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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

s’interroge sur sa nocivité sociale 1 : « Ah! je me demande souvent,<br />

malgré toute mon admiration pour la splendeur de son<br />

verbe 2 , si Victor Hugo ne fut point un grand Crime social?<br />

N’est-il pas, à lui seul, toute la poésie? N’a-t-il pas gravé tous nos<br />

préjugés, toutes nos routines, toutes nos superstitions, toutes nos<br />

erreurs, toutes nos sottises, dans le marbre indestructible de ses<br />

vers? » Le génie indéniable et l’admirable verbe sonore <strong>du</strong> poète<br />

ne feraient-ils donc que cacher le vide de la pensée et le conformisme<br />

de l’être?<br />

Quant à Balzac, ce qui l’intéresse le plus chez lui, ce n’est pas<br />

sa gigantesque œuvre romanesque, « œuvre de critique sociale<br />

pessimiste » et de « divination universelle », qu’il admire sans<br />

réserves 3 , certes, mais à laquelle il tourne le dos quand il s’agit de<br />

créer son œuvre personnelle. C’est au contraire la personnalité<br />

de l’écrivain, y compris ses naïvetés, ses faiblesses, ses vices, ses<br />

illusions, ses indélicatesses, sa « jactance énorme », et plus particulièrement<br />

le lamentable et mortel fiasco de son mariage avec<br />

M me Hanska, à travers le récit <strong>du</strong>quel on entend comme un écho<br />

de l’enfer conjugal où se débat depuis vingt ans le romancierchauffeur<br />

4 . C’est cet enfer qui lui inspire des aphorismes témoignant<br />

de son pessimisme résigné, par exemple : « Les années<br />

qu’on a vécues paraissent, à distance, de plus en plus belles à<br />

mesure qu’en nous s’affaiblit avec l’expérience, et s’éteint avec<br />

l’illusion, la faculté d’espérer le bonheur. »<br />

Comique, amer & grinçant<br />

Cette démystification systématique et émancipatrice est en<br />

effet imprégnée d’une pensée lucide et radicalement pessimiste.<br />

1. Voir l’article de Pierre Michel, « Victor Hugo vu par <strong>Octave</strong> <strong>Mirbeau</strong> », Revue<br />

de philologie, Actes <strong>du</strong> colloque Victor Hugo, Université de Belgrade, octobre 2002,<br />

pp. 37-45.<br />

2. <strong>Mirbeau</strong> lui a consacré une flamboyante chronique nécrologique dans <strong>La</strong><br />

France <strong>du</strong> 24 mai 1885.<br />

3. « […] si belle qu’elle soit, son œuvre est peut-être ce qui nous intéresse le<br />

moins en lui », déclare <strong>Mirbeau</strong>-narrateur, non sans provocation.<br />

4. Voir la postface, par Pierre Michel et Jean-François Nivet, de notre édition de<br />

<strong>La</strong> Mort de Balzac, parue aux <strong>Éditions</strong> <strong>du</strong> Lérot en 1989 et rééditée en 1999 aux <strong>Éditions</strong><br />

<strong>du</strong> Félin-Arte. Voir aussi la biographie, par Pierre Michel, d’Alice Regnault,<br />

épouse <strong>Mirbeau</strong>, À l’Écart, Reims, 1994.<br />

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