Le Souverain - Aksanti
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4 Politique s<br />
Gouvernance au Sud-Kivu<br />
Mauvais temps…<br />
En octobre, pour accéder aux plénières des<br />
députés provinciaux du Sud-Kivu, il fallait un<br />
parcours de combattant. Sinueuse et tortueuse<br />
était la route menant vers le lieu provisoire des<br />
plénières à l’Athénée d’Ibanda avant que les<br />
députés ne donnent un ultimatum à l’exécutif<br />
sur la réhabilitation de cette voie. Pendant<br />
tout ce mois, il pleuvait presque tous les jours<br />
à Bukavu. Moment choisi par les députés pour<br />
mouiller certains ministres provinciaux et pourquoi<br />
pas le gouverneur du Sud-Kivu dans une<br />
province en proie à l’insécurité et à la mauvaise<br />
gouvernance. Reportage<br />
Depuis l’ouverture de la session à<br />
l’Assemblée provinciale du Sud-<br />
Kivu, le 1er octobre, les ministres<br />
sont dans l’œil du cyclone<br />
des députés. Sur le podium, certains députés<br />
excellent dans des paraboles tendant à faire<br />
croire à un divorce avec l’exécutif actuel.<br />
«Un homme est appelé à sauver sa barque<br />
secouée par une forte tempête et prête à se<br />
noyer avec à bord deux précieux passagers :<br />
sa femme et sa sœur. L’une de ces deux personnes<br />
doit être sacrifiée. Qui le sera?», demande<br />
le député Etienne Mushekuru Kayange<br />
qui n’attend pas de réplique du Président<br />
de l’Assemblée provinciale. Il s’empresse à<br />
donner la réponse. «On est appelé à sauver<br />
sa sœur et laisser couler la femme. Pourquoi<br />
? Parce que la sœur est unique, elle ne peut<br />
naître deux fois. Mais une femme on peut en<br />
marier autant qu’on veut ».<br />
Cet élu du peuple était du haut de la tribune<br />
en face des députés, pour une fois très soudés<br />
et acquis à une même cause, attendant le 26<br />
octobre la réponse du ministre des Finances,<br />
Boaz Amangu, à la question orale avec débat<br />
du député Venant Rugusha. Pour être plus<br />
clair, il explique sa métaphore. La sœur citée<br />
c’est le Gouverneur Cishambo, l’homme c’est<br />
l’Assemblée, la femme ce sont les ministres.<br />
Dans ce cas précis, il faut faire le bon choix :<br />
soit laisser couler le Gouverneur soit certains<br />
de ses ministres qui ont failli. S’en suivent<br />
des applaudissements frénétiques de ses collègues.<br />
Tout semble alors scellé.<br />
Un gouvernement d’invertébrés ?<br />
<strong>Le</strong>s députés provinciaux n’y sont pas allés<br />
des main morte pour mettre certains faits à<br />
jour. Ils ont fustigé haut et fort la gestion des<br />
ministères. Tout est parti de la question orale<br />
avec débat adressée par le député Venant Rugusha<br />
aux ministres des Finances et économie<br />
et des Transports, des communications<br />
et Tourisme.<br />
Si celui du transport a réussi à sauver sa<br />
peau- il est classé parmi les rares performants<br />
ministres-, et son discours a convaincu la majorité<br />
des députés, son chef de division, Luc<br />
Mbiribindi, n’a pas pu sauver sa peau.<br />
Quant à l’argentier de la province, il était<br />
visiblement sonné par les propos des députés<br />
lors de sa dernière sortie au Parlement.<br />
Boaz Amangu a été recalé et cela lui a été honteusement<br />
signifié par les députés. La forme<br />
et le fond de son speech sur le recrutement à<br />
la DPMER ont été critiqués négativement.<br />
<strong>Le</strong> député Mubalama n’a pas caché sa déception<br />
en lisant le texte du Ministre. « Dans<br />
un texte de 14 pages, il a été constaté une<br />
multitude de fautes élémentaires d’orthographe,<br />
de grammaire, de syntaxe qui n’honorent<br />
pas ce ministère. C’est indigeste». A<br />
croire qu’il n’y a plus des services techniques<br />
dans nos ministères se sont écriés avec amertume<br />
plus d’un député à l’exemple de Buhambahamba:<br />
« C’est un manque de respect<br />
manifeste à notre Assemblée et à nos électeurs<br />
quand une phrase française d’un Ministre<br />
est truffée de fautes. Qui ignore qu’en<br />
mathématique et en français une double négation<br />
vaut une affirmation. Lisez ce texte et<br />
constatez la bourde avec moi».<br />
Il faut des réponses<br />
Sur le fond, de nombreux griefs ont été retenus.<br />
A la division du transport par exemple:<br />
le 18 juin 2012, le Commandant de la<br />
10ème région militaire, le Général Pacifique<br />
Masunzu a envoyé au ministre une lettre de<br />
dénonciation. En effet, l’agent Chiruhula<br />
Mujegeza, chef de poste de contrôle routier<br />
de Mushweshwe a été attrapé en flagrant délit<br />
par le général en personne, avec un carnet<br />
des quittances parallèles. Combien d’agents<br />
en utiliseraient et combien des carnets sont<br />
déjà utilisés ? demeurent des questions suspendues<br />
sur les lèvres des députés.<br />
Alors que les faits lui étant reprochés sont<br />
graves, cet agent est appelé par son chef de<br />
division à reprendre service quelques mois<br />
après son passage à la prison centrale de Bukavu<br />
comme pour se moquer du général qui<br />
s’est fait le devoir patriotique de dénoncer un<br />
mal profond. Ce qui étonne, c’est que dans<br />
sa correspondance, le chef de division, soupçonné<br />
d’être de mèche avec son agent, écrit<br />
ceci à cet employé: « il n’est un secret pour<br />
personne que le montant de recettes réalisées<br />
par ceux qui assumaient votre intérim<br />
est d’environ dix fois supérieur au montant<br />
que vous déclariez à la comptabilité ». Qui<br />
peut comprendre ceci, se sont interrogés les<br />
députés. « Nous sommes sidérés », a déclaré<br />
Venant Rugusha. Et de marteler : « Au lieu<br />
Temps de chien au gouvernement provincial<br />
de confirmer ces agents qui ont mérité lors<br />
de leur intérim, on replace un incivique attrapé<br />
la main dans le sac et qui au finish a<br />
fait preuve d’incompétence notoire».<br />
Dans des accusations faites du haut de l’hémicycle,<br />
il est reproché publiquement à Luc<br />
Mbiribindi, le chef de division en question,<br />
d’exceller par le tribalisme, la malversation,<br />
la déstabilisation des agents, l’insubordination.<br />
<strong>Le</strong> député Mustapha est plus précis: «En<br />
11 mois de pouvoir, il a suspendu 36 agents,<br />
les recettes de la division sont en chute libre.»<br />
Son ministre provincial de tutelle, assurément,<br />
n’a pas assez de pouvoir sur lui,<br />
parce que c’est toujours de Kinshasa d’où<br />
sont recommandés de tels agents et où l’on<br />
joue le parapluie, l’appui, pour des raisons<br />
bien évidentes de pourcentage. <strong>Le</strong>s députés<br />
ont fustigé haut et fort cette tendance et ju-<br />
« Un homme est appelé à<br />
sauver sa barque secouée<br />
par une forte tempête et<br />
prête à se noyer avec à bord<br />
deux précieux passagers : sa<br />
femme et sa sœur. L’une de<br />
ces deux personnes doit être<br />
sacrifiée. Qui le sera ? »<br />
Député Etienne Mushekuru<br />
rent vouloir y mettre un terme. Heureusement<br />
que ce Chef de division a été suspendu<br />
sur demande de son Ministre de tutelle.<br />
Ainsi comme pour aider son collègue Anicet<br />
Teganyi qui a introduit le sujet, la questeur<br />
Béatrice Kinja enfonce le clou : «Dans le<br />
transport aérien pourquoi 100 dollars sont<br />
soumis à chaque agence par vol ? Une taxe<br />
qu’on appelle « effort de guerre » passe de<br />
20 à 100 dollars. L’agence Congocom par<br />
exemple fait 35 à 40 rotations par semaine.<br />
Cela donne 16.000 dollars par mois pour une<br />
seule agence. Cette somme ne se retrouve pas<br />
dans les statistiques de la division de trans-<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
port ni dans la caisse du trésor public».<br />
A côté de ces taxes, un autre député a démontré<br />
que le petit badge qu’on trouve dans<br />
chaque taxi à Bukavu portant le numéro et le<br />
prix d’une course de taxi est payé à 10 dollars.<br />
C’est la mairie qui encaisse cet argent. A<br />
quoi sert-il quand dans la ville il n’ y a pas de<br />
parking, s’est-il demandé. D’autres comme le<br />
député Lulihoshi parle d’une taxe que l’Etat<br />
ne connait pas et qui va droit dans les poches<br />
de certains messieurs. « Au parking de Kadutu<br />
des associations perçoivent quotidiennement<br />
100 dollars par véhicules comme<br />
droit d’alignement. Chaque jour ce sont une<br />
vingtaine des gros camions qui sont alignés<br />
là bas. »<br />
<strong>Le</strong> député Mustapha s’est étonné que la<br />
machine pour produire des attestations tenant<br />
lieu de permis de conduire soit dans une<br />
de chambres du Ministre. Il a voulu connaître<br />
le nom de l’imprimeur de ces attestations<br />
et du nombre déjà fabriqué par l’imprimeur.<br />
Cette attestation coûte 30 dollars, dont 20<br />
sont versés à la BIAC et 10 à la division de<br />
transport. Alors que la province est parfois<br />
butée au manque d’imprimés de valeur, cette<br />
machine ne servirait-elle pas à leur impression<br />
?<br />
La réponse du Ministre de transport sur la<br />
machine produisant ces attestations n’a pas<br />
plu à certains députés. <strong>Le</strong> Ministre n’a pas<br />
voulu dire où serait gardée cette machine et<br />
où l’impression se ferait. Pour ces députés,<br />
encore une fois, il y a eu violation de l’édit<br />
N°002/du 3 juin 2011 relative à l’organisation<br />
de la passation des marchés publics en<br />
province du Sud-Kivu.<br />
L’instabilité de la division du transport<br />
a été décriée ainsi que la mauvaise gouvernance<br />
et le recrutement intéressé qui la caractérise.<br />
A titre d’exemple en 14 ans, cette<br />
division a vu défiler 28 chefs de division,<br />
donc un chef de division pour 6 mois. Que<br />
cache ces changements intempestifs ?<br />
<strong>Le</strong> nombre des faussaires n’est plus à<br />
compter à cette division au Sud Kivu. En<br />
témoignent certains rapports du Ministre<br />
provincial de transport qui fustigent cet état<br />
de chose adressés à sa tutelle à Kinshasa. Décidément,<br />
le Ministre national de la fonction<br />
publique , Jean-Claude Kibala a du pain sur<br />
la planche.