Le Souverain - Aksanti
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La liberté de la presse : un droit et non un cadeau du politicien<br />
Journal de promotion de la démocratie avec la femme Novembre-Décembre 2012 - 19 20 pages - 1000 FC<br />
ème année - n°70<br />
Editorial<br />
Ecran de fumée<br />
L<br />
’écran de fumée est d’abord une tactique du<br />
domaine militaire, utilisée afin de masquer la<br />
position exacte d’unités de combat à l’ennemi,<br />
par l’émission d’une fumée dense qui peut être<br />
naturelle, mais est le plus souvent produite artificiellement<br />
à partir de grenades fumigènes. L’écran de fumée est aussi<br />
dans la vie courante, un subterfuge, qui consiste à masquer<br />
ses intentions réelles en effectuant ou promettant de faire<br />
autre chose.<br />
«You can fool some people sometimes. But you can’t fool all<br />
the people all the time», chante Bob Marley, dans sa célèbre<br />
chanson Get-up Stand-up, qui nous appelle à défendre nos<br />
droits. Vous pouvez tromper certaines personnes un certain<br />
temps, mais vous ne pouvez tromper tout le peuple tout le<br />
temps. Qui croit tromper tout un peuple avec des slogans?<br />
Qui peut prétendre libérer un peuple épris de paix, en prenant<br />
les armes contre lui? Qui prétend défendre les droits de<br />
quelques uns en piétinant les droits de toute une nation? Qui<br />
prétend ne parler que de ses droits, en oubliant qu’il a aussi<br />
des devoirs à accomplir?<br />
En dépit des insuffisances de notre jeune démocratie, nous<br />
pensons que toute légitimité en RD Congo ne peut provenir<br />
que de la loi commune (notre Constitution) et du mandat<br />
donné par le peuple congolais. De quoi le M23 est-il le nom?<br />
De quel mandat est-il investi et par qui? Dissipons l’écran de<br />
fumée! <strong>Le</strong>s citoyens congolais ne doivent pas se tromper de<br />
cible! A Kampala, le M23 tente de se légitimer en brassant<br />
tous les thèmes potentiellement populaires auprès du public<br />
congolais : de la dénonciation du déroulement des dernières<br />
élections à la condamnation des commanditaires de l’assassinat<br />
de Chebeya. De la levée des mesures de sûreté devant<br />
la résidence de Etienne Tshisekedi à la tenue d’assises<br />
nationales sur tous les maux du Congo!<br />
Quelles leçons avons-nous à recevoir de ce mouvement en<br />
matière de respect des droits de l’homme ? Loin de nous<br />
l’intention de nier les manquements et les atteintes fréquentes<br />
aux droits humains dans notre pays, y compris par nos<br />
propres forces armées. Loin de nous l’intention de nier le bilan<br />
social et économique insatisfaisant en RD Congo. Mais,<br />
qu’apporte à l’avancement du Congo, ce mouvement armé<br />
de l’extérieur contre les intérêts de toute une nation? Davantage<br />
de ruine, et le désespoir quant au relèvement rapide<br />
du Congo...<br />
<strong>Le</strong> temps est venu de mettre un terme aux primes à la violence<br />
et à l’impunité. A Kampala, le Congo ne peut négocier<br />
ni sa dignité, ni sa jeune démocratie. La seule instance qui<br />
doit dialoguer avec les Bosco Ntaganda, Sultani Makenga,<br />
Jean-Marie Runiga et compagnie: c’est la CPI!<br />
Mais, il faudra aussi que des responsables de notre armée<br />
expliquent aux citoyens pourquoi et comment les FARDC,<br />
victorieuses le 16 novembre 2012, ont dû reculer jusqu’à<br />
abandonner Goma…<br />
Il faudrait surtout que la redevabilité devienne le maître-mot<br />
de l’exercice politique en RD Congo, afin que tous les Congolais<br />
agissent réellement comme les garants d’un Congo de<br />
dignité, de grandeur et de prospérité.<br />
Solange Lusiku<br />
Dans ce numéro<br />
Sports P.19 Portrait Ecologie P.15<br />
Football, la 2ème<br />
division prend<br />
corps à Bukavu<br />
P.2<br />
Politique<br />
P.20<br />
Mwalimu Pascal,<br />
enseignant<br />
jusqu’au bout<br />
Résister à la tempête<br />
Politique P.4<br />
Gouvernance<br />
au Sud-Kivu :<br />
Mauvais temps<br />
Economie P.6<br />
Budget 2011 :<br />
Se servir ?<br />
Dangers des<br />
constructions<br />
anarchiques<br />
P.14
2 Politique s<br />
Rd Congo<br />
Résister à la tempête<br />
L’appel à la mobilisation tous azimuts sans condition est lancé<br />
par le chef de l’Etat Joseph Kabila. C’est devant une assemblée<br />
des congressistes acquise à sa cause, applaudissant à tout<br />
bout de champ. Kabila sort de sa réserve.<br />
M23 passera, comme toute autre tempête d’ailleurs.<br />
Pour la toute première fois<br />
depuis que une partie de la<br />
Rdc vit sous la botte de l’occupant<br />
Rwandais camouflé<br />
en Mouvement du M23, Joseph Kabila<br />
cite nommément le pays agresseur, le<br />
Rwanda. Soudain, c’est des bruits frénétiques<br />
dans la salle des Congrès du<br />
palais du peuple de Kinshasa. <strong>Le</strong>s Kabilistes<br />
veulent re-entendre le nom de<br />
l’agresseur.<br />
<strong>Le</strong> Président poursuit son speech<br />
sans désemparer. Kabiliste ou pas, le<br />
message est bien compris : le peuple<br />
congolais attendait impatiemment que<br />
le magistrat suprême défie verbalement<br />
son agresseur. Mais ce samedi 15<br />
décembre 2012, le congrès ressemble à<br />
tout sauf à quelque chose qui se passe<br />
un parlement.<br />
D’accord avec notre hymne national<br />
Debout Congolais<br />
Un ami publie sur sa page facebook : « si les gens qui meurent méritent<br />
une minute de silence, l’humanité devrait se taire à vie pour l’Est<br />
de la Rd Congo». Un calcul simple me fait aboutir à trois cent quarante<br />
sept ans de deuil, si l’on doit observer une minute de silence pour les<br />
Congolais qui sont morts depuis maintenant plus de seize ans.<br />
Révoltants incessants mouvements des populations congolaises dans le Kivu<br />
Quoi de plus révoltant<br />
que de se rappeler que<br />
le drame du Congo<br />
commence en 1994 avec<br />
l’entrée des réfugiés rwandais sur<br />
le sol congolais ? Bientôt 20 ans<br />
de tueries, d’assassinats, d’agression,<br />
de pillages, de viol, de vol...<br />
et par-dessus tout, de l’hypocrisie<br />
de la communauté internationale.<br />
Crédit : Licence Libre (Google)<br />
Pleurer ?<br />
Crédit : Licence Libre (Google)<br />
Sourde et volontairement, la<br />
communauté internationale a<br />
permis au fils du voisin d’entrer<br />
dans notre maison avec armes et<br />
munitions en 1994.<br />
Aveugle? La communauté internationale<br />
refuse de voir nos<br />
larmes après que le voisin ait<br />
tué nos pères et violé nos mères<br />
prétextant être venu attaquer<br />
son fils sanguinaire FDLR dans<br />
notre propre maison, sa maison<br />
d’accueil.<br />
Sourde, ce monstre dit «communauté<br />
internationale» le fait<br />
exprès face à nos cris qui restent<br />
sans échos. Sinon, elle aurait<br />
déjà sifflé la fin de ce match<br />
macabre. Plus le match est long<br />
plus les visées économiques<br />
Artistes musiciens, comédiens, militants<br />
des partis membres de la Majorité<br />
présidentielle sont rangés comme un<br />
seul homme. Ils agitent drapeaux et<br />
chapeaux tout en scandant des slogans<br />
à la gloire du raïs.<br />
C’est peut-être celle-là la mobilisation<br />
à laquelle Kabila fait allusion. Alors sans<br />
condition. Si pour la Mp le discours sur<br />
l’état de la nation est entièrement bien<br />
accueilli, par contre pour l’opposition,<br />
l’appel du chef à la cohésion nationale<br />
ne doit pas être obligatoire. Car, penset-elle,<br />
il y a des préalables.<br />
Quels sont ces préalables ?<br />
Une table ronde politique avec toutes<br />
les forces vives de la nation pour diagnostiquer<br />
les vraies causes de cette<br />
guerre injuste. Respect de l’Etat de<br />
droit, de la bonne gouvernance ; libération<br />
des leaders politiques et d’opinion;<br />
levée des mesures de surêté devant la<br />
résidence de Etienne Tshisekedi . C’est<br />
tout un chapelet des revendications<br />
préalables à l’unité nationale en vue de<br />
sauver la patrie.<br />
Mais le temps joue actuellement<br />
contre Paul Kagame du Rwanda et ses<br />
poulains du M23, pourfendeurs de l’intégrité<br />
et intangibilité territoriale de<br />
la Rdc. Ces défenseurs de la thèse de<br />
la balkanisation sinon d’une annexion<br />
des riches provinces du Nord-Kivu et<br />
Crédit : Licence Libre<br />
croissent, plus les multinationales<br />
arrivent, plus, les nouveaux<br />
minerais sont découverts, plus<br />
les revendications du rebelle<br />
changent, plus on nous endort.<br />
Atone, la communauté internationale<br />
se décide de le demeurer<br />
face à nos pleurs et permet<br />
au voisin derrière qui se cachent<br />
les « grands sans état d’âme» de<br />
fouiller, de bêcher et de ne laisser<br />
nulle place (de notre concession)<br />
où la main ne passe et repasse.<br />
Aphone, nos grands frères et<br />
sœurs se décident de le demeurer<br />
pour préserver leur pouvoir.<br />
Insensible, l’humanité ne fait<br />
qu’observer une minute de silence<br />
face à plus de six millions<br />
de morts dans notre maison depuis<br />
plus d’une décennie.<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Pourquoi ces innocents d’enfants doivent errer dans le Kivu<br />
Sud-Kivu font des insomnies. Peu à<br />
peu, l’on assiste au réveil de conscience<br />
des Congolais. Ces derniers restent attachés<br />
à l’unité de leur pays.<br />
<strong>Le</strong>s comptes à rebours ont commencé<br />
pour Kagame. Ses soutiens extérieurs<br />
dont l’Américaine Suzan Rice dans son<br />
plan machiavélique, concocté avec les<br />
Clinton, s’éloigne de plus en plus de sa<br />
vision. Déboutée par le Congrès américain,<br />
son influence sur la Région des<br />
Grands lacs s’amenuise.<br />
De l’exil, les opposants au régime Kagame<br />
délient leurs langues. <strong>Le</strong>s Britanniques<br />
délient les leurs. Joseph Kabila<br />
délie la sienne. <strong>Le</strong>s Congolais, toutes<br />
tendances confondues, ne sont pas du<br />
reste. <strong>Le</strong> sentiment nationaliste et patriotique<br />
est si fort.<br />
L’étau se resserre désormais autour<br />
du géniteur du M23. Celui-ci cherche<br />
vainement à exploiter les faiblesses du<br />
régime de Kabila pour s’attirer la sympathie<br />
des Congolais et par ricochet de<br />
l’opposition, afin de légitimer son mouvement.<br />
On ne vient pas habiter dans la maison<br />
du voisin où, après y avoir été chaleureusement<br />
accueilli, on la dévaste en<br />
violant toute hospitalité offerte, pour<br />
enfin se placer en défenseur des droits<br />
de l’homme.<br />
Jeef Ngoy<br />
Famous politic reporter journalist<br />
C’est le prix à payer de notre<br />
hospitalité légendaire. N’oubliez<br />
pas que pour 800 000 chez le<br />
voisin, le mot génocide a été prononcé<br />
et brandi en fond de commerce<br />
et de compassion sur toute<br />
la planète.<br />
Inerte, nos ainés et nous observons<br />
impuissants avec «beaucoup<br />
de passivité» lorsque le fils du<br />
voisin que nous avons accueilli<br />
dans notre maison s’en déclare<br />
propriétaire. Il prend des armes<br />
sous prétexte de revendiquer nos<br />
droits, sans notre mandat. Dans<br />
notre lignée, y’a-t-il quelqu’un qui<br />
peut jouer le David pour faire face<br />
à Goliath ?<br />
Prenons-nous en charge et jetons-nous<br />
à l’eau, sinon, nous en<br />
aurons pour longtemps.<br />
Solange Lusiku
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Solange Lusiku à <strong>Le</strong> Croco :<br />
« <strong>Le</strong> Congo ne restera pas<br />
toujours un Etat faible »<br />
<strong>Le</strong> Croco est la newsletter de l’ONG Solidarité Socialiste belge.<br />
Tous les mois, il propose une sélection mordante de l’actualité!<br />
Il a eu à interviewer Solange Lusiku, Editrice-Responsable du<br />
Journal <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> à Bukavu. <strong>Le</strong> 2 février 2012, l’Université<br />
Catholique de Louvain lui décernait le titre de Docteur honoris<br />
causa, en reconnaissance de son combat pour la promotion de<br />
la démocratie couplée avec les droits de la femme en Rd Congo .<br />
Dans la presse écrite, solange Lusiku est une femme qui a su se<br />
tailler un chemin dans le roc.<br />
<strong>Le</strong> Croco a demandé à Solange Lusiku<br />
d’exprimer son point de vue<br />
sur le conflit armé qui déchire<br />
actuellement l’Est de la République<br />
Démocratique du Congo. <strong>Le</strong> moins<br />
qu’on puisse dire c’est que la journaliste<br />
a du mal à contenir sa colère.<br />
<strong>Le</strong> Croco : Comment peut-on caractériser<br />
la situation actuelle à<br />
l’Est de la RDC?<br />
Solange Lusiku : C’est la confusion totale.<br />
La Monusco (Mission des Nations<br />
Unies au Congo) est elle même perdue<br />
devant une anarchie totale, un mouvement<br />
nommé «Raia Mutomboki» originaire<br />
du sud de Shabunda (l’un et le plus<br />
vaste des 8 territoires du Sud Kivu) prend<br />
de l’ampleur dans toute la province. A la<br />
base respectable, un mouvement d’auto<br />
défense civile et locale contre les FDLR<br />
(Forces Démocratiques pour la Libération<br />
du Rwanda) car les FARDC (Forces<br />
Armées de la République du Congo)<br />
étaient absentes de certains coins du pays<br />
victimes des pires exactions. Ce groupe<br />
armé est en train de s’étendre surtout ces<br />
derniers mois. <strong>Le</strong> mouvement n’est plus<br />
seulement à Shabunda mais il est imité<br />
à Bunyakiri dans le territoire de Kalehe,<br />
à Kaniola dans le territoire de Walungu<br />
et partout dans Shabunda. Un groupe<br />
qui mène à une pluralité des chefs, et à<br />
beaucoup d’autres groupes. Ces derniers<br />
sont nés de l’incapacité des FARDC à assurer<br />
la sécurité de la population contre<br />
les FDLR.<br />
«Armez un civil, il devient vite cupide<br />
et avide de pouvoir». Un rançonnement<br />
de la population s’en suit. Il est perpétré<br />
par les Raia, les FDLR et même les<br />
FARDC. La chasse aux mines est à la<br />
base de leur approvisionnement en armes<br />
et munitions. Ceci explique les affrontements<br />
entre différents groupes<br />
dans les villages et dans les carrés miniers.<br />
Conséquences: déplacements des<br />
populations, tribunaux, sourde oreille<br />
de l’armée régulière et aussi le fait que<br />
les Raia Mutomboki se dissimulent de<br />
plus en plus dans la forêt. Au départ ils<br />
respectaient la population mais certains<br />
groupes commencent à abuser, à créer<br />
des bastions en édictant leurs propres<br />
lois au nom de la cupidité du pouvoir.<br />
<strong>Le</strong>s médias occidentaux se focalisent sur<br />
le M23 et ne comprennent pas la dimension<br />
plus complexe du conflit. Ce qui se<br />
passe au Sud Kivu est ignoré par tous<br />
ces médias, et est en lien direct avec le<br />
conflit au Nord Kivu. Mais les médias ne<br />
veulent parler que du M23, car il est au<br />
centre de l’actualité. Alors que dans le<br />
Kivu, tout se décide dans l’ombre et dans<br />
le secret depuis toujours. <strong>Le</strong> M23 est-il<br />
une énorme diversion ?<br />
A l’Est du Congo, la population est donc<br />
appelée à faire face à une multitude de<br />
groupes armés en plus de l’armée régulière<br />
(FARDC) et des casques bleus de la<br />
Monusco. Ces groupes armés n’hésitent<br />
pas à utiliser la population comme bouclier<br />
humain. <strong>Le</strong>s civils et même des enfants<br />
sont parfois abattus à tort sous prétexte<br />
qu’ils appartiennent à des groupes<br />
armés. En juin 2012, à Shabunda, un enfant<br />
de 12 ans a été abattu de sang froid<br />
par un commandant FARDC. <strong>Le</strong> crime<br />
a été reconnu tout comme l’innocence<br />
de l’enfant mais l’impunité a encore une<br />
fois eu le dernier mot.<br />
Au Nord Kivu, fief du mouvement M23,<br />
c’est le désarroi devant l’incapacité de la<br />
CIRGL (Conférence Internationale pour<br />
la Région des Grands Lacs) à trouver<br />
une issue au problème qui mine la vie<br />
des populations. <strong>Le</strong>s M23 ne sont pas<br />
inquiétés depuis plusieurs semaines (les<br />
négociations ont commencé) mais ils<br />
envoient des délégations au Sud Kivu<br />
pour embraser aussi cette partie qui leur<br />
résiste encore. Ils sont infiltrés partout<br />
mais ils ne se dévoilent pas au Sud Kivu<br />
parce que les M23 ont une mauvaise publicité<br />
depuis leur origine en tant que<br />
groupe rebelle du RCD-CNDP-M23 de<br />
triste mémoire.<br />
<strong>Le</strong> Croco : Comment les autorités publiques,<br />
gouvernement et pouvoirs<br />
locaux, réagissent-ils à la situation ?<br />
Solange Lusiku : C’est l’aveuglement<br />
et l’incapacité totale pourvu qu’on ne<br />
touche pas à leur porte- feuille et à leur<br />
siège. Qui sont les personnalités et les<br />
vrais décideurs de l’ombre ? <strong>Le</strong>s personnalités<br />
publiques sont des enfants gâtés<br />
par les vrais décideurs de l’ombre. Tant<br />
que leurs comptes en banque sont remplis,<br />
ils ne s’inquiéteront pas. Plus de<br />
5.millions de morts en 18 ans, qu’ont-ils<br />
fait ?<br />
Au Congo, il y a cinq cents députés nationaux<br />
qui réclament 13.500$/mois<br />
d’émolument alors qu’un enseignant<br />
tous échelons confondus et tous diplômes<br />
confondus touche 56.000 Francs<br />
Congolais équivalent à 56 $ et un militaire<br />
36.000 FC soit 36 $. Ce dernier se<br />
rend au front avec les femmes et les enfants.<br />
<strong>Le</strong> président de l’UE touche peutêtre<br />
14.000 euros, mais lui il travaille et<br />
ils ne sont pas 500 à toucher ce salaire.<br />
Nos députés travaillent deux heures<br />
par jour, et ils sont 500. <strong>Le</strong> salaire de<br />
Kabila serait estimé à 300 000 dollars.<br />
C’est piller son propre pays et marcher<br />
sur les droits des autres, pour plus de<br />
10 ans de pouvoir sans aucune politique<br />
menée tant au niveau éducation, social,<br />
économique. <strong>Le</strong>s seules politiques qu’il a<br />
menées se situent au niveau sécuritaire.<br />
Voyez la situation actuelle : les députés<br />
congolais ainsi que les membres du gouvernement,<br />
ont-ils le temps de penser<br />
aux pauvres citoyens ?<br />
<strong>Le</strong> Croco : Quelles perspectives<br />
dans ce contexte de la tenue d’élections<br />
locales? Pourraient-elles<br />
contribuer à la résolution d’un<br />
certain nombre de problèmes liés<br />
au conflit ?<br />
Solange Lusiku : Y aura-t-il des élections<br />
? Ça fait longtemps que la Constitution<br />
n’est plus respectée. Ça n’étonnera<br />
personne si on se réveille un jour<br />
en apprenant l’annulation de ces élections.<br />
Personne n’osera le dénoncer.<br />
Même pas les médias congolais à grande<br />
audience. Au contraire, ils se mettront<br />
« Actuellement, on a<br />
affaire à des animateurs<br />
à double visage au sein<br />
de la société civile. Lors<br />
des manifestations, ils<br />
sont société civile tandis<br />
qu’ils sont par ailleurs<br />
membres effectifs des partis<br />
politiques.»<br />
Solange Lusiku, Présidente UNPC/Sud-<br />
Kivu, Dr. Honoris Causa UCL/Belgique<br />
à présenter cette tricherie comme une<br />
grande actualité digne d’un publi-reportage.<br />
Voilà notre honte. Et les médias<br />
occidentaux? Eux ne focaliseront leur<br />
attention que sur le tableau sombre du<br />
contexte congolais. Ils n’hésiteront pas<br />
à emprunter les yeux d’aveugles pour<br />
ne pas remarquer d’autres initiatives<br />
positives qui apportent une valeur ajoutée<br />
en termes de combats contre le mal<br />
qui sévit dans ce pays. A terme, il faut<br />
résoudre la question de la gouvernance<br />
de manière globale et de la souveraineté<br />
de l’Etat sur les ressources. Tout citoyen<br />
congolais doit comprendre qu’Il n’existe<br />
qu’une seule voie de participation aux<br />
institutions : la voie pacifique par le mérite<br />
et par l’élection.<br />
<strong>Le</strong> Croco : Qu’attendent les populations<br />
et/ou les organisations de la<br />
société civile de l’opinion publique internationale,<br />
de la Belgique en particulier<br />
(qui sera représentée par deux<br />
ministres, Didier Reynders (Ministre<br />
des Affaires Etrangères) et Rudy Demotte<br />
(Ministre Président de la Communauté<br />
Française) au prochain<br />
sommet de la Francophonie en octobre<br />
à Kinshasa ?<br />
Solange Lusiku : C’est depuis l’époque<br />
de la dictature de Mobutu que les congolais<br />
attendent de la Belgique des actes et<br />
Politique s<br />
Crédit : Licence Libre<br />
3<br />
non des paroles. La population attend<br />
qu’ils arrêtent de soutenir le Rwanda financièrement.<br />
Si les occidentaux veulent<br />
avoir les minerais du Congo, ils n’ont<br />
qu’à aider la population à recouvrer sa<br />
paix et tout se négociera sans bagarre ni<br />
tuerie. Ils vont pactiser.<br />
On n’oublie pas que l’intégration du<br />
CNDP, mué en M23 aujourd’hui, a été<br />
dictée par les occidentaux. On mesure<br />
aujourd’hui les conséquences dramatiques<br />
de ce brassage. D’autres programmes<br />
comme Amani <strong>Le</strong>o ont permis au<br />
CNDP de dominer les deux provinces du<br />
Kivu. <strong>Le</strong>s populations civiles ont-elles<br />
la possibilité de se mobiliser ? Elles le<br />
pourraient si la société civile congolaise,<br />
celle de l’Est du Congo en particulier en<br />
était encore une. On n’a plus de leaders<br />
charismatiques qui porteraient le flambeau<br />
de la société civile comme ce fût le<br />
cas à l’époque du RCD.<br />
Actuellement, on a affaire à des animateurs<br />
à double visage au sein de la société<br />
civile. Lors des manifestations, ils<br />
sont « société civile» tandis qu’ils sont<br />
par ailleurs «membre effectif» des partis<br />
politiques. Pour un petit montant, Ils<br />
n’hésitent pas à trahir. Dommage. Pour<br />
le moment, ce sont les églises, surtout<br />
l’église catholique, à partir de la base<br />
jusqu’au sommet, qui mobilisent encore.<br />
<strong>Le</strong>s prises de position des évêques du<br />
Congo sont éloquentes à ce sujet.<br />
<strong>Le</strong>s partenaires du Congo doivent l’aider<br />
à réformer le secteur de la sécurité en<br />
l’aidant à sortir définitivement de cette<br />
logique de complaisance à l’égard des<br />
groupes armés. La rébellion du M23<br />
s’est inscrite dans la durée grâce à l’impunité<br />
qui règne à travers le pays.<br />
L’urgence s’impose. Etant donné que<br />
dans l’immédiat, la CIRGL n’a pas la<br />
capacité militaire ou financière, et, surtout,<br />
la « neutralité » nécessaires pour<br />
établir et déployer une prétendue force<br />
neutre, les amis et alliés du Congo dans<br />
cette démarche qui vise le rétablissement<br />
de la paix dans sa partie orientale<br />
doivent affiner leur stratégies et capacités<br />
d’influence en vue d’amener l’Union<br />
Africaine ainsi que les Nations Unies à<br />
prendre des sanctions contre les Etats<br />
qui soutiennent le M23 et redonner les<br />
moyens d’action aux FARDC, sous la<br />
forme d’une action conjointe et concertée<br />
avec la Monusco pour un mandat<br />
renforcé.<br />
<strong>Le</strong>s dirigeants de la sous région, quant à<br />
eux, doivent prendre une décision claire<br />
en mettant fin aux politiques de prédation<br />
et de pillage, par le soutien aux<br />
groupes irréguliers dans les pays voisins.<br />
L’instabilité que la politique d’ingérence<br />
de Kagame entraine au Congo risque de<br />
se retourner à terme contre le Rwanda!<br />
La détresse des populations du Kivu alimente<br />
l’inimitié croissante à l’endroit<br />
des ressortissants du Rwanda. <strong>Le</strong> Congo<br />
ne restera pas toujours un Etat faible. Il<br />
dispose d’une population et de ressources<br />
qui lui permettent de renverser à<br />
son avantage les rapports de forces... La<br />
démocratisation du Rwanda est aussi<br />
une condition à la paix. <strong>Le</strong> Croco
4 Politique s<br />
Gouvernance au Sud-Kivu<br />
Mauvais temps…<br />
En octobre, pour accéder aux plénières des<br />
députés provinciaux du Sud-Kivu, il fallait un<br />
parcours de combattant. Sinueuse et tortueuse<br />
était la route menant vers le lieu provisoire des<br />
plénières à l’Athénée d’Ibanda avant que les<br />
députés ne donnent un ultimatum à l’exécutif<br />
sur la réhabilitation de cette voie. Pendant<br />
tout ce mois, il pleuvait presque tous les jours<br />
à Bukavu. Moment choisi par les députés pour<br />
mouiller certains ministres provinciaux et pourquoi<br />
pas le gouverneur du Sud-Kivu dans une<br />
province en proie à l’insécurité et à la mauvaise<br />
gouvernance. Reportage<br />
Depuis l’ouverture de la session à<br />
l’Assemblée provinciale du Sud-<br />
Kivu, le 1er octobre, les ministres<br />
sont dans l’œil du cyclone<br />
des députés. Sur le podium, certains députés<br />
excellent dans des paraboles tendant à faire<br />
croire à un divorce avec l’exécutif actuel.<br />
«Un homme est appelé à sauver sa barque<br />
secouée par une forte tempête et prête à se<br />
noyer avec à bord deux précieux passagers :<br />
sa femme et sa sœur. L’une de ces deux personnes<br />
doit être sacrifiée. Qui le sera?», demande<br />
le député Etienne Mushekuru Kayange<br />
qui n’attend pas de réplique du Président<br />
de l’Assemblée provinciale. Il s’empresse à<br />
donner la réponse. «On est appelé à sauver<br />
sa sœur et laisser couler la femme. Pourquoi<br />
? Parce que la sœur est unique, elle ne peut<br />
naître deux fois. Mais une femme on peut en<br />
marier autant qu’on veut ».<br />
Cet élu du peuple était du haut de la tribune<br />
en face des députés, pour une fois très soudés<br />
et acquis à une même cause, attendant le 26<br />
octobre la réponse du ministre des Finances,<br />
Boaz Amangu, à la question orale avec débat<br />
du député Venant Rugusha. Pour être plus<br />
clair, il explique sa métaphore. La sœur citée<br />
c’est le Gouverneur Cishambo, l’homme c’est<br />
l’Assemblée, la femme ce sont les ministres.<br />
Dans ce cas précis, il faut faire le bon choix :<br />
soit laisser couler le Gouverneur soit certains<br />
de ses ministres qui ont failli. S’en suivent<br />
des applaudissements frénétiques de ses collègues.<br />
Tout semble alors scellé.<br />
Un gouvernement d’invertébrés ?<br />
<strong>Le</strong>s députés provinciaux n’y sont pas allés<br />
des main morte pour mettre certains faits à<br />
jour. Ils ont fustigé haut et fort la gestion des<br />
ministères. Tout est parti de la question orale<br />
avec débat adressée par le député Venant Rugusha<br />
aux ministres des Finances et économie<br />
et des Transports, des communications<br />
et Tourisme.<br />
Si celui du transport a réussi à sauver sa<br />
peau- il est classé parmi les rares performants<br />
ministres-, et son discours a convaincu la majorité<br />
des députés, son chef de division, Luc<br />
Mbiribindi, n’a pas pu sauver sa peau.<br />
Quant à l’argentier de la province, il était<br />
visiblement sonné par les propos des députés<br />
lors de sa dernière sortie au Parlement.<br />
Boaz Amangu a été recalé et cela lui a été honteusement<br />
signifié par les députés. La forme<br />
et le fond de son speech sur le recrutement à<br />
la DPMER ont été critiqués négativement.<br />
<strong>Le</strong> député Mubalama n’a pas caché sa déception<br />
en lisant le texte du Ministre. « Dans<br />
un texte de 14 pages, il a été constaté une<br />
multitude de fautes élémentaires d’orthographe,<br />
de grammaire, de syntaxe qui n’honorent<br />
pas ce ministère. C’est indigeste». A<br />
croire qu’il n’y a plus des services techniques<br />
dans nos ministères se sont écriés avec amertume<br />
plus d’un député à l’exemple de Buhambahamba:<br />
« C’est un manque de respect<br />
manifeste à notre Assemblée et à nos électeurs<br />
quand une phrase française d’un Ministre<br />
est truffée de fautes. Qui ignore qu’en<br />
mathématique et en français une double négation<br />
vaut une affirmation. Lisez ce texte et<br />
constatez la bourde avec moi».<br />
Il faut des réponses<br />
Sur le fond, de nombreux griefs ont été retenus.<br />
A la division du transport par exemple:<br />
le 18 juin 2012, le Commandant de la<br />
10ème région militaire, le Général Pacifique<br />
Masunzu a envoyé au ministre une lettre de<br />
dénonciation. En effet, l’agent Chiruhula<br />
Mujegeza, chef de poste de contrôle routier<br />
de Mushweshwe a été attrapé en flagrant délit<br />
par le général en personne, avec un carnet<br />
des quittances parallèles. Combien d’agents<br />
en utiliseraient et combien des carnets sont<br />
déjà utilisés ? demeurent des questions suspendues<br />
sur les lèvres des députés.<br />
Alors que les faits lui étant reprochés sont<br />
graves, cet agent est appelé par son chef de<br />
division à reprendre service quelques mois<br />
après son passage à la prison centrale de Bukavu<br />
comme pour se moquer du général qui<br />
s’est fait le devoir patriotique de dénoncer un<br />
mal profond. Ce qui étonne, c’est que dans<br />
sa correspondance, le chef de division, soupçonné<br />
d’être de mèche avec son agent, écrit<br />
ceci à cet employé: « il n’est un secret pour<br />
personne que le montant de recettes réalisées<br />
par ceux qui assumaient votre intérim<br />
est d’environ dix fois supérieur au montant<br />
que vous déclariez à la comptabilité ». Qui<br />
peut comprendre ceci, se sont interrogés les<br />
députés. « Nous sommes sidérés », a déclaré<br />
Venant Rugusha. Et de marteler : « Au lieu<br />
Temps de chien au gouvernement provincial<br />
de confirmer ces agents qui ont mérité lors<br />
de leur intérim, on replace un incivique attrapé<br />
la main dans le sac et qui au finish a<br />
fait preuve d’incompétence notoire».<br />
Dans des accusations faites du haut de l’hémicycle,<br />
il est reproché publiquement à Luc<br />
Mbiribindi, le chef de division en question,<br />
d’exceller par le tribalisme, la malversation,<br />
la déstabilisation des agents, l’insubordination.<br />
<strong>Le</strong> député Mustapha est plus précis: «En<br />
11 mois de pouvoir, il a suspendu 36 agents,<br />
les recettes de la division sont en chute libre.»<br />
Son ministre provincial de tutelle, assurément,<br />
n’a pas assez de pouvoir sur lui,<br />
parce que c’est toujours de Kinshasa d’où<br />
sont recommandés de tels agents et où l’on<br />
joue le parapluie, l’appui, pour des raisons<br />
bien évidentes de pourcentage. <strong>Le</strong>s députés<br />
ont fustigé haut et fort cette tendance et ju-<br />
« Un homme est appelé à<br />
sauver sa barque secouée<br />
par une forte tempête et<br />
prête à se noyer avec à bord<br />
deux précieux passagers : sa<br />
femme et sa sœur. L’une de<br />
ces deux personnes doit être<br />
sacrifiée. Qui le sera ? »<br />
Député Etienne Mushekuru<br />
rent vouloir y mettre un terme. Heureusement<br />
que ce Chef de division a été suspendu<br />
sur demande de son Ministre de tutelle.<br />
Ainsi comme pour aider son collègue Anicet<br />
Teganyi qui a introduit le sujet, la questeur<br />
Béatrice Kinja enfonce le clou : «Dans le<br />
transport aérien pourquoi 100 dollars sont<br />
soumis à chaque agence par vol ? Une taxe<br />
qu’on appelle « effort de guerre » passe de<br />
20 à 100 dollars. L’agence Congocom par<br />
exemple fait 35 à 40 rotations par semaine.<br />
Cela donne 16.000 dollars par mois pour une<br />
seule agence. Cette somme ne se retrouve pas<br />
dans les statistiques de la division de trans-<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
port ni dans la caisse du trésor public».<br />
A côté de ces taxes, un autre député a démontré<br />
que le petit badge qu’on trouve dans<br />
chaque taxi à Bukavu portant le numéro et le<br />
prix d’une course de taxi est payé à 10 dollars.<br />
C’est la mairie qui encaisse cet argent. A<br />
quoi sert-il quand dans la ville il n’ y a pas de<br />
parking, s’est-il demandé. D’autres comme le<br />
député Lulihoshi parle d’une taxe que l’Etat<br />
ne connait pas et qui va droit dans les poches<br />
de certains messieurs. « Au parking de Kadutu<br />
des associations perçoivent quotidiennement<br />
100 dollars par véhicules comme<br />
droit d’alignement. Chaque jour ce sont une<br />
vingtaine des gros camions qui sont alignés<br />
là bas. »<br />
<strong>Le</strong> député Mustapha s’est étonné que la<br />
machine pour produire des attestations tenant<br />
lieu de permis de conduire soit dans une<br />
de chambres du Ministre. Il a voulu connaître<br />
le nom de l’imprimeur de ces attestations<br />
et du nombre déjà fabriqué par l’imprimeur.<br />
Cette attestation coûte 30 dollars, dont 20<br />
sont versés à la BIAC et 10 à la division de<br />
transport. Alors que la province est parfois<br />
butée au manque d’imprimés de valeur, cette<br />
machine ne servirait-elle pas à leur impression<br />
?<br />
La réponse du Ministre de transport sur la<br />
machine produisant ces attestations n’a pas<br />
plu à certains députés. <strong>Le</strong> Ministre n’a pas<br />
voulu dire où serait gardée cette machine et<br />
où l’impression se ferait. Pour ces députés,<br />
encore une fois, il y a eu violation de l’édit<br />
N°002/du 3 juin 2011 relative à l’organisation<br />
de la passation des marchés publics en<br />
province du Sud-Kivu.<br />
L’instabilité de la division du transport<br />
a été décriée ainsi que la mauvaise gouvernance<br />
et le recrutement intéressé qui la caractérise.<br />
A titre d’exemple en 14 ans, cette<br />
division a vu défiler 28 chefs de division,<br />
donc un chef de division pour 6 mois. Que<br />
cache ces changements intempestifs ?<br />
<strong>Le</strong> nombre des faussaires n’est plus à<br />
compter à cette division au Sud Kivu. En<br />
témoignent certains rapports du Ministre<br />
provincial de transport qui fustigent cet état<br />
de chose adressés à sa tutelle à Kinshasa. Décidément,<br />
le Ministre national de la fonction<br />
publique , Jean-Claude Kibala a du pain sur<br />
la planche.
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
<strong>Le</strong>s députés provinciaux suivent avec attention les explications du Ministre provincial des Finances<br />
Sur 38 dossiers des prétendants chefs de<br />
bureau envoyés à Kinshasa par le Ministre<br />
provincial- qui se plaint-, 31 dossiers sont irréguliers,<br />
c’est-à-dire contiennent beaucoup<br />
de faussetés dont des numéros matricules<br />
falsifiés, ne leur appartenant pas et libellés<br />
aux noms d’autres personnes des autres provinces.<br />
Beaucoup reste à faire<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> venait de signer à la une de<br />
son précédent numéro : «Exit Cishambo<br />
et Baleke». Cette manchette a semblé forte<br />
pour un cercle qui a vu dans cet article une<br />
recherche de vedettariat et de gloriole, une<br />
sorte de journalisme sensationnel.<br />
Pour nombreux lecteurs, cet article révélait<br />
le malaise qui frappe la province et qu’il<br />
était temps de dénoncer certaines dérives.<br />
<strong>Le</strong>s signes du temps semblent donner raison<br />
au journal.<br />
Décidément le Sud-Kivu, l’une de petites<br />
provinces de la Rdc, la 9ème sur 11 provinces<br />
en terme de superficie, donne du torticolis<br />
à ceux qui sont censés la piloter. Elle<br />
est en proie à des problèmes qui dépassent<br />
la force et l’anticipation de ses dirigeants.<br />
La Plaine de la Ruzizi vit une situation<br />
volatile qui risque de s’enflammer à tout<br />
moment. Uvira connaît une insécurité inquiétante.<br />
<strong>Le</strong> port de Kalundu, deuxième<br />
port du pays après Matadi est presque en<br />
désuétude.<br />
Fizi est le théâtre de la même insécurité,<br />
les vols du bétail sont devenus courants et<br />
les coupeurs de routes y sèment la désolation.<br />
Selon un membre du parti politique<br />
Unc/Fizi, à Baraka en 6 mois, on a compté<br />
30 intrusions et braquages dans les maisons<br />
des particuliers. Kalehe vit dans l’insécurité<br />
avec la présence des milices Raia<br />
mutomboki et Nyatura et enregistre des<br />
déplacements importants des populations.<br />
Dans Idjwi, Kabare et Walungu les cultures<br />
les plus consommées dans la province<br />
-maniocs et bananes– sont attaquées par<br />
des maladies sous l’œil impuissant des<br />
gouvernants. Dans ces mêmes territoires,<br />
on est en proie à des croyances d’un autre<br />
millénaire : le phénomène «Kabanga»,<br />
étranglement à l’aide d’un fil qui enrichirait<br />
le bourreau. Des enfants sont oppressés,<br />
tués par asphyxie à longueur des journées,<br />
des albinos sont tués et le corps de<br />
certains d’entre eux sont déterrés.<br />
La ville de Bukavu est saisie par la<br />
frayeur : de nombreux braquages et tueries<br />
y sont enregistrées et rappellent les<br />
films far West ou des Cow boys défiaient<br />
les Chérifs. <strong>Le</strong> célèbre et illustre médecin<br />
Denis Mukwege a failli être assassiné dans<br />
un quartier hautement sécurisé, non loin<br />
de là le patron du service de gardiennage<br />
Delta Force a failli perdre sa peau, las braqueurs<br />
de la Coopec Nyawera à Muhungu<br />
courent toujours, l’insécurité a monté de<br />
plusieurs crans dans la ville de Bukavu.<br />
Des journalistes non inféodés qui osent<br />
chercher à investiguer sont intimidés. Certains<br />
ont été forcés à l’exil, sous le regard<br />
railleur de certains confrères. D’autres<br />
jouent courageusement leur rôle sur place<br />
dans une province où l’insécurité, la jalousie,<br />
la complicité, la haine et la courdise<br />
sont les maîtres mots.<br />
<strong>Le</strong> député Biemba Songa Yaya a même<br />
indiqué le 26 octobre devant ses pairs<br />
que: «143 policiers ont été formés dans<br />
le cadre de la police de proximité à Bukavu.<br />
Aujourd’hui on en compte moins de<br />
40. Tous ont fui parce qu’ils n’ont rien à<br />
manger et ne sont pas payés ». Une centaine<br />
d’autres braves policiers de la légion<br />
d’intervention rapide viennent d’arriver<br />
de Kinshasa pour la plaine de la Ruzizi. La<br />
population de la plaine espère qu’ils seront<br />
encouragés matériellement à bien faire leur<br />
travail. <strong>Le</strong> député Kalenga a même renseigné<br />
que les britanniques retireraient leur<br />
aide dans la construction des bureaux de la<br />
police de proximité au Sud-Kivu si d’ici décembre<br />
2012 les autorités n’ont pas trouvé<br />
d’endroit où construire.<br />
Dans le même ordre d’idées, quid de la<br />
gestion et de la répartition des maisons<br />
construites au camps Saïo de Bukavu avec<br />
l’apport de l’OIM, l’organisation internationale<br />
de migration ?<br />
<strong>Le</strong>s constructions anarchiques pullulent,<br />
les destructions « ciblées » de certains espaces<br />
ont été dénoncées par certains habitants<br />
de Bukavu, la loi du plus fort se porte bien,<br />
les embouteillages monstres vous bloquent,<br />
les parkings inexistants, dépotoirs publiques<br />
et cimetières difficiles à trouver, les<br />
délestages honteux en énergie électrique et<br />
en eau potable alors que le lac Kivu est à la<br />
portée de la population, le comble avec une<br />
facturation jugée fantaisiste et élevée par<br />
la Ligue des consommateurs des services<br />
au Congo Kinshasa (LICOSKI), l’éclairage<br />
public aujourd’hui un souvenir lointain et<br />
quand on peut l’apercevoir, c’est la journée<br />
et non aux heures de nuit, les kilomètres<br />
témoin d’Ibanda et de Bagira demandent<br />
maintenance, des équipes de football venant<br />
d’ailleurs se retrouvent dans un champ de<br />
patate à Kadutu en lieu et place d’un stade<br />
de la Concorde.<br />
Biemba Songa ne croyait pas bien le dire<br />
le 26 octobre. « Il apparait que nous<br />
dérangeons le Gouvernorat par nos<br />
demandes en soins de santé, nos ordres<br />
de mission, plus de deux ans nos<br />
commissions permanentes ne sont pas<br />
actives par manque d’argent, je ne me<br />
vois plus aller poireauter au Gouvernorat<br />
et de surcroît me faire ridiculiser<br />
par des agents de là, je nous demande<br />
d’en prendre bonne note ».<br />
Mwenga et Shabunda, des martyrs !<br />
Aller à Mwenga redevient un parcours<br />
de combattant. La route n’en est plus une<br />
et l’insécurité n’y a pas dit son dernier mot.<br />
Selon Byemba Songa , on ne compte pas<br />
moins de 15 barrières sur cette route, l’or de<br />
Luhwinja divise la population et certaines<br />
de ses autorités. Shabunda, le martyr, ne se<br />
remet pas de son enclavement.<br />
Certains coins de cette contrée n’ont jamais<br />
vu un militaire ou pire ne connaissent<br />
même pas le drapeau national. Il y a presque<br />
un an, lors d’une visite à Shabunda centre,<br />
l’autorité provinciale et sa noble suite,<br />
ont été copieusement tancées par une partie<br />
de la population en colère au point que les<br />
mamans enlevèrent leurs camisoles pour<br />
laisser leurs seins nus en signe de déception<br />
des dirigeants qui les ont oubliées- une scène<br />
qui porterait malheur- et pour dire merci<br />
pour s’être moqués des seins qui les ont<br />
nourris. Des images de ce scandaleux événement<br />
existent et circulent dans la ville.<br />
Une autre grande frange de la population<br />
de Shabunda et particulièrement celle<br />
d’Ikama Kasanza dans la chefferie de Wakabango<br />
I demande aux autorités provinciales<br />
de s’impliquer dans le problème de<br />
déplacement des limites observées entre le<br />
Maniema et le Sud Kivu au niveau de Namoya<br />
et Salamabila. Selon les acteurs de la<br />
Société civile de cette partie du territoire de<br />
Shabunda, la limite naturelle entre les deux<br />
entités est la rivière Kama qui a été largement<br />
franchie par le Gouverneur de Maniema<br />
dans l’indifférence des autorités provinciales<br />
du Sud Kivu malgré moult appels des<br />
ressortissants de Shabunda.<br />
<strong>Le</strong>s députés devraient examiner ce dossier<br />
si réellement Shabunda comptent à<br />
leurs yeux. Des treize points à examiner<br />
lors de la session de septembre, ce point a<br />
été le cadet de soucis des honorables . Ceux<br />
de Shabunda- ils ont la vice présidence de<br />
l’Assemblée provinciale- n’ont même daigné<br />
imposer un seul point sur la situation<br />
de leur territoire martyr.<br />
Il n’y a pas un seul territoire du Sud Kivu<br />
qui se sente aussi humilié, aussi délaissé que<br />
celui de Shabunda. Des joueurs de l’équipe<br />
représentative de cette contrée, la Jeunesse<br />
Electronique, volontaristes, peuvent arriver<br />
à Bukavu à pied, sur plus de 300 Km, cela<br />
Politique s<br />
5<br />
n’émeut personne. Malgré l’invitation de la<br />
ligue de football du Sud Kivu à l’appui et<br />
l’ordre de mission de l’administrateur de<br />
ce territoire, aussi grand que la Belgique<br />
ou le Rwanda, ces braves joueurs- qui ont<br />
été pillés dans la forêt en venant- sont pris<br />
comme cibles et arrêtés à Bukavu. <strong>Le</strong>ur<br />
crime : ils seraient apparentés aux … Raia<br />
mutomboki.<br />
Un médecin, pas n’importe lequel, un gynécologue<br />
de renom, Ernest Mundyo Munzenze,<br />
ressortissant de Shabunda mais<br />
vivant à Bukavu en mécène de cette équipe,<br />
a été arrêté comme un vulgaire monsieur<br />
avec quelques joueurs. Il y a pire que cela<br />
à Shabunda : viols, vols, tueries, sont devenus<br />
le lot quotidien dans ce coin. L’humiliation<br />
à son comble pour ce territoire. <strong>Le</strong> jour<br />
où’ il se réveillera, le Sud-Kivu se remettra<br />
debout parce qu’il constitue le poumon et le<br />
grenier de la province.<br />
L’ivresse du lait…<br />
Tous les huit territoires et leur chef lieu<br />
paraissent donc en tenue de deuil. Voir tout<br />
ceci et le décrier devient un crime de lèse<br />
majesté et tout celui qui met son doigt pour<br />
décrier cette situation chaotique risque de<br />
se le faire couper ou taxé d’être de mèche<br />
avec les forces négatives.<br />
Entretemps, des responsables de la province<br />
se la coulent douce. Certains membres<br />
du cabinet du Gouverneur entretiendraient<br />
même des relations honteuses comme le<br />
démontre les différents rapports des chefs<br />
de division à l’Assemblée provinciale ou de<br />
différentes missions qu’ils ont effectué.<br />
Des frasques qui n’ont rien de commune<br />
mesure avec la pauvreté dans laquelle sont<br />
délaissés les damnés du Sud Kivu. Tout celui<br />
qui arrive nouvellement à Bukavu est étonné<br />
de l’essor des bâtiments en étages, des<br />
restaurants et bars high class, de la grande<br />
présence de véhicules 4X4, pour éviter les<br />
secousses des trous des routes cahoteuses<br />
de la ville, la quasi totalité appartenant aux<br />
politiciens ou mieux à ceux qui sont de l’exécutif.<br />
Malgré tout ce chapelet de problèmes<br />
égrené au Sud-Kivu, personnes de ceux qui<br />
gouvernent n’a le courage de démissionner.<br />
Tous, comme pour narguer le peuple, disent<br />
travailler pour son intérêt, mais butés à un<br />
mauvais temps. L’histoire retiendra cette<br />
moquerie de mauvais goût.<br />
Baudry Aluma
6<br />
Economie s<br />
Sud-Kivu/ Budget 2011<br />
Se servir ?<br />
Gouvernement provincial défendant devant l’Assemblée provinciale l’exécution de son budget 2011<br />
<strong>Le</strong> Gouverneur de la province, Marcellin Cishambo a répondu<br />
au peuple du Sud-Kivu via son Assemblée provinciale sur les<br />
questions ayant trait au rapport d’exécution de son budget de<br />
l’année 2011 et le premier semestre 2012. Rapport d’exécution<br />
réaliste ou vaine tentative d’explication de 0% d’exécution dans<br />
plusieurs secteurs? Décryptage<br />
<strong>Le</strong> budget de la province du Sud-<br />
Kivu a été exécuté à 42,5% sur<br />
une prévision des recettes d’environ<br />
129 milliards de FC un<br />
peu plus de 140 millions de dollars.<br />
Contre toute attente, l’Assemblée provinciale<br />
a donné satisfecit à ce rapport<br />
et l’a adopté le jeudi 6 décembre 2012<br />
à l’Athénée d’Ibanda, son siège provisoire.<br />
L’insatisfaction est à son comble<br />
dans la population. Cishambo peut se<br />
frotter les mains. Il a joué gros.<br />
<strong>Le</strong> Gouvernement du Sud-Kivu a<br />
orienté l’essentiel des dépenses de l’Etat<br />
en 2011 et au cours du 1er semestre<br />
2012 dans l’entretien de son personnel<br />
et du charroi automobile négligeant le<br />
social de la population. Des choix inadaptés.<br />
Ceci ressort des réactions des<br />
élus du peuple lors de la plénière du<br />
lundi 3 décembre réagissant au rapport<br />
du Gouverneur présenté le vendredi 30<br />
novembre.<br />
Aujourd’hui des critiques acerbes fusent<br />
de certaines structures comme la<br />
société civile, des scientifiques et des<br />
acteurs politiques. Elles ne s’expliquent<br />
pas certaines dépenses du budget 2011.<br />
Elles regrettent que le Gouvernement<br />
ait considérablement préjudicié des<br />
secteurs qui devraient être privilégiés<br />
tels que l’agriculture, la santé ou l’éducation.<br />
L’argent saigne en province. En témoigne<br />
le tableau présenté par le Gouverneur<br />
lui-même à l’Assemblée. Comment<br />
comprendre que tous les jours<br />
les Bukaviens se gavent des jus et eau<br />
minérale en provenance du Rwanda essentiellement<br />
(Inyange) et d’autres pays<br />
mais que la taxe sur consommation des<br />
jus et eau minérale ait réalisé 0%, tout<br />
comme celle sur l’autorisation de bâtir<br />
alors que tout le monde est témoin des<br />
maisons construites et des chantiers<br />
imposant qui pullulent à Bukavu.<br />
<strong>Le</strong>s recettes du trésor public suintent<br />
lamentablement. <strong>Le</strong> député Kalenga<br />
Riziki a tiré vainement la sonnette<br />
d’alarme en juillet 2012 lors d’un point<br />
de presse à l’hôtel Bulungu en commune<br />
Ibanda. Selon lui, les fonctionnaires<br />
commis dans différents services de<br />
l’Etat malgré des notes de perception<br />
mises à leur disposition, établissent aux<br />
assujettis de vrais faux imprimés de valeur<br />
non comptabilisés par la Direction<br />
Générales des Recettes Administratives<br />
et Domaniales, DGRAD. Il a démontré<br />
que le Sud Kivu, à titre exemplatif,<br />
perdait plus ou moins 22 mille dollars<br />
américains au cours de l’exercice 2011-<br />
2012 pour seulement un acte. L’élu de<br />
Mwenga voulait demander à se pairs de<br />
voter une recommandation urgente à<br />
adresser à l’exécutif provincial afin de<br />
le pousser à renforcer le droit de regard<br />
sur tous les imprimés de valeur établis<br />
par la DGRAD et si possible les codifier<br />
pour suivre la chaine des opérations du<br />
trésor public.<br />
La dette intérieure a été payée à l’ordre<br />
de 7,49% soit un total de plus de 91<br />
millions de FC. Pourtant la Regideso<br />
réclame au Gouvernement un montant<br />
de 450 mille dollars à titre de consommation<br />
d’eau. <strong>Le</strong> tableau des dépenses<br />
présenté par le Gouverneur ne donne<br />
pas malheureusement le répertoire des<br />
ses créanciers.<br />
Pour revenir à la Regideso, la députée<br />
Kinja a renseigné que le projet portant<br />
programme d’urgence d’autosuffisance<br />
alimentaire, PUAA, initié pour alimenter<br />
entre autres le quartier Nguba en<br />
eau potable est à ¾ de sa réalisation<br />
et ne manque que 100 mille dollars<br />
pour son aboutissement. Kinja se dit<br />
être surprise qu’à la page 35 du dernier<br />
numéro du Magazine «Echo de la province<br />
du Sud Kivu», 3ème année, il soit<br />
écrit ce qui suit : «Toutefois la Regideso<br />
a débuté les travaux d’approvisionnement<br />
du quartier Nguba, en commune<br />
d’Ibanda, à Bukavu à partir du lac<br />
Kivu, travaux financés à l’ordre de 400<br />
mille dollars et qui ont été achevés au<br />
cours du mois de juillet 2012 ».<br />
La population de cette partie de la<br />
ville sait que ce n’est pas vrai, elle qui a<br />
trop souffert de la pénurie en eau. Elle<br />
mérite une attention particulière. <strong>Le</strong><br />
gouvernement dans son accompagnement<br />
ne peut-il pas payé même les 100<br />
mille dollars manquants à la Regideso<br />
pour terminer son travail ? Quant à cette<br />
dernière, elle doit aussi des explications<br />
à la population. Comment a-t-elle<br />
utilisé le fonds lui alloué par la Banque<br />
mondiale pour ce travail qui n’est pas<br />
arrivé à son terme. <strong>Le</strong>s députés devraient<br />
chercher à le savoir.<br />
Mystère<br />
<strong>Le</strong> mauvais choix opéré par le gouvernement<br />
dans l’exécution du budget<br />
est l’importance des fonds alloués à<br />
certains domaines. Il est inconcevable<br />
qu’un budget réalisé à 40 % puisse privilégié<br />
les rémunérations du personnel,<br />
on les réalise à 119 % ; payer les pièces<br />
de rechange pour leurs véhicules 121%,<br />
carburant 206% ; frais de fonctionnement<br />
des services de la division genre,<br />
famille, enfants, réalisé à 546%. Une<br />
vraie énigme !<br />
Par contre, d’autres secteurs sociaux<br />
ont vu leurs allocations ne pas être<br />
considérées. Tels livre, abonnement<br />
bibliothèque avec 0,89% soit presque<br />
300 mille FC, matériel éducatif 0%,<br />
matériel médico-chirurgico 0%,-cela<br />
frustre. Quand ces autorités tombent<br />
malades, c’est outre-mer qu’ils vont se<br />
faire soigner- fertilisant, engrais, insecticides<br />
0% , semences et fertilisants<br />
0%, - alors que les principales plantes<br />
qui nourrissent la population du Sud<br />
Kivu sont malades : manioc et banane<br />
« Taux de réalisation: taxe sur<br />
consommation des jus et eau<br />
minérale 0%, autorisation de<br />
bâtir 0% ... »<br />
in rapport d’exécution du budget 2011<br />
du gouvernorat de la province<br />
et qu’on ne sait pas y trouver solution-.<br />
Comment ces secteurs peuvent être délaissés<br />
alors que le Gouvernement central<br />
vient de transférer la charge de la<br />
santé et de l’agriculture à la province ?<br />
L’entretien des routes et la réparation<br />
d’ouvrages 0%, indemnisation pour<br />
préjudice causée par la province 0%,<br />
constructions diverses (micro projet<br />
dans les territoires) 0,29% c’est-à-dire<br />
10 millions de francs congolais à repartir<br />
pour 8 territoires ! C’est l’équivalent<br />
de 1 400 dollars par territoire. Ca<br />
s’appelle se moquer des territoires d’où<br />
proviennent 31 de 36 députés provinciaux<br />
. C’est qui a fâché David Ombeni.<br />
Il a lâché : « A cette allure, c’est nous<br />
qu’on ne veut pas voir députés au mandat<br />
prochain ».<br />
Des fleurs tout de même<br />
Au vue des résultats du tableau du<br />
Gouverneur, la réalisation par Ministère<br />
laisse à désirer. Incompétence ou<br />
vol? Il y a lieu de se demander si Cishambo<br />
ne peut pas travailler avec seulement<br />
trois ministres vertébrés. C’est<br />
là que le remaniement tant demandé<br />
a son sens. Cishambo devrait en tenir<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
compte ou profiter des faibles réalisations<br />
de ses ministres pour remplacer<br />
la majorité de défaillants. En a-t-il la<br />
liberté quand on sait que nombreux lui<br />
ont été recommandés ?<br />
<strong>Le</strong> ministère de l’intérieur tant décrié,<br />
a réalisé, contre toute attente, des recettes<br />
de l’ordre de 55% dans ce budget.<br />
Plus de la moitié ! Il est suivi de celui de<br />
transport et communication avec 33%.<br />
Ces deux Ministres, Etienne Babunga et<br />
Laban Kyalangalilwa, à la demande de<br />
certains députés, doivent être reconduits<br />
pour leur performance dans cette<br />
équipe visiblement des «invertébrés».<br />
Que font les 8 autres ministères si deux<br />
peuvent réaliser 88% de recettes. Une<br />
équipe des perdants ne peut pas indéfiniment<br />
et impunement continuer à<br />
jouer .<br />
Chapeau bas à Cishambo qui est en<br />
train de réhabiliter la voirie urbaine,<br />
même si cela soit normal et cadre avec<br />
les prérogatives quotidiennes de tout<br />
exécutif. On l’a vu, avec ses ministres,<br />
les membres des cabinets de ces derniers<br />
abandonner leurs bureaux pour<br />
superviser, depuis début novembre, des<br />
travaux de voirie urbaine à la satisfaction<br />
des uns et l’incrédulité et critiques<br />
acerbes des autres. Un acteur politique<br />
du Sud-Kivu, Aimé-Jules Murhula disait<br />
sans sentiment: «Une province<br />
doit avoir une vision. Je ne connais pas<br />
celle du Sud-Kivu». Occasions qu’affectionne<br />
Cishambo pour étaler à la face<br />
de ceux qui veulent l’entendre sa verve<br />
oratoire mais surtout la répugnance<br />
qu’il a vis-à-vis des Bukaviens qui lui<br />
tiennent tête. Il n’aime pas la contradiction,<br />
ont remarqué singulièrement<br />
les journalistes affranchis, qu’il prend<br />
souvent à partie et qu’il traite de tous<br />
les maux à chaque fois qu’il est devant<br />
ses hôtes. Cette fois il a trouvé l’occasion<br />
de se venger avec la réhabilitation<br />
de la voirie urbaine. Même quand à la<br />
place Munzihirwa en «réhabilitation<br />
du tronçon », le numéro un de la police,<br />
un Général, à coté du Gouverneur, se<br />
rabat dans un rôle d’un policier de circulation<br />
routière et que le Gouverneur,<br />
pendant des jours, est le conducteur des<br />
travaux, personne ne doit piper mot. A<br />
chacun sa tâche et la cité sera bien dirigée,<br />
c’est cela la division du travail.<br />
Mais il serait aussi du droit de la population<br />
de savoir combien d’argent<br />
sortent pour cette rehabilitation. Si<br />
pour cette tâche, il faut 20 millions de<br />
dollars comme cela a été entendu sur<br />
certaines chaînes de radio de la place,<br />
alors les Bukaviens doivent circuler sur<br />
des routes à la norme internationale,<br />
pas du saupoudrage. Déjà le 26 octobre,<br />
le député Mushekuru demandait<br />
des comptes à l’exécutif provincial sur<br />
l’argent sorti du trésor public depuis<br />
plus d’un an pour l’achat de l’asphalte<br />
à Kampala, matière qu’on a jamais vu<br />
arriver à Bukavu. Quelle somme est<br />
sortie? Qui s’en chargeait ?<br />
La population doit se faire violence<br />
en venant assister aux plénières de son<br />
Assemblée provinciale qui sont ouvertes<br />
à tout le monde. Peu de gens viennent<br />
suivre le travail de leurs élus et se<br />
faire l’image de chacun d’entre-eux.<br />
Baudry Aluma
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Gestion des recettes du Sud-Kivu en 2011<br />
<strong>Le</strong>s chiens aboient,<br />
les maîtres mangent<br />
Une vue du bureau de l’Assemblée provinciale et des quelques ministres provinciaux lors d’une plénière à l’Athénée d’Ibanda<br />
Comment sont gérées les recettes de l’Etat au Sud–Kivu? <strong>Le</strong>s<br />
chefs de division démontrent que l’argent du contribuable est<br />
dilapidé. <strong>Le</strong>s députés provinciaux ouvrent la boîte à Pandore.<br />
Plus de 6 millions de dollars volatilisés. <strong>Le</strong>s sous s’évaporeraient<br />
entre les divisions et les ministères. Reportage.<br />
La salle exiguë de l’Athénée<br />
d’Ibanda, bureau provisoire<br />
de l’Assemblée, est archicomble<br />
le 13 décembre. Tour à<br />
tour, les 54 chefs de division du Sud<br />
Kivu expliquent les contrats de performance<br />
signés entre eux et le gouvernement<br />
provincial. Ils n’hésitent<br />
pas à délier leur langue devant les députés.<br />
<strong>Le</strong>urs ministres de tutelle sont<br />
humiliés. La plénière est houleuse et<br />
l’exercice périlleux. Plusieurs contradictions<br />
sont relevées entre les montants<br />
repris sur le rapport d’exécution<br />
du budget 2011 et premier semestre<br />
2012 et les données présentées par les<br />
chefs de division. Nous nous en voudrons<br />
à <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> de ne prendre<br />
que deux services.<br />
A la division de l’économie, le montant<br />
réalisé en 2011 est évalué à plus de<br />
21 millions de francs congolais, soit<br />
84,11%, alors qu’il est estimé à environ<br />
18 millions, soit 11, 64%, dans<br />
le rapport d’exécution du budget. Au<br />
premier semestre 2012, plus de 39<br />
millions FC de recettes ont été réalisées<br />
pendant que le rapport d’exécution<br />
du budget 2012 n’en présente<br />
qu’environ 19 millions de FC. C’est le<br />
chef de bureau Eninga Eshiyamba qui<br />
présente magistralement les recettes<br />
réalisées par ce service au nom de son<br />
chef de division.<br />
A la division provinciale de la santé,<br />
les réalisations inscrites sur le rapport<br />
de la province sont de l’ordre d’environ<br />
5 millions 390 mille francs congolais<br />
pour 2011 . <strong>Le</strong> médecin inspecteur<br />
provincial de la santé, Dr Manu Burhole<br />
Masumbuko ne s’encombre pas<br />
de grands mots pour faire jaillir la lumière.<br />
Il affirme avoir mobilisé envi-<br />
ron 8 millions 500 milles francs, quelque<br />
3 millions de francs congolais se<br />
seraient volatilisés.<br />
Pour le 1er semestre 2012 , le montant<br />
inscrit sur le rapport de la province<br />
est d’environ 7 millions 140 mille<br />
francs congolais alors que l’inspection<br />
provinciale de la santé déclaré avoir<br />
perçu plus de 10 millions de francs<br />
congolais, soit une différence de plus<br />
de 3 millions 600 mille francs congolais.<br />
Manu Burhole précise que la taxe<br />
d’ouverture des établissements des<br />
soins est omise sur le rapport d’exécution<br />
des budgets du gouvernement<br />
alors qu’elle est activée et a fait des<br />
réalisations.<br />
Plusieurs taxes ont affiché zéro<br />
francs en 2011 sur le rapport alors<br />
qu’elles ont généré des recettes. C’est<br />
le cas de la taxe sur la mise sur le marché<br />
des produits cosmétiques qui a<br />
généré environs 1 millions 110 milles<br />
francs congolais et le frais de certificat<br />
de bonne santé environs 160 milles<br />
francs congolais. En 2012, le certificat<br />
d’aptitude au travail et fiche médicale<br />
individuelle a généré 202 mille<br />
francs et le frais de bonne santé; environs<br />
180 milles francs congolais. Ces<br />
constats sont également relevés dans<br />
d’autres divisions dont les responsables<br />
en province ont défilé devant les<br />
élus du peuple.<br />
Où va tout cet argent destiné au<br />
trésor public ?<br />
<strong>Le</strong> président de l’organe délibérant<br />
a averti: tolérance zéro. Sévir et appliquer<br />
cette courte phrase aiderait la<br />
province à sortir de la mauvaise gouvernace.<br />
<strong>Le</strong> dire ne sera pas non plus<br />
l’occasion que toute une plénière se<br />
penche sur comment <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> se<br />
donne le courage de dénoncer les faits.<br />
Et pourtant les députés devraient être<br />
derrière ce journal dans son combat<br />
pour son indépendance et pour le<br />
bien être des Sud- Kivutiens. Va-til<br />
l’appliquer pour démentir les rumeurs<br />
sur la complicité de son bureau<br />
et le gouvernement provincial. <strong>Le</strong>s<br />
responsables de cette disparité, s’elle<br />
est établie, doivent subir la rigueur de<br />
la loi et être sévèrement sanctionnés.<br />
L’autorité budgétaire a adopté le<br />
projet d’édit portant budget du Sud-<br />
Kivu pour l’exercice 2013. Il est de<br />
l’ordre de 112 milliards de FC. Ce<br />
budget a été adopté le 26 décembre<br />
moyennant amendement.<br />
<strong>Le</strong>s 112 milliards équivalent à un<br />
accroissement de 4% par rapport au<br />
budget de l’exercice 2012 qui était de<br />
107 milliards de FC. L’adoption est<br />
intervenu après que la commission<br />
économico-financière ait étudié et<br />
amendé le projet d’édit. Au premier<br />
semestre de l’exercice 2012, le budget<br />
a été exécuté à 20,4% soit une projection<br />
linéaire de 40,8%.<br />
Où sont passés les six milliards<br />
de francs congolais ?<br />
Bien avant, une commission spéciale<br />
de l’Assemblée provinciale a contrôlé<br />
23 divisions et services provinciaux<br />
après confrontations des recettes réalisées<br />
durant les exercices budgétaires<br />
2011 et 2012 qui ont été présentés par<br />
le Gouvernement provincial. La commission<br />
a découvert un manque à gagner<br />
d’un peu plus de 6 milliards de<br />
FC soit plus de six millions et demi de<br />
dollars. Ce montant n’est pas apparu<br />
dans le rapport présenté par l’exécutif<br />
provincial alors qu’il a été versé<br />
par les divisions provinciales dans le<br />
compte de la province.<br />
Baudry Aluma<br />
Societe s<br />
Nécrologie<br />
ADIEU MWAMI NDARE<br />
<strong>Le</strong> Mwami Simon Ndare Simba,<br />
chef de la collectivité-chefferie de<br />
Bafuliru est mort le 22 décembre<br />
2012 à Nairobi au Kenya. C’est là<br />
qu’il a été transféré après un accident cardio<br />
vasculaire à Uvira.<br />
Sa dépouille est arrivé à Bukavu via l’aéroport<br />
de Kavumu le vendredi 28 décembre.<br />
Il a été enterré dans son <strong>Le</strong>mera natal le<br />
samedi 29 décembre. Il laisse une femme<br />
et quatre orphelins. Que son âme repose<br />
en paix.<br />
Qui est Mwami Ndare Simba ?<br />
Il est né à <strong>Le</strong>mera dans la collectivitéchefferie<br />
de Bafuliru le 6 juin 1954. Il a<br />
fait ses études primaires à l’école primaire<br />
Saint François de Kadutu, secondaire à<br />
l’institut Bwindi de Bagira à Bukavu. Son<br />
cursus universitaire, il l’a effectué en Europe,<br />
en France notamment. Il a une maîtrise<br />
en Théologie. Il est également doctorant en<br />
sociologie de la prestigieuse Sorbonne. Il a<br />
effectué des études accélérées en Anglais<br />
à Stockholm et à Londres.<br />
Il a été intronisé Chef de la collectivité<br />
chefferie de Bafuliru en 1976 et a participé<br />
à la Conférence nationale souveraine<br />
de 1991 à 1992. De 1992 à 1993 il a été<br />
Administrateur de la Sucrerie de Kiliba et<br />
conseiller de la République, membre du<br />
Haut Conseil de la République/Parlement<br />
de transition. De 1997 à 1998, il est Président<br />
des Bami du Sud-Kivu, COBASKI.<br />
En 2005, il est Président du Barza intercommunautaire<br />
du Sud-Kivu. En 2006 il<br />
est élu député provincial du Sud-Kivu au<br />
compte du parti DCF/Cofedec .<br />
7
8 Page d’histoire<br />
Inoubliable<br />
Trois évêques, une cathèdre, un destin<br />
Octobre rappelle aux Sud Kivutiens le mois de la mort de leurs<br />
trois archevêques: Munzihirwa, Kataliko et Mbogha. L’abbé<br />
Richard Mugaruka, professeur à l’Université catholique du<br />
Congo (UCC) a été abordé, il y a plus d’un an par le quotidien<br />
kinois «le Potentiel » pour parler de ces hommes de Dieu et de<br />
leur engagement dans la résistance de la population du Kivu.<br />
Interview<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: <strong>Le</strong>s Congolais,<br />
se trouvant à 2000 km du<br />
Kivu, connaissent mal cette<br />
région où on a toujours<br />
parlé de Mgrs Kataliko, Munzihirwa<br />
et Mbogha. Ils savent qu’ils<br />
sont morts. Mais qui étaient-ils ?<br />
Abbé Mugaruka: Si on veut parler de<br />
manière explicite, détaillée et claire de<br />
Mgr Emmanuel Kataliko, surtout de son<br />
œuvre, au-delà de sa personne, il faut<br />
l’inscrire dans la suite de trois archevêques<br />
de Bukavu qui ont été confrontés<br />
à la problématique de l’invasion et de<br />
l’agression de la RDC à partir de 1994,<br />
année du génocide au Rwanda. Génocide<br />
qui a donné lieu à la ruée de plus de<br />
2 millions de réfugiés rwandais en RDC.<br />
C’est dans la suite de cette guerre d’invasion,<br />
d’occupation commanditée par<br />
les grandes puissances qui pensaient<br />
que l’heure avait sonné de balkaniser<br />
le Congo et de s’emparer de sa partie<br />
orientale et piller ses ressources naturelles.<br />
C’est dans les conséquences, et<br />
la manière dont la population a résisté<br />
à cette guerre lui imposée, qu’il faut<br />
situer l’action pastorale de ces trois archevêques.<br />
Mgr Christophe Munzihirwa<br />
a été archevêque de Bukavu de 1994 à<br />
1996, Mgr Emmanuel Kataliko, qui lui a<br />
succédé, de 1997 à 2000 et Mgr Charles<br />
Mbogha, de 2001 à 2005. C’était vraiment<br />
la période de la grande résistance<br />
de la population de l’Est à l’invasion<br />
de la RDC par le Rwanda, l’Ouganda<br />
et le Burundi instrumentalisés par les<br />
grandes puissances américano-britanniques<br />
qui, comme je l’ai dit, pensaient<br />
que l’heure était venue de s’emparer<br />
finalement de cette partie du pays que<br />
Louis Michel a appelé « le coffre-fort du<br />
Congo ». Où vous avez une diversité de<br />
minerais, en particulier ceux dits stratégiques<br />
qui intéressent au plus haut point<br />
les grandes puissances parce qu’ils sont<br />
utilisés dans les industries de pointe, en<br />
particulier dans l’industrie militaire.<br />
Donc, Mgr Munzihirwa a été parmi<br />
les tout premiers Congolais à découvrir<br />
les causes profondes de la guerre qui<br />
nous était imposée. En fait, cette guerre<br />
avait commencé déjà par l’assassinat du<br />
président hutu rwandais Habyarimana.<br />
A travers cette guerre du Rwanda, c’est<br />
le Congo et ses minerais qui étaient visés.<br />
Et cela va être justifié par l’arrivée<br />
de grandes multinationales occidentales<br />
pour les minerais de l’Est à l’issue de<br />
cette guerre. Il vous souviendra que le<br />
Rapport du Panel de l’Onu a épinglé 84<br />
entreprises occidentales qui, à la suite<br />
de cette guerre-là, ont commencé à participer<br />
au pillage des richesses naturelles<br />
du Congo via le Rwanda, l’Ouganda<br />
et le Burundi. Donc, Mgr Munzihirwa<br />
a été le premier à découvrir cela, peutêtre<br />
parce que de par son état de Père<br />
jésuite, il avait des ouvertures et des<br />
contacts avec le monde international et<br />
qu’il pouvait avoir accès à des personnes<br />
qui pouvaient lui révéler les causes<br />
profondes de la guerre. C’était donc la<br />
balkanisation du Congo et on commençait<br />
à s’emparer de ses richesses.<br />
Mais lorsque Mgr Munzihirwa a commencé<br />
à parler, personne ne l’a compris.<br />
On l’a pris pour un rêveur. <strong>Le</strong>s lobbies<br />
pro rwandais l’ont fait passer pour<br />
un tribaliste, un raciste qui était antitutsi.<br />
Il était combattu même au sein de<br />
l’Eglise. Beaucoup de ses confrères, qui<br />
étaient manifestement pro rwandais, ont<br />
été, d’ailleurs, sanctionnés par l’Eglise à<br />
la suite de leurs prises de position qui<br />
étaient tellement partiales qu’elles sont<br />
devenues insupportables parce que<br />
lorsque votre tribu commet des assassinats,<br />
si vous êtes un chrétien, a fortiori<br />
un évêque, vous devez condamner cela<br />
au nom de l’Evangile, au nom du Christ.<br />
Mgr Munzihirwa était combattu de toute<br />
part. D’abord, par ceux qui ne l’ont<br />
pas compris. Ensuite, par les autorités<br />
congolaises qui l’interpellaient. Et qui,<br />
comme d’habitude, lorsqu’on leur dévoile<br />
leurs limites, elles pensent qu’on<br />
les attaque.<br />
Ici, au Congo, nous sommes le seul<br />
pays où les dirigeants ne tiennent pas<br />
compte de remarques du peuple. Ils<br />
pensent que le peuple doit être soumis<br />
à eux alors que c’est le contraire qui<br />
doit se faire. Mais ils s’imaginent que<br />
être dirigeant, c’est être omnipotent,<br />
omniscient, en dehors de toute critique.<br />
Donc, il était véritablement traqué par<br />
les autorités congolaises. Je n’entre pas<br />
dans les détails. Mais je vous apprends<br />
que j’ai travaillé très étroitement avec<br />
les trois archevêques décédés au Kivu<br />
depuis l’entrée de l’Alliance des Forces<br />
démocratiques pour la libération du<br />
Congo (AFDL). Et je connais de l’intérieur<br />
l’action qu’ils menaient, eux qui<br />
étaient dans les régions perturbées. Ce<br />
qui fait qu’ils avaient besoin d’un relais<br />
extérieur pour voir ce qu’ils vivent et<br />
mènent comme combat.<br />
Mgr Munzihirwa a eu beaucoup d’ennemis<br />
aussi bien parmi les Congolais<br />
que parmi, surtout, les étrangers qui,<br />
eux, le traitaient d’obstacle à la réalisation<br />
de leurs projets, leurs ambitions<br />
hégémoniques. C’est à l’occasion de<br />
la première invasion du Congo par les<br />
Rwandais qu’il est mort, le 29 octobre<br />
1996.<br />
Mgr Munzihirwa avait compris aussi<br />
que, bien que la guerre nous imposée<br />
était menée par les Rwandais, les<br />
Ougandais et les Burundais, ceux-ci<br />
n’étaient que des instruments de la<br />
Photo: Crédit libre<br />
Mgr Munzihirwa: pasteur «mhudumu» a passé sa vie d’Archévêque à blâmer haut et fort les tentatives de<br />
balkanisation du pays<br />
communauté internationale. C’est pour<br />
cela que, dès le début, il a commencé à<br />
écrire à cette communauté internationale<br />
pour lui dire de faire attention à<br />
ce qu’elle était en train de faire, et qui<br />
n’était ni moralement ni légalement<br />
acceptable. Il sera malheureusement<br />
assassiné lors de la première agression<br />
des Rwandais lors de leur entrée à Bukavu.<br />
C’était, d’ailleurs, la veille de la<br />
création de l’AFDL. C’est l’œuvre du<br />
conglomérat réuni à <strong>Le</strong>mera pour signer<br />
les accords du même nom et dont<br />
on connaît, aujourd’hui, les clauses et<br />
dans lesquelles il est indiqué clairement<br />
que les Rwandais soutenaient un mouvement<br />
à condition que les Congolais<br />
leur cèdent une partie orientale de leur<br />
territoire. C’est noir sur blanc dans ce<br />
qu’on appelle les accords de <strong>Le</strong>mera.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Quand est-ce qu’est<br />
décédé l’autre archevêque, Mgr<br />
Charles Mbogha ?<br />
«Nous devons nous<br />
défendre. Mais c’est<br />
quelque chose que nous<br />
avons perdu aujourd’hui.<br />
<strong>Le</strong>s Congolais sont devenus<br />
des émasculés, des<br />
défaitistes…»<br />
Abbé Richard Mugaruka, professeur à<br />
l’université catholique de kinshasa/RDC.<br />
Abbé Mugaruka: Il est décédé en octobre<br />
2005. Mais entre lui et Mgr Munzihirwa,<br />
il y a eu Mgr Kataliko qui était<br />
à Bukavu de 1996 à 2000. Il est décédé<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
le 4 octobre 2000.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Dans quelles conditions<br />
sont morts Mgrs Kataliko et<br />
MBogha ?<br />
Abbé Mugaruka: D’abord, Mgr Munzihiriwa<br />
a été tué à côté du petit marché<br />
de Nyawera à Bukavu, devenu d’ailleurs<br />
Place Mgr Munzihiriwa.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Tué donc en dehors<br />
de l’archevêché ?<br />
Abbé Mugaruka: Lorsqu’on a attaqué<br />
Bukavu, il se trouvait à l’archevêché.<br />
Dès qu’il a entendu les premiers crépitements<br />
des balles, gardé par un soldat,<br />
il a pris sa voiture pour se rendre au collège<br />
Alfajiri chez les Pères jésuites. C’est<br />
là qu’il avait toute sa documentation<br />
et où il rédigeait ses lettres pastorales<br />
pour inviter la population à la résistance.<br />
C’est quand il est arrivé à la hauteur<br />
de Nyawera qu’il a été arrêté par<br />
des soldats rwandais. Il est descendu de<br />
la voiture et s’est présenté. <strong>Le</strong>s soldats<br />
rwandais ont demandé des instructions<br />
à leurs chefs qui leur ont dit qu’il fallait<br />
l’abattre. Et il a été abattu à bout portant<br />
avec une balle dans la nuque. Ce<br />
sont les novices des Pères Xavériens qui<br />
habitent tout près de là, dans la région<br />
qu’on appelle Vamaro qui sont venus<br />
récupérer le corps. Mais comme les<br />
Rwandais étaient encore en train d’occuper<br />
la ville, il a été enterré dans des<br />
conditions très obscures, aussi humblement,<br />
petitement sans cérémonie,<br />
ni fanfare ni oripeaux. Il a été enterré<br />
comme il a vécu.<br />
Quant à Mgr Emmanuel Kataliko, il<br />
est mort, comme je l’ai dit, le 4 octobre<br />
2000 à Rome à l’hôpital Saint Joseph<br />
de Marino. Que s’est-il passé avant<br />
cela? Mgr Kataliko est venu à Kinshasa<br />
pour participer à la réunion des évêques.<br />
Mais il s’est précipité de rentrer à<br />
Bukavu parce la population qui résistait<br />
avait besoin de son pasteur qui était à
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Mgr Kataliko, comme son prédécesseur, n’a cessé de<br />
se battre contre la partition du pays. Il est l’homme<br />
qui n’a rien dit en secret.<br />
la pointe de cette résistance. Comme il n’y<br />
avait pas de vol direct Kinshasa-Goma, il<br />
est passé par Nairobi. Là, on lui a dit qu’il<br />
était en danger et qu’il risquait d’être arrêté<br />
par les forces du Rassemblement<br />
congolais pour la démocratie (RCD), une<br />
rébellion à la solde du Rwanda, et qu’il<br />
n’arriverait probablement pas à Bukavu.<br />
Il a rétorqué que cela n’était pas possible<br />
parce que ses brebis, ses chrétiens<br />
l’attendaient et qu’il ne pouvait pas les<br />
abandonner même au risque de sa vie.<br />
Il a dit qu’il préférait aller mourir, plutôt<br />
que se mettre à l’abri, de rester à Nairobi<br />
parce qu’il était en danger. Même notre<br />
ambassadeur à Nairobi n’a pas pu le dissuader.<br />
C’est à sa descente d’avion qu’il<br />
sera arrêté par le RCD à Goma. Donnant<br />
lui-même les détails de son arrestation,<br />
il avait dit qu’il voulait rentrer à<br />
Goma le 12 février 2000 via Nairobi et<br />
Entebbe. Quelques instants après l’atterrissage,<br />
l’avion a été entouré des militaires<br />
rwandais dans une Jeep et des<br />
militaires congolais sous le commandement<br />
d’un certain Chapulu. <strong>Le</strong> personnel<br />
de CMK avait fait savoir qu’à Goma, tout<br />
le monde était dans l’énervement suite à<br />
l’arrivée de Mgr Kataliko. C’est ainsi qu’il<br />
a été arrêté et on lui a demandé de rentrer<br />
d’où il venait. Ce qu’il a refusé en disant<br />
qu’il était Congolais et que sa place<br />
est au Congo. Puisqu’il en est ainsi, ses<br />
bourreaux lui ont alors demandé de regagner<br />
son village à Butembo. Ils l’embar-<br />
Célèbre Archévêché de Bukavu<br />
Photo: Crédit libre<br />
queront de force jusqu’à Butembo où il a<br />
vécu en exil pendant 7 mois et 2 jours au<br />
cours desquels, d’ailleurs, il recevait régulièrement<br />
des messages d’accusations,<br />
d’intimidations. Il devait, à certains moments,<br />
se cacher pour échapper à tous<br />
ceux qui le recherchaient parce que c’est<br />
tout le Kivu qui était occupé. Donc, c’est<br />
pendant 7 mois et 2 jours que Mgr Kataliko<br />
a vécu comme prisonnier. Il va être<br />
libéré le 14 septembre 2000 et arrivera à<br />
Bukavu. Et moins d’un mois après, il sera<br />
appelé à Rome pour assister à un symposium.<br />
C’est là qu’il va trouver la mort, terrassé<br />
par l’infarctus, sans doute à cause<br />
de mauvais traitements et de stress qu’il<br />
a pu connaître pendant 7 mois et 2 jours<br />
d’exil dans son diocèse d’origine.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Et pour la mort de<br />
Mgr Charles Mbogha ?<br />
Abbé Mugaruka: Il a été nommé en<br />
2005 à Bukavu à la suite du décès de Mgr<br />
Kataliko. <strong>Le</strong> jour même où il a été installé<br />
à Bukavu, au début de la messe, il pique<br />
une crise cardio-vasculaire. Il restera paralysé<br />
jusqu’à sa mort. N’empêche que,<br />
même dans cet état là, c’est quelqu’un<br />
qui a inscrit son action dans la suite de la<br />
résistance pour ce pays.<br />
Il me souviendra – ici, je vais parler de<br />
quelque chose de personnel – lorsque j’ai<br />
appris que Mgr Kataliko est mort, j’étais<br />
en Europe. Nous devrions nous rencontrer<br />
là-bas chez les Pères assomptionnistes<br />
pour parler résistance parce qu’à ce<br />
moment-là, le Congo était encore divisé<br />
en trois. Quand j’ai appris sa mort, j’étais<br />
très désemparé, déstabilisé parce que<br />
c’est lui qui était, je peux dire, mon correspondant<br />
local. Maintenant, celui avec<br />
qui je travaillais localement n’était plus là.<br />
Je suis allé en Europe pour prier, demander<br />
au Seigneur ce que j’allais faire car je<br />
ne savais plus avec qui je vais parler. Et<br />
lorsque j’ai appris que nous avons un nouvel<br />
évêque, je me suis dit que nous avons<br />
la solution car je savais maintenant comment<br />
continuer à travailler avec la base.<br />
Je suis allé en retraite pour demander<br />
au Seigneur comment je vais m’y<br />
prendre avec le nouveau venu. Mais<br />
quand j’ai également appris ce qui lui<br />
est arrivé le jour de son installation, j’ai<br />
accusé le coup en disant au Seigneur :<br />
«Seigneur, ne voulez-vous pas que notre<br />
peuple soit libéré ? ». Quand il a repris<br />
les esprits, on l’a amené à Nairobi<br />
pour poursuivre les soins. C’est au mois<br />
d’août. Je lui ai écris pour lui souhaiter<br />
prompt rétablissement et voir comment<br />
continuer la résistance. Je n’ai pas eu de<br />
réponse jusqu’au mois de décembre. Je<br />
suis allé en Europe pour prier. Pendant<br />
que je priais, le Seigneur m’a fait savoir<br />
que je devais accepter de choisir là où<br />
je risque ma mort parce qu’il n’y a que<br />
Dieu qui peut me demander de risquer<br />
ma mort pour Lui. J’ai dit au Seigneur<br />
que j’attendais la preuve. J’ai quitté le<br />
monastère et je m’apprêtais à rentrer<br />
lorsque j’ai appris que Mgr Mbogha,<br />
qui avait été, entre-temps, évacué à<br />
Rome pour des soins médicaux, est en<br />
Belgique à Anvers pour un complément<br />
d’examens sur le plan des maladies tropicales.<br />
Comme il était là, je me suis<br />
dit que je vais lui dire bonjour. Je me<br />
rends chez les Pères assomptionnistes<br />
qui l’hébergeaient. Avant même que je<br />
lui parle, il dit qu’il me cherchait. Il me<br />
dit que lorsqu’il a été nommé à Bukavu,<br />
je lui ai demandé de continuer à situer<br />
son action pastorale dans le sens de ses<br />
prédécesseurs, de défendre ce peuple livré<br />
aux assassinats, viols, aux violations<br />
des droits de l’Homme. Mais il a dit à<br />
Dieu: «Seigneur, comment pouvez-vous<br />
me confier une mission sans me donner<br />
la force de l’accomplir ?». Et que, le jour<br />
qu’il a reçu ma lettre, il a compris que<br />
le Seigneur lui disait ce que, moi, je ne<br />
peux pas faire. C’est pour cela qu’il désirait<br />
me voir.<br />
Et, de 2001 à 2005, la dernière fois<br />
que je l’ai vu avant sa mort, je suis allé<br />
lui dire aurevoir. Quand je voulais sortir,<br />
il m’a demandé de revenir pour me<br />
dire qu’il sait que je risque ma vie. Mais<br />
que c’est le Seigneur qui me demande de<br />
travailler pour lui, de défendre la paix,<br />
la justice et l’amour. Et puisque c’est Sa<br />
volonté que je fais, il m’a dit de m’armer<br />
du courage et il m’a béni. Je suis parti et<br />
la semaine suivante, il est entré dans le<br />
coma et il est mort.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Mais pourquoi y a-t-il<br />
cette culture de résistance à Bukavu ?<br />
Abbé Mugaruka: Merci pour cette bonne<br />
question. C’est un phénomène d’atavisme,<br />
c’est-à-dire c’est une résistance<br />
qui vient des ancêtres. Vous savez que la<br />
Conférence de Berlin a eu lieu en 1885.<br />
Jusqu’à cette année-là, aucun Européen<br />
n’était encore arrivé à Bukavu. Même pas<br />
Page d’histoire<br />
Photo: Crédit libre<br />
9<br />
Mgr Mbogha, le pasteur toujours souriant ne s’est<br />
pas lassé de prêcher le pardon et l’espérance, la<br />
paix, la justice et l’amour malgré la souffrance liée<br />
au poids de sa maladie<br />
dans la région. <strong>Le</strong>s explorateurs européens<br />
et autres ne s’arrêtaient qu’en Tanzanie,<br />
au bord du lac Tanganyika. Et les premiers<br />
tracés du Congo avaient été décidés<br />
sur base de ce qu’on appelle les lignes latitudinales<br />
que nous avons sur le globe terrestre.<br />
Et le premier territoire congolais<br />
incluait une partie du Rwanda et passait<br />
par Kigali. Si on devait appliquer les décisions<br />
de la Conférence de Berlin, le Congo<br />
devait reprendre une partie du Rwanda.<br />
Parce qu’à Berlin, effectivement, le Congo<br />
comprenait une partie du Rwanda. C’est<br />
en 1910 que les puissances de Berlin se<br />
réunirent pour revoir les frontières car les<br />
lignes latitudinales ne sont pas visibles. Il<br />
faut noter que le premier Blanc, le lieutenant<br />
Olsen, est arrivé à Kinshasa en 1901.<br />
C’est lui qui a convaincu ces puissances de<br />
revoir les tracés des frontières. Et cela s’est<br />
réalisé en 1910. Car ces puissances ont<br />
dit qu’il fallait tenir compte de trois éléments,<br />
à savoir l’élément ethnographique,<br />
c’est-à-dire les tribus ; l’élément politique,<br />
c’est-à-dire les royaumes anciens ; et l’élément<br />
relatif aux lignes naturelles. C’est à<br />
ce moment-là que le Congo d’alors a cédé<br />
8.000 km² pour qu’on puisse constituer<br />
le Rwanda. Si on devait revenir à la Conférence<br />
de Berlin, la RDC devrait récupérer<br />
les 8.000 km² cédés au Rwanda.<br />
<strong>Le</strong> Potentiel: Revenons à l’atavisme…<br />
Abbé Mugaruka: <strong>Le</strong>s Bashi et les Rwandais<br />
ont toujours été en guerre. En 1892,<br />
les Bashi ont précipité le roi rwandais,<br />
Rwabugiri, dans la rivière Ruzizi pour<br />
s’être aventuré à occuper leur territoire.<br />
C’est-à-dire que, pendant cette période<br />
pré-coloniale, les Bashi ont toujours défendu<br />
leur territoire. Ils s’étaient même<br />
emparés d’une partie du Rwanda qu’on<br />
appelle le Kinyaga. Et aujourd’hui, cette<br />
partie fait partie du Rwanda, à telle enseigne<br />
que les Rwandais de ce coin-là appellent<br />
les habitants de Kinyaga les Bashi.<br />
C’est ainsi que les gens de Bukavu et des<br />
environs ont cette tradition là. Ces Rwandais<br />
qui, chaque fois, nous attaquent pour<br />
essayer de prendre notre territoire, nous<br />
les considérons comme des ennemis. C’est<br />
pour cela que nous devons nous défendre.<br />
Mais c’est quelque chose que nous avons<br />
perdu aujourd’hui. <strong>Le</strong>s Congolais sont devenus<br />
des émasculés, des défaitistes…<br />
(à suivre)
10<br />
Tafsiri (traduction en Swahili)<br />
Habari za wilaya<br />
Idjwi imesahauliwa<br />
Huko Idjwi, pana ugonjwa uitwao “wilt”,<br />
unao haribu migomba tangu mwaka wa<br />
2007. Uharibifu huwo unapitika bila<br />
hata serkali kuchukuwa mipango ya<br />
kuupiganisha kutokana na kwendelea kwa<br />
ugonjwa unaoshambulia mmea huo. Njaa<br />
imeonekana kuongezeka huko Idjwi, kwani<br />
ndizi ni chakula cha msingi katika eneo hilo.<br />
Tena ni mgomba ndiyo unawapatia wakaaji<br />
wa huko namna ya kuishi.<br />
Magonjwa yameteketeza migomba pa Idjwi<br />
Kwa jumla ya eneolote la<br />
Kivu ya kusini, ni kisiwa<br />
cha Idjwi pekee, ndiko<br />
kungali kunaripotiwa<br />
amani. Pamoja na amani hiyo,<br />
vita ambavyo vya ikabili Idjwi,<br />
si vya risasi ila vya njaa. Someni<br />
ushuhuda huu. «Babu wangu<br />
Jean Mushengezi alitokea Kalehe,<br />
mwaka wa 1910. Ndiye aliye panda<br />
kwa mara ya kwanza mgomba<br />
huko Kashofu, kisiwa cha Idjwi.<br />
Akabatiza ukoo wake kwa jina la<br />
Vituo vya afya winavyofatilia<br />
hali ya wagonjwa<br />
wa kisukari<br />
vimetambua kuongezeka<br />
kwa ugonjwa huo hapa mjini<br />
Bukavu kwa upekee, na jimboni<br />
Kivu ya Kusini kwa jumla.<br />
Kituo cha afya cha cha arkidiosezi<br />
ya Bukavu cha Muhungu<br />
«Nyamigomba», yaani «shamba<br />
la migomba». Ndizi zimetulisha<br />
muda wa zaidi yakarne moja Ilitusaidia<br />
kujitunzisha magonjwa,<br />
kulipa masomo, hata kwenye<br />
yunivasti. Wakati huu, majirani<br />
wametushauria tubadili jina»,<br />
alieleza bwana Sylvain Nyamigomba,<br />
tuliye mkuta ndani ya<br />
shamba kubwa la migomba karibu<br />
ya mashamba ya babu wake.<br />
«Migomba iliopatwa na ugonjwa<br />
“wilt” iliondolewa karibuni<br />
yote. Ni machache tuu ndiyo iliobaki.<br />
Miaka mitano kabla ya<br />
hapo, tulikua na hektari tatu ya<br />
shamba la migomba ya afya nzuri.<br />
Mambo ya kuongoa na ambukizo<br />
la migomba inasemeka kila<br />
leo pa Idjwi», aliongeza bwana<br />
uyo.<br />
Kama ulivyo mfano wa familia<br />
ya Nyamigomba, walimaji hao<br />
wanakata kitumaini na kubaki<br />
wakitizama jinsi njaa inajitokeza<br />
katika jamaa zao. Hawana uwezo<br />
wa kuizuiya. Walijaribu kubadili<br />
mbegu ila hawakufaulu. Mihogo<br />
haukustawi kama inavyo itajika.<br />
Nasi ni kilimo kinacho tumiwa<br />
kwa kupeleka ugenini. Uvuvi umepigwa<br />
marufuku kwa mda siku izi<br />
uku kwetu na kando kando ya kisiwa.<br />
Ndizi zimetulisha mda wa zaidi<br />
ya miaka mia moja. Zilitusaidia<br />
kupata huduma za matunzo, za<br />
masomo ya watoto wetu hata kwenyi<br />
yunivasti.<br />
Hakika, hakuna kinachoweza<br />
kuendeka kwa mtu anaye afya<br />
mbovu. Ila lakushangaza ni kwamba<br />
wakaaji wa Idjwi wanapendelea<br />
kutia mbele maadibisho badala ya<br />
afya. Ndivyo alitambua bwana Didier<br />
Reynders, waziri mkuu makamu<br />
wa nchi Ubeljiji, alipofika<br />
hapo pa Idjwi mwezi agosti ulio<br />
pita. Reynders alisema wakati huo<br />
kwamba Ubeljiji itatoa elfu 50 ya<br />
yuro (50000€) kwa ajili ya maen-<br />
mtaani Ibanda kinaishi hali iyo.<br />
Katika ripoti yake ya mwezi wa<br />
juni mwaka huu, idadi ya wagonjwa<br />
ilitoka kwa kesi 99 mwaka wa<br />
2011 hadi 168. Kati ya hao, watu<br />
nne walifariki dunia na watu kumi<br />
na nane waliingia hospitalini.<br />
Kwa mujibu ya mganga Abel<br />
Ciza, mwenyi kiti wa mradi wa<br />
deleo ya kuboresha sekta ya afya<br />
katika kisanga hicho. Kama alivyo<br />
tambua Léon, mganga huko<br />
Monvu, pesa hizo hazitoshe kwa<br />
garama zote za matunzo. Mganga<br />
uyo alisema kwamba wagonjwa<br />
wengi wanashindwa hata kujielekeza<br />
kwenyi vituo vya afya.<br />
Hayo yote ni kwa sababu hawana<br />
uwezo ya kulipa matunzo. Hali ilo<br />
imewakumba zaidi na zaidi wamama<br />
wajawazito.<br />
Kwa kuinua pato ya wakaaji<br />
hao wanaoishi kwa mlimo wa migomba,<br />
sherti mabwanashamba<br />
(agronomes) wajifunze haraka suluhisho<br />
kwa ugonjwa wilt. Kukosewa<br />
habari maalum na ujuzi kuusu<br />
ugonjwa huo ndiyo unafanya<br />
uambukizi uongezeke.<br />
«Hakuna aliye kuja kutusaidia»,<br />
ndivyo alishuhudiya Athanase<br />
Mpaka, mwenyeji shamba la<br />
migomba lililoteketea.<br />
Wakaaji wa Idjwi wanasikitishwa<br />
kuona serkali inawatupilia.<br />
Serkali ya jimbo haliweke hata<br />
mapambano dhidi ya « wilt » kwenye<br />
adjenda lake.<br />
«Wilt» ni nini ?<br />
Grant Bulangashane, mtaalam<br />
wa kilimo kwenye yunivasti ya<br />
kikatolika mjini Bukavu (UCB),<br />
anafafanua namna ifwatavyo :<br />
«wilt ni ugonjwa ya migomba ao<br />
ya mimea mengine. Ina rangi ya<br />
njano (jaune). Ugonjwa huo ulifika<br />
pa Idjwi kutokana na mbegu<br />
ya ndizi iliyotoka miji Kalehe na<br />
Minova wakati upungufu wa migomba<br />
ilionekana katika Kiziwa<br />
cha Idjwi. Ugonjwa huo unaambukia<br />
kwa urahisi »<br />
Je, twaweza kuzungumuzia<br />
kuusu kujiusisha kwa serkali<br />
kwa kupiganisha ugonjwa<br />
huo ?<br />
Serkali halifanye lolote kwa kupambana<br />
na ugonjwa huo unaoan-<br />
kupambana dhidi ya magonjwa<br />
ya kisukari jimboni, akiwa pia<br />
mtafwiti katika sekta hiyo, ni vituo<br />
18 tu vya afya ndivyo vinajiusisha<br />
na ufwatiliaji wa wagonjwa<br />
wa kisukari. Vituo ivyo viliorozesha<br />
kesi 2440. Iyo ni idadi tu ya<br />
wale wanaochunguzwa. Ripoto ya<br />
chumba cha ukaguzi wa afya jimboni<br />
kinaonyesha kwamba mwaka<br />
wa 2006, asilimia 30 ya wagonjwa<br />
walioorozeshwa kwenyi hospitali<br />
kuu ya muji wa Bukavu ilikua ni<br />
kwa sababu ya tatizo la moyo ao<br />
lile la kisukari.<br />
Jee, ugonjwa wa kisukari<br />
unaweza kupona?<br />
Kwa sasa, hakuna dawa yoyote<br />
ile inaweza kuponya ugonjwa wa<br />
gamiza kabisa wakaaji wa Idjwi.<br />
Hata uimizaji wa walimaji kuusu<br />
«Wilt» haufanyike. Mabwanashamba<br />
hata hawaongoze walimaji<br />
ili mimea zao zisikumbwe na magonjwa<br />
hayo. Umbalimbali na ayo,<br />
watumishi wa serkali wanajiruhusu<br />
kutoza tu ushuru wa juu ambao<br />
wanatupiliwa kabia na serkali.<br />
Namna gani kupiganisha<br />
«wilt»?<br />
Walimaji wanapashwa kwanza<br />
kujua dalili za ugonjwa huo. Cha<br />
kujua ni kwamba dalili za wilt si<br />
tofauti na zile za magonjwa mengine<br />
zinazoshambulia migomba.<br />
Mara mlimaji anapotambua dalili<br />
izo katika shamba lake, anapashwa<br />
kusitisha kupalilia na ukataji<br />
wa majani ya migomba. Pia, kuchunguza<br />
muda wa myezi mawiili<br />
namna gani ugonjwa unaendelea.<br />
Migomba ambazo zimekwisha<br />
kukumbwa na ugonjwa zinapashwa<br />
kukatwa na kukaushwa<br />
kwenye jua. Kwani, miali ya jua<br />
inauwa bakteria za ugonjwa huo.<br />
Ni kwa ajili ya kuepuka ambukizi.<br />
Sherti walimaji wafunzwe kuusu<br />
kutia vyombo vyote wanavyo tumia<br />
kwenye moto na maji ya javel<br />
ili kuepuka utapanyaji wa ugonjwa.<br />
Tena, hatua likamatwe kwa<br />
kukataza kuzurura kwa wanyama<br />
katika shamba izo.<br />
Jee, ni kuchelewa kwa Idjwi ?<br />
Hapana. Inawezekana bado kulima<br />
migomba isiyo na tatizo lolote<br />
la afya. Ni kwa kupambana<br />
vilivyo dhidi ya magonjwa yote yanayo<br />
shambulia migomba. Yafaa<br />
tu kufwata mashauri tulizo tolea<br />
hapo juu na yale yatakayotolewa<br />
na mabwanashamba. Ila, hayo<br />
yote yanaomba kujiusisha kikamilifu<br />
kwa serkali la jimbo na la<br />
taifa.<br />
Afia<br />
Namna gani kuishi na ugonjwa wa kisukari<br />
Miaka mitano zilizopita, vituo vya afya vinavyo jiusisha na mafunzo<br />
pia kufwatilia kwa makini magonjwa ya kisukari vimetambua<br />
kuongezeka kwa idadi za wagonnjwa wanaokumbwa na magonjwa<br />
iyo. Hapa mjini Bukavu, wagonjwa wa kisukari wanaendelea<br />
kuongezeka hospitalini. Hata wengine wengi wamefariki kawa<br />
ugonjwa huo. Wagonjwa wamoja na wataalamu fulani walieleza ujuzi<br />
wao na kutoa mashauri.<br />
Photo: Crédit libre<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
kisukari. Anayekwisha kukamatwa<br />
na magonjwa iyo, anaiishi<br />
nayo muda wa maisha yake yote.<br />
Jacques L. De Plaen, profesa<br />
kwenyi kliniki ya yunivasti S t Pierre<br />
huko Louvain (nchini Ubeljiji),<br />
aliyapana mashauri yake katika<br />
kitabu kimoja alichokiandika<br />
«Mwongozo kwa wagonjwa wa<br />
kisukari barani Afrika». Ndani ya<br />
kitabu hicho anatoa mashauri matano<br />
kwa wagonjwa wa kisukari:<br />
kulinda usafi wa mwili (usafi wa<br />
ngozi, meno na miguu. Kutunza<br />
vema kivimba na kidonda yoyote.<br />
Kufanya mazoezi na kuepuka<br />
tumbaku). Mgonjwa anapaswa<br />
kuepuka kabisa chakula zinazo<br />
katazwa kwake (kuheshimu régime<br />
alimentaire).
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Tena, anapashwa tumia dawa yake<br />
kila siku na kupimisha damu na mkojo<br />
yake kila mara. Wakati mgonjwa<br />
anasikia kitu kisichoendeka ndani ya<br />
mwili sherti akimbilie kwenyi kituo<br />
cha afya cha karibu.<br />
Abel Ciza anajulisha kama ni insuline<br />
(ya kutoboa), daonil (kidonge) pamoja<br />
na glucophage (kidonge) ndizo<br />
dawa zinazo aminika hadi sasa kwa<br />
kukadirisha sukari mwilini. Ila profesa<br />
Jacques L. De Plaen anakazia kusema<br />
kwamba kutumia dawa haizuwiye<br />
mgonjwa wa kisukari kuwa na utaratibu<br />
katika matumizi ya chakula.<br />
Wagonjwa wamoja wanafikiri kwamba<br />
ugonjwa wao watokana na nguvu za<br />
giza (nguvu za mashetani). Wanawaza<br />
kwamba wanaweza kupona.<br />
Mazambi Ilunga, mwenyekiti makamo<br />
wa muungano ya wagonjwa wa<br />
Tangu wakati wa uasi wa<br />
chama cha Muungano wa<br />
wakongomani kwa ajili ya<br />
demokratia (RCD), mpaka<br />
baina ya Kongo na Rwanda umekuwa<br />
kama kajungio inavuja, na watu wanaingia<br />
na kutoka pande zote bila shida<br />
kubwa. Kila leo, tangu saa 12 asubuhi,<br />
hadi 12 jioni watu waonekana wengi<br />
kwenye mpaka, mbele ya chumba kihusikacho<br />
na uhamiaji (DGM), kwenye<br />
Ruzizi ya kwanza na Ruzizi ya pili, upande<br />
wa Bukavu. Wengi wa watu hawo ni<br />
wanawake, mabinti na wavulana wanaojipanga<br />
kwenye mstari, wakingoja<br />
kupewa vyeti vinavyo waruhusu kuvuka<br />
mpaka. Wanaenda wapi ? Cyangugu na<br />
Kamembe katika jimbo la magharibi<br />
mwa Rwanda, kwenye mpaka na Kongo.<br />
Wanaenda kununua vifaa vya lazima<br />
kwa malisho. Wanaporudi wanakuja<br />
na gunia ao beseni zenyi kujaa unga,<br />
mchele, nyama, vitumbua, kuku na vifaa<br />
vingine kadhaa. Serkali za Rwanda<br />
na Kongo ya Kidemokrasia zilikusudia<br />
kuacha mipaka yao wazi mchana kama<br />
vileusiku. Hatua hiyo tayari imeanza<br />
kuheshimiwa huko Goma jimboni Kivu<br />
ya kaskazini.<br />
Wengi wa wakaaji wa Bukavu wanasema<br />
kwamba ni huko Rwanda ndiko<br />
bidhaa vyauzwa kwa bey rahisi. Marie-Immaculée<br />
Ntakwinja, mchuuzi wa<br />
unga wa mhogo, alisema : «wingi wa<br />
ushuru hauruhusu tununulie bidhaa<br />
hivyo humu nchini. Ushuru huwo una<br />
sababisha beyi kuongezeka kiasi cha<br />
juu, ndio inafanya tusiuze kama ingeli-<br />
Kipimo cha ugonjwa wa kisukari<br />
kisukari jimboni Kivu ya kusini (Association<br />
des Diabétiques du Sud-Kivu/ADSKI),<br />
akiwa pia msimamizi wa<br />
wagonjwa kunako kituo cha afya cha<br />
faa. Wanunuzi wanapendelea kununua<br />
bidhaa kwa bey nzuri, na hiyo inatufanya<br />
kuhomba. Hali hiyo inawafanya<br />
baadhi ya wachuuzi hawa wanavunjika<br />
moyo wale wanaonunulia bidhaa<br />
vya humu nchini »<br />
Uchumi upi kwa jimbo la Kivu<br />
ya Kusini ?<br />
Kila mara Rwanda inapofunga mipaka<br />
yake kwa sababu hii ao ile wanawake<br />
wengi toka Bukavu wanaonekana<br />
kwenye mpaka wakingojea kwa hamu<br />
kubwa ufunguliwe. Siku hizo, jamaa<br />
nyingi zilala njaa na soko ndogondogo<br />
zaonekana bila bidhaa vya kutosha.<br />
Siku izo, akina mama wengi wachuuzi<br />
wakosewa kazi. Wakati mpaka baina<br />
Kongo na Rwanda unafungwa upande<br />
wa Rwanda, bey ya chakula na vifaa<br />
vingine vya matumizi ya haraka inaongezeka.<br />
Huko Rwanda, kilimo chashurulikiwa<br />
vilivyo na wakaaji pia serikali.<br />
Wakaaji hao hawazowei kuvuka nchini<br />
Kongo kwa kununua vitu fulani. Zaidi<br />
na zaidi, bidhaa mbalimbali vinavyotoka<br />
Kongo vinachukuliwa kama magendo<br />
upande wa Rwanda.<br />
Ila, tutatambua kwamba hapo mbeleni<br />
vifaa vingi, hasa mihogo na tomate<br />
vilikua vikitoka kawa uingi jimboni<br />
Kivu ya Kusini na Kaskazini na kuuzishwa<br />
uko nhini Rwanda.<br />
Wanawake wawili wakichukua beseni<br />
za mikate kichwani tuliowakutana kwenyimpaka<br />
Ruzizi ya pili wanashuhudia:<br />
«tunahuzunishwa sana na hali hii kwa<br />
kwenda kutafutia chakula na vifaa<br />
Tafsiri (traduction en Swahili)<br />
Sekta ya kilimo jimboni Kivu ya Kusini ya tembea kwa mwendo wa kobe<br />
Wakaaji wavutiwa sana na bidhaa<br />
toka Rwanda<br />
Shuguli za kiuchumi ya miji ya Bukavu nchini<br />
Kongo ya Kidemokrasia, na Cyangugu na Kamembe<br />
Rwanda, zaonekana kuongezeka. Wakaaji wa<br />
Bukavu wanajielekeza kila siku, na kwa wingi, huko<br />
Rwanda,maksudi ya kutafuta vifaa vya lazma. Hali<br />
hiyo ya kutegemeya vifaa toka Rwanda, yatokana na<br />
kupunguka kiwango kikubwa cha mazao ya kilimo<br />
(chakula) jimboni Kivu Kusini. Pana sababu nyingi zilizo<br />
fanya mazao ya kilimo katika eneo hilo kupunguka.<br />
Photo: Crédit libre<br />
arkidiosezi ya Bukavu cha Muhungu<br />
anaeleza: «Wako wengi wagonjwa wa<br />
kisukari wanaojielekeza Tanzania,<br />
Kenya, … kutafuta uponyaji. Huko,<br />
wanawafungia katika chumba cha<br />
maombi na kisha wanawapa mambo<br />
fulanifulani kama maji “ya Baraka”<br />
na vinginevyo kwa kuondosha ugonjwa<br />
mwilini. Ila ni udanganyifu mtupu<br />
sababu wakati wanarudi wengi<br />
wanazoofika zaidi hata kufariki».<br />
Lazma kuheshimu utaratibu<br />
wa kula (régime alimentaire)<br />
Mgonjwa wa kisukari sherti akadirishe<br />
namna ya kula. Kipimo ya<br />
chakula chake inapashwa kulingana<br />
na kilo chake (poids), kimo chake<br />
(taille), myaka yake na jinsi anavyoishi.<br />
Kwa hiyo, anapaswa kufwata<br />
shauri za mganga. Mgonjwa anaita-<br />
Wakongomani wavutiwa na vifaa vya lazma toka Rwanda<br />
vingine huko Rwanda. Ijapokua vimoja<br />
vingeliweza kupatikana huku kwetu<br />
Kongo. Imefika hata wakati zimoja<br />
watumishi kwenyi mpaka upande wa<br />
Kongo wanatupa vitumbua na mikate<br />
vyetu majini au tena kutuzuiya kuvuka<br />
Rwanda kwa sababu ya asira. Tena<br />
wateja wamoja wanakataa kununua<br />
chakula kutoka Rwanda»<br />
Wachuuzi hao wanalaumu jinsi byashara<br />
vyaendeshwa hapa mjini Bukavu.<br />
Wanabyashara wa Bukavu wanatia bey<br />
kali ya bidhaa zao. Wanazani kama ndivyo<br />
watatajirika haraka. Ila ni wakaaji<br />
ndio wanatesa tu. Hawajali ndugu zao<br />
wenye pato ndogo.<br />
Nini ilifanya mazao kupunguka<br />
jimboni ?<br />
Wakati Kongo ilipata uhuru wake na<br />
siku chache baadaye, Kongo ilikua mtoaji<br />
mkuu wa mazao ya mlimo katika<br />
eneo ya Afrika ya kati. Ni tangu mwaka<br />
wa 1976 ndipo mavuno yalianza kupunguka.<br />
Kisa za upungufu huo ni nyingi.<br />
Shamba kubwa kubwa zimenunuliwa<br />
na wafanya siasa na wafanya vyashara<br />
wakubwa wakubwa. Hao wanaacha<br />
shamba zile bure bila kufanya mlimo ao<br />
ufugo yoyote. Pia, walimaji wa vijijini<br />
hawapate mazao sababu wanatumia<br />
mbegu na vyombo zisizo faa tena. Mbegu<br />
izo zinaharibika haraka na magonjwa<br />
ya mimeya. Tena, walimaji wa vijijini<br />
hawapumzishe udongo wa shamba<br />
zao hata kwa mda mfupi. Vilevile, hakuna<br />
kitu kinacho fanyika kwa kuepuka<br />
11<br />
jika kujua kama akiwa mnene anapaswa<br />
kupunguza kipimo ya chakula,<br />
hasa zaidi vyakula vyenyi kuwa na<br />
mafuta. Akiwa mgonde anapaswa kutumia<br />
chakula (ila kadiri) yenyikua<br />
na vitamini. Paali pakutumia chakula<br />
nyingi kwa mara moja, inapaswa kula<br />
kugawanya chakula iyo kwa sehemu<br />
nne ao tano kwa siku. Yafaa kutumia<br />
chakula kila unapotumia dawa.<br />
Ugonjwa wa kisukari ni tatizo kubwa<br />
la afya. Ila, katika kitabu cha mradi<br />
wa kupunguza umaskini nchini mwetu<br />
wa 2010 (Document de Stratégie<br />
de Réduction de la Pauvreté) haukufikiria<br />
lolote kuusu ugojwa huo. Kutokana<br />
na jinsi ugonjwa huo unawasumbua<br />
watu wengi na hasa zaidi garama<br />
kubwa ambayo inaitajika, serikali na<br />
miungano mengine inapashwa kutoa<br />
msaada kwa wagonjwa hao.<br />
miporomoko ya shamba kadhaa. Hata<br />
chumba cha uukaguzi wa kilimo, uvuvi<br />
na ufugo jimboni hakina namna yoyote<br />
ile kwa kupiganisha hali hiyo. Walimu<br />
wa kilimo hawashurulikiwe vilivyo na<br />
serikali. Walimaji hawafwate shauri za<br />
walimu hao. Barabara zenyi kuelekea<br />
mashambani hazikarabatiwe. Usalama<br />
mdogo unafanya walimaji kukimbia<br />
makani yao. Viwanda vya kugeuza mazao<br />
ya shamba vimeachwa na kuharibika.<br />
Sababu nyingine ni kwamba watu<br />
wengi hasa vijana wanajihusisha tu na<br />
kazi za uchimbaji wa madini.<br />
Kwa wakati huu unafanyika kwa kubadilishana<br />
bidhaa. Wakaaji wa Kivu<br />
ya Kusini wanapaswa kupiganisha ali<br />
iyo mbaya ya kutegemea tu kwa nji jirani<br />
ya Rwanda. Wanapaswa kujiweka<br />
kazini kwa kuinua uchumi wa jimbo na<br />
kupiganisha njaa. Katika ayo yote, ni<br />
wakaaji wa Rwanda ndiyo wanafaidika.<br />
Serikali nayo inaitajika kuweka mbinu<br />
zakuinuwa mazao wa jimbo. Inabidi kutafuta<br />
suluhisho kwa kisa izo zote tulizo<br />
zitaja hapo juu.<br />
Vitumbua, mkate, sombe, tomate,<br />
mihogo, mahindi, bishogolo, nyanya,<br />
kabeji (chou), manjegee, pilipili, viazi,<br />
nyama, mayayi, lengalenga, karoti,<br />
ndimu, chungwa, ndizi, birayi, unga wa<br />
muhogo, unga wa mahindi, maziwa,<br />
kalanga, mapera na vingine vyakula<br />
vingi vinavyo tumiwa sana katika<br />
malisho ya kila siku mjini Bukavu.
12<br />
Societe <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Après Chebeya<br />
Si Mukwege mourrait ?<br />
J’admire le docteur Denis Mukwege. Cette admiration<br />
s’inscrit dans le cadre de son action salvatrice à l’égard<br />
des femmes en difficulté ou rencontrant des problèmes<br />
de santé, qu’elles aient été violées ou pas. Gynécologue<br />
et pasteur d’église en même temps, il sait remettre ses<br />
patientes dans une attitude de confiance en elles-mêmes<br />
et de foi en leur Créateur avant toute intervention.<br />
Vivant à Bukavu, née et<br />
grandie comme les garçons<br />
et filles BK entendez<br />
«les vrais natifs» de Bukavu<br />
; je suis parmi ces rares femmes de<br />
cette ville qui n’ont jamais été consultées<br />
auprès du Dr Denis Mukwege. Je<br />
l’observe bien de loin, j’entends des témoignages<br />
sur lui, sur ses prouesses, je<br />
suis ses déclarations de plus près, c’est<br />
une vraie Excellence…<br />
A qui profiterait son assassinat<br />
?<br />
<strong>Le</strong>s hypothèses sont légion. A Bukavu,<br />
ils sont nombreux à accuser<br />
de mutins du M23 qui en profiterait<br />
pour démontrer que le gouvernement<br />
congolais ne protège pas ses citoyens.<br />
Mais oserait-il une pareille opération<br />
aisément dans le quartier «huppé» de<br />
Muhumba à 19h00 et cela à quelques<br />
centaines de mètres du quartier général<br />
de la Monusco ?<br />
D’autres parlent du gouvernement<br />
qui serait dérangé par les discours de<br />
Mukwege. Mais quel intérêt aurait le<br />
gouvernement de créer un Chebeya 2<br />
alors que ce cas et tant d’autres sont<br />
déjà difficiles à gérer.<br />
Pour beaucoup, la mort par assassinat<br />
de cette sommité sociale ajouterait<br />
une goutte qui ferait déborder le vase<br />
après les assassinats des évêques, prêtres,<br />
religieuses, journalistes, hommes<br />
d’affaires, avocats et autres défenseurs<br />
des droits de l’homme sans oublier des<br />
paisibles citoyens.<br />
S’il s’avérait vrai que le gouvernement<br />
agirait comme «Hérodiade»,<br />
dans la Bible en demandant la tête de<br />
Mukwege, on assisterait à une traitrise<br />
sans nom de la part des dirigeants.<br />
<strong>Le</strong> Rwanda n’est pas en reste. Pour<br />
beaucoup de résistants et dénonciateurs<br />
des velléités du Rwanda, ce dernier<br />
n’hésiterait pas à cibler cet homme apprécié<br />
sur toutes les tribunes où il prend<br />
langue. Mais comment ses bourreaux<br />
arriveraient-ils à traverser la frontière<br />
au moment où tous les signaux sont au<br />
rouge à Bukavu tout comme à Goma?<br />
Si toutes les preuves mettaient en clair<br />
la responsabilité du Rwanda, le monde<br />
assisterait à un film de vengeance où le<br />
dernier combat se passe dans le camp<br />
de l’ennemi (le Rwanda). On assisterait<br />
à un état sauvage avec comme conséquences,<br />
le déclic psychologique et<br />
morale. Cet homme congolais qu’on a<br />
toujours présenté comme craignant du<br />
sang s’en abreuverait à satiété. Il faut<br />
savoir jauger l’état d’âme. Celui des Kivutiens<br />
est au rouge. Il suffit d’un rien<br />
pour que le volcan explose.<br />
D’autres hypothèses font état des<br />
«Finders», ces bandits de Bukavu, qui<br />
seraient utilisés par des ennemis professionnels<br />
de Mukwege et qui lui reprocheraient<br />
de leur voler la vedette.<br />
<strong>Le</strong>s finders ou hommes armés non<br />
autrement identifiés, se seraient faits<br />
démasquer ce jour là. <strong>Le</strong> sang d’un<br />
innocent très populaire à l’étranger<br />
comme à Bukavu en toute simplicité,<br />
crierait vengeance. Ce serait le jour de<br />
la remise de l’ordre dans la ville par ses<br />
propres habitants.<br />
Quelques personnes parlent également<br />
d’un montage propre à Mukwege.<br />
N’importe quoi !<br />
Imaginons Bukavu la matinée du<br />
26 octobre 2012 si l’assassinat de<br />
Mukwege y advenait. La solidarité entre<br />
«femmes» serait au zénith car pour<br />
beaucoup, Denis Mukwege est un véritable<br />
ami des femmes qui serait mort<br />
en martyr.<br />
Qui peut oser mesurer l’ampleur des<br />
dégâts et leurs limites ? <strong>Le</strong> pire a été<br />
évité par la providence. Si l’imprévisible<br />
arrivait ce jour là, la communauté<br />
internationale se complairait à citer<br />
et à analyser les effets collatéraux. Un<br />
point c’est tout. Elle répondra devant<br />
l’histoire du silence sur nombreux forfait<br />
à l’Est de la Rdc.<br />
Une tentative d’assassinat comme<br />
celle-ci doit amener chaque personnalité<br />
à préparer la relève. La société doit<br />
s’interroger sur la disparition lente et<br />
sûre du dialogue qui a toujours caractérisé<br />
l’homme africain. Où est donc<br />
passé l’arbre à palabre ? Pourquoi recourir<br />
désormais aux armes ?<br />
Ecce homo: Docteur Mukwege<br />
Denis Mukwege a-t-il volé cette<br />
gloire ?<br />
Sauveur des femmes déchirées par<br />
la méchanceté des détenteurs d’armes<br />
qui «utilisent les corps des femmes<br />
comme un champ de bataille» comme<br />
il ne cesse de le dire lui-même, réparateur<br />
des fistules, il redonne la joie de<br />
vivre à plusieurs d’entre elles. L’une<br />
s’enthousiasmait en ces termes: «Au<br />
moment où je commençais à puer<br />
quand bien même je pouvais me laver<br />
dix fois par jour, je remarquais que de<br />
plus en plus les gens s’éloignaient de<br />
moi…Mukwege, lui, s’est rapproché de<br />
moi, il m’a rassuré, il m’a opérée trois<br />
fois, maintenant, je suis redevenue une<br />
femme, capable de me tenir debout<br />
près d’autres femmes, sans complexe,<br />
je suis partie de mon village où j’avais<br />
été violée pour l’hôpital de Panzi… »<br />
A cette fierté retrouvée s’ajoute la satisfaction<br />
de reprendre goût à la vie.<br />
«Aujourd’hui, j’ai un chez-moi à Mulengeza<br />
non loin de l’hôpital… je fais<br />
un petit commerce et je nourris ma famille…<br />
Moi qui étais morte, je suis vivante<br />
» <strong>Le</strong>s larmes coulent de ses yeux.<br />
Elle s’arrête un peu pour se concentrer<br />
puis reprend le souffle et s’écrie d’une<br />
voix forte comme si le médecin était<br />
devant elle : «Mukwege, olame nka<br />
nyanja» Ce qui signifie, Mukwege, vit<br />
longtemps comme une mer.<br />
Dr Denis Mukwege, spécialiste en<br />
gynéco-obstétrique, est cet homme<br />
qui se retrouve au chevet des femmes<br />
violées au moment où leur nombre<br />
s’accroit avec la guerre qui sévit à l’Est<br />
du Congo. Formé en tant que tel pour<br />
réparer les dégâts survenus au niveau<br />
de l’appareil génital de la femme après<br />
soit un accouchement non assisté soit<br />
un rapport sexuel violent, le plus souvent,<br />
il se verra en train de réparer des<br />
vrais problèmes gynécologiques survenus<br />
après viol, ces relations sexuelles<br />
qui se font sur des femmes sans leur<br />
consentement, les prédisposant ainsi à<br />
des déchirures féroces.<br />
Photo: Crédit libre<br />
Réparateur des fistules ?<br />
Selon un reportage suivi sur une<br />
chaine locale de Bukavu il y a deux<br />
ans, Mukwege n’a jamais été heureux<br />
de toujours réparer des fistules liées<br />
au viol. Ce n’est pas cela son job mais<br />
sa formation l’y prédisposait. <strong>Le</strong> temps<br />
et les circonstances ont concouru à ce<br />
qu’il soit présent à l’Est du Congo au<br />
moment où ce désastre s’abat sur les<br />
femmes majoritairement rurales.<br />
Un homme qui s’interroge et<br />
qui interpelle<br />
Devant le Vice premier ministre et<br />
ministre des affaires étrangères Belge,<br />
Didier Reynders en visite à l’hôpital de<br />
Panzi en septembre dernier, il s’est irrité<br />
: «Combien d’années devrons-nous<br />
encore supporter ce supplice ? »<br />
A la tribune des Nations unies le<br />
25 septembre dernier, Mukwege s’est<br />
exprimé fortement : «J’aurais voulu<br />
dire ‘j’ai l’honneur de représenter mon<br />
pays’, mais je ne peux pas non plus. En<br />
effet, comment être fier d’appartenir<br />
à une nation sans défense ; livrée à<br />
elle-même; pillée de toute part et impuissante<br />
devant cinq cents mille de<br />
ses filles violées ; 6 millions de morts<br />
de ses fils et filles pendant 16 ans sans<br />
qu’il y aucune perspective de solution<br />
durable. Non, je n’ai ni l’honneur ni le<br />
privilège d’être là ce jour. Mon cœur<br />
est lourd.»<br />
«Mon honneur, c’est d’accompagner<br />
ces femmes victimes de violence; ces<br />
femmes qui résistent, ces femmes qui<br />
malgré tout restent débout»<br />
Mukwege est ce médecin congolais<br />
qui sait profiter des événements qui<br />
sont organisés en son honneur pour<br />
répercuter le désarroi des victimes de<br />
violences. Encensé par plusieurs distinctions<br />
à son doctorat Honoris causa<br />
en passant par des nombreux prix<br />
au niveau international dont celui de<br />
la Fondation Roi Baudouin en 2011,<br />
le prix Olof Palme, le prix Jean Rey,<br />
le prix …., le prix…., son nom est cité<br />
aujourd’hui pour les potentiels prix<br />
Nobel.<br />
Solange Lusiku
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Femmes de l’ombre<br />
Elles cassent les pierres<br />
et se cassent les reins<br />
<strong>Le</strong> mal permanent de dos, les mains<br />
douloureusement cailleuses, une longue<br />
distance à parcourir avant et après le<br />
travail sur des chemins sinueux surtout<br />
quand il a plu et avec un enfant attaché<br />
sur le dos, vivre avec moins de 1$ par<br />
jour et nourrir une famille de plus de<br />
10 personnes… Tel est le quotidien<br />
des femmes qui cassent les pierres<br />
dans les carrières de Bukavu. Elles<br />
sont méconnues et oubliées mais elles<br />
demeurent les chevilles ouvrières à la<br />
source des grosses villas qui poussent<br />
comme des champignons dans la ville de<br />
Bukavu. Reportage et découverte...<br />
Nous sommes un jour du<br />
mois d’octobre 2012 dans<br />
la ville de Bukavu. Cela fait<br />
deux ans que la marche<br />
mondiale des femmes a eu lieu. Nous<br />
nous rendons à la Division du genre<br />
femme famille et enfant. A l’entrée,<br />
nous sommes attirés par un tableau<br />
reprenant toutes les associations locales<br />
partenaires de la division. Sur<br />
50 associations intervenant dans la<br />
lutte contre les violences sexuelles,<br />
dans l’agriculture et autres, aucune ne<br />
s’intéresse à la situation des femmes<br />
casseuses des pierres, cette autre catégorie<br />
de femmes indigentes, nécessiteuses,<br />
affamées et par-dessus tout<br />
oubliées. Pourtant, elles sont présentes<br />
et actives dans la recherche du pain<br />
quotidien dans les carrières des pierres<br />
de la Brasserie, Hongo …Ces femmes<br />
sont dans l’ombre parce que les autres<br />
Regroupement des femmes casseuses des pierres de la place Brasserie Bukavu<br />
Pour tenter de nourrir sa famille, elle casse les pierres à Bukavu<br />
femmes d’ONG qui se disent oeuvrer<br />
pour les droits de la femme refusent de<br />
les voir car leur misère n’est pas facile<br />
à vendre auprès des bailleurs des fonds<br />
comme les sont les violences faites aux<br />
femmes, un domaine d’intervention<br />
qu’on retrouve aujourd’hui dans plus<br />
de 99% d’associations des femmes. La<br />
misère des casseuses des pierres ne<br />
saurait vite enrichirles Ongs.<br />
Avec six cent francs congolais, je<br />
ne saurai même pas acheter un «namaha<br />
1 » se lamente M’Bisimwa, une<br />
dame qui n’est pas parvenu à remplir<br />
un fut de pierres concassées et le vendre<br />
à un dollar.<br />
<strong>Le</strong>s hommes déterrent des grosses<br />
pierres à l’aide des barres à mines<br />
avant de les casser en partie consistantes<br />
que les constructeurs utilisent<br />
pour les fondations des immeubles. Du<br />
matin au soir, une trentaine de femmes<br />
passent leurs journées dans la carrière<br />
de la Brasserie où elles mènent leur<br />
activité quotidiennes. Elles montent<br />
sur la colline pour acheter des miettes<br />
des pierres auprès des hommes.<br />
Elles les rangent dans des sacs à linge<br />
avant de les transporter sur leurs dos<br />
jusqu’aux pieds de la montagne où elles<br />
se rangent pour les casser en petits<br />
morceaux appelés concassés servant<br />
à couler les dalles, les ceintures, les<br />
piliers des maisons, et même dans la<br />
construction des routes. Au cours de la<br />
descente, il leur arrive souvent de tomber<br />
et de se blesser avec ces pierres qui<br />
tombent du sac.<br />
Calvaire<br />
Elles ont des blessures qu’elles ne<br />
savent pas faire soigner, plusieurs de<br />
leurs ongles n’existent plus ou presque<br />
plus sur des doigts accidentés. Au tou-<br />
Societe<br />
13<br />
cher, leurs dos sont envahis par des<br />
taches noires et dures comme une carapace<br />
de tortue. Elles ne cessent de se<br />
lamenter de douleurs généralisées.<br />
<strong>Le</strong>urs maris sont soit décédés soit<br />
porteurs au Beach Muhanzi communément<br />
appelé Mashinji soit des sans<br />
emploi. Plusieurs d’entre eux, restent<br />
à la maison jouer au sombi attendant<br />
l’arrivée de l’épouse partie pour chercher<br />
de quoi survivre. «Si je traine soit<br />
à cause de la pluie car ça glisse énormément<br />
sur la montée vers Kasha, soit<br />
pour avoir été incapable de répartir la<br />
somme modique du jour en farine, légume,<br />
braises, sel, huile etc, soit par<br />
la fatigue de la dure journée, je rencontre<br />
mon mari furieux déjà au lit.<br />
Lorsque la nourriture est prête, je dois<br />
le réveiller à mes risques et périls» regrette<br />
en marmonnant mama Nabintu<br />
, âgée d’environ quarante mais qui<br />
ressemble déjà une sexagénaire.<br />
Cibalonza, elle, souffre maintenant<br />
d’hémorroïde à cause de ce labeur.<br />
Elle explique : « il m’arrive souvent<br />
de marcher comme une tortue à<br />
cause des douleurs. Je ne sais pas<br />
aller vite mais mon mari ne cesse<br />
de se plaindre que mes rentrées<br />
tardives sont des agendas cachés<br />
pour lui. Pour me punir souvent, il<br />
attend le moment du manger pour<br />
commencer à tonner sur moi. Si j’ose<br />
répliquer quolibets, des frappes s’en<br />
mêlent devant nos enfants, alors je<br />
n’ose pas riposter »<br />
Pour nombreuses de ces femmes, la<br />
vie n’a plus de sens. Elles aimeraient<br />
trouver une alternative à leur travail<br />
ou œuvrer dans des conditions humaines.<br />
Déjà, elles ont eu l’ingénieuse idée<br />
de se regrouper e association afin de<br />
mieux se faire comprendre et se faire<br />
valoir. Qui entendra leur cri de détresse<br />
?<br />
Solange Lusiku
14 Santeé<br />
Maladie silencieuse<br />
Comment vivre avec le diabète<br />
Ces cinq dernières années, les centres de<br />
santé qui assurent le suivi des malades<br />
de diabète enregistrent un accroissement<br />
du nombre de cas dans la ville de Bukavu.<br />
L’augmentation des cas d’hospitalisation et<br />
de décès dus à cette maladie est également<br />
constatée. <strong>Le</strong>s malades et les spécialistes<br />
ont livré leurs expériences et conseils.<br />
Reportage.<br />
<strong>Le</strong>s centres de santé qui font le<br />
suivi des malades de diabète<br />
enregistrent une augmentation<br />
de diabète. <strong>Le</strong> centre de<br />
santé diocésain de Muhungu en commune<br />
d’Ibanda connaît cette situation.<br />
Selon les rapports de ce centre, le nombre<br />
de diabétiques est passé de 99 en<br />
2011 à 168 en juin 2012. Déjà pendant<br />
les six premiers mois de l’année 2012,<br />
quatre cas de décès et 18 cas d’hospitalisation<br />
ont été comptés.<br />
Abel Ciza, Responsable de suivi du<br />
programme diabète au Sud-Kivu et<br />
chercheur en diabétologie a donné<br />
quelques précisions. Il a rapporté qu’en<br />
2010, sur les 39 zones de santé que<br />
compte la province du Sud-Kivu, 18<br />
seulement ont intégré le diabète comme<br />
programme. Ces dernières ont enregistré<br />
2440 diabétiques suivis. <strong>Le</strong> rapport<br />
de l’Inspection provinciale de la santé<br />
montre l’ampleur que cette maladie est<br />
en train de prendre. En 2006, 30% de<br />
malades ont été admis dans le service<br />
de médecine interne à l’Hôpital Provincial<br />
de Référence de Bukavu pour l’hypertension<br />
et le diabète.<br />
<strong>Le</strong> diabète peut-il guérir ?<br />
Actuellement, il n’existe pas encore<br />
un médicament pour guérir le diabète.<br />
Lorsqu’on est atteint par le diabète, on<br />
est obligé de vivre avec.<br />
Dans son ouvrage intitulé Guide pour<br />
le diabétique africain, Jacques L. De<br />
Plaen, professeur aux Cliniques Universitaires<br />
St Pierre de Louvain propose<br />
cinq conseils au diabétique. D’abord, il<br />
faut faire attention, soigner son l’hygiène<br />
corporelle (soin de la peau, attention<br />
aux abcès, soin des plaies, soin des<br />
pieds, soin des dents, exercices physiques<br />
et suppression du tabac ). Ensuite,<br />
le malade doit suivre correctement son<br />
régime. Puis, il doit prendre chaque<br />
jour ses médicaments. En plus, il doit<br />
régulièrement contrôler le sucre contenu<br />
dans ses urines. Enfin, il doit veiller<br />
aux signes d’alarme de sa maladie : ce<br />
qui nécessite la consultation d’un médecin.<br />
Abel Ciza insiste sur le respect du régime<br />
pour mieux vivre avec le diabète.<br />
«L’insuline (injectable), le daonil et le<br />
glucophase sont des médicaments qui<br />
aident le malade à équilibrer le sucre.<br />
Mais, le respect strict du régime est le<br />
premier médicament indispensable. Un<br />
diabétique bien suivi par un médecin ou<br />
un nutritionniste spécialisé en diabète<br />
a plus de chance d’éviter des complications».<br />
Certains diabétiques de Bukavu en pleine séance de conseil<br />
Jacques L. De Plaen note qu’ « il ne<br />
faut pas changer la médication par<br />
soi-même, sans l’avis du médecin ».<br />
La vie avec le diabète coûte cher.<br />
Epanza Komboyo, un diabétique, se<br />
plaint: « il faut passer aux examens<br />
tous les temps, acheter des médicaments,<br />
suivre correctement le régime…<br />
Tout ça demande des moyens. Ce qui<br />
est étonnant est que l’Etat et les organisations<br />
internationales nous oublient.<br />
C’est ça le cri d’alarme que nous lançons<br />
».<br />
Par ailleurs, certains diabétiques attribuent<br />
des origines sataniques à leur<br />
maladie et croient qu’ils peuvent être<br />
guéris. Mazambi Ilunga, Vice-président<br />
de l’Association des diabétiques du<br />
Sud-Kivu (ADSKI) et président des diabétiques<br />
au centre de santé diocésain<br />
de Muhungu explique : « certains malades<br />
se rendent massivement en Tanzanie<br />
et au Kenya pour se faire guérir<br />
le diabète. Dans mon centre, par exemple,<br />
deux malades y étaient allés. Là, ils<br />
étaient enfermés dans la chambre de<br />
prière à longueur des journées. Puis,<br />
on les avait donné une petite quantité<br />
d’eau « bénite» pour faire disparaître<br />
le diabète dans leurs organismes. Mais<br />
de leur retour à Bukavu, ils ont piqué<br />
des crises graves. D’ailleurs, un en est<br />
inopinément mort. Vraiment ce sont<br />
des fausses croyances».<br />
Nécessaire respect du régime<br />
<strong>Le</strong> diabétique doit équilibrer ses repas<br />
en fonction de son poids, sa taille,<br />
son âge et son genre de vie. Il doit suivre<br />
les conseils du médecin dans la<br />
prise du repas. En fait, le diabétique<br />
doit savoir que s’il est gros : il faut réduire<br />
la quantité totale de nourriture et<br />
surtout les graisses. S’il est maigre : il<br />
faut une quantité équilibrée des trois<br />
aliments [les aliments qui contiennent<br />
du sucre ou des graisses ou des protéines].Plus<br />
les vitamines. Et Jacques L.<br />
De Plaen de conseiller la suppression<br />
de gros repas pour les remplacer par<br />
quatre ou cinq petits repas par jours<br />
dont l’importance dépend du poids du<br />
malade . Il est conseillé de prendre le<br />
repas à chaque prise de médicament<br />
pour éviter le risque de tomber dans la<br />
crise.<br />
En pleine séance de conseils aux malades,<br />
Mazambi Ilunga a martelé que<br />
«lorsqu’un diabétique consomme les<br />
aliments déconseillés, le goût ne change<br />
pas et ça ne cause pas des troubles dans<br />
le ventre. Mais les effets se ressentent,<br />
après, dans l’organisme ». Il regrette le<br />
comportement des diabétiques jeunes<br />
quant au respect des conseils. « Ils ne<br />
respectent pas le régime. Ils continuent<br />
à prendre les aliments et les boissons<br />
déconseillés. Et, nombreux jeunes<br />
ignorent leur état de santé. Ils ne veulent<br />
pas passer aux contrôles même<br />
si les symptômes se manifestent dans<br />
leurs organismes. C’est pourquoi leur<br />
diabète est très brutal. Ils connaissent<br />
souvent des crises graves ».<br />
<strong>Le</strong> diabète constitue un problème de<br />
santé publique. Néanmoins, le Document<br />
de Stratégie de Réduction de la<br />
Pauvreté (DSRP) élaboré en 2010 ne<br />
fait pas mention de cette maladie dans<br />
la liste des maladies retenues comme<br />
prioritaires. Etant donné la recrudescence<br />
de cette maladie et surtout le coût<br />
de vie élevé qu’elle impose aux malades<br />
et à leurs familles, la prise en charge<br />
de cette maladie est indispensable et<br />
urgente. <strong>Le</strong> diabète doit être considéré<br />
au même titre que d’autres maladies<br />
chroniques telles que le Syndrome d’<br />
Immuno Déficiente Acquise (SIDA) et<br />
la tuberculose dont la prise en charge<br />
est assurée.<br />
Sylvain-Dominique Akilimali<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
En savoir plus<br />
<strong>Le</strong> diabète est une maladie chronique<br />
caractérisée par un taux de<br />
sucre dans le sang (glycémie) trop<br />
élevé et le passage du sucre dans les<br />
urines. D’où l’appellation de «diabète<br />
sucré». Cette maladie se manifeste<br />
généralement par une soif excessive,<br />
l’envie fréquente d’uriner et la fatigue<br />
(l’asthénie).<br />
<strong>Le</strong>s types de diabète<br />
<strong>Le</strong> diabète du type 1 : qui résulte<br />
d’une destruction sélective de cellule<br />
B du pancréas. Généralement, la maladie<br />
apparaît de manière soudaine, en<br />
quelques jours ou quelques semaines<br />
chez les enfants et les adultes de<br />
moins de 40 ans.<br />
<strong>Le</strong> diabète du type 2 : cette<br />
forme de diabète apparaît généralement<br />
chez les adultes de plus de 40<br />
ans. Ce diabète se développe progressivement<br />
et passe souvent inaperçue<br />
pendant plusieurs années par manque<br />
de symptômes.<br />
<strong>Le</strong> diabète de grossesse ou<br />
diabète gestationnel : apparaît<br />
suite à des changements hormonaux<br />
durant la grossesse. Ce type de diabète<br />
disparaît à la fin de la grossesse. <strong>Le</strong>s<br />
femmes enceintes souffrant de cette<br />
maladie ont le risque accru de développer,<br />
plus tard, le diabète du type 2.<br />
Ce genre de femme met au monde un<br />
gros bébé de plus de 4 kg.<br />
<strong>Le</strong> diabète secondaire : est<br />
causé par des problèmes pancréatiques<br />
(maladie ou opération sur le<br />
pancréas) ou par l’usage abusif de<br />
certains médicaments comme le corticoïde,<br />
certains antirétroviraux,… Il est<br />
plus fréquent chez les personnes de<br />
plus de 70 ans.
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Bukavu<br />
Dangers des constructions<br />
anarchiques<br />
Un mauvais exemple des constructions à Bukavu<br />
L’avalanche de maisons sur des sites impropres à la<br />
construction dans la ville de Bukavu conduit à l’érosion des<br />
sols. <strong>Le</strong>s maisons construites s’écroulent et causent des<br />
dégâts non négligeables. A certains endroits tels que la colline<br />
Maendeleo et quartier Nkafu dans la commune de Kadutu, le<br />
danger est plus visible. Des failles ou des ravins menacent des<br />
espaces tels qu’ITFM, ISTM, Lycée Wima.<br />
<strong>Le</strong> terme « constructions anarchiques<br />
» est une pratique<br />
longtemps interdite par les<br />
autorités congolaises. Une application<br />
qui se manifeste toujours comme<br />
difficile à observer par la majorité de<br />
la population dans la ville de Bukavu.<br />
Etant devenue une habitude incontournable,<br />
l’anarchie prend de l’élan sur la<br />
colline Maendeleo situé dans la commune<br />
de Kadutu, jadis couverte par une<br />
végétation arbustive. Pourtant, ce site<br />
est considéré par les géologues comme<br />
dangereux pour la construction.<br />
Pourquoi l’anarchie à Bukavu ?<br />
<strong>Le</strong> problème de l’anarchie, à Bukavu,<br />
débute par les désordres de vente de parcelles<br />
à n’importe quel endroit. <strong>Le</strong>s terrains<br />
de football, de basketball, de cercle<br />
hippique, des cimetières sont devenus<br />
propriétés des nantis. <strong>Le</strong>s maisons sont<br />
dressées sur des infrastructures publiques:<br />
des égouts, des câbles électriques,<br />
des tuyaux d’eau, alors que ces endroits<br />
devraient être protégés par l’Etat congolais<br />
et la population. Curieusement, des<br />
habitants expliquent qu’ils obtiennent<br />
ces parcelles auprès de l’Etat. Surtout sur<br />
la colline Maendeleo (la colline du Lycée<br />
Wima) et le quartier Nkafu (quartier de<br />
l’Hôpital Général). «L’occupation de ces<br />
sites a débuté vers la fin des années 80,<br />
avec l’autorisation de l’Etat qui était le<br />
premier à vendre ces terrains de la ville<br />
de Bukavu», avoue Rigobert Birembano,<br />
géologue et chef des travaux à l’Ins-<br />
titut Supérieur Pédagogique de Bukavu<br />
(ISP). L’Etat lui-même reconnaît que<br />
ce problème d’anarchie l’engage également.<br />
«L’Etat y est pour beaucoup, car<br />
il ne fait pas de lotissement en dehors<br />
de la ville», articule Grégoire Mihinganyo,<br />
chef de Bureau du domaine foncier<br />
et immobilier à Bukavu. En même<br />
temps, il est sans ignorer le risque de<br />
cette colline. «La colline Maendeleo est<br />
un endroit non edificandi, c’est-à-dire<br />
impropre à la construction», affirme<br />
Luc Lwaboshi, chef de bureau chargé<br />
de l’étude de planification à la division<br />
de l’habitat. Cependant, cette multitude<br />
de maisons présentes sur cette colline,<br />
semble aujourd’hui laisser les autorités<br />
indifférentes. Un endroit de protection<br />
de deux grands quartiers de Kadutu :<br />
Chimpunda et Mosala (Funu, Buholo)<br />
qui perdent leur beauté du jour au lendemain.<br />
A l’époque coloniale, la colline<br />
Maendeleo était fortement conservée<br />
avec ses arbres, puisqu’elle était le pilier<br />
anti-érosif. Parmi les maisons qui se<br />
trouvent sur cette colline, certaines sont<br />
en terre, en bois, en bambou et d’autres<br />
en briques dures et en étage. Ces maisons<br />
sont séparées de près de 30 centimètres<br />
seulement. Avant de construire,<br />
les bâtisseurs creusent jusqu’à aboutir à<br />
un espace plat. En creusant, ils coupent<br />
les arbres qui sont aux alentours de leur<br />
parcelle. Alors que «les arbres sont une<br />
protection du sol et le solidifient contre<br />
la menace des eaux de pluie et émèchent<br />
les glissements de terre», expli-<br />
que Innocent Bayubasire, de la coordination<br />
provinciale de l’environnement<br />
conservation de la nature au Sud-Kivu.<br />
<strong>Le</strong>s maisons sont toutes érigées selon le<br />
goût du propriétaire sans avoir l’avis de<br />
la division de l’urbanisme. Ainsi, cette<br />
division a, semble-t-il, cessé d’octroyer<br />
l’autorisation de bâtir sur cette colline.<br />
Malgré cette hypothèse, la population se<br />
croit capable d’aller à l’encontre des ordres<br />
de l’Etat. Ainsi, la responsabilité devient<br />
partagée de la part de l’Etat et de la<br />
population. «Beaucoup se débrouillent<br />
tant bien que mal et s’installent sur des<br />
sites impropres à la construction parce<br />
que l’Etat ne fait rien pour décanter cette<br />
situation», démontre Grégoire Mihinganyo.<br />
La cause principale de ce fait réside<br />
au manque d’agrandissement de la<br />
ville et à l’insécurité qui déstabilise et<br />
effraie la population des territoires qui<br />
vient à son corps défendant construire<br />
à Bukavu. Tous les territoires de la province<br />
du Sud-Kivu sont perturbés par<br />
les troubles causées par les bandes armées.<br />
<strong>Le</strong> seul endroit où trouver la paix<br />
c’est Bukavu. <strong>Le</strong>s gens préfèrent y habiter<br />
dans le risque d’un effondrement de<br />
terrain plutôt que dans l’insécurité des<br />
territoires. A ce stade, un questionnement<br />
se dégage : comment solutionner<br />
au plus vite l’anarchie urbanistique ?<br />
Séisme en perspective<br />
Plusieurs facteurs concourent à ce<br />
phénomène. Selon Rigobert Birembano,<br />
«la construction anarchique se présente<br />
lorsqu’on ne respecte pas les normes<br />
architecturales, on occupe tout l’espace<br />
parcellaire ou sans tenir compte de la<br />
« La construction anarchique<br />
se présente lorsqu’on ne<br />
respecte pas les normes<br />
architecturales, on occupe<br />
tout l’espace parcellaire<br />
ou sans tenir compte de la<br />
direction des rayons solaires<br />
devant désinfecter l’intérieur<br />
de la maison»<br />
Rigobert Birembano, Enseignant<br />
Géographe<br />
direction des rayons solaires devant<br />
désinfecter l’intérieur de la maison,<br />
on construit sur le canal de drainage,<br />
sur des pentes argileuses, sur des terrains<br />
avec d’autres vocations, dans des<br />
cimetières,…». Or, sur Maendeleo les<br />
maisons pèsent sur la colline et causent<br />
l’affaissement du sol. D’ailleurs, comme<br />
le soulève Innocent Bayubasire «cette<br />
colline est classée parmi les sites à haut<br />
risque selon les experts. Puisque la<br />
terre est marécageuse et c’est une forte<br />
pente. Ainsi, la pollution se répand.<br />
<strong>Le</strong>s sources d’eau que contient cette<br />
colline sont infectées par les microbes<br />
provenant des fosses septiques qui y<br />
Environnement<br />
15<br />
sont érigées». L’occupation de ce terrain<br />
étant déjà forte, les eaux de pluies<br />
que recueillent les toits de ces maisons<br />
provoquent des éboulements, très dangereux<br />
pour la population. On remarque,<br />
aisément les effets l’évolution de<br />
ces glissements des terrains. <strong>Le</strong> tronçon<br />
Lycée Wima et l’Institut Supérieur de<br />
Développement Rural (ISDR) n’existe<br />
plus. <strong>Le</strong>s maisons au bord de cette route<br />
se sont déjà écroulées. Celles qui restent<br />
sont criblées de fissures. Dans le rapport<br />
sur la catastrophe naturelle du 2 mars<br />
2010 au quartier Nkafu, les chercheurs<br />
du centre Lwiro ont démontré que l’activité<br />
séismique dans le bassin sud du lac<br />
Kivu connait actuellement une nouvelle<br />
recrudescence. Selon eux, «plusieurs<br />
séismes de magnitudes inférieures à<br />
4,1 sont enregistrés régulièrement. La<br />
plupart de ces séismes ont pour épicentre<br />
ou point central la faille de Birava<br />
dans le territoire de Kabare. <strong>Le</strong>s<br />
catastrophes plus redoutables sont à<br />
craindre dans l’immédiat à ce site qui a<br />
été loti bien qu’il ne soit pas approprié<br />
car situé sur le plan d’une faille». Certains<br />
habitants appellent à une mise en<br />
garde de tous les occupants de ces collines.<br />
D’autres suggèrent la démolition<br />
des maisons pour reboiser ces espaces.<br />
Ces habitants craignent l’écroulement<br />
de ces collines à cause de l’invasion de<br />
bâtiments qui s’y manifeste. <strong>Le</strong> véritable<br />
problème réside dans la provocation du<br />
sol. De cela, naissent des érosions qui,<br />
même, emportent les habitations. Pour<br />
les experts, parmi les sortes de tremblement<br />
de terre, il existe celui qu’on<br />
note d’origine artificielle, puisque provenant<br />
de l’exploitation humaine. <strong>Le</strong>s<br />
séismes d’origine artificielle ou de faible<br />
à moyenne magnitude (grandeur)<br />
sont dus à certaines activités humaines<br />
telles que la construction des barrages,<br />
les creusages et les pompages en profondeur,<br />
l’extraction minière, les explosions<br />
souterraines ou nucléaires. A<br />
Bukavu, certains quartiers dont l’urbanisation<br />
est négligée connaissent déjà ce<br />
problème de ravins, fruits des érosions.<br />
<strong>Le</strong>s scientifiques du centre de Lwiro estiment<br />
que «la population en place au<br />
niveau de Maendeleo, de Nkafu et de<br />
Karhale doit être évacuée vers des nouveaux<br />
sites stables. Ces sites doivent<br />
être correctement reboisés afin de réduire<br />
le mouvement accéléré de l’érosion».<br />
Ce qui est à craindre ce sont les<br />
méfaits du séisme qui peuvent encore<br />
une fois survenir à Bukavu. <strong>Le</strong> tremblement<br />
de terre de février 2008 a laissé<br />
un souvenir amer. L’érection des grands<br />
bâtiments dans la ville sur des espaces<br />
impropres à la construction effraie les<br />
experts. D’où leur appel aux politiques<br />
de suivre les suggestions des spécialistes<br />
pour limiter tout dégât matériel et<br />
humain dus à l’absence de vision urbanistique.<br />
La ville de Bukavu peut encore<br />
redevenir Bukavu la verte si tout citoyen<br />
prend conscience du délabrement de ses<br />
sols et agit en conséquence.<br />
Eulalie Mufungizi Z.
16 Economie s<br />
La vie dans nos territoires<br />
Idjwi, l’oubliée<br />
<strong>Le</strong> wilt bactérien détruit les bananeraies<br />
d’Idjwi depuis 2007, sans<br />
aucune réaction du pouvoir public.<br />
La situation alimentaire actuelle<br />
est alarmante car la bactérie prive<br />
les familles de leur aliment de<br />
base et de leur principale source<br />
de revenus. Idjwi doit lutter<br />
aujourd’hui contre un adversaire<br />
de taille : la famine.<br />
Mon arrière-grand-père Jean<br />
Mushengezi est venu de Kalehe<br />
en 1910 pour planter à Idjwi<br />
le premier bananier de l’île,<br />
près de Kashofu. Il baptisa sa descendance<br />
Nyamigomba, ce qui signifie bananeraies en<br />
Swahili. <strong>Le</strong>s bananes nous ont nourris pendant<br />
plus d’un siècle, elles nous ont permis<br />
de nous soigner, d’aller à l’école et même à<br />
l’université. Aujourd’hui, les voisins nous<br />
suggèrent de changer de nom». explique<br />
Sylvain Nyamigomba debout au milieu<br />
d’un gigantesque champ de bananes,<br />
cimetière des plantations de son aïeul.<br />
«On a déraciné ce qui était malade et<br />
il ne reste plus que quelques plantes.<br />
Il y a cinq ans, on avait trois hectares<br />
de bananeraies en parfaite santé». <strong>Le</strong>s<br />
récits de déracinement et de contagion<br />
font désormais partie intégrante du quotidien<br />
des agriculteurs d’Idjwi. À l’instar<br />
de la famille Nyamigomba, ils perdent<br />
espoir et observent impuissants la pauvreté<br />
se glisser dans leurs foyers. Ils ont<br />
cherché à diversifier leurs cultures mais<br />
sans atteindre le succès escompté : <strong>Le</strong><br />
manioc ne produit plus, les ananas sont<br />
essentiellement réservés à l’exportation<br />
et la pêche est actuellement momentanement<br />
interdite aux alentours de l’île.<br />
<strong>Le</strong>s bananes nous ont nourris<br />
pendant plus d’un siècle,<br />
elles nous ont permis de nous<br />
soigner, d’aller à l’école et<br />
même à l’université<br />
La scolarité prioritaire sur la santé<br />
En visite le 24 août à Idjwi, le vicepremier<br />
ministre belge Didier Reynders<br />
a annoncé un investissement de 50 000<br />
euros pour le développement des soins de<br />
santé. Mais qui pourra encore payer une<br />
consultation ? <strong>Le</strong> docteur Léon, médecin<br />
à Monvu constate qu’un nombre crois-<br />
Descendance Nyamigomba, au milieu d’une bananeraie qui ne produit plus<br />
sant de mamans n’ont plus les moyens de<br />
payer l’accouchement. « La faim change<br />
la donne, on enregistre une baisse de la<br />
fréquentation. On s’attend également<br />
à des cas de malnutrition et d’hypoglycémie.<br />
Il faudra que les agronomes<br />
trouvent une solution, rapidement» <strong>Le</strong><br />
docteur Mukopi, Directeur Général de<br />
l’hôpital, s’inquiète pour l’avenir de l’île:<br />
«<strong>Le</strong>s gens préfèrent la scolarisation à la<br />
santé. S’ils s’appauvrissent, ils ne viendront<br />
plus se faire soigner dans un premier<br />
temps et ensuite ils n’iront plus à<br />
l’école».<br />
Seuls face au problème<br />
<strong>Le</strong> manque d’information et d’expertise<br />
sur la bactérie, le Wilt bactérien, cette<br />
maladie qui décime les bananeraies, a<br />
été déterminant dans le processus de<br />
contagion. «Personne n’est venu nous<br />
aider. Devant l’inconnu, on n’a rien pu<br />
faire car on ne connait pas vraiment la<br />
cause de la maladie» déplore Athanase<br />
Mpaka, propriétaire d’une bananeraie<br />
décimée. «Mes 10 enfants sont toujours<br />
à l’école, mais pour combien de temps?<br />
Cela implique beaucoup de sacrifices».<br />
La paralysie politique du gouvernement<br />
provincial face à la situation alimentaire<br />
provoque un mouvement de colère des<br />
citoyens de l’île. «<strong>Le</strong> gouverneur n’est<br />
venu qu’une seule fois ici» déplore un<br />
journaliste local «Il a fallu attendre la<br />
visite d’un ministre belge pour enfin le<br />
voir». Une visite très théâtrale durant<br />
laquelle la délégation belge a apprécié<br />
les paysages paradisiaques de l’île, le<br />
centre de santé de Kihumba et la cuisine<br />
congolaise dans la villa de Bertrand<br />
Bisengimana. Mais jamais il n’a été question<br />
d’aborder le wilt, la pauvreté croissante<br />
et les cas inquiétants de malnutrition.<br />
La visite de la délégation belge et<br />
du gouverneur était en fait une joyeuse<br />
comédie politique, dans laquelle la<br />
famine n’avait pas son rôle à jouer.<br />
Florent Marot<br />
Interview<br />
Grant Bulangashane,<br />
Doctorant en agronomie à l’UCB.<br />
Qu’est-ce que le Wilt ?<br />
<strong>Le</strong> wilt est une maladie bactérienne<br />
qui se manifeste par un<br />
jaunissement des feuilles. Elle est<br />
arrivée à Idjwi via l’importation de<br />
bananes en provenance de Kalehe<br />
et de Minova durant les périodes<br />
creuses. La maladie, très contagieuse,<br />
est d’abord apparue sur<br />
les berges du lac et puis s’est rapidement<br />
propagée sur l’ensemble<br />
des plantations de l’île.<br />
Que fait le pouvoir public<br />
pour régler la situation?<br />
<strong>Le</strong> gouvernement ne fait rien : les<br />
agriculteurs sont pas formés aux<br />
techniques et ne sont pas suivis<br />
par les agronomes. Pire, ceux-ci<br />
taxent les habitants qui craignent<br />
par conséquent de les voir arriver<br />
chez eux. Ils taxent parce qu’ils<br />
ne sont pas bien payés, ils ne<br />
sont même pas reconnus par un<br />
numéro de matricule. Il y a des<br />
détournements dans l’administration<br />
publique et les agronomes<br />
ne perçoivent parfois pas leurs<br />
salaires pendant cinq à dix mois.<br />
Il faut que le secteur agricole soit<br />
soutenu par le pouvoir en place.<br />
Comment éradiquer la<br />
maladie ?<br />
Par la sensibilisation. Une solution<br />
concrète serait la vulgarisation<br />
de l’information via des<br />
structures en place comme les<br />
associations d’agriculteurs. Il faut<br />
qu’on informe sur les techniques<br />
appropriées comme la coupe des<br />
fleurs mâles après la formation<br />
de la dernière main du régime de<br />
bananes. Ce que j’ai aussi<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
constaté, c’est que les symptômes<br />
du wilt sont similaires aux<br />
symptômes d’autres maladies de<br />
bananiers. Une fois constatation,<br />
les agriculteurs devraient arrêter<br />
l’entretien comme le sarclage et<br />
la coupe de feuilles et observer<br />
l’évolution de la maladie pendant<br />
deux mois. Ils vont alors identifier<br />
les bananiers malades, les couper<br />
et les exposer au soleil, fatal pour<br />
la bactérie. La sensibilisation sur<br />
la stérilisation des outils via le feu<br />
ou l’eau de javel est primordiale,<br />
tout comme l’interdiction de la<br />
libre circulation des animaux dans<br />
les bananeraies.<br />
Est-il trop tard pour Idjwi?<br />
Non, c’est possible de cultiver<br />
des bananiers sains tout en éliminant<br />
les malades. S’il n’y a pas<br />
de contact, cela reprendra. C’est<br />
comme le SIDA, deux personnes<br />
peuvent vivre ensemble : tant qu’il<br />
n’y a pas de contact de sang, il n’y<br />
a pas de contagion. Mais il faudra<br />
imaginer des replantes complètes<br />
où tout a déjà été détruit. Après<br />
avoir été informés, les villageois<br />
devront instaurer une surveillance<br />
mutuelle entre eux et organiser<br />
des groupes de suivi pour respecter<br />
les règles : si quelqu’un laisse<br />
circuler des animaux dans ses<br />
plantations ou ne coupe pas la<br />
fleur mâle à temps, il sera sanctionné.<br />
Mais cela nécessite aussi<br />
une implication du pouvoir public.
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Sud-Kivu: l’agriculture tourne au ralenti<br />
Depuis la rébellion du Rassemblement<br />
Congolais pour<br />
la Démocratie, la frontière<br />
entre le Congo et le Rwanda<br />
est devenue de plus en plus poreuse.<br />
Chaque jour, de 6 heures du matin à 18<br />
heures, des personnes s’amassent en<br />
file indienne devant le bureau de la Direction<br />
Générale de Migration (DGM)<br />
aux douanes Ruzizi I et Ruzizi II, à Bukavu.<br />
Il s’agit, surtout des femmes, de<br />
jeunes filles et garçons qui attendent<br />
des jetons de passage. Où vont-ils? A<br />
Cyangugu et Kamembe, dans la province<br />
Ouest du Rwanda, à la frontière avec<br />
le Congo. Ils s’y rendent pour s’approvisionner<br />
en produits de première nécessité.<br />
A leur retour, ils amènent des<br />
bassins ou des sacs remplis de farine,<br />
de riz, de viande, de beignets, de poules<br />
et la liste pourrait continuer 1 . Grand<br />
nombre de Bukaviens soutiennent que<br />
c’est au Rwanda que les produits sont<br />
vendus aux prix les plus abordables.<br />
Marie-Immaculée Ntakwinja, une vendeuse<br />
de farine de manioc déclare: «la<br />
multiplicité des taxes ne permet plus<br />
que nous achetions les produits de<br />
notre pays. Ces taxes entraînent des<br />
hausses de prix, ce qui fait qu’on ne<br />
vend pas. <strong>Le</strong>s acheteurs cherchent toujours<br />
des produits moins chers et cela<br />
conduit à des pertes considérables».<br />
Une situation qui décourage la plupart<br />
de vendeurs de s’approvisionner en<br />
produits congolais.<br />
Quelle économie pour Sud-Kivu ?<br />
Chaque fois que le Rwanda ferme momentanément<br />
ses frontières pour une<br />
raison ou pour une autre, les femmes<br />
s’entassent impatiemment aux postes<br />
frontaliers pour attendre la réouverture.<br />
Ces jours-là, de nombreuses familles<br />
passent une nuit blanche là-bas,<br />
et certains petits marchés sont quasivides,<br />
plusieurs «mamans vendeuses»<br />
se retrouvant ainsi au «chômage technique».<br />
Lorsque la frontière est fermée<br />
au Rwanda, les prix explosent en RDC.<br />
De l’autre côté, au Rwanda, la production<br />
agro-pastorale est bien organisée.<br />
<strong>Le</strong>s Rwandais importent rarement les<br />
produits de la RDC. Tout produit traversant<br />
la frontière est durement taxé<br />
sinon il est considéré comme frauduleux.<br />
Auparavant, pourtant, certaines cultures<br />
-comme le manioc, la tomate- produites<br />
au Nord et au Sud-Kivu étaient<br />
commercialisées au Rwanda.<br />
Deux vendeuses avec des bassins de<br />
pains sur la tête, au niveau de la douane<br />
Ruzizi II témoignent : «Nous sommes<br />
très gênées d’aller nous approvisionner<br />
au Rwanda. Il est arrivé que des<br />
douaniers congolais jettent même nos<br />
beignets et nos pains dans la rivière<br />
Ruzizi ou nous détiennent pendant un<br />
temps pour nous décourager d’aller<br />
au Rwanda. De plus, certains clients<br />
refusent d’acheter les produits du<br />
Rwanda. Mais nous, nous n’avons pas<br />
le choix. La vie est difficile en RDC».<br />
Ces vendeuses condamnent la politique<br />
commerciale de certaines entreprises<br />
alimentaires de Bukavu. «Nous<br />
ne gagnons pas beaucoup, mais, ça<br />
nous permet quand même de survivre.<br />
L’avantage, c’est que nous ne payons<br />
aucun droit de douane. L’entrepreneur<br />
rwandais ne recherche pas trop<br />
de profits. Il vise surtout à accroître sa<br />
clientèle. C’est pourquoi il vend à un<br />
prix intéressant. Mais, l’entrepreneur<br />
alimentaire congolais, lui, cherche à<br />
gagner excessivement. Il ne tient pas<br />
compte du pouvoir d’achat des habitants.<br />
Par contre, au Rwanda on tient<br />
compte des classes défavorisées. Il y a,<br />
par exemple, du pain à 50 Francs, ce<br />
qu’on ne peut plus trouver dans notre<br />
pays ».<br />
La main d’œuvre ne manque pas<br />
pour la fabrication de certains produits<br />
alimentaires à Bukavu. De nombreux<br />
congolais travaillent dans les entreprises<br />
alimentaires (boulangerie, pâtisserie,<br />
fabricants de beignets, etc.) rwandaises.<br />
Une réorganisation des unités<br />
de production alimentaire offrirait<br />
un surplus de travail et attirerait les<br />
Congolais partis travailler au Rwanda.<br />
«Si nous avions aussi des dépôts bien<br />
organisés à Bukavu, nous pourrions<br />
nous approvisionner ici même » opine<br />
un vendeur des beignets au marché de<br />
Nyawera. Manu Songa, marchand de<br />
viande de porc, également à Nyawera,<br />
regrette qu’il n’existe pas de ferme<br />
d’élevage de porcs crédible au Sud-<br />
Kivu. Il dénonce la cherté des produits<br />
congolais : «Même les porcs qui sont<br />
vendus au port de Mashinji proviennent<br />
du Rwanda. Et si un tel élevage<br />
pouvait exister chez nous c’est sûr que<br />
cette marchandise serait chère…».<br />
<strong>Le</strong>s produits importés du Rwanda<br />
ne sont soumis à aucun contrôle pour<br />
tester leur état. Ils sont consommés dès<br />
que les vendeurs font traverser leurs<br />
marchandises.<br />
<strong>Le</strong>s facteurs de la régression de<br />
la production<br />
A l’indépendance et peu de temps<br />
après, le Congo était pourtant le plus<br />
grand fournisseur des produits agricoles<br />
en Afrique Centrale. La phrase<br />
introductive du rapport annuel 1976<br />
de la Division de l’Agriculture/ Région<br />
du Kivu souligne que « la situation<br />
agricole de la République du Zaϊre<br />
Economie s<br />
<strong>Le</strong>s produits vivriers rwandais<br />
font la soudure<br />
<strong>Le</strong>s transactions économiques<br />
s’intensifient entre la population<br />
de Bukavu et celle de Cyangugu<br />
et de Kamembe (au Rwanda). <strong>Le</strong>s<br />
Bukaviens vont massivement<br />
s’approvisionner en produits de<br />
première nécessité au Rwanda.<br />
Cette dépendance s’explique par la<br />
baisse de la production alimentaire<br />
au Sud-Kivu. Plusieurs facteurs<br />
sont à la base de cette régression.<br />
<strong>Le</strong>s congolais revenant du Rwanda où ils vont nombreux s’y approvisionner<br />
En savoir plus<br />
Produits<br />
Produit au<br />
Sud-Kivu<br />
17<br />
pour l’année 1976 s’et caractérisée<br />
par une régression pour les cultures<br />
industrielles sauf le quinquina et une<br />
augmentation assez forte pour l’ensemble<br />
des cultures vivrières». 36 ans<br />
après, la République Démocratique du<br />
Congo, et particulièrement la province<br />
du Sud-Kivu, a nettement régressé. <strong>Le</strong>s<br />
territoires, censés être les greniers de<br />
la province, ne produisent plus. Plusieurs<br />
facteurs causent ce phénomène.<br />
<strong>Le</strong>s terres appartiennent désormais,<br />
aux ministres, aux députés et aux hommes<br />
d’affaires. Ceux-ci n’exploitent pas<br />
ces espaces et les paysans eux-mêmes<br />
ne peuvent plus y cultiver. Cela cause<br />
la surexploitation des petites parcel-<br />
Bukavu Uvira<br />
Venant<br />
d’ailleurs<br />
Produit au<br />
Sud-Kivu<br />
( Suite à la page 18 )<br />
1. beignets, pains, sombe (feuilles de manioc), bishogolo<br />
(feuilles de haricots), tomates, aubergines, choux, petit<br />
poids, piment, œufs, poules, patates douces, amarantes,<br />
lait, poireaux, arachides, viandes, carottes, oranges, citrons,<br />
avocats, bananes, maϊs, goyaves, ognons, pommes<br />
de terre ainsi que la farine de maϊs et de manioc frontière,<br />
fretins : ce commerce concerne la majorité des produits<br />
consommés par les ménages bukaviens.<br />
Niveau de dépendance alimentaire à Bukavu et à Uvira, en % 2<br />
Venant<br />
d’ailleurs<br />
Farine de maïs 15 85 16 ,1 83 ,9<br />
Farine de manioc 51,6 48,4 64,1 35,9<br />
Riz 18,2 81,8 25 65<br />
Haricot 14 86 45 55<br />
Viande de bœuf 36,6 64,4 87,3 12,7<br />
Viande de chèvre 41 59 92 8<br />
Viande de poule 15,2 84,8 18,8 81,2<br />
Sambaza(fretins frais) 69,9 33,1 77,4 22,6<br />
Pomme de terre 13,2 86,8 45 55<br />
Tomate 32,1 67,9 91,8 8,9<br />
Oignon 69 31 76 24<br />
2. ABIAS Radjabu, « <strong>Le</strong> Sud Kivu incapable de nourrir sa population », Bulletin de liaison Crongd N°55,<br />
juin-décembre 2011.
18<br />
Ecologie s<br />
( Suite de la page 17 )<br />
les que ces derniers détiennent encore.<br />
L’usage des semences dégénérées (sensibles<br />
aux maladies et qui ne produisent<br />
plus beaucoup) -et l’outillage agricole<br />
vétuste ne permettent pas une production<br />
suffisante. Il n’y a pas de politique<br />
contre l’érosion des sols et l’Inspection<br />
provinciale de l’Agriculture, la Pêche et<br />
l’Élevage ne dispose pas de traitements<br />
pour combattre les maladies des cultures.<br />
<strong>Le</strong>s moniteurs agricoles ne sont pas<br />
bien encadrés pour réaliser leur travail.<br />
La libéralisation de l’exploitation minière<br />
a emporté la jeunesse, alors que c’est<br />
cette catégorie sociale qui dispose d’une<br />
force de production agricole conséquente.<br />
Bukavu<br />
Nuisible stockage de la terre<br />
Des mottes de terre sur une rue à Nyawera<br />
Par-ci par-là, des entassements<br />
de terre sont visibles<br />
au bord des artères<br />
de la ville. <strong>Le</strong>s cas les<br />
plus frappants sont ceux de l’avenue<br />
route d’Uvira, de l’avenue Saïo et de<br />
la route menant à l’Institut supérieur<br />
pédagogique(ISP)-Major Vangu. Cette<br />
pratique n’est pas seulement le fait des<br />
particuliers. même des services publics<br />
comme l’Office des voiries et drainage<br />
(OVD) et l’Office des routes abandonnent<br />
les stocks de terre le long des routes<br />
qu’ils réhabilitent.<br />
<strong>Le</strong>s tas de boue à côté de l’Ecole Belge<br />
à Nguba, une ceinture de terre entassée<br />
sur la route Place du 24-Major Vangu<br />
ainsi que des masses de terre au bord<br />
de la route ISP-Major Vangu sont des<br />
exemples parmi tant d’autres.<br />
Par ailleurs, certaines personnes qui<br />
ont des moyens financiers pour évacuer<br />
la terre après terrassement de leurs<br />
parcelles, ne le font pas proprement. Ils<br />
paient des chauffeurs de camions qui,<br />
à leur tour, vont déverser clandestinement<br />
cette terre à des endroits non ap-<br />
De plus, le réseau routier est défectueux.<br />
<strong>Le</strong>s routes de desserte agricole<br />
sont quasi-inexistantes. <strong>Le</strong>s usines de<br />
transformation ont été abandonnées<br />
ou détruites. L’insécurité reste un autre<br />
facteur déterminant. La présence de<br />
groupes armés, opérant ça et là, rend les<br />
projets d’élevage intenable.<br />
Daniel Rutegeza, ingénieur agronome,<br />
Chef de cellule de production végétale à<br />
l’Inspection provinciale, reconnaît cette<br />
régression. Il ne cache pas ses regrets:<br />
«<strong>Le</strong> manque d’accompagnement des<br />
agriculteurs et des éleveurs fait qu’ils<br />
ne respectent pas les conseils des moniteurs<br />
agricoles. Mais au Rwanda, l’Etat<br />
fait respecter les moniteurs puisque<br />
l’agriculture constitue le socle de la vie<br />
Certains Bukaviens qui terrassent leurs parcelles stockent la<br />
terre le long des artères de la ville. D’autres la déversent au<br />
bord du lac. Même certains services publics laissent des tas de<br />
terre après les travaux de réhabilitation des routes. <strong>Le</strong>s routes<br />
se dégradent, les caniveaux sont bouchés et la pollution du<br />
lac s’accroît. <strong>Le</strong>s décisions des autorités sur pour contrer cette<br />
pratique ne sont pas mises en pratique.<br />
propriés. Certains espaces verts -comme<br />
à l’Athénée d’Ibanda- et le littoral<br />
du lac Kivu entre Kalengera et Kilomètres<br />
13 constituent la cible privilégiée.<br />
De plus, ceux qui ont des concessions<br />
avoisinant le lac ne respectent pas les<br />
10 m de rive imposés par la loi. Ces<br />
derniers construisent jusque dans le<br />
lac. Et, ils poussent même les eaux du<br />
lac en y déversant la terre, le sable et<br />
le ciment. <strong>Le</strong>s Bukaviens appellent ces<br />
constructions des maisons aquatiques.<br />
Balolage Safari, Chef de bureau de<br />
l’Urbanisme ville, soutient que les<br />
constructions anarchiques, les petits<br />
morcèlements des parcelles et le manque<br />
de lotissement expliquent cette<br />
difficulté d’évacuer des terres. Pour sa<br />
part, Sébastien Ngiriho, un habitant<br />
de l’avenue Pesage a invoqué le coût<br />
élevé de l’évacuation. « Il faut louer le<br />
camion, payer le chargement et le déchargement,<br />
payer le propriétaire du<br />
terrain où on va déverser cette terre.<br />
Ça demande des moyens. C’est pourquoi<br />
nous restons indifférents face aux<br />
décisions des dirigeants» explique-t-il.<br />
d’une nation. Une autre chose : la petite<br />
portion de la population qui s’adonne<br />
à l’agriculture et à l’élevage ne produit<br />
que pour sa propre consommation. La<br />
production est absolument insignifiante<br />
au Sud-Kivu. Dans ces conditions, comment<br />
les habitants de Bukavu et de ses<br />
périphéries ne seraient pas tentés d’aller<br />
se ravitailler au Rwanda ? » A notre<br />
ère, l’économie mondiale est fondée sur<br />
les échanges commerciaux. Dans le cas<br />
du Rwanda et de la RDC, toutefois, cet<br />
échange se fait à sens unique : les Rwandais<br />
tirent des bénéfices importants de<br />
la dépendance des Sud-Kivutiens à leurs<br />
produits, tandis que ces derniers ne<br />
voient pas l’économie de leur province<br />
croître. Il est nécessaire que la situation<br />
Environnement mis en mal<br />
Cette manière de gérer la terre comporte<br />
des conséquences fâcheuses, dont<br />
la réduction de la largeur de la chaussée.<br />
Cette situation est à la base d’accidents<br />
de circulation. <strong>Le</strong> bouchage des<br />
caniveaux est évident. Aussi, pendant<br />
la saison sèche, cette terre se transforme<br />
en poussière. Ce qui dérange les<br />
passants ainsi que les familles environnantes.<br />
Déjà les premières pluies qui<br />
arrosent la ville rendent le tronçon Place<br />
du 24-Major Vangu impraticable.<br />
Quant au déversement de la terre sur<br />
le littoral du lac, on déplore actuellement<br />
la destruction et la disparition<br />
des frayères ou maternités des poissons.<br />
De fois, cette terre contient des<br />
déchets toxiques et non dégradables.<br />
Ces déchets vont s’entasser au barrage<br />
électrique de Ruzizi I empêchant les<br />
moteurs de tourner normalement.<br />
Autorités, réagissez !<br />
«Ceux qui sont auteurs du stockage<br />
de la terre au bord des routes et sur le<br />
littoral du lac sont des inciviques. Ils<br />
méritent la sanction car leur action a<br />
des conséquences néfastes, surtout sur<br />
l’environnement», a martelé Donat Assumani,<br />
Conseiller chargé de communication<br />
et tourisme au ministère de<br />
transport et voies de communication,<br />
de l’environnement et du tourisme.<br />
Cette pratique perdure. Pourtant, elle<br />
est illicite. L’ancien Maire de la ville,<br />
Prosper Mushobekwa, avait signé un<br />
arrêté interdisant le déversement de<br />
la terre au bord du lac. C’était en avril<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
évolue : les huit territoires qui composent<br />
la province du Sud-Kivu doivent<br />
réellement jouer leur rôle de grenier.<br />
L’organisation de la production et du<br />
marché est l’une des voies sûres pour y<br />
parvenir. L’Etat congolais doit élaborer<br />
des stratégies pour faire face à la régression<br />
de la production. De plus, les services<br />
affectés aux douanes -principalement<br />
l’Office Congolais de Contrôle et<br />
le service d’hygiène- doivent davantage<br />
examiner les produits importés. Sinon,<br />
ils exposent la population à la consommation<br />
d’aliments nocifs à la santé.<br />
Eulalie Zawadi<br />
Sylvain-Dominique Akilimali<br />
2008. Une amende de 300 Francs fiscaux<br />
devrait être imposée au contrevenant.<br />
En avril 2012, l’actuel Maire de la<br />
ville, Philémon Yogolelo, a entériné ladite<br />
décision. Il a ainsi ordonné le commandant-ville<br />
d’affecter deux autres<br />
policiers aux côtés de deux agents de<br />
l’environnement et conservation de la<br />
nature-ville. Jusque-là, la mesure reste<br />
lettre morte.<br />
<strong>Le</strong> Coordinateur urbain de l’environnement,<br />
Augustin Chahihabwa, regrette<br />
cet état des choses. Il s’en plaint:<br />
«l’affectation de ces policiers faciliterait<br />
la tâche à nos agents. Ils seraient<br />
peut-être plus efficaces sur terrain».<br />
Balolage Safari, lui, pense que la police<br />
de l’assainissement et de l’environnement<br />
ne fait pas bien son travail. Il<br />
s’étonne de voir que «la police se penche<br />
plus sur le contrôle des autorisations<br />
de bâtir, sur la destruction des<br />
maisons construite sur des sites impropres…<br />
Elle néglige des défis essentiels<br />
tels que les questions environnementales».<br />
<strong>Le</strong> Commandant de la police de<br />
l’assainissement et de l’environnement<br />
n’a pas voulu se prononcer à ce sujet.<br />
Autres manières de gérer la<br />
terre<br />
Il y a tout de même ceux qui pensent<br />
autrement pour gérer intelligemment<br />
la terre. Mweze, un habitant de l’avenue<br />
Cercle Hippique a initié une expérience<br />
ingénieuse. Après avoir terrassé<br />
sa parcelle, il a engagé des briquetiers<br />
en vue de fabriquer des briques à partir<br />
de la terre issue du terrassement. Isaac<br />
Patient Bachinywenga l’un des briquetiers<br />
admet que « c’est une expérience<br />
réussie. Nous avons déjà fabriqué plus<br />
de 35000 briques. Ça suffit déjà pour<br />
la construction d’une maison. <strong>Le</strong>s gens<br />
admirent cet exploit. Je suis sûr et certain<br />
qu’ils vont copier ».<br />
Aussi, les habitants de certains milieux<br />
ont-ils besoin de la terre pour<br />
aménager leurs parcelles. C’est le cas<br />
des habitants de la cellule Camp-Luziba<br />
dans le quartier Nyalukemba en<br />
commune d’Ibanda qui construisent<br />
dans les marais et à proximité.<br />
<strong>Le</strong>s autorités politico-administratives<br />
doivent faire exécuter les mesures<br />
prises. Mais, il est évident que ces décisions<br />
ne produiraient pas d’effets si les<br />
autorités ne font pas de suivi.<br />
Sylvain-Dominique Akilimali
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
Football à Bukavu<br />
La deuxième division<br />
prend corps<br />
L’idée de mettre sur pieds un championnat de deuxième division<br />
à l’Entente de Football de Bukavu a été envisagée depuis bien<br />
longtemps. Mais c’est seulement au début de la saison sportive<br />
2011-2012 qu’elle a pu être matérialisée, la compétition s’étant<br />
déroulée de manière globalement satisfaisante. Des leçons ont<br />
été retenues à l’issue de ce premier exercice.<br />
Bana Ecofoot Sud-Kivu, révélation de l’année saison sportive 2011-2012 invitée à l’inauguration du stade Ivyizigiro de Rumonge par le Président Pierre Nkurunziza du Burundi<br />
Après plusieurs tentatives<br />
infructueuses, la saison<br />
sportive 2011-2012 aura<br />
bien été la bonne. Un<br />
championnat a été organisé à l’échelon<br />
inférieur au niveau de l’Entente de<br />
Football de Bukavu. <strong>Le</strong> titre a été remporté<br />
par le FC Kivu. Mais dès le départ,<br />
la classification de l’épreuve a suscité de<br />
vives polémiques. Jean Marie Sanginga,<br />
Vice-président du FC Kivu, passe en début<br />
de saison sur une radio locale et prêche<br />
sa vision : «C’est anormal d’appeler<br />
cette épreuve, championnat de deuxième<br />
division. Du fait que la compétition<br />
que dispute l’OC Muungano s’appelle<br />
déjà championnat d’élite de première<br />
division de la RDC, logiquement, le<br />
championnat traditionnel de football<br />
de Bukavu et d’où nous venons devrait<br />
être qualifié de deuxième division et le<br />
notre de troixième division».<br />
<strong>Le</strong>s violons finissent par s’accorder<br />
et la tempête est maîtrisée. Dix équipes<br />
sont alignées au départ pour ce premier<br />
essai. <strong>Le</strong>s quatre derniers classés du<br />
championnat de l’Entente saison 2010-<br />
2011 et présentées comme les plus expérimentées<br />
font figure de favori. Il s’agit<br />
des FC Kivu, Mukaramba, Dynamic et<br />
de l’AS Ruzizi. Six autres formations<br />
venues essentiellement des avenues<br />
longeant les rares terrains qui restent à<br />
Bukavu s’ajoutent au quatuor. Il s’agit<br />
de Bana Ecofoot, Onze Pros, Espoir,<br />
Muhungu, Eka et Olympic. Monsieur<br />
Shammy Ngombwa, promoteur sportif<br />
assez connu dans les milieux foot de la<br />
ville aura à son niveau été pour beaucoup<br />
dans la réussite de ce projet. Des<br />
années durant il a eu à organiser des<br />
compétitions de quartiers sur le terrain<br />
de l’Ecole d’application de l’ISP Bukavu<br />
lors desquelles plusieurs joueurs de l’actuelle<br />
D2 ont eu à faire leurs premiers<br />
pas.<br />
Compétitivité recherchée<br />
La deuxième division est mise sur<br />
pied à en croire l’un des dirigeants de<br />
l’Entente pour «rendre le championnat<br />
local de première division plus compétitif<br />
car il lui a été reproché de présen-<br />
<strong>Le</strong> Président de l’Ecofoot Sud-Kivu (en veste)<br />
ter des équipes dont la différence de niveau<br />
était assez importante. L’occasion<br />
est également opportune pour susciter<br />
une certaine émulation tant en première<br />
qu’en deuxième division : la crainte<br />
d’être relégué pour les équipes de la division<br />
1 et le souci d’être promu pour les<br />
clubs de la division 2, D2».<br />
<strong>Le</strong>s connaisseurs de football pensent<br />
« C’est difficile d’avoir des<br />
gradins noirs de monde à<br />
Bukavu quand Muungano ou<br />
Bukavu Dawa ne joue pas »<br />
Laurent Chika, Sportif de Bukavu<br />
également que ce championnat pourrait<br />
constituer une sorte de réservoir de talents<br />
pour les clubs de D1 car ils y trouveraient<br />
des bons joueurs à bas prix.<br />
L’entité urbaine que préside Mag Magambo<br />
conforme ainsi la structuration<br />
de sa compétition à ce qui se fait dans<br />
des milieux plus avancés.<br />
<strong>Le</strong>s journées impaires sont retenues<br />
pour jouer les matchs de cette épreuve<br />
disputée en manche unique. Mais les<br />
touts premiers matchs se joueront face à<br />
des gradins vides et il en sera ainsi tout<br />
au long de la compétition. <strong>Le</strong>s rencontres<br />
ne font pas le plein du Stade de la<br />
Concorde qui les abrite. Cela constitue<br />
un problème réel pour les athlètes habitués<br />
à se consoler des maigres recettes de<br />
vente des billets en l’absence de contrat<br />
signé avec leurs clubs. Il s’ajoute le manque<br />
de tout sponsoring censé aider et<br />
les clubs et l’Entente à faire face à leurs<br />
charges respectives. Laurent Chika qui<br />
suit le football bukavien depuis son enfance<br />
tente de trouver une justification:<br />
Sports<br />
19<br />
«Si cela est déjà manifeste au niveau<br />
de la D1 amputée de l’OC Muungano<br />
qui ne joue qu’au niveau national, il ne<br />
faut rien attendre de la D2 qui vient à<br />
peine de commencer et auquel le public<br />
n’est pas encore suffisamment habitué.<br />
C’est difficile d’avoir des gradins noirs<br />
de monde à Bukavu quand Muungano<br />
ou Bukavu Dawa ne joue pas».<br />
Petit poisson deviendra grand<br />
Toutefois, les matchs ont rencontré<br />
la satisfaction des rares spectateurs qui<br />
se sont donné la peine d’aller les suivre.<br />
Plus vieux club de la ville de Bukavu et<br />
venant d’une période de crise malgré des<br />
cérémonies historiques organisées dans<br />
le cadre de son 65ème anniversaire, le<br />
FC Kivu termine champion. <strong>Le</strong>s verts et<br />
blancs ont même été les meilleurs défenseurs<br />
du tournoi, n’encaissant que<br />
6 buts en 10 matchs. En deuxième position<br />
se classent les surprenants Bana<br />
Ecofoot présidé par Jeannot Sumaili,<br />
député provincial du Sud Kivu et ancien<br />
joueur de l’OC Muungano. <strong>Le</strong>s hommes<br />
du coach Masumbuko Maes sont même<br />
l’attaque la plus mitraillette de la saison<br />
avec 22 buts à leur compteur. <strong>Le</strong>s<br />
garçons se tapent le luxe de remporter<br />
dans la foulée le prestigieux tournoi international<br />
amical des jeunes de la région<br />
des Grands Lacs dit Rollingstone<br />
organisé au Burundi. Ils sont de ce fait<br />
invités à plusieurs autres reprises par le<br />
Président Pierre Nkurunzinza en personne<br />
à disputer plusieurs autres rencontres<br />
amicales. <strong>Le</strong> FC Mukaramba et<br />
l’AS Ruzizi se classent respectivement<br />
troisième et quatrième. <strong>Le</strong> FC Dynamic<br />
constitue la plus grande déception.<br />
Quoi qu’arrivés de la D1, les verts et<br />
noirs terminent bons derniers avec 4<br />
petits points. C’est une véritable chute<br />
aux enfers pour ce club réputé comme<br />
étant une pépinière de talents et d’où<br />
sont venus des noms légendaires tel que<br />
Claude Kabuya, Janvier Muderhwa ou<br />
encore Amisi Mwanaumé.<br />
<strong>Le</strong> public se régale avec des formations<br />
telles que Onze Pros, Espoir, Muhungu,<br />
Eka et même le FC Olympic. Nonante<br />
matchs ont été livrés et 129 buts<br />
inscrits, soit une moyenne de 1,43 buts<br />
par match. Aucune précision n’a encore<br />
été donnée cependant sur le nombre<br />
d’équipes devant être promues en D1<br />
et encore moins sur celles appelées à<br />
descendre en D2 l’année prochaine. Et<br />
déjà, plusieurs athlètes ayant œuvré en<br />
D2 font l’objet des sollicitations venant<br />
des clubs de D1.<strong>Le</strong> nom qui revient avec<br />
insistance étant celui du jeune Maombi<br />
Wabenga Héritier,le très prometteur<br />
stoppeur de Bana Ecofoot. Rendez-vous<br />
la saison prochaine.<br />
Justin Kyanga
20 Portrait<br />
Mwalimu Pascal,<br />
enseignant jusqu’au bout<br />
Meilleurs vœux<br />
A l’ occasion de la nouvelle<br />
année qui commence, le<br />
personnel et les journalistes<br />
du journal <strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> vous<br />
souhaitent une bonne et heureuse<br />
année 2013.<br />
Que la nouvelle année nous<br />
apporte à tous et à chacun la<br />
paix et la concorde.<br />
Solange Lusiku Nsimire<br />
Editrice-Responsable<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong><br />
Autorisation de parution<br />
041/SGC/0001/93<br />
Tel : (+243) 818568480<br />
souverainjournal@yahoo.fr<br />
Editrice responsable<br />
Solange Lusiku Nsimire<br />
Rédacteur en chef<br />
Baudry Aluma<br />
Barbe de trois jours,<br />
regard pétillant ,<br />
Pascal vient de quitter<br />
l’enseignement<br />
en mars 2012. À 82 ans ! « J’ai<br />
commencé ma carrière en février<br />
1952, à Kabare, en 4ème.»<br />
Pascal est né au début des années<br />
trente à Kinjuba dans la<br />
groupement de Bushwira en territoire<br />
de Kabare. Sans pouvoir<br />
être plus précis. « Quand j’ai demandé<br />
mon âge à l’enseignant<br />
blanc de l’époque, il m’a dit que<br />
j’étais né en même temps que la<br />
première invasion de sauterelles<br />
et qu’elle avait duré quatre<br />
ans, mais je n’en sais pas plus.<br />
C’était juste comme ça qu’on faisait<br />
pour retenir, plus ou moins,<br />
l’année de notre naissance.»<br />
Rapidement, Pascal fait ses<br />
premières armes comme gardien<br />
du troupeau de ses parents<br />
et compte bien continuer dans<br />
cette voie. Mais le mwami de<br />
l’époque en a décidé autrement.<br />
Il est venu chercher de force<br />
Journalistes<br />
Sylvain-Dominique Akilimali<br />
Justin Kyanga<br />
Eulalie Zawadi<br />
Quentin Noirfalisse<br />
Florent Marot<br />
Administration<br />
François-Xavier Kasilembo<br />
les jeunes enfants qui pouvaient<br />
encore être scolarisés. De ses<br />
quatre frères et deux sœurs, Pascal<br />
sera le seul qui étudiera sans<br />
que son papa n’en soit content.<br />
Il est d’ailleurs resté seul, ses<br />
sœurs et frères sont tous morts.<br />
Un peu plus tard, il entamera la<br />
pédagogie à Mugeri (« la seule<br />
alternative possible à la prêtrise,<br />
à l’époque »). Il en sort D4<br />
(diplôme de quatre ans post primaire)<br />
le 15 décembre 1951.<br />
Après 12 ans passé à Kabare,<br />
Pascal Muderhwa part pour<br />
Bagira, à cause d’une maladie<br />
« qu’il ne pouvait pas cacher»<br />
et qui l’obligea à déménager.<br />
«Quand je suis arrivé ici, je n’ai<br />
pris aucun médicament et j’ai<br />
guéri ! » Il récupère la même<br />
classe, la quatrième, à l’école<br />
primaire Bulenga (anciennement<br />
appelé Christ Roi ou centrale<br />
des garçons). Sa carrière a<br />
continué, comme celle de milliers<br />
d’enseignants congolais,<br />
dans l’ombre, au gré des coupes<br />
Caricaturiste<br />
Séraphin Kajibwami<br />
Photographies<br />
Djafari Amza<br />
Quentin Noirfalisse<br />
Mise en page<br />
David Keeka et Quentin<br />
Impression<br />
Imprilac Bujumbura<br />
budgétaires et des salaires nonpayés.<br />
Depuis six ans, Pascal<br />
était enseignant de relève. Celui<br />
qui donnait cours à sa place a été<br />
subitement nommé directeuradjoint.<br />
Symptôme absolu du<br />
manque de relève jeune dans le<br />
secteur de l’enseignement, c’est<br />
Pascal qu’on est venu chercher<br />
à la rescousse. « On m’a donné<br />
tous les documents nécessaires<br />
et on m’a dit: Tu rentres dans ta<br />
classe. J’ai répondu : est-ce que<br />
tu crois que je peux encore donner<br />
cours? Est-ce que tu crois<br />
que je saurai tenir debout toute<br />
une journée devant 64 élèves ?<br />
Ma tension commençait à monter,<br />
il fallait bien que j’expose<br />
mes problèmes de santé. »<br />
Et Pascal se rappelle. Il avait<br />
un vélo, du temps des Belges. <strong>Le</strong><br />
métier était reconnu. Pascal rit.<br />
« Mais je ne l’ai utilisé que pendant<br />
une année. On me blâmait<br />
parce que roulais trop vite. Il<br />
ne me fallait que trente minutes<br />
pour faire Kabare-Bukavu.<br />
Tu vas mourir en vélo, qu’on me<br />
criait. Je l’ai vendu à un collègue.»<br />
Mais aujourd’hui, les profs<br />
auraient bien des difficultés à se<br />
payer un vélo.<br />
«Auparavant, le salaire qu’on<br />
recevait suffisait à nourrir notre<br />
famille pendant tout un mois,<br />
sans difficultés. J’ai commencé<br />
avec 700 francs congolais qui<br />
valait le même niveau que le<br />
franc belge. J’ai été augmenté<br />
l’année d’après de 150 francs<br />
après une bonne évaluation. Je<br />
me suis marié, on m’a donné 60<br />
francs en plus pour indemnité de<br />
la femme. Ça faisait 910 francs,<br />
c’était beaucoup. Mais les cho-<br />
« Auparavant, le salaire<br />
qu’on recevait suffisait<br />
à nourrir notre famille<br />
pendant tout un mois,<br />
sans difficultés. J’ai<br />
commencé avec 700<br />
francs congolais qui<br />
valait le même niveau<br />
que le franc belge. »<br />
ses ont commencé à se détériorer<br />
en 1975 » A l’époque, le Zaïre<br />
connaît depuis deux ans une<br />
crise économique de grande ampleur,<br />
qui ne manquera d’avoir<br />
un impact sur le système éducatif.<br />
<strong>Le</strong>s mesures prises dans le<br />
cadre de la zaïrianisation prônée<br />
par Mobutu ne permettront pas<br />
de redresser la situation.<br />
Pascal lève son regard. Est-ce<br />
que ses anciens élèves viennent<br />
le voir ? « Pas un seul, même pas<br />
mes élèves prêtres ». Mais il a<br />
Ce journal est réalisé avec le soutien de:<br />
<strong>Le</strong> <strong>Souverain</strong> | Novembre-Décembre 2012<br />
travaillé pour « celui-là », le crucifix<br />
qui pend sur un des murs<br />
du salon. Il croit mordicus que<br />
Jésus fera ses miracles. Un aveu<br />
d’échec ? « Non, pas du tout.<br />
J’aime mon métier mais la vie<br />
a changé. Je ne veux pas décourager<br />
mes collègues mais, moi,<br />
on m’a dit qu’on allait encore<br />
me payer 6 mois. Mais après, je<br />
vais devoir attendre la pension.<br />
Va-t-elle seulement venir ? Je ne<br />
sais pas. »<br />
Affectueusement appelé «Mwalimu<br />
Pascal» ou Maître Pascal,<br />
ses élèves l’appelaient également<br />
«monsieur 5 heures», vieux<br />
Mujos, tous m’aimaient. Parce<br />
qu’il ne brandissait pas le fouet<br />
comme punition, mais plutôt des<br />
heures de retenues. «Je leur donnais<br />
de nombreuses questions.<br />
Ils y répondaient mais dès que<br />
17h arrivait, je les laissais partir»,<br />
s’amuse-t-il. Aujourd’hui, il<br />
part à la pêche, chercher de quoi<br />
se nourrir. Une vieille habitude :<br />
enfant, il fut tout à tour gardien<br />
de vaches et berger, à 8 ans,<br />
avant de commencer l’école primaire<br />
deux ans plus tard. C’est<br />
à cet âge qu’il apprit à taquiner<br />
le poisson dans la rivière Murhundu.<br />
Arrivé à Bagira, il a découvert<br />
les berges du Lac Kivu.<br />
« Je nage bien, au point de faire<br />
des kilomètres. Pour le moment<br />
je suis devenu lourd et j’ai peur<br />
d’attraper des crampes. Je pêche<br />
de petit poisson pendant la<br />
saison de pluie. « Malheureusement<br />
ma femme ne mange pas<br />
les poissons frais.» Il est aussi<br />
catéchumène. « J’ai commencé<br />
à Kabare. J’aime beaucoup cette<br />
occupation qui me rapproche<br />
de mon Dieu. Aujourd’hui<br />
on m’a dit de me reposer mais<br />
cela ne m’empêche pas d’aller<br />
à la messe tous les matins ».<br />
Comme pour mieux retrouver<br />
ses souvenirs d’avant, et occuper<br />
un temps où sa valeur d’enseignant<br />
n’est plus reconnue à<br />
sa juste valeur, dans une société<br />
où, pourtant, près de 6 millions<br />
d’enfants Congolais ne sont pas<br />
scolarisés et où la part de l’éducation<br />
et de la formation dans le<br />
budget tutoie à peine les 6%.<br />
Pourtant, si un de ses treize<br />
enfants désirait réorienter sa<br />
vie et devenir professeur, Pascal<br />
ne le découragerait pas. « Je ne<br />
peux pas l’en empêcher. Mais il<br />
ne faut pas qu’il le fasse aussi<br />
longtemps que moi. Sinon, comment<br />
vivra-t-il sa retraite ? Que<br />
lui laissera-t-on quand il aura<br />
effacé pour la dernière fois son<br />
tableau ?»<br />
Quentin Noirfalisse<br />
Baudry Aluma