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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

et de les exprimer telles qu’elles lui apparaissent, dans leur<br />

essence même, à un moment donné 1 ; il les rend telles que son<br />

« tempérament » unique les a transfigurées, sous le double effet<br />

de la vitesse et de ses humeurs changeantes au gré des vents :<br />

c’est ce que Jacques Noiray 2 appelle « <strong>du</strong> lyrisme cosmique ».<br />

Dès lors, par une pente insensible, il semble bien qu’on soit passé<br />

de l’impressionnisme classique de ses premiers romans à ce qui<br />

ressemble fort à de l’expressionnisme. Et la révolution <strong>du</strong> regard,<br />

propre aux impressionnistes, se double ici d’une révolution de<br />

l’être lui-même, en proie à ce que <strong>Mirbeau</strong> — et, après lui,<br />

Claude Pichois 3 — appelle une « volupté cosmique » : « […]<br />

peu à peu, j’ai conscience que je suis moi-même un peu de cet<br />

espace, un peu de ce vertige… Orgueilleusement, joyeusement,<br />

je sens que je suis une parcelle animée de cette eau, de cet air,<br />

une particule de cette force motrice qui fait battre tous les<br />

organes, tendre et détendre tous les ressorts, tourner tous les<br />

rouages de cette inconcevable usine : l’univers 4 … Oui, je sens<br />

que je suis, pour tout dire d’un mot formidable : un atome… un<br />

atome en travail de vie. » 5<br />

1. Sur l’analyse de l’impressionnisme par <strong>Mirbeau</strong>, voir la préface de ses Combats<br />

esthétiques (loc. cit.), ainsi que les articles sur Monet qui y sont recueillis. Pour le critique,<br />

c’est à travers les apparences que des peintres comme Monet ou Cézanne permettent<br />

de dégager l’essence des choses.<br />

2. Voir Jacques Noiray, Le Romancier et la Machine, José Corti, Paris, 1981-1982<br />

(t. I, p. 77 et t. II, p. 389).<br />

3. Voir Claude Pichois, Vitesse et vision <strong>du</strong> monde, <strong>La</strong> Baconnière, Neuchâtel,<br />

1973 (surtout pp. 82-84, 89 et 93-94).<br />

4. Dans Dans le ciel, l’univers était assimilé à un « crime ». Mais dans les deux cas,<br />

c’est « inconcevable », car, pour <strong>Mirbeau</strong>, totalement et irré<strong>du</strong>ctiblement athée, il n’y<br />

a, bien sûr, ni criminel, ni in<strong>du</strong>striel.<br />

5. Il explique ainsi son amour pour l’auto : « Le goût que j’ai pour l’auto, sœur<br />

moins gentille et plus savante de la barque, pour le patin, pour la balançoire, pour les<br />

ballons, pour la fièvre aussi quelquefois, pour tout ce qui m’élève et m’emporte, très<br />

vite, ailleurs, plus loin, plus haut, toujours plus haut et toujours plus loin, au-delà de<br />

moi-même, tous ces goûts-là sont étroitement parents… Ils ont leur commune origine<br />

dans cet instinct, refréné par notre civilisation, qui nous pousse à participer aux<br />

rythmes de toute la vie, de la vie libre, ardente, et vague, vague, hélas! comme nos<br />

désirs et nos destinées… »<br />

6

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