10.06.2013 Views

EDT Confessions, livre 1, p. 20-21 de « Je sens en écrivant ceci … à ...

EDT Confessions, livre 1, p. 20-21 de « Je sens en écrivant ceci … à ...

EDT Confessions, livre 1, p. 20-21 de « Je sens en écrivant ceci … à ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Agrégation Rousseau <strong>20</strong>13 – Université <strong>de</strong> Rou<strong>en</strong> (cours <strong>de</strong> L. Macé)<br />

4) De ‘L<strong>à</strong> fut le terme’ (l.23) <strong>à</strong> ‘s’arrête l<strong>à</strong>’ (l.25) : la rupture et l’exil hors <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>fance<br />

La problématique <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> interrogera comm<strong>en</strong>t, <strong>à</strong> ce mom<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal du texte<br />

qui consacre la rupture et l’exil hors <strong>de</strong> l’innoc<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>fance, JJ éclaire paradoxalem<strong>en</strong>t par<br />

l’origine la haine <strong>de</strong> l’injustice qui fon<strong>de</strong> son anthropologie et montre que c’est précisém<strong>en</strong>t<br />

dans le ressouv<strong>en</strong>ir et l’écriture <strong>de</strong> ce premier s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’injustice que l’expéri<strong>en</strong>ce singulière<br />

trouve sa valeur universelle.<br />

Explication<br />

Par contraste avec l’indignation partagée <strong>de</strong> la fin du paragraphe précé<strong>de</strong>nt, la première phrase<br />

s’ouvre le pronom personnel <strong>de</strong> la 1 ère personne ‘je’ dont on peut remarquer d’emblée qu’il sature<br />

tout l’espace <strong>de</strong> la courte phrase : il apparaît 2 fois sous cette forme sujet mais aussi sous celle du<br />

pronom objet (me), auxquels on peut ajouter l’adjectif possessif (mon). L’affirmation première<br />

dans cet extrait fondateur <strong>de</strong> la personnalité, voire <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité rousseauiste est celle du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

(je <strong>s<strong>en</strong>s</strong>), s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t exprimé dans le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’énonciation qui apparaît souligné <strong>de</strong> manière<br />

quasi pléonastique puisque la valeur d’énonciation/d’actualité du prés<strong>en</strong>t (je <strong>s<strong>en</strong>s</strong>) se trouve<br />

reprise par la tournure participiale gérondive (‘<strong>en</strong> <strong>écrivant</strong> <strong>ceci</strong>’, participiale nullem<strong>en</strong>t inci<strong>de</strong>nte<br />

mais dont on va voir qu’elle est au cœur <strong>de</strong> la problématique du texte). On peut observer que<br />

l’incipit du paragraphe constitue une sorte <strong>de</strong> réécriture du second paragraphe du préambule<br />

définitif étudié par G. Cousin (je <strong>s<strong>en</strong>s</strong> mon cœur) : même construction directe dans l’un et l’autre<br />

passage, quoique la proposition complétive introduise ici une forme <strong>de</strong> distance majeure. Celle-ci<br />

pointe peut-être du doigt la médiation introduite par l’écriture, dont on sait quelle défiance elle<br />

suscite chez Rousseau. En dépit <strong>de</strong> cette distance et <strong>à</strong> travers elle seulem<strong>en</strong>t, la force du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

qui s’apprête <strong>à</strong> s’énoncer (et non <strong>de</strong> la rage précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t retranscrite : R. emploie ‘<strong>ceci</strong>’,<br />

cataphorique et non ‘cela’, anaphorique) cette force l’emporte cep<strong>en</strong>dant comme le montre le<br />

rythme même du premier membre <strong>de</strong> la phrase qui se clôt sur l’adverbe ‘<strong>en</strong>core’. Dans une<br />

possible lecture physiologique, le ‘pouls’ attire l’att<strong>en</strong>tion sur le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la ‘machine’<br />

du corps, sur l’énergie vitale qui marche <strong>de</strong> manière quasi autonome sans que la volonté y ait <strong>de</strong><br />

vraie part ; le ‘pouls’, c’est <strong>en</strong>core le ‘cœur’ du préambule mais plus précisém<strong>en</strong>t ce qui reste du<br />

battem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce cœur, sa trace. Après l’exaltation sur laquelle s’est refermée le paragraphe<br />

précé<strong>de</strong>nt portée par l’indignation latine et le rythme ternaire (Carnifex ! Carnifex ! Carnifex !), ce<br />

début <strong>de</strong> paragraphe qui fait retour au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’énonciation même introduit une forme <strong>de</strong><br />

distance et d’ambival<strong>en</strong>ce : par surcroît d’héroïsme, JJ (et son cousin Bernard) aurait/aurai<strong>en</strong>t pu<br />

mourir mais JJ a survécu (du cousin Bernard, qui importe peu, on ne sait ri<strong>en</strong>) et il interroge ici,<br />

presque étonné, les raisons <strong>de</strong> cette curiosité qui fait qu’il vit <strong>en</strong>core, l’adverbe mis <strong>en</strong> position <strong>de</strong><br />

clausule signifiant <strong>à</strong> la fois tantôt et une nouvelle fois. Ce que JJ va découvrir - c’est toute la<br />

problématique <strong>de</strong> l’extrait - c’est que qui aurait pu / aurait dû le tuer (symboliquem<strong>en</strong>t) et<br />

qu’il i<strong>de</strong>ntifie comme l’une <strong>de</strong>s ruptures dans la formation <strong>de</strong> sa personnalité (et au plan<br />

du texte comme l’un <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts clés du <strong>livre</strong> 1) est précisém<strong>en</strong>t ce qui l’a fondé. Le<br />

traumatisme <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre l’histoire et la fige pour JJ (me signifiant ici ‘<strong>à</strong> moi’, ‘pour moi’) dans un<br />

mom<strong>en</strong>t éternel exprimé <strong>de</strong> manière l<strong>à</strong> <strong>en</strong>core un peu redondante, au futur (‘seront’) et sous une<br />

forme hypothétique et hyperbolique qui conserve un peu <strong>de</strong> la rage excessive <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>fance (‘quand<br />

je vivrais <strong>en</strong>core c<strong>en</strong>t mille ans’ = même si je <strong>de</strong>vais vivre <strong>en</strong>core c<strong>en</strong>t mille ans). L’éclatem<strong>en</strong>t<br />

2

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!