Parler ou se taire ou le dilemme du salarié lanceur d'alerte. Analyse ...

Article accepté en juin 2011 par la revue Economies et Societés – forthcoming en juin 2012.
Résumé :
Parler ou se taire ou le dilemme du salarié lanceur d’alerte.
Analyse critique à l’aune de sa liberté
Sandra Charreire Petit,
Professeur Université Paris Sud 11 / PESOR
Sandra.charreire-petit@u-psud.fr
Joëlle Surply
Maître de Conférences Université Paris Sud 11 / PESOR
Joelle.surply@u-psud.fr
Le Whistleblowing est une pratique qui vise à lutter contre la fraude et, plus
généralement, contre les dysfonctionnements d’ordre comptable et financier en donnant la
possibilité au salarié d’exercer un contrôle interne via une procédure d’alerte. Dans le
contexte français que nous explorons ici, le Whistleblowing devient l’alerte professionnelle.
Elle n’est pas inscrite dans la loi, mais elle relève d’un ensemble de dispositifs mis en œuvre
via des chartes d’entreprises. En s’intéressant à la partie prenante « salariés de l’entreprise »,
cet article répond à une question jusque là non étudiée : comment le déploiement de l’alerte
professionnelle affecte t-elle la liberté du salarié ? Cette recherche exploratoire vise à
interroger les marges de manœuvre pour les salariés face à la fraude et/ou à la suspicion de
fraude. Nous mettons en évidence le dilemme (parler ou se taire) auquel est confronté le
salarié français face au constat de dysfonctionnements ou de fraudes. Nos analyses montrent
qu’en fonction du choix opéré par le salarié – parler ou se taire – le statut de l’alerte relève
d’un droit nouveau ou d’une apparence de droit. La liberté du salarié est alors vécue comme
un risque assumé par le salarié ou comme une capacité confisquée par l’entreprise.
Mots clés : alerte professionnelle, dilemme, liberté, salarié, Whistleblowing
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Article accepté en juin 2011 par la revue Economies et Societés – forthcoming en juin 2012.
Introduction
Le Whistleblowing, issu de la loi américaine Sarbanes Oxley en 2002 (SOX), est une
pratique nouvelle qui vise à lutter contre la fraude et, plus généralement, contre les
dysfonctionnements d’ordre comptable et financier, en faisant le pari de la loyauté des salariés
à l’entreprise. Pour ce faire, une possibilité d’alerter leur est donnée via des dispositifs, le plus
souvent anonymes, de remontée d’information. Dans le contexte français, le Whistleblowing
n’est pas inscrit dans la loi, mais les entreprises cotées sont contraintes de se conformer à
l’esprit de la loi SOX, notamment si elles font appel aux capitaux sur les places financières
américaines. Pour être « importé » ou transposé en France, le Whistleblowing devient l’alerte
professionnelle et prend appui sur des véhicules tels que la charte d’entreprise ou le code de
conduite.
Au plan pratique, plusieurs problèmes se posent, en particulier en France, face à la
transposition de ce dispositif venu d’outre Atlantique : Qu’en est-il de la cohérence entre un
socle juridique anglo-saxon et un socle juridique français en matière de droit du travail et de
protection des salariés tant lanceurs d’alerte que faisant l’objet d’une alerte ? Ces questions
d’ordre juridique sont en partie investies aujourd’hui par des chercheurs en droit social (De
Quénaudon et Gomez-Mustel, 2010). Quelle comparaison entre le déploiement du dispositif
aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde ? Quel(s) impact(s) éventuels des variables d’ordre
culturel pour faciliter versus freiner les logiques de lancement d’alertes ou de
« dénonciation » ? Ces questions sont, certes pertinentes, mais le relatif faible recul temporel
depuis la loi SOX et sa transposition, à partir du milieu des années 2000, ainsi que les
difficultés d’accès à des données terrain fiables (Miceli, Near et Dworkin, 2008), rendent,
pour le moment, ces investigations délicates.
Cependant, une question n’est pas traitée aujourd’hui ; celle de la liberté de l’acteur
salarié français confronté à l’usage de l’alerte professionnelle. C’est à cette problématique que
s’emploie le présent article. En effet, le salarié est la partie prenante concernée au premier
chef par l’usage de l’alerte puisque le dispositif le place clairement dans la position d’éventuel
déclencheur. Il est en conséquence très important de mieux saisir comment cette partie
prenante pourrait y avoir recours. Les littératures tant managériales qu’académiques postulent,
sans le discuter, que lancer une alerte relève d’un acte librement consenti. Qu’en est-il
réellement ? Eclairer ainsi l’usage d’une pratique par le prisme de la liberté de l’acteur revêt
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un intérêt tant théorique que pratique, dans un contexte encore de diffusion de cette pratique
et dans une phase inachevée de mise en conformité avec l’esprit de la SOX.
Nous considérons que le recours à l’alerte professionnelle suppose la liberté du salarié
afin qu’il décide en conscience, sans contrainte, d’alerter ou de ne pas alerter. Le salarié est
libre lorsqu’il détermine son action –recourir ou non à l’alerte- par l’exercice de son libre
arbitre, selon son propre entendement (Kant, 1786). Cependant, la liberté du salarié, au sein
de l’entreprise, comme celle de tout individu dans un contexte social, est « bordée » par des
règles. La liberté devient alors « le droit de faire tout ce que les lois permettent »
(Montesquieu, 1758). En France, pour le salarié lanceur d’alerte, les limites sont posées à la
fois par la loi et par la norme (charte ou code de conduite). En effet, si la loi française confère
bien au salarié la liberté d’expression 1 dans l’entreprise ou en dehors de celle-ci, et autorise
ainsi le lancement de l’alerte, elle en limite de facto le recours en prévoyant des « abus » qui
viendraient en tempérer l’usage. De même, la charte (ou le code de conduite), élaborée par
l’entreprise, marque les contours de ce qui peut être dénoncé ou de ce qui ne peut pas l’être,
s’attachant par la-même « prioritairement à imposer ou interdire des comportements aux
salariés » (Antonmattéi et Vivien, 2007). La liberté du salarié est encore circonscrite par sa
capacité personnelle d’apprécier une situation et l’éventualité de son caractère frauduleux. En
effet, selon Sen (2005), la liberté suppose que l’acteur (salarié) soit capable d’identifier et de
mobiliser les ressources nécessaires pour appréhender et évaluer les faits et le contexte. Or,
d’une part, le salarié ne perçoit souvent qu’une vision locale des évènements et, il ne bénéficie
pas, le plus souvent, des appuis qui lui permettraient de prendre le risque d’alerter, d’autre
part. Pour autant, le recours à l’alerte professionnelle implique bien la liberté du salarié,
« considéré comme acteur [dans l’entreprise]. C’est ce statut qui lui donne la possibilité
d’exprimer ses convictions et de faire des choix dans son action quotidienne » (Antonmattéi et
Vivien, 2007).
Pour interroger la pratique de l’alerte professionnelle en France, nous choisissons la voie de
l’exploration qualitative (Charreire Petit et Durieux, 2007), en prenant appui sur de nombreuses
données secondaires (voir Annexe 1). L’originalité méthodologique relève ici de la place consacrée à
1 Article L1121-1 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnées au but recherché ».
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l’étude de sources documentaires variées émanant des entreprises, mais aussi des organisations
syndicales ainsi que des rapports produits par des institutions (ex. OCDE) ou rédigés à la demande du
gouvernement français (rapport Antonmattei-Vivien). Des sources juridiques ont également été
étudiées, en particulier des commentaires d’arrêt et de circulaires parus dans des revues juridiques
comme Droit du Travail notamment. Notre réflexion a été également nourrie par les nombreuses
rencontres que nous avons faites dans le cadre du programme ANR (entretiens semi-directifs
nombreux avec des responsables syndicaux, des DRH, des directeurs « compliance » ainsi qu’avec des
salariés). Aussi, même si ces données n’ont pas été mobilisées très directement pour le présent article,
elles nous ont, à n’en pas douter, permis d’avancer sur la formulation du dilemme et des manières d’y
répondre pour le salarié. Le choix d’une étude exploratoire, étayée principalement par des sources
secondaires, se justifie également par le caractère relativement récent pour les acteurs du phénomène
étudié (la mise en œuvre du dispositif d’alerte professionnelle). En suivant les recommandations de
Maxwell (2005), nous nous donnons la possibilité de confronter des données différentes mais qui
éclairent un même phénomène ; la liberté de l’acteur salarié confrontée à l’usage d’une pratique
nouvelle.
Dans cet article, nous étudions comment le déploiement de l’alerte professionnelle
affecte la liberté de l’acteur salarié en France. Nous mettons ici en évidence que cette pratique
expose le salarié à un dilemme : parler ou se taire lorsque celui-ci fait le constat de
dysfonctionnements ou de fraudes. Dans une première partie, nous montrons que le dilemme
auquel le salarié est confronté émerge largement de la transposition d’une pratique issue d’un
socle juridique anglo-saxon vers un cadre juridique et normatif français qui en permet l’usage.
Dans une seconde partie, nous abordons la manière avec laquelle le salarié peut tenter de
résoudre le dilemme. Ceci nous amène à interroger successivement l’obéissance et la loyauté
du salarié ainsi que le statut de l’alerte. Nous montrons que le salarié, confronté à une
responsabilité nouvelle qu’il n’a pas choisi d’endosser, dispose d’une liberté nouvelle pour le
moins contraignante. Nous mettons également en évidence que le débat n’est pas tranché
quant au statut de l’alerte professionnelle en France : nouveau droit ou apparence de droit.
Nous insistons enfin sur l’intérêt de poursuivre les recherches dans ce domaine afin de mieux
saisir, avec une posture critique assumée, de quelle manière la partie prenante dite faible – le
salarié – endosse une part de responsabilité croissante et assume une grande part de risque
dans la conduite des affaires de l’entreprise.
1. D’un socle juridique à l’autre : les ingrédients d’un dilemme
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La loi Sarbanes Oxley, posée dès 2002 comme une réponse aux affaires de type Enron aux
Etats-Unis et dans le monde 2 , ouvre, en apparence, de nouveaux espaces de liberté aux acteurs
salariés des firmes en les impliquant dans le contrôle interne exercé, principalement, envers
les dirigeants et les managers. Depuis 2002, la responsabilité sociale de l’entreprise vis-à-vis
des différentes parties prenantes est de plus en plus pointée, dans le même temps que des
défaillances affectant les modalités de contrôle interne sont mises en exergue. Selon une
enquête du Financial Times, parue le 11 mai 2009, les fraudes 3 commises, en 2008, dans les
entreprises américaines ont conduit à la perte de 7 % de leur chiffre d’affaires, équivalant à un
montant total de 728 milliards d’euros. Ces chiffres posent la question de l’efficacité du
contrôle interne. Selon Flament (2005), le salut peut venir des salariés car ils savent ce qui se
passe dans l’entreprise, et ils peuvent alors prévenir, alerter, dénoncer… s’ils n’en sont pas
dissuadés par la crainte, en particulier celle d’un licenciement. Le dispositif Whistleblowing
aux Etats-Unis vise à fournir le cadre adéquat pour l’exercice d’une modalité de contrôle
interne efficace exercée par les salariés réputés nombreux et compétents. En traversant
l’atlantique, le dispositif de contrôle issu du cadre juridique anglo-saxon devient « alerte
professionnelle ». Il ne relève pas de la simple transposition, mais d’une adaptation qui
l’éloigne sensiblement du principe fondateur (section 1.1). De ce fait, le dispositif – ou plutôt
son usage – renvoie à un dilemme systématique, complexe et mal maitrisé pour le salarié :
parler ou se taire (section 1.2).
1.1. Le cadre légal et normatif de l’alerte professionnelle en France : un contrôle des
pratiques et non du principe
Aux Etats-Unis, le volet whistleblowing de la loi Sarbanes Oxley (article 301-4)
impose le principe de l’alerte à toutes les sociétés américaines et étrangères cotées sur le
territoire américain. Toutefois, le choix du dispositif reste à l’initiative de l’entreprise. A
l’inverse, le droit français ne connait aucune loi équivalente à la SOX et la version américaine
de l’alerte professionnelle ne représente donc pas une obligation légale pour les entreprises.
L’alerte professionnelle est cependant définie par le Journal Officiel du 7 septembre 2007
comme la « révélation par le salarié d'une entreprise ou par toute personne en relation avec
2 En effet, le scandale ENRON aux Etats-Unis a démontré dès 2001 les dégâts causés par les malversations
internes, provoquant, notamment, l’anéantissement des revenus des actionnaires, la destruction d’emplois
salariés.
3 D’après le cabinet Ernst & Young, « la fraude n’est pas définie sur le plan juridique. C’est un terme générique
qui englobe la corruption, les fausses déclarations et les détournements d’actifs » (Les échos, 22 et 23 mai 2009)
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celle-ci d'irrégularités dont ils ont eu connaissance, et qui portent atteinte à leurs intérêts
propres, à ceux de l'entreprise ou à ceux de tiers. Équivalent étranger : whistleblowing »
Ainsi, les dispositifs d’alerte professionnelle, relevant de la logique du whistleblowing, ne
sont ni prévus ni interdits par le code du travail 4 . Toutefois, et pour se conformer aux
exigences des investisseurs américains, des entreprises, localisées en France, ont-elles mis en
place des systèmes d’alerte professionnelle, dans l’esprit de la Sox, en les intégrant à des
chartes ou codes de conduite. Alors, cette transposition de fait a-t-elle conduit, par
pragmatisme, la CNIL 5 à accepter le dispositif (ligne téléphonique, site Internet, adresse de
messagerie dédiée) tout en l’encadrant strictement. En effet, tout en reconnaissant la légitimité
du principe de contrôle qui vise à lutter contre la fraude et la corruption, la CNIL, d’une part,
limite le droit de recours à l’alerte, et d’autre part, veille au respect des libertés individuelles
tant pour ce qui concerne les personnes mises en cause par la dénonciation que pour les
lanceurs d’alerte eux-mêmes.
En outre, les tribunaux, saisis le plus souvent par les organisations syndicales, ont-ils
lancé « de sérieux coups de sifflet » (Bouaziz, 2010) pour dénoncer les mécanismes qui ne
respecteraient pas les libertés individuelles 6 . Plus encore, le statut juridique des codes de
conduite et in fine la force obligatoire des dispositifs d’alerte professionnelle qu’ils définissent
est posé (de Quénaudon et Mustel, 2009). Et au-delà, l’interrogation est même avancée sur la
pertinence, en France, d’un dispositif d’alerte professionnelle qui pourrait bien être « un étage
de trop dans un empilage de mesures déjà prévues par le code du travail et le code pénal »
(Bouaziz, 2010).
En France, la pratique de l’alerte professionnelle s’inscrit déjà dans le principe existant
du droit à la liberté d’expression 7 dont bénéficie le salarié, sauf abus de sa part, dans
l’entreprise et en dehors de celle-ci. Un arrêt de la Cour de Cassation (juin 2004) rappelle ce
4
Si le dispositif d’alerte professionnelle n’est pas interdit par la loi, encore faut-il qu’il respecte les dispositions
de l’article 1121-1 du code du travail.
5
Par la délibération 2005-305 du 8 décembre 2005, la CNIL a fixé les conditions de la licéité de l’alerte
professionnelle au regard de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978.
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Dans un arrêt du 5 novembre 2009, le Tribunal de Grande Instance de Caen a suspendu un dispositif d’alerte au
motif qu’il « créait un trouble manifestement illicite dans l’entreprise ».
Dans un arrêt du 8 décembre 2009, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé illégal le dispositif d'alerte
professionnelle déployé chez Dassault Systèmes. En effet, le dispositif prévoyant la possibilité d’une alerte
professionnelle pour manquement aux règles du code de conduite, avait un objet plus large que celui défini par la
Commission nationale informatique et liberté (CNIL) dans une délibération du 8 décembre 2005 relative à
l'autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre du
dispositif d’alerte.
7 En France, ce droit s’inscrit dans le cadre du préambule de la Constitution.
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droit et affirme que la liberté d’expression ne peut trouver de restrictions que celles qui
seraient justifiées par la nature de la tâche à accomplir, tout en étant proportionnées au but
recherché 8 . Cependant, le dispositif d’alerte professionnelle introduit également de la
nouveauté en soutenant un double principe. En premier lieu, le principe de l’alerte affermit
potentiellement la liberté du salarié en bouleversant les relations dans l’entreprise. En effet, il
consiste à offrir un espace de liberté plus important au salarié en desserrant la contrainte
hiérarchique grâce à de nouveaux dispositifs. C’est dans cette perspective que le cercle
d’éthique des affaires estime que l’alerte peut être mise en place « comme un canal nouveau
de liberté d’expression » pour les salariés. En second lieu, le principe de l’alerte vise à
renforcer l’exercice du libre arbitre de l’acteur en lui donnant la possibilité d’évaluer une
situation et d’agir en donnant l’alerte.
8 Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, en date du 22 juin 2004 (n° de pourvoi : 02-42446).
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1.2. La liberté du salarié ou l’émergence du dilemme : « parler ou se taire »
Les relations de travail s’inscrivent dans l’obéissance à travers, notamment, le cadre
juridique du contrat de travail (lien de subordination) et se manifestent dans le contexte
managérial d’une relation d’agence (le salarié est l’agent du manager pour atteindre les
objectifs assignés). Or, le dispositif d’alerte professionnelle place l’acteur salarié en dehors du
rapport de prescription hiérarchique. En effet, la possibilité qui lui est conférée d’exercer un
contrôle sur les activités du manager, (ou des pairs), signifie théoriquement qu’il peut
s’exprimer en dehors de tout assujettissement. Les relations hiérarchiques n’ont cependant
pas attendu le déploiement du dispositif d’alerte pour considérer la nécessité d’une forme de
désobéissance 9 . L’alerte, telle qu’elle apparaît à partir de 2005 en France, suite à la
transposition du Whistleblowing aux Etats-Unis, peut être à la source d’une nouvelle liberté.
En effet, elle introduit une innovation majeure dans les relations de travail dans la mesure où
cette alerte peut s’exercer en dehors de tout circuit hiérarchique. De manière très pragmatique,
l’alerte a peu d’opportunité d’être instruite par le dirigeant ou le manager qu’elle dénonce.
Aussi, la possibilité d’alerter, le plus souvent, par une ligne téléphonique gérée par une
société extérieure à la firme, consacre-t-elle l’autonomisation, provisoire et ponctuelle, du
salarié vis-à-vis de sa hiérarchie.
Le desserrement de la contrainte hiérarchique apparait ainsi nécessaire pour libérer le
témoignage du salarié. Mais pas uniquement. Il l’autorise également à exercer son libre
arbitre, c’est-à-dire à apprécier l’éventuelle dimension frauduleuse d’une situation, à en
évaluer les effets et à décider d’alerter ou non, en conscience. En ce sens, le salarié peut,
théoriquement, cheminer vers l’autonomisation de son comportement en construisant sa
stratégie pour s’emparer d’espaces de liberté. Aussi, si la liberté peut être appréhendée comme
absence de contrainte hiérarchique pour agir, est-elle aussi expression du libre arbitre
caractérisé par l’action intentionnelle du salarié.
Le salarié est potentiellement face à un choix difficile, voire douloureux ; celui d’user de sa
liberté pour alerter ou de ne pas en user, donc de se taire au risque de laisser se poursuivre
dysfonctionnements et fraudes.
9 A titre d’exemple, en droit du travail français, l’article L.4131-1 reconnaît au salarié le droit de se retirer d’une
situation de travail s’il estime, notamment, qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
L’employeur ne peut demander au travailleur de reprendre son activité si le danger grave et imminent persiste.
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Pour user de cette liberté, il faut cependant que le statut et/ou la position du salarié dans
l’entreprise ainsi que ses compétences lui offrent l’opportunité d’évaluer avec pertinence la
situation observée. Encore faut-il aussi, et les tribunaux en apprécieront la qualification et la
portée, que le salarié ne commette pas d’abus dans l’usage de sa liberté d’exprimer et de
révéler une fraude. Dès lors, pourquoi le salarié décide-il de « souffler dans le sifflet » ? Dyck
et al. (2007 : 30-36) s’intéressent à ce qu’ils nomment l’« odysée de l’alerte », marquant ainsi
la longueur et la difficulté des efforts à consentir pour exercer ce droit d’alerter 10 . Le contexte
français est marqué par une hostilité de principe à toute forme de dénonciation, pour des
raisons historiques essentiellement. A titre d’exemple, chez Ducros, filiale française de la
société américaine McCormick (leader mondial des épices), la hot line installée dès 2003 a été
immédiatement rebaptisée « Allô Collabo » par les salariés. Selon l’enquête européenne
réalisée par Ernst et Young (2007), en France, seules 39 % des personnes interrogées
« pensent que les salariés de leur société se sentiraient libres de signaler un éventuel cas de
fraude dans leur entreprise ».
Dans la pratique, le recours à l’alerte peut se révéler coûteux pour l’acteur salarié qui
supporte des « coûts émotionnels très élevés » (Dyck et al., 2007 : 31) et des risques tout aussi
élevés de représailles professionnelles dès lors que perdure la domination exercée par le
pouvoir hiérarchique ou, encore, que s’exerce l’ostracisme des pairs. La liberté nouvelle ainsi
conférée (voir figure 1) pourrait bien être davantage supposée que réelle…
10 Si l’alerte favorise théoriquement le libre arbitre de l’acteur, force est de constater que celle-ci ne s’exprime
par de manière identique de part et d’autre de l’Atlantique. Si, aux Etats-Unis, l’obtention d’une récompense
pour la révélation d’une fraude, commise contre l’Etat, peut être obtenue, elle n’explique qu’une partie
seulement des alertes. Pour 35 % des acteurs salariés lanceurs d’alerte, il est difficile de trouver « une logique
rationnelle » à leur engagement dans une procédure d’alerte, autre que celle qui s’inscrit dans des valeurs
éthiques. En France, la situation est différente. La récompense du lanceur d’alerte n’est pas envisagée par les
dispositifs.
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Figure 1. : Le recours à l’alerte professionnelle confère théoriquement une liberté nouvelle au
salarié.
Un libre arbitre encadré par
un mode hiérarchique
relationnel dominant.
Mode relationnel
dominant :
relation hiérarchique
« classique » de type
top down
Acteurs
Dirigeants
Acteurs
Salariés
Concrètement, le salarié exerce son libre arbitre dès lors qu’il montre sa compétence à
évaluer les caractéristiques d’une situation, sa pertinence, ses effets sur la performance de
l’entreprise et, éventuellement sur le respect des intérêts des actionnaires. Le pouvoir de
l’acteur salarié l’exonère, au moins dans le principe, de contraintes d’obéissance et l’autorise
à s’affranchir de l’autorité hiérarchique en révélant la malversation. Que la fraude soit avérée
ou non, le salarié est théoriquement protégé pour avoir lancé l’alerte. De Quénaudon et
Gomez-Mustel (2009) rappellent que le droit français dispose de plusieurs dispositifs de
protection des lanceurs d’alerte. En effet, la jurisprudence, (depuis 1988) « sous couvert de
liberté d’expression », puis une loi de 2007, pour ce qui concerne la dénonciation de faits de
corruption, ont pour but la protection du salarié contre d’éventuelles mesures de représailles.
Il est à noter cependant que l’empilement de règles pourrait bien manifester leur
10
Pouvoir: un
nouveau mode de
contrôle de type
bottom-up
Possibilité d’exercer
son libre arbitre en
dehors du mode
hiérarchique
relationnel
dominant.

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inefficacité 11 !
La crainte des représailles est intégrée a priori par les acteurs. Elle pèse comme une
contrainte qui oriente la décision de souffler ou de ne pas souffler dans le sifflet. Evoquant les
affaires Enron et World Com et le silence de « milliers de personnes qui auraient pu être
lanceurs d’alerte », Ralph Nader 12 (2003) remarque qu’un dictateur n’aurait pas imposé le
silence avec plus d’efficacité que le « système » de l’entreprise. Dans la vie de l’entreprise,
les cas déjà avérés de recours à l’alerte, tendent à occasionner nombre de désagréments à
l’acteur lanceur d’alerte. Il endosse le plus souvent, contre son gré, le rôle de « délateur », de
traître, plutôt que celui de « héros » (de Bry, 2006), défenseur des intérêts des parties
prenantes. En outre, le caractère individuel de l’exercice de la pratique – le lanceur d’alerte est
seul et/ou isolé – constitue sa faiblesse et fragilise la position du lanceur d’alerte en l’exposant
plus facilement aux représailles (Ogien et Laugier, 2010).
L’acteur salarié qui « souffle dans le sifflet» subit le plus souvent des représailles. Si
celles-ci s’expriment le plus souvent sous forme de licenciement, de pressions pour
démissionner, de refus de promotion, d’éviction de certaines missions, ou encore de mise à
l’écart, Beard (2007 : 34) remarque que la « créativité » en matière de représailles s’étend à
bien d’autres formes incluant, entre autres, la menace, le harcèlement, les réprimandes, la
surveillance, l’inscription sur des « listes noires ». Les réticences portent tout autant sur les
représailles des supérieurs que sur l’opprobre exprimé par les pairs envers le « dénonciateur ».
Rappelons que l’étude conduite par Dyck et al. (2007) met en évidence les pratiques
répréhensibles déployées contre les acteurs salariés lanceurs d’alerte : 82 % des lanceurs
d’alerte, non anonymes, ont été licenciés ou ont subi une dégradation de leur situation au sein
de leur entreprise, en termes d’ostracisme, d’attaques verbales et parfois physiques. En France
et à titre d’exemple, nous pouvons évoquer le cas de l’auditrice licenciée par son cabinet
d’audit, Salustro Reydel, après avoir dénoncé les fraudes de Vivendi Environnement en 2002
(Liaisons Sociales Magazine, mai 2005 : 48). C’est encore cet employé de banque suisse, qui
a dénoncé des malversations. Outre le licenciement, il a souffert d’autres préjudices financiers
11 En Grande Bretagne (ex. Public Interest Disclosure Act, 1998), aux Etats-Unis (ex. Whistleblower Act, 2007 et
un « patchwork de lois ») différentes mesures légales visent également à protéger le whistleblower de
représailles éventuelles… c’est-à-dire aussi à permettre au whistleblowing de s’exercer afin de représenter une
véritable opportunité de contrôle interne.
12 D’après une citation traduite ici de Ralph Nader et extraite de healthcare financial management, juillet 2003, p
82.
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et moraux. Il a été traité de « traître à sa branche », a assumé seul les frais d’un procès qui a
duré quatre ans et il n’a pas retrouvé d’emploi. (Schwaab, 2009).
Le dilemme du salarié apparait ainsi clairement ; le salarié est pris entre sa liberté
d’alerter et les risques de sanctions qu’il encourt. Aucun usage de l’alerte n’aurait été relevé
en France malgré la mise en place de 1 300 dispositifs (Padova, 2010 : 31). Pourtant, des
témoignages de salariés attestent d’une réalité toute autre… L’engagement, par les
représentants de salariés de recours judiciaires contre l’existence même du dispositif traduit le
rejet philosophique d’un dispositif de délation. Pour les salariés il existe un dilemme entre la
liberté qui leur est potentiellement octroyée et les représailles encourues par celles et ceux qui
expérimentent l’exercice de cette liberté dans l’entreprise.
2. Apparence de liberté et statut de l’alerte professionnelle
La littérature comme l’observation du terrain font émerger deux chemins distincts
susceptibles d’aboutir à la résolution du dilemme posé au salarié. Le premier ressort d’une
volonté du salarié lui-même d’exercer sa liberté par le signalement d’actes frauduleux, en
privilégiant sa loyauté à l’organisation plutôt que l’obéissance à sa hiérarchie. Le second
chemin résulte plutôt d’une démarche de l’organisation qui s’impose au salarié. Alors que de
plus en plus d’organisations revendiquent leur responsabilité sociale, en particulier par le
déploiement de l’alerte professionnelle, ne se défaussent-elles pas ainsi, au moins
partiellement, de leur responsabilité sur les salariés ? Que devient alors le statut de l’alerte
professionnelle ?
2.1. L’obéissance la loyauté en question
La résolution du dilemme par le salarié revient à questionner le devoir d’obéissance
envers la hiérarchie. En effet, l’octroi d’une liberté nouvelle (la possibilité d’alerter) est-elle
une condition suffisante de son exercice ? Telle est la question si l’on veut qualifier l’impact
potentiel du déploiement d’un tel dispositif. Répond-il à un besoin ? Pour qui ? Pour ceux à
qui une liberté nouvelle est accordée ? En réalité, la liberté ne suffit pas pour que le salarié
décide de l’exercer. De même, le formalisme d’un code éthique ou d’une charte demeurent
sans effet quand ils ne sont pas inscrits dans les pratiques. C’est pourquoi la liberté concédée
apparaît-elle factice si elle ignore la situation et les intérêts de celui qui l’exerce. Elle l’est
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encore quand la contrainte hiérarchique domine, notamment en sanctionnant le recours à
l’alerte. Dortier (2008 : 9) marque ainsi une différence entre la « liberté formelle » et la
« liberté concrète », qui se manifeste par l’exercice d’un « pouvoir concret de faire ce que
l’on entend » (ex. contrôler les managers, alerter). Ainsi, le salarié peut-il s’affranchir de son
devoir d’obéissance et se mettre à distance des injonctions et du poids hiérarchiques. En
d’autres termes, le libre arbitre de l’acteur salarié se manifeste lorsqu’il évalue que des
pratiques sont non conformes et décide d’agir. Ce que l’on appelle « liberté » du point de vue
de l’acteur se nomme « désobéissance » du point de vue de la hiérarchie…Tel est l’enjeu,
pour l’acteur, du dilemme ainsi posé. Le salarié désobéissant doit avoir le « courage de se
servir de son propre entendement » (Kant, 1786), c’est-à-dire celui de s’affranchir d’une
soumission qui peut être culturelle ou hiérarchique.
L’obéissance, qui consiste à « modifier son comportement afin de se soumettre aux
ordres d’une autorité légitime » (Allard-Poesi, 2006 : 32), peut aboutir à prendre une
mauvaise décision ou à adopter un comportement non responsable, notamment si le courage
vient à manquer à l’acteur. Comme l’indiquent Kelman et Hamilton (1989), cela s’apparente
alors à un « crime d’obéissance ». Ce crime d’obéissance a pu conduire des acteurs d’Enron à
se conformer aux ordres pour sauvegarder leurs emplois. Friedrichs (2007 : 88) explique la
« débâcle » Enron par une forme de complicité passive des acteurs salariés avec un système
qui privilégiait explicitement la rentabilité au détriment de la responsabilité. En outre, le
système Enron d’évaluation de la performance des salariés, baptisé « rank and yank »
signifiait explicitement que les emplois de ceux qui « échouaient à se conformer aux attentes
du management » étaient en danger. Dans un tel environnement, le respect des règles et la
soumission à l’obéissance peuvent conduire les salariés à abandonner leur esprit critique pour
« utiliser les ordres de l’autorité comme guides de leur action » (Allard Poesi, 2006 : 39).
Cette attitude peut expliquer des dysfonctionnements de l’organisation et notamment ceux qui
concernent « les crimes d’obéissance », c’est-à-dire des actes considérés comme illégaux ou
immoraux et qui sont commis en réponse aux ordres d’une autorité légitime (Beu, Buckley,
2004).
Cependant, la liberté du salarié reste a minima questionnée dans deux registres
enchevêtrés voire contradictoires, celui de la liberté des choix de l’acteur – identifier ou non
les fraudes pour les révéler ou non -, celui de la loyauté à son organisation qui l’incite (en
France) ou l’oblige (aux Etats-Unis) à « souffler dans le sifflet ». Pour le sens commun, la
loyauté est une qualité morale. Elle est la fidélité ou le dévouement envers une cause ou une
personne. Si notre point de vue ici n’est pas orthogonal à ce sens commun, nous utilisons le
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terme loyauté envers l’organisation tel qu’il est défini en droit du travail. La loyauté du salarié
envers l’organisation résulte en effet des termes de l’article 1135 c. civ. et est
intrinsèquement liée à la relation contractuelle entre le salarié et l’employeur. Elle consiste à
ne pas nuire à la réputation ou au bon fonctionnement de la société employeur durant toute la
durée d’exécution du contrat de travail, notamment par des actes de dénigrement ou de
concurrence contraires à l’intérêt de l’entreprise. Il faut noter ici que la violation de cette
obligation de loyauté peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement en droit
français.
Pour notre salarié, l’étau se resserre… L’alerte peut entrer en conflit avec la loyauté
due à l’organisation (Lindblom, 2007 : 413). Aussi, le salarié doit-il alerter pour révéler des
irrégularités comptables ou financières ? Doit-il dénoncer son manager et/ou refuser
d’appliquer ses consignes en passant outre l’autorité hiérarchique qui impose l’obéissance ?
Ou, à l’inverse, est-il préférable qu’il adopte un comportement loyal, c'est-à-dire obéissant, en
apportant par son silence, sa caution à des irrégularités, et nuire ainsi aux intérêts d’autres
catégories d’acteurs ?
Le salarié fait ainsi face à un dilemme. Dans le même temps, l’alerte professionnelle
est une pratique mise en place par des entreprises, dans une logique de conformité à une loi
extra territoriale qui s’impose aux entreprises cotées (Cf. section 1.1 supra). Cette conformité
s’exerce via un véhicule – la charte d’entreprise ou les codes de conduite – dont les contenus
sont déterminés par les entreprises elles-mêmes, en dehors d’un cadre légal existant sur le
sujet. Ceci renforce, selon nous, pour le salarié, le dilemme auquel il fait face puisqu’il ne
peut prendre appui sur un cadre juridique pour décider ou non de lancer une alerte
professionnelle. Pour autant, sa hiérarchie positionne ce dispositif comme étant une pratique
socialement responsable ; alerter pour prévenir des risques et défendre l’intérêt de parties
prenantes.
Le salarié a ainsi le « choix » de parler ou de se taire. S’il alerte (ou souffle dans le sifflet), il
obéit aux injonctions de la charte, laquelle relève le plus souvent de l’expression du pouvoir
unilatéral de l’employeur (pas d’obligation de négocier). Parler peut ainsi être interprété
comme une forme d’obéissance. La charte a un statut quasi-contractuel aujourd’hui dans les
entreprises. Les salariés la signent fréquemment d’ailleurs. Elles leur sont opposables en cas
de conflit et la jurisprudence montre que les juges en France en tiennent compte parfois. La
salarié qui parle obéit à la charte et se montre loyal envers son organisation. Mais la peur des
représailles de la hiérarchie peut l’emporter. Dans ce cas, le salarié va préférer se taire et ne
pas dénoncer les fraudes dont il a connaissance. Se taire revient à obéir à ses peurs, et, ce
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faisant, à « couvrir » fraude et fraudeurs. Ces derniers sont, soit des pairs, soit des supérieurs
hiérarchiques, soit les deux ! Cette complicité passive (pour sauvegarder son emploi souvent)
s’appelle un « crime d’obéissance » (cf supra). L’on comprend bien ici les termes du débat
pour le salarié, termes que nous synthétisons dans le tableau 1 ci-après.
Tableau 1 : LE DILEMME DU SALARIE
Le salarié PARLER SE TAIRE
Obéissance Obéissance à la charte, au
code de conduite…
Loyauté Envers
l’organisation
15
Crime d’obéissance
Envers la hiérarchie
Ce faisant, il nous semble dès lors opportun ici d’interroger la liberté du salarié en
fonction du statut de ce dispositif, qui ne constitue pas un engagement des salariés mais un
engagement de l’entreprise avant tout. Que devient la liberté du salarié lanceur d’alerte dans
un contexte de transfert de la responsabilité de l’organisation vers le salarié ?
2.2. Le transfert de responsabilité et le statut du dispositif d’alerte en question
D’une manière plus générale, la prise en compte des intérêts de parties prenantes place
le recours à l’alerte professionnelle dans le champ de la responsabilité sociale. Le groupe de
travail de l’ISO 26000 13 définit, dans une acception large, la responsabilité sociale et/ou
sociétale comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions
et activités sur la société et sur l’environnement , se traduisant par un comportement éthique
et transparent qui – contribue au développement durable , y compris à la santé et au bien-être
de la société ;- prend en compte les attentes des parties prenantes ;- respecte les lois en
vigueur et qui est en accord avec les normes internationales de comportement ; et qui est
intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations». Cette
définition, reprise dans l’ouvrage de Capron, Quairel-Lanoizelée et Turcotte (2010), s’inscrit
dans ce que les auteurs appellent une conception mondiale de la RSE. En outre, elle constitue,
a posteriori, une justification de la position nouvelle du salarié lanceur d’alerte, en tant que
13 La norme ISO 26 000 est intitulée « lignes directrices relatives à la responsabilité sociale »). Elle a été établie
par un groupe de travail au niveau mondial et approuvée à 93% en novembre 2010. Le Professeur Michel
Capron a été membre de la délégation française aux négociations de l’ISO 26 000, au titre de représentant de la
recherche.

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contrôleur interne dans l’entreprise (Charreire Petit et Surply, 2008a). Dans ce contexte
mondialisé, des entreprises confortent ce rôle de contrôleur interne des salariés en associant
l’obligation de révéler le dysfonctionnement frauduleux à la mise en place de systèmes de
récompense en faveur des salariés lanceurs d’alerte, hors de toute incitation financière (Dick
et al., 2007).
On comprend bien ici comment s’opère, dès lors, le transfert d’une responsabilité
« sociale » de l’entreprise vers la responsabilité individuelle du salarié « contrôleur interne ».
Si cette démarche contribue à exonérer l’entreprise de sa responsabilité, elle est bien
évidemment porteuse de risques que le salarié n’a pas choisi d’assumer. Il lui est d’autant plus
difficile d’engager sa responsabilité « sociale » avec pertinence qu’il n’est souvent pas associé
à la stratégie et/ou que sa position « locale » ne l’autorise pas à appréhender le
dysfonctionnement et ses causalités dans leur globalité. On appréhende mal également, au-
delà ou malgré les injonctions hiérarchiques, les incitations ou les contre parties qui
pourraient inciter le salarié à accepter un rôle qui, potentiellement, le place en difficulté dans
la communauté de travail, dès lors qu’il n’a pas choisi de se poser lui-même en souffleur
d’alerte. Ce tour de « passe-passe des responsabilités » (Le Goff, 2002) n’aboutit pas à
l’exercice de la liberté dans un mouvement délibéré du salarié mais il consiste plutôt à obtenir
sa soumission (Giust-Ollivier, 2006) à un ensemble de normes décidées par l’entreprise.
Ce transfert de responsabilité imposé au salarié interroge le statut du dispositif d’alerte
professionnelle en France. Quels sont les fondements du statut de l’alerte ? Comment
l’entreprise définit-elle un cadre structurant pour faire vivre ce dispositif ?
Il convient ici de se souvenir de l’absence de loi fixant un cadre au principe de l’alerte
professionnelle en France. En effet, le revirement de la CNIL en 2005, qui interdit d’abord et
autorise ensuite la mise en place de dispositifs d’alerte professionnelle, relève aussi de
l’embarras consistant à transposer principe et pratique nés dans un contexte étranger.
Confrontées à une obligation « économique », celle d’attirer les investisseurs, et/ou à celle de
répondre à la pression des maisons mères américaines, des entreprises, en France, les
entreprises acceptent ainsi, à partir de 2006, avec pragmatisme la mise en place de dispositifs
d’alerte professionnelle. Les entreprises confèrent alors à l’alerte professionnelle, le plus
souvent, un statut « hybride » qui essaie de combiner une mise en conformité avec le modèle
américain (pour satisfaire l’investisseur) à une recherche de consensus dans l’entreprise (pour
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ménager les relations sociales) sans remettre en cause réellement la place et le rôle de chacun
dans l’organisation. Il semble ainsi que le positionnement de l’alerte professionnelle
apparaisse comme un artefact capable de conférer un potentiel d’acceptabilité à un dispositif
imposé de fait. Plus encore, le transfert de responsabilité vers le salarié, « promu » au rang de
contrôleur interne, vise à créer du consensus et de la légitimité autour d’une pratique qui
suscite, en France notamment, bien des réticences.
Cependant, selon nous, transférer la responsabilité sans y adjoindre les ressources
nécessaires – en termes de pouvoir, d’accès à l’information, de protection contre les
représailles - revient potentiellement à créer des situations contraires à l’objectif recherché. Le
salarié peut reculer devant le poids de la responsabilité et se taire, ou bien accepter les
compromis(sions) et encore se taire. Ce transfert de responsabilité est donc susceptible
d’aboutir à des situations paradoxales et non responsables socialement.
La loi française ne se prononce pas sur les fondements de l’alerte. En adoptant cette
position, elle laisse aux entreprises le choix de dessiner, toujours de manière singulière, le
contour et le périmètre du principe du recours à l’alerte dans les chartes et les codes de
conduite. Aux salariés, immergés au quotidien dans le fonctionnement de l’entreprise, est
conféré le droit (ou le fardeau) de révéler les actes frauduleux, dont ils auraient connaissance
dans l’exercice de leurs missions. Cette capacité de révéler relève t-elle une liberté nouvelle
pour les salariés ? Oui, dans la mesure où le salarié exerce son libre arbitre pour décider de se
taire ou de parler. Mais elle est, selon nous, confisquée dès lors que l’exercice du libre arbitre
est affecté par la crainte de représailles. Le salarié est-il encore libre s’il a le choix entre la
possibilité de se taire et, éventuellement, de se sentir complice de fraude et l’opportunité de
parler et de s’exposer à des représailles ? Elle est encore confisquée, alors que la liberté du
salarié semble instrumentalisée pour servir des intérêts qui sont rarement les siens et plus
souvent ceux des actionnaires. Plus encore, le transfert de responsabilité fait passer, en
France, le recours à l’alerte professionnelle, d’un droit à une obligation ! La liberté du salarié
est alors supprimée puisque le salarié n’agit plus selon son libre arbitre, mais sous la
contrainte posée par la soumission à une norme de l’entreprise (Cf. tableau 2).
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Tableau 2 : LE STATUT DE L’ALERTE A TRAVERS LE PRISME DE LA LIBERTE DU SALARIE
La nature du
dilemme
Parler :
Obéir à la
charte
Etre loyal
envers
l’organisation
… et prendre le
risque de représailles
La liberté du salarié Comme un risque
assumé par le salarié
18
Se taire :
Commettre un « crime d’obéissance »
Etre « loyal » envers la hiérarchie
…et être complice de fraude
Comme une capacité confisquée par
l’entreprise
Le statut de l’alerte Un droit nouveau Une apparence de droit
Conclusions et discussion
Dans cet article, nous portons un regard critique sur les effets du déploiement d’un
dispositif d’alerte professionnelle sur la liberté de l’acteur salarié. L’alerte professionnelle est
un levier pour parvenir à un objectif de moralisation et de sécurisation des relations avec
d’autres parties prenantes que les salariés, notamment avec les actionnaires. La qualité des
ressources détenues par les salariés, c’est-à-dire, leur accès à l’information, tout comme
l’asymétrie d’information à leur avantage ou encore l’opportunité de la fraude et son impact
sur le fonctionnement de l’entreprise, dessinent, au moins partiellement, les modèles de
liberté appliqués dans l’entreprise. Cet article répond à une question jusque là non étudiée :
comment le déploiement de l’alerte professionnelle affecte t-il la liberté de l’acteur salarié ?
Nous mettons en évidence l’existence d’un dilemme, parler ou se taire, qui met en
tension les principes libérateurs de l’alerte et les pratiques, sources de nouvelles contraintes.
Nous montrons ensuite que le mode de résolution du dilemme, qu’il s’agisse d’une démarche
volontaire du salarié ou d’une solution imposée par l’organisation via un transfert de
responsabilité, conduit à s’interroger sur le statut même du dispositif d’alerte professionnelle.
Le dilemme du salarié, « parler ou se taire » est inscrit dans le paradoxe créé par l’existence
conjointe d’un contrat de travail et d’un dispositif d’alerte professionnelle, intégré à une
charte ou à un code de conduite, et décidé puis mis en place dans l’entreprise. En effet, d’une
part, le salarié est légalement subordonné à l’employeur. Ceci signifie qu’il doit obéissance et

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loyauté à la hiérarchie. D’autre part, le dispositif d’alerte professionnelle, dispositif singulier
élaboré par l’entreprise, lui confère le droit (en France) de révéler les actes frauduleux dont il
aurait connaissance dans l’exercice de ses missions. Exercer le recours à l’alerte peut alors
conduire à désobéir à la hiérarchie, à obéir à la charte, à être déloyal envers la hiérarchie et
loyal envers l’organisation et/ou envers une partie au moins des parties prenantes (le plus
souvent les investisseurs).
Le dilemme est donc consubstantiel à l’empilage de deux sources d’obligations qui
sont imposées au salarié : obligation légale issue du contrat de travail, obligation « éthique »
induite par le dispositif d’alerte professionnelle. En effet, la loi (le code du travail, la hard
law) et la norme (la charte ou le code de conduite, la soft law) ne relèvent pas des mêmes
visions du monde, des mêmes logiques. In fine, la liberté du salarié est celle qui consiste à
faire le choix d’une logique dans la résolution du dilemme (cf 2.1.). C’est en ce sens qu’il
exerce, non sans risque, son libre arbitre. Pour autant, de manière formelle ou informelle, une
responsabilité est transférée au salarié, qu’il n’a pas choisi d’assumer et pour laquelle il risque
fort de supporter des représailles.
En ce sens, sa liberté, dans tous les cas, est aliénée, car selon les mots de Lacordaire
(1848) « Entre le fort et le faible, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et
la loi qui libère » (52e conférence de Notre-Dame). Un dispositif « de circonstance » -pour
satisfaire les investisseurs- dans un code de conduite est insuffisant pour insuffler une
nouvelle manière de considérer la place des salariés dans l’entreprise, au moins dans un temps
court. En effet, ne nous y trompons pas, la finalité de l’alerte n’est pas d’accorder, d’une
manière globale, davantage d’espace aux points de vue des acteurs salariés. Il s’agit plutôt de
circonscrire leur raison d’agir « sans être déterminé par rien » aux situations qui améliorent la
satisfaction des actionnaires. L’exercice de la liberté semble bien alors ne pouvoir être effectif
qu’avec des garanties qui exonèrent des incertitudes liées à la rédaction d’une charte ou d’un
code de conduite, à ses interprétations, à l’appréciation du management.
Dans la pratique, le dilemme conduit à « enfermer » le salarié dans un paradoxe. En
effet, le plus souvent, l’acteur salarié est dans l’impossibilité de choisir entre deux logiques
contradictoires. La conséquence est alors un renoncement ou une fuite. L’acteur salarié se
soumet ou se démet, décide de ne rien dire, de ne rien faire pour révéler la fraude ou encore il
quitte l’organisation. En France, des projets d’aménagement du dispositif sont porteurs de
points de vue et de propositions qui contribueraient à sortir de cet enfermement. Ainsi, le
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rapport Antonmattéi-Vivien 14 propose-t-il d’intégrer l’alerte à un « grand système de
remontée des risques » c’est-à-dire de la banaliser en lui ôtant son caractère discriminatoire
pour le lanceur d’alerte. Pour les confédérations syndicales, il est aussi question d’accorder
légalement aux acteurs salariés un droit qui consisterait à refuser l’application de consignes
contraires à l’éthique (Charreire Petit et Surply, 2008b).
Comme les autres outils de gestion, les dispositifs d’alerte tendent à orienter l’action
en conformité avec la logique de rationalisation de l’action, la « vision des hommes et des
choses » (Rojot, 2003 : 17). Nous pouvons dès lors discuter de l’alerte professionnelle en tant
que pratique qui contribue à façonner les représentations et donc les comportements et les
décisions. Nous soutenons ici que l’alerte professionnelle, telle qu’elle est déployée en
France, n’a pas le caractère d’une nouvelle liberté conférée au salarié et ne saurait donc avoir
le statut d’un droit nouveau. C’est plutôt l’apparence d’un droit nouveau qui domine, tant les
contraintes liées au transfert de responsabilité, mais aussi aux risques de représailles, pèsent
sur le libre arbitre du salarié. Ainsi, cette partie prenante, « nombreuse et informée »
(Antonmattéi et Vivien, 2007), apparaît-elle finalement, comme la partie faible d’un système
de contrôle interne. Le déploiement dans les organisations de dispositifs de type alerte
professionnelle ou codes de conduite produit ainsi un effet pervers ; il renforce les modèles de
pouvoir dominants en place (hiérarchie, actionnaire), alors même qu’ils soutiennent
théoriquement (réthoriquement du moins !) une logique de ré équilibrage de ces pouvoirs
entre les parties prenantes (Vercher, Palpacuer, Charreire Petit, 2011).
En outre, la « moralisation » des pratiques dont l’alerte professionnelle est porteuse
interroge sur le caractère socialement responsable du dispositif. Pour autant, il est très délicat
d’établir une frontière nette et étanche entre ce qui serait et ne serait pas un comportement
socialement responsable. L’alerte professionnelle est-elle ou non une pratique socialement
responsable ? En prenant l’organisation comme niveau d’analyse, Véry et Monnet (2008)
montrent bien que les mondes des affaires et du crime organisé sont de plus en plus encastrés.
En conséquence, la frontière peut être ténue entre la légalité et l’illégalité d’une action. Face à
cela, l’acteur salarié est confronté au caractère très relatif de ce qu’il est légitime de dénoncer
et de ce qui ne l’est pas. Selon nous, c’est moins la qualification de la pratique dans le registre
du « socialement responsable » qui compte que le statut managérial que l’on donnerait à ladite
14 Il s’agit du rapport intitulé « Chartes d’éthique, alerte professionnelle et droit du travail français : état des
lieux et perspectives » réalisé par P.H. Antonmattei (Professeur de droit) et par P. Vivien (Directeur des
Ressources Humaines du groupe Areva), en janvier 2007, à la demande du gouvernement français.
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pratique. De la même manière, l’attitude collective face aux dysfonctionnements et les
réponses qu’en donneraient les dirigeants seraient sans aucun doute structurantes d’une
démarche dite socialement responsable. Encore faut-il que cette démarche ne soit pas mise en
avant de façon « Canada Dry 15 », avec le goût et la couleur d’une responsabilité accrue de
l’entreprise envers la société. Ainsi, le rapport RSE du groupe Orange (2009) expose-t-il deux
points concernant les dispositifs de contrôle « au titre de la loi Sarbanes Oxley ». Le premier
point souligne que la détection des cas de fraude est de la responsabilité du management. Le
second point prévoit « un module destiné à prévenir les risques de fraude au niveau du
management » lui-même. Contrôleur ET contrôlé ! Voilà ici une autre expression liée du
dilemme analysé dans cet article. Plus largement, cela pose indirectement la question du
conflit d’intérêt dans nos sociétés. Nous notons en outre, à l’instar de Postel et al., (2009 :
147-159), que les salariés sont considérés comme « les parents pauvres de la responsabilité
sociale de l’entreprise ». Nous pensons ainsi qu’une attention soutenue devrait être portée à
ces interrogations, dans des recherches empiriques futures, fondées sur une ou des études de
cas.
Le déploiement de l’alerte professionnelle, en France, est encore émergent, voire
embryonnaire dans certaines entreprises. Les possibilités seraient donc théoriquement encore
offertes, pour l’ensemble des parties prenantes, d’échanger, d’interagir afin de dessiner des
dispositifs socialement responsables. Actuellement, en France, l’alerte professionnelle, donne
lieu à des pratiques très hétérogènes, d’autant plus que l’absence de cadre législatif laisse aux
entreprises l’appréciation des dysfonctionnements qui doivent –ou ne doivent pas- être
dénoncés (Mauduit, 2008). Cependant, les observateurs remarquent partout dans le monde
une multiplication des dénonciations en entreprise. Ainsi, The Network, compagnie
américaine qui met en place des systèmes de Whistleblowing, constate-t-elle une
augmentation des dénonciations par des salariés pour fraude de l’ordre de 21 % au premier
trimestre 2009 (Le Monde, 12 mai 2009). L’analyse de cette situation est encore difficile à
réaliser. Cependant, au moins aux Etats-Unis, il semblerait que la recrudescence des alertes ne
marque pas seulement une augmentation des fraudes mais à la fois une compétence accrue des
salariés à évaluer une situation et leur prise de responsabilité dans l’exercice de leur libre
arbitre. En outre, la détention d’information peut aussi être utilisée comme une « arme »,
selon l’expression de Bourion (2008). En effet, l’information dont disposent les salariés est
une ressource qui leur confère du pouvoir sur les autres parties prenantes, en particulier sur les
15 Marque américaine de Soda bien connue dont le slogan publicitaire était, dans les années 80, « Ça ressemble à
l’alcool, c’est doré comme l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool »
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dirigeants. L’utilisation de l’information, conduisant à la dénonciation, s’inscrit dans un
comportement socialement responsable si elle contribue à protéger les parties prenantes des
effets négatifs –sur la réputation, sur l’emploi- de malversations. Cependant, l’utilisation de
l’information peut aussi s’écarter d’une démarche RSE, si elle aboutit au déploiement de
« l’ère du soupçon, de la dénonciation et de l’affrontement informationnel » (François, 2007).
Une recherche empirique future pourrait consister en l’analyse de quelques histoires
emblématiques (storry telling) de lanceur d’alertes. Si la difficulté d’échantillonnage parvenait
à être surmontée (ils ne sont pas facile à identifier), à n’en pas douter, une telle investigation
permettrait d’aller plus loin sur la compréhension des ressorts de la décision ou non d’alerter.
De manière complémentaire, une investigation empirique auprès de DRH cette fois, pourrait
éclairer la manière avec laquelle les entreprises traitent leur propre dilemme face à ce
dispositif : une logique « compliance » ou conformité vis-à-vis de la norme qui s’imposent
aux entreprises cotées et globalisées versus une logique plus émancipatrice … A propos de la
loi Sarbanes Oxley, Steve Odlan, PDG de la société Office Dépôt, rappelait, en 2006, la
phrase de Jean-Jacques Rousseau (1762 : 487) « les bonnes lois en font faire de meilleures,
les mauvaises en amènent de pires ». Il pourrait en être de même pour les dispositifs
d’alerte…
Références
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Antonmattei, Paul Henri et Vivien, Philippe. 2007. « Chartes d’éthique, alerte professionnelle
et droit du travail français : état des lieux et perspectives », rapport au ministre délégué à
l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, janvier
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Bourion, Christian. 2008. « La responsabilité sociale des entreprises comme moyen de
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Article accepté en juin 2011 par la revue Economies et Societés – forthcoming en juin 2012.
Annexe 1
Principales données secondaires en appui de cet article
- Discours de M. Oxley (conférence IFA, janvier 2008)
- Manifestes syndicaux (Période 2007 à 2010).
- Rapport Antonmattéi / Vivien (avril 2007)
- Rapports OCDE disponibles en ligne
- Rapport du TUAC (Trade Union Advisory Committee) (2004) disponible en ligne
“La révision des principes OCDE de gouvernement d’entreprise : une évaluation
du secrétariat du TUAC, Paris : TUAC.
www.tuac.org/fr/public/edocs/00/00/01/0B/document_doc.phtml
- Rapport Y.Medina présenté à l’Institut Français des Administrateurs (en octobre
2007)
- Etudes réalisées à la demande des confédérations syndicales et consultées dans les
confédérations (FO, CFE- CGC, CGT, CFDT...)
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