôle,<br />
d’instrumentalisation par les procédures…<br />
la création d’un référentiel<br />
L’objectif du programme PROCORA<br />
Le programme PROCORA est un programme de recherche-action<br />
qui vise à la construction d’un référentiel<br />
de pratiques dans le domaine des échanges<br />
internationaux. Ce référentiel se veut tout d’abord<br />
un outil de régulation des pratiques.<br />
Le modèle choisi pour structurer le référentiel a<br />
été emprunté au pédagogue français Philippe MEI-<br />
RIEU, professeur à l’université de Lyon, et présenté<br />
dans un article intitulé «Quelles finalités<br />
pour l’action et la formation?» 1 . Celui-ci considère<br />
la pédagogie sous trois angles, indissociables: la<br />
technicité (les outils à disposition pour agir), la<br />
connaissance (les savoirs en sciences de l’éducation,<br />
sciences humaines, droit etc.), et les valeurs<br />
(les croyances, les idéologies). Meirieu considère<br />
qu’un éducateur doit toujours avoir à l’esprit ces<br />
trois pôles. L’un des écueils de la plupart des référentiels<br />
actuellement est justement de ne privilégier<br />
qu’un seul pôle, souvent celui de la technicité,<br />
ce qui donne des référentiels très prescriptifs au<br />
niveau des outils, des manières de faire, mais qui<br />
oublient de se référer à des connaissances, donc<br />
1 in Sciences Humaines, n° 76, octobre 1997<br />
qui risquent de les figer dans le temps, et à des<br />
valeurs, qui donnent du sens à ce qu’on fait.<br />
Toute la difficulté du travail des chercheurs, dans<br />
le programme PROCORA, est donc d’aider les travailleurs<br />
sociaux à se situer sur les trois pôles.<br />
Certains éducateurs, en particulier l’équipe française,<br />
avaient en effet tendance à se situer exclusivement<br />
sur celui de la technicité, en faisant<br />
valoir des techniques apprises en formation ou par<br />
leur expérience. D’autres se référaient beaucoup à<br />
de systèmes de valeurs, notamment la religion en<br />
ce qui concerne l’équipe polonaise, très imprégnée<br />
de catholicisme. Il s’agit alors de donner d’autres<br />
clefs pour analyser le travail éducatif, et permettre<br />
à chaque professionnel de considérer autrement la<br />
façon dont il agit avec les jeunes.<br />
Ce référentiel s’inscrit dans une conception de formation<br />
tout au long de la vie. Il est appelé à servir<br />
de support à un processus de validation des acquis<br />
de l’expérience et des compétences, et à être inscrit<br />
dans le système ECVET (système européen<br />
de crédits capitalisables et transférables pour la<br />
formation professionnelle).
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
Le public auquel se référentiel est destiné se compose de:<br />
• Personnes titulaires d’un diplôme professionnel de travail social<br />
• Etudiants en formation alternée pour la validation de leurs stages<br />
• Salariés non diplômés qui interviennent dans les dispositifs de prévention<br />
spécialisée et qui souhaitent engager une formation professionnelle<br />
• Volontaires qui interviennent dans ces dispositifs, hors statut salarial mais qui<br />
souhaitent en faire une orientation professionnelle.<br />
Ainsi, ce programme veut apporter des outils de<br />
formation et de validation des compétences que<br />
les systèmes nationaux, du fait de leurs disparités,<br />
ne sont pas en mesure de construire actuellement.<br />
Le référentiel se veut un outil souple, adaptable à<br />
des situations diverses, capable de préserver l’hétérogénéité<br />
des situations sociales tout en créant<br />
un cadre commun d’intervention sur un secteur<br />
particulièrement sensible: celui de l’exclusion sociale<br />
et culturelle.<br />
Les enjeux<br />
Enjeux de la reconnaissance des savoirs et<br />
apprentissages<br />
non formels/informels<br />
L’identification et la validation de l’éducation et de<br />
la formation non formelles et informelles sont utiles<br />
aux apprenants. Elles contribuent à l’intégration<br />
sociale, à la capacité d’insertion professionnelle<br />
ainsi qu’au développement et à la mobilisation<br />
des ressources humaines dans les contextes civique,<br />
social et économique. Elles répondent également<br />
aux besoins spécifiques des personnes qui<br />
cherchent à s’intégrer ou à se réintégrer dans le<br />
monde de l’éducation et de la formation, dans le<br />
marché du travail et dans la société. De plus en<br />
plus de jeunes sortent des systèmes de formation<br />
sans qualification. Les phénomènes de décrochage<br />
sont particulièrement aigus, notamment en<br />
France. Développer les procédures de validation<br />
permettra de mieux accueillir ces jeunes lorsqu’ils<br />
reviendront en formation continue et de leur offrir<br />
des programmes qui prennent en compte leur expérience.<br />
Les connaissances acquises de manière non formelle<br />
étant également retenues, il faut assurer<br />
une multiplicité de voies d’acquisition des certifications,<br />
ce qui signifie repenser le moyen d’acquérir<br />
des diplômes et de voir reconnaître ses compétences.<br />
L’école n’est pas le seul moyen, et certifier<br />
des compétences ne se limite pas à certifier des<br />
formations. Un système de certification doit repenser<br />
la relation entre formation, certification et<br />
pratique professionnelle. Par ailleurs, les formations<br />
et qualifications proposées par le système<br />
éducatif ne sont plus toujours considérées comme<br />
apportant des gages de performance dans les emplois<br />
auxquels elles préparent. A l’inverse, il est<br />
attendu du système éducatif qu’il puisse qualifier<br />
des personnes ayant fait leurs preuves sur des<br />
terrains d’expérience. Au cœur de ces problématiques<br />
figure la question de la professionnalisation<br />
et du développement des compétences.<br />
Tout le monde reconnaît que l’expérience est productrice<br />
de savoirs. La question récurrente est<br />
celle de sa validation et de sa reconnaissance<br />
sociale. Le fait d’intégrer aux négociations sur la<br />
formation professionnelle continue la validation<br />
des acquis de l’expérience peut être analysé comme<br />
une véritable révolution culturelle, en France<br />
mais certainement aussi dans d’autres pays d’Europe.<br />
Cela signifie que le dispositif de formation<br />
continue n’est pas le seul moyen pour maintenir<br />
et accroître ses compétences. C’est reconnaître<br />
d’autres champs de développement personnel et<br />
social, que l’entreprise, si elle le souhaite, peut<br />
mobiliser. La place de la VAE est donc paradoxale<br />
dans notre société: ainsi, on considère qu’il faudra<br />
de plus en plus naviguer entre le travail et<br />
la formation dans nos sociétés technologiques en<br />
pleine mutation et pourtant le dossier sur la validation<br />
des acquis était resté secondaire dans les<br />
négociations sociales en France. Quoi qu’il en soit,<br />
la validation des acquis de l’expérience représente<br />
un outil intéressant pour favoriser le passage et<br />
les allers-retours entre la formation et le travail<br />
en intégrant l’ensemble des temps sociaux de l’individu:<br />
le développement des procédures de validation<br />
des acquis signifie à terme la reconnaissance<br />
de mécanismes d’apprentissages propres à<br />
différentes activités professionnelles ou sociales,<br />
voire familiales, à différents lieux (l’école, le travail,<br />
l’environnement social et familial...), à différents<br />
processus d’apprentissage l’autoformation<br />
par exemple).<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
Les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
Tagu<br />
47
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
dans le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
48<br />
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
Le CMSEA<br />
relève le défi<br />
Les jeunes<br />
de l’équipe<br />
de prévention<br />
et<br />
leurs hôtes<br />
allemenads,<br />
dans la cage<br />
d’escaliers<br />
du célèbre<br />
café<br />
Tachles, rue<br />
Orianburger<br />
à Berlin :<br />
plusieurs<br />
étages<br />
consacrés à<br />
l’art alternatif<br />
libre.<br />
RL.<br />
Arrivés à Berlin pour une semaine de sport<br />
et de culture, huit adolescents sarregueminois,<br />
accompagnés de deux éducateurs<br />
de l’équipe de prévention spécialisée du<br />
CMSEA, ont été accueillis par une dizaine<br />
de jeunes Allemands. Objectif : courir ensemble<br />
le semi-marathon de Berlin... et<br />
le finir ! Mais aussi découvrir la ville, ses<br />
habitants, et son ambiance inoubliable.<br />
Mission accomplie, sur tous les points.<br />
Tous ont fini la course de 21,095 km en<br />
moins de 2 h 30. Parmi 19 000 coureurs...<br />
Meilleurs temps du groupe à deux millièmes<br />
d’écart, Adel et Florian ont bouclé en<br />
I h 42. Steve est arrivé 9 390e en 2 h 03,<br />
et Joffrey 12 000e en 2 h 30. « Ça a été<br />
une expérience formidable pour la course<br />
», concède Joffrey.<br />
« Rencontrer des jeunes d’une autre<br />
culture, et échanger à tous les niveaux,<br />
c’était le deuxième défi », explique Hocine<br />
Boutoubat, leur éducateur. Immersion<br />
réussie dans le bain culturel, si l’on en<br />
croit les jeunes. « Les gens sont supersympas.<br />
A Berlin, on se sent libre. Moi,<br />
je ne voulais plus rentrer ! », s’exclame<br />
Steve. Ils ont pourtant dû s’y résoudre,<br />
jeudi soir. Valises à peine posées, ils rêvent<br />
de cet ailleurs qui les a charmés. « Si<br />
on pouvait repartir ? Pas de problème, je<br />
prépare tout de suite mes bagages ! »<br />
De nouveaux acteurs dans le processus d’apprentissage<br />
et de<br />
certification<br />
Un des défis les plus importants à relever dans la mise au point<br />
et la mise en œuvre d’ECVET est également la diversité, l’atomisation<br />
voire, dans certains pays, la fragmentation des systèmes<br />
de formation et d’enseignement professionnels en Europe. Les<br />
autorités compétentes, les organisations et les acteurs impliqués<br />
peuvent être très nombreux et d’une extrême diversité. Leurs<br />
interventions peuvent concerner la définition des certifications,<br />
des modalités d’évaluation et de validation des acquis, la fixation<br />
des objectifs de formation, la détermination du nombre et<br />
du contenu des unités et le nombre de points de crédit, la mise<br />
en œuvre des programmes de formation, etc. Peuvent intervenir<br />
des prestataires très différents : ministères (de l’éducation,<br />
de l’emploi, de l’agriculture, etc.), agences, branches professionnelles,<br />
entreprises, partenaires sociaux, chambres de commerce,<br />
organisations non gouvernementales, etc. Dans certains<br />
cas, une autorité nationale accrédite ou habilite des prestataires<br />
de formation ou d’autres intervenants pour la conception et<br />
la délivrance des certifications, des points de crédit, etc. Dans<br />
d’autres cas, ces fonctions peuvent être décentralisées au niveau<br />
des régions, voire des prestataires. Comme pour le dispositif<br />
de formation continue, le danger de l’ «usine à gaz» guette<br />
la validation des acquis de l’expérience. Il y a en effet un risque<br />
d’instrumentation des procédures par plusieurs institutions,
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
qui passé un stade, aurait pour conséquence de<br />
brouiller l’ensemble du dispositif et de rendre caduque<br />
la transférabilité des reconnaissances. Pire,<br />
la complexité du dispositif accroîtrait les inégalités<br />
dans la mesure où les plus diplômés et formés utiliseraient<br />
ce dispositif dans un objectif de changement<br />
de trajectoire professionnelle.<br />
Au regard de cette hétérogénéité qui entretient<br />
les obstacles à la coopération transnationale, plusieurs<br />
initiatives communautaires ont récemment<br />
marqué des avancées dans le développement de<br />
principes partagés :<br />
• l’adoption de principes européens communs dans<br />
le domaine de l’assurance de la qualité ;<br />
• l’adoption de principes européens communs sur<br />
l’identification et la validation des acquis des apprentissages<br />
non formels et informels.<br />
Cependant le manque récurrent de confiance mutuelle<br />
et de coopération entre les organismes compétents<br />
et autres acteurs impliqués dans les systèmes<br />
de formation et de certifications freinent,<br />
voire empêchent le développement d’initiatives<br />
propres à apporter des solutions aux différents<br />
problèmes que posent le transfert et la validation<br />
des acquis des apprentissages.<br />
La notion de « compétences »<br />
L’usage du mot compétence est désormais inscrit<br />
dans les discours, les politiques et les pratiques. En<br />
France, cette notion a été développée par Philippe<br />
ZARIFIAN. La compétence est devenue un outil de<br />
gestion pour le suivi des apprentissages à l’école.<br />
Elle est un reflet des représentations dominantes.<br />
On y écrit qu’avec la compétence, l’individu est<br />
invité à se libérer de ses attaches catégorielles<br />
et à déployer son «potentiel». Des injonctions à<br />
l’autonomie, à la responsabilité, à l’initiative, à la<br />
flexibilité, à la mobilité s’expriment. Nous passons<br />
d’un monde où la qualification et l’acquisition de<br />
compétences passent du champ collectif au champ<br />
individuel. Chacun est maintenant chargé d’entretenir<br />
et de développer ses propres compétences<br />
au risque de tomber dans une déchéance d’abord<br />
professionnelle puis sociale. Les raisons de cette<br />
déchéance ne seront plus à rechercher dans le<br />
contexte social du moment mais dans des parcours<br />
plus ou moins bien menés individuellement,<br />
puisque chacun devient le «manager» de sa propre<br />
vie. La notion d’employabilité interroge l’individu<br />
quant à sa responsabilité dans la gestion de<br />
l’écart entre ses compétences et celles attendues.<br />
Dans ce contexte de nombreuses tensions sociales<br />
se font jour.<br />
L’instabilité du marché du travail et l’instabilité<br />
des situations de travail proprement dites ne font<br />
qu’accentuer la prise en compte des compétences.<br />
Les employeurs ont besoin de plus en plus<br />
de personnes sachant s’adapter, ayant aussi des<br />
compétences transférables. Il faut non seulement<br />
développer des compétences pour un emploi donné,<br />
mais aussi des compétences pour pouvoir<br />
changer d’emploi ou pour pouvoir évoluer à l’intérieur<br />
d’un emploi. Il faut non seulement savoir ce<br />
que l’on peut faire mais ce que l’on pourrait faire.<br />
La qualification à une tâche, un métier ou encore<br />
à une fonction a été progressivement construite<br />
à travers l’expérience, la négociation collective<br />
et parfois grâce à la loi. La qualification définit<br />
une capacité professionnelle et structure une hiérarchie<br />
professionnelle. Ces dernières décennies,<br />
devant les évolutions rapides de l’organisation des<br />
entreprises, les Directions des Ressources Humaines<br />
ont tenté d’individualiser les parcours professionnels<br />
et d’échapper aux contraintes imposées<br />
par les accords sur les qualifications. A côté des<br />
qualifications, elles ont introduit la notion de compétences<br />
transversales, nommées aussi compétences<br />
clés. Ces compétences correspondent aux<br />
comportements exigés par les nouvelles conditions<br />
du travail et de l’insertion dans une société de la<br />
connaissance. Bien des compétences sont certes<br />
liées à des comportements, mais une compétence<br />
clé a une caractéristique essentielle : être transférable<br />
d’une activité à une autre. Une fois acquise<br />
dans un contexte donné, elle peut être mobilisée<br />
dans un nouveau contexte.<br />
Le concept de compétence est actuellement très<br />
utilisé dans toutes les directives nationales ou<br />
européennes. Ce qui est en jeu également avec la<br />
notion de compétence est surtout la question de<br />
l’employabilité. Ces vingt dernières années, l’idée<br />
d’une insertion comme un état de fait qui serait<br />
atteint une fois pour toutes dès que le travailleur<br />
aurait trouvé une «place fixe» est devenue de façon<br />
croissante un leurre, car les réaménagements<br />
fréquents des emplois ne garantissent plus une<br />
telle stabilité à vie.<br />
Enjeux des référentiels<br />
Les véritables réponses aux problèmes de l’identification<br />
et de la définition des compétences semblent<br />
résider dans la construction de référentiels<br />
de compétences.<br />
Force est de constater d’entrée de jeu que<br />
construire des référentiels entraîne de nombreuses<br />
difficultés. Pareille construction va rencontrer<br />
la dichotomie entre le travail prescrit et le travail<br />
réel et poser ainsi la question de la rencontre entre<br />
la théorie et la pratique. Une autre difficulté<br />
surgira dans la construction d’un référentiel : l’anticipation<br />
et l’évolution des compétences. Le référentiel<br />
devra alors idéalement prendre en compte<br />
les changements et les fluctuations. Finalement,<br />
c’est à nouveau beaucoup de relativité qui sera<br />
introduite par la difficulté qu’il y a à construire un<br />
référentiel.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
Les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
49
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
Les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
50<br />
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
La construction d’un référentiel introduira aussi<br />
inévitablement les questions de sa légitimité<br />
et de sa légitimation. On pourra légitimer la<br />
construction d’un référentiel de compétences<br />
en ayant recours à l’expertise. C’est un premier<br />
moyen. La mise en situation de la personne<br />
pourra être considérée comme une bonne méthode<br />
pour légitimer la construction d’un référentiel<br />
de compétences.<br />
La mise en place de partenariats dans les<br />
constructions de référentiels semble constituer<br />
l’un des meilleurs moyens de légitimation. Ces<br />
partenariats pourront recourir au monde associatif<br />
plutôt qu’au monde académique et ainsi<br />
assurer une légitimation par la base. La question<br />
du dialogue et de la confiance entre partenaires<br />
(notamment les partenaires sociaux) se<br />
posera évidemment ici.<br />
Construire des référentiels de compétences<br />
peut se faire de diverses manières. On trouvera<br />
des méthodes de construction à partir de référentiels<br />
types où des arbitrages sont à effectuer<br />
entre les éléments présents. On pourra alors viser<br />
à une synthèse des éléments restants, voire<br />
à une standardisation dans la construction de<br />
référentiels. Les partenariats amèneront une<br />
touche de concret, de réel, de pratique dans la<br />
construction des référentiels, par rapport aux<br />
constructions académiques. Enfin, les individus<br />
peuvent devenir eux-mêmes des experts dans<br />
la construction de référentiels. En utilisant des<br />
référentiels provenant de la loi ou de normes<br />
européennes, les individus pourront adapter ces<br />
référentiels à des sous-niveaux se rapportant à<br />
des ensembles sociologiques ou géographiques<br />
particuliers. Ils adapteront ainsi une norme supérieure<br />
aux réalités locales. Il subsistera un<br />
risque de retomber sur de la relativité dans ce<br />
cas, d’où la nécessité du maintien de référentiels<br />
internationaux. La façon dont aujourd’hui<br />
on construit certains référentiels, rappelle quand<br />
même curieusement les audits. Ne rigidifions<br />
pas trop les systèmes de référentiels, le grand<br />
risque étant qu’on rentre dans une taylorisation<br />
de ces référentiels alors que justement, et paradoxalement,<br />
la gestion par les compétences<br />
avait pour objet de faire sortir de la taylorisation<br />
et non plus de reconnaître les compétences sur<br />
les emplois mais reconnaître les compétences<br />
sur les individus. Si on fige trop les choses dans<br />
les référentiels, on va revenir à un système de<br />
classification le plus traditionnel possible.<br />
proCora,<br />
et la notion d’inovation<br />
Actuellement, il se développe un certain nombre de<br />
discours sur l’innovation. L’innovation est associée<br />
à l’idée d’originalité, de nouveauté. Elle est mise en<br />
avant par les institutions comme une «vitrine». Il y<br />
a même une sorte d’injonction de la part des pouvoirs<br />
publics à innover. Cette injonction répond à un<br />
impératif de modernité, très présent dans notre société.<br />
Luc BOLTANSKI et Eve CHIAPELLO ont montré<br />
dans leur ouvrage Le nouvel esprit du capitalisme 2<br />
que notre société actuelle est «une cité par projet».<br />
Dans cette cité, le projet, donc la nouveauté, est<br />
très valorisé. Toutes les forces convergent vers un<br />
projet puis, lorsque celui-ci se termine, elles se tournent<br />
vers un autre. Le «grand» est alors celui qui<br />
sera capable de multiplier les projets, et d’en mener<br />
plusieurs de front, qui est dynamique. L’innovation<br />
va trouver son cadre d’action dans l’institution. Elle<br />
y puise les ressources, les dispositifs et les obstacles<br />
grâce auxquels elle va pouvoir se stabiliser. Car<br />
ce qui fait tout d’abord d’un projet une innovation,<br />
c’est sa durée, la manière dont le processus s’inscrit<br />
dans l’institution. L’innovation, loin de constituer une<br />
révolution, s’installe progressivement, sur le long<br />
terme.<br />
L’innovation produit inévitablement des changements.<br />
Dans le cadre d’action qui nous intéresse, le<br />
travail social, une innovation aura des répercussions<br />
sur les pratiques professionnelles. En cela, la création<br />
d’un référentiel de pratiques, qui a pour principe<br />
la mise à plat des façons de faire des travailleurs<br />
sociaux, risque fort de modifier les façons de travailler<br />
des différents professionnels investis dans<br />
le projet. Schumpeter parle de l’innovation comme<br />
d’une «création destructrice». En effet, l’innovation<br />
amène un changement, au prix de l’abandon, peutêtre,<br />
d’un certain nombre de pratiques. Mettre en<br />
place un projet «innovant» suppose donc une prise<br />
de risque consentie par l’ensemble des acteurs. Il y<br />
a tout d’abord un risque économique: on ne sait pas<br />
ce que l’innovation va coûter, ni ce qu’elle va apporter.<br />
Il y a toujours un risque de décalage entre ce<br />
que les financeurs ont misé et les résultats obtenus.<br />
Puis, l’innovation représente un risque pour les acteurs<br />
sociaux, ceux-ci ne sachant pas toujours quel<br />
rôle adopter, ni avec quel degré s’investir. Dans Le<br />
nouvel esprit du capitalisme, Boltanski explique que<br />
le «grand» est celui qui est flexible, qui sait s’adapter.<br />
En ce qui concerne l’organisation des institutions,<br />
l’innovation tente de tirer partie des incertitudes<br />
qui les traversent, alors que l’institution tente<br />
2 BOLTANSKI Luc, CHIAPELLO Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
par tous les moyens de réduire ces incertitudes.<br />
Ainsi, l’innovation est marquée par cette notion<br />
d’incertitude, d’instabilité, de flou. Elle cherche à<br />
se stabiliser dans une institution, mais ce processus<br />
est long. Les acteurs doivent accepter de naviguer<br />
en eaux troubles pendant quelques temps,<br />
pour trouver, peut-être, quelque chose de positif<br />
à la fin. Boltanski parle en ce sens d’un «monstre<br />
prometteur». L’enjeu d’un programme comme<br />
PROCORA consiste justement à rassembler les divers<br />
acteurs autour de la notion de risque: chacun<br />
doit être partie prenante pour changer ses pratiques,<br />
et donc accepter une remise en cause de ses<br />
routines. Les tentations de crispations, de retours<br />
en arrière, et bien sûr de critique des pratiques<br />
des autres sont bien évidemment présentes, et<br />
c’est cela qu’il sagit de déjouer pour permettre au<br />
programme de s’inscrire dans la durée. En même<br />
temps, il y a là une injonction paradoxale. Le programme<br />
PROCORA doit tout d’abord aider les acteurs<br />
à mettre à plat leurs pratiques, à travers un<br />
long travail de «décorticage» et de dialogue. Cette<br />
partie de définition des pratiques est sans doute<br />
la plus difficile. Les travailleurs sociaux ont été<br />
amenés à rédiger des «cahiers de bord», à travers<br />
lesquels ils tentent de décrire ce qu’ils font.<br />
Or, cela s’avère très difficile, car le jugement est<br />
presque toujours présent. Et les chercheurs passent<br />
du temps à tenter de montrer aux travailleurs<br />
sociaux que leur travail, même quotidien, a de la<br />
valeur et qu’il mérite d’être décrit. En ce sens, la<br />
routine est valorisée. On rejoint là la thèse de Sophie<br />
DUBUISSON 3 qui montre l’aspect positif des<br />
routines, dans un monde en perpétuel changement.<br />
Ces routines assurent en effet une stabilité<br />
en permettant la reproduction des actions. Et un<br />
référentiel ayant pour but la VAE a pour objectif de<br />
stabiliser les actions, de généraliser les pratiques,<br />
afin de permettre à d’autres professionnels de s’en<br />
servir. En même temps, la manière de travailler<br />
instituée par le programme PROCORA amène les<br />
acteurs à sortir de leurs routines pour se confronter<br />
à d’autres points de vue, et à adopter ensemble<br />
un référentiel faisant écho à l’ensemble des<br />
façons de travailler.<br />
L’innovation répond à un processus de «cristallisation»<br />
(voir Jean-Yves TREPOS), c’est-à-dire qu’elle<br />
met en lumière des pratiques marginales, souvent<br />
en réponse à une critique des pratiques ordinaires<br />
impulsées par les politiques sociales. Mais peu à<br />
peu, l’innovation se stabilise et s’institutionnalise.<br />
Ce processus d’institutionnalisation fait donc partie<br />
de l’innovation, en dernière étape. Il s’agit de<br />
l’utilisation du référentiel, dans le cadre du programme<br />
PROCORA. En effet, à travers un processus<br />
d’ «intéressement», pour reprendre les termes<br />
de Michel CALON, l’innovation gagne des alliés et<br />
finit par être relayée par l’institution. Il est alors<br />
nécessaire de trouver des compromis pour que<br />
l’innovation entre dans l’institution sans perdre<br />
son âme. Il est intéressant de noter que le processus<br />
d’innovation est un processus sans fin: une<br />
fois l’innovation institutionnalisée, elle cesse pour<br />
un temps avant qu’une nouvelle innovation ne<br />
naisse. A ce propos, dans le cadre de PROCORA,<br />
l’institutionnalisation de pratiques jusque là marginales<br />
ou en tout cas informelles n’est pas sans<br />
provoquer de remous chez les travailleurs sociaux.<br />
Accepter de se pencher sur sa pratique et d’en révéler<br />
les aspects représente une perte de contrôle<br />
sur cette activité et donc la perte d’un certain pouvoir.<br />
Si on se réfère à CROZIER et FRIEDBERG 4<br />
et à leur théorie du pouvoir comme la capacité à<br />
ménager des zones d’incertitude, alors la création<br />
d’un référentiel de pratique est dangereuse pour<br />
les travailleurs sociaux.<br />
La clef de l’innovation est le travail en réseau.<br />
Cette notion de réseau est très à la mode actuellement.<br />
On valorise en effet la coordination entre les<br />
différents professionnels, la pluri-professionnalité<br />
etc. Mettre des individus ensemble «autour d’une<br />
table» expose inévitablement à des affrontements<br />
entre des logiques de travail différentes. Or, dans<br />
un véritable réseau, tous les professionnels doivent<br />
pouvoir s’impliquer à égalité. Ils pèsent tous<br />
le même poids dans le processus de décision, et<br />
ont tous la même grandeur au sens de Boltanski.<br />
Dans le cadre de PROCORA, rassembler des travailleurs<br />
sociaux, c’est-à-dire par définition des<br />
acteurs de «terrain» et des chercheurs en sciences<br />
sociales, estampillés comme les «intellectuels»<br />
est loin d’être évident. L’enjeu est de faire reconnaître<br />
les expertises de chacun. C’est en effet la<br />
conjugaison des différentes formes d’expertise<br />
qui fait la plus-value du réseau. Il est nécessaire<br />
de faire comprendre aux acteurs qu’il n’y a pas<br />
une bonne façon de concevoir le travail social et<br />
la prévention spécialisée, ou encore les échanges<br />
transnationaux. Les éducateurs, bien qu’en prise<br />
directe avec le public et l’organisation des échanges,<br />
n’ont pas le monopole de la pratique, ni des<br />
valeurs. Tout comme les chercheurs n’ont pas le<br />
monopole de la connaissance. De la même façon,<br />
ce n’est pas parce que les travailleurs sociaux polonais<br />
sont très impliqués dans la religion qu’ils ont<br />
le monopole des valeurs. L’idée est bien de mettre<br />
3 DUBUISSON Sophie, “Regard d’un sociologue sur la notion de routine dans la héorie évolution<br />
niste”, in Sociologie du Travail, n °4, DUNOD, Paris 1998.<br />
4 Voir L’acteur et le système<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
Les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
51
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
Les enjeux<br />
du<br />
référentiel<br />
d’activité<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
52<br />
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
en valeur la complémentarité de tous ces acteurs,<br />
sans oublier l’expertise des bénéficiaires, élément<br />
qui manque peut-être dans le programme PROCO-<br />
RA. La recherche-action semble être une technique<br />
intéressante pour construire un référentiel de<br />
pratiques, dans la mesure où elle implique un va<br />
et vient entre la pratique et la théorie, entre l’action<br />
et la réflexion sur ce qui a été fait, ainsi que<br />
sur l’expérimentation des nouveautés et changements<br />
préconisés. Elle représente un outil privilégié<br />
dans la constitution d’un réseau puisqu’elle<br />
associe différents professionnels. Le tout est ensuite<br />
de permettre à chacun de s’exprimer et de se<br />
sentir légitime dans son investissement.<br />
La «cité par projet», si elle a le mérite de dynamiser<br />
les acteurs sociaux et de favoriser les innovations,<br />
place également le projet au centre du<br />
système social. Comme nous l’avons dit, la notion<br />
de grandeur, dans cette cité, est liée à la capacité<br />
à être flexible, réactif, dynamique, autonome. Ce<br />
modèle de cité conduit à multiplier les projets. Cependant,<br />
on peut s’interroger sur le sens donné à<br />
ces innombrables projets. A quoi bon multiplier les<br />
activités si on n’en voit pas ou plus le sens? C’est<br />
également un enjeu du programme PROCORA:<br />
redonner du sens aux échanges transnationaux.<br />
Ces échanges existent depuis plus de dix ans. Des<br />
routines se sont installées, qui peuvent être positives.<br />
Cependant, les routines risquent de faire<br />
oublier le sens éducatif, pédagogique, de ce type<br />
de projet. Il est alors nécessaire de se pencher sur<br />
l’utilité du voyage, sur les bienfaits de se retrouver<br />
loin de chez soi, sur la notion d’interculturalité etc.<br />
Cela ne peut se faire qu’au prix d’un effort, avec à<br />
la clef le risque de s’apercevoir qu’on n’y voit plus<br />
tellement d’intérêt. Ce n’est pas ce que l’on peut<br />
souhaiter au programme PROCORA, qui tente de<br />
redonner un sens positif aux routines en faisant<br />
émerger ue nouvelle façon de penser les échanges<br />
internationaux et une nouvelle façon de travailler<br />
ensemble, le tout dans l’intérêt des jeunes bénéficiaires.<br />
ConClusion<br />
Il paraît bien difficile de conclure sur un tel<br />
projet, d’autant plus qu’il n’est pas terminé.<br />
En juin prochain a lieu un groupe de pilotage, et<br />
en septembre l’équipe se réunira une dernière<br />
fois pour la clôture du programme. Le référentiel<br />
est bien entamé, mais doit être encore discuté<br />
avec l’ensemble des partenaires. Est-ce qu’il répondra<br />
à la commande des pouvoirs publics?<br />
De mon point de vue, le principal intérêt d’un<br />
tel projet, comme je l’ai dit à plusieurs reprises,<br />
réside dans le fait de mettre autour de la table<br />
différents acteurs. Comme je l’ai dit également,<br />
une innovation ne se décrète pas. Il faut du<br />
temps pour apprécier l’impact d’un projet comme<br />
celui là sur les pratiques. Nous verrons donc par<br />
la suite si les travailleurs sociaux ont changé de<br />
regard sur leur travail et sur les échanges internationaux,<br />
s’ils travaillent davantage en concertation,<br />
s’ils se réfèrent au modèle proposé, celui de<br />
Philippe Meirieu. Est-ce qu’ils profiteront de cette<br />
expérience? Là, pour moi, est le véritable enjeu.<br />
Je conclurai tout de même sur la question du<br />
sens: “quel sens donne-t-on aux échanges transnationaux?”<br />
est une question qui m’a taraudée<br />
durant ce stage. La multiplication des projets, en<br />
particulier des projets européens, risque de faire<br />
disparaître la question du sens des échanges, des<br />
voyages. Dans une logique de survie économique<br />
ou dans un souci de gagner la confiance de leurs<br />
tarificateurs, certaines équipes ne risquent-elles<br />
pas de répondre à des appels d’offre ou à présenter<br />
des projets de manière “industrielle”, sans<br />
en considérer le sens profond? J’espère que ce<br />
programme de recherche-action aura pu mettre<br />
cette question du sens au coeur des pratiques.<br />
Je retiendrai également les rencontres et les<br />
ambiances auxquelles j’ai pu goûter à travers<br />
les différents séjours et comités de pilotage. En<br />
ce sens, les acteurs du programme PROCORA<br />
ont vécu ce que les jeunes bénéficiaires de ces<br />
échanges vivent avec leurs éducateurs lorsqu’ils<br />
partent à l’étranger. Des rencontres, des paroles<br />
et des regards échangés, la peur de se perdre, de<br />
rater son avion, la découverte de lieux nouveaux,<br />
charmants, tristes, qu’on raconte plus tard à ceux<br />
qui ne sont pas partis. Une expérience dont on se<br />
nourrit. Une histoire en plus.
Mixité européenne<br />
d’abord, pour ce<br />
projet des trois nations<br />
: Allemagne,<br />
France et Pologne.<br />
Le séjour tri-national<br />
était le dernier<br />
de trois échanges<br />
programmés par<br />
l’Office franco-allemand<br />
de la jeunesse<br />
(OFAJ). Deux<br />
premières rencontres<br />
avaient eu lieu<br />
à Berlin en avril<br />
2007 et à Saint-<br />
Jean-de-Bassel en<br />
juillet dernier. La<br />
troisième s’est tenue<br />
dans le petit<br />
village polonais de<br />
Motycz, à 12 km de<br />
Lublin, où Français<br />
et Allemands ont<br />
été reçus par la «Fondation de la jeunesse bienheureuse»,<br />
dans un centre de vacances retiré en<br />
lisière de forêt.<br />
Le principe du projet était de permettre aux jeunes<br />
de chaque pays de présenter leur culture et de<br />
la partager... Les rites culinaires, musicaux, etc.<br />
« Les Polonais sont beaucoup plus dans la croyance<br />
que nous, s’étonne Kelly, une adolescente du<br />
groupe français. Il y a des croix et des églises partout<br />
! ». Ils dansent aussi plus.<br />
« Les Polonaises ont appris le tchatcha aux Allemands,<br />
qui n’avaient pas de fille dans leur<br />
groupe. »<br />
Filles et garçons<br />
proCora, les enjeux du référentiel d’aCtivité<br />
Mixité entre filles et garçons ensuite, qui a apporté<br />
tempérance et maturité à cet ensemble de trente<br />
jeunes gens. « Les garçons sont un peu agités,<br />
alors que les filles nuancent davantage. Elles ont<br />
souvent le don de rassurer », juge Jean-Paul Méloni,<br />
directeur de l’équipe de prévention et accompagnateur.<br />
Au programme, des jeux, des visites<br />
locales, sous la pluie...<br />
Il a fallu travailler aussi, sous la direction de deux<br />
tuteurs techniques locaux, qui ont encadré la rénovation<br />
de terrains de foot, d’aires de jeux pour<br />
enfants, etc.<br />
Interquartiers<br />
Mixité interquartiers enfin, pour des jeunes issus<br />
des Maraîchers, de Beausoleil et de l’Allmend, qui<br />
se connais¬sent de vue sans se fréquenter d’habitude.<br />
« Ça nous a permis de changer d’air, et en même<br />
temps de nous rapprocher, entre jeunes de Sarreguemines<br />
», poursuit la jeune fille.<br />
Et la communication ? « On improvisait un peu<br />
d’Allemand, un peu d’Anglais... et on se comprenait<br />
», raconte Kelly, qui admet n’avoir pas eu souvent<br />
l’occasion de quitter Sarreguemines.<br />
« On s’est offert une belle petite évasion », sourit<br />
le directeur.<br />
RL. 29 avril <strong>2008</strong><br />
La mixité forme la jeunesse<br />
Voyage en Pologne placé sous le signe<br />
de la mixité pour sept jeunes de<br />
l’équipe de prévention spécialisée du<br />
CMSEA.<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
PROCORA,<br />
dans le<br />
Républicain<br />
Lorrain<br />
Valentine<br />
TAGU<br />
53
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Une<br />
recherche<br />
action<br />
54<br />
une reCherChe - aCtion<br />
une<br />
reCherChe - aCtion :<br />
Comment se construisent les processus d’intégration<br />
sociale, à partir de l’exemple de l’immigration algérienne ?<br />
Une recherche-action menée conjointement par des équipes de prévention spécialisée du Grand-Est<br />
(Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne), accompagnées par des sociologues, psychosociologues<br />
et historiens, dans le cadre du comité national de liaison des associations de prévention spécialisée<br />
(CNLAPS).<br />
CONSTATS ET CENTRES D’INTéRET<br />
Le MAL-ETRE d’une partie de la jeunesse française<br />
(15 à 20 % nous disent les spécialistes), celle dont<br />
les équipes de prévention ont en quelque sorte héritée.<br />
Mal-être dont les modalités d’expression sont médiatisées,<br />
voire surmédiatisées, dans des formules<br />
telles que :<br />
• violences ou émeutes urbaines<br />
• révolte des banlieues<br />
• échec du modèle français d’intégration<br />
• replis identitaires ou communautaires<br />
• ségrégation et discriminations raciales<br />
Formules qui portent en elles-mêmes un glissement<br />
vers la désignation de catégories particulières<br />
de jeunes, à la fois victimes et coupables, en<br />
tous cas stigmatisées par leur condition et leurs<br />
modes de vie.<br />
La situation particulière des populations issues de<br />
l’immigration algérienne référée à un PASSIF HIS-<br />
TORIQUE SPECIFIQUE.<br />
Constat réamorcé et amplifié à l’occasion d’une<br />
opération d’aide aux victimes du tremblement de<br />
terre de Boumerdès (2004), réalisée par les équipes<br />
de prévention du CMSEA (Comité Mosellan de<br />
Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence).<br />
Le souci de relativiser la stigmatisation des populations<br />
d’origine étrangère (maghrébines avant<br />
tout) est un des dénominateurs communs de ceux<br />
qui se sont engagés dans cette recherche.<br />
POSTULATS ET hyPOThèSES DE TRAVAIL<br />
Notre problématique de recherche s’est élaborée<br />
autour de 3 axes que nous avons souhaités<br />
complémentaires :<br />
• celui de la sociologie et de l’intégration en<br />
tant que construction du lien social entre des<br />
individus et des groupes d’individus dans un<br />
contexte donné<br />
• celui de l’histoire du point de vue de la<br />
transmission intergénérationnelle de la mémoire<br />
• celui de la psychologie sociale du point de<br />
vue de la construction de l’identité sociale<br />
(voire des identités) des personnes.<br />
L’intégration sociale est à considérer comme un<br />
équilibre dynamique des relations entre les individus<br />
et les groupes en interaction dans un système<br />
social donné. Elle s’exprime par l’ensemble des interactions<br />
entre les membres d’un groupe conduisant<br />
à un sentiment d’appartenance à ce groupe<br />
et à ses valeurs. De ce fait nous voulons éviter<br />
de stigmatiser une catégorie sociale particulière<br />
en cherchant à déterminer ses capacités propres<br />
à s’intégrer dans le groupe social considéré. En<br />
ce sens nous rejoignons la définition spécifique du<br />
Haut Conseil à l’Intégration : l’intégration n’est ni<br />
assimilation ni simple insertion ou processus moral<br />
; elle est un processus fondamental qui permet<br />
à une société de construire une citoyenneté pacifique,<br />
égale et partagée. Notre approche cher
che ainsi à mettre en évidence les mécanismes de<br />
construction du lien social dans des circonstances<br />
données, en tenant compte de la diversité de la<br />
population de nos secteurs d’intervention.<br />
L’histoire vécue entre des peuples prend corps au<br />
sein des groupes sociaux à travers la transmission<br />
de la mémoire. Celle-ci, qu’elle soit collective<br />
ou individuelle, n’est pas une image fidèle du<br />
passé mais une reconstruction de celui-ci à partir<br />
des données empruntées au présent, de la vision<br />
actuelle du monde (Maurice Halbwachs). Nous<br />
voudrions éviter de ce fait de créer un débat de<br />
plus sur la vraie histoire des relations entre l’Algérie<br />
et la France. Notre approche cherche à mettre<br />
en évidence la manière dont se construit la<br />
transmission générationnelle de la mémoire dans<br />
nos secteurs d’intervention, et notamment dans<br />
la population d’origine algérienne, pour laquelle<br />
le travail de mémoire est soumis à des difficultés<br />
particulières.<br />
L’identité apparaît comme la résultante des différentes<br />
identifications du sujet. Chaque individu<br />
peut disposer successivement et même simultanément<br />
de plusieurs identités, qui peuvent s’exprimer<br />
par des stratégies identitaires. Celles-ci<br />
sont à envisager comme des procédures mises en<br />
œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par<br />
un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre<br />
une ou des finalités (définies explicitement ou se<br />
situant au niveau de l’inconscience), procédures<br />
élaborées en fonction de la situation d’interaction,<br />
c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations<br />
(socio-historiques, culturelles, psychologiques)<br />
de cette situation. Nous voudrions éviter<br />
de figer les populations avec lesquelles nous<br />
travaillons dans des catégories identitaires préformatées<br />
par le sens commun. Notre approche<br />
cherche à mettre en évidence les mécanismes<br />
collectifs participant à la construction de l’identité<br />
sociale des jeunes avec lesquels nous travaillons.<br />
A l’heure actuelle nous définissons<br />
l’articulation entre ces 3 axes de la manière<br />
suivante :<br />
La construction de l’identité sociale (des identités…)<br />
constitue l’axe central de notre questionnement<br />
en ce sens qu’elle articule la dimension<br />
historique du processus d’intégration, celle de la<br />
transmission et de la réappropriation de la mémoire,<br />
et sa dimension synchronique, celle de la<br />
nature actuelle du lien social sur les territoires<br />
d’intervention.<br />
une reCherChe - aCtion<br />
LA REChERChE ACTION<br />
Le principe de la recherche-action implique une<br />
articulation forte entre une ou des activités de<br />
production (ici la prévention spécialisée) et des<br />
activités de recherche comprenant un travail de<br />
recueil de données et un travail d’exploitation et<br />
d’analyse de ces données.<br />
Une telle articulation suppose donc une certaine<br />
souplesse dans le protocole de recherche afin de<br />
tenir compte notamment des aléas de l’activité de<br />
production et du principe de construction mutuelle<br />
de la compréhension des phénomènes observés.<br />
Pour aider à garder le cap et à réaliser les objectifs<br />
de la recherche, deux dispositifs de régulation<br />
sont mis en place :<br />
• un comité de pilotage regroupant les professionnels<br />
de la prévention spécialisée et ceux de la recherche<br />
(dénommés « experts »),<br />
• un guide de recueil de données pour chacun des<br />
axes de recherche retenus à savoir construction<br />
de l’identité, rôle de l’histoire, processus d’intégration.<br />
L’interaction entre le recueil de données et ces<br />
lectures doit ainsi permettre d’affiner au fur et à<br />
mesure le travail d’investigation et de compréhension.<br />
Les limites de la démarche<br />
La démarche menée présente des limites inhérentes<br />
au choix technique retenu à savoir une action<br />
sur site auprès d’équipes de prévention spécialisée,<br />
autonome quant aux actions menées sur le terrain.<br />
Les produits issus de ces approches disparates font<br />
l’objet d’une analyse commune mais présentent sur<br />
un plan méthodologique des limites dans la mesure<br />
où ils n’ont pas été produits dans le même<br />
contexte.<br />
Les effets visibles de cette recherche-action démarrée<br />
depuis 1 an et demi résident avant tout dans<br />
une transformation .<br />
des représentations des travailleurs sociaux quant<br />
aux populations avec lesquelles ils sont amenés à<br />
travailler et, partant, une transformation de leurs<br />
modes opératoires qui intègrent de plus en plus les<br />
dimensions historiques et culturelles dont ces populations<br />
sont porteuses.<br />
Une aide précieuse, et parfois «dérangeante», nous<br />
est apportée par un professeur de l’université d’Alger,<br />
qui accompagne ce travail à partir de ses propres<br />
recherches (voir article ci-joint : « L’impact<br />
social de la famille algérienne»).<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
Une<br />
recherche<br />
action<br />
55
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
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recherche<br />
action<br />
56<br />
une reCherChe - aCtion<br />
LA METhODOLOGIE MISE EN ŒUVRE<br />
ELEMENTS DE CADRAGE<br />
DIAGNOSTIC PARTAGE<br />
CONFRONTATION<br />
DIAGNOSTIC - ACTION<br />
PRATIQUES<br />
PROF.<br />
REALITE SOCIALE : vécu des jeunes et de leurs familles,<br />
observation des éducateurs…<br />
Pour agir sur cette réalité… recueil de données partant de celle-ci :<br />
Qu’est-ce que ces jeunes, leurs familles nous apprennent<br />
sur la question de l’intégration sociale ?<br />
JEUNES / FAMILLES<br />
Recueillir des éléments<br />
issus de leurs vécus<br />
(travail de mémoire*,<br />
processus identitaire*)<br />
Entretiens - Débats /<br />
écoute,<br />
connaissances<br />
CADRE GLOBAL DE L’ACTION<br />
Point de départ :<br />
Comment se construisent les processus<br />
d’intégration sociale pour les jeunes issus de<br />
l’immigration, notamment algérienne ?<br />
Eléments de cadrage<br />
permettant de comprendre la réalité sociale :<br />
• définition du terme d’intégration*,<br />
• définition du terme d’intégration sociale*,<br />
• enjeux pour les jeunes* (descendants de migrants) face<br />
à cette question<br />
Comment ces éléments, leur confrontation,<br />
interrogent nos pratiques professionnelles ?<br />
EDUCATEURS<br />
Question à se poser :<br />
Identifier ce que l’on<br />
sait de cette réalité<br />
sociale<br />
Questionnements /<br />
prise de recul<br />
Travail de confrontation entre ces connaissances<br />
et les pratiques professionnelles / apports théoriques<br />
par les « experts »<br />
FINALITE<br />
Adaptation des pratiques professionnelles pour venir<br />
en appui des jeunes et de leurs familles
l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
l’impaCt soCial de la famille algerienne<br />
La famille est généralement écartée des préoccupations<br />
officielles relatives à l’organisation et à la<br />
gestion des structures politiques, économiques et<br />
socioculturelles. Elle est également ignorée lors<br />
des projections de développement. Ces deux négligences<br />
peuvent être justifiées par le fait que<br />
rien n’indique que la famille influe de quelque manière<br />
que ce soit sur le fonctionnement et l’équilibre<br />
des autres structures sociales. Deux données<br />
l’attestent. D’abord, la famille semble repliée<br />
sur elle-même, derrière des murs aveugles. Elle<br />
donne ainsi l’impression d’être en rupture avec le<br />
reste des dimensions constitutives de la société.<br />
Ensuite, son fonctionnement semble relever de<br />
l’informel principalement, c’est-à-dire de ce qui<br />
est difficilement contrôlable.<br />
Pourtant, le suivi de la vie sociale montre que la<br />
famille représente encore un milieu de vie incontournable<br />
en Algérie. Vivre en dehors de sa famille<br />
dans cette contrée, c’est, en effet, être nécessairement<br />
aux prises avec une exclusion sociale évolutive.<br />
L’emprise sociale de la famille algérienne<br />
est inégalable. Elle récupère quotidiennement les<br />
siens et elle les injecte tout aussi quotidiennement<br />
à travers les autres espaces sociaux. Cette transhumance<br />
a lieu à heure fixe tout le long du mois<br />
du Ramadhan. Elle se déroule alors sous l’angle du<br />
sacré. Quoi qu’il en soit, elle n’est pas neutre. Elle<br />
marque d’une empreinte indélébile les trajectoires<br />
sociales et, de proche en proche, la dynamique socioprofessionnelle<br />
dans son ensemble. Cet impact<br />
est favorisé par la disponibilité dont fait preuve la<br />
famille à l’égard des siens.<br />
L’une des caractéristiques de la famille algérienne<br />
est qu’elle s’efforce, en effet, de remplir sans cesse<br />
toutes les fonctions dont ont besoin les siens. Non<br />
seulement elle les héberge, les nourrit, les protège<br />
et les défend indéfiniment, du moins en principe,<br />
mais elle entreprend également tout pour leur assurer<br />
le succès scolaire et l’emploi. Comme par le<br />
passé, elle continue, ainsi, à les prendre en charge<br />
en tout et pour tout, ce qui réduit au moins en partie<br />
l’efficacité des structures de substitution dont<br />
l’implantation ne traduit nullement l’aboutissement<br />
de transformations préalables, mais l’application<br />
de décisions politiques le plus souvent suscitées<br />
par l’imitation de ce qui se passe ailleurs, tout particulièrement<br />
dans les pays développés.<br />
Cette prise en charge familiale est justifiée par<br />
des valeurs socioculturelles magnifiées : la fratrie,<br />
la solidarité et l’entraide dont doivent faire<br />
constamment preuve les proches les uns à l’égard<br />
des autres pour sauvegarder leur unité et, partant,<br />
leur honneur.<br />
Slimane MEHDAR psycho-sociologue<br />
L’observation montre, cependant, que, contrairement<br />
aux apparences, cette prise en charge n’est<br />
nullement gratuite. L’individu paie un prix et c’est<br />
généralement un prix élevé. Il apprend, en effet,<br />
et, au besoin, il vérifie qu’il ne peut bénéficier de<br />
l’aide de ses parents que s’il se met à leur disposition<br />
pleine et entière. Il est, du reste, perçu et<br />
traité par ses proches comme une propriété indéfinie.<br />
La preuve en est que rien ne lui appartient en<br />
propre : ni son corps, ni son sexe, ni ses moyens<br />
matériels, ni son temps, ni son devenir. Tout est<br />
affaire du groupe familial. L’individu ne peut rien<br />
concevoir sans l’avis des siens et il ne peut rien<br />
entreprendre sans leur soutien et leur appui.<br />
Cette emprise sociale est le prolongement d’une<br />
socialisation familiale ayant pour fonction d’immerger<br />
l’individu dans le moule social que forme<br />
sa famille et de l’y maintenir du berceau à la tombe.<br />
Elle est favorisée par ce qui vient d’être signalé<br />
: l’inefficacité plus ou moins importante des<br />
structures de substitution. Il importe cependant<br />
de rappeler que cette inefficacité est le produit du<br />
groupe familial. Il la provoque et l’entretient pour<br />
empêcher ses éléments constitutifs de le quitter.<br />
En même temps, il s’en sert pour récupérer l’individu<br />
qui tente de s’en détacher à un moment ou à<br />
un autre de son existence. Telles sont les principales<br />
données qui permettent d’affirmer que la prise<br />
en charge familiale se traduit en prise d’otage.<br />
SOCIALISATION FAMILIALE<br />
La socialisation familiale est enclenchée à partir du<br />
sevrage qui conclut la prise en charge initiale de<br />
l’individu. Immédiatement après le traumatisme<br />
de la naissance, l’individu bénéficie en effet d’une<br />
ambiance proche du sein maternel. Il est continuellement<br />
couvé par sa mère. En même temps,<br />
ses proches sont à son service. Ses désirs sont<br />
instantanément satisfaits. La farniente dont il jouit<br />
ainsi dure jusqu’à la naissance d’un nouveau frère<br />
ou d’une nouvelle sœur, moment où il subit un<br />
sevrage sous la forme d’une rupture. Et c’est ce<br />
qui se traduit en un traumatisme que manifeste la<br />
jalousie, ressentiment qu’entretiennent des frustrations<br />
réelles ou fictives et qui se transforme en<br />
haine lorsque les conditions s’y prêtent.<br />
Les frustrations qui accompagnent et prolongent<br />
le sevrage remplissent cependant une fonction<br />
psychosociale précise. Les parents s’en saisissent<br />
comme d’autant d’occasions pour convaincre leur<br />
enfant du fait qu’il ne peut bénéficier d’aucune<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
L’impact<br />
social de la<br />
famille<br />
algérienne<br />
Slimane<br />
MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
d’Alger<br />
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Recherches<br />
Publications<br />
L’impact<br />
social de la<br />
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Slimane<br />
MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
d’Alger<br />
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l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
aide de leur part sans qu’il ne leur obéisse régulièrement.<br />
C’est la caractéristique centrale de la<br />
socialisation.<br />
Le propre de cette caractéristique est d’être périodiquement<br />
renforcée par les rites de passage qui<br />
ponctuent la socialisation familiale. Ce sont autant<br />
de points d’appui qui l’adoucissent, la relancent<br />
et favorisent son déroulement sous la forme d’un<br />
processus d’apprentissage des modes d’action et<br />
de réaction que privilégie l’entourage familial ;<br />
l’objectif étant la dissolution de l’individu dans son<br />
groupe d’appartenance familiale.<br />
Ces rites sont de trois types. Ce sont des rites<br />
d’immersion, d’orientation et de participation.<br />
Ils s’enchaînent et, par conséquent, ils<br />
établissent et consolident l’emprise sociale<br />
de la famille.<br />
Mode de gestion du facteur humain :<br />
Pour mettre en évidence le mode de gestion auquel<br />
est soumis l’individu, en Algérie, je m’intéresse<br />
aux modalités dont se sert la famille pour traiter<br />
l’énergie que recèlent les siens, énergie sans laquelle<br />
rien, absolument rien ne peut devenir réalité.<br />
Et pour cerner le sort qui est réservé à cette<br />
énergie, je la dissocie en plusieurs dimensions,<br />
dont l’énergie affective, sexuelle et intellectuelle.<br />
Energie affective :<br />
L’énergie affective est captée par la mère. La raison<br />
en est que l’insécurité étant telle que le seul<br />
milieu sécurisant dont bénéficie l’individu d’une<br />
manière régulière, en Algérie, est le milieu que<br />
représente sa mère. De fait, elle est continuellement<br />
protectrice et permissive avec ses enfants,<br />
garçons et filles. Chacun vérifie que sa sécurité se<br />
renforce lorsqu’il s’approche de sa mère et que son<br />
insécurité s’amplifie lorsqu’il s’en éloigne. Aussi, il<br />
l’aime et il n’aime qu’elle sa vie durant. De fait,<br />
aimer quelqu’un d’autre, comme le conjoint, ou<br />
quelque chose d’autre, comme le travail, c’est trahir<br />
sa mère. Car, c’est lui enlever une part de ce<br />
qu’elle mérite amplement et le donner à quelqu’un<br />
d’autre qui ne le mérite pas nécessairement. Les<br />
répercussions sont durement ressenties par les<br />
coupes autonomes sur le plan du logement : habitués<br />
à évoluer à travers des relations multiples,<br />
ils se trouvent impliqués dans une relation duelle<br />
à laquelle rien ne les a préparés, sinon l’attirance<br />
physique, plus précisément sexuelle.<br />
Energie sexuelle :<br />
Si l’énergie affective est ainsi captée par la mère,<br />
l’énergie sexuelle est monopolisée par le groupe<br />
familial. De fait, les individus en sont symboli-<br />
Les rites d’immersion :<br />
Les rites d’immersion ont lieu à la suite d’événements<br />
vécus sous la forme de ruptures de l’uniformité quotidienne.<br />
Ils symbolisent des victoires de la vie sur la<br />
mort. C’est le cas, par exemple, de la délivrance de la<br />
mère et de l’accès du nouveau-né à la vie.<br />
Les plus importants rites d’immersion sociale sont la<br />
naissance, le 7ème jour et la circoncision, les anniversaires<br />
ayant à présent tendance à remplacer, surtout<br />
dans les milieux aisés, la première dent, les premiers<br />
pas, la première coupe de cheveux, le premier jeûne<br />
du ramadhan, le premier marché et la mémorisation<br />
du Coran.<br />
A ces différentes occasions, les parents s’adonnent<br />
à des manifestations affectives aussi ostentatoires<br />
que les dépenses qu’ils font. Ils montrent ainsi à leur<br />
enfant qu’ils l’aiment et qu’ils sont disposés à tout<br />
sacrifier pour son bien-être. Ce faisant, ils s’arrogent<br />
le droit de s’ingérer, par la suite, dans tout ce<br />
qui le regarde. Ces rites offrent donc aux parents la<br />
possibilité de soumettre leur enfant à un processus<br />
de dépossession pratiquement illimité. Ce processus<br />
consiste pour eux, d’une part, à ligoter la volonté de<br />
leur enfant à l’aide d’injonctions qu’ils lui dictent à<br />
tout propos ; d’autre part, à anesthésier ses fluctuations<br />
psychoaffectives en façonnant son corps et la<br />
charge énergétique qu’il comporte selon leurs propres<br />
exigences. Le mode de gestion auquel il est soumis<br />
le montre clairement. Il se déroule effectivement<br />
sous la forme d’un processus de dépossession.<br />
quement dépossédés lorsqu’ils entreprennent la<br />
construction de leurs schémas corporels autour de<br />
l’âge de 4 ou 5 ans. Ils constatent, alors, qu’ils<br />
leur est possible d’explorer tous leurs organes à<br />
l’exception de leur sexe. Ils remarquent, en effet,<br />
qu’ils font l’objet d’interventions immédiates, massives<br />
et souvent violentes dès qu’ils s’intéressent<br />
à leur sexe ouvertement. Tous ceux qui s’en rendent<br />
compte se servent de cris, de menaces dans<br />
l’Au-delà et/ou de sévices corporels pour le leur<br />
interdire. Parallèlement, garçons et filles vérifient<br />
qu’ils connaissent ces types de réactions à chaque<br />
fois qu’ils manipulent leur sexe ouvertement. Ils<br />
subissent par conséquent un traumatisme, dans la<br />
mesure où ils finissent par admettre qu’ils portent
l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
un organe qui ne leur appartient pas, organe dont<br />
ils ne peuvent pas se servir à leur guise comme le<br />
reste de leurs organes corporels. Pire, ils finissent<br />
par se considérer comme des usurpateurs.<br />
Parallèlement aux prohibitions qui encombrent<br />
ainsi l’animation de leur intimité la plus profonde,<br />
les individus apprennent que le mariage représente<br />
trois choses : primo, l’unique possibilité légale de<br />
satisfaction sexuelle ; secundo, l’équivalent de 50<br />
% des obligations religieuses ; tertio, un moyen<br />
de procréation, objet de fierté du Prophète lors du<br />
Jugement dernier.<br />
Débat, questions et réponses auour du<br />
film Indigènes<br />
Réalisée dans le cadre du Cinéma itinérant en<br />
partenariat associatif (Maison pour tous, centre<br />
social Boileau Prégénie, habitants du quartier<br />
du Roi et Centre Social Foyer Saint-Eloy de<br />
Woippy), la projection du film Indigènes suivie<br />
d’un débat animé par l’historienne Zohra Tared<br />
a fait salle comble et a obtenu un franc succès.<br />
Chacun a pu échanger librement, parler de son<br />
ressenti, obtenir des éléments de réponse à ses<br />
interrogations et des explications quant au vécu<br />
de cette période tourmentée de notre histoire<br />
encore toute proche. Une analyse des répercussions<br />
de celle-ci sur la vie de certains de nos<br />
concitoyens a été entreprise et chacun a pu mesurer<br />
l’impact de l’engagement au côté de la<br />
France de cette population considérée encore<br />
trop souvent comme étrangère à notre nation.<br />
La séance s’est clôturée par le pot de l’amitié.<br />
La distribution de petits gâteaux et de boissons<br />
fraîches ou chaudes, a permis tous les participants<br />
de prolonger la soirée d’échanges dans la<br />
bonne humeur et de renforcer le lien entre les<br />
habitants de la commune par des discussions à<br />
la fois animées et constructives.<br />
RL, 30.11.2006<br />
Le problème en est que, contrairement au passé,<br />
aucune procédure n’est prévue pour atténuer<br />
les frustrations que connaissent inévitablement<br />
les individus à la suite de cette prohibition et de<br />
sa sacralisation. De fait, le mariage précoce est<br />
impraticable depuis la généralisation de la scolarité.<br />
En même temps, les conditions du mariage<br />
se multiplient et se diversifient sans cesse. Enfin,<br />
le chômage immobilise d’importantes fractions<br />
de la population. Résultat : des effectifs grandissants<br />
de garçons et de filles versent dans un célibat<br />
prolongé, voire définitif. Ils connaissent alors<br />
une misère sexuelle, sinon la culpabilité, dans la<br />
mesure où ils sont formatés pour devenir époux<br />
et épouses, puis pères et mères avant tout autre<br />
chose.<br />
Energie intellectuelle :<br />
Pour que l’énergie affective et l’énergie sexuelle<br />
continuent à être ainsi traitées à travers les générations<br />
successives, l’énergie intellectuelle est<br />
purement et simplement asphyxiée dans tous<br />
les milieux de vie en Algérie. Pour le montrer,<br />
intéressons-nous aux conditions de mobilisation<br />
constructive de cette énergie.<br />
L’énergie intellectuelle ne peut en effet servir à la<br />
construction des connaissances scientifiques, par<br />
exemple, connaissances de plus en plus indispensables<br />
à l’organisation et à la gestion des structures<br />
sociales, sans qu’elle ne soit stimulée par<br />
quatre facteurs qui en conditionnent largement<br />
l’efficacité : le désaccord, les interrogations, les<br />
critiques et les remises en question.<br />
Pour entreprendre l’analyse d’un phénomène quelconque,<br />
il faut en effet ne pas être d’accord avec<br />
sa disposition présente. Autrement, on laisse les<br />
choses aller leur cours habituel. Le désaccord est<br />
la condition de base de l’analyse. Parallèlement,<br />
il faut s’interroger à propos du contenu du phénomène<br />
ayant retenu l’attention. Et il faut, tour<br />
à tour, critiquer son agencement et remettre en<br />
question son fonctionnement.<br />
Le suivi de la vie sociale montre que ces quatre<br />
conditions sont systématiquement interdites à<br />
partir du milieu familial jusqu’à l’intervention du<br />
sacré, en Algérie.<br />
De fait, il est difficile d’être en désaccord avec son<br />
groupe familial lorsque l’on évolue dans une société<br />
structurée principalement en réseaux relationnels,<br />
comme la société algérienne, sans courir<br />
le risque d’être hanté par les répercussions d’une<br />
exclusion sociale évolutive. En même temps, l’individu<br />
remarque et, au besoin, vérifie, qu’il ne<br />
peut pas s’interroger à propos du comportement<br />
d’un parent, critiquer son point de vue ou remet-<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
- Publications<br />
L’impact<br />
social de la<br />
famille<br />
algérienne<br />
Slimane<br />
MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
d’Alger<br />
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Recherches<br />
Publications<br />
L’impact<br />
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Slimane<br />
MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
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l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
tre en question son attitude sans que les autres<br />
n’interviennent pour le rappeler à l’ordre au nom<br />
de l’unité familiale, de la fraternité, de la solidarité,<br />
du qu’en-dira-t-on, de la différence d’âge…<br />
Aucun ne peut manifester son désaccord avec l’incivisme<br />
qui occupe l’espace public sans être immédiatement<br />
perçu comme un naïf, voire sans être<br />
méprisé.<br />
Il suffit de ne pas être d’accord avec un collègue au<br />
sujet d’une question professionnelle pour se sentir<br />
obligé de faire attention aux nuisances qu’il ne<br />
manquera pas de fomenter pour se venger de ce<br />
qu’il subit comme une attaque d’ordre personnel.<br />
Enfin, c’est l’opposition qui n’est pas d’accord<br />
avec le système politique établi, qui s’interroge à<br />
propos du programme du gouvernement, qui critique<br />
les décisions prises et qui remet en question<br />
l’orientation donnée aux affaires publiques.<br />
Pour ces différentes raisons, elle a été extradée,<br />
en Algérie, jusqu’au séisme sociologique d’octobre<br />
1988. Depuis, elle est réhabilitée sans parvenir à<br />
exercer la moindre influence vérifiable sur le cours<br />
des événements.<br />
Et les choses se compliquent avec l’intervention du<br />
sacré. Son impact est direct en matière de sciences<br />
sociales, tout particulièrement en psychologie<br />
sociale. L’objet d’étude de cette discipline scientifique<br />
est l’interaction. Ce domaine ne peut être<br />
Six jeunes algériens invités à l’ombre du haut fourneau<br />
« Uckange c’est magnifique ! » : parole de<br />
Linda. Avec cinq autres jeunes, de <strong>10</strong> à 14<br />
ans, la demoiselle est arrivée d’Algérie, début<br />
juillet à Uckange. Tous résideront ainsi<br />
deux semaines en Moselle. Islam, Djihane,<br />
Sabrine, Nour-el-Houda et leur accompagnatrice,<br />
Esma, sont originaires de Kabyliè,<br />
(d’Alger et de Bou-merdes), une région dévastée<br />
par un tremblement de terre en mai<br />
2003. Après cette catastrophe, les Clubs de<br />
préventions de la Vallée avaient participé<br />
à un large effort de solidarité pour les sinistrés:<br />
« Une relation entre Algériens et<br />
Mosellans s’est alors créée et se poursuit<br />
aujourd’hui avec, pour la première fois, l’accueil<br />
de six jeunes Algériens à Uckange »,<br />
explique Denis Schwitzer, directeur adjoint<br />
des clubs de prévention du Val de Fensch, à<br />
l’initiative de cet échange.<br />
L’association des Femmes libres d’Uckange<br />
a permis de trouver six familles d’accueil<br />
pour ces enfants. «Ça m’ a fait comme un<br />
deuxième fils pendant une semaine», relate<br />
Fatima en souriant. Entre deux excursions,<br />
les jeunes se sont fait de nombreux amis.<br />
valablement cernée qu’à partir de l’analyse de<br />
comportements, ces détails de la vie quotidienne.<br />
Etant dispersés à travers le temps et l’espace,<br />
leur saisie nécessite un suivi de longue haleine.<br />
Le psychosociologue enregistre des observations<br />
et entreprend de les analyser sous l’angle de la<br />
corruption, par exemple, hypothèse de travail qui<br />
ne peut être retenue qu’une fois vérifiée. C’est<br />
durant ce laps de temps qui sépare la formulation<br />
d’une hypothèse du moment de sa vérification<br />
que le sacré intervient. Les auteurs de ces comportements<br />
sont des musulmans qui accomplissent<br />
leurs obligations religieuses, font des dons<br />
à la mosquée… Leur taxation de corruption relève<br />
alors de la délation, ce qui mène à la perdition<br />
et, de proche en proche, en Enfer. La perspective<br />
n’est pas réjouissante. Elle est susceptible de suspendre<br />
l’analyse.<br />
Parmi ceux et celles qui ont subi cet interdit à travers<br />
l’histoire, deux personnages connus peuvent<br />
être signalés à titre d’exemple. Le premier est Ibn<br />
Khaldoun, auteur du 14ème siècle. Pour mener<br />
ses analyses, il a quitté son poste et il s’est réfugié<br />
dans le donjon des Béni Hammad, à Frenda.<br />
Et une fois ses investigations achevées, on signale<br />
qu’il est parti au Caire. Tout indique qu’il a été purement<br />
et simplement expulsé.<br />
Le second personnage est Kateb Yacine, auteur du<br />
20ème siècle. Il a été pourchassé par l’interdit de<br />
«Ici les gens sont comme nous», rapporte<br />
encore Linda. «Et ils sont tous sympathiques.<br />
». « C’est une expérience joyeuse et<br />
prometteuse de nouveaux échanges », reprend<br />
Denis Schwitzer.<br />
A la fin d’une première semaine bien chargée,<br />
le maire Gérard Léonardi attendait les<br />
enfants et les familles à l’Hôtel de ville. Petite<br />
séance photo et échanges de souvenirs.<br />
Chacun repartira avec un tee-shirt aux couleurs<br />
uckangeoises. « Ces souvenirs n’existent<br />
que pour vous six », a précisé l’élu qui<br />
s’est, vu lui aussi remettre un petit cadeau<br />
d’Algérie. « Vous avez vu la cathédrale<br />
d’acier, le haut fourneau U4 ? », a interrogé<br />
encore le premier magistrat. Les enfants ont<br />
répondu positivement, ayant pris le temps<br />
d’admirer le monument industriel. Mais ce<br />
qu’ils racontent tous en chœur, c’est l’accueil<br />
chaleureux des familles uckangeoises,<br />
avec qui ils n’ont pas manqué de regarder la<br />
demi-finale de la Coupe du monde. Heureux<br />
de leur séjour à Uckange, les six Algériens<br />
sont aussi devenus d’inconditionnels supporters<br />
des Bleus...<br />
Photos de<br />
«famille»:<br />
uckangeois et<br />
algériens réunis<br />
devant l’hôtel de<br />
ville d’Uckange,<br />
avant un départ<br />
pour une semaine<br />
de camps<br />
à Vigy.
l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
la réflexion sa vie durant. Même son enterrement<br />
dans un cimetière musulman a été remis en question.<br />
Plus globalement, le suivi des modalités suivant<br />
lesquelles sont consommées ces trois énergies<br />
(affective, sexuelle et intellectuelle) permet de<br />
jauger l’emprise extraordinaire de la famille sur<br />
l’équilibre et le devenir individuels et collectifs.<br />
Deux données le signalent amplement.<br />
La première donnée est révélée par Ali. A plus<br />
de 25 ans, il ne parvient toujours pas à entrevoir<br />
l’avenir suivant ses propres possibilités. Il<br />
faut cependant noter que ses parents n’ont rien<br />
fait pour l’y inciter. Bien au contraire, il a évolué<br />
dans un cocon jusqu’à l’âge de 23 ans, moment<br />
où sa grand-mère maternelle décède. L’ayant pris<br />
en charge dès sa naissance, elle l’a d’autant plus<br />
facilement gâté qu’elle disposait d’une pension et<br />
bénéficiait du soutien financier et matériel de sa<br />
fille et de son beau-fils. Le problème en est que Ali<br />
n’accepte pas le sevrage qu’il subit ainsi tardivement<br />
de la part de ses parents. Il continue à agir<br />
suivant ses envies du moment et à réclamer de<br />
l’aide à tout propos, n’hésitant pas à pourrir la vie<br />
de ses proches au fur et à mesure des refus qu’ils<br />
lui opposent.<br />
La seconde donnée est d’ordre social. Elle a porté<br />
sur les modes d’organisation et les modalités de<br />
gestion des vies conjugales et familiales qui se<br />
sont établies dans les logements autonomes depuis<br />
les années 1970.<br />
Sort réservé aux logements<br />
autonomes :<br />
Les logements autonomes, généralement attribués<br />
à partir des années 1970 par les entreprises<br />
professionnelles à leurs cadres, ont menacé<br />
la famille élargie de dislocation. Ils ont effectivement<br />
provoqué la dispersion spatiale des grandes<br />
familles en zone urbaine, dans la mesure où ceux<br />
qui en bénéficiaient quittaient automatiquement<br />
leurs parents. Ils ne tardèrent cependant pas à<br />
faire l’objet d’une procédure de récupération dont<br />
les répercussions sociologiques sont loin d’être<br />
jaugées.<br />
Certes, le cadre bénéficiaire d’un logement de<br />
fonction était fier de son acquis qui représentait<br />
pour lui un signe de réussite sociale. Toutefois, il<br />
était en même temps inquiet. Il craignait qu’une<br />
des familles souffrant de la crise de logement, ne<br />
profiterait de son absence quotidienne pour s’emparer<br />
de son appartement. Certes, il disposait d’un<br />
arrêté d’attribution dont il pouvait se faire prévaloir<br />
en cas de difficulté. Cependant, des gens racontaient<br />
autour de lui que quelqu’un leur a fait<br />
savoir qu’il connaissait un ami qui fut dépossédé<br />
de son logement sans qu’il ne puisse reprendre<br />
son bien malgré la plainte qu’il a déposé auprès<br />
des pouvoirs publics.<br />
Pour calmer son angoisse, le cadre fait appel à<br />
ses parents. Ceux-ci occupent momentanément<br />
son appartement, faisant savoir, à travers le bruit<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
L’impact<br />
social de la<br />
famille<br />
algérienne<br />
Slimane<br />
MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
d’Alger<br />
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n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
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L’impact<br />
social de la<br />
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algérienne<br />
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MEHDAR<br />
psychosociologue<br />
de l’université<br />
d’Alger<br />
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l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
auquel ils s’adonnent, que le nouvel occupant<br />
n’est nullement isolé, mais qu’il fait partie d’une<br />
famille disposée à lui venir en aide en cas de besoin.<br />
Ainsi, l’appropriation symbolique du nouveau<br />
logement a lieu grâce à l’activation d’un mécanisme<br />
psychosociologique et culturel traditionnel, la<br />
participation.<br />
Ce mécanisme est en même temps un premier<br />
créneau dont se servent les parents pour récupérer<br />
celui qui a tenté d’évoluer en dehors de leur<br />
contrôle. L’ayant aidé au moment où il en avait<br />
besoin, ils n’hésitent pas à s’ingérer dans ses affaires.<br />
Cette ingérence se complique à l’appui d’un second<br />
créneau, le mariage. De fait, le cadre se marie<br />
généralement dès qu’il obtient un logement de<br />
fonction. Et c’est ce qui provoque une inversion<br />
sociologique fondamentale. De fait, le matriarcat<br />
resurgie. Sauf exception, il prend le dessus, plus<br />
précisément il submerge le patriarcat lorsque la<br />
vie conjugale et la vie familiale s’établissent dans<br />
un logement autonome. Cette inversion est franchement<br />
inévitable lorsque le logement appartient<br />
à l’épouse ou bien à ses parents.<br />
Une fois la vie conjugale établie dans ce type de logement,<br />
les familles des conjoints entrent en compétition<br />
au sujet de la participation à la gestion de<br />
la vie familiale qui s’y tisse. C’est le troisième créneau<br />
de récupération des individus qui ont donné<br />
l’impression de vouloir s’éloigner de leurs parents.<br />
Et c’est généralement la famille de l’épouse qui en<br />
sort victorieuse. Quelles en sont les raisons ?<br />
La mère de l’époux s’efforce de reconduire son<br />
rôle traditionnel lorsqu’elle visite son fils. Elle tente<br />
de savoir ce qui se passe chez lui. Elle se heurte<br />
inévitablement à l’opposition de sa belle-fille qui<br />
entreprend d’élargir son autonomie à toutes les<br />
dimensions de sa vie conjugale. Leur conflit se<br />
répercute en conflit conjugal. Et le mari ne peut<br />
pas manquer de comparer les difficultés que lui<br />
suscite sa mère et les facilités que lui procure sa<br />
belle-mère. Celle-ci est, en effet, tout au moins<br />
au début, gentille, prévenante, avenante avec son<br />
beau-fils. Aussi, ce dernier finit, bon gré mal gré,<br />
par prendre des distances avec sa mère et sa famille<br />
d’origine et par se raccorder à sa belle-famille.<br />
Tel est le quatrième créneau dont se servent<br />
les familles d’origine pour récupérer les couples<br />
qui s’installent loin de leur contrôle direct.<br />
Le téléphone représente un cinquième créneau de<br />
récupération. Les mères des épouses s’en saisissent<br />
pour renforcer et entretenir le tandem qu’elles<br />
forment avec leurs filles et participer, en lieu<br />
et place des mères des époux, à la gestion des<br />
nouvelles familles.<br />
Enfin, un sixième créneau est mis en œuvre lorsque<br />
le travail salarié de l’épouse l’incite à faire appel<br />
à sa propre mère pour prendre en charge son<br />
enfant en âge préscolaire. Dans ces conditions,<br />
les nouvelles générations évoluent de plus en plus<br />
sous l’emprise directe de leurs grands-mères et<br />
oncles maternels.<br />
Ainsi, contrairement aux apparences, les familles<br />
élargies se restructurent et prennent une nouvelle<br />
forme. Les couples sont dispersés à travers l’espace.<br />
Ils ne sont cependant pas isolés. Etant régulièrement<br />
entretenus par les mères des épouses,<br />
leurs interactions sont incessantes.<br />
La forme que prennent les familles élargies se rapprochent<br />
désormais de l’ancienne forme qu’elles<br />
ont longtemps eue, à l’occasion de la construction<br />
des maisons individuelles. Les constructions<br />
qu’édifient les cadres et, de plus en plus les commerçants,<br />
ne se limitent nullement à leurs propres<br />
besoins, mais elles englobent également ceux de<br />
leurs enfants des deux sexes. De fait, les cadres et<br />
les commerçants réservent, suivant leurs moyens,<br />
une pièce ou un appartement à chacun de leurs<br />
enfants. En même temps, ils réservent le rez-dechaussée<br />
de leurs constructions à des activités artisanales<br />
ou commerciales dont ils chargent leurs<br />
enfants. Les répercussions méritent d’être mentionnées<br />
: les filles ne quittent pratiquement plus<br />
leurs parents à la suite de leur mariage ; l’espace<br />
domestique se réduit au fur et à mesure des naissances<br />
; les conflits prolongent les difficultés que<br />
suscite l’utilisation des espaces communs ; ils encombreront<br />
certainement les cours de justice à la<br />
suite des problèmes qui accompagneront la répartition<br />
des héritages (qui prend quoi ?)
l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
projet de reCherChes<br />
Quelle emprise exerce le système social traditionnel<br />
sur les jeunes<br />
issus de l’imigration algérienne ?<br />
Exposé des motifs :<br />
Cinq données sont à noter au sujet de l’émigré algérien.<br />
La première donnée a trait à un oubli. L’émigré n’est<br />
pas neutre lorsqu’il quitte son pays. Il contient, véhicule<br />
et introduit partout où il accède une charge<br />
symbolique qui influe, à des degrés divers, sur son<br />
mode d’action et de réaction.<br />
La seconde donnée relève d’un malentendu. Rien<br />
ne laisse supposer que l’émigré algérien soit disposé<br />
à quitter le mode de vie en vue duquel il fut<br />
façonné et à adopter celui que lui « propose » la<br />
société d’accueil. Tout indique plutôt qu’il bricole des<br />
tournures sociales qui, tenant compte de son nouvel<br />
environnement social, le raccordent, d’une manière<br />
ou d’une autre, à ce dont il ne parvient pas à se<br />
départir, ses repères socioculturels.<br />
La troisième donnée est déduite d’échanges effectués,<br />
en mars <strong>2008</strong>, avec des jeunes issus de<br />
l’émigration. Leurs préoccupations psychosociales<br />
(importance de la « pureté » de la femme, virginité…)<br />
révèlent qu’ils ont intégré et qu’ils s’efforcent<br />
d’observer ce que leurs parents leur ont inculqué :<br />
des repères socioculturels traditionnels.<br />
La quatrième donnée a trait à l’inconfort de ces jeunes.<br />
Ils ne parviennent pas à concilier les exigences<br />
contradictoires que leur dictent, en même temps,<br />
les repères socioculturels traditionnels et la vie dans<br />
une société moderne.<br />
La cinquième donnée a trait à l’impact social de ces<br />
repères. Ne pouvant servir à baliser la vie dans une<br />
société développée, ils induisent des constructions<br />
sociales plus ou moins inadaptées et dont les effets<br />
apparaissent à travers les modes d’implication de<br />
ceux qui s’y raccordent.<br />
Système social traditionnel :<br />
Les repères socioculturels (hiérarchie des sexes, nécessité<br />
de préserver l’intégrité corporelle de la fille<br />
jusqu’à sa nuit de noce, contrôle de la virginité de la<br />
mariée, représentation idyllique de la société d’origine…)<br />
que réactivent des jeunes issus de l’émigration<br />
sont autant d’articulations du plus ancien système<br />
social construit par les hommes. C’est le système<br />
social traditionnel dont relèvent, tout à la fois, la<br />
signification psychologique et la portée sociale de<br />
ces repères.<br />
C’est le mode de vie correspondant à ce système<br />
que transmettent les parents à leurs enfants à travers<br />
l’éducation qu’ils leur assurent et la vie familiale<br />
qu’ils mènent.<br />
Il importe cependant de noter que le système social<br />
traditionnel n’est nullement spécifique à une société<br />
plutôt qu’à une autre. Jusqu’aux transformations<br />
constitutives de la modernité, il régissait, sous des<br />
formes plus ou moins différentes, tous les milieux<br />
de vie. Depuis, il encombre les espaces sociaux en<br />
difficulté (sociétés globales ou quartiers) où il se<br />
complique au fur et à mesure de la complexification<br />
de la vie sociale. Autrement dit, ce système est toujours<br />
d’actualité et qu’il façonne la vie des individus<br />
et des groupes sociaux. La preuve en est que ces<br />
derniers s’enlisent dans des représentations et des<br />
pratiques sociales étrangères aux exigences du siècle.<br />
Il faut par conséquent en tenir compte.<br />
Cependant, le système social traditionnel est occulté.<br />
D’une manière générale, les Algériens refusent<br />
d’admettre ce que dévoilent les investigations<br />
scientifiques : sous le couvert d’options politiques<br />
et économiques anciennes ou modernes, la société<br />
algérienne demeure régie par le système social traditionnel<br />
en profondeur. Dans ces conditions, il est<br />
difficile de comprendre et d’expliquer pourquoi des<br />
gens s’agrippent à un mode de vie qui ne leur permet<br />
pas d’être à l’aise avec leurs semblables.<br />
L’occultation de ce système est d’autant plus facile<br />
qu’il est fondamentalement clandestin pour des raisons<br />
socioanthropologiques qui méritent de retenir<br />
l’attention. De fait, rien ne le révèle d’emblée et rien<br />
n’en signale directement les effets sociaux. Le suivi<br />
de la vie sociale indique, cependant, qu’il exerce un<br />
impact inégalable sur l’équilibre et le devenir individuels<br />
et collectifs. Il est en effet possible de montrer<br />
qu’il submerge la vie sociale, d’une manière partielle<br />
ou globale, à l’occasion des événements familiaux<br />
(mariage, naissance, aléas de la vie), des rites religieux<br />
(ramadhan, aïd, mouloud) et des pannes de<br />
la modernité (rupture de stock, pénurie, faillite). Il<br />
importe, par conséquent, de préciser comment a-t-il<br />
été construit et quelles en sont les dimensions.<br />
Structuration et dimensions constitutives :<br />
C’est à partir de l’hostilité de l’environnement physique,<br />
d’ordre géographique et climatique, que le<br />
système social traditionnel a été structuré. Pour le<br />
préciser, il faut se reporter à la période antérieure<br />
à la modernité, moment où l’absence de connaissances<br />
scientifiques relatives au fonctionnement de<br />
l’environnement ne permettait pas de disposer de<br />
moyens de protection et d’action efficaces. Les re-<br />
Rive.s<br />
n°<strong>10</strong><br />
Recherches<br />
Publications<br />
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social de la<br />
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algérienne<br />
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l’impaCt soCial de la famille algérienne<br />
tournements périodiques de l’environnement étaient,<br />
alors, non seulement imprévisibles, mais également<br />
imparables. Aussi, les hommes les ont attribués à<br />
la versatilité de l’humeur de forces occultes qui se<br />
serviraient des éléments pour récompenser ou punir<br />
des comportements conformes ou contraires à<br />
leur volonté. De ce fait, ils ont d’autant plus sacralisé<br />
l’environnement qu’ils le tenaient pour source<br />
de tout ce dont ils bénéficiaient (air, eau, récolte,<br />
santé…) et de tout ce qu’ils subissaient (séisme, typhon,<br />
sécheresse, invasion d’insectes dévastateurs,<br />
maladie, épidémie,… mort). Ils ont alors adopté la<br />
logique de l’adaptation à l’environnement, qui prend<br />
souvent l’allure d’une soumission, pour bénéficier<br />
éventuellement de la magnanimité de ces forces sur<br />
lesquelles ils n’avaient aucune prise directe.<br />
Le système social que les hommes ont alors construit<br />
et qu’ils reconduisent encore dans différents milieux<br />
de vie à travers leurs manières d’être et d’agir, n’est<br />
pas en effet qualifié de traditionnel parce qu’il est<br />
ancien ou qu’il se réduit à des traditions, mais bien<br />
parce qu’il traduit les difficultés, voire l’incapacité<br />
individuelle et collective de maîtriser les conditions<br />
de vie dans un environnement hostile.<br />
Les hommes n’ont toutefois pas manqué de remarquer<br />
que les forces occultes auxquelles ils ont ainsi<br />
raccordé l’organisation et la gestion de l’environnement<br />
ne régissaient pas tout, absolument tout. Ils<br />
se sont en effet aperçus que l’énergie propre aux<br />
réseaux relationnels échappait largement à ces forces<br />
et, de proche en proche, à tout contrôle extérieur,<br />
à tout pouvoir. De fait, ce sont les individus<br />
qui connaissent la maladie et la mort, rarement les<br />
réseaux relationnels dont ils font partie. Résultat<br />
: les hommes ont accordé à ces réseaux le statut<br />
d’organe moteur de leur mode de vie. C’est le pivot<br />
central du mode de vie traditionnel, pivot que l’on<br />
retrouve dans les espaces sociaux englués dans le<br />
sous-développement.<br />
L’observation montre, en effet, que, tout comme<br />
dans les sociétés anciennes, c’est par le biais des<br />
réseaux relationnels que tout, ou presque tout,<br />
transite dans les sociétés en difficulté. Et c’est à leur<br />
appui que tout, ou presque tout, y est obtenu. Par<br />
conséquent, ils figurent comme la principale, voir<br />
l’unique protection contre l’envahissement de l’extérieur.<br />
C’est à ce titre qu’ils représentent le mode<br />
d’implication sociale privilégié dans les sociétés traditionnelles<br />
et en difficulté.<br />
Ce mode d’implication sociale est l’une des six dimensions<br />
dont se compose le système social traditionnel.<br />
Les cinq autres sont : une culture, une<br />
Ouvrage de référence :<br />
organisation sociale, un mode de gestion du facteur<br />
humain, un agencement mental et une économie de<br />
souk.<br />
Eléments de problématique :<br />
Comment les dimensions constitutives du système<br />
social traditionnel sont-elles construites ? Comment<br />
se complètent-elles ? Qu’est-ce qui révèle la permanence<br />
de ce système ? Pourquoi est-il occulté ? Quel<br />
sens donne-t-il à l’existence ? Quelles garanties sociales<br />
offre-t-il à ceux qui s’y raccordent ? Pourquoi<br />
ces derniers se refusent-ils à le réhabiliter et à le<br />
transformer en vue de relever les défis de la modernité<br />
? Quel est son impact social ?<br />
Pourquoi est-il difficile de cerner les caractéristiques<br />
de l’émigration algérienne sans tenir compte de ce<br />
système ? A quelles formes sociales donne-t-il lieu<br />
dans le milieu migratoire ? Pourquoi les jeunes issus<br />
de l’émigration sont-ils attachés à ce système ?<br />
Sont-ils disposés à s’engager dans la construction du<br />
nouveau à l’appui de ce système ? A quelles conditions<br />
est-il possible de le mobiliser en faveur de la<br />
construction du nouveau ? De quels appuis sociaux<br />
les jeunes peuvent-ils bénéficier pour dégager ainsi<br />
de nouvelles perspectives de réflexion et d’action ?<br />
Trois actions complémentaires permettront d’avancer<br />
des éléments de réponse à ces interrogations.<br />
La première action aura pour objet de mettre en<br />
place un dispositif théorique composé de la présentation<br />
du système social traditionnel et des caractéristiques<br />
de la vie des jeunes issus de l’émigration<br />
algérienne.<br />
La seconde action se déroulera à travers deux enquêtes<br />
en milieu migratoire. La première enquête<br />
cernera les caractéristiques de l’éducation et de la<br />
vie familiales des jeunes issus de l’émigration algérienne.<br />
La seconde enquête identifiera ce que ces<br />
jeunes retiennent de leur éducation et vie familiales.<br />
La troisième action définira les modalités d’accompagnement<br />
des jeunes disposés à construire du<br />
nouveau à l’aide de ce qu’ils parviennent à puiser<br />
dans leur arsenal culturel traditionnel.<br />
Il reste à définir les modalités pratiques de ces différentes<br />
actions (techniques et populations d’enquêtes,<br />
enquêtrices et enquêteurs, financement…).<br />
Slimane MEhDAR et Mahfoud AChAIBOU, Typologie de la violence à travers la société algérienne.<br />
Essai de théorisation. Revue des Deux Rives, n° 01/2004 –<br />
Editions du Laboratoire de Recherche en Psychosociologie des Organisations, université d’Alger.