Mythologie sino-européenne - Sino-Platonic Papers
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Serge Papillon, <strong>Mythologie</strong> <strong>sino</strong>-<strong>européenne</strong><br />
<strong>Sino</strong>-PlatonÎc <strong>Papers</strong>, 154 (July, 2005)<br />
étroitement liés aux phénomènes naturels qu'Apollon. Selon le folklore de Polessié, en<br />
versant de l'eau sur le feu, on·ne fait que l'attiser. Ce phénomène, qui peut paraître très<br />
étrange, s'explique aisément : l'eau et le feu, présents ensemble dans les orages, sont tous<br />
les deux associés à ce dieu. Ils ont donc des propriétés similaires.<br />
Comment s'appelait ce dieu en indo-européen commun ? Le caractère conservateur<br />
des Lituaniens, tant sur le plan linguistique que religieux, nous autorise à penser que ce<br />
devait être *Perkwunos, terme lié à la désignation indo-<strong>européenne</strong> du chêne, *perJÇYus. On<br />
le retrouve dans le nom de la forêt Hercynienne, d'origine celtique 116 • Par ailleurs, des<br />
termes provenant de * Perkwunos sont attestés dans plusieurs langues. Nous avons<br />
mentionné le hittite peruna- « rocher» et le gotique fairguni « montagne». Ce dernier<br />
terme est proche du scandinave fiorgyn(n), qui devait auparavant se prononcer *perkunis.<br />
L'Inde védique avait un dieu, Parjanya, qui était maître du Tonnerre, de la pluie et du vent,<br />
pourvoyeur de fertilité et de fécondité.<br />
On pourrait donc utiliser 'le terme *Perkwunos pour désigner ce dieu, mais dès le<br />
prochain paragraphe, nous l'appellerons le« Dieu-Roi» pour une raison qui sera expliquée.<br />
On peut essayer de deviner qui était le père de *Perkwunos. On sait que Lug était,<br />
selon certains textes, le fils de Cian « le Lointain» et qu'Apollon était le fùs de Zeus. Le<br />
nom de Zeus dérive de *Dyëus, désignation du ciel diurne en indo-européen commun. La<br />
version lituanienne de ce nom est Dievas, or ce personnage habitait « au-delà du ciel ». Il<br />
devait donc être lointain, comme le père de Lug. Nous verrons que la version galloise de<br />
Lug était le roi LIeu et que le druide Gwydion était parfois considéré comme son père, or<br />
«Gwydion, incarnant la première fonction sacerdotale, est jupitérien »117. Le nom de<br />
Jupiter provient de * Dyëus phatër, le Ciel-Père. Il était le maître des serments et du droit, et<br />
la poésie latine classique le montrait «sanctionnant» les engagements d'un coup de<br />
tonnerre. De même, Zeus était le maître du Tonnerre et le garant des serments. La paternité<br />
de Lug a également été attribuée au Dagda, le dieu-druide' possesseur du chaudron<br />
d'abondance, . de la massue, de la harpe et de la roue· cosmique. Il était aussi le dieu de la<br />
science, de l'amitié et des contrats. Son correspondant gaulois semble être Taranis, dont<br />
l'attribut principal était la roue et dont le nom s'expliquait par celui du tonnerre (gallois et<br />
breton larann) 118.<br />
Ainsi, Lug et Apollon étaient les fils du Ciel. D'après les données romaines,<br />
celtiques et grecques, le Ciel était le dieu du Tonnerre, avec une fonction juridique. Peutêtre<br />
Huangdi avait-il le même père, car il serait né de l'union d'une vierge et du tonnerre Jl9 •<br />
Il se trouve que le Ciel, tel qu'il.était vénéré par les Turcs, se manifestait par l'éclair et le<br />
tonnerre et qu'il était le garant des serments, des alliances et des traités. Il était aussi un<br />
guerrier 120 , comme le dieu allemand Tius, héritier de *Dyeus. De nombreux peuples ont pu<br />
vénérer le Ciel, mais le fait que le Ciel des Turcs ait eu une fonction juridique permet de<br />
penser qu'ils l'ont emprunté aux Indo-Européens, sans doute aux Tokhariens. Ce n'est pas<br />
la première fois que nous soupçonnons les Tokhariens d'avoir influencé les Turcs, et ce ne<br />
sera pas la dernière fois.<br />
116 Martinet, 1994. p. 95. Le latin quercus « chêne» dérive directement de ·perk"us.<br />
117 Sergent. 2004. p. 288.<br />
Ils Guyonvarc'h et Le Roux. 2001. pp. 182-183.<br />
IIQ Mathieu. 1989. p. 78.<br />
120 J.-P. Roux, L'Asie cl!ntrale. Hisloire el civilisalions, Paris. Fayard, 1997, p. 61.<br />
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