23.04.2013 Views

Le Souverain - Aksanti

Le Souverain - Aksanti

Le Souverain - Aksanti

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La liberté de la presse : un droit et non un cadeau du politicien<br />

Journal de promotion de la démocratie avec la femme Novembre-Décembre 2012 - 19 20 pages - 1000 FC<br />

ème année - n°70<br />

Editorial<br />

Ecran de fumée<br />

L<br />

’écran de fumée est d’abord une tactique du<br />

domaine militaire, utilisée afin de masquer la<br />

position exacte d’unités de combat à l’ennemi,<br />

par l’émission d’une fumée dense qui peut être<br />

naturelle, mais est le plus souvent produite artificiellement<br />

à partir de grenades fumigènes. L’écran de fumée est aussi<br />

dans la vie courante, un subterfuge, qui consiste à masquer<br />

ses intentions réelles en effectuant ou promettant de faire<br />

autre chose.<br />

«You can fool some people sometimes. But you can’t fool all<br />

the people all the time», chante Bob Marley, dans sa célèbre<br />

chanson Get-up Stand-up, qui nous appelle à défendre nos<br />

droits. Vous pouvez tromper certaines personnes un certain<br />

temps, mais vous ne pouvez tromper tout le peuple tout le<br />

temps. Qui croit tromper tout un peuple avec des slogans?<br />

Qui peut prétendre libérer un peuple épris de paix, en prenant<br />

les armes contre lui? Qui prétend défendre les droits de<br />

quelques uns en piétinant les droits de toute une nation? Qui<br />

prétend ne parler que de ses droits, en oubliant qu’il a aussi<br />

des devoirs à accomplir?<br />

En dépit des insuffisances de notre jeune démocratie, nous<br />

pensons que toute légitimité en RD Congo ne peut provenir<br />

que de la loi commune (notre Constitution) et du mandat<br />

donné par le peuple congolais. De quoi le M23 est-il le nom?<br />

De quel mandat est-il investi et par qui? Dissipons l’écran de<br />

fumée! <strong>Le</strong>s citoyens congolais ne doivent pas se tromper de<br />

cible! A Kampala, le M23 tente de se légitimer en brassant<br />

tous les thèmes potentiellement populaires auprès du public<br />

congolais : de la dénonciation du déroulement des dernières<br />

élections à la condamnation des commanditaires de l’assassinat<br />

de Chebeya. De la levée des mesures de sûreté devant<br />

la résidence de Etienne Tshisekedi à la tenue d’assises<br />

nationales sur tous les maux du Congo!<br />

Quelles leçons avons-nous à recevoir de ce mouvement en<br />

matière de respect des droits de l’homme ? Loin de nous<br />

l’intention de nier les manquements et les atteintes fréquentes<br />

aux droits humains dans notre pays, y compris par nos<br />

propres forces armées. Loin de nous l’intention de nier le bilan<br />

social et économique insatisfaisant en RD Congo. Mais,<br />

qu’apporte à l’avancement du Congo, ce mouvement armé<br />

de l’extérieur contre les intérêts de toute une nation? Davantage<br />

de ruine, et le désespoir quant au relèvement rapide<br />

du Congo...<br />

<strong>Le</strong> temps est venu de mettre un terme aux primes à la violence<br />

et à l’impunité. A Kampala, le Congo ne peut négocier<br />

ni sa dignité, ni sa jeune démocratie. La seule instance qui<br />

doit dialoguer avec les Bosco Ntaganda, Sultani Makenga,<br />

Jean-Marie Runiga et compagnie: c’est la CPI!<br />

Mais, il faudra aussi que des responsables de notre armée<br />

expliquent aux citoyens pourquoi et comment les FARDC,<br />

victorieuses le 16 novembre 2012, ont dû reculer jusqu’à<br />

abandonner Goma…<br />

Il faudrait surtout que la redevabilité devienne le maître-mot<br />

de l’exercice politique en RD Congo, afin que tous les Congolais<br />

agissent réellement comme les garants d’un Congo de<br />

dignité, de grandeur et de prospérité.<br />

Solange Lusiku<br />

Dans ce numéro<br />

Sports P.19 Portrait Ecologie P.15<br />

Football, la 2ème<br />

division prend<br />

corps à Bukavu<br />

P.2<br />

Politique<br />

P.20<br />

Mwalimu Pascal,<br />

enseignant<br />

jusqu’au bout<br />

Résister à la tempête<br />

Politique P.4<br />

Gouvernance<br />

au Sud-Kivu :<br />

Mauvais temps<br />

Economie P.6<br />

Budget 2011 :<br />

Se servir ?<br />

Dangers des<br />

constructions<br />

anarchiques<br />

P.14


2 Politique s<br />

Rd Congo<br />

Résister à la tempête<br />

L’appel à la mobilisation tous azimuts sans condition est lancé<br />

par le chef de l’Etat Joseph Kabila. C’est devant une assemblée<br />

des congressistes acquise à sa cause, applaudissant à tout<br />

bout de champ. Kabila sort de sa réserve.<br />

M23 passera, comme toute autre tempête d’ailleurs.<br />

Pour la toute première fois<br />

depuis que une partie de la<br />

Rdc vit sous la botte de l’occupant<br />

Rwandais camouflé<br />

en Mouvement du M23, Joseph Kabila<br />

cite nommément le pays agresseur, le<br />

Rwanda. Soudain, c’est des bruits frénétiques<br />

dans la salle des Congrès du<br />

palais du peuple de Kinshasa. <strong>Le</strong>s Kabilistes<br />

veulent re-entendre le nom de<br />

l’agresseur.<br />

<strong>Le</strong> Président poursuit son speech<br />

sans désemparer. Kabiliste ou pas, le<br />

message est bien compris : le peuple<br />

congolais attendait impatiemment que<br />

le magistrat suprême défie verbalement<br />

son agresseur. Mais ce samedi 15<br />

décembre 2012, le congrès ressemble à<br />

tout sauf à quelque chose qui se passe<br />

un parlement.<br />

D’accord avec notre hymne national<br />

Debout Congolais<br />

Un ami publie sur sa page facebook : « si les gens qui meurent méritent<br />

une minute de silence, l’humanité devrait se taire à vie pour l’Est<br />

de la Rd Congo». Un calcul simple me fait aboutir à trois cent quarante<br />

sept ans de deuil, si l’on doit observer une minute de silence pour les<br />

Congolais qui sont morts depuis maintenant plus de seize ans.<br />

Révoltants incessants mouvements des populations congolaises dans le Kivu<br />

Quoi de plus révoltant<br />

que de se rappeler que<br />

le drame du Congo<br />

commence en 1994 avec<br />

l’entrée des réfugiés rwandais sur<br />

le sol congolais ? Bientôt 20 ans<br />

de tueries, d’assassinats, d’agression,<br />

de pillages, de viol, de vol...<br />

et par-dessus tout, de l’hypocrisie<br />

de la communauté internationale.<br />

Crédit : Licence Libre (Google)<br />

Pleurer ?<br />

Crédit : Licence Libre (Google)<br />

Sourde et volontairement, la<br />

communauté internationale a<br />

permis au fils du voisin d’entrer<br />

dans notre maison avec armes et<br />

munitions en 1994.<br />

Aveugle? La communauté internationale<br />

refuse de voir nos<br />

larmes après que le voisin ait<br />

tué nos pères et violé nos mères<br />

prétextant être venu attaquer<br />

son fils sanguinaire FDLR dans<br />

notre propre maison, sa maison<br />

d’accueil.<br />

Sourde, ce monstre dit «communauté<br />

internationale» le fait<br />

exprès face à nos cris qui restent<br />

sans échos. Sinon, elle aurait<br />

déjà sifflé la fin de ce match<br />

macabre. Plus le match est long<br />

plus les visées économiques<br />

Artistes musiciens, comédiens, militants<br />

des partis membres de la Majorité<br />

présidentielle sont rangés comme un<br />

seul homme. Ils agitent drapeaux et<br />

chapeaux tout en scandant des slogans<br />

à la gloire du raïs.<br />

C’est peut-être celle-là la mobilisation<br />

à laquelle Kabila fait allusion. Alors sans<br />

condition. Si pour la Mp le discours sur<br />

l’état de la nation est entièrement bien<br />

accueilli, par contre pour l’opposition,<br />

l’appel du chef à la cohésion nationale<br />

ne doit pas être obligatoire. Car, penset-elle,<br />

il y a des préalables.<br />

Quels sont ces préalables ?<br />

Une table ronde politique avec toutes<br />

les forces vives de la nation pour diagnostiquer<br />

les vraies causes de cette<br />

guerre injuste. Respect de l’Etat de<br />

droit, de la bonne gouvernance ; libération<br />

des leaders politiques et d’opinion;<br />

levée des mesures de surêté devant la<br />

résidence de Etienne Tshisekedi . C’est<br />

tout un chapelet des revendications<br />

préalables à l’unité nationale en vue de<br />

sauver la patrie.<br />

Mais le temps joue actuellement<br />

contre Paul Kagame du Rwanda et ses<br />

poulains du M23, pourfendeurs de l’intégrité<br />

et intangibilité territoriale de<br />

la Rdc. Ces défenseurs de la thèse de<br />

la balkanisation sinon d’une annexion<br />

des riches provinces du Nord-Kivu et<br />

Crédit : Licence Libre<br />

croissent, plus les multinationales<br />

arrivent, plus, les nouveaux<br />

minerais sont découverts, plus<br />

les revendications du rebelle<br />

changent, plus on nous endort.<br />

Atone, la communauté internationale<br />

se décide de le demeurer<br />

face à nos pleurs et permet<br />

au voisin derrière qui se cachent<br />

les « grands sans état d’âme» de<br />

fouiller, de bêcher et de ne laisser<br />

nulle place (de notre concession)<br />

où la main ne passe et repasse.<br />

Aphone, nos grands frères et<br />

sœurs se décident de le demeurer<br />

pour préserver leur pouvoir.<br />

Insensible, l’humanité ne fait<br />

qu’observer une minute de silence<br />

face à plus de six millions<br />

de morts dans notre maison depuis<br />

plus d’une décennie.<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Pourquoi ces innocents d’enfants doivent errer dans le Kivu<br />

Sud-Kivu font des insomnies. Peu à<br />

peu, l’on assiste au réveil de conscience<br />

des Congolais. Ces derniers restent attachés<br />

à l’unité de leur pays.<br />

<strong>Le</strong>s comptes à rebours ont commencé<br />

pour Kagame. Ses soutiens extérieurs<br />

dont l’Américaine Suzan Rice dans son<br />

plan machiavélique, concocté avec les<br />

Clinton, s’éloigne de plus en plus de sa<br />

vision. Déboutée par le Congrès américain,<br />

son influence sur la Région des<br />

Grands lacs s’amenuise.<br />

De l’exil, les opposants au régime Kagame<br />

délient leurs langues. <strong>Le</strong>s Britanniques<br />

délient les leurs. Joseph Kabila<br />

délie la sienne. <strong>Le</strong>s Congolais, toutes<br />

tendances confondues, ne sont pas du<br />

reste. <strong>Le</strong> sentiment nationaliste et patriotique<br />

est si fort.<br />

L’étau se resserre désormais autour<br />

du géniteur du M23. Celui-ci cherche<br />

vainement à exploiter les faiblesses du<br />

régime de Kabila pour s’attirer la sympathie<br />

des Congolais et par ricochet de<br />

l’opposition, afin de légitimer son mouvement.<br />

On ne vient pas habiter dans la maison<br />

du voisin où, après y avoir été chaleureusement<br />

accueilli, on la dévaste en<br />

violant toute hospitalité offerte, pour<br />

enfin se placer en défenseur des droits<br />

de l’homme.<br />

Jeef Ngoy<br />

Famous politic reporter journalist<br />

C’est le prix à payer de notre<br />

hospitalité légendaire. N’oubliez<br />

pas que pour 800 000 chez le<br />

voisin, le mot génocide a été prononcé<br />

et brandi en fond de commerce<br />

et de compassion sur toute<br />

la planète.<br />

Inerte, nos ainés et nous observons<br />

impuissants avec «beaucoup<br />

de passivité» lorsque le fils du<br />

voisin que nous avons accueilli<br />

dans notre maison s’en déclare<br />

propriétaire. Il prend des armes<br />

sous prétexte de revendiquer nos<br />

droits, sans notre mandat. Dans<br />

notre lignée, y’a-t-il quelqu’un qui<br />

peut jouer le David pour faire face<br />

à Goliath ?<br />

Prenons-nous en charge et jetons-nous<br />

à l’eau, sinon, nous en<br />

aurons pour longtemps.<br />

Solange Lusiku


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Solange Lusiku à <strong>Le</strong> Croco :<br />

« <strong>Le</strong> Congo ne restera pas<br />

toujours un Etat faible »<br />

<strong>Le</strong> Croco est la newsletter de l’ONG Solidarité Socialiste belge.<br />

Tous les mois, il propose une sélection mordante de l’actualité!<br />

Il a eu à interviewer Solange Lusiku, Editrice-Responsable du<br />

Journal <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> à Bukavu. <strong>Le</strong> 2 février 2012, l’Université<br />

Catholique de Louvain lui décernait le titre de Docteur honoris<br />

causa, en reconnaissance de son combat pour la promotion de<br />

la démocratie couplée avec les droits de la femme en Rd Congo .<br />

Dans la presse écrite, solange Lusiku est une femme qui a su se<br />

tailler un chemin dans le roc.<br />

<strong>Le</strong> Croco a demandé à Solange Lusiku<br />

d’exprimer son point de vue<br />

sur le conflit armé qui déchire<br />

actuellement l’Est de la République<br />

Démocratique du Congo. <strong>Le</strong> moins<br />

qu’on puisse dire c’est que la journaliste<br />

a du mal à contenir sa colère.<br />

<strong>Le</strong> Croco : Comment peut-on caractériser<br />

la situation actuelle à<br />

l’Est de la RDC?<br />

Solange Lusiku : C’est la confusion totale.<br />

La Monusco (Mission des Nations<br />

Unies au Congo) est elle même perdue<br />

devant une anarchie totale, un mouvement<br />

nommé «Raia Mutomboki» originaire<br />

du sud de Shabunda (l’un et le plus<br />

vaste des 8 territoires du Sud Kivu) prend<br />

de l’ampleur dans toute la province. A la<br />

base respectable, un mouvement d’auto<br />

défense civile et locale contre les FDLR<br />

(Forces Démocratiques pour la Libération<br />

du Rwanda) car les FARDC (Forces<br />

Armées de la République du Congo)<br />

étaient absentes de certains coins du pays<br />

victimes des pires exactions. Ce groupe<br />

armé est en train de s’étendre surtout ces<br />

derniers mois. <strong>Le</strong> mouvement n’est plus<br />

seulement à Shabunda mais il est imité<br />

à Bunyakiri dans le territoire de Kalehe,<br />

à Kaniola dans le territoire de Walungu<br />

et partout dans Shabunda. Un groupe<br />

qui mène à une pluralité des chefs, et à<br />

beaucoup d’autres groupes. Ces derniers<br />

sont nés de l’incapacité des FARDC à assurer<br />

la sécurité de la population contre<br />

les FDLR.<br />

«Armez un civil, il devient vite cupide<br />

et avide de pouvoir». Un rançonnement<br />

de la population s’en suit. Il est perpétré<br />

par les Raia, les FDLR et même les<br />

FARDC. La chasse aux mines est à la<br />

base de leur approvisionnement en armes<br />

et munitions. Ceci explique les affrontements<br />

entre différents groupes<br />

dans les villages et dans les carrés miniers.<br />

Conséquences: déplacements des<br />

populations, tribunaux, sourde oreille<br />

de l’armée régulière et aussi le fait que<br />

les Raia Mutomboki se dissimulent de<br />

plus en plus dans la forêt. Au départ ils<br />

respectaient la population mais certains<br />

groupes commencent à abuser, à créer<br />

des bastions en édictant leurs propres<br />

lois au nom de la cupidité du pouvoir.<br />

<strong>Le</strong>s médias occidentaux se focalisent sur<br />

le M23 et ne comprennent pas la dimension<br />

plus complexe du conflit. Ce qui se<br />

passe au Sud Kivu est ignoré par tous<br />

ces médias, et est en lien direct avec le<br />

conflit au Nord Kivu. Mais les médias ne<br />

veulent parler que du M23, car il est au<br />

centre de l’actualité. Alors que dans le<br />

Kivu, tout se décide dans l’ombre et dans<br />

le secret depuis toujours. <strong>Le</strong> M23 est-il<br />

une énorme diversion ?<br />

A l’Est du Congo, la population est donc<br />

appelée à faire face à une multitude de<br />

groupes armés en plus de l’armée régulière<br />

(FARDC) et des casques bleus de la<br />

Monusco. Ces groupes armés n’hésitent<br />

pas à utiliser la population comme bouclier<br />

humain. <strong>Le</strong>s civils et même des enfants<br />

sont parfois abattus à tort sous prétexte<br />

qu’ils appartiennent à des groupes<br />

armés. En juin 2012, à Shabunda, un enfant<br />

de 12 ans a été abattu de sang froid<br />

par un commandant FARDC. <strong>Le</strong> crime<br />

a été reconnu tout comme l’innocence<br />

de l’enfant mais l’impunité a encore une<br />

fois eu le dernier mot.<br />

Au Nord Kivu, fief du mouvement M23,<br />

c’est le désarroi devant l’incapacité de la<br />

CIRGL (Conférence Internationale pour<br />

la Région des Grands Lacs) à trouver<br />

une issue au problème qui mine la vie<br />

des populations. <strong>Le</strong>s M23 ne sont pas<br />

inquiétés depuis plusieurs semaines (les<br />

négociations ont commencé) mais ils<br />

envoient des délégations au Sud Kivu<br />

pour embraser aussi cette partie qui leur<br />

résiste encore. Ils sont infiltrés partout<br />

mais ils ne se dévoilent pas au Sud Kivu<br />

parce que les M23 ont une mauvaise publicité<br />

depuis leur origine en tant que<br />

groupe rebelle du RCD-CNDP-M23 de<br />

triste mémoire.<br />

<strong>Le</strong> Croco : Comment les autorités publiques,<br />

gouvernement et pouvoirs<br />

locaux, réagissent-ils à la situation ?<br />

Solange Lusiku : C’est l’aveuglement<br />

et l’incapacité totale pourvu qu’on ne<br />

touche pas à leur porte- feuille et à leur<br />

siège. Qui sont les personnalités et les<br />

vrais décideurs de l’ombre ? <strong>Le</strong>s personnalités<br />

publiques sont des enfants gâtés<br />

par les vrais décideurs de l’ombre. Tant<br />

que leurs comptes en banque sont remplis,<br />

ils ne s’inquiéteront pas. Plus de<br />

5.millions de morts en 18 ans, qu’ont-ils<br />

fait ?<br />

Au Congo, il y a cinq cents députés nationaux<br />

qui réclament 13.500$/mois<br />

d’émolument alors qu’un enseignant<br />

tous échelons confondus et tous diplômes<br />

confondus touche 56.000 Francs<br />

Congolais équivalent à 56 $ et un militaire<br />

36.000 FC soit 36 $. Ce dernier se<br />

rend au front avec les femmes et les enfants.<br />

<strong>Le</strong> président de l’UE touche peutêtre<br />

14.000 euros, mais lui il travaille et<br />

ils ne sont pas 500 à toucher ce salaire.<br />

Nos députés travaillent deux heures<br />

par jour, et ils sont 500. <strong>Le</strong> salaire de<br />

Kabila serait estimé à 300 000 dollars.<br />

C’est piller son propre pays et marcher<br />

sur les droits des autres, pour plus de<br />

10 ans de pouvoir sans aucune politique<br />

menée tant au niveau éducation, social,<br />

économique. <strong>Le</strong>s seules politiques qu’il a<br />

menées se situent au niveau sécuritaire.<br />

Voyez la situation actuelle : les députés<br />

congolais ainsi que les membres du gouvernement,<br />

ont-ils le temps de penser<br />

aux pauvres citoyens ?<br />

<strong>Le</strong> Croco : Quelles perspectives<br />

dans ce contexte de la tenue d’élections<br />

locales? Pourraient-elles<br />

contribuer à la résolution d’un<br />

certain nombre de problèmes liés<br />

au conflit ?<br />

Solange Lusiku : Y aura-t-il des élections<br />

? Ça fait longtemps que la Constitution<br />

n’est plus respectée. Ça n’étonnera<br />

personne si on se réveille un jour<br />

en apprenant l’annulation de ces élections.<br />

Personne n’osera le dénoncer.<br />

Même pas les médias congolais à grande<br />

audience. Au contraire, ils se mettront<br />

« Actuellement, on a<br />

affaire à des animateurs<br />

à double visage au sein<br />

de la société civile. Lors<br />

des manifestations, ils<br />

sont société civile tandis<br />

qu’ils sont par ailleurs<br />

membres effectifs des partis<br />

politiques.»<br />

Solange Lusiku, Présidente UNPC/Sud-<br />

Kivu, Dr. Honoris Causa UCL/Belgique<br />

à présenter cette tricherie comme une<br />

grande actualité digne d’un publi-reportage.<br />

Voilà notre honte. Et les médias<br />

occidentaux? Eux ne focaliseront leur<br />

attention que sur le tableau sombre du<br />

contexte congolais. Ils n’hésiteront pas<br />

à emprunter les yeux d’aveugles pour<br />

ne pas remarquer d’autres initiatives<br />

positives qui apportent une valeur ajoutée<br />

en termes de combats contre le mal<br />

qui sévit dans ce pays. A terme, il faut<br />

résoudre la question de la gouvernance<br />

de manière globale et de la souveraineté<br />

de l’Etat sur les ressources. Tout citoyen<br />

congolais doit comprendre qu’Il n’existe<br />

qu’une seule voie de participation aux<br />

institutions : la voie pacifique par le mérite<br />

et par l’élection.<br />

<strong>Le</strong> Croco : Qu’attendent les populations<br />

et/ou les organisations de la<br />

société civile de l’opinion publique internationale,<br />

de la Belgique en particulier<br />

(qui sera représentée par deux<br />

ministres, Didier Reynders (Ministre<br />

des Affaires Etrangères) et Rudy Demotte<br />

(Ministre Président de la Communauté<br />

Française) au prochain<br />

sommet de la Francophonie en octobre<br />

à Kinshasa ?<br />

Solange Lusiku : C’est depuis l’époque<br />

de la dictature de Mobutu que les congolais<br />

attendent de la Belgique des actes et<br />

Politique s<br />

Crédit : Licence Libre<br />

3<br />

non des paroles. La population attend<br />

qu’ils arrêtent de soutenir le Rwanda financièrement.<br />

Si les occidentaux veulent<br />

avoir les minerais du Congo, ils n’ont<br />

qu’à aider la population à recouvrer sa<br />

paix et tout se négociera sans bagarre ni<br />

tuerie. Ils vont pactiser.<br />

On n’oublie pas que l’intégration du<br />

CNDP, mué en M23 aujourd’hui, a été<br />

dictée par les occidentaux. On mesure<br />

aujourd’hui les conséquences dramatiques<br />

de ce brassage. D’autres programmes<br />

comme Amani <strong>Le</strong>o ont permis au<br />

CNDP de dominer les deux provinces du<br />

Kivu. <strong>Le</strong>s populations civiles ont-elles<br />

la possibilité de se mobiliser ? Elles le<br />

pourraient si la société civile congolaise,<br />

celle de l’Est du Congo en particulier en<br />

était encore une. On n’a plus de leaders<br />

charismatiques qui porteraient le flambeau<br />

de la société civile comme ce fût le<br />

cas à l’époque du RCD.<br />

Actuellement, on a affaire à des animateurs<br />

à double visage au sein de la société<br />

civile. Lors des manifestations, ils<br />

sont « société civile» tandis qu’ils sont<br />

par ailleurs «membre effectif» des partis<br />

politiques. Pour un petit montant, Ils<br />

n’hésitent pas à trahir. Dommage. Pour<br />

le moment, ce sont les églises, surtout<br />

l’église catholique, à partir de la base<br />

jusqu’au sommet, qui mobilisent encore.<br />

<strong>Le</strong>s prises de position des évêques du<br />

Congo sont éloquentes à ce sujet.<br />

<strong>Le</strong>s partenaires du Congo doivent l’aider<br />

à réformer le secteur de la sécurité en<br />

l’aidant à sortir définitivement de cette<br />

logique de complaisance à l’égard des<br />

groupes armés. La rébellion du M23<br />

s’est inscrite dans la durée grâce à l’impunité<br />

qui règne à travers le pays.<br />

L’urgence s’impose. Etant donné que<br />

dans l’immédiat, la CIRGL n’a pas la<br />

capacité militaire ou financière, et, surtout,<br />

la « neutralité » nécessaires pour<br />

établir et déployer une prétendue force<br />

neutre, les amis et alliés du Congo dans<br />

cette démarche qui vise le rétablissement<br />

de la paix dans sa partie orientale<br />

doivent affiner leur stratégies et capacités<br />

d’influence en vue d’amener l’Union<br />

Africaine ainsi que les Nations Unies à<br />

prendre des sanctions contre les Etats<br />

qui soutiennent le M23 et redonner les<br />

moyens d’action aux FARDC, sous la<br />

forme d’une action conjointe et concertée<br />

avec la Monusco pour un mandat<br />

renforcé.<br />

<strong>Le</strong>s dirigeants de la sous région, quant à<br />

eux, doivent prendre une décision claire<br />

en mettant fin aux politiques de prédation<br />

et de pillage, par le soutien aux<br />

groupes irréguliers dans les pays voisins.<br />

L’instabilité que la politique d’ingérence<br />

de Kagame entraine au Congo risque de<br />

se retourner à terme contre le Rwanda!<br />

La détresse des populations du Kivu alimente<br />

l’inimitié croissante à l’endroit<br />

des ressortissants du Rwanda. <strong>Le</strong> Congo<br />

ne restera pas toujours un Etat faible. Il<br />

dispose d’une population et de ressources<br />

qui lui permettent de renverser à<br />

son avantage les rapports de forces... La<br />

démocratisation du Rwanda est aussi<br />

une condition à la paix. <strong>Le</strong> Croco


4 Politique s<br />

Gouvernance au Sud-Kivu<br />

Mauvais temps…<br />

En octobre, pour accéder aux plénières des<br />

députés provinciaux du Sud-Kivu, il fallait un<br />

parcours de combattant. Sinueuse et tortueuse<br />

était la route menant vers le lieu provisoire des<br />

plénières à l’Athénée d’Ibanda avant que les<br />

députés ne donnent un ultimatum à l’exécutif<br />

sur la réhabilitation de cette voie. Pendant<br />

tout ce mois, il pleuvait presque tous les jours<br />

à Bukavu. Moment choisi par les députés pour<br />

mouiller certains ministres provinciaux et pourquoi<br />

pas le gouverneur du Sud-Kivu dans une<br />

province en proie à l’insécurité et à la mauvaise<br />

gouvernance. Reportage<br />

Depuis l’ouverture de la session à<br />

l’Assemblée provinciale du Sud-<br />

Kivu, le 1er octobre, les ministres<br />

sont dans l’œil du cyclone<br />

des députés. Sur le podium, certains députés<br />

excellent dans des paraboles tendant à faire<br />

croire à un divorce avec l’exécutif actuel.<br />

«Un homme est appelé à sauver sa barque<br />

secouée par une forte tempête et prête à se<br />

noyer avec à bord deux précieux passagers :<br />

sa femme et sa sœur. L’une de ces deux personnes<br />

doit être sacrifiée. Qui le sera?», demande<br />

le député Etienne Mushekuru Kayange<br />

qui n’attend pas de réplique du Président<br />

de l’Assemblée provinciale. Il s’empresse à<br />

donner la réponse. «On est appelé à sauver<br />

sa sœur et laisser couler la femme. Pourquoi<br />

? Parce que la sœur est unique, elle ne peut<br />

naître deux fois. Mais une femme on peut en<br />

marier autant qu’on veut ».<br />

Cet élu du peuple était du haut de la tribune<br />

en face des députés, pour une fois très soudés<br />

et acquis à une même cause, attendant le 26<br />

octobre la réponse du ministre des Finances,<br />

Boaz Amangu, à la question orale avec débat<br />

du député Venant Rugusha. Pour être plus<br />

clair, il explique sa métaphore. La sœur citée<br />

c’est le Gouverneur Cishambo, l’homme c’est<br />

l’Assemblée, la femme ce sont les ministres.<br />

Dans ce cas précis, il faut faire le bon choix :<br />

soit laisser couler le Gouverneur soit certains<br />

de ses ministres qui ont failli. S’en suivent<br />

des applaudissements frénétiques de ses collègues.<br />

Tout semble alors scellé.<br />

Un gouvernement d’invertébrés ?<br />

<strong>Le</strong>s députés provinciaux n’y sont pas allés<br />

des main morte pour mettre certains faits à<br />

jour. Ils ont fustigé haut et fort la gestion des<br />

ministères. Tout est parti de la question orale<br />

avec débat adressée par le député Venant Rugusha<br />

aux ministres des Finances et économie<br />

et des Transports, des communications<br />

et Tourisme.<br />

Si celui du transport a réussi à sauver sa<br />

peau- il est classé parmi les rares performants<br />

ministres-, et son discours a convaincu la majorité<br />

des députés, son chef de division, Luc<br />

Mbiribindi, n’a pas pu sauver sa peau.<br />

Quant à l’argentier de la province, il était<br />

visiblement sonné par les propos des députés<br />

lors de sa dernière sortie au Parlement.<br />

Boaz Amangu a été recalé et cela lui a été honteusement<br />

signifié par les députés. La forme<br />

et le fond de son speech sur le recrutement à<br />

la DPMER ont été critiqués négativement.<br />

<strong>Le</strong> député Mubalama n’a pas caché sa déception<br />

en lisant le texte du Ministre. « Dans<br />

un texte de 14 pages, il a été constaté une<br />

multitude de fautes élémentaires d’orthographe,<br />

de grammaire, de syntaxe qui n’honorent<br />

pas ce ministère. C’est indigeste». A<br />

croire qu’il n’y a plus des services techniques<br />

dans nos ministères se sont écriés avec amertume<br />

plus d’un député à l’exemple de Buhambahamba:<br />

« C’est un manque de respect<br />

manifeste à notre Assemblée et à nos électeurs<br />

quand une phrase française d’un Ministre<br />

est truffée de fautes. Qui ignore qu’en<br />

mathématique et en français une double négation<br />

vaut une affirmation. Lisez ce texte et<br />

constatez la bourde avec moi».<br />

Il faut des réponses<br />

Sur le fond, de nombreux griefs ont été retenus.<br />

A la division du transport par exemple:<br />

le 18 juin 2012, le Commandant de la<br />

10ème région militaire, le Général Pacifique<br />

Masunzu a envoyé au ministre une lettre de<br />

dénonciation. En effet, l’agent Chiruhula<br />

Mujegeza, chef de poste de contrôle routier<br />

de Mushweshwe a été attrapé en flagrant délit<br />

par le général en personne, avec un carnet<br />

des quittances parallèles. Combien d’agents<br />

en utiliseraient et combien des carnets sont<br />

déjà utilisés ? demeurent des questions suspendues<br />

sur les lèvres des députés.<br />

Alors que les faits lui étant reprochés sont<br />

graves, cet agent est appelé par son chef de<br />

division à reprendre service quelques mois<br />

après son passage à la prison centrale de Bukavu<br />

comme pour se moquer du général qui<br />

s’est fait le devoir patriotique de dénoncer un<br />

mal profond. Ce qui étonne, c’est que dans<br />

sa correspondance, le chef de division, soupçonné<br />

d’être de mèche avec son agent, écrit<br />

ceci à cet employé: « il n’est un secret pour<br />

personne que le montant de recettes réalisées<br />

par ceux qui assumaient votre intérim<br />

est d’environ dix fois supérieur au montant<br />

que vous déclariez à la comptabilité ». Qui<br />

peut comprendre ceci, se sont interrogés les<br />

députés. « Nous sommes sidérés », a déclaré<br />

Venant Rugusha. Et de marteler : « Au lieu<br />

Temps de chien au gouvernement provincial<br />

de confirmer ces agents qui ont mérité lors<br />

de leur intérim, on replace un incivique attrapé<br />

la main dans le sac et qui au finish a<br />

fait preuve d’incompétence notoire».<br />

Dans des accusations faites du haut de l’hémicycle,<br />

il est reproché publiquement à Luc<br />

Mbiribindi, le chef de division en question,<br />

d’exceller par le tribalisme, la malversation,<br />

la déstabilisation des agents, l’insubordination.<br />

<strong>Le</strong> député Mustapha est plus précis: «En<br />

11 mois de pouvoir, il a suspendu 36 agents,<br />

les recettes de la division sont en chute libre.»<br />

Son ministre provincial de tutelle, assurément,<br />

n’a pas assez de pouvoir sur lui,<br />

parce que c’est toujours de Kinshasa d’où<br />

sont recommandés de tels agents et où l’on<br />

joue le parapluie, l’appui, pour des raisons<br />

bien évidentes de pourcentage. <strong>Le</strong>s députés<br />

ont fustigé haut et fort cette tendance et ju-<br />

« Un homme est appelé à<br />

sauver sa barque secouée<br />

par une forte tempête et<br />

prête à se noyer avec à bord<br />

deux précieux passagers : sa<br />

femme et sa sœur. L’une de<br />

ces deux personnes doit être<br />

sacrifiée. Qui le sera ? »<br />

Député Etienne Mushekuru<br />

rent vouloir y mettre un terme. Heureusement<br />

que ce Chef de division a été suspendu<br />

sur demande de son Ministre de tutelle.<br />

Ainsi comme pour aider son collègue Anicet<br />

Teganyi qui a introduit le sujet, la questeur<br />

Béatrice Kinja enfonce le clou : «Dans le<br />

transport aérien pourquoi 100 dollars sont<br />

soumis à chaque agence par vol ? Une taxe<br />

qu’on appelle « effort de guerre » passe de<br />

20 à 100 dollars. L’agence Congocom par<br />

exemple fait 35 à 40 rotations par semaine.<br />

Cela donne 16.000 dollars par mois pour une<br />

seule agence. Cette somme ne se retrouve pas<br />

dans les statistiques de la division de trans-<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

port ni dans la caisse du trésor public».<br />

A côté de ces taxes, un autre député a démontré<br />

que le petit badge qu’on trouve dans<br />

chaque taxi à Bukavu portant le numéro et le<br />

prix d’une course de taxi est payé à 10 dollars.<br />

C’est la mairie qui encaisse cet argent. A<br />

quoi sert-il quand dans la ville il n’ y a pas de<br />

parking, s’est-il demandé. D’autres comme le<br />

député Lulihoshi parle d’une taxe que l’Etat<br />

ne connait pas et qui va droit dans les poches<br />

de certains messieurs. « Au parking de Kadutu<br />

des associations perçoivent quotidiennement<br />

100 dollars par véhicules comme<br />

droit d’alignement. Chaque jour ce sont une<br />

vingtaine des gros camions qui sont alignés<br />

là bas. »<br />

<strong>Le</strong> député Mustapha s’est étonné que la<br />

machine pour produire des attestations tenant<br />

lieu de permis de conduire soit dans une<br />

de chambres du Ministre. Il a voulu connaître<br />

le nom de l’imprimeur de ces attestations<br />

et du nombre déjà fabriqué par l’imprimeur.<br />

Cette attestation coûte 30 dollars, dont 20<br />

sont versés à la BIAC et 10 à la division de<br />

transport. Alors que la province est parfois<br />

butée au manque d’imprimés de valeur, cette<br />

machine ne servirait-elle pas à leur impression<br />

?<br />

La réponse du Ministre de transport sur la<br />

machine produisant ces attestations n’a pas<br />

plu à certains députés. <strong>Le</strong> Ministre n’a pas<br />

voulu dire où serait gardée cette machine et<br />

où l’impression se ferait. Pour ces députés,<br />

encore une fois, il y a eu violation de l’édit<br />

N°002/du 3 juin 2011 relative à l’organisation<br />

de la passation des marchés publics en<br />

province du Sud-Kivu.<br />

L’instabilité de la division du transport<br />

a été décriée ainsi que la mauvaise gouvernance<br />

et le recrutement intéressé qui la caractérise.<br />

A titre d’exemple en 14 ans, cette<br />

division a vu défiler 28 chefs de division,<br />

donc un chef de division pour 6 mois. Que<br />

cache ces changements intempestifs ?<br />

<strong>Le</strong> nombre des faussaires n’est plus à<br />

compter à cette division au Sud Kivu. En<br />

témoignent certains rapports du Ministre<br />

provincial de transport qui fustigent cet état<br />

de chose adressés à sa tutelle à Kinshasa. Décidément,<br />

le Ministre national de la fonction<br />

publique , Jean-Claude Kibala a du pain sur<br />

la planche.


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

<strong>Le</strong>s députés provinciaux suivent avec attention les explications du Ministre provincial des Finances<br />

Sur 38 dossiers des prétendants chefs de<br />

bureau envoyés à Kinshasa par le Ministre<br />

provincial- qui se plaint-, 31 dossiers sont irréguliers,<br />

c’est-à-dire contiennent beaucoup<br />

de faussetés dont des numéros matricules<br />

falsifiés, ne leur appartenant pas et libellés<br />

aux noms d’autres personnes des autres provinces.<br />

Beaucoup reste à faire<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> venait de signer à la une de<br />

son précédent numéro : «Exit Cishambo<br />

et Baleke». Cette manchette a semblé forte<br />

pour un cercle qui a vu dans cet article une<br />

recherche de vedettariat et de gloriole, une<br />

sorte de journalisme sensationnel.<br />

Pour nombreux lecteurs, cet article révélait<br />

le malaise qui frappe la province et qu’il<br />

était temps de dénoncer certaines dérives.<br />

<strong>Le</strong>s signes du temps semblent donner raison<br />

au journal.<br />

Décidément le Sud-Kivu, l’une de petites<br />

provinces de la Rdc, la 9ème sur 11 provinces<br />

en terme de superficie, donne du torticolis<br />

à ceux qui sont censés la piloter. Elle<br />

est en proie à des problèmes qui dépassent<br />

la force et l’anticipation de ses dirigeants.<br />

La Plaine de la Ruzizi vit une situation<br />

volatile qui risque de s’enflammer à tout<br />

moment. Uvira connaît une insécurité inquiétante.<br />

<strong>Le</strong> port de Kalundu, deuxième<br />

port du pays après Matadi est presque en<br />

désuétude.<br />

Fizi est le théâtre de la même insécurité,<br />

les vols du bétail sont devenus courants et<br />

les coupeurs de routes y sèment la désolation.<br />

Selon un membre du parti politique<br />

Unc/Fizi, à Baraka en 6 mois, on a compté<br />

30 intrusions et braquages dans les maisons<br />

des particuliers. Kalehe vit dans l’insécurité<br />

avec la présence des milices Raia<br />

mutomboki et Nyatura et enregistre des<br />

déplacements importants des populations.<br />

Dans Idjwi, Kabare et Walungu les cultures<br />

les plus consommées dans la province<br />

-maniocs et bananes– sont attaquées par<br />

des maladies sous l’œil impuissant des<br />

gouvernants. Dans ces mêmes territoires,<br />

on est en proie à des croyances d’un autre<br />

millénaire : le phénomène «Kabanga»,<br />

étranglement à l’aide d’un fil qui enrichirait<br />

le bourreau. Des enfants sont oppressés,<br />

tués par asphyxie à longueur des journées,<br />

des albinos sont tués et le corps de<br />

certains d’entre eux sont déterrés.<br />

La ville de Bukavu est saisie par la<br />

frayeur : de nombreux braquages et tueries<br />

y sont enregistrées et rappellent les<br />

films far West ou des Cow boys défiaient<br />

les Chérifs. <strong>Le</strong> célèbre et illustre médecin<br />

Denis Mukwege a failli être assassiné dans<br />

un quartier hautement sécurisé, non loin<br />

de là le patron du service de gardiennage<br />

Delta Force a failli perdre sa peau, las braqueurs<br />

de la Coopec Nyawera à Muhungu<br />

courent toujours, l’insécurité a monté de<br />

plusieurs crans dans la ville de Bukavu.<br />

Des journalistes non inféodés qui osent<br />

chercher à investiguer sont intimidés. Certains<br />

ont été forcés à l’exil, sous le regard<br />

railleur de certains confrères. D’autres<br />

jouent courageusement leur rôle sur place<br />

dans une province où l’insécurité, la jalousie,<br />

la complicité, la haine et la courdise<br />

sont les maîtres mots.<br />

<strong>Le</strong> député Biemba Songa Yaya a même<br />

indiqué le 26 octobre devant ses pairs<br />

que: «143 policiers ont été formés dans<br />

le cadre de la police de proximité à Bukavu.<br />

Aujourd’hui on en compte moins de<br />

40. Tous ont fui parce qu’ils n’ont rien à<br />

manger et ne sont pas payés ». Une centaine<br />

d’autres braves policiers de la légion<br />

d’intervention rapide viennent d’arriver<br />

de Kinshasa pour la plaine de la Ruzizi. La<br />

population de la plaine espère qu’ils seront<br />

encouragés matériellement à bien faire leur<br />

travail. <strong>Le</strong> député Kalenga a même renseigné<br />

que les britanniques retireraient leur<br />

aide dans la construction des bureaux de la<br />

police de proximité au Sud-Kivu si d’ici décembre<br />

2012 les autorités n’ont pas trouvé<br />

d’endroit où construire.<br />

Dans le même ordre d’idées, quid de la<br />

gestion et de la répartition des maisons<br />

construites au camps Saïo de Bukavu avec<br />

l’apport de l’OIM, l’organisation internationale<br />

de migration ?<br />

<strong>Le</strong>s constructions anarchiques pullulent,<br />

les destructions « ciblées » de certains espaces<br />

ont été dénoncées par certains habitants<br />

de Bukavu, la loi du plus fort se porte bien,<br />

les embouteillages monstres vous bloquent,<br />

les parkings inexistants, dépotoirs publiques<br />

et cimetières difficiles à trouver, les<br />

délestages honteux en énergie électrique et<br />

en eau potable alors que le lac Kivu est à la<br />

portée de la population, le comble avec une<br />

facturation jugée fantaisiste et élevée par<br />

la Ligue des consommateurs des services<br />

au Congo Kinshasa (LICOSKI), l’éclairage<br />

public aujourd’hui un souvenir lointain et<br />

quand on peut l’apercevoir, c’est la journée<br />

et non aux heures de nuit, les kilomètres<br />

témoin d’Ibanda et de Bagira demandent<br />

maintenance, des équipes de football venant<br />

d’ailleurs se retrouvent dans un champ de<br />

patate à Kadutu en lieu et place d’un stade<br />

de la Concorde.<br />

Biemba Songa ne croyait pas bien le dire<br />

le 26 octobre. « Il apparait que nous<br />

dérangeons le Gouvernorat par nos<br />

demandes en soins de santé, nos ordres<br />

de mission, plus de deux ans nos<br />

commissions permanentes ne sont pas<br />

actives par manque d’argent, je ne me<br />

vois plus aller poireauter au Gouvernorat<br />

et de surcroît me faire ridiculiser<br />

par des agents de là, je nous demande<br />

d’en prendre bonne note ».<br />

Mwenga et Shabunda, des martyrs !<br />

Aller à Mwenga redevient un parcours<br />

de combattant. La route n’en est plus une<br />

et l’insécurité n’y a pas dit son dernier mot.<br />

Selon Byemba Songa , on ne compte pas<br />

moins de 15 barrières sur cette route, l’or de<br />

Luhwinja divise la population et certaines<br />

de ses autorités. Shabunda, le martyr, ne se<br />

remet pas de son enclavement.<br />

Certains coins de cette contrée n’ont jamais<br />

vu un militaire ou pire ne connaissent<br />

même pas le drapeau national. Il y a presque<br />

un an, lors d’une visite à Shabunda centre,<br />

l’autorité provinciale et sa noble suite,<br />

ont été copieusement tancées par une partie<br />

de la population en colère au point que les<br />

mamans enlevèrent leurs camisoles pour<br />

laisser leurs seins nus en signe de déception<br />

des dirigeants qui les ont oubliées- une scène<br />

qui porterait malheur- et pour dire merci<br />

pour s’être moqués des seins qui les ont<br />

nourris. Des images de ce scandaleux événement<br />

existent et circulent dans la ville.<br />

Une autre grande frange de la population<br />

de Shabunda et particulièrement celle<br />

d’Ikama Kasanza dans la chefferie de Wakabango<br />

I demande aux autorités provinciales<br />

de s’impliquer dans le problème de<br />

déplacement des limites observées entre le<br />

Maniema et le Sud Kivu au niveau de Namoya<br />

et Salamabila. Selon les acteurs de la<br />

Société civile de cette partie du territoire de<br />

Shabunda, la limite naturelle entre les deux<br />

entités est la rivière Kama qui a été largement<br />

franchie par le Gouverneur de Maniema<br />

dans l’indifférence des autorités provinciales<br />

du Sud Kivu malgré moult appels des<br />

ressortissants de Shabunda.<br />

<strong>Le</strong>s députés devraient examiner ce dossier<br />

si réellement Shabunda comptent à<br />

leurs yeux. Des treize points à examiner<br />

lors de la session de septembre, ce point a<br />

été le cadet de soucis des honorables . Ceux<br />

de Shabunda- ils ont la vice présidence de<br />

l’Assemblée provinciale- n’ont même daigné<br />

imposer un seul point sur la situation<br />

de leur territoire martyr.<br />

Il n’y a pas un seul territoire du Sud Kivu<br />

qui se sente aussi humilié, aussi délaissé que<br />

celui de Shabunda. Des joueurs de l’équipe<br />

représentative de cette contrée, la Jeunesse<br />

Electronique, volontaristes, peuvent arriver<br />

à Bukavu à pied, sur plus de 300 Km, cela<br />

Politique s<br />

5<br />

n’émeut personne. Malgré l’invitation de la<br />

ligue de football du Sud Kivu à l’appui et<br />

l’ordre de mission de l’administrateur de<br />

ce territoire, aussi grand que la Belgique<br />

ou le Rwanda, ces braves joueurs- qui ont<br />

été pillés dans la forêt en venant- sont pris<br />

comme cibles et arrêtés à Bukavu. <strong>Le</strong>ur<br />

crime : ils seraient apparentés aux … Raia<br />

mutomboki.<br />

Un médecin, pas n’importe lequel, un gynécologue<br />

de renom, Ernest Mundyo Munzenze,<br />

ressortissant de Shabunda mais<br />

vivant à Bukavu en mécène de cette équipe,<br />

a été arrêté comme un vulgaire monsieur<br />

avec quelques joueurs. Il y a pire que cela<br />

à Shabunda : viols, vols, tueries, sont devenus<br />

le lot quotidien dans ce coin. L’humiliation<br />

à son comble pour ce territoire. <strong>Le</strong> jour<br />

où’ il se réveillera, le Sud-Kivu se remettra<br />

debout parce qu’il constitue le poumon et le<br />

grenier de la province.<br />

L’ivresse du lait…<br />

Tous les huit territoires et leur chef lieu<br />

paraissent donc en tenue de deuil. Voir tout<br />

ceci et le décrier devient un crime de lèse<br />

majesté et tout celui qui met son doigt pour<br />

décrier cette situation chaotique risque de<br />

se le faire couper ou taxé d’être de mèche<br />

avec les forces négatives.<br />

Entretemps, des responsables de la province<br />

se la coulent douce. Certains membres<br />

du cabinet du Gouverneur entretiendraient<br />

même des relations honteuses comme le<br />

démontre les différents rapports des chefs<br />

de division à l’Assemblée provinciale ou de<br />

différentes missions qu’ils ont effectué.<br />

Des frasques qui n’ont rien de commune<br />

mesure avec la pauvreté dans laquelle sont<br />

délaissés les damnés du Sud Kivu. Tout celui<br />

qui arrive nouvellement à Bukavu est étonné<br />

de l’essor des bâtiments en étages, des<br />

restaurants et bars high class, de la grande<br />

présence de véhicules 4X4, pour éviter les<br />

secousses des trous des routes cahoteuses<br />

de la ville, la quasi totalité appartenant aux<br />

politiciens ou mieux à ceux qui sont de l’exécutif.<br />

Malgré tout ce chapelet de problèmes<br />

égrené au Sud-Kivu, personnes de ceux qui<br />

gouvernent n’a le courage de démissionner.<br />

Tous, comme pour narguer le peuple, disent<br />

travailler pour son intérêt, mais butés à un<br />

mauvais temps. L’histoire retiendra cette<br />

moquerie de mauvais goût.<br />

Baudry Aluma


6<br />

Economie s<br />

Sud-Kivu/ Budget 2011<br />

Se servir ?<br />

Gouvernement provincial défendant devant l’Assemblée provinciale l’exécution de son budget 2011<br />

<strong>Le</strong> Gouverneur de la province, Marcellin Cishambo a répondu<br />

au peuple du Sud-Kivu via son Assemblée provinciale sur les<br />

questions ayant trait au rapport d’exécution de son budget de<br />

l’année 2011 et le premier semestre 2012. Rapport d’exécution<br />

réaliste ou vaine tentative d’explication de 0% d’exécution dans<br />

plusieurs secteurs? Décryptage<br />

<strong>Le</strong> budget de la province du Sud-<br />

Kivu a été exécuté à 42,5% sur<br />

une prévision des recettes d’environ<br />

129 milliards de FC un<br />

peu plus de 140 millions de dollars.<br />

Contre toute attente, l’Assemblée provinciale<br />

a donné satisfecit à ce rapport<br />

et l’a adopté le jeudi 6 décembre 2012<br />

à l’Athénée d’Ibanda, son siège provisoire.<br />

L’insatisfaction est à son comble<br />

dans la population. Cishambo peut se<br />

frotter les mains. Il a joué gros.<br />

<strong>Le</strong> Gouvernement du Sud-Kivu a<br />

orienté l’essentiel des dépenses de l’Etat<br />

en 2011 et au cours du 1er semestre<br />

2012 dans l’entretien de son personnel<br />

et du charroi automobile négligeant le<br />

social de la population. Des choix inadaptés.<br />

Ceci ressort des réactions des<br />

élus du peuple lors de la plénière du<br />

lundi 3 décembre réagissant au rapport<br />

du Gouverneur présenté le vendredi 30<br />

novembre.<br />

Aujourd’hui des critiques acerbes fusent<br />

de certaines structures comme la<br />

société civile, des scientifiques et des<br />

acteurs politiques. Elles ne s’expliquent<br />

pas certaines dépenses du budget 2011.<br />

Elles regrettent que le Gouvernement<br />

ait considérablement préjudicié des<br />

secteurs qui devraient être privilégiés<br />

tels que l’agriculture, la santé ou l’éducation.<br />

L’argent saigne en province. En témoigne<br />

le tableau présenté par le Gouverneur<br />

lui-même à l’Assemblée. Comment<br />

comprendre que tous les jours<br />

les Bukaviens se gavent des jus et eau<br />

minérale en provenance du Rwanda essentiellement<br />

(Inyange) et d’autres pays<br />

mais que la taxe sur consommation des<br />

jus et eau minérale ait réalisé 0%, tout<br />

comme celle sur l’autorisation de bâtir<br />

alors que tout le monde est témoin des<br />

maisons construites et des chantiers<br />

imposant qui pullulent à Bukavu.<br />

<strong>Le</strong>s recettes du trésor public suintent<br />

lamentablement. <strong>Le</strong> député Kalenga<br />

Riziki a tiré vainement la sonnette<br />

d’alarme en juillet 2012 lors d’un point<br />

de presse à l’hôtel Bulungu en commune<br />

Ibanda. Selon lui, les fonctionnaires<br />

commis dans différents services de<br />

l’Etat malgré des notes de perception<br />

mises à leur disposition, établissent aux<br />

assujettis de vrais faux imprimés de valeur<br />

non comptabilisés par la Direction<br />

Générales des Recettes Administratives<br />

et Domaniales, DGRAD. Il a démontré<br />

que le Sud Kivu, à titre exemplatif,<br />

perdait plus ou moins 22 mille dollars<br />

américains au cours de l’exercice 2011-<br />

2012 pour seulement un acte. L’élu de<br />

Mwenga voulait demander à se pairs de<br />

voter une recommandation urgente à<br />

adresser à l’exécutif provincial afin de<br />

le pousser à renforcer le droit de regard<br />

sur tous les imprimés de valeur établis<br />

par la DGRAD et si possible les codifier<br />

pour suivre la chaine des opérations du<br />

trésor public.<br />

La dette intérieure a été payée à l’ordre<br />

de 7,49% soit un total de plus de 91<br />

millions de FC. Pourtant la Regideso<br />

réclame au Gouvernement un montant<br />

de 450 mille dollars à titre de consommation<br />

d’eau. <strong>Le</strong> tableau des dépenses<br />

présenté par le Gouverneur ne donne<br />

pas malheureusement le répertoire des<br />

ses créanciers.<br />

Pour revenir à la Regideso, la députée<br />

Kinja a renseigné que le projet portant<br />

programme d’urgence d’autosuffisance<br />

alimentaire, PUAA, initié pour alimenter<br />

entre autres le quartier Nguba en<br />

eau potable est à ¾ de sa réalisation<br />

et ne manque que 100 mille dollars<br />

pour son aboutissement. Kinja se dit<br />

être surprise qu’à la page 35 du dernier<br />

numéro du Magazine «Echo de la province<br />

du Sud Kivu», 3ème année, il soit<br />

écrit ce qui suit : «Toutefois la Regideso<br />

a débuté les travaux d’approvisionnement<br />

du quartier Nguba, en commune<br />

d’Ibanda, à Bukavu à partir du lac<br />

Kivu, travaux financés à l’ordre de 400<br />

mille dollars et qui ont été achevés au<br />

cours du mois de juillet 2012 ».<br />

La population de cette partie de la<br />

ville sait que ce n’est pas vrai, elle qui a<br />

trop souffert de la pénurie en eau. Elle<br />

mérite une attention particulière. <strong>Le</strong><br />

gouvernement dans son accompagnement<br />

ne peut-il pas payé même les 100<br />

mille dollars manquants à la Regideso<br />

pour terminer son travail ? Quant à cette<br />

dernière, elle doit aussi des explications<br />

à la population. Comment a-t-elle<br />

utilisé le fonds lui alloué par la Banque<br />

mondiale pour ce travail qui n’est pas<br />

arrivé à son terme. <strong>Le</strong>s députés devraient<br />

chercher à le savoir.<br />

Mystère<br />

<strong>Le</strong> mauvais choix opéré par le gouvernement<br />

dans l’exécution du budget<br />

est l’importance des fonds alloués à<br />

certains domaines. Il est inconcevable<br />

qu’un budget réalisé à 40 % puisse privilégié<br />

les rémunérations du personnel,<br />

on les réalise à 119 % ; payer les pièces<br />

de rechange pour leurs véhicules 121%,<br />

carburant 206% ; frais de fonctionnement<br />

des services de la division genre,<br />

famille, enfants, réalisé à 546%. Une<br />

vraie énigme !<br />

Par contre, d’autres secteurs sociaux<br />

ont vu leurs allocations ne pas être<br />

considérées. Tels livre, abonnement<br />

bibliothèque avec 0,89% soit presque<br />

300 mille FC, matériel éducatif 0%,<br />

matériel médico-chirurgico 0%,-cela<br />

frustre. Quand ces autorités tombent<br />

malades, c’est outre-mer qu’ils vont se<br />

faire soigner- fertilisant, engrais, insecticides<br />

0% , semences et fertilisants<br />

0%, - alors que les principales plantes<br />

qui nourrissent la population du Sud<br />

Kivu sont malades : manioc et banane<br />

« Taux de réalisation: taxe sur<br />

consommation des jus et eau<br />

minérale 0%, autorisation de<br />

bâtir 0% ... »<br />

in rapport d’exécution du budget 2011<br />

du gouvernorat de la province<br />

et qu’on ne sait pas y trouver solution-.<br />

Comment ces secteurs peuvent être délaissés<br />

alors que le Gouvernement central<br />

vient de transférer la charge de la<br />

santé et de l’agriculture à la province ?<br />

L’entretien des routes et la réparation<br />

d’ouvrages 0%, indemnisation pour<br />

préjudice causée par la province 0%,<br />

constructions diverses (micro projet<br />

dans les territoires) 0,29% c’est-à-dire<br />

10 millions de francs congolais à repartir<br />

pour 8 territoires ! C’est l’équivalent<br />

de 1 400 dollars par territoire. Ca<br />

s’appelle se moquer des territoires d’où<br />

proviennent 31 de 36 députés provinciaux<br />

. C’est qui a fâché David Ombeni.<br />

Il a lâché : « A cette allure, c’est nous<br />

qu’on ne veut pas voir députés au mandat<br />

prochain ».<br />

Des fleurs tout de même<br />

Au vue des résultats du tableau du<br />

Gouverneur, la réalisation par Ministère<br />

laisse à désirer. Incompétence ou<br />

vol? Il y a lieu de se demander si Cishambo<br />

ne peut pas travailler avec seulement<br />

trois ministres vertébrés. C’est<br />

là que le remaniement tant demandé<br />

a son sens. Cishambo devrait en tenir<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

compte ou profiter des faibles réalisations<br />

de ses ministres pour remplacer<br />

la majorité de défaillants. En a-t-il la<br />

liberté quand on sait que nombreux lui<br />

ont été recommandés ?<br />

<strong>Le</strong> ministère de l’intérieur tant décrié,<br />

a réalisé, contre toute attente, des recettes<br />

de l’ordre de 55% dans ce budget.<br />

Plus de la moitié ! Il est suivi de celui de<br />

transport et communication avec 33%.<br />

Ces deux Ministres, Etienne Babunga et<br />

Laban Kyalangalilwa, à la demande de<br />

certains députés, doivent être reconduits<br />

pour leur performance dans cette<br />

équipe visiblement des «invertébrés».<br />

Que font les 8 autres ministères si deux<br />

peuvent réaliser 88% de recettes. Une<br />

équipe des perdants ne peut pas indéfiniment<br />

et impunement continuer à<br />

jouer .<br />

Chapeau bas à Cishambo qui est en<br />

train de réhabiliter la voirie urbaine,<br />

même si cela soit normal et cadre avec<br />

les prérogatives quotidiennes de tout<br />

exécutif. On l’a vu, avec ses ministres,<br />

les membres des cabinets de ces derniers<br />

abandonner leurs bureaux pour<br />

superviser, depuis début novembre, des<br />

travaux de voirie urbaine à la satisfaction<br />

des uns et l’incrédulité et critiques<br />

acerbes des autres. Un acteur politique<br />

du Sud-Kivu, Aimé-Jules Murhula disait<br />

sans sentiment: «Une province<br />

doit avoir une vision. Je ne connais pas<br />

celle du Sud-Kivu». Occasions qu’affectionne<br />

Cishambo pour étaler à la face<br />

de ceux qui veulent l’entendre sa verve<br />

oratoire mais surtout la répugnance<br />

qu’il a vis-à-vis des Bukaviens qui lui<br />

tiennent tête. Il n’aime pas la contradiction,<br />

ont remarqué singulièrement<br />

les journalistes affranchis, qu’il prend<br />

souvent à partie et qu’il traite de tous<br />

les maux à chaque fois qu’il est devant<br />

ses hôtes. Cette fois il a trouvé l’occasion<br />

de se venger avec la réhabilitation<br />

de la voirie urbaine. Même quand à la<br />

place Munzihirwa en «réhabilitation<br />

du tronçon », le numéro un de la police,<br />

un Général, à coté du Gouverneur, se<br />

rabat dans un rôle d’un policier de circulation<br />

routière et que le Gouverneur,<br />

pendant des jours, est le conducteur des<br />

travaux, personne ne doit piper mot. A<br />

chacun sa tâche et la cité sera bien dirigée,<br />

c’est cela la division du travail.<br />

Mais il serait aussi du droit de la population<br />

de savoir combien d’argent<br />

sortent pour cette rehabilitation. Si<br />

pour cette tâche, il faut 20 millions de<br />

dollars comme cela a été entendu sur<br />

certaines chaînes de radio de la place,<br />

alors les Bukaviens doivent circuler sur<br />

des routes à la norme internationale,<br />

pas du saupoudrage. Déjà le 26 octobre,<br />

le député Mushekuru demandait<br />

des comptes à l’exécutif provincial sur<br />

l’argent sorti du trésor public depuis<br />

plus d’un an pour l’achat de l’asphalte<br />

à Kampala, matière qu’on a jamais vu<br />

arriver à Bukavu. Quelle somme est<br />

sortie? Qui s’en chargeait ?<br />

La population doit se faire violence<br />

en venant assister aux plénières de son<br />

Assemblée provinciale qui sont ouvertes<br />

à tout le monde. Peu de gens viennent<br />

suivre le travail de leurs élus et se<br />

faire l’image de chacun d’entre-eux.<br />

Baudry Aluma


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Gestion des recettes du Sud-Kivu en 2011<br />

<strong>Le</strong>s chiens aboient,<br />

les maîtres mangent<br />

Une vue du bureau de l’Assemblée provinciale et des quelques ministres provinciaux lors d’une plénière à l’Athénée d’Ibanda<br />

Comment sont gérées les recettes de l’Etat au Sud–Kivu? <strong>Le</strong>s<br />

chefs de division démontrent que l’argent du contribuable est<br />

dilapidé. <strong>Le</strong>s députés provinciaux ouvrent la boîte à Pandore.<br />

Plus de 6 millions de dollars volatilisés. <strong>Le</strong>s sous s’évaporeraient<br />

entre les divisions et les ministères. Reportage.<br />

La salle exiguë de l’Athénée<br />

d’Ibanda, bureau provisoire<br />

de l’Assemblée, est archicomble<br />

le 13 décembre. Tour à<br />

tour, les 54 chefs de division du Sud<br />

Kivu expliquent les contrats de performance<br />

signés entre eux et le gouvernement<br />

provincial. Ils n’hésitent<br />

pas à délier leur langue devant les députés.<br />

<strong>Le</strong>urs ministres de tutelle sont<br />

humiliés. La plénière est houleuse et<br />

l’exercice périlleux. Plusieurs contradictions<br />

sont relevées entre les montants<br />

repris sur le rapport d’exécution<br />

du budget 2011 et premier semestre<br />

2012 et les données présentées par les<br />

chefs de division. Nous nous en voudrons<br />

à <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> de ne prendre<br />

que deux services.<br />

A la division de l’économie, le montant<br />

réalisé en 2011 est évalué à plus de<br />

21 millions de francs congolais, soit<br />

84,11%, alors qu’il est estimé à environ<br />

18 millions, soit 11, 64%, dans<br />

le rapport d’exécution du budget. Au<br />

premier semestre 2012, plus de 39<br />

millions FC de recettes ont été réalisées<br />

pendant que le rapport d’exécution<br />

du budget 2012 n’en présente<br />

qu’environ 19 millions de FC. C’est le<br />

chef de bureau Eninga Eshiyamba qui<br />

présente magistralement les recettes<br />

réalisées par ce service au nom de son<br />

chef de division.<br />

A la division provinciale de la santé,<br />

les réalisations inscrites sur le rapport<br />

de la province sont de l’ordre d’environ<br />

5 millions 390 mille francs congolais<br />

pour 2011 . <strong>Le</strong> médecin inspecteur<br />

provincial de la santé, Dr Manu Burhole<br />

Masumbuko ne s’encombre pas<br />

de grands mots pour faire jaillir la lumière.<br />

Il affirme avoir mobilisé envi-<br />

ron 8 millions 500 milles francs, quelque<br />

3 millions de francs congolais se<br />

seraient volatilisés.<br />

Pour le 1er semestre 2012 , le montant<br />

inscrit sur le rapport de la province<br />

est d’environ 7 millions 140 mille<br />

francs congolais alors que l’inspection<br />

provinciale de la santé déclaré avoir<br />

perçu plus de 10 millions de francs<br />

congolais, soit une différence de plus<br />

de 3 millions 600 mille francs congolais.<br />

Manu Burhole précise que la taxe<br />

d’ouverture des établissements des<br />

soins est omise sur le rapport d’exécution<br />

des budgets du gouvernement<br />

alors qu’elle est activée et a fait des<br />

réalisations.<br />

Plusieurs taxes ont affiché zéro<br />

francs en 2011 sur le rapport alors<br />

qu’elles ont généré des recettes. C’est<br />

le cas de la taxe sur la mise sur le marché<br />

des produits cosmétiques qui a<br />

généré environs 1 millions 110 milles<br />

francs congolais et le frais de certificat<br />

de bonne santé environs 160 milles<br />

francs congolais. En 2012, le certificat<br />

d’aptitude au travail et fiche médicale<br />

individuelle a généré 202 mille<br />

francs et le frais de bonne santé; environs<br />

180 milles francs congolais. Ces<br />

constats sont également relevés dans<br />

d’autres divisions dont les responsables<br />

en province ont défilé devant les<br />

élus du peuple.<br />

Où va tout cet argent destiné au<br />

trésor public ?<br />

<strong>Le</strong> président de l’organe délibérant<br />

a averti: tolérance zéro. Sévir et appliquer<br />

cette courte phrase aiderait la<br />

province à sortir de la mauvaise gouvernace.<br />

<strong>Le</strong> dire ne sera pas non plus<br />

l’occasion que toute une plénière se<br />

penche sur comment <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> se<br />

donne le courage de dénoncer les faits.<br />

Et pourtant les députés devraient être<br />

derrière ce journal dans son combat<br />

pour son indépendance et pour le<br />

bien être des Sud- Kivutiens. Va-til<br />

l’appliquer pour démentir les rumeurs<br />

sur la complicité de son bureau<br />

et le gouvernement provincial. <strong>Le</strong>s<br />

responsables de cette disparité, s’elle<br />

est établie, doivent subir la rigueur de<br />

la loi et être sévèrement sanctionnés.<br />

L’autorité budgétaire a adopté le<br />

projet d’édit portant budget du Sud-<br />

Kivu pour l’exercice 2013. Il est de<br />

l’ordre de 112 milliards de FC. Ce<br />

budget a été adopté le 26 décembre<br />

moyennant amendement.<br />

<strong>Le</strong>s 112 milliards équivalent à un<br />

accroissement de 4% par rapport au<br />

budget de l’exercice 2012 qui était de<br />

107 milliards de FC. L’adoption est<br />

intervenu après que la commission<br />

économico-financière ait étudié et<br />

amendé le projet d’édit. Au premier<br />

semestre de l’exercice 2012, le budget<br />

a été exécuté à 20,4% soit une projection<br />

linéaire de 40,8%.<br />

Où sont passés les six milliards<br />

de francs congolais ?<br />

Bien avant, une commission spéciale<br />

de l’Assemblée provinciale a contrôlé<br />

23 divisions et services provinciaux<br />

après confrontations des recettes réalisées<br />

durant les exercices budgétaires<br />

2011 et 2012 qui ont été présentés par<br />

le Gouvernement provincial. La commission<br />

a découvert un manque à gagner<br />

d’un peu plus de 6 milliards de<br />

FC soit plus de six millions et demi de<br />

dollars. Ce montant n’est pas apparu<br />

dans le rapport présenté par l’exécutif<br />

provincial alors qu’il a été versé<br />

par les divisions provinciales dans le<br />

compte de la province.<br />

Baudry Aluma<br />

Societe s<br />

Nécrologie<br />

ADIEU MWAMI NDARE<br />

<strong>Le</strong> Mwami Simon Ndare Simba,<br />

chef de la collectivité-chefferie de<br />

Bafuliru est mort le 22 décembre<br />

2012 à Nairobi au Kenya. C’est là<br />

qu’il a été transféré après un accident cardio<br />

vasculaire à Uvira.<br />

Sa dépouille est arrivé à Bukavu via l’aéroport<br />

de Kavumu le vendredi 28 décembre.<br />

Il a été enterré dans son <strong>Le</strong>mera natal le<br />

samedi 29 décembre. Il laisse une femme<br />

et quatre orphelins. Que son âme repose<br />

en paix.<br />

Qui est Mwami Ndare Simba ?<br />

Il est né à <strong>Le</strong>mera dans la collectivitéchefferie<br />

de Bafuliru le 6 juin 1954. Il a<br />

fait ses études primaires à l’école primaire<br />

Saint François de Kadutu, secondaire à<br />

l’institut Bwindi de Bagira à Bukavu. Son<br />

cursus universitaire, il l’a effectué en Europe,<br />

en France notamment. Il a une maîtrise<br />

en Théologie. Il est également doctorant en<br />

sociologie de la prestigieuse Sorbonne. Il a<br />

effectué des études accélérées en Anglais<br />

à Stockholm et à Londres.<br />

Il a été intronisé Chef de la collectivité<br />

chefferie de Bafuliru en 1976 et a participé<br />

à la Conférence nationale souveraine<br />

de 1991 à 1992. De 1992 à 1993 il a été<br />

Administrateur de la Sucrerie de Kiliba et<br />

conseiller de la République, membre du<br />

Haut Conseil de la République/Parlement<br />

de transition. De 1997 à 1998, il est Président<br />

des Bami du Sud-Kivu, COBASKI.<br />

En 2005, il est Président du Barza intercommunautaire<br />

du Sud-Kivu. En 2006 il<br />

est élu député provincial du Sud-Kivu au<br />

compte du parti DCF/Cofedec .<br />

7


8 Page d’histoire<br />

Inoubliable<br />

Trois évêques, une cathèdre, un destin<br />

Octobre rappelle aux Sud Kivutiens le mois de la mort de leurs<br />

trois archevêques: Munzihirwa, Kataliko et Mbogha. L’abbé<br />

Richard Mugaruka, professeur à l’Université catholique du<br />

Congo (UCC) a été abordé, il y a plus d’un an par le quotidien<br />

kinois «le Potentiel » pour parler de ces hommes de Dieu et de<br />

leur engagement dans la résistance de la population du Kivu.<br />

Interview<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: <strong>Le</strong>s Congolais,<br />

se trouvant à 2000 km du<br />

Kivu, connaissent mal cette<br />

région où on a toujours<br />

parlé de Mgrs Kataliko, Munzihirwa<br />

et Mbogha. Ils savent qu’ils<br />

sont morts. Mais qui étaient-ils ?<br />

Abbé Mugaruka: Si on veut parler de<br />

manière explicite, détaillée et claire de<br />

Mgr Emmanuel Kataliko, surtout de son<br />

œuvre, au-delà de sa personne, il faut<br />

l’inscrire dans la suite de trois archevêques<br />

de Bukavu qui ont été confrontés<br />

à la problématique de l’invasion et de<br />

l’agression de la RDC à partir de 1994,<br />

année du génocide au Rwanda. Génocide<br />

qui a donné lieu à la ruée de plus de<br />

2 millions de réfugiés rwandais en RDC.<br />

C’est dans la suite de cette guerre d’invasion,<br />

d’occupation commanditée par<br />

les grandes puissances qui pensaient<br />

que l’heure avait sonné de balkaniser<br />

le Congo et de s’emparer de sa partie<br />

orientale et piller ses ressources naturelles.<br />

C’est dans les conséquences, et<br />

la manière dont la population a résisté<br />

à cette guerre lui imposée, qu’il faut<br />

situer l’action pastorale de ces trois archevêques.<br />

Mgr Christophe Munzihirwa<br />

a été archevêque de Bukavu de 1994 à<br />

1996, Mgr Emmanuel Kataliko, qui lui a<br />

succédé, de 1997 à 2000 et Mgr Charles<br />

Mbogha, de 2001 à 2005. C’était vraiment<br />

la période de la grande résistance<br />

de la population de l’Est à l’invasion<br />

de la RDC par le Rwanda, l’Ouganda<br />

et le Burundi instrumentalisés par les<br />

grandes puissances américano-britanniques<br />

qui, comme je l’ai dit, pensaient<br />

que l’heure était venue de s’emparer<br />

finalement de cette partie du pays que<br />

Louis Michel a appelé « le coffre-fort du<br />

Congo ». Où vous avez une diversité de<br />

minerais, en particulier ceux dits stratégiques<br />

qui intéressent au plus haut point<br />

les grandes puissances parce qu’ils sont<br />

utilisés dans les industries de pointe, en<br />

particulier dans l’industrie militaire.<br />

Donc, Mgr Munzihirwa a été parmi<br />

les tout premiers Congolais à découvrir<br />

les causes profondes de la guerre qui<br />

nous était imposée. En fait, cette guerre<br />

avait commencé déjà par l’assassinat du<br />

président hutu rwandais Habyarimana.<br />

A travers cette guerre du Rwanda, c’est<br />

le Congo et ses minerais qui étaient visés.<br />

Et cela va être justifié par l’arrivée<br />

de grandes multinationales occidentales<br />

pour les minerais de l’Est à l’issue de<br />

cette guerre. Il vous souviendra que le<br />

Rapport du Panel de l’Onu a épinglé 84<br />

entreprises occidentales qui, à la suite<br />

de cette guerre-là, ont commencé à participer<br />

au pillage des richesses naturelles<br />

du Congo via le Rwanda, l’Ouganda<br />

et le Burundi. Donc, Mgr Munzihirwa<br />

a été le premier à découvrir cela, peutêtre<br />

parce que de par son état de Père<br />

jésuite, il avait des ouvertures et des<br />

contacts avec le monde international et<br />

qu’il pouvait avoir accès à des personnes<br />

qui pouvaient lui révéler les causes<br />

profondes de la guerre. C’était donc la<br />

balkanisation du Congo et on commençait<br />

à s’emparer de ses richesses.<br />

Mais lorsque Mgr Munzihirwa a commencé<br />

à parler, personne ne l’a compris.<br />

On l’a pris pour un rêveur. <strong>Le</strong>s lobbies<br />

pro rwandais l’ont fait passer pour<br />

un tribaliste, un raciste qui était antitutsi.<br />

Il était combattu même au sein de<br />

l’Eglise. Beaucoup de ses confrères, qui<br />

étaient manifestement pro rwandais, ont<br />

été, d’ailleurs, sanctionnés par l’Eglise à<br />

la suite de leurs prises de position qui<br />

étaient tellement partiales qu’elles sont<br />

devenues insupportables parce que<br />

lorsque votre tribu commet des assassinats,<br />

si vous êtes un chrétien, a fortiori<br />

un évêque, vous devez condamner cela<br />

au nom de l’Evangile, au nom du Christ.<br />

Mgr Munzihirwa était combattu de toute<br />

part. D’abord, par ceux qui ne l’ont<br />

pas compris. Ensuite, par les autorités<br />

congolaises qui l’interpellaient. Et qui,<br />

comme d’habitude, lorsqu’on leur dévoile<br />

leurs limites, elles pensent qu’on<br />

les attaque.<br />

Ici, au Congo, nous sommes le seul<br />

pays où les dirigeants ne tiennent pas<br />

compte de remarques du peuple. Ils<br />

pensent que le peuple doit être soumis<br />

à eux alors que c’est le contraire qui<br />

doit se faire. Mais ils s’imaginent que<br />

être dirigeant, c’est être omnipotent,<br />

omniscient, en dehors de toute critique.<br />

Donc, il était véritablement traqué par<br />

les autorités congolaises. Je n’entre pas<br />

dans les détails. Mais je vous apprends<br />

que j’ai travaillé très étroitement avec<br />

les trois archevêques décédés au Kivu<br />

depuis l’entrée de l’Alliance des Forces<br />

démocratiques pour la libération du<br />

Congo (AFDL). Et je connais de l’intérieur<br />

l’action qu’ils menaient, eux qui<br />

étaient dans les régions perturbées. Ce<br />

qui fait qu’ils avaient besoin d’un relais<br />

extérieur pour voir ce qu’ils vivent et<br />

mènent comme combat.<br />

Mgr Munzihirwa a eu beaucoup d’ennemis<br />

aussi bien parmi les Congolais<br />

que parmi, surtout, les étrangers qui,<br />

eux, le traitaient d’obstacle à la réalisation<br />

de leurs projets, leurs ambitions<br />

hégémoniques. C’est à l’occasion de<br />

la première invasion du Congo par les<br />

Rwandais qu’il est mort, le 29 octobre<br />

1996.<br />

Mgr Munzihirwa avait compris aussi<br />

que, bien que la guerre nous imposée<br />

était menée par les Rwandais, les<br />

Ougandais et les Burundais, ceux-ci<br />

n’étaient que des instruments de la<br />

Photo: Crédit libre<br />

Mgr Munzihirwa: pasteur «mhudumu» a passé sa vie d’Archévêque à blâmer haut et fort les tentatives de<br />

balkanisation du pays<br />

communauté internationale. C’est pour<br />

cela que, dès le début, il a commencé à<br />

écrire à cette communauté internationale<br />

pour lui dire de faire attention à<br />

ce qu’elle était en train de faire, et qui<br />

n’était ni moralement ni légalement<br />

acceptable. Il sera malheureusement<br />

assassiné lors de la première agression<br />

des Rwandais lors de leur entrée à Bukavu.<br />

C’était, d’ailleurs, la veille de la<br />

création de l’AFDL. C’est l’œuvre du<br />

conglomérat réuni à <strong>Le</strong>mera pour signer<br />

les accords du même nom et dont<br />

on connaît, aujourd’hui, les clauses et<br />

dans lesquelles il est indiqué clairement<br />

que les Rwandais soutenaient un mouvement<br />

à condition que les Congolais<br />

leur cèdent une partie orientale de leur<br />

territoire. C’est noir sur blanc dans ce<br />

qu’on appelle les accords de <strong>Le</strong>mera.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Quand est-ce qu’est<br />

décédé l’autre archevêque, Mgr<br />

Charles Mbogha ?<br />

«Nous devons nous<br />

défendre. Mais c’est<br />

quelque chose que nous<br />

avons perdu aujourd’hui.<br />

<strong>Le</strong>s Congolais sont devenus<br />

des émasculés, des<br />

défaitistes…»<br />

Abbé Richard Mugaruka, professeur à<br />

l’université catholique de kinshasa/RDC.<br />

Abbé Mugaruka: Il est décédé en octobre<br />

2005. Mais entre lui et Mgr Munzihirwa,<br />

il y a eu Mgr Kataliko qui était<br />

à Bukavu de 1996 à 2000. Il est décédé<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

le 4 octobre 2000.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Dans quelles conditions<br />

sont morts Mgrs Kataliko et<br />

MBogha ?<br />

Abbé Mugaruka: D’abord, Mgr Munzihiriwa<br />

a été tué à côté du petit marché<br />

de Nyawera à Bukavu, devenu d’ailleurs<br />

Place Mgr Munzihiriwa.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Tué donc en dehors<br />

de l’archevêché ?<br />

Abbé Mugaruka: Lorsqu’on a attaqué<br />

Bukavu, il se trouvait à l’archevêché.<br />

Dès qu’il a entendu les premiers crépitements<br />

des balles, gardé par un soldat,<br />

il a pris sa voiture pour se rendre au collège<br />

Alfajiri chez les Pères jésuites. C’est<br />

là qu’il avait toute sa documentation<br />

et où il rédigeait ses lettres pastorales<br />

pour inviter la population à la résistance.<br />

C’est quand il est arrivé à la hauteur<br />

de Nyawera qu’il a été arrêté par<br />

des soldats rwandais. Il est descendu de<br />

la voiture et s’est présenté. <strong>Le</strong>s soldats<br />

rwandais ont demandé des instructions<br />

à leurs chefs qui leur ont dit qu’il fallait<br />

l’abattre. Et il a été abattu à bout portant<br />

avec une balle dans la nuque. Ce<br />

sont les novices des Pères Xavériens qui<br />

habitent tout près de là, dans la région<br />

qu’on appelle Vamaro qui sont venus<br />

récupérer le corps. Mais comme les<br />

Rwandais étaient encore en train d’occuper<br />

la ville, il a été enterré dans des<br />

conditions très obscures, aussi humblement,<br />

petitement sans cérémonie,<br />

ni fanfare ni oripeaux. Il a été enterré<br />

comme il a vécu.<br />

Quant à Mgr Emmanuel Kataliko, il<br />

est mort, comme je l’ai dit, le 4 octobre<br />

2000 à Rome à l’hôpital Saint Joseph<br />

de Marino. Que s’est-il passé avant<br />

cela? Mgr Kataliko est venu à Kinshasa<br />

pour participer à la réunion des évêques.<br />

Mais il s’est précipité de rentrer à<br />

Bukavu parce la population qui résistait<br />

avait besoin de son pasteur qui était à


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Mgr Kataliko, comme son prédécesseur, n’a cessé de<br />

se battre contre la partition du pays. Il est l’homme<br />

qui n’a rien dit en secret.<br />

la pointe de cette résistance. Comme il n’y<br />

avait pas de vol direct Kinshasa-Goma, il<br />

est passé par Nairobi. Là, on lui a dit qu’il<br />

était en danger et qu’il risquait d’être arrêté<br />

par les forces du Rassemblement<br />

congolais pour la démocratie (RCD), une<br />

rébellion à la solde du Rwanda, et qu’il<br />

n’arriverait probablement pas à Bukavu.<br />

Il a rétorqué que cela n’était pas possible<br />

parce que ses brebis, ses chrétiens<br />

l’attendaient et qu’il ne pouvait pas les<br />

abandonner même au risque de sa vie.<br />

Il a dit qu’il préférait aller mourir, plutôt<br />

que se mettre à l’abri, de rester à Nairobi<br />

parce qu’il était en danger. Même notre<br />

ambassadeur à Nairobi n’a pas pu le dissuader.<br />

C’est à sa descente d’avion qu’il<br />

sera arrêté par le RCD à Goma. Donnant<br />

lui-même les détails de son arrestation,<br />

il avait dit qu’il voulait rentrer à<br />

Goma le 12 février 2000 via Nairobi et<br />

Entebbe. Quelques instants après l’atterrissage,<br />

l’avion a été entouré des militaires<br />

rwandais dans une Jeep et des<br />

militaires congolais sous le commandement<br />

d’un certain Chapulu. <strong>Le</strong> personnel<br />

de CMK avait fait savoir qu’à Goma, tout<br />

le monde était dans l’énervement suite à<br />

l’arrivée de Mgr Kataliko. C’est ainsi qu’il<br />

a été arrêté et on lui a demandé de rentrer<br />

d’où il venait. Ce qu’il a refusé en disant<br />

qu’il était Congolais et que sa place<br />

est au Congo. Puisqu’il en est ainsi, ses<br />

bourreaux lui ont alors demandé de regagner<br />

son village à Butembo. Ils l’embar-<br />

Célèbre Archévêché de Bukavu<br />

Photo: Crédit libre<br />

queront de force jusqu’à Butembo où il a<br />

vécu en exil pendant 7 mois et 2 jours au<br />

cours desquels, d’ailleurs, il recevait régulièrement<br />

des messages d’accusations,<br />

d’intimidations. Il devait, à certains moments,<br />

se cacher pour échapper à tous<br />

ceux qui le recherchaient parce que c’est<br />

tout le Kivu qui était occupé. Donc, c’est<br />

pendant 7 mois et 2 jours que Mgr Kataliko<br />

a vécu comme prisonnier. Il va être<br />

libéré le 14 septembre 2000 et arrivera à<br />

Bukavu. Et moins d’un mois après, il sera<br />

appelé à Rome pour assister à un symposium.<br />

C’est là qu’il va trouver la mort, terrassé<br />

par l’infarctus, sans doute à cause<br />

de mauvais traitements et de stress qu’il<br />

a pu connaître pendant 7 mois et 2 jours<br />

d’exil dans son diocèse d’origine.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Et pour la mort de<br />

Mgr Charles Mbogha ?<br />

Abbé Mugaruka: Il a été nommé en<br />

2005 à Bukavu à la suite du décès de Mgr<br />

Kataliko. <strong>Le</strong> jour même où il a été installé<br />

à Bukavu, au début de la messe, il pique<br />

une crise cardio-vasculaire. Il restera paralysé<br />

jusqu’à sa mort. N’empêche que,<br />

même dans cet état là, c’est quelqu’un<br />

qui a inscrit son action dans la suite de la<br />

résistance pour ce pays.<br />

Il me souviendra – ici, je vais parler de<br />

quelque chose de personnel – lorsque j’ai<br />

appris que Mgr Kataliko est mort, j’étais<br />

en Europe. Nous devrions nous rencontrer<br />

là-bas chez les Pères assomptionnistes<br />

pour parler résistance parce qu’à ce<br />

moment-là, le Congo était encore divisé<br />

en trois. Quand j’ai appris sa mort, j’étais<br />

très désemparé, déstabilisé parce que<br />

c’est lui qui était, je peux dire, mon correspondant<br />

local. Maintenant, celui avec<br />

qui je travaillais localement n’était plus là.<br />

Je suis allé en Europe pour prier, demander<br />

au Seigneur ce que j’allais faire car je<br />

ne savais plus avec qui je vais parler. Et<br />

lorsque j’ai appris que nous avons un nouvel<br />

évêque, je me suis dit que nous avons<br />

la solution car je savais maintenant comment<br />

continuer à travailler avec la base.<br />

Je suis allé en retraite pour demander<br />

au Seigneur comment je vais m’y<br />

prendre avec le nouveau venu. Mais<br />

quand j’ai également appris ce qui lui<br />

est arrivé le jour de son installation, j’ai<br />

accusé le coup en disant au Seigneur :<br />

«Seigneur, ne voulez-vous pas que notre<br />

peuple soit libéré ? ». Quand il a repris<br />

les esprits, on l’a amené à Nairobi<br />

pour poursuivre les soins. C’est au mois<br />

d’août. Je lui ai écris pour lui souhaiter<br />

prompt rétablissement et voir comment<br />

continuer la résistance. Je n’ai pas eu de<br />

réponse jusqu’au mois de décembre. Je<br />

suis allé en Europe pour prier. Pendant<br />

que je priais, le Seigneur m’a fait savoir<br />

que je devais accepter de choisir là où<br />

je risque ma mort parce qu’il n’y a que<br />

Dieu qui peut me demander de risquer<br />

ma mort pour Lui. J’ai dit au Seigneur<br />

que j’attendais la preuve. J’ai quitté le<br />

monastère et je m’apprêtais à rentrer<br />

lorsque j’ai appris que Mgr Mbogha,<br />

qui avait été, entre-temps, évacué à<br />

Rome pour des soins médicaux, est en<br />

Belgique à Anvers pour un complément<br />

d’examens sur le plan des maladies tropicales.<br />

Comme il était là, je me suis<br />

dit que je vais lui dire bonjour. Je me<br />

rends chez les Pères assomptionnistes<br />

qui l’hébergeaient. Avant même que je<br />

lui parle, il dit qu’il me cherchait. Il me<br />

dit que lorsqu’il a été nommé à Bukavu,<br />

je lui ai demandé de continuer à situer<br />

son action pastorale dans le sens de ses<br />

prédécesseurs, de défendre ce peuple livré<br />

aux assassinats, viols, aux violations<br />

des droits de l’Homme. Mais il a dit à<br />

Dieu: «Seigneur, comment pouvez-vous<br />

me confier une mission sans me donner<br />

la force de l’accomplir ?». Et que, le jour<br />

qu’il a reçu ma lettre, il a compris que<br />

le Seigneur lui disait ce que, moi, je ne<br />

peux pas faire. C’est pour cela qu’il désirait<br />

me voir.<br />

Et, de 2001 à 2005, la dernière fois<br />

que je l’ai vu avant sa mort, je suis allé<br />

lui dire aurevoir. Quand je voulais sortir,<br />

il m’a demandé de revenir pour me<br />

dire qu’il sait que je risque ma vie. Mais<br />

que c’est le Seigneur qui me demande de<br />

travailler pour lui, de défendre la paix,<br />

la justice et l’amour. Et puisque c’est Sa<br />

volonté que je fais, il m’a dit de m’armer<br />

du courage et il m’a béni. Je suis parti et<br />

la semaine suivante, il est entré dans le<br />

coma et il est mort.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Mais pourquoi y a-t-il<br />

cette culture de résistance à Bukavu ?<br />

Abbé Mugaruka: Merci pour cette bonne<br />

question. C’est un phénomène d’atavisme,<br />

c’est-à-dire c’est une résistance<br />

qui vient des ancêtres. Vous savez que la<br />

Conférence de Berlin a eu lieu en 1885.<br />

Jusqu’à cette année-là, aucun Européen<br />

n’était encore arrivé à Bukavu. Même pas<br />

Page d’histoire<br />

Photo: Crédit libre<br />

9<br />

Mgr Mbogha, le pasteur toujours souriant ne s’est<br />

pas lassé de prêcher le pardon et l’espérance, la<br />

paix, la justice et l’amour malgré la souffrance liée<br />

au poids de sa maladie<br />

dans la région. <strong>Le</strong>s explorateurs européens<br />

et autres ne s’arrêtaient qu’en Tanzanie,<br />

au bord du lac Tanganyika. Et les premiers<br />

tracés du Congo avaient été décidés<br />

sur base de ce qu’on appelle les lignes latitudinales<br />

que nous avons sur le globe terrestre.<br />

Et le premier territoire congolais<br />

incluait une partie du Rwanda et passait<br />

par Kigali. Si on devait appliquer les décisions<br />

de la Conférence de Berlin, le Congo<br />

devait reprendre une partie du Rwanda.<br />

Parce qu’à Berlin, effectivement, le Congo<br />

comprenait une partie du Rwanda. C’est<br />

en 1910 que les puissances de Berlin se<br />

réunirent pour revoir les frontières car les<br />

lignes latitudinales ne sont pas visibles. Il<br />

faut noter que le premier Blanc, le lieutenant<br />

Olsen, est arrivé à Kinshasa en 1901.<br />

C’est lui qui a convaincu ces puissances de<br />

revoir les tracés des frontières. Et cela s’est<br />

réalisé en 1910. Car ces puissances ont<br />

dit qu’il fallait tenir compte de trois éléments,<br />

à savoir l’élément ethnographique,<br />

c’est-à-dire les tribus ; l’élément politique,<br />

c’est-à-dire les royaumes anciens ; et l’élément<br />

relatif aux lignes naturelles. C’est à<br />

ce moment-là que le Congo d’alors a cédé<br />

8.000 km² pour qu’on puisse constituer<br />

le Rwanda. Si on devait revenir à la Conférence<br />

de Berlin, la RDC devrait récupérer<br />

les 8.000 km² cédés au Rwanda.<br />

<strong>Le</strong> Potentiel: Revenons à l’atavisme…<br />

Abbé Mugaruka: <strong>Le</strong>s Bashi et les Rwandais<br />

ont toujours été en guerre. En 1892,<br />

les Bashi ont précipité le roi rwandais,<br />

Rwabugiri, dans la rivière Ruzizi pour<br />

s’être aventuré à occuper leur territoire.<br />

C’est-à-dire que, pendant cette période<br />

pré-coloniale, les Bashi ont toujours défendu<br />

leur territoire. Ils s’étaient même<br />

emparés d’une partie du Rwanda qu’on<br />

appelle le Kinyaga. Et aujourd’hui, cette<br />

partie fait partie du Rwanda, à telle enseigne<br />

que les Rwandais de ce coin-là appellent<br />

les habitants de Kinyaga les Bashi.<br />

C’est ainsi que les gens de Bukavu et des<br />

environs ont cette tradition là. Ces Rwandais<br />

qui, chaque fois, nous attaquent pour<br />

essayer de prendre notre territoire, nous<br />

les considérons comme des ennemis. C’est<br />

pour cela que nous devons nous défendre.<br />

Mais c’est quelque chose que nous avons<br />

perdu aujourd’hui. <strong>Le</strong>s Congolais sont devenus<br />

des émasculés, des défaitistes…<br />

(à suivre)


10<br />

Tafsiri (traduction en Swahili)<br />

Habari za wilaya<br />

Idjwi imesahauliwa<br />

Huko Idjwi, pana ugonjwa uitwao “wilt”,<br />

unao haribu migomba tangu mwaka wa<br />

2007. Uharibifu huwo unapitika bila<br />

hata serkali kuchukuwa mipango ya<br />

kuupiganisha kutokana na kwendelea kwa<br />

ugonjwa unaoshambulia mmea huo. Njaa<br />

imeonekana kuongezeka huko Idjwi, kwani<br />

ndizi ni chakula cha msingi katika eneo hilo.<br />

Tena ni mgomba ndiyo unawapatia wakaaji<br />

wa huko namna ya kuishi.<br />

Magonjwa yameteketeza migomba pa Idjwi<br />

Kwa jumla ya eneolote la<br />

Kivu ya kusini, ni kisiwa<br />

cha Idjwi pekee, ndiko<br />

kungali kunaripotiwa<br />

amani. Pamoja na amani hiyo,<br />

vita ambavyo vya ikabili Idjwi,<br />

si vya risasi ila vya njaa. Someni<br />

ushuhuda huu. «Babu wangu<br />

Jean Mushengezi alitokea Kalehe,<br />

mwaka wa 1910. Ndiye aliye panda<br />

kwa mara ya kwanza mgomba<br />

huko Kashofu, kisiwa cha Idjwi.<br />

Akabatiza ukoo wake kwa jina la<br />

Vituo vya afya winavyofatilia<br />

hali ya wagonjwa<br />

wa kisukari<br />

vimetambua kuongezeka<br />

kwa ugonjwa huo hapa mjini<br />

Bukavu kwa upekee, na jimboni<br />

Kivu ya Kusini kwa jumla.<br />

Kituo cha afya cha cha arkidiosezi<br />

ya Bukavu cha Muhungu<br />

«Nyamigomba», yaani «shamba<br />

la migomba». Ndizi zimetulisha<br />

muda wa zaidi yakarne moja Ilitusaidia<br />

kujitunzisha magonjwa,<br />

kulipa masomo, hata kwenye<br />

yunivasti. Wakati huu, majirani<br />

wametushauria tubadili jina»,<br />

alieleza bwana Sylvain Nyamigomba,<br />

tuliye mkuta ndani ya<br />

shamba kubwa la migomba karibu<br />

ya mashamba ya babu wake.<br />

«Migomba iliopatwa na ugonjwa<br />

“wilt” iliondolewa karibuni<br />

yote. Ni machache tuu ndiyo iliobaki.<br />

Miaka mitano kabla ya<br />

hapo, tulikua na hektari tatu ya<br />

shamba la migomba ya afya nzuri.<br />

Mambo ya kuongoa na ambukizo<br />

la migomba inasemeka kila<br />

leo pa Idjwi», aliongeza bwana<br />

uyo.<br />

Kama ulivyo mfano wa familia<br />

ya Nyamigomba, walimaji hao<br />

wanakata kitumaini na kubaki<br />

wakitizama jinsi njaa inajitokeza<br />

katika jamaa zao. Hawana uwezo<br />

wa kuizuiya. Walijaribu kubadili<br />

mbegu ila hawakufaulu. Mihogo<br />

haukustawi kama inavyo itajika.<br />

Nasi ni kilimo kinacho tumiwa<br />

kwa kupeleka ugenini. Uvuvi umepigwa<br />

marufuku kwa mda siku izi<br />

uku kwetu na kando kando ya kisiwa.<br />

Ndizi zimetulisha mda wa zaidi<br />

ya miaka mia moja. Zilitusaidia<br />

kupata huduma za matunzo, za<br />

masomo ya watoto wetu hata kwenyi<br />

yunivasti.<br />

Hakika, hakuna kinachoweza<br />

kuendeka kwa mtu anaye afya<br />

mbovu. Ila lakushangaza ni kwamba<br />

wakaaji wa Idjwi wanapendelea<br />

kutia mbele maadibisho badala ya<br />

afya. Ndivyo alitambua bwana Didier<br />

Reynders, waziri mkuu makamu<br />

wa nchi Ubeljiji, alipofika<br />

hapo pa Idjwi mwezi agosti ulio<br />

pita. Reynders alisema wakati huo<br />

kwamba Ubeljiji itatoa elfu 50 ya<br />

yuro (50000€) kwa ajili ya maen-<br />

mtaani Ibanda kinaishi hali iyo.<br />

Katika ripoti yake ya mwezi wa<br />

juni mwaka huu, idadi ya wagonjwa<br />

ilitoka kwa kesi 99 mwaka wa<br />

2011 hadi 168. Kati ya hao, watu<br />

nne walifariki dunia na watu kumi<br />

na nane waliingia hospitalini.<br />

Kwa mujibu ya mganga Abel<br />

Ciza, mwenyi kiti wa mradi wa<br />

deleo ya kuboresha sekta ya afya<br />

katika kisanga hicho. Kama alivyo<br />

tambua Léon, mganga huko<br />

Monvu, pesa hizo hazitoshe kwa<br />

garama zote za matunzo. Mganga<br />

uyo alisema kwamba wagonjwa<br />

wengi wanashindwa hata kujielekeza<br />

kwenyi vituo vya afya.<br />

Hayo yote ni kwa sababu hawana<br />

uwezo ya kulipa matunzo. Hali ilo<br />

imewakumba zaidi na zaidi wamama<br />

wajawazito.<br />

Kwa kuinua pato ya wakaaji<br />

hao wanaoishi kwa mlimo wa migomba,<br />

sherti mabwanashamba<br />

(agronomes) wajifunze haraka suluhisho<br />

kwa ugonjwa wilt. Kukosewa<br />

habari maalum na ujuzi kuusu<br />

ugonjwa huo ndiyo unafanya<br />

uambukizi uongezeke.<br />

«Hakuna aliye kuja kutusaidia»,<br />

ndivyo alishuhudiya Athanase<br />

Mpaka, mwenyeji shamba la<br />

migomba lililoteketea.<br />

Wakaaji wa Idjwi wanasikitishwa<br />

kuona serkali inawatupilia.<br />

Serkali ya jimbo haliweke hata<br />

mapambano dhidi ya « wilt » kwenye<br />

adjenda lake.<br />

«Wilt» ni nini ?<br />

Grant Bulangashane, mtaalam<br />

wa kilimo kwenye yunivasti ya<br />

kikatolika mjini Bukavu (UCB),<br />

anafafanua namna ifwatavyo :<br />

«wilt ni ugonjwa ya migomba ao<br />

ya mimea mengine. Ina rangi ya<br />

njano (jaune). Ugonjwa huo ulifika<br />

pa Idjwi kutokana na mbegu<br />

ya ndizi iliyotoka miji Kalehe na<br />

Minova wakati upungufu wa migomba<br />

ilionekana katika Kiziwa<br />

cha Idjwi. Ugonjwa huo unaambukia<br />

kwa urahisi »<br />

Je, twaweza kuzungumuzia<br />

kuusu kujiusisha kwa serkali<br />

kwa kupiganisha ugonjwa<br />

huo ?<br />

Serkali halifanye lolote kwa kupambana<br />

na ugonjwa huo unaoan-<br />

kupambana dhidi ya magonjwa<br />

ya kisukari jimboni, akiwa pia<br />

mtafwiti katika sekta hiyo, ni vituo<br />

18 tu vya afya ndivyo vinajiusisha<br />

na ufwatiliaji wa wagonjwa<br />

wa kisukari. Vituo ivyo viliorozesha<br />

kesi 2440. Iyo ni idadi tu ya<br />

wale wanaochunguzwa. Ripoto ya<br />

chumba cha ukaguzi wa afya jimboni<br />

kinaonyesha kwamba mwaka<br />

wa 2006, asilimia 30 ya wagonjwa<br />

walioorozeshwa kwenyi hospitali<br />

kuu ya muji wa Bukavu ilikua ni<br />

kwa sababu ya tatizo la moyo ao<br />

lile la kisukari.<br />

Jee, ugonjwa wa kisukari<br />

unaweza kupona?<br />

Kwa sasa, hakuna dawa yoyote<br />

ile inaweza kuponya ugonjwa wa<br />

gamiza kabisa wakaaji wa Idjwi.<br />

Hata uimizaji wa walimaji kuusu<br />

«Wilt» haufanyike. Mabwanashamba<br />

hata hawaongoze walimaji<br />

ili mimea zao zisikumbwe na magonjwa<br />

hayo. Umbalimbali na ayo,<br />

watumishi wa serkali wanajiruhusu<br />

kutoza tu ushuru wa juu ambao<br />

wanatupiliwa kabia na serkali.<br />

Namna gani kupiganisha<br />

«wilt»?<br />

Walimaji wanapashwa kwanza<br />

kujua dalili za ugonjwa huo. Cha<br />

kujua ni kwamba dalili za wilt si<br />

tofauti na zile za magonjwa mengine<br />

zinazoshambulia migomba.<br />

Mara mlimaji anapotambua dalili<br />

izo katika shamba lake, anapashwa<br />

kusitisha kupalilia na ukataji<br />

wa majani ya migomba. Pia, kuchunguza<br />

muda wa myezi mawiili<br />

namna gani ugonjwa unaendelea.<br />

Migomba ambazo zimekwisha<br />

kukumbwa na ugonjwa zinapashwa<br />

kukatwa na kukaushwa<br />

kwenye jua. Kwani, miali ya jua<br />

inauwa bakteria za ugonjwa huo.<br />

Ni kwa ajili ya kuepuka ambukizi.<br />

Sherti walimaji wafunzwe kuusu<br />

kutia vyombo vyote wanavyo tumia<br />

kwenye moto na maji ya javel<br />

ili kuepuka utapanyaji wa ugonjwa.<br />

Tena, hatua likamatwe kwa<br />

kukataza kuzurura kwa wanyama<br />

katika shamba izo.<br />

Jee, ni kuchelewa kwa Idjwi ?<br />

Hapana. Inawezekana bado kulima<br />

migomba isiyo na tatizo lolote<br />

la afya. Ni kwa kupambana<br />

vilivyo dhidi ya magonjwa yote yanayo<br />

shambulia migomba. Yafaa<br />

tu kufwata mashauri tulizo tolea<br />

hapo juu na yale yatakayotolewa<br />

na mabwanashamba. Ila, hayo<br />

yote yanaomba kujiusisha kikamilifu<br />

kwa serkali la jimbo na la<br />

taifa.<br />

Afia<br />

Namna gani kuishi na ugonjwa wa kisukari<br />

Miaka mitano zilizopita, vituo vya afya vinavyo jiusisha na mafunzo<br />

pia kufwatilia kwa makini magonjwa ya kisukari vimetambua<br />

kuongezeka kwa idadi za wagonnjwa wanaokumbwa na magonjwa<br />

iyo. Hapa mjini Bukavu, wagonjwa wa kisukari wanaendelea<br />

kuongezeka hospitalini. Hata wengine wengi wamefariki kawa<br />

ugonjwa huo. Wagonjwa wamoja na wataalamu fulani walieleza ujuzi<br />

wao na kutoa mashauri.<br />

Photo: Crédit libre<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

kisukari. Anayekwisha kukamatwa<br />

na magonjwa iyo, anaiishi<br />

nayo muda wa maisha yake yote.<br />

Jacques L. De Plaen, profesa<br />

kwenyi kliniki ya yunivasti S t Pierre<br />

huko Louvain (nchini Ubeljiji),<br />

aliyapana mashauri yake katika<br />

kitabu kimoja alichokiandika<br />

«Mwongozo kwa wagonjwa wa<br />

kisukari barani Afrika». Ndani ya<br />

kitabu hicho anatoa mashauri matano<br />

kwa wagonjwa wa kisukari:<br />

kulinda usafi wa mwili (usafi wa<br />

ngozi, meno na miguu. Kutunza<br />

vema kivimba na kidonda yoyote.<br />

Kufanya mazoezi na kuepuka<br />

tumbaku). Mgonjwa anapaswa<br />

kuepuka kabisa chakula zinazo<br />

katazwa kwake (kuheshimu régime<br />

alimentaire).


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Tena, anapashwa tumia dawa yake<br />

kila siku na kupimisha damu na mkojo<br />

yake kila mara. Wakati mgonjwa<br />

anasikia kitu kisichoendeka ndani ya<br />

mwili sherti akimbilie kwenyi kituo<br />

cha afya cha karibu.<br />

Abel Ciza anajulisha kama ni insuline<br />

(ya kutoboa), daonil (kidonge) pamoja<br />

na glucophage (kidonge) ndizo<br />

dawa zinazo aminika hadi sasa kwa<br />

kukadirisha sukari mwilini. Ila profesa<br />

Jacques L. De Plaen anakazia kusema<br />

kwamba kutumia dawa haizuwiye<br />

mgonjwa wa kisukari kuwa na utaratibu<br />

katika matumizi ya chakula.<br />

Wagonjwa wamoja wanafikiri kwamba<br />

ugonjwa wao watokana na nguvu za<br />

giza (nguvu za mashetani). Wanawaza<br />

kwamba wanaweza kupona.<br />

Mazambi Ilunga, mwenyekiti makamo<br />

wa muungano ya wagonjwa wa<br />

Tangu wakati wa uasi wa<br />

chama cha Muungano wa<br />

wakongomani kwa ajili ya<br />

demokratia (RCD), mpaka<br />

baina ya Kongo na Rwanda umekuwa<br />

kama kajungio inavuja, na watu wanaingia<br />

na kutoka pande zote bila shida<br />

kubwa. Kila leo, tangu saa 12 asubuhi,<br />

hadi 12 jioni watu waonekana wengi<br />

kwenye mpaka, mbele ya chumba kihusikacho<br />

na uhamiaji (DGM), kwenye<br />

Ruzizi ya kwanza na Ruzizi ya pili, upande<br />

wa Bukavu. Wengi wa watu hawo ni<br />

wanawake, mabinti na wavulana wanaojipanga<br />

kwenye mstari, wakingoja<br />

kupewa vyeti vinavyo waruhusu kuvuka<br />

mpaka. Wanaenda wapi ? Cyangugu na<br />

Kamembe katika jimbo la magharibi<br />

mwa Rwanda, kwenye mpaka na Kongo.<br />

Wanaenda kununua vifaa vya lazima<br />

kwa malisho. Wanaporudi wanakuja<br />

na gunia ao beseni zenyi kujaa unga,<br />

mchele, nyama, vitumbua, kuku na vifaa<br />

vingine kadhaa. Serkali za Rwanda<br />

na Kongo ya Kidemokrasia zilikusudia<br />

kuacha mipaka yao wazi mchana kama<br />

vileusiku. Hatua hiyo tayari imeanza<br />

kuheshimiwa huko Goma jimboni Kivu<br />

ya kaskazini.<br />

Wengi wa wakaaji wa Bukavu wanasema<br />

kwamba ni huko Rwanda ndiko<br />

bidhaa vyauzwa kwa bey rahisi. Marie-Immaculée<br />

Ntakwinja, mchuuzi wa<br />

unga wa mhogo, alisema : «wingi wa<br />

ushuru hauruhusu tununulie bidhaa<br />

hivyo humu nchini. Ushuru huwo una<br />

sababisha beyi kuongezeka kiasi cha<br />

juu, ndio inafanya tusiuze kama ingeli-<br />

Kipimo cha ugonjwa wa kisukari<br />

kisukari jimboni Kivu ya kusini (Association<br />

des Diabétiques du Sud-Kivu/ADSKI),<br />

akiwa pia msimamizi wa<br />

wagonjwa kunako kituo cha afya cha<br />

faa. Wanunuzi wanapendelea kununua<br />

bidhaa kwa bey nzuri, na hiyo inatufanya<br />

kuhomba. Hali hiyo inawafanya<br />

baadhi ya wachuuzi hawa wanavunjika<br />

moyo wale wanaonunulia bidhaa<br />

vya humu nchini »<br />

Uchumi upi kwa jimbo la Kivu<br />

ya Kusini ?<br />

Kila mara Rwanda inapofunga mipaka<br />

yake kwa sababu hii ao ile wanawake<br />

wengi toka Bukavu wanaonekana<br />

kwenye mpaka wakingojea kwa hamu<br />

kubwa ufunguliwe. Siku hizo, jamaa<br />

nyingi zilala njaa na soko ndogondogo<br />

zaonekana bila bidhaa vya kutosha.<br />

Siku izo, akina mama wengi wachuuzi<br />

wakosewa kazi. Wakati mpaka baina<br />

Kongo na Rwanda unafungwa upande<br />

wa Rwanda, bey ya chakula na vifaa<br />

vingine vya matumizi ya haraka inaongezeka.<br />

Huko Rwanda, kilimo chashurulikiwa<br />

vilivyo na wakaaji pia serikali.<br />

Wakaaji hao hawazowei kuvuka nchini<br />

Kongo kwa kununua vitu fulani. Zaidi<br />

na zaidi, bidhaa mbalimbali vinavyotoka<br />

Kongo vinachukuliwa kama magendo<br />

upande wa Rwanda.<br />

Ila, tutatambua kwamba hapo mbeleni<br />

vifaa vingi, hasa mihogo na tomate<br />

vilikua vikitoka kawa uingi jimboni<br />

Kivu ya Kusini na Kaskazini na kuuzishwa<br />

uko nhini Rwanda.<br />

Wanawake wawili wakichukua beseni<br />

za mikate kichwani tuliowakutana kwenyimpaka<br />

Ruzizi ya pili wanashuhudia:<br />

«tunahuzunishwa sana na hali hii kwa<br />

kwenda kutafutia chakula na vifaa<br />

Tafsiri (traduction en Swahili)<br />

Sekta ya kilimo jimboni Kivu ya Kusini ya tembea kwa mwendo wa kobe<br />

Wakaaji wavutiwa sana na bidhaa<br />

toka Rwanda<br />

Shuguli za kiuchumi ya miji ya Bukavu nchini<br />

Kongo ya Kidemokrasia, na Cyangugu na Kamembe<br />

Rwanda, zaonekana kuongezeka. Wakaaji wa<br />

Bukavu wanajielekeza kila siku, na kwa wingi, huko<br />

Rwanda,maksudi ya kutafuta vifaa vya lazma. Hali<br />

hiyo ya kutegemeya vifaa toka Rwanda, yatokana na<br />

kupunguka kiwango kikubwa cha mazao ya kilimo<br />

(chakula) jimboni Kivu Kusini. Pana sababu nyingi zilizo<br />

fanya mazao ya kilimo katika eneo hilo kupunguka.<br />

Photo: Crédit libre<br />

arkidiosezi ya Bukavu cha Muhungu<br />

anaeleza: «Wako wengi wagonjwa wa<br />

kisukari wanaojielekeza Tanzania,<br />

Kenya, … kutafuta uponyaji. Huko,<br />

wanawafungia katika chumba cha<br />

maombi na kisha wanawapa mambo<br />

fulanifulani kama maji “ya Baraka”<br />

na vinginevyo kwa kuondosha ugonjwa<br />

mwilini. Ila ni udanganyifu mtupu<br />

sababu wakati wanarudi wengi<br />

wanazoofika zaidi hata kufariki».<br />

Lazma kuheshimu utaratibu<br />

wa kula (régime alimentaire)<br />

Mgonjwa wa kisukari sherti akadirishe<br />

namna ya kula. Kipimo ya<br />

chakula chake inapashwa kulingana<br />

na kilo chake (poids), kimo chake<br />

(taille), myaka yake na jinsi anavyoishi.<br />

Kwa hiyo, anapaswa kufwata<br />

shauri za mganga. Mgonjwa anaita-<br />

Wakongomani wavutiwa na vifaa vya lazma toka Rwanda<br />

vingine huko Rwanda. Ijapokua vimoja<br />

vingeliweza kupatikana huku kwetu<br />

Kongo. Imefika hata wakati zimoja<br />

watumishi kwenyi mpaka upande wa<br />

Kongo wanatupa vitumbua na mikate<br />

vyetu majini au tena kutuzuiya kuvuka<br />

Rwanda kwa sababu ya asira. Tena<br />

wateja wamoja wanakataa kununua<br />

chakula kutoka Rwanda»<br />

Wachuuzi hao wanalaumu jinsi byashara<br />

vyaendeshwa hapa mjini Bukavu.<br />

Wanabyashara wa Bukavu wanatia bey<br />

kali ya bidhaa zao. Wanazani kama ndivyo<br />

watatajirika haraka. Ila ni wakaaji<br />

ndio wanatesa tu. Hawajali ndugu zao<br />

wenye pato ndogo.<br />

Nini ilifanya mazao kupunguka<br />

jimboni ?<br />

Wakati Kongo ilipata uhuru wake na<br />

siku chache baadaye, Kongo ilikua mtoaji<br />

mkuu wa mazao ya mlimo katika<br />

eneo ya Afrika ya kati. Ni tangu mwaka<br />

wa 1976 ndipo mavuno yalianza kupunguka.<br />

Kisa za upungufu huo ni nyingi.<br />

Shamba kubwa kubwa zimenunuliwa<br />

na wafanya siasa na wafanya vyashara<br />

wakubwa wakubwa. Hao wanaacha<br />

shamba zile bure bila kufanya mlimo ao<br />

ufugo yoyote. Pia, walimaji wa vijijini<br />

hawapate mazao sababu wanatumia<br />

mbegu na vyombo zisizo faa tena. Mbegu<br />

izo zinaharibika haraka na magonjwa<br />

ya mimeya. Tena, walimaji wa vijijini<br />

hawapumzishe udongo wa shamba<br />

zao hata kwa mda mfupi. Vilevile, hakuna<br />

kitu kinacho fanyika kwa kuepuka<br />

11<br />

jika kujua kama akiwa mnene anapaswa<br />

kupunguza kipimo ya chakula,<br />

hasa zaidi vyakula vyenyi kuwa na<br />

mafuta. Akiwa mgonde anapaswa kutumia<br />

chakula (ila kadiri) yenyikua<br />

na vitamini. Paali pakutumia chakula<br />

nyingi kwa mara moja, inapaswa kula<br />

kugawanya chakula iyo kwa sehemu<br />

nne ao tano kwa siku. Yafaa kutumia<br />

chakula kila unapotumia dawa.<br />

Ugonjwa wa kisukari ni tatizo kubwa<br />

la afya. Ila, katika kitabu cha mradi<br />

wa kupunguza umaskini nchini mwetu<br />

wa 2010 (Document de Stratégie<br />

de Réduction de la Pauvreté) haukufikiria<br />

lolote kuusu ugojwa huo. Kutokana<br />

na jinsi ugonjwa huo unawasumbua<br />

watu wengi na hasa zaidi garama<br />

kubwa ambayo inaitajika, serikali na<br />

miungano mengine inapashwa kutoa<br />

msaada kwa wagonjwa hao.<br />

miporomoko ya shamba kadhaa. Hata<br />

chumba cha uukaguzi wa kilimo, uvuvi<br />

na ufugo jimboni hakina namna yoyote<br />

ile kwa kupiganisha hali hiyo. Walimu<br />

wa kilimo hawashurulikiwe vilivyo na<br />

serikali. Walimaji hawafwate shauri za<br />

walimu hao. Barabara zenyi kuelekea<br />

mashambani hazikarabatiwe. Usalama<br />

mdogo unafanya walimaji kukimbia<br />

makani yao. Viwanda vya kugeuza mazao<br />

ya shamba vimeachwa na kuharibika.<br />

Sababu nyingine ni kwamba watu<br />

wengi hasa vijana wanajihusisha tu na<br />

kazi za uchimbaji wa madini.<br />

Kwa wakati huu unafanyika kwa kubadilishana<br />

bidhaa. Wakaaji wa Kivu<br />

ya Kusini wanapaswa kupiganisha ali<br />

iyo mbaya ya kutegemea tu kwa nji jirani<br />

ya Rwanda. Wanapaswa kujiweka<br />

kazini kwa kuinua uchumi wa jimbo na<br />

kupiganisha njaa. Katika ayo yote, ni<br />

wakaaji wa Rwanda ndiyo wanafaidika.<br />

Serikali nayo inaitajika kuweka mbinu<br />

zakuinuwa mazao wa jimbo. Inabidi kutafuta<br />

suluhisho kwa kisa izo zote tulizo<br />

zitaja hapo juu.<br />

Vitumbua, mkate, sombe, tomate,<br />

mihogo, mahindi, bishogolo, nyanya,<br />

kabeji (chou), manjegee, pilipili, viazi,<br />

nyama, mayayi, lengalenga, karoti,<br />

ndimu, chungwa, ndizi, birayi, unga wa<br />

muhogo, unga wa mahindi, maziwa,<br />

kalanga, mapera na vingine vyakula<br />

vingi vinavyo tumiwa sana katika<br />

malisho ya kila siku mjini Bukavu.


12<br />

Societe <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Après Chebeya<br />

Si Mukwege mourrait ?<br />

J’admire le docteur Denis Mukwege. Cette admiration<br />

s’inscrit dans le cadre de son action salvatrice à l’égard<br />

des femmes en difficulté ou rencontrant des problèmes<br />

de santé, qu’elles aient été violées ou pas. Gynécologue<br />

et pasteur d’église en même temps, il sait remettre ses<br />

patientes dans une attitude de confiance en elles-mêmes<br />

et de foi en leur Créateur avant toute intervention.<br />

Vivant à Bukavu, née et<br />

grandie comme les garçons<br />

et filles BK entendez<br />

«les vrais natifs» de Bukavu<br />

; je suis parmi ces rares femmes de<br />

cette ville qui n’ont jamais été consultées<br />

auprès du Dr Denis Mukwege. Je<br />

l’observe bien de loin, j’entends des témoignages<br />

sur lui, sur ses prouesses, je<br />

suis ses déclarations de plus près, c’est<br />

une vraie Excellence…<br />

A qui profiterait son assassinat<br />

?<br />

<strong>Le</strong>s hypothèses sont légion. A Bukavu,<br />

ils sont nombreux à accuser<br />

de mutins du M23 qui en profiterait<br />

pour démontrer que le gouvernement<br />

congolais ne protège pas ses citoyens.<br />

Mais oserait-il une pareille opération<br />

aisément dans le quartier «huppé» de<br />

Muhumba à 19h00 et cela à quelques<br />

centaines de mètres du quartier général<br />

de la Monusco ?<br />

D’autres parlent du gouvernement<br />

qui serait dérangé par les discours de<br />

Mukwege. Mais quel intérêt aurait le<br />

gouvernement de créer un Chebeya 2<br />

alors que ce cas et tant d’autres sont<br />

déjà difficiles à gérer.<br />

Pour beaucoup, la mort par assassinat<br />

de cette sommité sociale ajouterait<br />

une goutte qui ferait déborder le vase<br />

après les assassinats des évêques, prêtres,<br />

religieuses, journalistes, hommes<br />

d’affaires, avocats et autres défenseurs<br />

des droits de l’homme sans oublier des<br />

paisibles citoyens.<br />

S’il s’avérait vrai que le gouvernement<br />

agirait comme «Hérodiade»,<br />

dans la Bible en demandant la tête de<br />

Mukwege, on assisterait à une traitrise<br />

sans nom de la part des dirigeants.<br />

<strong>Le</strong> Rwanda n’est pas en reste. Pour<br />

beaucoup de résistants et dénonciateurs<br />

des velléités du Rwanda, ce dernier<br />

n’hésiterait pas à cibler cet homme apprécié<br />

sur toutes les tribunes où il prend<br />

langue. Mais comment ses bourreaux<br />

arriveraient-ils à traverser la frontière<br />

au moment où tous les signaux sont au<br />

rouge à Bukavu tout comme à Goma?<br />

Si toutes les preuves mettaient en clair<br />

la responsabilité du Rwanda, le monde<br />

assisterait à un film de vengeance où le<br />

dernier combat se passe dans le camp<br />

de l’ennemi (le Rwanda). On assisterait<br />

à un état sauvage avec comme conséquences,<br />

le déclic psychologique et<br />

morale. Cet homme congolais qu’on a<br />

toujours présenté comme craignant du<br />

sang s’en abreuverait à satiété. Il faut<br />

savoir jauger l’état d’âme. Celui des Kivutiens<br />

est au rouge. Il suffit d’un rien<br />

pour que le volcan explose.<br />

D’autres hypothèses font état des<br />

«Finders», ces bandits de Bukavu, qui<br />

seraient utilisés par des ennemis professionnels<br />

de Mukwege et qui lui reprocheraient<br />

de leur voler la vedette.<br />

<strong>Le</strong>s finders ou hommes armés non<br />

autrement identifiés, se seraient faits<br />

démasquer ce jour là. <strong>Le</strong> sang d’un<br />

innocent très populaire à l’étranger<br />

comme à Bukavu en toute simplicité,<br />

crierait vengeance. Ce serait le jour de<br />

la remise de l’ordre dans la ville par ses<br />

propres habitants.<br />

Quelques personnes parlent également<br />

d’un montage propre à Mukwege.<br />

N’importe quoi !<br />

Imaginons Bukavu la matinée du<br />

26 octobre 2012 si l’assassinat de<br />

Mukwege y advenait. La solidarité entre<br />

«femmes» serait au zénith car pour<br />

beaucoup, Denis Mukwege est un véritable<br />

ami des femmes qui serait mort<br />

en martyr.<br />

Qui peut oser mesurer l’ampleur des<br />

dégâts et leurs limites ? <strong>Le</strong> pire a été<br />

évité par la providence. Si l’imprévisible<br />

arrivait ce jour là, la communauté<br />

internationale se complairait à citer<br />

et à analyser les effets collatéraux. Un<br />

point c’est tout. Elle répondra devant<br />

l’histoire du silence sur nombreux forfait<br />

à l’Est de la Rdc.<br />

Une tentative d’assassinat comme<br />

celle-ci doit amener chaque personnalité<br />

à préparer la relève. La société doit<br />

s’interroger sur la disparition lente et<br />

sûre du dialogue qui a toujours caractérisé<br />

l’homme africain. Où est donc<br />

passé l’arbre à palabre ? Pourquoi recourir<br />

désormais aux armes ?<br />

Ecce homo: Docteur Mukwege<br />

Denis Mukwege a-t-il volé cette<br />

gloire ?<br />

Sauveur des femmes déchirées par<br />

la méchanceté des détenteurs d’armes<br />

qui «utilisent les corps des femmes<br />

comme un champ de bataille» comme<br />

il ne cesse de le dire lui-même, réparateur<br />

des fistules, il redonne la joie de<br />

vivre à plusieurs d’entre elles. L’une<br />

s’enthousiasmait en ces termes: «Au<br />

moment où je commençais à puer<br />

quand bien même je pouvais me laver<br />

dix fois par jour, je remarquais que de<br />

plus en plus les gens s’éloignaient de<br />

moi…Mukwege, lui, s’est rapproché de<br />

moi, il m’a rassuré, il m’a opérée trois<br />

fois, maintenant, je suis redevenue une<br />

femme, capable de me tenir debout<br />

près d’autres femmes, sans complexe,<br />

je suis partie de mon village où j’avais<br />

été violée pour l’hôpital de Panzi… »<br />

A cette fierté retrouvée s’ajoute la satisfaction<br />

de reprendre goût à la vie.<br />

«Aujourd’hui, j’ai un chez-moi à Mulengeza<br />

non loin de l’hôpital… je fais<br />

un petit commerce et je nourris ma famille…<br />

Moi qui étais morte, je suis vivante<br />

» <strong>Le</strong>s larmes coulent de ses yeux.<br />

Elle s’arrête un peu pour se concentrer<br />

puis reprend le souffle et s’écrie d’une<br />

voix forte comme si le médecin était<br />

devant elle : «Mukwege, olame nka<br />

nyanja» Ce qui signifie, Mukwege, vit<br />

longtemps comme une mer.<br />

Dr Denis Mukwege, spécialiste en<br />

gynéco-obstétrique, est cet homme<br />

qui se retrouve au chevet des femmes<br />

violées au moment où leur nombre<br />

s’accroit avec la guerre qui sévit à l’Est<br />

du Congo. Formé en tant que tel pour<br />

réparer les dégâts survenus au niveau<br />

de l’appareil génital de la femme après<br />

soit un accouchement non assisté soit<br />

un rapport sexuel violent, le plus souvent,<br />

il se verra en train de réparer des<br />

vrais problèmes gynécologiques survenus<br />

après viol, ces relations sexuelles<br />

qui se font sur des femmes sans leur<br />

consentement, les prédisposant ainsi à<br />

des déchirures féroces.<br />

Photo: Crédit libre<br />

Réparateur des fistules ?<br />

Selon un reportage suivi sur une<br />

chaine locale de Bukavu il y a deux<br />

ans, Mukwege n’a jamais été heureux<br />

de toujours réparer des fistules liées<br />

au viol. Ce n’est pas cela son job mais<br />

sa formation l’y prédisposait. <strong>Le</strong> temps<br />

et les circonstances ont concouru à ce<br />

qu’il soit présent à l’Est du Congo au<br />

moment où ce désastre s’abat sur les<br />

femmes majoritairement rurales.<br />

Un homme qui s’interroge et<br />

qui interpelle<br />

Devant le Vice premier ministre et<br />

ministre des affaires étrangères Belge,<br />

Didier Reynders en visite à l’hôpital de<br />

Panzi en septembre dernier, il s’est irrité<br />

: «Combien d’années devrons-nous<br />

encore supporter ce supplice ? »<br />

A la tribune des Nations unies le<br />

25 septembre dernier, Mukwege s’est<br />

exprimé fortement : «J’aurais voulu<br />

dire ‘j’ai l’honneur de représenter mon<br />

pays’, mais je ne peux pas non plus. En<br />

effet, comment être fier d’appartenir<br />

à une nation sans défense ; livrée à<br />

elle-même; pillée de toute part et impuissante<br />

devant cinq cents mille de<br />

ses filles violées ; 6 millions de morts<br />

de ses fils et filles pendant 16 ans sans<br />

qu’il y aucune perspective de solution<br />

durable. Non, je n’ai ni l’honneur ni le<br />

privilège d’être là ce jour. Mon cœur<br />

est lourd.»<br />

«Mon honneur, c’est d’accompagner<br />

ces femmes victimes de violence; ces<br />

femmes qui résistent, ces femmes qui<br />

malgré tout restent débout»<br />

Mukwege est ce médecin congolais<br />

qui sait profiter des événements qui<br />

sont organisés en son honneur pour<br />

répercuter le désarroi des victimes de<br />

violences. Encensé par plusieurs distinctions<br />

à son doctorat Honoris causa<br />

en passant par des nombreux prix<br />

au niveau international dont celui de<br />

la Fondation Roi Baudouin en 2011,<br />

le prix Olof Palme, le prix Jean Rey,<br />

le prix …., le prix…., son nom est cité<br />

aujourd’hui pour les potentiels prix<br />

Nobel.<br />

Solange Lusiku


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Femmes de l’ombre<br />

Elles cassent les pierres<br />

et se cassent les reins<br />

<strong>Le</strong> mal permanent de dos, les mains<br />

douloureusement cailleuses, une longue<br />

distance à parcourir avant et après le<br />

travail sur des chemins sinueux surtout<br />

quand il a plu et avec un enfant attaché<br />

sur le dos, vivre avec moins de 1$ par<br />

jour et nourrir une famille de plus de<br />

10 personnes… Tel est le quotidien<br />

des femmes qui cassent les pierres<br />

dans les carrières de Bukavu. Elles<br />

sont méconnues et oubliées mais elles<br />

demeurent les chevilles ouvrières à la<br />

source des grosses villas qui poussent<br />

comme des champignons dans la ville de<br />

Bukavu. Reportage et découverte...<br />

Nous sommes un jour du<br />

mois d’octobre 2012 dans<br />

la ville de Bukavu. Cela fait<br />

deux ans que la marche<br />

mondiale des femmes a eu lieu. Nous<br />

nous rendons à la Division du genre<br />

femme famille et enfant. A l’entrée,<br />

nous sommes attirés par un tableau<br />

reprenant toutes les associations locales<br />

partenaires de la division. Sur<br />

50 associations intervenant dans la<br />

lutte contre les violences sexuelles,<br />

dans l’agriculture et autres, aucune ne<br />

s’intéresse à la situation des femmes<br />

casseuses des pierres, cette autre catégorie<br />

de femmes indigentes, nécessiteuses,<br />

affamées et par-dessus tout<br />

oubliées. Pourtant, elles sont présentes<br />

et actives dans la recherche du pain<br />

quotidien dans les carrières des pierres<br />

de la Brasserie, Hongo …Ces femmes<br />

sont dans l’ombre parce que les autres<br />

Regroupement des femmes casseuses des pierres de la place Brasserie Bukavu<br />

Pour tenter de nourrir sa famille, elle casse les pierres à Bukavu<br />

femmes d’ONG qui se disent oeuvrer<br />

pour les droits de la femme refusent de<br />

les voir car leur misère n’est pas facile<br />

à vendre auprès des bailleurs des fonds<br />

comme les sont les violences faites aux<br />

femmes, un domaine d’intervention<br />

qu’on retrouve aujourd’hui dans plus<br />

de 99% d’associations des femmes. La<br />

misère des casseuses des pierres ne<br />

saurait vite enrichirles Ongs.<br />

Avec six cent francs congolais, je<br />

ne saurai même pas acheter un «namaha<br />

1 » se lamente M’Bisimwa, une<br />

dame qui n’est pas parvenu à remplir<br />

un fut de pierres concassées et le vendre<br />

à un dollar.<br />

<strong>Le</strong>s hommes déterrent des grosses<br />

pierres à l’aide des barres à mines<br />

avant de les casser en partie consistantes<br />

que les constructeurs utilisent<br />

pour les fondations des immeubles. Du<br />

matin au soir, une trentaine de femmes<br />

passent leurs journées dans la carrière<br />

de la Brasserie où elles mènent leur<br />

activité quotidiennes. Elles montent<br />

sur la colline pour acheter des miettes<br />

des pierres auprès des hommes.<br />

Elles les rangent dans des sacs à linge<br />

avant de les transporter sur leurs dos<br />

jusqu’aux pieds de la montagne où elles<br />

se rangent pour les casser en petits<br />

morceaux appelés concassés servant<br />

à couler les dalles, les ceintures, les<br />

piliers des maisons, et même dans la<br />

construction des routes. Au cours de la<br />

descente, il leur arrive souvent de tomber<br />

et de se blesser avec ces pierres qui<br />

tombent du sac.<br />

Calvaire<br />

Elles ont des blessures qu’elles ne<br />

savent pas faire soigner, plusieurs de<br />

leurs ongles n’existent plus ou presque<br />

plus sur des doigts accidentés. Au tou-<br />

Societe<br />

13<br />

cher, leurs dos sont envahis par des<br />

taches noires et dures comme une carapace<br />

de tortue. Elles ne cessent de se<br />

lamenter de douleurs généralisées.<br />

<strong>Le</strong>urs maris sont soit décédés soit<br />

porteurs au Beach Muhanzi communément<br />

appelé Mashinji soit des sans<br />

emploi. Plusieurs d’entre eux, restent<br />

à la maison jouer au sombi attendant<br />

l’arrivée de l’épouse partie pour chercher<br />

de quoi survivre. «Si je traine soit<br />

à cause de la pluie car ça glisse énormément<br />

sur la montée vers Kasha, soit<br />

pour avoir été incapable de répartir la<br />

somme modique du jour en farine, légume,<br />

braises, sel, huile etc, soit par<br />

la fatigue de la dure journée, je rencontre<br />

mon mari furieux déjà au lit.<br />

Lorsque la nourriture est prête, je dois<br />

le réveiller à mes risques et périls» regrette<br />

en marmonnant mama Nabintu<br />

, âgée d’environ quarante mais qui<br />

ressemble déjà une sexagénaire.<br />

Cibalonza, elle, souffre maintenant<br />

d’hémorroïde à cause de ce labeur.<br />

Elle explique : « il m’arrive souvent<br />

de marcher comme une tortue à<br />

cause des douleurs. Je ne sais pas<br />

aller vite mais mon mari ne cesse<br />

de se plaindre que mes rentrées<br />

tardives sont des agendas cachés<br />

pour lui. Pour me punir souvent, il<br />

attend le moment du manger pour<br />

commencer à tonner sur moi. Si j’ose<br />

répliquer quolibets, des frappes s’en<br />

mêlent devant nos enfants, alors je<br />

n’ose pas riposter »<br />

Pour nombreuses de ces femmes, la<br />

vie n’a plus de sens. Elles aimeraient<br />

trouver une alternative à leur travail<br />

ou œuvrer dans des conditions humaines.<br />

Déjà, elles ont eu l’ingénieuse idée<br />

de se regrouper e association afin de<br />

mieux se faire comprendre et se faire<br />

valoir. Qui entendra leur cri de détresse<br />

?<br />

Solange Lusiku


14 Santeé<br />

Maladie silencieuse<br />

Comment vivre avec le diabète<br />

Ces cinq dernières années, les centres de<br />

santé qui assurent le suivi des malades<br />

de diabète enregistrent un accroissement<br />

du nombre de cas dans la ville de Bukavu.<br />

L’augmentation des cas d’hospitalisation et<br />

de décès dus à cette maladie est également<br />

constatée. <strong>Le</strong>s malades et les spécialistes<br />

ont livré leurs expériences et conseils.<br />

Reportage.<br />

<strong>Le</strong>s centres de santé qui font le<br />

suivi des malades de diabète<br />

enregistrent une augmentation<br />

de diabète. <strong>Le</strong> centre de<br />

santé diocésain de Muhungu en commune<br />

d’Ibanda connaît cette situation.<br />

Selon les rapports de ce centre, le nombre<br />

de diabétiques est passé de 99 en<br />

2011 à 168 en juin 2012. Déjà pendant<br />

les six premiers mois de l’année 2012,<br />

quatre cas de décès et 18 cas d’hospitalisation<br />

ont été comptés.<br />

Abel Ciza, Responsable de suivi du<br />

programme diabète au Sud-Kivu et<br />

chercheur en diabétologie a donné<br />

quelques précisions. Il a rapporté qu’en<br />

2010, sur les 39 zones de santé que<br />

compte la province du Sud-Kivu, 18<br />

seulement ont intégré le diabète comme<br />

programme. Ces dernières ont enregistré<br />

2440 diabétiques suivis. <strong>Le</strong> rapport<br />

de l’Inspection provinciale de la santé<br />

montre l’ampleur que cette maladie est<br />

en train de prendre. En 2006, 30% de<br />

malades ont été admis dans le service<br />

de médecine interne à l’Hôpital Provincial<br />

de Référence de Bukavu pour l’hypertension<br />

et le diabète.<br />

<strong>Le</strong> diabète peut-il guérir ?<br />

Actuellement, il n’existe pas encore<br />

un médicament pour guérir le diabète.<br />

Lorsqu’on est atteint par le diabète, on<br />

est obligé de vivre avec.<br />

Dans son ouvrage intitulé Guide pour<br />

le diabétique africain, Jacques L. De<br />

Plaen, professeur aux Cliniques Universitaires<br />

St Pierre de Louvain propose<br />

cinq conseils au diabétique. D’abord, il<br />

faut faire attention, soigner son l’hygiène<br />

corporelle (soin de la peau, attention<br />

aux abcès, soin des plaies, soin des<br />

pieds, soin des dents, exercices physiques<br />

et suppression du tabac ). Ensuite,<br />

le malade doit suivre correctement son<br />

régime. Puis, il doit prendre chaque<br />

jour ses médicaments. En plus, il doit<br />

régulièrement contrôler le sucre contenu<br />

dans ses urines. Enfin, il doit veiller<br />

aux signes d’alarme de sa maladie : ce<br />

qui nécessite la consultation d’un médecin.<br />

Abel Ciza insiste sur le respect du régime<br />

pour mieux vivre avec le diabète.<br />

«L’insuline (injectable), le daonil et le<br />

glucophase sont des médicaments qui<br />

aident le malade à équilibrer le sucre.<br />

Mais, le respect strict du régime est le<br />

premier médicament indispensable. Un<br />

diabétique bien suivi par un médecin ou<br />

un nutritionniste spécialisé en diabète<br />

a plus de chance d’éviter des complications».<br />

Certains diabétiques de Bukavu en pleine séance de conseil<br />

Jacques L. De Plaen note qu’ « il ne<br />

faut pas changer la médication par<br />

soi-même, sans l’avis du médecin ».<br />

La vie avec le diabète coûte cher.<br />

Epanza Komboyo, un diabétique, se<br />

plaint: « il faut passer aux examens<br />

tous les temps, acheter des médicaments,<br />

suivre correctement le régime…<br />

Tout ça demande des moyens. Ce qui<br />

est étonnant est que l’Etat et les organisations<br />

internationales nous oublient.<br />

C’est ça le cri d’alarme que nous lançons<br />

».<br />

Par ailleurs, certains diabétiques attribuent<br />

des origines sataniques à leur<br />

maladie et croient qu’ils peuvent être<br />

guéris. Mazambi Ilunga, Vice-président<br />

de l’Association des diabétiques du<br />

Sud-Kivu (ADSKI) et président des diabétiques<br />

au centre de santé diocésain<br />

de Muhungu explique : « certains malades<br />

se rendent massivement en Tanzanie<br />

et au Kenya pour se faire guérir<br />

le diabète. Dans mon centre, par exemple,<br />

deux malades y étaient allés. Là, ils<br />

étaient enfermés dans la chambre de<br />

prière à longueur des journées. Puis,<br />

on les avait donné une petite quantité<br />

d’eau « bénite» pour faire disparaître<br />

le diabète dans leurs organismes. Mais<br />

de leur retour à Bukavu, ils ont piqué<br />

des crises graves. D’ailleurs, un en est<br />

inopinément mort. Vraiment ce sont<br />

des fausses croyances».<br />

Nécessaire respect du régime<br />

<strong>Le</strong> diabétique doit équilibrer ses repas<br />

en fonction de son poids, sa taille,<br />

son âge et son genre de vie. Il doit suivre<br />

les conseils du médecin dans la<br />

prise du repas. En fait, le diabétique<br />

doit savoir que s’il est gros : il faut réduire<br />

la quantité totale de nourriture et<br />

surtout les graisses. S’il est maigre : il<br />

faut une quantité équilibrée des trois<br />

aliments [les aliments qui contiennent<br />

du sucre ou des graisses ou des protéines].Plus<br />

les vitamines. Et Jacques L.<br />

De Plaen de conseiller la suppression<br />

de gros repas pour les remplacer par<br />

quatre ou cinq petits repas par jours<br />

dont l’importance dépend du poids du<br />

malade . Il est conseillé de prendre le<br />

repas à chaque prise de médicament<br />

pour éviter le risque de tomber dans la<br />

crise.<br />

En pleine séance de conseils aux malades,<br />

Mazambi Ilunga a martelé que<br />

«lorsqu’un diabétique consomme les<br />

aliments déconseillés, le goût ne change<br />

pas et ça ne cause pas des troubles dans<br />

le ventre. Mais les effets se ressentent,<br />

après, dans l’organisme ». Il regrette le<br />

comportement des diabétiques jeunes<br />

quant au respect des conseils. « Ils ne<br />

respectent pas le régime. Ils continuent<br />

à prendre les aliments et les boissons<br />

déconseillés. Et, nombreux jeunes<br />

ignorent leur état de santé. Ils ne veulent<br />

pas passer aux contrôles même<br />

si les symptômes se manifestent dans<br />

leurs organismes. C’est pourquoi leur<br />

diabète est très brutal. Ils connaissent<br />

souvent des crises graves ».<br />

<strong>Le</strong> diabète constitue un problème de<br />

santé publique. Néanmoins, le Document<br />

de Stratégie de Réduction de la<br />

Pauvreté (DSRP) élaboré en 2010 ne<br />

fait pas mention de cette maladie dans<br />

la liste des maladies retenues comme<br />

prioritaires. Etant donné la recrudescence<br />

de cette maladie et surtout le coût<br />

de vie élevé qu’elle impose aux malades<br />

et à leurs familles, la prise en charge<br />

de cette maladie est indispensable et<br />

urgente. <strong>Le</strong> diabète doit être considéré<br />

au même titre que d’autres maladies<br />

chroniques telles que le Syndrome d’<br />

Immuno Déficiente Acquise (SIDA) et<br />

la tuberculose dont la prise en charge<br />

est assurée.<br />

Sylvain-Dominique Akilimali<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

En savoir plus<br />

<strong>Le</strong> diabète est une maladie chronique<br />

caractérisée par un taux de<br />

sucre dans le sang (glycémie) trop<br />

élevé et le passage du sucre dans les<br />

urines. D’où l’appellation de «diabète<br />

sucré». Cette maladie se manifeste<br />

généralement par une soif excessive,<br />

l’envie fréquente d’uriner et la fatigue<br />

(l’asthénie).<br />

<strong>Le</strong>s types de diabète<br />

<strong>Le</strong> diabète du type 1 : qui résulte<br />

d’une destruction sélective de cellule<br />

B du pancréas. Généralement, la maladie<br />

apparaît de manière soudaine, en<br />

quelques jours ou quelques semaines<br />

chez les enfants et les adultes de<br />

moins de 40 ans.<br />

<strong>Le</strong> diabète du type 2 : cette<br />

forme de diabète apparaît généralement<br />

chez les adultes de plus de 40<br />

ans. Ce diabète se développe progressivement<br />

et passe souvent inaperçue<br />

pendant plusieurs années par manque<br />

de symptômes.<br />

<strong>Le</strong> diabète de grossesse ou<br />

diabète gestationnel : apparaît<br />

suite à des changements hormonaux<br />

durant la grossesse. Ce type de diabète<br />

disparaît à la fin de la grossesse. <strong>Le</strong>s<br />

femmes enceintes souffrant de cette<br />

maladie ont le risque accru de développer,<br />

plus tard, le diabète du type 2.<br />

Ce genre de femme met au monde un<br />

gros bébé de plus de 4 kg.<br />

<strong>Le</strong> diabète secondaire : est<br />

causé par des problèmes pancréatiques<br />

(maladie ou opération sur le<br />

pancréas) ou par l’usage abusif de<br />

certains médicaments comme le corticoïde,<br />

certains antirétroviraux,… Il est<br />

plus fréquent chez les personnes de<br />

plus de 70 ans.


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Bukavu<br />

Dangers des constructions<br />

anarchiques<br />

Un mauvais exemple des constructions à Bukavu<br />

L’avalanche de maisons sur des sites impropres à la<br />

construction dans la ville de Bukavu conduit à l’érosion des<br />

sols. <strong>Le</strong>s maisons construites s’écroulent et causent des<br />

dégâts non négligeables. A certains endroits tels que la colline<br />

Maendeleo et quartier Nkafu dans la commune de Kadutu, le<br />

danger est plus visible. Des failles ou des ravins menacent des<br />

espaces tels qu’ITFM, ISTM, Lycée Wima.<br />

<strong>Le</strong> terme « constructions anarchiques<br />

» est une pratique<br />

longtemps interdite par les<br />

autorités congolaises. Une application<br />

qui se manifeste toujours comme<br />

difficile à observer par la majorité de<br />

la population dans la ville de Bukavu.<br />

Etant devenue une habitude incontournable,<br />

l’anarchie prend de l’élan sur la<br />

colline Maendeleo situé dans la commune<br />

de Kadutu, jadis couverte par une<br />

végétation arbustive. Pourtant, ce site<br />

est considéré par les géologues comme<br />

dangereux pour la construction.<br />

Pourquoi l’anarchie à Bukavu ?<br />

<strong>Le</strong> problème de l’anarchie, à Bukavu,<br />

débute par les désordres de vente de parcelles<br />

à n’importe quel endroit. <strong>Le</strong>s terrains<br />

de football, de basketball, de cercle<br />

hippique, des cimetières sont devenus<br />

propriétés des nantis. <strong>Le</strong>s maisons sont<br />

dressées sur des infrastructures publiques:<br />

des égouts, des câbles électriques,<br />

des tuyaux d’eau, alors que ces endroits<br />

devraient être protégés par l’Etat congolais<br />

et la population. Curieusement, des<br />

habitants expliquent qu’ils obtiennent<br />

ces parcelles auprès de l’Etat. Surtout sur<br />

la colline Maendeleo (la colline du Lycée<br />

Wima) et le quartier Nkafu (quartier de<br />

l’Hôpital Général). «L’occupation de ces<br />

sites a débuté vers la fin des années 80,<br />

avec l’autorisation de l’Etat qui était le<br />

premier à vendre ces terrains de la ville<br />

de Bukavu», avoue Rigobert Birembano,<br />

géologue et chef des travaux à l’Ins-<br />

titut Supérieur Pédagogique de Bukavu<br />

(ISP). L’Etat lui-même reconnaît que<br />

ce problème d’anarchie l’engage également.<br />

«L’Etat y est pour beaucoup, car<br />

il ne fait pas de lotissement en dehors<br />

de la ville», articule Grégoire Mihinganyo,<br />

chef de Bureau du domaine foncier<br />

et immobilier à Bukavu. En même<br />

temps, il est sans ignorer le risque de<br />

cette colline. «La colline Maendeleo est<br />

un endroit non edificandi, c’est-à-dire<br />

impropre à la construction», affirme<br />

Luc Lwaboshi, chef de bureau chargé<br />

de l’étude de planification à la division<br />

de l’habitat. Cependant, cette multitude<br />

de maisons présentes sur cette colline,<br />

semble aujourd’hui laisser les autorités<br />

indifférentes. Un endroit de protection<br />

de deux grands quartiers de Kadutu :<br />

Chimpunda et Mosala (Funu, Buholo)<br />

qui perdent leur beauté du jour au lendemain.<br />

A l’époque coloniale, la colline<br />

Maendeleo était fortement conservée<br />

avec ses arbres, puisqu’elle était le pilier<br />

anti-érosif. Parmi les maisons qui se<br />

trouvent sur cette colline, certaines sont<br />

en terre, en bois, en bambou et d’autres<br />

en briques dures et en étage. Ces maisons<br />

sont séparées de près de 30 centimètres<br />

seulement. Avant de construire,<br />

les bâtisseurs creusent jusqu’à aboutir à<br />

un espace plat. En creusant, ils coupent<br />

les arbres qui sont aux alentours de leur<br />

parcelle. Alors que «les arbres sont une<br />

protection du sol et le solidifient contre<br />

la menace des eaux de pluie et émèchent<br />

les glissements de terre», expli-<br />

que Innocent Bayubasire, de la coordination<br />

provinciale de l’environnement<br />

conservation de la nature au Sud-Kivu.<br />

<strong>Le</strong>s maisons sont toutes érigées selon le<br />

goût du propriétaire sans avoir l’avis de<br />

la division de l’urbanisme. Ainsi, cette<br />

division a, semble-t-il, cessé d’octroyer<br />

l’autorisation de bâtir sur cette colline.<br />

Malgré cette hypothèse, la population se<br />

croit capable d’aller à l’encontre des ordres<br />

de l’Etat. Ainsi, la responsabilité devient<br />

partagée de la part de l’Etat et de la<br />

population. «Beaucoup se débrouillent<br />

tant bien que mal et s’installent sur des<br />

sites impropres à la construction parce<br />

que l’Etat ne fait rien pour décanter cette<br />

situation», démontre Grégoire Mihinganyo.<br />

La cause principale de ce fait réside<br />

au manque d’agrandissement de la<br />

ville et à l’insécurité qui déstabilise et<br />

effraie la population des territoires qui<br />

vient à son corps défendant construire<br />

à Bukavu. Tous les territoires de la province<br />

du Sud-Kivu sont perturbés par<br />

les troubles causées par les bandes armées.<br />

<strong>Le</strong> seul endroit où trouver la paix<br />

c’est Bukavu. <strong>Le</strong>s gens préfèrent y habiter<br />

dans le risque d’un effondrement de<br />

terrain plutôt que dans l’insécurité des<br />

territoires. A ce stade, un questionnement<br />

se dégage : comment solutionner<br />

au plus vite l’anarchie urbanistique ?<br />

Séisme en perspective<br />

Plusieurs facteurs concourent à ce<br />

phénomène. Selon Rigobert Birembano,<br />

«la construction anarchique se présente<br />

lorsqu’on ne respecte pas les normes<br />

architecturales, on occupe tout l’espace<br />

parcellaire ou sans tenir compte de la<br />

« La construction anarchique<br />

se présente lorsqu’on ne<br />

respecte pas les normes<br />

architecturales, on occupe<br />

tout l’espace parcellaire<br />

ou sans tenir compte de la<br />

direction des rayons solaires<br />

devant désinfecter l’intérieur<br />

de la maison»<br />

Rigobert Birembano, Enseignant<br />

Géographe<br />

direction des rayons solaires devant<br />

désinfecter l’intérieur de la maison,<br />

on construit sur le canal de drainage,<br />

sur des pentes argileuses, sur des terrains<br />

avec d’autres vocations, dans des<br />

cimetières,…». Or, sur Maendeleo les<br />

maisons pèsent sur la colline et causent<br />

l’affaissement du sol. D’ailleurs, comme<br />

le soulève Innocent Bayubasire «cette<br />

colline est classée parmi les sites à haut<br />

risque selon les experts. Puisque la<br />

terre est marécageuse et c’est une forte<br />

pente. Ainsi, la pollution se répand.<br />

<strong>Le</strong>s sources d’eau que contient cette<br />

colline sont infectées par les microbes<br />

provenant des fosses septiques qui y<br />

Environnement<br />

15<br />

sont érigées». L’occupation de ce terrain<br />

étant déjà forte, les eaux de pluies<br />

que recueillent les toits de ces maisons<br />

provoquent des éboulements, très dangereux<br />

pour la population. On remarque,<br />

aisément les effets l’évolution de<br />

ces glissements des terrains. <strong>Le</strong> tronçon<br />

Lycée Wima et l’Institut Supérieur de<br />

Développement Rural (ISDR) n’existe<br />

plus. <strong>Le</strong>s maisons au bord de cette route<br />

se sont déjà écroulées. Celles qui restent<br />

sont criblées de fissures. Dans le rapport<br />

sur la catastrophe naturelle du 2 mars<br />

2010 au quartier Nkafu, les chercheurs<br />

du centre Lwiro ont démontré que l’activité<br />

séismique dans le bassin sud du lac<br />

Kivu connait actuellement une nouvelle<br />

recrudescence. Selon eux, «plusieurs<br />

séismes de magnitudes inférieures à<br />

4,1 sont enregistrés régulièrement. La<br />

plupart de ces séismes ont pour épicentre<br />

ou point central la faille de Birava<br />

dans le territoire de Kabare. <strong>Le</strong>s<br />

catastrophes plus redoutables sont à<br />

craindre dans l’immédiat à ce site qui a<br />

été loti bien qu’il ne soit pas approprié<br />

car situé sur le plan d’une faille». Certains<br />

habitants appellent à une mise en<br />

garde de tous les occupants de ces collines.<br />

D’autres suggèrent la démolition<br />

des maisons pour reboiser ces espaces.<br />

Ces habitants craignent l’écroulement<br />

de ces collines à cause de l’invasion de<br />

bâtiments qui s’y manifeste. <strong>Le</strong> véritable<br />

problème réside dans la provocation du<br />

sol. De cela, naissent des érosions qui,<br />

même, emportent les habitations. Pour<br />

les experts, parmi les sortes de tremblement<br />

de terre, il existe celui qu’on<br />

note d’origine artificielle, puisque provenant<br />

de l’exploitation humaine. <strong>Le</strong>s<br />

séismes d’origine artificielle ou de faible<br />

à moyenne magnitude (grandeur)<br />

sont dus à certaines activités humaines<br />

telles que la construction des barrages,<br />

les creusages et les pompages en profondeur,<br />

l’extraction minière, les explosions<br />

souterraines ou nucléaires. A<br />

Bukavu, certains quartiers dont l’urbanisation<br />

est négligée connaissent déjà ce<br />

problème de ravins, fruits des érosions.<br />

<strong>Le</strong>s scientifiques du centre de Lwiro estiment<br />

que «la population en place au<br />

niveau de Maendeleo, de Nkafu et de<br />

Karhale doit être évacuée vers des nouveaux<br />

sites stables. Ces sites doivent<br />

être correctement reboisés afin de réduire<br />

le mouvement accéléré de l’érosion».<br />

Ce qui est à craindre ce sont les<br />

méfaits du séisme qui peuvent encore<br />

une fois survenir à Bukavu. <strong>Le</strong> tremblement<br />

de terre de février 2008 a laissé<br />

un souvenir amer. L’érection des grands<br />

bâtiments dans la ville sur des espaces<br />

impropres à la construction effraie les<br />

experts. D’où leur appel aux politiques<br />

de suivre les suggestions des spécialistes<br />

pour limiter tout dégât matériel et<br />

humain dus à l’absence de vision urbanistique.<br />

La ville de Bukavu peut encore<br />

redevenir Bukavu la verte si tout citoyen<br />

prend conscience du délabrement de ses<br />

sols et agit en conséquence.<br />

Eulalie Mufungizi Z.


16 Economie s<br />

La vie dans nos territoires<br />

Idjwi, l’oubliée<br />

<strong>Le</strong> wilt bactérien détruit les bananeraies<br />

d’Idjwi depuis 2007, sans<br />

aucune réaction du pouvoir public.<br />

La situation alimentaire actuelle<br />

est alarmante car la bactérie prive<br />

les familles de leur aliment de<br />

base et de leur principale source<br />

de revenus. Idjwi doit lutter<br />

aujourd’hui contre un adversaire<br />

de taille : la famine.<br />

Mon arrière-grand-père Jean<br />

Mushengezi est venu de Kalehe<br />

en 1910 pour planter à Idjwi<br />

le premier bananier de l’île,<br />

près de Kashofu. Il baptisa sa descendance<br />

Nyamigomba, ce qui signifie bananeraies en<br />

Swahili. <strong>Le</strong>s bananes nous ont nourris pendant<br />

plus d’un siècle, elles nous ont permis<br />

de nous soigner, d’aller à l’école et même à<br />

l’université. Aujourd’hui, les voisins nous<br />

suggèrent de changer de nom». explique<br />

Sylvain Nyamigomba debout au milieu<br />

d’un gigantesque champ de bananes,<br />

cimetière des plantations de son aïeul.<br />

«On a déraciné ce qui était malade et<br />

il ne reste plus que quelques plantes.<br />

Il y a cinq ans, on avait trois hectares<br />

de bananeraies en parfaite santé». <strong>Le</strong>s<br />

récits de déracinement et de contagion<br />

font désormais partie intégrante du quotidien<br />

des agriculteurs d’Idjwi. À l’instar<br />

de la famille Nyamigomba, ils perdent<br />

espoir et observent impuissants la pauvreté<br />

se glisser dans leurs foyers. Ils ont<br />

cherché à diversifier leurs cultures mais<br />

sans atteindre le succès escompté : <strong>Le</strong><br />

manioc ne produit plus, les ananas sont<br />

essentiellement réservés à l’exportation<br />

et la pêche est actuellement momentanement<br />

interdite aux alentours de l’île.<br />

<strong>Le</strong>s bananes nous ont nourris<br />

pendant plus d’un siècle,<br />

elles nous ont permis de nous<br />

soigner, d’aller à l’école et<br />

même à l’université<br />

La scolarité prioritaire sur la santé<br />

En visite le 24 août à Idjwi, le vicepremier<br />

ministre belge Didier Reynders<br />

a annoncé un investissement de 50 000<br />

euros pour le développement des soins de<br />

santé. Mais qui pourra encore payer une<br />

consultation ? <strong>Le</strong> docteur Léon, médecin<br />

à Monvu constate qu’un nombre crois-<br />

Descendance Nyamigomba, au milieu d’une bananeraie qui ne produit plus<br />

sant de mamans n’ont plus les moyens de<br />

payer l’accouchement. « La faim change<br />

la donne, on enregistre une baisse de la<br />

fréquentation. On s’attend également<br />

à des cas de malnutrition et d’hypoglycémie.<br />

Il faudra que les agronomes<br />

trouvent une solution, rapidement» <strong>Le</strong><br />

docteur Mukopi, Directeur Général de<br />

l’hôpital, s’inquiète pour l’avenir de l’île:<br />

«<strong>Le</strong>s gens préfèrent la scolarisation à la<br />

santé. S’ils s’appauvrissent, ils ne viendront<br />

plus se faire soigner dans un premier<br />

temps et ensuite ils n’iront plus à<br />

l’école».<br />

Seuls face au problème<br />

<strong>Le</strong> manque d’information et d’expertise<br />

sur la bactérie, le Wilt bactérien, cette<br />

maladie qui décime les bananeraies, a<br />

été déterminant dans le processus de<br />

contagion. «Personne n’est venu nous<br />

aider. Devant l’inconnu, on n’a rien pu<br />

faire car on ne connait pas vraiment la<br />

cause de la maladie» déplore Athanase<br />

Mpaka, propriétaire d’une bananeraie<br />

décimée. «Mes 10 enfants sont toujours<br />

à l’école, mais pour combien de temps?<br />

Cela implique beaucoup de sacrifices».<br />

La paralysie politique du gouvernement<br />

provincial face à la situation alimentaire<br />

provoque un mouvement de colère des<br />

citoyens de l’île. «<strong>Le</strong> gouverneur n’est<br />

venu qu’une seule fois ici» déplore un<br />

journaliste local «Il a fallu attendre la<br />

visite d’un ministre belge pour enfin le<br />

voir». Une visite très théâtrale durant<br />

laquelle la délégation belge a apprécié<br />

les paysages paradisiaques de l’île, le<br />

centre de santé de Kihumba et la cuisine<br />

congolaise dans la villa de Bertrand<br />

Bisengimana. Mais jamais il n’a été question<br />

d’aborder le wilt, la pauvreté croissante<br />

et les cas inquiétants de malnutrition.<br />

La visite de la délégation belge et<br />

du gouverneur était en fait une joyeuse<br />

comédie politique, dans laquelle la<br />

famine n’avait pas son rôle à jouer.<br />

Florent Marot<br />

Interview<br />

Grant Bulangashane,<br />

Doctorant en agronomie à l’UCB.<br />

Qu’est-ce que le Wilt ?<br />

<strong>Le</strong> wilt est une maladie bactérienne<br />

qui se manifeste par un<br />

jaunissement des feuilles. Elle est<br />

arrivée à Idjwi via l’importation de<br />

bananes en provenance de Kalehe<br />

et de Minova durant les périodes<br />

creuses. La maladie, très contagieuse,<br />

est d’abord apparue sur<br />

les berges du lac et puis s’est rapidement<br />

propagée sur l’ensemble<br />

des plantations de l’île.<br />

Que fait le pouvoir public<br />

pour régler la situation?<br />

<strong>Le</strong> gouvernement ne fait rien : les<br />

agriculteurs sont pas formés aux<br />

techniques et ne sont pas suivis<br />

par les agronomes. Pire, ceux-ci<br />

taxent les habitants qui craignent<br />

par conséquent de les voir arriver<br />

chez eux. Ils taxent parce qu’ils<br />

ne sont pas bien payés, ils ne<br />

sont même pas reconnus par un<br />

numéro de matricule. Il y a des<br />

détournements dans l’administration<br />

publique et les agronomes<br />

ne perçoivent parfois pas leurs<br />

salaires pendant cinq à dix mois.<br />

Il faut que le secteur agricole soit<br />

soutenu par le pouvoir en place.<br />

Comment éradiquer la<br />

maladie ?<br />

Par la sensibilisation. Une solution<br />

concrète serait la vulgarisation<br />

de l’information via des<br />

structures en place comme les<br />

associations d’agriculteurs. Il faut<br />

qu’on informe sur les techniques<br />

appropriées comme la coupe des<br />

fleurs mâles après la formation<br />

de la dernière main du régime de<br />

bananes. Ce que j’ai aussi<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

constaté, c’est que les symptômes<br />

du wilt sont similaires aux<br />

symptômes d’autres maladies de<br />

bananiers. Une fois constatation,<br />

les agriculteurs devraient arrêter<br />

l’entretien comme le sarclage et<br />

la coupe de feuilles et observer<br />

l’évolution de la maladie pendant<br />

deux mois. Ils vont alors identifier<br />

les bananiers malades, les couper<br />

et les exposer au soleil, fatal pour<br />

la bactérie. La sensibilisation sur<br />

la stérilisation des outils via le feu<br />

ou l’eau de javel est primordiale,<br />

tout comme l’interdiction de la<br />

libre circulation des animaux dans<br />

les bananeraies.<br />

Est-il trop tard pour Idjwi?<br />

Non, c’est possible de cultiver<br />

des bananiers sains tout en éliminant<br />

les malades. S’il n’y a pas<br />

de contact, cela reprendra. C’est<br />

comme le SIDA, deux personnes<br />

peuvent vivre ensemble : tant qu’il<br />

n’y a pas de contact de sang, il n’y<br />

a pas de contagion. Mais il faudra<br />

imaginer des replantes complètes<br />

où tout a déjà été détruit. Après<br />

avoir été informés, les villageois<br />

devront instaurer une surveillance<br />

mutuelle entre eux et organiser<br />

des groupes de suivi pour respecter<br />

les règles : si quelqu’un laisse<br />

circuler des animaux dans ses<br />

plantations ou ne coupe pas la<br />

fleur mâle à temps, il sera sanctionné.<br />

Mais cela nécessite aussi<br />

une implication du pouvoir public.


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Sud-Kivu: l’agriculture tourne au ralenti<br />

Depuis la rébellion du Rassemblement<br />

Congolais pour<br />

la Démocratie, la frontière<br />

entre le Congo et le Rwanda<br />

est devenue de plus en plus poreuse.<br />

Chaque jour, de 6 heures du matin à 18<br />

heures, des personnes s’amassent en<br />

file indienne devant le bureau de la Direction<br />

Générale de Migration (DGM)<br />

aux douanes Ruzizi I et Ruzizi II, à Bukavu.<br />

Il s’agit, surtout des femmes, de<br />

jeunes filles et garçons qui attendent<br />

des jetons de passage. Où vont-ils? A<br />

Cyangugu et Kamembe, dans la province<br />

Ouest du Rwanda, à la frontière avec<br />

le Congo. Ils s’y rendent pour s’approvisionner<br />

en produits de première nécessité.<br />

A leur retour, ils amènent des<br />

bassins ou des sacs remplis de farine,<br />

de riz, de viande, de beignets, de poules<br />

et la liste pourrait continuer 1 . Grand<br />

nombre de Bukaviens soutiennent que<br />

c’est au Rwanda que les produits sont<br />

vendus aux prix les plus abordables.<br />

Marie-Immaculée Ntakwinja, une vendeuse<br />

de farine de manioc déclare: «la<br />

multiplicité des taxes ne permet plus<br />

que nous achetions les produits de<br />

notre pays. Ces taxes entraînent des<br />

hausses de prix, ce qui fait qu’on ne<br />

vend pas. <strong>Le</strong>s acheteurs cherchent toujours<br />

des produits moins chers et cela<br />

conduit à des pertes considérables».<br />

Une situation qui décourage la plupart<br />

de vendeurs de s’approvisionner en<br />

produits congolais.<br />

Quelle économie pour Sud-Kivu ?<br />

Chaque fois que le Rwanda ferme momentanément<br />

ses frontières pour une<br />

raison ou pour une autre, les femmes<br />

s’entassent impatiemment aux postes<br />

frontaliers pour attendre la réouverture.<br />

Ces jours-là, de nombreuses familles<br />

passent une nuit blanche là-bas,<br />

et certains petits marchés sont quasivides,<br />

plusieurs «mamans vendeuses»<br />

se retrouvant ainsi au «chômage technique».<br />

Lorsque la frontière est fermée<br />

au Rwanda, les prix explosent en RDC.<br />

De l’autre côté, au Rwanda, la production<br />

agro-pastorale est bien organisée.<br />

<strong>Le</strong>s Rwandais importent rarement les<br />

produits de la RDC. Tout produit traversant<br />

la frontière est durement taxé<br />

sinon il est considéré comme frauduleux.<br />

Auparavant, pourtant, certaines cultures<br />

-comme le manioc, la tomate- produites<br />

au Nord et au Sud-Kivu étaient<br />

commercialisées au Rwanda.<br />

Deux vendeuses avec des bassins de<br />

pains sur la tête, au niveau de la douane<br />

Ruzizi II témoignent : «Nous sommes<br />

très gênées d’aller nous approvisionner<br />

au Rwanda. Il est arrivé que des<br />

douaniers congolais jettent même nos<br />

beignets et nos pains dans la rivière<br />

Ruzizi ou nous détiennent pendant un<br />

temps pour nous décourager d’aller<br />

au Rwanda. De plus, certains clients<br />

refusent d’acheter les produits du<br />

Rwanda. Mais nous, nous n’avons pas<br />

le choix. La vie est difficile en RDC».<br />

Ces vendeuses condamnent la politique<br />

commerciale de certaines entreprises<br />

alimentaires de Bukavu. «Nous<br />

ne gagnons pas beaucoup, mais, ça<br />

nous permet quand même de survivre.<br />

L’avantage, c’est que nous ne payons<br />

aucun droit de douane. L’entrepreneur<br />

rwandais ne recherche pas trop<br />

de profits. Il vise surtout à accroître sa<br />

clientèle. C’est pourquoi il vend à un<br />

prix intéressant. Mais, l’entrepreneur<br />

alimentaire congolais, lui, cherche à<br />

gagner excessivement. Il ne tient pas<br />

compte du pouvoir d’achat des habitants.<br />

Par contre, au Rwanda on tient<br />

compte des classes défavorisées. Il y a,<br />

par exemple, du pain à 50 Francs, ce<br />

qu’on ne peut plus trouver dans notre<br />

pays ».<br />

La main d’œuvre ne manque pas<br />

pour la fabrication de certains produits<br />

alimentaires à Bukavu. De nombreux<br />

congolais travaillent dans les entreprises<br />

alimentaires (boulangerie, pâtisserie,<br />

fabricants de beignets, etc.) rwandaises.<br />

Une réorganisation des unités<br />

de production alimentaire offrirait<br />

un surplus de travail et attirerait les<br />

Congolais partis travailler au Rwanda.<br />

«Si nous avions aussi des dépôts bien<br />

organisés à Bukavu, nous pourrions<br />

nous approvisionner ici même » opine<br />

un vendeur des beignets au marché de<br />

Nyawera. Manu Songa, marchand de<br />

viande de porc, également à Nyawera,<br />

regrette qu’il n’existe pas de ferme<br />

d’élevage de porcs crédible au Sud-<br />

Kivu. Il dénonce la cherté des produits<br />

congolais : «Même les porcs qui sont<br />

vendus au port de Mashinji proviennent<br />

du Rwanda. Et si un tel élevage<br />

pouvait exister chez nous c’est sûr que<br />

cette marchandise serait chère…».<br />

<strong>Le</strong>s produits importés du Rwanda<br />

ne sont soumis à aucun contrôle pour<br />

tester leur état. Ils sont consommés dès<br />

que les vendeurs font traverser leurs<br />

marchandises.<br />

<strong>Le</strong>s facteurs de la régression de<br />

la production<br />

A l’indépendance et peu de temps<br />

après, le Congo était pourtant le plus<br />

grand fournisseur des produits agricoles<br />

en Afrique Centrale. La phrase<br />

introductive du rapport annuel 1976<br />

de la Division de l’Agriculture/ Région<br />

du Kivu souligne que « la situation<br />

agricole de la République du Zaϊre<br />

Economie s<br />

<strong>Le</strong>s produits vivriers rwandais<br />

font la soudure<br />

<strong>Le</strong>s transactions économiques<br />

s’intensifient entre la population<br />

de Bukavu et celle de Cyangugu<br />

et de Kamembe (au Rwanda). <strong>Le</strong>s<br />

Bukaviens vont massivement<br />

s’approvisionner en produits de<br />

première nécessité au Rwanda.<br />

Cette dépendance s’explique par la<br />

baisse de la production alimentaire<br />

au Sud-Kivu. Plusieurs facteurs<br />

sont à la base de cette régression.<br />

<strong>Le</strong>s congolais revenant du Rwanda où ils vont nombreux s’y approvisionner<br />

En savoir plus<br />

Produits<br />

Produit au<br />

Sud-Kivu<br />

17<br />

pour l’année 1976 s’et caractérisée<br />

par une régression pour les cultures<br />

industrielles sauf le quinquina et une<br />

augmentation assez forte pour l’ensemble<br />

des cultures vivrières». 36 ans<br />

après, la République Démocratique du<br />

Congo, et particulièrement la province<br />

du Sud-Kivu, a nettement régressé. <strong>Le</strong>s<br />

territoires, censés être les greniers de<br />

la province, ne produisent plus. Plusieurs<br />

facteurs causent ce phénomène.<br />

<strong>Le</strong>s terres appartiennent désormais,<br />

aux ministres, aux députés et aux hommes<br />

d’affaires. Ceux-ci n’exploitent pas<br />

ces espaces et les paysans eux-mêmes<br />

ne peuvent plus y cultiver. Cela cause<br />

la surexploitation des petites parcel-<br />

Bukavu Uvira<br />

Venant<br />

d’ailleurs<br />

Produit au<br />

Sud-Kivu<br />

( Suite à la page 18 )<br />

1. beignets, pains, sombe (feuilles de manioc), bishogolo<br />

(feuilles de haricots), tomates, aubergines, choux, petit<br />

poids, piment, œufs, poules, patates douces, amarantes,<br />

lait, poireaux, arachides, viandes, carottes, oranges, citrons,<br />

avocats, bananes, maϊs, goyaves, ognons, pommes<br />

de terre ainsi que la farine de maϊs et de manioc frontière,<br />

fretins : ce commerce concerne la majorité des produits<br />

consommés par les ménages bukaviens.<br />

Niveau de dépendance alimentaire à Bukavu et à Uvira, en % 2<br />

Venant<br />

d’ailleurs<br />

Farine de maïs 15 85 16 ,1 83 ,9<br />

Farine de manioc 51,6 48,4 64,1 35,9<br />

Riz 18,2 81,8 25 65<br />

Haricot 14 86 45 55<br />

Viande de bœuf 36,6 64,4 87,3 12,7<br />

Viande de chèvre 41 59 92 8<br />

Viande de poule 15,2 84,8 18,8 81,2<br />

Sambaza(fretins frais) 69,9 33,1 77,4 22,6<br />

Pomme de terre 13,2 86,8 45 55<br />

Tomate 32,1 67,9 91,8 8,9<br />

Oignon 69 31 76 24<br />

2. ABIAS Radjabu, « <strong>Le</strong> Sud Kivu incapable de nourrir sa population », Bulletin de liaison Crongd N°55,<br />

juin-décembre 2011.


18<br />

Ecologie s<br />

( Suite de la page 17 )<br />

les que ces derniers détiennent encore.<br />

L’usage des semences dégénérées (sensibles<br />

aux maladies et qui ne produisent<br />

plus beaucoup) -et l’outillage agricole<br />

vétuste ne permettent pas une production<br />

suffisante. Il n’y a pas de politique<br />

contre l’érosion des sols et l’Inspection<br />

provinciale de l’Agriculture, la Pêche et<br />

l’Élevage ne dispose pas de traitements<br />

pour combattre les maladies des cultures.<br />

<strong>Le</strong>s moniteurs agricoles ne sont pas<br />

bien encadrés pour réaliser leur travail.<br />

La libéralisation de l’exploitation minière<br />

a emporté la jeunesse, alors que c’est<br />

cette catégorie sociale qui dispose d’une<br />

force de production agricole conséquente.<br />

Bukavu<br />

Nuisible stockage de la terre<br />

Des mottes de terre sur une rue à Nyawera<br />

Par-ci par-là, des entassements<br />

de terre sont visibles<br />

au bord des artères<br />

de la ville. <strong>Le</strong>s cas les<br />

plus frappants sont ceux de l’avenue<br />

route d’Uvira, de l’avenue Saïo et de<br />

la route menant à l’Institut supérieur<br />

pédagogique(ISP)-Major Vangu. Cette<br />

pratique n’est pas seulement le fait des<br />

particuliers. même des services publics<br />

comme l’Office des voiries et drainage<br />

(OVD) et l’Office des routes abandonnent<br />

les stocks de terre le long des routes<br />

qu’ils réhabilitent.<br />

<strong>Le</strong>s tas de boue à côté de l’Ecole Belge<br />

à Nguba, une ceinture de terre entassée<br />

sur la route Place du 24-Major Vangu<br />

ainsi que des masses de terre au bord<br />

de la route ISP-Major Vangu sont des<br />

exemples parmi tant d’autres.<br />

Par ailleurs, certaines personnes qui<br />

ont des moyens financiers pour évacuer<br />

la terre après terrassement de leurs<br />

parcelles, ne le font pas proprement. Ils<br />

paient des chauffeurs de camions qui,<br />

à leur tour, vont déverser clandestinement<br />

cette terre à des endroits non ap-<br />

De plus, le réseau routier est défectueux.<br />

<strong>Le</strong>s routes de desserte agricole<br />

sont quasi-inexistantes. <strong>Le</strong>s usines de<br />

transformation ont été abandonnées<br />

ou détruites. L’insécurité reste un autre<br />

facteur déterminant. La présence de<br />

groupes armés, opérant ça et là, rend les<br />

projets d’élevage intenable.<br />

Daniel Rutegeza, ingénieur agronome,<br />

Chef de cellule de production végétale à<br />

l’Inspection provinciale, reconnaît cette<br />

régression. Il ne cache pas ses regrets:<br />

«<strong>Le</strong> manque d’accompagnement des<br />

agriculteurs et des éleveurs fait qu’ils<br />

ne respectent pas les conseils des moniteurs<br />

agricoles. Mais au Rwanda, l’Etat<br />

fait respecter les moniteurs puisque<br />

l’agriculture constitue le socle de la vie<br />

Certains Bukaviens qui terrassent leurs parcelles stockent la<br />

terre le long des artères de la ville. D’autres la déversent au<br />

bord du lac. Même certains services publics laissent des tas de<br />

terre après les travaux de réhabilitation des routes. <strong>Le</strong>s routes<br />

se dégradent, les caniveaux sont bouchés et la pollution du<br />

lac s’accroît. <strong>Le</strong>s décisions des autorités sur pour contrer cette<br />

pratique ne sont pas mises en pratique.<br />

propriés. Certains espaces verts -comme<br />

à l’Athénée d’Ibanda- et le littoral<br />

du lac Kivu entre Kalengera et Kilomètres<br />

13 constituent la cible privilégiée.<br />

De plus, ceux qui ont des concessions<br />

avoisinant le lac ne respectent pas les<br />

10 m de rive imposés par la loi. Ces<br />

derniers construisent jusque dans le<br />

lac. Et, ils poussent même les eaux du<br />

lac en y déversant la terre, le sable et<br />

le ciment. <strong>Le</strong>s Bukaviens appellent ces<br />

constructions des maisons aquatiques.<br />

Balolage Safari, Chef de bureau de<br />

l’Urbanisme ville, soutient que les<br />

constructions anarchiques, les petits<br />

morcèlements des parcelles et le manque<br />

de lotissement expliquent cette<br />

difficulté d’évacuer des terres. Pour sa<br />

part, Sébastien Ngiriho, un habitant<br />

de l’avenue Pesage a invoqué le coût<br />

élevé de l’évacuation. « Il faut louer le<br />

camion, payer le chargement et le déchargement,<br />

payer le propriétaire du<br />

terrain où on va déverser cette terre.<br />

Ça demande des moyens. C’est pourquoi<br />

nous restons indifférents face aux<br />

décisions des dirigeants» explique-t-il.<br />

d’une nation. Une autre chose : la petite<br />

portion de la population qui s’adonne<br />

à l’agriculture et à l’élevage ne produit<br />

que pour sa propre consommation. La<br />

production est absolument insignifiante<br />

au Sud-Kivu. Dans ces conditions, comment<br />

les habitants de Bukavu et de ses<br />

périphéries ne seraient pas tentés d’aller<br />

se ravitailler au Rwanda ? » A notre<br />

ère, l’économie mondiale est fondée sur<br />

les échanges commerciaux. Dans le cas<br />

du Rwanda et de la RDC, toutefois, cet<br />

échange se fait à sens unique : les Rwandais<br />

tirent des bénéfices importants de<br />

la dépendance des Sud-Kivutiens à leurs<br />

produits, tandis que ces derniers ne<br />

voient pas l’économie de leur province<br />

croître. Il est nécessaire que la situation<br />

Environnement mis en mal<br />

Cette manière de gérer la terre comporte<br />

des conséquences fâcheuses, dont<br />

la réduction de la largeur de la chaussée.<br />

Cette situation est à la base d’accidents<br />

de circulation. <strong>Le</strong> bouchage des<br />

caniveaux est évident. Aussi, pendant<br />

la saison sèche, cette terre se transforme<br />

en poussière. Ce qui dérange les<br />

passants ainsi que les familles environnantes.<br />

Déjà les premières pluies qui<br />

arrosent la ville rendent le tronçon Place<br />

du 24-Major Vangu impraticable.<br />

Quant au déversement de la terre sur<br />

le littoral du lac, on déplore actuellement<br />

la destruction et la disparition<br />

des frayères ou maternités des poissons.<br />

De fois, cette terre contient des<br />

déchets toxiques et non dégradables.<br />

Ces déchets vont s’entasser au barrage<br />

électrique de Ruzizi I empêchant les<br />

moteurs de tourner normalement.<br />

Autorités, réagissez !<br />

«Ceux qui sont auteurs du stockage<br />

de la terre au bord des routes et sur le<br />

littoral du lac sont des inciviques. Ils<br />

méritent la sanction car leur action a<br />

des conséquences néfastes, surtout sur<br />

l’environnement», a martelé Donat Assumani,<br />

Conseiller chargé de communication<br />

et tourisme au ministère de<br />

transport et voies de communication,<br />

de l’environnement et du tourisme.<br />

Cette pratique perdure. Pourtant, elle<br />

est illicite. L’ancien Maire de la ville,<br />

Prosper Mushobekwa, avait signé un<br />

arrêté interdisant le déversement de<br />

la terre au bord du lac. C’était en avril<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

évolue : les huit territoires qui composent<br />

la province du Sud-Kivu doivent<br />

réellement jouer leur rôle de grenier.<br />

L’organisation de la production et du<br />

marché est l’une des voies sûres pour y<br />

parvenir. L’Etat congolais doit élaborer<br />

des stratégies pour faire face à la régression<br />

de la production. De plus, les services<br />

affectés aux douanes -principalement<br />

l’Office Congolais de Contrôle et<br />

le service d’hygiène- doivent davantage<br />

examiner les produits importés. Sinon,<br />

ils exposent la population à la consommation<br />

d’aliments nocifs à la santé.<br />

Eulalie Zawadi<br />

Sylvain-Dominique Akilimali<br />

2008. Une amende de 300 Francs fiscaux<br />

devrait être imposée au contrevenant.<br />

En avril 2012, l’actuel Maire de la<br />

ville, Philémon Yogolelo, a entériné ladite<br />

décision. Il a ainsi ordonné le commandant-ville<br />

d’affecter deux autres<br />

policiers aux côtés de deux agents de<br />

l’environnement et conservation de la<br />

nature-ville. Jusque-là, la mesure reste<br />

lettre morte.<br />

<strong>Le</strong> Coordinateur urbain de l’environnement,<br />

Augustin Chahihabwa, regrette<br />

cet état des choses. Il s’en plaint:<br />

«l’affectation de ces policiers faciliterait<br />

la tâche à nos agents. Ils seraient<br />

peut-être plus efficaces sur terrain».<br />

Balolage Safari, lui, pense que la police<br />

de l’assainissement et de l’environnement<br />

ne fait pas bien son travail. Il<br />

s’étonne de voir que «la police se penche<br />

plus sur le contrôle des autorisations<br />

de bâtir, sur la destruction des<br />

maisons construite sur des sites impropres…<br />

Elle néglige des défis essentiels<br />

tels que les questions environnementales».<br />

<strong>Le</strong> Commandant de la police de<br />

l’assainissement et de l’environnement<br />

n’a pas voulu se prononcer à ce sujet.<br />

Autres manières de gérer la<br />

terre<br />

Il y a tout de même ceux qui pensent<br />

autrement pour gérer intelligemment<br />

la terre. Mweze, un habitant de l’avenue<br />

Cercle Hippique a initié une expérience<br />

ingénieuse. Après avoir terrassé<br />

sa parcelle, il a engagé des briquetiers<br />

en vue de fabriquer des briques à partir<br />

de la terre issue du terrassement. Isaac<br />

Patient Bachinywenga l’un des briquetiers<br />

admet que « c’est une expérience<br />

réussie. Nous avons déjà fabriqué plus<br />

de 35000 briques. Ça suffit déjà pour<br />

la construction d’une maison. <strong>Le</strong>s gens<br />

admirent cet exploit. Je suis sûr et certain<br />

qu’ils vont copier ».<br />

Aussi, les habitants de certains milieux<br />

ont-ils besoin de la terre pour<br />

aménager leurs parcelles. C’est le cas<br />

des habitants de la cellule Camp-Luziba<br />

dans le quartier Nyalukemba en<br />

commune d’Ibanda qui construisent<br />

dans les marais et à proximité.<br />

<strong>Le</strong>s autorités politico-administratives<br />

doivent faire exécuter les mesures<br />

prises. Mais, il est évident que ces décisions<br />

ne produiraient pas d’effets si les<br />

autorités ne font pas de suivi.<br />

Sylvain-Dominique Akilimali


<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

Football à Bukavu<br />

La deuxième division<br />

prend corps<br />

L’idée de mettre sur pieds un championnat de deuxième division<br />

à l’Entente de Football de Bukavu a été envisagée depuis bien<br />

longtemps. Mais c’est seulement au début de la saison sportive<br />

2011-2012 qu’elle a pu être matérialisée, la compétition s’étant<br />

déroulée de manière globalement satisfaisante. Des leçons ont<br />

été retenues à l’issue de ce premier exercice.<br />

Bana Ecofoot Sud-Kivu, révélation de l’année saison sportive 2011-2012 invitée à l’inauguration du stade Ivyizigiro de Rumonge par le Président Pierre Nkurunziza du Burundi<br />

Après plusieurs tentatives<br />

infructueuses, la saison<br />

sportive 2011-2012 aura<br />

bien été la bonne. Un<br />

championnat a été organisé à l’échelon<br />

inférieur au niveau de l’Entente de<br />

Football de Bukavu. <strong>Le</strong> titre a été remporté<br />

par le FC Kivu. Mais dès le départ,<br />

la classification de l’épreuve a suscité de<br />

vives polémiques. Jean Marie Sanginga,<br />

Vice-président du FC Kivu, passe en début<br />

de saison sur une radio locale et prêche<br />

sa vision : «C’est anormal d’appeler<br />

cette épreuve, championnat de deuxième<br />

division. Du fait que la compétition<br />

que dispute l’OC Muungano s’appelle<br />

déjà championnat d’élite de première<br />

division de la RDC, logiquement, le<br />

championnat traditionnel de football<br />

de Bukavu et d’où nous venons devrait<br />

être qualifié de deuxième division et le<br />

notre de troixième division».<br />

<strong>Le</strong>s violons finissent par s’accorder<br />

et la tempête est maîtrisée. Dix équipes<br />

sont alignées au départ pour ce premier<br />

essai. <strong>Le</strong>s quatre derniers classés du<br />

championnat de l’Entente saison 2010-<br />

2011 et présentées comme les plus expérimentées<br />

font figure de favori. Il s’agit<br />

des FC Kivu, Mukaramba, Dynamic et<br />

de l’AS Ruzizi. Six autres formations<br />

venues essentiellement des avenues<br />

longeant les rares terrains qui restent à<br />

Bukavu s’ajoutent au quatuor. Il s’agit<br />

de Bana Ecofoot, Onze Pros, Espoir,<br />

Muhungu, Eka et Olympic. Monsieur<br />

Shammy Ngombwa, promoteur sportif<br />

assez connu dans les milieux foot de la<br />

ville aura à son niveau été pour beaucoup<br />

dans la réussite de ce projet. Des<br />

années durant il a eu à organiser des<br />

compétitions de quartiers sur le terrain<br />

de l’Ecole d’application de l’ISP Bukavu<br />

lors desquelles plusieurs joueurs de l’actuelle<br />

D2 ont eu à faire leurs premiers<br />

pas.<br />

Compétitivité recherchée<br />

La deuxième division est mise sur<br />

pied à en croire l’un des dirigeants de<br />

l’Entente pour «rendre le championnat<br />

local de première division plus compétitif<br />

car il lui a été reproché de présen-<br />

<strong>Le</strong> Président de l’Ecofoot Sud-Kivu (en veste)<br />

ter des équipes dont la différence de niveau<br />

était assez importante. L’occasion<br />

est également opportune pour susciter<br />

une certaine émulation tant en première<br />

qu’en deuxième division : la crainte<br />

d’être relégué pour les équipes de la division<br />

1 et le souci d’être promu pour les<br />

clubs de la division 2, D2».<br />

<strong>Le</strong>s connaisseurs de football pensent<br />

« C’est difficile d’avoir des<br />

gradins noirs de monde à<br />

Bukavu quand Muungano ou<br />

Bukavu Dawa ne joue pas »<br />

Laurent Chika, Sportif de Bukavu<br />

également que ce championnat pourrait<br />

constituer une sorte de réservoir de talents<br />

pour les clubs de D1 car ils y trouveraient<br />

des bons joueurs à bas prix.<br />

L’entité urbaine que préside Mag Magambo<br />

conforme ainsi la structuration<br />

de sa compétition à ce qui se fait dans<br />

des milieux plus avancés.<br />

<strong>Le</strong>s journées impaires sont retenues<br />

pour jouer les matchs de cette épreuve<br />

disputée en manche unique. Mais les<br />

touts premiers matchs se joueront face à<br />

des gradins vides et il en sera ainsi tout<br />

au long de la compétition. <strong>Le</strong>s rencontres<br />

ne font pas le plein du Stade de la<br />

Concorde qui les abrite. Cela constitue<br />

un problème réel pour les athlètes habitués<br />

à se consoler des maigres recettes de<br />

vente des billets en l’absence de contrat<br />

signé avec leurs clubs. Il s’ajoute le manque<br />

de tout sponsoring censé aider et<br />

les clubs et l’Entente à faire face à leurs<br />

charges respectives. Laurent Chika qui<br />

suit le football bukavien depuis son enfance<br />

tente de trouver une justification:<br />

Sports<br />

19<br />

«Si cela est déjà manifeste au niveau<br />

de la D1 amputée de l’OC Muungano<br />

qui ne joue qu’au niveau national, il ne<br />

faut rien attendre de la D2 qui vient à<br />

peine de commencer et auquel le public<br />

n’est pas encore suffisamment habitué.<br />

C’est difficile d’avoir des gradins noirs<br />

de monde à Bukavu quand Muungano<br />

ou Bukavu Dawa ne joue pas».<br />

Petit poisson deviendra grand<br />

Toutefois, les matchs ont rencontré<br />

la satisfaction des rares spectateurs qui<br />

se sont donné la peine d’aller les suivre.<br />

Plus vieux club de la ville de Bukavu et<br />

venant d’une période de crise malgré des<br />

cérémonies historiques organisées dans<br />

le cadre de son 65ème anniversaire, le<br />

FC Kivu termine champion. <strong>Le</strong>s verts et<br />

blancs ont même été les meilleurs défenseurs<br />

du tournoi, n’encaissant que<br />

6 buts en 10 matchs. En deuxième position<br />

se classent les surprenants Bana<br />

Ecofoot présidé par Jeannot Sumaili,<br />

député provincial du Sud Kivu et ancien<br />

joueur de l’OC Muungano. <strong>Le</strong>s hommes<br />

du coach Masumbuko Maes sont même<br />

l’attaque la plus mitraillette de la saison<br />

avec 22 buts à leur compteur. <strong>Le</strong>s<br />

garçons se tapent le luxe de remporter<br />

dans la foulée le prestigieux tournoi international<br />

amical des jeunes de la région<br />

des Grands Lacs dit Rollingstone<br />

organisé au Burundi. Ils sont de ce fait<br />

invités à plusieurs autres reprises par le<br />

Président Pierre Nkurunzinza en personne<br />

à disputer plusieurs autres rencontres<br />

amicales. <strong>Le</strong> FC Mukaramba et<br />

l’AS Ruzizi se classent respectivement<br />

troisième et quatrième. <strong>Le</strong> FC Dynamic<br />

constitue la plus grande déception.<br />

Quoi qu’arrivés de la D1, les verts et<br />

noirs terminent bons derniers avec 4<br />

petits points. C’est une véritable chute<br />

aux enfers pour ce club réputé comme<br />

étant une pépinière de talents et d’où<br />

sont venus des noms légendaires tel que<br />

Claude Kabuya, Janvier Muderhwa ou<br />

encore Amisi Mwanaumé.<br />

<strong>Le</strong> public se régale avec des formations<br />

telles que Onze Pros, Espoir, Muhungu,<br />

Eka et même le FC Olympic. Nonante<br />

matchs ont été livrés et 129 buts<br />

inscrits, soit une moyenne de 1,43 buts<br />

par match. Aucune précision n’a encore<br />

été donnée cependant sur le nombre<br />

d’équipes devant être promues en D1<br />

et encore moins sur celles appelées à<br />

descendre en D2 l’année prochaine. Et<br />

déjà, plusieurs athlètes ayant œuvré en<br />

D2 font l’objet des sollicitations venant<br />

des clubs de D1.<strong>Le</strong> nom qui revient avec<br />

insistance étant celui du jeune Maombi<br />

Wabenga Héritier,le très prometteur<br />

stoppeur de Bana Ecofoot. Rendez-vous<br />

la saison prochaine.<br />

Justin Kyanga


20 Portrait<br />

Mwalimu Pascal,<br />

enseignant jusqu’au bout<br />

Meilleurs vœux<br />

A l’ occasion de la nouvelle<br />

année qui commence, le<br />

personnel et les journalistes<br />

du journal <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> vous<br />

souhaitent une bonne et heureuse<br />

année 2013.<br />

Que la nouvelle année nous<br />

apporte à tous et à chacun la<br />

paix et la concorde.<br />

Solange Lusiku Nsimire<br />

Editrice-Responsable<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong><br />

Autorisation de parution<br />

041/SGC/0001/93<br />

Tel : (+243) 818568480<br />

souverainjournal@yahoo.fr<br />

Editrice responsable<br />

Solange Lusiku Nsimire<br />

Rédacteur en chef<br />

Baudry Aluma<br />

Barbe de trois jours,<br />

regard pétillant ,<br />

Pascal vient de quitter<br />

l’enseignement<br />

en mars 2012. À 82 ans ! « J’ai<br />

commencé ma carrière en février<br />

1952, à Kabare, en 4ème.»<br />

Pascal est né au début des années<br />

trente à Kinjuba dans la<br />

groupement de Bushwira en territoire<br />

de Kabare. Sans pouvoir<br />

être plus précis. « Quand j’ai demandé<br />

mon âge à l’enseignant<br />

blanc de l’époque, il m’a dit que<br />

j’étais né en même temps que la<br />

première invasion de sauterelles<br />

et qu’elle avait duré quatre<br />

ans, mais je n’en sais pas plus.<br />

C’était juste comme ça qu’on faisait<br />

pour retenir, plus ou moins,<br />

l’année de notre naissance.»<br />

Rapidement, Pascal fait ses<br />

premières armes comme gardien<br />

du troupeau de ses parents<br />

et compte bien continuer dans<br />

cette voie. Mais le mwami de<br />

l’époque en a décidé autrement.<br />

Il est venu chercher de force<br />

Journalistes<br />

Sylvain-Dominique Akilimali<br />

Justin Kyanga<br />

Eulalie Zawadi<br />

Quentin Noirfalisse<br />

Florent Marot<br />

Administration<br />

François-Xavier Kasilembo<br />

les jeunes enfants qui pouvaient<br />

encore être scolarisés. De ses<br />

quatre frères et deux sœurs, Pascal<br />

sera le seul qui étudiera sans<br />

que son papa n’en soit content.<br />

Il est d’ailleurs resté seul, ses<br />

sœurs et frères sont tous morts.<br />

Un peu plus tard, il entamera la<br />

pédagogie à Mugeri (« la seule<br />

alternative possible à la prêtrise,<br />

à l’époque »). Il en sort D4<br />

(diplôme de quatre ans post primaire)<br />

le 15 décembre 1951.<br />

Après 12 ans passé à Kabare,<br />

Pascal Muderhwa part pour<br />

Bagira, à cause d’une maladie<br />

« qu’il ne pouvait pas cacher»<br />

et qui l’obligea à déménager.<br />

«Quand je suis arrivé ici, je n’ai<br />

pris aucun médicament et j’ai<br />

guéri ! » Il récupère la même<br />

classe, la quatrième, à l’école<br />

primaire Bulenga (anciennement<br />

appelé Christ Roi ou centrale<br />

des garçons). Sa carrière a<br />

continué, comme celle de milliers<br />

d’enseignants congolais,<br />

dans l’ombre, au gré des coupes<br />

Caricaturiste<br />

Séraphin Kajibwami<br />

Photographies<br />

Djafari Amza<br />

Quentin Noirfalisse<br />

Mise en page<br />

David Keeka et Quentin<br />

Impression<br />

Imprilac Bujumbura<br />

budgétaires et des salaires nonpayés.<br />

Depuis six ans, Pascal<br />

était enseignant de relève. Celui<br />

qui donnait cours à sa place a été<br />

subitement nommé directeuradjoint.<br />

Symptôme absolu du<br />

manque de relève jeune dans le<br />

secteur de l’enseignement, c’est<br />

Pascal qu’on est venu chercher<br />

à la rescousse. « On m’a donné<br />

tous les documents nécessaires<br />

et on m’a dit: Tu rentres dans ta<br />

classe. J’ai répondu : est-ce que<br />

tu crois que je peux encore donner<br />

cours? Est-ce que tu crois<br />

que je saurai tenir debout toute<br />

une journée devant 64 élèves ?<br />

Ma tension commençait à monter,<br />

il fallait bien que j’expose<br />

mes problèmes de santé. »<br />

Et Pascal se rappelle. Il avait<br />

un vélo, du temps des Belges. <strong>Le</strong><br />

métier était reconnu. Pascal rit.<br />

« Mais je ne l’ai utilisé que pendant<br />

une année. On me blâmait<br />

parce que roulais trop vite. Il<br />

ne me fallait que trente minutes<br />

pour faire Kabare-Bukavu.<br />

Tu vas mourir en vélo, qu’on me<br />

criait. Je l’ai vendu à un collègue.»<br />

Mais aujourd’hui, les profs<br />

auraient bien des difficultés à se<br />

payer un vélo.<br />

«Auparavant, le salaire qu’on<br />

recevait suffisait à nourrir notre<br />

famille pendant tout un mois,<br />

sans difficultés. J’ai commencé<br />

avec 700 francs congolais qui<br />

valait le même niveau que le<br />

franc belge. J’ai été augmenté<br />

l’année d’après de 150 francs<br />

après une bonne évaluation. Je<br />

me suis marié, on m’a donné 60<br />

francs en plus pour indemnité de<br />

la femme. Ça faisait 910 francs,<br />

c’était beaucoup. Mais les cho-<br />

« Auparavant, le salaire<br />

qu’on recevait suffisait<br />

à nourrir notre famille<br />

pendant tout un mois,<br />

sans difficultés. J’ai<br />

commencé avec 700<br />

francs congolais qui<br />

valait le même niveau<br />

que le franc belge. »<br />

ses ont commencé à se détériorer<br />

en 1975 » A l’époque, le Zaïre<br />

connaît depuis deux ans une<br />

crise économique de grande ampleur,<br />

qui ne manquera d’avoir<br />

un impact sur le système éducatif.<br />

<strong>Le</strong>s mesures prises dans le<br />

cadre de la zaïrianisation prônée<br />

par Mobutu ne permettront pas<br />

de redresser la situation.<br />

Pascal lève son regard. Est-ce<br />

que ses anciens élèves viennent<br />

le voir ? « Pas un seul, même pas<br />

mes élèves prêtres ». Mais il a<br />

Ce journal est réalisé avec le soutien de:<br />

<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />

travaillé pour « celui-là », le crucifix<br />

qui pend sur un des murs<br />

du salon. Il croit mordicus que<br />

Jésus fera ses miracles. Un aveu<br />

d’échec ? « Non, pas du tout.<br />

J’aime mon métier mais la vie<br />

a changé. Je ne veux pas décourager<br />

mes collègues mais, moi,<br />

on m’a dit qu’on allait encore<br />

me payer 6 mois. Mais après, je<br />

vais devoir attendre la pension.<br />

Va-t-elle seulement venir ? Je ne<br />

sais pas. »<br />

Affectueusement appelé «Mwalimu<br />

Pascal» ou Maître Pascal,<br />

ses élèves l’appelaient également<br />

«monsieur 5 heures», vieux<br />

Mujos, tous m’aimaient. Parce<br />

qu’il ne brandissait pas le fouet<br />

comme punition, mais plutôt des<br />

heures de retenues. «Je leur donnais<br />

de nombreuses questions.<br />

Ils y répondaient mais dès que<br />

17h arrivait, je les laissais partir»,<br />

s’amuse-t-il. Aujourd’hui, il<br />

part à la pêche, chercher de quoi<br />

se nourrir. Une vieille habitude :<br />

enfant, il fut tout à tour gardien<br />

de vaches et berger, à 8 ans,<br />

avant de commencer l’école primaire<br />

deux ans plus tard. C’est<br />

à cet âge qu’il apprit à taquiner<br />

le poisson dans la rivière Murhundu.<br />

Arrivé à Bagira, il a découvert<br />

les berges du Lac Kivu.<br />

« Je nage bien, au point de faire<br />

des kilomètres. Pour le moment<br />

je suis devenu lourd et j’ai peur<br />

d’attraper des crampes. Je pêche<br />

de petit poisson pendant la<br />

saison de pluie. « Malheureusement<br />

ma femme ne mange pas<br />

les poissons frais.» Il est aussi<br />

catéchumène. « J’ai commencé<br />

à Kabare. J’aime beaucoup cette<br />

occupation qui me rapproche<br />

de mon Dieu. Aujourd’hui<br />

on m’a dit de me reposer mais<br />

cela ne m’empêche pas d’aller<br />

à la messe tous les matins ».<br />

Comme pour mieux retrouver<br />

ses souvenirs d’avant, et occuper<br />

un temps où sa valeur d’enseignant<br />

n’est plus reconnue à<br />

sa juste valeur, dans une société<br />

où, pourtant, près de 6 millions<br />

d’enfants Congolais ne sont pas<br />

scolarisés et où la part de l’éducation<br />

et de la formation dans le<br />

budget tutoie à peine les 6%.<br />

Pourtant, si un de ses treize<br />

enfants désirait réorienter sa<br />

vie et devenir professeur, Pascal<br />

ne le découragerait pas. « Je ne<br />

peux pas l’en empêcher. Mais il<br />

ne faut pas qu’il le fasse aussi<br />

longtemps que moi. Sinon, comment<br />

vivra-t-il sa retraite ? Que<br />

lui laissera-t-on quand il aura<br />

effacé pour la dernière fois son<br />

tableau ?»<br />

Quentin Noirfalisse<br />

Baudry Aluma

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!